Toitures Trois Étoiles inc. |
2015 QCCLP 3562 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 18 février 2014, Toitures Trois Étoiles inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 9 janvier 2014 (CLP1).
[2] Par cette décision, CLP1 rejette la requête de l’employeur et déclare que l’imputation du coût des prestations versées au travailleur pour sa lésion professionnelle datée du 5 janvier 2009 demeure inchangée.
[3] L’employeur est représenté lors de l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles le 1er juin 2015. La cause est mise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] L’employeur allègue la présence de vices de fond de nature à réviser la décision rendue.
LES FAITS, L’ARGUMENTATION DE L’EMPLOYEUR ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[5] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la décision rendue par CLP1 contient un vice de fond de nature à l’invalider.
[6] Rappelons au départ les principes qui guident la Commission des lésions professionnelles lors d’une requête en vertu de l’article 429.56 de la Loi.
[7] L’article 429.56 de la Loi lui permet de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.
[8] Cette disposition définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Elle doit être lue en conjugaison avec le troisième alinéa de l’article 429.49 de la Loi qui édicte le caractère final et sans appel des décisions de la Commission des lésions professionnelles :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[10] Le législateur a voulu ainsi assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le Tribunal. Il y a donc lieu d’interpréter ces deux dispositions de façon à respecter les objectifs législatifs.
[11] Comme l’a rappelé la Cour supérieure, dans le cadre des anciens articles 405 et 406 de la Loi mais dont le principe s’applique intégralement aux articles 429.56 et 429.49, les décisions sont finales et sans appel et la Commission des lésions professionnelles ne peut agir comme un tribunal d’appel[2].
[12] En ce qui concerne le « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision », motif qui est soulevé en l’instance, la Commission des lésions professionnelles, s’inspirant des interprétations données par les tribunaux supérieurs et d’autres tribunaux chargés d’appliquer des dispositions similaires, s’est prononcée à plusieurs occasions sur la portée de ce terme peu de temps après son adoption[3].
[13] Il ressort de ces décisions qu’une erreur de fait ou de droit peut constituer un « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » si le requérant démontre que cette erreur est manifeste et qu’elle a un effet déterminant sur la décision rendue. Une erreur manifeste est une erreur flagrante[4].
[14] Le pouvoir de révision ne peut servir de prétexte à la demande d’une nouvelle appréciation de la preuve soumise au premier Tribunal ou à un appel déguisé. Il ne peut également être l’occasion de compléter ou bonifier la preuve ou l’argumentation soumise au Tribunal[5].
[15] La Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur l’interprétation de la notion de vice de fond.
[16] En 2003, dans l’affaire Bourassa[6], elle rappelle la règle applicable en ces termes :
[21] La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.
[22] Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments(4).
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(4) Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villaggi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y. Blais, 2002. P. 113, 127-129.
[17] La Cour d’appel a de nouveau analysé cette notion dans l’affaire CSST c. Fontaine[7] alors qu’elle devait se prononcer sur la norme de contrôle judiciaire applicable à une décision en révision.
[18] Le juge Morissette, après une analyse approfondie, rappelle les propos du juge Fish dans l’arrêt Godin[8] et réitère qu’une décision attaquée pour le motif d’un vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision.
[19] La Cour d’appel réitère cette position quelques semaines plus tard dans l’affaire Touloumi[9]. Enfin, encore tout récemment, la Cour d’appel le rappelle de nouveau. Dans l’affaire A.M. c. Régie de l’assurance-maladie du Québec[10], elle se dit de nouveau d’accord avec les propos tenus dans l’affaire Godin, qu’elle cite en abondance, dans l’affaire Fontaine et dans l’affaire M.L. c. Québec (Procureur général)[11] :
[…]
[48] Dans M.L. c. PGQ24, les juges Duval Hesler et Beauregard, alors majoritaires, se disent d’avis qu’une divergence d’opinions, même sur une question importante, ne constitue pas un vice de fond25, que le recours en révision n’est pas un moyen déguisé de reprendre le même débat à partir des mêmes faits26. Pour le juge Beauregard, une décision entachée d’un vice de fond doit être assimilée à une décision légalement nulle.
