Boisvert et Transformation BFL |
2013 QCCLP 3153 |
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[1] Le 16 avril 2012, monsieur Mario Boisvert (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 26 mars 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 16 janvier 2012. Elle déclare que l’emploi d’aide-général, étable (amener les porcs, convoyeur, runway) constitue un emploi convenable que le travailleur a la capacité d’exercer à compter du 16 janvier 2012. Elle déclare en outre que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur prend fin puisque l’emploi convenable est disponible et que le revenu que le travailleur pourra tirer de cet emploi est équivalent ou supérieur à celui gagné au moment de sa lésion.
[3] Une audience se tient à Trois-Rivières le 5 juillet 2012. Le travailleur est présent et représenté. Transformation B.F.L. (l’employeur) et la CSST qui est intervenue au dossier sont représentés.
[4] La cause n’est mise en délibéré que le 26 avril 2013. L’employeur a en effet demandé la révision pour cause d’une décision de refus de réouverture d’enquête rendue par le soussigné, le 7 septembre 2012. De plus, son représentant n’a pas donné suite à une lettre du tribunal l’invitant à lui faire savoir, avant le 26 avril 2013, si l’argumentation produite le 9 avril 2013 était complète.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5]
Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’emploi d’aide générale, étable,
déterminé le 16 janvier 2012, n’est pas un emploi convenable au sens
de l’article
LES FAITS
[6] Le travailleur est à l’emploi de l’employeur depuis le 21 janvier 2009. Au moment d’un événement survenu le 11 novembre 2010, il y occupe un emploi d’emballeur de sous-produits à la salle de coupe.
[7] Ce jour-là, alors qu’il est dans l’exécution de ses fonctions, il reçoit une barrière sur la main. Dès lors, il consulte un médecin qui délivre l’attestation médicale requise par la loi. Ce dernier y retient un diagnostic de traumatisme par écrasement de la main droite.
[8] Le 8 décembre 2010, la CSST accepte la réclamation produite par le travailleur.
[9] Le 17 janvier 2011, devant la luxation métacarpophalangienne persistante, le travailleur subit une chirurgie pour immobiliser son troisième doigt. On procède alors à l’installation de broches par anesthésie locale.
[10] Le 29 mai 2011, la chirurgienne Bernier produit le rapport final requis par la loi. Elle estime que la lésion est consolidée et qu’elle entraîne des limitations fonctionnelles et une atteinte permanente à l’intégrité physique.
[11] Dans le rapport d’évaluation médicale qu’elle produit subséquemment à la CSST, elle conclut que le travailleur est porteur d’un déficit anatomo-physiologique de 2 %, pour tenir compte d’une atteinte des tissus mous avec séquelles fonctionnelles.
[12] Elle estime par ailleurs que la lésion entraîne des limitations fonctionnelles. Ainsi, elle indique que le travailleur doit éviter de travailler au froid, doit restreindre les efforts de manipulation répétée d’objets avec sa main droite. Elle suggère la réorientation professionnelle du travailleur.
[13] Le 8 juin 2011, le travailleur rencontre un conseiller en réadaptation de la CSST. Ce dernier explore avec lui sa capacité de retour au travail dans l’emploi qu’il occupait au moment de la survenance de la lésion. Par ailleurs, il lui explique le processus de réadaptation prévu par la loi. Le conseiller en réadaptation explore par ailleurs la possibilité de lui offrir une formation pour qu’il complète son secondaire V par équivalence.
[14] Le 13 juin 2011, la CSST informe le travailleur qu’il a droit à la réadaptation que requiert son état puisque la lésion entraîne un déficit anatomo-physiologique et des limitations fonctionnelles.
[15]
Le 19 octobre 2011, le chirurgien orthopédiste Dionne procède
à l’examen du travailleur à la demande de la CSST, en vertu de l’article
[16] Dans le rapport qu’il produit le 21 octobre 2011 à la suite de cet examen, le docteur Dionne conclut à la présence d’un déficit anatomo-physiologique de 1 % et de limitations fonctionnelles qu’il décrit comme suit :
- Éviter les activités de préhension avec force au niveau du membre supérieur droit de plus de 30 kg de façon répétée;
- Éviter les activités de travail qui demande une stabilisation avec force au niveau du majeur de la main droite;
- Éviter les activités de travail en milieu réfrigéré.
[17] Le 28 novembre 2011, le conseiller en réadaptation de la CSST informe à nouveau le travailleur qu’il a droit à la réadaptation compte tenu du déficit anatomo-physiologique résultant de la lésion.
[18] Le même jour, le conseiller en réadaptation de la CSST écrit ce qui suit à une représentante de l’employeur, relativement aux limitations fonctionnelles résultant de la lésion :
Tel que demandé, voici les limitations fonctionnelles dans le dossier de monsieur Mario Boisvert :
- éviter de travailler au froid;
- restreindre les efforts de manipulation répétée d’objets avec sa main droite.
