Décision

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Groupe CDP inc.

2011 QCCLP 2207

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

Laval

23 mars 2011

 

Région :

Laval

 

Dossier :

422607-61-1010

 

Dossier CSST :

134893767

 

Commissaire :

Philippe Bouvier, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Groupe C.D.P. Inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION

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[1]           Le 27 octobre 2010, le Groupe C.D.P. Inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 octobre 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 juillet 2007 et déclare  que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par monsieur Robert Savoie (le travailleur), le 7 avril 2009, doit être imputé au dossier de l’employeur.

[3]           L’employeur renonce à la tenue d’une audience et transmet au tribunal, le 22 février 2011, une argumentation écrite accompagnée de jurisprudence. La cause a été mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui accorder un transfert des coûts de la lésion professionnelle subie le 7 avril 2009 par le travailleur conformément à l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[5]           De la décision de la CSST du 4 octobre 2010 rendue à la suite d’une révision administrative, l’employeur ne conteste pas la portion de cette décision qui le relève du défaut d’avoir déposé sa demande de transfert d’imputation à l’extérieur du délai prévu à la loi. La contestation de l’employeur ne porte que sur le refus de la CSST de transférer une partie du coût des prestations reliées à l’accident de travail subi par le travailleur le 7 avril 2009.

LA PREUVE

[6]           Superviseur et répartiteur à la livraison pour le compte de l’employeur, le travailleur subit le 7 avril 2009 une lésion professionnelle alors qu’il trébuche dans les pieds d’un chauffeur et qu’il tombe sur son bras gauche. Immédiatement affecté à des travaux légers, le travailleur consulte le 12 mai 2009 le docteur Huard qui retient le diagnostic de tendinopathie traumatique de l’épaule gauche et capsulite adhésive de l’épaule gauche.

[7]           Le 16 juillet 2009, la CSST accepte la lésion professionnelle dont le diagnostic est tendinite de l’épaule gauche. Quelques semaines plus tard, la CSST accepte également, en lien avec la lésion professionnelle du 7 avril 2009, le diagnostic de capsulite de l’épaule gauche.

[8]           La lésion professionnelle du travailleur est consolidée le 5 avril 2010 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Le docteur Gregory Ortaaslan, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, dans un avis du 4 juin 2010, reconnaît un déficit anatomophysiologique de 6,5 % et des limitations fonctionnelles.

[9]           Il appert de la preuve documentaire que le travailleur, malgré ses limitations fonctionnelles, réintègre son emploi prélésionnel de répartiteur à la livraison.

[10]        Au chapitre de la base salariale retenue pour indemniser le travailleur, dans le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement, l’employeur indique qu’au moment de la survenance de la lésion en avril 2009, le travailleur gagne un salaire annuel de 39 091,50 $. En juin 2007, la CSST constate que le travailleur reçoit des indemnités de remplacement du revenu réduites pour un autre dossier CSST puisqu’apparaît un surpayé.

[11]        Dans ce contexte, tel qu’il appert des différents panoramas informatiques retrouvés au dossier, la CSST revoit la base salariale du travailleur pour l’événement du 9 avril 2009 et retient comme base salariale celle établit à l’occasion de la lésion professionnelle antérieure du travailleur subie chez un autre employeur conformément aux dispositions de l’article 73 de la loi.  Ainsi, la nouvelle base salariale du travailleur pour la lésion professionnelle du 9 avril 2009 s’établit à 59 598,38 $.

[12]        Dès le 6 juillet 2010, soit environ un mois après que la CSST ait modifié la base salariale du travailleur, l’employeur dépose une demande de transfert d’imputation en vertu de l’article 326 de la loi.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[13]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur peut bénéficier d’un transfert d’imputation partiel en vertu de l’article 326 de la loi qui édicte ce qui suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[14]        L’employeur soutient que la CSST ne doit imputer à son dossier financier que la partie de l’indemnité de remplacement du revenu correspondant au salaire gagné par le travailleur lorsqu’il subit sa lésion professionnelle du 7 avril 2009 alors qu’il est à son service, soit 39 091,50 $. L’employeur soutient qu’il est inéquitable qu’il supporte la proportion des indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur basée sur un salaire plus élevé que celui réellement gagné lorsque survient sa lésion professionnelle.

[15]         En effet, dans ce dossier, au moment de la survenance de sa lésion professionnelle du 7 avril 2009, le travailleur bénéficie d’indemnités de remplacement du revenu réduites découlant d’une lésion professionnelle antérieure. Dans ce contexte, conformément à l’article 73 de la loi, la CSST détermine que la base salariale du travailleur pour sa lésion professionnelle du 7 avril 2009, est celle revalorisée de sa lésion professionnelle antérieure survenue chez un autre employeur, soit 59 598,38 $ et non pas 39 091,50 $ correspondant salaire gagné par le travailleur au moment de sa lésion professionnelle du 7 avril 2009.

[16]        L’article 73 de la loi énonce :

73.  Le revenu brut d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle alors qu'il reçoit une indemnité de remplacement du revenu est le plus élevé de celui, revalorisé, qui a servi de base au calcul de son indemnité initiale et de celui qu'il tire de son nouvel emploi.

 

L'indemnité de remplacement du revenu que reçoit ce travailleur alors qu'il est victime d'une lésion professionnelle cesse de lui être versée et sa nouvelle indemnité ne peut excéder celle qui est calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur lorsque se manifeste sa nouvelle lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 73.