[…]
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24 M.L. c. Québec (Procureur général), 2007 QCCA 1143, J.E. 2007-1728 (C.A.).
25 Ibid., paragr. 23.
26 Ibid., paragr. 26
[20] Ainsi, les principes retenus dès 1998 ont été analysés par la Cour d’appel et ils demeurent. Elle invite la Commission des lésions professionnelles en révision à continuer de faire preuve d’une très grande retenue et de ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère. Elle insiste sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative. En d’autres termes, la première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.
[21] Dans le cas qui nous occupe, l’employeur demandait à CLP1 de transférer le coût des prestations au motif qu’il y a eu une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la Loi et qu’ainsi l’imputation doit être faite aux employeurs de toutes les unités en vertu du premier paragraphe de l’article 327 de la Loi.
[22] CLP1 rejette la réclamation.
[23] L’employeur allègue l’absence d’un lien rationnel entre la preuve médicale présentée, notamment le fait que tous les médecins unanimement confirment que l’origine de la fibrose cicatricielle[12] du travailleur découle des soins qu’il a reçus, et le refus d’accorder un partage du coût des prestations.
[24] À ce titre, CLP1 est très bien au fait de cette preuve médicale. Elle la rapporte notamment aux paragraphes 19, 22, 26, 28, 33 et 41 :
[19] Le 9 juin 2009, le travailleur est opéré par le docteur Bouthillier. Au protocole opératoire, le diagnostic préopératoire est celui de hernie discale L4-L5 gauche. Cependant, le diagnostic post-opératoire est celui de pachyméningite L4-L5 gauche. Dans son protocole opératoire, le médecin ne rapporte la présence d’aucune hernie discale L4-L5 gauche. Il mentionne plutôt ce qui suit :
Nous voyons une pachyméningite significative, c’est-à-dire des adhérences entre le sac dural, la racine et les structures avoisinantes. Ceci est probablement dû à une procédure antérieure de type épidurale. […]
[…]
[22] Dans les notes médico-administratives jointes à cette expertise, le docteur Boivin répond à des questions en lien avec l’application possible des articles 31 et 327 considérant les constatations faites au protocole opératoire. Le docteur Boivin répond qu’il est inhabituel qu’une pachyméningite apparaisse à la suite d’une épidurale. Il mentionne le fait que le docteur Bouthillier relie cette pathologie à l’épidurale reçue par le travailleur et non à une hernie discale ou à une autre cause « étant donné qu’il y a eu résorption du fragment discale ». Il ajoute :
[…]
Dans cette foulée, il m’apparaît donc probable que la pachyméningite retrouvée au moment de la chirurgie est associée à une lésion survenue à l’occasion des soins qui ont été donnés en cours d’évolution, donnant ainsi ouverture aux articles 327 et 31 de la LATMP.
[…]
[26] Le 3 février 2010, le docteur Morazain, chirurgien orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, examine le travailleur. Il se prononce sur les cinq sujets de l’article 212 dont le diagnostic. La contusion à la hanche gauche est résolue selon lui. Il retient aussi le diagnostic de hernie discale L4-L5 opérée et ceux de discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1 et de fibrose péri cicatricielle de la gouttière latérale gauche. Il juge que la lésion n’est pas consolidée. Le tribunal note que le docteur Morazain ne mentionne pas avoir pris connaissance du protocole opératoire mais il rapporte néanmoins, dans sa revue du dossier, que le docteur Bouthillier a fait une décompression L4-L5 pour pachyméningite autour de la racine L5 sans procéder à une discoïdectomie. Le docteur Morazain commente également une résonance magnétique subie en novembre 2009 par le travailleur, laquelle confirmait la présence de fibrose péri cicatricielle. Le docteur Morazain associe cette fibrose à la chirurgie subie sans toutefois faire le lien avec le fait qu’elle était déjà présente, cette pachyméningite lors de la chirurgie de juin 2009.