[19] Le 6 décembre 2011, le conseiller en réadaptation informe le travailleur qu’un ergothérapeute évaluera sa capacité de travail lors d’une visite de son poste de travail, le 12 janvier 2012, et lui demande sa participation à cet effet.
[20] À cette date, l’ergothérapeute Bougie procède à l’évaluation du poste de travail. Dans le rapport qu’il produit à la suite de son évaluation, il écrit notamment ce qui suit :
La personne
Il s’agit d’un homme de 42 ans, droitier, qui travaille comme désosseur pour la firme Lucy Porc. Il y a eu luxation du complexe métacarpo-phalangien du majeur droit. La lésion a été consolidée avec persistance de limitations fonctionnelles. Lors de la rencontre, Monsieur nous démontre en quoi son articulation MP du majeur présente une instabilité. Monsieur nous fait part que son doigt gèle facilement et qu’il n’est pas en mesure de reprendre son emploi antérieur. Par la même occasion, Monsieur nous informe qu’il ne peut travailler dans un milieu où il voit du sang car il a peu de tolérance Et demande de considérer cet aspect dans l’identification d’un éventuel emploi convenable. Il ajoute que s’il ne peut occuper un éventuel emploi convenable retenu par l’employeur, il se trouvera un emploi ailleurs sur le marché du travail. [sic]
[21] D’emblée, l’ergothérapeute conclut que l’emploi prélésionnel du travailleur ne permet pas le respect des limitations fonctionnelles décrites par la chirurgienne Bernier. C’est pourquoi, au cours de cette rencontre, l’employeur identifie trois postes, au niveau de l’étable, susceptibles de respecter les limitations fonctionnelles du travailleur :
- Journalier à la guillotine;
- Journalier au labyrinthe;
- Journalier au run way.
[22] L’ergothérapeute procède alors à l’évaluation de ces postes qu’il décrit dans son rapport. Après analyse, il conclut que les limitations fonctionnelles du travailleur sont respectées dans chacun des trois postes analysés. Il écrit ce qui suit :
En regard des limitations fonctionnelles de M. Boisvert, je retiens que pour les trois postes ciblés, le travail s’effectue à température ambiante contrôlée.
En période hivernale, la température de l’étable peut diminuer en raison des courants d’air lors de l’ouverture des portes au moment de l’arrivage, mais le travailleur peut porter un gant ou une mitaine au besoin. Les changements de température peuvent survenir surtout au niveau de la guillotine. Ainsi le travailleur peut éviter ou n’a pas à travailler au froid. Le travailleur, aux trois postes ciblés, n’a pas à fournir d’efforts de manipulation répétée d’objets avec sa main droite. La personne peut tenir un fouet avec une main ou l’autre, mais n’effectue pas de manipulation d’objets comme telle.
Ainsi je suis d’avis que les emplois de journalier à la guillotine, de journalier au labyrinthe et de journalier au run way, permettent tous de respecter les limitations fonctionnelles de Monsieur Boisvert.
[23] Le 13 janvier 2012, le conseiller en réadaptation de la CSST consigne la note évolutive suivante au dossier de la CSST au regard de la visite du poste de travail effectuée le 12 janvier 2012 :
Étaient présents : Sylvie Laliberté, E
Danick Poulin, coordonnateur santé sécurité
Anne-Marie Lareault, représentante de E
Marguerite Noël, représentant santé sécurité (synd)
Mario Boisvert, T
Claude Bougie, ergo
Pierre Truchon, conseiller en réadaptation
- ASPECT PROFESSIONNEL :
Débuter la visite en expliquant le but de celle-ci, à savoir analyser le poste pré-lésionnel de T. Si celui-ci ne respecte pas les LF de T, analyser d’autres postes proposés par E qui pourraient devenir des EC.
Céder la parole à l’ergo pour qu’il explique les LF, à savoir :
Éviter de travailler au froid;
- Restreindre les efforts de manipulation répétée d’objets avec sa main droite.
Le travail de T est à retirer les os des épaules de porcs dans la salle de coupe. Cette section de l’usine est réfrigérer. Il est donc très clair que la limitation "éviter de travailler au froid" ne peut être respectée. Tous les intervenants s’entendent pour dire que T ne peut donc pas refaire son emploi pré-lésionnel.
E propose alors des postes dans la section abattage et dans la section étable. T mentionne immédiatement avoir peur du sang et ne pas pouvoir travailler dans la section abattage. E veut savoir si un EC à l’abattage respecterait le critère d’emploi approprié pour la CSST. Mentionner à que T a choisi de venir travailler dans un abattage. Il est donc claire qu’il a accepté de voir du sang. De plus, lorsqu’il fut embauché, il a travailler dans la section abattage. C’est seulement par la suite qu’il a appliqué sur un poste à la salle de coupe. Il est donc évident qu’on ne peut rejeté un EC parce que T dit avoir peur du sang. T est conscient que si on dit qu’il peut occuper un emploi à l’abattage, la CSST cessera les versements d’IRR.
