Décision

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Proposition de Vachon

2017 QCCS 674

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

ST-FRANÇOIS

 

 

 

N° :

450-11-000183-156

 

 

 

DATE :

Le 27 février 2017

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

LINE SAMOISETTE, J.C.S.

 

 

 

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DANS L’AFFAIRE DE LA PROPOSITION DE :

 

CHRISTIAN VACHON

Débiteur

et

FRANÇOIS HUOT SYNDIC LTÉE

Syndic intimé

et

VERONICA KACZMAROWSKI

           Requérante

 

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JUGEMENT

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[1]   Il s’agit d’un appel visant deux décisions du registraire taxant deux mémoires de frais.

[2]   Le débiteur allègue que dans les deux cas, les registraires ont erré en taxant les mémoires de frais. Il soutient que la taxation des mémoires de frais doit se limiter aux déboursés et exclure les honoraires puisque les jugements ont été rendus après le 1er janvier 2016 avec la mention « Frais de justice à l’encontre du débiteur ».

[3]   Le procureur de la requérante fait valoir que la taxation des frais judiciaires est laissée à la discrétion du tribunal suivant l’article 197 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité (L.f.i.)[1]. Cette loi, de compétence fédérale, s’applique de sorte que la notion de « frais de justice » plutôt que les « dépens » n’est qu’une question de sémantique dans le contexte de la taxation de mémoire de frais dans le cadre de la L.f.i.

[4]   Soulignons qu’en l’instance le quantum n’est pas en cause. Seule l’interprétation de la notion de « frais de justice » dans le contexte de la taxation du mémoire de frais l’est.

CONTEXTE

[5]   La requérante a présenté devant la registraire une demande pour obtenir la levée de la suspension des procédures et en autorisation de continuer les procédures suivant l’article 69(4) de la L.f.i.

[6]   Le 7 juillet 2016, la registraire Me Mélanie Marois, a accueilli cette demande et a conclu « LE TOUT avec les frais de justice contre le débiteur ». Le 5 octobre 2016, cette décision a été confirmée en appel par le juge Martin Bureau lequel concluait également « LE TOUT AVEC FRAIS DE JUSTICE à l’encontre du débiteur ».

[7]   Le 1er novembre 2016, le procureur de la requérante avise le procureur du débiteur qu’il entend présenter le 9 novembre suivant, deux mémoires de frais pour taxation, soit celui suivant le jugement du 7 juillet 2016 et celui suivant le jugement du 5 octobre 2016.

[8]   Le procureur du débiteur transmet alors à la registraire ses motifs de contestation et le procureur de la requérante y répond.

[9]   Le 9 novembre 2016, la registraire Me Mélanie Marois, taxe un premier mémoire de frais à la somme de 2 192,50$ représentant des déboursés au montant de 59,30$ et des honoraires, frais accessoires et autres frais au montant de 2 133,20$.

[10]        Le 4 janvier 2017, la registraire Me Maryse Gauthier, taxe le deuxième mémoire de frais à la somme de 3 969,65$ représentant des déboursés au montant de 86,40$ et des honoraires au montant de 3 883,25$. Elle motive ainsi sa décision:

« Considérant la décision Biron vs Caisse Populaire Desjardins (2003 RJQ);

Considérant la décision Erostable inc. (C.A. Montréal);

Considérant que l’expression frais de justice ne restreint aucunement l’article 197(2) lfi; »

[11]        Ce n’est que le 16 janvier 2017 que le procureur du débiteur est informé que les deux mémoires de frais ont été taxés et conséquemment, il demande d’être relevé du défaut vu les circonstances.

[12]        CONSIDÉRANT la preuve, il y a lieu de permettre au procureur du débiteur de présenter le présent appel.

ANALYSE

[13]        L’article 197 de la L.f.i. énonce que les frais sont à la discrétion du tribunal. Cet article se lit :

« Frais à la discrétion du tribunal

197 (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi et des Règles générales, les frais de toutes procédures judiciaires intentées sous le régime de la présente loi, ou les frais s’y rapportant, sont laissés à la discrétion du tribunal.