[…]
[28] Le 18 février 2010, le docteur Béland-Vachon, médecin régional de la CSST donne son avis sur une possible relation entre la fibrose cicatricielle et l’événement initial. Elle mentionne que « La fibrose péri cicatricielle est certainement reliée à la chirurgie pour la hernie L4-L5 ». Le tribunal note qu’encore là, le docteur Béland-Vachon ne mentionne pas avoir pris connaissance du protocole opératoire du 9 juin 2009.
[…]
[33] Le tribunal note que le 11 avril 2011, le médecin régional de la CSST répond à une interrogation de l’agent d’indemnisation (interrogation posée concernant la demande de l’employeur relative à l’application de l’article 31 de la loi. Dans cette note, le docteur Béland-Vachon s’exprime ainsi :
Il y a bien une lésion visée par l’article 31 de la loi, soit la pachyméningite post épidurale. L’épidurale a été donnée le 22 avril 2009.
[…]
La période à désimputer débuterait à partir de l’épidurale du 22 avril 2009 jusqu’à la fin du dossier.
[...]
[…]
[41] Selon le docteur Boivin, la hernie discale s’était résorbée comme cela arrive dans 90 % des cas. Ici, on observe plutôt une racine nerveuse qui était prise dans un tissu cicatriciel lequel résulte de l’épidurale qu’a reçu le travailleur en avril 2009. Il a refait l’historique des soins prescrits au travailleur tel que repris précédemment. Le docteur Boivin a réitéré le caractère inhabituel de la pachyméningite retrouvée lors de la première chirurgie subie par le travailleur. Il réitère les mentions faites par le chirurgien voulant que cette fibrose soit le résultat de l’épidurale qu’a reçu le travailleur. Même si cette complication est décrite dans la littérature, elle est plutôt rare. Il est toujours possible qu’à la suite d’une telle infiltration, il y ait des réactions inflammatoires qui causent cette fibrose. Selon lui, cette fibrose ne peut résulter de la hernie qui était observée lors de la tomodensitométrie de janvier 2009. Il partage l’opinion du docteur Bouthillier selon laquelle, cette fibrose découle du traitement reçu par le travailleur soit l’épidurale.
[25] CLP1 n’accorde pas le transfert d’imputation demandé non pas parce qu’elle ne tient pas compte de la preuve médicale, mais pour un motif juridique, à savoir qu’une décision établissant que la fibrose péricicatricielle était en lien avec l’événement initial a été rendue et est devenue finale. On ne peut donc conclure qu’il y a un lien irrationnel entre la décision rendue et la preuve médicale, car celle-ci devient ici, en quelque sorte, secondaire et même non pertinente dans la solution du litige. Soulignons qu’ici, nous sommes face à un litige médico-légal. Autant les faits juridiques que médicaux doivent être pris en compte. Parfois, comme dans le cas présent, ce sont les faits juridiques qui seront davantage pertinents.
[26] L’employeur allègue, comme erreur subséquente, que CLP1 aurait dû s’attarder au contexte global de la décision rendue par la révision administrative le 26 mars 2010 et non simplement prendre en considération son dispositif. Selon ses prétentions, même s’il n’a pas contesté la décision, CLP1 ne pouvait inférer de la conclusion de la décision du 26 mars 2010 que le décideur en révision ne considérait pas qu’il puisse y avoir application de l’article 31 de la Loi. Il soutient que la décision a été rendue avant la décision Canadelle, s.e.c. et Commission de la santé et de la sécurité du travail[13] et que les décideurs n’étaient pas aussi conscients de l’impact de leur décision quant à l’application de l’article 327 de la Loi.
[27] L’employeur soutient qu’en somme CLP1 aurait dû faire une analyse globale de la situation et non faire une application automatique de la décision.
[28] Pour comprendre cet argument, nous reproduirons d’abord ce que CLP1 rapporte sur cette décision et ensuite ce qu’elle retient des prétentions de l’employeur :
[29] Le 22 février 2010, la CSST rend sa décision à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale. Elle déclare ce qui suit :
Les diagnostics en relation avec l’événement du 5 janvier 2009 sont contusion de la hanche gauche, hernie discale L4-L5, discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et fibrose péri cicatricielle de la gouttière latérale gauche. […]
[nos soulignements]
[30] Le 5 mars 2010, l’employeur demande la révision de cette décision.