E souhaite qu’on analyse plusieurs postes. Si T est capable d’en occuper plusieurs, ça augmente la marge de manœuvre de E. De plus à long terme, T pourra appliquer sur d’autres postes que l’EC défini.
Nous allons donc aller analyser les postes au crochet de tête et au crochet de peau qui sont dans la section abattage. Nous allons également analyser les trois postes à l’étable, soit le "runway", le labyrinthe, et le poste à la guillotine.
La visite de poste à proprement parlé à débuté à 10h30 pour se terminer à 11h35.
Au retour en grand groupe, ergo indique que les deux postes à l’abattage ne respectes pas les LF. Par contre, tous les postes à l’étable respectes les LF. E indique que T le poste de "runway" est disponible. E doit toutefois vérifier s’il y a d’autres personnes plus anciennes qui sont intéressées. Dans le meilleur des cas, T pourrait retourner au travail dès lundi prochain. E nous contactera dès qu’elle aura les informations.
Expliquer que dès que nous recevrons le rapport d’ergo nous en ferons parvenir une copie à T et à E.
Ni E ni T souhaitait nous rencontrer individuellement après la rencontre. [sic]
[24] Le 13 janvier 2012, le conseiller en réadaptation reçoit le rapport de l’ergothérapeute. Il conclut que les postes à l’étable respectent les limitations fonctionnelles du travailleur. Il fait parvenir aux parties le rapport produit par l’ergothérapeute.
[25] Le même jour, l’employeur confirme au conseiller en réadaptation que le travailleur débutera le travail au poste d’aide générale, étable (amener les porcs, convoyeur « runway ») et qu’il en a avisé le travailleur.
[26] Le conseiller en réadaptation indique alors aux notes évolutives du dossier de la CSST qu’il ferme le dossier. Le jour même, il détermine l’emploi convenable en litige et achemine sa décision aux parties, le 16 janvier 2012.
[27] Le 16 janvier 2012, le travailleur communique avec le conseiller en réadaptation et lui laisse un message sur sa boîte vocale.
[28] Le conseiller en réadaptation consigne ce qui suit aux notes évolutives du dossier au regard de cette communication du travailleur :
- ASPECT PROFESSIONNEL :
Appel reçu de T à 10h15 le 16 janvier, laisser message sur BV :
T mentionne qu’il a pensé à son affaire durant toute la fin de semaine. Il est rentrée ce matin travailler et il mentionne qu’il n’est pas capable de travailler à cause de l’odeur d’ammoniac.
Il exige de suivre la formation de son choix et qu’on lui paye une année de recherche d’emploi. Il explique qu’il a payé de la CSST toute sa vie et qu’il a droit à cela!
T mentionne que si on ne fait rien, il ira voir un avocat et ira à l’émission de télévision J.E. [sic]
[29] Le 17 janvier 2012, le conseiller en réadaptation tente de rejoindre le travailleur, mais sans succès. Il consigne la note évolutive suivante au dossier de la CSST :
Veux mieux comprendre la situation et voir si on peut apporter des adaptations. Par exemple, est-ce que T pourrait avoir un masque? [sic]
[30] Le 17 janvier, un représentant de l’employeur communique également avec le conseiller en réadaptation pour l’informer que le travailleur a quitté l’emploi convenable et ne veut pas le faire.
[31] Le 26 janvier 2012, le travailleur conteste, par l’intermédiaire de son représentant, la décision rendue le 16 janvier 2012. Ce dernier écrit ce qui suit :
Selon nos informations et notamment les atteintes permanentes dont souffre notre client et son intolérance à pouvoir travailler dans l’étable, cette décision est manifestement mal fondée en faits et en droit et se doit d’être immédiatement annulée.
[32] Le 27 janvier 2012, une préposée de la CSST consigne aux notes évolutives que le travailleur a contesté la décision rendue le 16 janvier 2012. Elle écrit ce qui suit :
Nous recevons une demande de révision de l’emploi convenable disponible chez l’E. T a déjà fait connaître ses motifs au conseiller, mais pas d’impact sur la nature de la décision. Dossier dirigé à la DRA.
[33] Le 26 mars 2012, le représentant du travailleur achemine une lettre à la CSST pour faire valoir les motifs fondant la contestation du travailleur. Il écrit ce qui suit :
D’abord, il nous semble très curieux que cette décision ait été rendue le 16 janvier 2012 soit à peine 4 jours après la signature de l’évaluation de poste de travail préparée par Claude Bougie, ergothérapeute.
Nous comprenons que la décision est basée uniquement sur cette évaluation écrite qui fait suite à une rencontre à laquelle a participé notre client, l’ergothérapeute Bougie ainsi que vraisemblablement un représentant de l’employeur de monsieur Boisvert.