Adjudication des frais

(2) En adjugeant les frais, le tribunal peut ordonner qu’ils soient taxés et soldés entre les parties ou entre l’avocat et le client, ou le tribunal peut fixer une somme à payer au lieu de taxation ou de frais taxés; mais, à défaut d’indication expresse, les frais découleront de l’issue de l’instance et seront taxés entre les parties. »

[14]        Avant le 18 septembre 2009, c’est l’ancien article 197(5) L.f.i. qui traitait de la taxation. Le juge Paul Chaput, dans l’affaire 9092-8953 Québec inc. (Syndic de), a analysé l’impact de l’abrogation de l’article 197(5) L.f.i. et a repris les principes établis en matière de taxation[2] :

« [29] Avant la réforme, la taxation était faite compte tenu de l’article 197(5) de la Loi sur faillite et l’insolvabilité (L.f.i.) qui se lisait :

«197. (5)  Les frais judiciaires sont acquittés d'après le tarif prévu aux Règles générales ou d'après l'indication du tarif qui se rapproche le plus des services rendus, ou, si le tarif ne contient aucune indication applicable aux services particuliers qui ont été rendus ou aux débours qui ont été faits, d'après le tarif en vigueur dans d'autres litiges civils.»

[30] Depuis la réforme, la L.f.i. n’encadre plus la taxation par référence à quelque tarif. En raison de l’abrogation, il n’y pas lieu de ramener la taxation à la seule application du tarif civil en raison de l’article 3 des Règles générales. Agir ainsi aurait pour effet de réduire la portée de l’abrogation dont l’objet était précisément d’écarter la référence au tarif et au tarif civil, si nécessaire, comme le prévoyait l’article 197(5) L.f.i., d’autant plus que le renvoi aux règles en matière civile n’est possible que dans les cas non prévus à la L.f.i. ou aux Règles générales comme le prévoit l’article 3 de ces règles :

«3. Dans les cas non prévus par la Loi ou les présentes règles, les tribunaux appliquent, dans les limites de leur compétence respective, leur procédure ordinaire dans la mesure où elle est compatible avec la Loi et les présentes règles.»

(…)

[36] La discrétion prévue à l’article 197(1) L.f.i. est balisée par les dispositions mêmes de la L.f.i. et des Règles générales :

a)  il doit s’agir de frais de  procédures judiciaires intentées sous le régime de la L.f.i. ou s'y rapportant (art. 197(1) L.f.i.);

b)  il faut un mémoire de frais qui les indique « de façon juste, raisonnable et détaillée, la nature des services juridiques rendus» (art. 19, Règles générales;

c)  les frais  peuvent être taxés entre les parties, entre l'avocat et le client ou par somme forfaitaire (art. 197(2) L.f.i.);

d)  les frais sont raisonnables, justifiés et, le cas échéant, autorisés et approuvés conformément à la L.f.i. (art. 21, Règles générales).

[37] Pour faciliter la tâche de l’officier taxateur ou du juge, le cas échéant, le mémoire de frais devrait comporter détails et précisions:

a)  quant aux débours -

préciser s’il s’agit de débours fixés par une loi ou un règlement;

indiquer le montant de chaque débours;

b)  quant aux honoraires -

le nom des procureurs ayant intervenu dans le dossier, leurs années d’expérience et leur taux horaire;

les services rendus, tant judiciaires qu’extra-judiciaires, avec les dates, le nom du procureur concerné, le temps consacré et le coût; »

[emphases dans le texte]

[15]        Dans l’arrêt de principe Biron c. Caisse populaire Desjardins Buckingham, le juge Fish, traitant de la taxation des mémoires de frais et de la discrétion accordée à l’officier taxateur, souligne que la L.f.i. est de compétence fédérale et que la Loi doit s’appliquer de façon uniforme dans tout le pays. Il écrit[3] :

« [43] The Court allowed the appeal "with costs" and without any direction as to how the costs were to be taxed.  Pursuant to section 197(2), they must therefore be taxed and paid on a "party and party" (or "partial indemnity") basis, as opposed to a "solicitor and client" (or "substantial indemnity") basis.  In virtue of items 86 and 87 of the tariff, taxing officers enjoy reasonable discretion in fixing counsel's fees.  They may vary the amounts fixed by the tariff so as to more nearly reflect the true value of the services rendered.  This is the basis upon which costs are said to be taxed in the common law provinces and, it is argued, since bankruptcy is a federal matter, the same approach should govern in Québec.

[44] I am in general agreement with these propositions.