[31] Le 26 mars 2010, la CSST, à la suite d’une révision administrative, confirme la décision du 22 février 2010. Elle déclare que les diagnostics de discopathie dégénérative L4-L5, L5-S1 et de fibrose péri cicatricielle de la gouttière latérale gauche sont en relation avec l’événement du 5 janvier 2009. Cette décision semble avoir été contestée par l’employeur devant la Commission des lésions professionnelles, cependant ce dernier s’est désisté de sa requête.
[…]
[42] Le procureur de l’employeur a repris les points soulevés par le docteur Boivin. Il est d’avis que même si la CSST a reconnu que le diagnostic de fibrose était relié à la lésion professionnelle, cela n’empêchait pas l’employeur de faire une demande de partage en vertu des articles 31 et 327 de la loi.
[43] Il explique que le fait que la CSST n’ait pas rendu spécifiquement de décision en application de l’article 31 de la loi n’empêche pas la Commission des lésions professionnelles de se prononcer sur un partage du coût des prestations fait par l’employeur en vertu de l’article 327. Il s’appuie en cela sur deux décisions2 rendues par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, tribunal ayant précédé la Commission des lésions professionnelles. Cette position a été également suivie par la Commission des lésions professionnelles depuis.
[44] Le procureur de l’employeur fait état de l’existence à la Commission des lésions professionnelles de deux courants jurisprudentiels relativement à l’application des dispositions de ces articles de la loi lorsque des décisions sont rendues par la CSST reconnaissant la relation entre un nouveau diagnostic et l’événement initial.
[45] Selon le premier courant, le fait que la CSST relie le diagnostic en question à l’événement initial, cela empêche l’employeur de faire une demande de transfert d’imputation en vertu de l’article 327 de la loi, et ce, en raison de la stabilité des décisions rendues. Il a produit certaines décisions3 du tribunal reprenant ce courant.
[46] Par ailleurs, il soumet que selon un autre courant prévalant à la Commission des lésions professionnelles, le fait que la CSST ait rendu une décision reconnaissant la nouvelle lésion en relation avec l’événement initial ne prive pas l’employeur de faire la preuve que cette nouvelle lésion puisse correspondre à une lésion survenue à l’occasion des soins reçus par le travailleur pour sa lésion professionnelle initiale. Ce courant est illustré dans l’affaire Métro Richelieu4 et repris dans plusieurs autres décisions qu’il a déposées5. Le procureur de l’employeur a précisé être au courant qu’une formation de trois juges de la Commission des lésions professionnelles devrait se prononcer sur cette controverse jurisprudentielle. Il soumet toutefois que le présent tribunal peut, en s’appuyant sur les dernières décisions déposées conclure que la fibrose péri cicatricielle ou pachyméningite est une lésion attribuable aux soins reçus par le travailleur pour sa lésion professionnelle du 5 janvier 2009 et ainsi accorder un transfert d’imputation en vertu du premier alinéa de l’article 327 de la loi.
[…]
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2 Industrie manufacturière Mégantic et Roy, C.A.L.P. 50509-05-9304, 16 mai 1995, R. Brassard; Transport Robert inc., C.A.L.P. 66613-62B-9502, 17 septembre 1996, A. Leydet.
3 Centre de santé et de services sociaux du Suroît, C.L.P. 408498-62C-1004, 11 janvier 2011, J. Landry; Équipement de ferme Turgeon ltée, C.L.P. 353555-03B-0807, 14 mai 2009, A. Quigley.