Nous constatons à la lecture de l’évaluation de l’ergothérapeute que la principale considération sur laquelle il semble s’être concentré est la température ambiante dans le milieu de travail potentiel de monsieur Boisvert sans réellement tenir compte des autres limitations et caractéristiques personnelles de notre client.
Lors de cette rencontre, notre client a clairement dénoncé en
présence de monsieur Bougie et de son employeur, lequel était déjà par ailleurs
au courant de la situation, que monsieur Boisvert est tout à fait incapable de
travailler à l’étable, peu importe le poste, ne pouvant supporter les odeurs ni
le sang. Nulle part ne trouve t-’on une mention de ces verbalisations à
l’intérieur du rapport de monsieur Bougie ce qui à notre avis constitue une
omission extrêmement importante à la lumière de la définition d’emploi
convenable qu’on retrouve à l’article
Nous rappelons, pour le bénéfice du présent dossier, qu’un emploi convenable doit être établi ou considéré à la lumière des capacités résiduelles et qualifications professionnelles du travailleur et dont les conditions d’exercice ne comportent pas de danger pour sa sécurité, sa santé ou son intégrité physique compte tenu de sa lésion.
Non seulement cet emploi doit-il tenir compte des aptitudes physiques mais il doit aussi tenir compte des particularités du travailleur notamment son intolérance à des odeurs d’animaux abattus tout comme son intolérance à travailler dans un milieu imprégné de sang. [sic]
[34] Le 16 avril 2012, la CSST rejette la contestation logée par le travailleur à la suite d’une révision administrative. Relativement aux motifs allégués, la réviseure écrit ce qui suit :
Concernant les conditions incapacitantes mentionnées par le représentant du travailleur, il y a lieu effectivement de se questionner sur ces conditions, mais cependant pour être considérées, il doit s’agir de conditions qui sont effectivement incapacitantes eu égard à la nature des tâches exigées par l’emploi convenable déterminé, qui sont présentes chez le travailleur au moment de la détermination de l’emploi convenable et qui sont clairement établies par preuve médicale ou à tout le moins documentées.
[35] À l’audience, le travailleur indique que lors de son embauche, en janvier 2009, il a occupé un poste dans l’étable. Il travaillait alors à la réception des porcs. Toutefois, dès la fin de la première journée de travail, il a requis un transfert dans un autre poste, en raison des odeurs d’ammoniac qu’il était incapable de supporter. Il indique que son employeur a dès lors acquiescé à sa demande et l’a transféré au département de l’abattage.
[36] Il ajoute qu’il n’a occupé le poste à l’abattage que pendant deux semaines puisqu’il ne pouvait supporter la vue du sang.
[37] Dès lors, il fut transféré à la salle de coupe et a commencé un travail de désossage.
[38] Il affirme qu’il a informé l’ergothérapeute de son incapacité à supporter les odeurs d’ammoniac, mais que celui-ci n’en fait pas état dans son rapport. Il ajoute qu’il a d’ailleurs traité de la question avec une représentante de l’employeur, madame Laliberté.
[39] Il mentionne que sa contestation ne porte pas sur sa capacité physique à exécuter les tâches de l’emploi convenable déterminé, mais porte sur son incapacité à tolérer les odeurs émanant de l’étable.
[40] Il ajoute qu’il a d’ailleurs exprimé clairement au conseiller en réadaptation de la CSST, le 17 janvier 2012, son incapacité à exercer l’emploi déterminé, en raison de son intolérance aux odeurs. Il précise que cette odeur lui occasionne des migraines et des hauts le cœur.
[41] Il indique que lors de la visite de son poste de travail, le 12 janvier 2012, le coordonnateur en santé et sécurité du travail Poulin et la consultante en santé et sécurité, madame Lareau ont éprouvé des malaises en raison de l’odeur d’ammoniac présente sur les lieux du travail.
[42] Il reconnaît avoir éprouvé des troubles d’adaptation avec humeur anxiodépressive de façon contemporaine à la détermination de l’emploi convenable, en raison de problèmes personnels.
[43] Il affirme que les emplois occupés antérieurement chez d’autres employeurs ne mettaient pas en cause des odeurs d’ammoniac puisqu’il travaillait à l’emballage ou que ces odeurs n’y étaient pas présentes.
[44] Contre-interrogé par la procureure de la CSST, le travailleur indique que le 12 janvier 2012, lors de la visite à l’établissement de l’employeur pour évaluer sa capacité de travail, il n’a pas ressenti immédiatement les symptômes liés à la présence d’odeur d’ammoniac. Il affirme que ce n’est qu’à son retour à domicile que ces symptômes se sont manifestés.
[45] Par ailleurs, lors du contre-interrogatoire du travailleur, l’employeur dépose différents documents pour tenter de miner sa crédibilité.