[45] Exclusive jurisdiction in relation to bankruptcy and insolvency is vested in the Parliament of Canada by section 91(21) of the Constitution Act, 1867. The Bankruptcy and Insolvency Act was validly enacted pursuant thereto and there is no suggestion here that section 197 of the Act, or the bankruptcy tariff itself, fall outside federal jurisdiction.

[46] In my respectful view, moreover, it was not intended that the regulations governing bankruptcy proceedings be applied differently in Québec than elsewhere in Canada. More particularly, the bankruptcy tariff was not meant to apply in some provinces only.  It was conceived, rather, as a single tariff governing the taxation of costs, in bankruptcy matters, across the country.

[47] Accordingly, though we are not bound by case law or the practice in other provinces, I am inclined to favour a harmonious application of the governing rules unless a compelling consideration dictates, by way of exception, a different approach in Quebec.»

(soulignements dans le texte)

[16]        Deux ans plus tard, le juge Pierre Dalphond, dans l’arrêt Plachcinski (Syndic de), rappelle que les frais de toutes procédures judiciaires intentées sous le régime de la L.f.i. ou ceux s’y rapportant sont laissés à la discrétion du tribunal suivant l’article 197 L.f.i. Il écrit[4] :

« [15] In the case at bar, the Court allowed the appeal "with costs" and without any direction as to how the costs were to be taxed.  Based on the Biron case, it meant that the Deputy Clerk was empowered by item 87 of the Tariff read in conjunction with section 197(5) of the Act to allow, in her discretion exercised liberally but judiciously, fair and reasonable fees for all the necessary and proper services rendered by Appellants’ counsel, to be taxed on a "party and party" (or "partial indemnity") basis, as opposed to a "solicitor and client" (or "substantial indemnity") basis.  In other words, there was no need to find a corresponding or most nearly analogous item in the Tariff for each service provided.

[16] Bearing in mind the nature of the issues raised, canvassed and decided by the Court in the May 6, 2004 judgment which reversed the Superior Court, the value of the share in the property at stake (less than $60,000.00), the written statement by the new Appellants’ counsel (a Montreal lawyer of 45 years of practice) that he devoted to the appeal about 58 hours, and the fact that his services must be taxed and paid on a party and party basis, I am of the view that the Deputy Clerk should have allowed a fee of $7,500.00 (50 hours at $ 150) for all the services provided. 

[17] As for disbursements, the only one refused is related to the cost of cassettes obtained from the judicial recording services.  In the motion to revise, the Appellants’ counsel acknowledges that the receipt was “unknowingly not so attached” to the bill of costs.  The Deputy Clerk was therefore justified to refuse the disbursement claimed and the mistake committed by the counsel is not a valid ground to appeal. »

[17]        L’article 3 des Règles générales sur la faillite et l’insolvabilité prévoit que ce n’est que dans les cas non prévus à la Loi ou ses Règles que « les tribunaux appliquent, dans les limites de leur compétence respective, leur procédure ordinaire dans la mesure où elle est compatible avec la Loi et les présentes règles »[5].

[18]        La L.f.i. a ses propres règles en matière de frais et il est reconnu que celles-ci sont plus larges que celles en matière civile. Les frais englobent les déboursés et les honoraires.

[19]        L’entrée en vigueur du Code de procédure civile le 1er janvier 2016 ne change en rien le principe déjà établi à l’effet que c’est la discrétion prévue à l’article 197 L.f.i. qui prévaut. Conséquemment, la notion « frais de justice » plutôt que de « dépens » ne modifie en rien la discrétion accordée au tribunal suivant l’article 197 L.f.i.

[20]        Le tribunal est donc d’avis que les registraires se sont bien dirigées dans l’application de la L.f.i.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[21]        REJETTE l’appel du débiteur;

[22]        AVEC FRAIS DE JUSTICE à l’encontre du débiteur.

 

 

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LINE SAMOISETTE, J.C.S.

 

 



[1] L.R.C. (1985), c. B-3.

[2] 9092-8953 Québec inc. (Syndic de), 2011 QCCS 58, par. 29-30, 36-37.

[3] Biron c. Caisse populaire Desjardins Buckingham, J.E. 2003-1160, par. 43 à 47.

[4] Plachcinski (Syndic de), 2005 QCCA 1176, par. 15 à 17.

[5] C.R.C., ch. 368, art.3.

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