Groupe CDP inc. |
2011 QCCLP 2207 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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[1] Le 27 octobre 2010, le Groupe C.D.P. Inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 octobre 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 juillet 2007 et déclare que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par monsieur Robert Savoie (le travailleur), le 7 avril 2009, doit être imputé au dossier de l’employeur.
[3] L’employeur renonce à la tenue d’une audience et transmet au tribunal, le 22 février 2011, une argumentation écrite accompagnée de jurisprudence. La cause a été mise en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4]
L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui
accorder un transfert des coûts de la lésion professionnelle subie le 7 avril
2009 par le travailleur conformément à l’article
[5] De la décision de la CSST du 4 octobre 2010 rendue à la suite d’une révision administrative, l’employeur ne conteste pas la portion de cette décision qui le relève du défaut d’avoir déposé sa demande de transfert d’imputation à l’extérieur du délai prévu à la loi. La contestation de l’employeur ne porte que sur le refus de la CSST de transférer une partie du coût des prestations reliées à l’accident de travail subi par le travailleur le 7 avril 2009.
LA PREUVE
[6] Superviseur et répartiteur à la livraison pour le compte de l’employeur, le travailleur subit le 7 avril 2009 une lésion professionnelle alors qu’il trébuche dans les pieds d’un chauffeur et qu’il tombe sur son bras gauche. Immédiatement affecté à des travaux légers, le travailleur consulte le 12 mai 2009 le docteur Huard qui retient le diagnostic de tendinopathie traumatique de l’épaule gauche et capsulite adhésive de l’épaule gauche.
[7] Le 16 juillet 2009, la CSST accepte la lésion professionnelle dont le diagnostic est tendinite de l’épaule gauche. Quelques semaines plus tard, la CSST accepte également, en lien avec la lésion professionnelle du 7 avril 2009, le diagnostic de capsulite de l’épaule gauche.
[8] La lésion professionnelle du travailleur est consolidée le 5 avril 2010 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Le docteur Gregory Ortaaslan, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, dans un avis du 4 juin 2010, reconnaît un déficit anatomophysiologique de 6,5 % et des limitations fonctionnelles.
[9] Il appert de la preuve documentaire que le travailleur, malgré ses limitations fonctionnelles, réintègre son emploi prélésionnel de répartiteur à la livraison.
[10] Au chapitre de la base salariale retenue pour indemniser le travailleur, dans le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement, l’employeur indique qu’au moment de la survenance de la lésion en avril 2009, le travailleur gagne un salaire annuel de 39 091,50 $. En juin 2007, la CSST constate que le travailleur reçoit des indemnités de remplacement du revenu réduites pour un autre dossier CSST puisqu’apparaît un surpayé.
[11]
Dans ce contexte, tel qu’il appert des différents panoramas
informatiques retrouvés au dossier, la CSST revoit la base salariale du
travailleur pour l’événement du 9 avril 2009 et retient comme base salariale
celle établit à l’occasion de la lésion professionnelle antérieure du
travailleur subie chez un autre employeur conformément aux dispositions de
l’article
[12]
Dès le 6 juillet 2010, soit environ un mois après que la CSST ait
modifié la base salariale du travailleur, l’employeur dépose une demande de
transfert d’imputation en vertu de l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[13]
La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si
l’employeur peut bénéficier d’un transfert d’imputation partiel en vertu de
l’article
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
__________
1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[14] L’employeur soutient que la CSST ne doit imputer à son dossier financier que la partie de l’indemnité de remplacement du revenu correspondant au salaire gagné par le travailleur lorsqu’il subit sa lésion professionnelle du 7 avril 2009 alors qu’il est à son service, soit 39 091,50 $. L’employeur soutient qu’il est inéquitable qu’il supporte la proportion des indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur basée sur un salaire plus élevé que celui réellement gagné lorsque survient sa lésion professionnelle.