[46] Il produit ainsi une mise à jour du programme de santé spécifique à l’établissement, préparée en janvier 2009[2]. Ce document démontre que le 8 octobre 2008, des mesures prises dans l’étable ont confirmé la présence d’ammoniac, mais à des niveaux inférieurs à 11 ppm alors que la norme est fixée à 25 ppm.
[47] L’employeur produit en outre le formulaire d’embauche rempli par le travailleur le 9 janvier 2009[3]. À la question faites-nous part de tout handicap ou état de santé que vous considérez opportun de signaler, le travailleur déclare « aucun ».
[48] L’employeur produit de plus une demande de prestation d’assurance invalidité produite à l’assureur, en janvier 2012[4], laquelle fait état d’un trouble d’adaptation avec humeur mixte et de dépression majeure. Le médecin y indique que l’arrêt de travail qu’il recommande, à compter du 19 janvier 2012, résulte de difficultés liées à la vie conjugale ou familiale, à des problèmes personnels ou interpersonnels et à des problèmes professionnels.
[49] L’employeur produit par ailleurs un rapport médical daté du 17 avril 2012, émanant de la docteure Jacques[5]. Ce rapport indique, que pour des raisons médicales, le travailleur doit quitter son emploi. Interrogé sur la signification de ce rapport, le travailleur précise qu’il éprouve des migraines en raison des odeurs d’ammoniac émanant de l’étable.
[50] Madame Sylvie Laliberté, directrice des ressources humaines chez l’employeur, a également témoigné.
[51] Elle précise que le résumé fait par le conseiller en réadaptation de la CSST, à l’égard de la rencontre du 12 janvier 2012, est conforme à son déroulement.
[52] Elle affirme que le travailleur n’a pas informé les personnes présentes à cette rencontre de ses problèmes liés à l’odeur d’ammoniac. Elle précise d’ailleurs à cet effet que la concentration d’ammoniac dans l’établissement est inférieure aux normes québécoises.
[53] Elle indique que le produit fabriqué dans l’établissement est exporté au Japon. Il doit répondre aux standards de qualité. Ainsi, la viande ne doit pas sentir l’ammoniac. C’est pourquoi les parcs sont lavés dès que les porcs sont abattus.
[54] Elle indique qu’elle n’a pas eu connaissance de plaintes de la part de travailleurs au regard de la présence d’ammoniac. Elle admet toutefois qu’il y a une odeur soutenue d’ammoniac dans l’établissement puisqu’il s’agit d’une étable.
[55] Le tribunal a par ailleurs requis la production du dossier médical du travailleur pour établir la véracité de son témoignage et évaluer sa crédibilité, au regard de son témoignage portant sur les malaises qu’il éprouve en présence des odeurs d’ammoniac.
[56] Les documents produits après l’audience font état d’une consultation au Centre de santé et services sociaux de la Vallée de la Batiscan, le 19 janvier 2012. Les notes médicales font état d’un trouble d’adaptation avec humeur dépressive et anxiété lié à différents problèmes personnels. La signataire des notes écrit par ailleurs ce qui suit : « Anxiété ++ invalidité main d, va sûrement perdre emploi lundi?, doit contester CSST donc anxiété. Au niveau financier (pas actuellement sur CSST) ».
[57] Par ailleurs, le dossier communiqué fait état de diverses consultations médicales postérieures, dont celle du 17 avril 2012 dans laquelle la médecin rapporte la description donnée par le travailleur de ses symptômes en présence d’odeurs d’ammoniac.
L’AVIS DES MEMBRES
[58]
Conformément à l’article
[59] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la contestation du travailleur devrait être accueillie.
[60] Selon eux, l’emploi convenable déterminé par la CSST ne respecte pas tous les critères prévus à la loi. À leur avis, l’emploi n’est en effet pas approprié à la condition du travailleur.
[61] Ils estiment que la version du travailleur quant à son inconfort lié à ces odeurs d’ammoniac est plausible. Ils retiennent à cet égard que dès la première journée de travail après son embauche, en 2009, le travailleur a requis de changer de poste en raison de son inconfort lié à ces odeurs, ce à quoi l’employeur a acquiescé.
[62] Ils sont d’avis que le travailleur a dénoncé sa condition liée aux odeurs d’ammoniac, de façon contemporaine à la détermination de l’emploi convenable, et que la CSST aurait dès lors dû revoir sa décision pour tenir compte de cet élément.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[63] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’emploi d’aide-générale, étable (amener les porcs, convoyeur « run way ») retenu par la CSST le 16 janvier 2012 est convenable, au sens de la loi.
[64]
L’emploi convenable est défini comme suit, à l’article
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
[65] En vertu de la jurisprudence du tribunal[6], un emploi ne sera convenable que s’il respecte tous les critères prévus à la définition.
[66] En l’espèce, le représentant du travailleur prétend que l’emploi convenable déterminé par la CSST n’était pas approprié. Il ne remet pas en question les autres critères prévus à la définition. Toutefois, eu égard à la présence d’odeurs d’ammoniac dans l’étable qui ont des effets sur le fonctionnement du travailleur, il estime que la décision devrait être annulée.