4 C.L.P. 291111-71-0606, 31 janvier 2007, D. Lévesque.
5 Bowater Mitis et C.S.S.T., C.L.P. 311316-01A-0702, 11 février 2008, R. Arseneau; Ross Finlay 2000 inc. , C.L.P. 335565-08-0712, 27 octobre 2008, F. Daigneault; Commission scolaire de la Capitale et C.S.S.T., C.L.P. 339835-31-0802, 4 août 2008, M.-A. Jobidon; Poirier & Fils ltée, C.L.P. 327352-62C-0709, 23 décembre 2008, D. Gruffy; Couche Tard inc., C.L.P. 359591-01A-0809, 30 novembre 2009, R. Arseneau; Transport L.R.L. inc., C.L.P. 344835-08-0804, 12 février 2009, F. Daigneault; Beaulieu Canada Moquette Div., C.L.P. 353585-62B-0807, 4 mars 2010, F. Daigneault; Centre d’Insémination Artificielle du Québec, C.L.P. 364272-62B-0812, 1er juin 2010, F. Daigneault; Laiterie & Boulangerie Parmalat inc., C.L.P. 360381-62B-0810, 11 juin 2010; Fonderie Laroche ltée, C.L.P. 411246-31-1005, 8 décembre 2010, C. Lessard.
[29] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir les prétentions de l’employeur en révision, et ce, pour plusieurs motifs.
[30] Il y a donc ici une décision quant au fait que la fibrose péricicatricielle est en lien avec l’événement du 5 janvier 2009 et l’employeur s’est désisté de sa contestation devant la Commission des lésions professionnelles. La décision est devenue finale et ce fait juridique doit être pris en considération par CLP1. L’ignorer serait une erreur. Le principe de la stabilité des décisions est si fondamental qu’il est inutile ici de l’élaborer davantage.
[31] Par ailleurs, c’est le dispositif de la décision et non ses motifs qui lie CLP1.
[32] Ensuite, on remarque que l’employeur est conscient de sa difficulté et plaide largement sur la question faisant état des différents courants de la jurisprudence.
[33] Or, il ne pouvait demander à CLP1 et, aujourd’hui en révision, de pallier à ce qu’il n’aurait pas dû faire, se désister de sa contestation, d’autant plus que selon l’argumentation, on comprend qu’il était conscient du risque pris.
[34] Ensuite, la réponse faite par CLP1 ne contient aucune erreur et encore moins manifeste et déterminante. Voici comment elle a disposé de la question :
[48] Pour faire droit à la requête de l’employeur, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la fibrose péri cicatricielle constitue une lésion attribuable aux soins reçus par le travailleur pour sa lésion professionnelle.
[49] Le tribunal partage l’opinion du procureur de l’employeur voulant que le fait que la CSST n’ait pas rendu de décision spécifique qualifiant une pathologie de lésion au sens de l’article 31 de la loi, cela n’empêche pas le tribunal de disposer d’une demande de transfert d’imputation faite en vertu de l’article 327 de la loi.
[50] Cependant, cette assertion présuppose qu’aucune décision n’ait été rendue qualifiant la nouvelle pathologie que l’on veut faire reconnaître comme une lésion au sens de cet article 31.
[51] Qu’advient-il lorsque comme en l’espèce, la CSST a rendu une décision reconnaissant la relation entre le nouveau diagnostic de fibrose péri cicatricielle et l’événement initial?
[52] Le tribunal note qu’il y a une distinction à faire entre les situations où la CSST conclut que la nouvelle pathologie est en relation avec l’événement initial de celles où elle reconnaît que la nouvelle pathologie est en relation avec la lésion initiale.
[53] Cette dernière situation n’empêcherait pas l’employeur de faire la preuve que cette nouvelle pathologie puisse être considérée comme une lésion attribuable aux soins reçus pour la lésion professionnelle puisque le fait de reconnaître que la nouvelle pathologie découle de la lésion initiale ne veut pas dire qu’elle ne peut pas être une lésion attribuable aux soins reçus pour la lésion professionnelle initiale.
[54] À cet égard, le tribunal souscrit ainsi aux, propos exprimés dans l’affaire TW Distribution6. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles expose bien clairement les différents courants prévalant en regard de l’application des dispositions de ces articles 31 et 327 de la loi.
[55] Par contre, si la lésion que l’on veut faire reconnaître comme étant une lésion attribuable aux soins a fait l’objet d’une décision explicite reconnaissant cette nouvelle pathologie en lien avec l’événement et que cette décision n’a pas été contestée, cela, de l’avis du tribunal, empêche l’employeur de pouvoir alléguer, dans le cadre d’une demande de transfert, que cette nouvelle pathologie résulte non pas de l’événement, mais bien des soins qu’a reçus le travailleur.