 

 

[17]        Dans la décision J.M. Bouchard & Fils inc.[2], la Commission des lésions professionnelles explique le but visé par l’article 73 de la loi :

[42]      En procédant de la sorte, le législateur s’assure que le travailleur n’obtient jamais une indemnité inférieure à celle à laquelle il avait droit en raison de la lésion initiale. En même temps, il lui permet de recevoir une indemnité supérieure s’il occupe un emploi plus rémunérateur au moment de sa nouvelle lésion.

 

[43]      L’application de l’article 73 entraîne, dans une certaine mesure, la fusion de l’indemnité de remplacement réduite que le travailleur reçoit déjà et de celle à laquelle il a droit en conséquence de sa nouvelle lésion professionnelle. Nous disons dans une certaine mesure, puisque le salaire gagné par le travailleur dans le cadre de son nouvel emploi ne correspond pas nécessairement à celui de l’emploi convenable déterminé par la CSST.

 

 

[18]        Dans son argumentation écrite, la représentante de l’employeur prétend que l’employeur est obéré injustement puisqu’il doit assumer le coût des prestations déterminées à partir d’une base salariale supérieure à celle du travailleur au moment de la survenance de sa lésion professionnelle du 7 avril 2009 alors qu’il est à son emploi. En somme, elle prétend que l’application de l’article 73 de la loi par la CSST produit une injustice à son égard.

[19]        La Commission des lésions professionnelles ne retient pas cet argument de la représentante de l’employeur. En effet, la jurisprudence du tribunal est claire et constante que l’application conforme de la loi, notamment de l’article 73, ne peut constituer une injustice au sens de l’article 326 alinéa 2 de la loi[3].

[20]        Toutefois, plutôt que de se tourner vers les dispositions d’exception de l’article 326 de la loi, le tribunal, comme le souligne la représentante de l’employeur, considère qu’il faut déterminer si le principe général d’imputation édicté par l’alinéa premier de l’article 326 de la loi est respecté dans le présent dossier. Ce principe est le suivant :

 

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

[…]

 

 

[21]        La règle d’imputation dégagée par le premier alinéa de l’article 326 de la loi est que l’employeur est responsable du coût des prestations attribuables à un accident de travail survenu à un travailleur alors que ce dernier est à son emploi. D’ailleurs comme l’explique le tribunal dans l’affaire J.M. Bouchard & Fils inc.[4], toutes les dispositions en matière d’imputation que ce soit l’accident attribuable à un tiers à l’article 326 alinéa 2 ou encore, les articles 327, 328 et 329 de la loi, visent que les coûts des prestations imputés au dossier d’un employeur correspondent à ceux découlant de la lésion professionnelle survenue alors que le travailleur est à son emploi et non pas à ceux attribuables à une lésion professionnelle survenue chez un autre employeur.

[22]        À cet égard, le tribunal écrit dans l’affaire J.M. Bouchard & Fils inc.[5] :

[54]      Ces dispositions démontrent l’objectif clair et compréhensif du législateur de s’assurer que la CSST impute les coûts en fonction du critère de l’imputabilité réelle. Elles ont aussi pour objectif d'assurer l'équité entre les employeurs.

 

 


[23]        La Commission des lésions professionnelles retient l’approche développée dans d’autres décisions[6] selon laquelle l’employeur ne doit pas assumer le coût des prestations attribuables à une lésion professionnelle survenue chez un autre employeur.

[24]        En conséquence, la Commission des lésions professionnelles considère qu’en vertu du principe général d’imputation édicté par l’alinéa premier de l’article 326 de la loi, l’employeur ne doit être imputé que des seuls coûts attribuables à la lésion professionnelle du travailleur survenue le 7 avril 2009 alors qu’il est à son emploi. Ainsi, seuls les coûts basés sur un revenu brut de 39 091,50 $, soit le salaire annuel du travailleur chez l’employeur, doivent être imputés au dossier financier de l’employeur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du Groupe C.D.P. inc., l’employeur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 octobre 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé des coûts de l’indemnité de remplacement de revenu qui excèdent le revenu brut versé au travailleur lors de la survenance de sa lésion professionnelle du 7 avril 2009, soit 39 091,50 $.

 

 

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Philippe Bouvier

 

 

 

 

Madame Cynthia Deschênes

MEDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC.

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           2010 QCCLP 3746 .

[3]           Ville de Drummondville et CSST, [2003] C.L.P. 1118 ; Hôpital Laval, C.L.P. 353474031-0807, 23 mars 2009, H. Thériault; Groupe C.D.P., C.L.P. 356625-31-0808, 23 juillet 2009, G. Tardif; Nettoyeurs Pellican Inc., C.L.P. 372145-31-0903, 4 août 2009, S. Sénéchal; ARTB inc., C.L.P. 346416-03B-0804, 19 août 2009, R. Deraîche; Fernand Harvey & Fils inc., C.L.P. 382751-31-0907, 17 décembre 2009, R. Hudon; Carquest Canada Ltée, C.L.P. 389155-03B-0909, 29 avril 2010, M.-A. Jobidon.

[4]           Précitée note 2.

[5]           Précitée note 2.

[6]           J.M. Bouchard & Fils inc., 2010 QCCLP 3746 ; Comfort Inn par Journey’s end, C.L.P. 406452-07-1003, 19 octobre 2010, M.-G. Grégoire; Groupe C.D.P. inc., 2010 QCCLP 7887; 2M Ressources inc., 2011 QCCLP 684 ; Rôtisserie St-Hubert (10520 Lajeunesse), 2011 QCCLP 1741.

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