[67]
Quant au représentant de l’employeur, il prétend que l’emploi déterminé
rencontre tous les critères élaborés dans la définition prévue à l’article
[68] Selon lui l’emploi retenu par la CSST protège le lien d’emploi du travailleur chez l’employeur.
[69] Il estime par ailleurs que l’établissement de l’employeur ne fait pas l’objet d’une surveillance au regard de la présence d’odeurs d’ammoniac, celui-ci respectant d’ailleurs les normes en vigueur à cet égard.
[70] Il prétend que les nausées, migraines, hauts le cœur et céphalées dont fait état le travailleur ne sont pas suffisamment documentés pour être considérés par le tribunal dans son appréciation de l’emploi convenable. Il ajoute que cette condition n’a d’ailleurs jamais été dénoncée par le travailleur au conseiller en réadaptation, ni à la représentante de l’employeur, madame Laliberté, avant que l’emploi ne soit déterminé.
[71] À l’instar de la réviseure de la CSST, il estime que l’intolérance aux odeurs doit être établie par preuve médicale ou à tout le moins être documentée. Selon lui, de façon contemporaine à la détermination de l’emploi convenable, cette preuve était inexistante, les consultations du travailleur à ce moment étant relatives à des problèmes psychologiques liés à une condition personnelle.
[72] Vu ces éléments, il estime que le processus suivi par la CSST est juste et justifié et que la décision rendue doit être confirmée, d’autant plus que l’emploi déterminé s’inscrit dans le plan de carrière du travailleur, qu’il respecte son profil et qu’il est réaliste face aux possibilités et exigences du marché de l’emploi.
[73] Quant à la représentante de la CSST, elle estime que la preuve présentée par le travailleur n’est pas convaincante et suffisante pour amener la Commission des lésions professionnelles à annuler la décision en litige.
[74] Elle fait valoir que le choix du travailleur de travailler dans un abattoir implique nécessairement qu’il ait à subir des odeurs pouvant l’incommoder. Elle ajoute que le travailleur n’a travaillé qu’une seule journée avant d’abandonner l’emploi déterminé. Ce faisant, il n’a pas tenté de s’habituer à l’odeur. Conséquemment, l’essai effectué n’est pas suffisamment important pour justifier l’annulation de la décision, la situation s’apparentant à un prétexte pour la reprise des indemnités de remplacement du revenu.
[75] La notion d’emploi approprié a maintes fois fait l’objet d’analyse par le tribunal. Dans l’affaire Jean-Marie Boivin et Dicom Express inc. et CSST[7], ma collègue Morin se livre à une revue de la jurisprudence sur la question. Elle écrit notamment ce qui suit :
[75] Dans l’affaire Lacasse et Pêcheries Herman Synott inc.6, le tribunal retient que, pour être convenable, l’emploi en cause doit être « approprié » et que ce terme réfère à quelque chose « qui convient, qui est propre, qui est conforme, adapté et adéquat ».
[76] Dans l’affaire Cook Walsh et Groupe Parima inc. et CSST7, le tribunal s’exprime comme suit au sujet de cette caractéristique :
« Un emploi est approprié lorsqu’il convient au travailleur ou à la travailleuse. La détermination de cet emploi est une démarche personnalisée, qui tient compte, dans la mesure du possible, de la réalité de la travailleuse, c’est-à-dire de ses caractéristiques personnelles, des conditions de travail acquises, (ex. : travail de jour, travail de soir) et de sa capacité de gains. »
[77] Dans l’affaire Geoffroy et Gilbert ltée et CSST8, la Commission des lésions professionnelles retient ce qui suit :
[55] […] Le tribunal estime également que l’emploi offert au travailleur n’est pas approprié au sens de l’article 2. En autant que faire se peut, un emploi convenable ne doit pas être déterminé au détriment de la personnalité d’un travailleur. Bien que certaines incompatibilités puissent être tolérées, un emploi qui va carrément à l’encontre d’une caractéristique personnelle importante d’un travailleur ou encore l’absence d’un trait de personnalité important pour un travail donné peuvent donner lieu à la constatation de l’inexistence du caractère convenable d’un emploi donné.
[78] Dans l’affaire Guèvremont et Mil Tracy9, il a été décidé qu’un emploi ne permettant pas à un travailleur de respecter ses croyances religieuses ne constituait pas un emploi approprié.
[79] Il a aussi été reconnu qu’un emploi de serrurier n’était pas approprié pour un travailleur ayant un passé criminel.10
[80] Dans l’affaire Groupe T.B.C. inc. et De Sylva11, l’employeur offrait au travailleur d’occuper un autre emploi dans un de ses établissements situé à Québec alors que celui-ci travaillait à Montréal au moment de la survenance de sa lésion professionnelle. Le tribunal a conclu que l’emploi offert ne permettait pas le respect des limitations fonctionnelles du travailleur, mais aussi qu’il ne s’agissait pas d’un emploi approprié pour lui puisque le déménagement exigé pour l’occuper avait pour conséquence d’affecter sa situation personnelle et familiale.