[15]
En effet, dans ce dossier, au moment de la survenance de sa lésion
professionnelle du 7 avril 2009, le travailleur bénéficie d’indemnités de
remplacement du revenu réduites découlant d’une lésion professionnelle
antérieure. Dans ce contexte, conformément à l’article
[16]
L’article
73. Le revenu brut d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle alors qu'il reçoit une indemnité de remplacement du revenu est le plus élevé de celui, revalorisé, qui a servi de base au calcul de son indemnité initiale et de celui qu'il tire de son nouvel emploi.
L'indemnité de remplacement du revenu que reçoit ce travailleur alors qu'il est victime d'une lésion professionnelle cesse de lui être versée et sa nouvelle indemnité ne peut excéder celle qui est calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur lorsque se manifeste sa nouvelle lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 73.
[17]
Dans la décision J.M. Bouchard & Fils inc.[2],
la Commission des lésions professionnelles explique le but visé par
l’article
[42] En procédant de la sorte, le législateur s’assure que le travailleur n’obtient jamais une indemnité inférieure à celle à laquelle il avait droit en raison de la lésion initiale. En même temps, il lui permet de recevoir une indemnité supérieure s’il occupe un emploi plus rémunérateur au moment de sa nouvelle lésion.
[43] L’application de l’article 73 entraîne, dans une certaine mesure, la fusion de l’indemnité de remplacement réduite que le travailleur reçoit déjà et de celle à laquelle il a droit en conséquence de sa nouvelle lésion professionnelle. Nous disons dans une certaine mesure, puisque le salaire gagné par le travailleur dans le cadre de son nouvel emploi ne correspond pas nécessairement à celui de l’emploi convenable déterminé par la CSST.
[18]
Dans son argumentation écrite, la représentante de l’employeur prétend
que l’employeur est obéré injustement puisqu’il doit assumer le coût des
prestations déterminées à partir d’une base salariale supérieure à celle du
travailleur au moment de la survenance de sa lésion professionnelle du 7 avril
2009 alors qu’il est à son emploi. En somme, elle prétend que l’application de
l’article
[19] La Commission des lésions professionnelles ne retient pas cet argument de la représentante de l’employeur. En effet, la jurisprudence du tribunal est claire et constante que l’application conforme de la loi, notamment de l’article 73, ne peut constituer une injustice au sens de l’article 326 alinéa 2 de la loi[3].
[20]
Toutefois, plutôt que de se tourner vers les dispositions d’exception de
l’article
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
[…]
[21]
La règle d’imputation dégagée par le premier alinéa de l’article
[22] À cet égard, le tribunal écrit dans l’affaire J.M. Bouchard & Fils inc.[5] :
[54] Ces dispositions démontrent l’objectif clair et compréhensif du législateur de s’assurer que la CSST impute les coûts en fonction du critère de l’imputabilité réelle. Elles ont aussi pour objectif d'assurer l'équité entre les employeurs.
[23] La Commission des lésions professionnelles retient l’approche développée dans d’autres décisions[6] selon laquelle l’employeur ne doit pas assumer le coût des prestations attribuables à une lésion professionnelle survenue chez un autre employeur.
[24]
En conséquence, la Commission des lésions professionnelles considère
qu’en vertu du principe général d’imputation édicté par l’alinéa premier de
l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du Groupe C.D.P. inc., l’employeur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 octobre 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé des coûts de l’indemnité de remplacement de revenu qui excèdent le revenu brut versé au travailleur lors de la survenance de sa lésion professionnelle du 7 avril 2009, soit 39 091,50 $.
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Philippe Bouvier |
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Madame Cynthia Deschênes |
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MEDIAL CONSEIL SANTÉ SÉCURITÉ INC. |
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Représentante de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] 2010 QCCLP 3746 .
[3] Ville de Drummondville et CSST,
[4] Précitée note 2.
[5] Précitée note 2.
[6] J.M. Bouchard & Fils inc.,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.