[56] L’employeur soumet plusieurs décisions du tribunal qui permettent, selon lui, de contourner cet obstacle. Le tribunal note que si l’employeur a déposé plusieurs décisions au même effet, il faut souligner que la plupart d’entre elles ont été rendues par le même juge. Il n’est donc pas surprenant que ce dernier partage son propre point de vue.
[57] Le tribunal n’est toutefois pas de cette école. Il partage plutôt la position adoptée dans l’affaire TW Distribution précitée laquelle s’appuyait, entre autres, sur les propos exprimés dans l’affaire Équipement de ferme Turgeon ltée précitée7 mais également sur plusieurs autres décisions du tribunal rendues8 plus récemment.
[58] Le tribunal est d’avis que dès novembre 2009, l’employeur savait que la fibrose péri cicatricielle résultait de l’épidurale reçue par le travailleur et cela selon l’avis de son propre expert. Le docteur Boivin faisait en effet parvenir à l’employeur une note médico-administrative datée du 20 novembre 2009, dans laquelle il concluait en ce sens, indiquant à l’employeur que la pachyméningite soit associée aux soins reçus par le travailleur soit l’épidurale reçue. L’employeur avait même contesté devant le Bureau d’évaluation médicale, à partir de cette expertise du docteur Boivin, le diagnostic posé dans le dossier. Il a également contesté la décision de la CSST rendue à la suite de cet avis du Bureau d’évaluation médicale, laquelle reconnaissait la fibrose en lien avec l’événement initial. Il avait également contesté la décision de la révision administrative rendue le 26 mars 2010, confirmant que la fibrose était en relation avec l’événement. Il s’est toutefois désisté de son recours devant la Commission des lésions professionnelles.
[59] Cependant comme cette décision est devenue finale le 26 mars 2010, le tribunal ne peut, par le biais de la présente demande de transfert d’imputation, déterminer que la fibrose constitue une lésion attribuable aux soins reçus par le travailleur pour sa lésion professionnelle. Cela équivaudrait à remettre en cause la décision déjà rendue et devenue finale.
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6 2013 QCCLP 5249.
7 Précitée, note 3.
8 Pharmacie Jean Coutu 30, C.L.P. 372445-04-0903, 26 février 2010, D. Lajoie; Centre de santé et de services sociaux du Suroît, précitée, note 3; Commission scolaire Pointe de l’Île et Nardolillo, 2011 QCCLP 1597; Daharpro Construction, 2012 QCCLP 23; Dawcolectric inc., 2012 QCCLP 493; Brault et Martineau inc. et C.S.S.T., 2012 QCCLP 6250; Arcelor Mittal Montréal inc. et C.S.S.T., 2012 QCCLP 6868; Coloride inc., 2012 QCCLP 7010.
[35] Ce n’est pas parce que CLP1 n’a pas choisi le courant qu’aurait préféré l’employeur qu’elle a commis une erreur. CLP1 a répondu de manière claire et rationnelle et surtout, conforme au droit. Il n’y a aucun motif permettant de déclarer cette décision illégale comme le prétend l’employeur.
[36] La Commission des lésions professionnelles estime que la présente requête relève davantage d’un appel que d’une demande de révision, pouvoir qu’elle ne possède pas.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Toitures Trois Étoiles inc.
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Pauline Perron |
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Me Laurence Bourgeois-Hatto |
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LANGLOIS, KRONSTRÖM DESJARDINS |
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Représentante de la partie requérante |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais.
[3] Produits forestiers Donahue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783; Hôpital Sacré-Cœur de Montréal et Gagné, C.L.P. 89669-61-9707, 12 janvier 1992, C.-A. Ducharme.
[4] Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729.
[5] Moschin et Communauté Urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860; Lamarre et Day & Ross précitée, note 4; Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P.180; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix, Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, précitée, note 2.
[6] Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).
[7] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[8] Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).
[9] CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. 921 (C.A).
[10] 2014 QCCA 1067.
[11] 2007 QCCA 1143.
[12] Ou pachyméningite.
[13] 2014 QCCLP 6290.
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