[81] Le tribunal précise dans cette affaire que chaque
cas est un cas d’espèce qui doit être analysé à la lumière des circonstances
qui lui sont propres, tout en prenant en considération le fait que l’article
[82] Dans l’affaire Société canadienne des postes
et Paquette12, le tribunal retient que le but privilégié par
le législateur en matière de réadaptation professionnelle est celui de
réintégrer le travailleur dans son milieu de travail. Il retient aussi
toutefois que « l’atteinte de cet objectif bien légitime ne doit pas
s’effectuer au détriment de la personnalité ou du contexte familial ou social
du travailleur ». Le tribunal précise à cet égard qu’il retient de la
définition retrouvée à l’article
__________________
6 C.L.P.
7 C.L.P.
8
9
10 Latour et Construction L. Grenier, C.A.L.P. 13864-62-8901, 12 mars 1993, P. Capriolo, requête en révision rejetée, S. Moreau
11 C.A.L.P.
12 C.A.L.P.
[76] Après avoir analysé d’autres décisions dans lesquelles la notion est étudiée, ma collègue Morin conclut comme suit :
[88] La Commission des lésions professionnelles retient
d’une lecture d’ensemble qu’elle fait de ces décisions que la définition
d’emploi convenable retrouvée à l’article
[89] Elle retient également que cette dernière caractéristique vise à tenir compte de diverses réalités individuelles qui ont pour effet de particulariser la situation d’un travailleur et qui ne peuvent être couvertes par les autres caractéristiques servant à qualifier un emploi de « convenable ».
[77] Il résulte de cette revue de la jurisprudence effectuée par ma collègue, que pour être approprié, un emploi convenable doit respecter les caractéristiques personnelles et individuelles d’un travailleur. C’est ce qui permettra à l’emploi d’être adapté et adéquat et de convenir au travailleur.
[78] Ces caractéristiques personnelles et individuelles couvrent une diversité de situations particulières allant des conditions de travail acquises, en passant par les traits de personnalité d’un individu, son contexte familial et social, etc.
[79] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ces situations particulières incluent assurément des caractéristiques telles la peur du sang et l’intolérance à des odeurs, deux conditions alléguées par le travailleur dans le litige l’opposant à la CSST.
[80] Pour que l’emploi retenu soit approprié, la CSST doit donc en tenir compte, dans la mesure où elles sont démontrées de façon prépondérante. Or, la CSST ne l’a pas fait à l’égard de l’intolérance aux odeurs.
[81] Pour les motifs ci-après exposés, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que c’est à tort qu’elle n’a pas tenu compte de cette caractéristique personnelle du travailleur.
[82]
À cet égard, il convient d’abord de préciser que le litige
dont le tribunal est saisi ne concerne pas une question d’ordre médical visée
par l’article
[83] Le litige ne porte en effet que sur le caractère approprié de l’emploi retenu à titre d’emploi convenable. Vu l’objet de la contestation du travailleur, il s’agit de déterminer si l’emploi retenu est approprié à la réalité du travailleur, s’il tient compte de ses caractéristiques personnelles, s’il convient et est adapté à sa condition.
[84] En l’espèce, le tribunal estime que la preuve démontre clairement la présence d’odeurs d’ammoniac dans l’étable. Elle est d’ailleurs prouvée par des tests effectués par le Centre de santé et de services sociaux de Trois-Rivières. En outre, madame Laliberté l’a elle-même admis dans son témoignage. Certes l’employeur respecte les normes règlementaires en vigueur, mais la senteur existe dans l’étable, là où l’emploi convenable est appelé à être exercé.
[85] Or, le travailleur a témoigné ne pas aimer cette odeur et en être affecté. Il dit en effet éprouver des céphalées et des maux de cœur en présence de cette odeur. Il indique en avoir ressenti les effets après la visite du poste de travail, le 12 janvier 2012.
[86] Le tribunal croit la version du travailleur à cet égard. Il retient plus particulièrement sur cette question que lors de son embauche, en 2009, après une seule journée de travail, le travailleur a demandé à changer de poste parce qu’il était incommodé par les odeurs d’ammoniac présentes dans l’étable. L’employeur a alors acquiescé à cette demande. Cette preuve n’est pas contredite.
[87] Le tribunal note en outre que, dès le 16 janvier 2012, après un court essai dans le poste et avant même qu’il ne reçoive la décision qui lui fut acheminée le même jour, le travailleur a dénoncé au conseiller en réadaptation cette caractéristique personnelle particularisant sa situation. Tel que les notes évolutives du dossier de la CSST le démontrent, il a en effet communiqué avec lui pour l’informer, qu’après réflexions effectuées au cours de la fin de semaine et un court essai, il n’était pas capable de faire le travail en raison de l’odeur présente dans l’étable.
[88] En outre, le 17 janvier 2012, il communiquait à nouveau avec le conseiller en réadaptation pour savoir si l’emploi déterminé pouvait être adapté et si le port d’un masque pourrait lui permettre de faire le travail.
[89] De plus, quelques jours plus tard, le 26 janvier 2012, le représentant du travailleur soulève la problématique dans la contestation qu’il dirige à la CSST. Il reprend les mêmes arguments dans sa contestation écrite du 23 mars 2012.
[90] Dans les circonstances, contrairement aux prétentions de l’employeur, le tribunal conclut que les arguments soulevés par le travailleur relativement à sa situation particularisée sont objectivés, crédibles et sérieux. Il ne croit pas qu’ils relèvent d’un prétexte pour qu’il puisse continuer de toucher des indemnités de remplacement du revenu comme le prétend la représentante de la CSST.
[91] La crédibilité qu’accorde le tribunal au témoignage du travailleur portant sur l’intolérance aux odeurs d’ammoniac n’est d’ailleurs pas altérée par le fait qu’il affirme l’avoir dénoncée à l’ergothérapeute et à madame Laliberté, lors de la visite du poste de travail, le 12 janvier 2012. En effet, sur cette question, le tribunal ne retient pas sa version des faits. Il privilégie plutôt le témoignage de madame Laliberté qui a nié ce fait formellement. La version de madame Laliberté est d’ailleurs corroborée par le fait que l’ergothérapeute ne rapporte pas cet élément dans son rapport, pas plus que le conseiller en réadaptation dans ses notes évolutives.
[92] Toutefois, le tribunal note que le processus de détermination de l’emploi convenable chez l’employeur s’est déroulé dans un délai très court. La visite du poste de travail a en effet eu lieu le jeudi 12 janvier et le rapport de l’ergothérapeute fut produit le vendredi13 janvier. Dès lors, le travailleur fut avisé par téléphone que l’emploi convenable était disponible et qu’il devait se présenter le lundi 16 janvier pour l’occuper.
[93] Dans les circonstances, le tribunal estime que la dénonciation par le travailleur, tant au préposé de la CSST qu’à l’employeur[8], le 16 janvier, est si contemporaine à la décision, qu’elle revêt une force probante certaine. Elle survient après que le travailleur eut ressenti les effets de l’odeur d’ammoniac après la visite du poste de travail et une courte période de réflexion au cours de la fin de semaine de même qu’après un essai du poste, le matin de la dénonciation.
[94] Certes, comme le soulève l’employeur, le travailleur n’a pas déclaré cette condition dans son formulaire d’embauche. Toutefois, le tribunal note qu’il ne l’avait pas fait non plus à l’égard de la peur du sang. Or, cela n’a pas empêché l’employeur d’accepter une mutation du travailleur dans un autre emploi, lorsqu’il l’en a informé, et la CSST d’en tenir compte dans sa décision en litige.
[95] Le tribunal est également conscient qu’à l’époque contemporaine, le travailleur a fait l’objet d’un suivi médical pour un trouble d’adaptation avec humeur anxieuse lié, du moins en partie, à des problèmes personnels. Son épouse était en effet décédée quelques semaines auparavant dans un accident d’automobile en compagnie de sa meilleure amie. Le 26 janvier 2012, le médecin du travailleur signait d’ailleurs une déclaration à cet effet, dans le cadre d’une réclamation à un assureur privé pour l’obtention d’indemnités d’assurance.
[96] De l’avis du tribunal cette réalité ne modifie toutefois en rien la question qu’il doit analyser et trancher en l’espèce : l’emploi convenable est-il approprié, eu égard aux caractéristiques personnelles dont le travailleur est porteur?
[97] Or, le tribunal estime que le travailleur a démontré, de façon prépondérante, qu’il est incommodé par les odeurs d’ammoniac présentes dans l’étable, là où il devrait exercer les tâches liées à l’emploi convenable déterminé.
[98] Vu ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime que l’emploi déterminé le 16 janvier 2012 n’est pas approprié et ne constitue ainsi pas un emploi convenable pour le travailleur. Conséquemment, le tribunal conclut que la décision du16 janvier 2012 doit être infirmée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Mario Boisvert, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 26 mars 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi d’aide-général étable (amener les porcs, convoyer « runway ») n’est pas un emploi convenable parce qu’il n’est pas approprié;
DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle détermine un nouvel emploi convenable ;
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Pièce E-1.
[3] Pièce E-2.
[4] Pièce E-3
[5] Voir pièce E-4.
[6] Lajoie et
Système intérieur Laval inc.,
[7] C.L.P.
[8] Voir la note évolutive du 17 janvier 2012, page 10 du dossier. « T aurait dit à E à peu près la même chose que ce qu’il nous a dit. »
AVIS :
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