[1] L’appelante Jevco se pourvoit à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Alicia Soldevilla), rendu le 11 juillet 2013, qui rejette ses recours en garantie à l’encontre de l’intimée Procureure générale du Québec, agissant pour et aux droits du ministère des Transports du Québec (« MTQ »).
[2] Pour les motifs de la juge Marcotte auxquels souscrivent les juges Doyon et Gagnon, la Cour :
[3] ACCUEILLE EN PARTIE le pourvoi en ce qui concerne le dossier 200 - 17-012759-106, avec dépens;
[4] INFIRME le jugement de première instance afin de modifier le paragraphe [90] et d’ajouter les conclusions suivantes aux paragraphes [91] et [92] :
[90] REJETTE la requête introductive d'instance en garantie dans le dossier 200-17-012782-108, avec dépens;
[91] ACCUEILLE la requête introductive d’instance en garantie amendée dans le dossier 200-17-012759-106, avec dépens;
[92] CONDAMNE l’intimée, Procureure générale du Québec, à verser à l’appelante, la Compagnie d’assurances Jevco, la somme de 85 000 $ calculée avec intérêt et indemnité additionnelle à compter de l’assignation.
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MOTIFS DE LA JUGE MARCOTTE |
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[5] L’appelante Jevco se pourvoit à l’encontre d’un jugement de la Cour supérieure, district de Québec (l’honorable Alicia Soldevilla), qui rejette ses recours en garantie à l’encontre de l’intimée Procureure générale du Québec, agissant pour et aux droits du ministère des Transports du Québec (« MTQ »).
[6] Ces recours en garantie s’inscrivent dans le cadre de deux poursuites intentées par les sous-traitants, Signalisation SMG2 inc. (« SMG2 ») et Système de construction et mines S.M.S. inc. (« SMS ») contre l’entrepreneur Groupe Benoit (« l’Entrepreneur ») et sa caution, l’appelante Jevco (« la Caution »), pour des montants impayés à la suite de travaux exécutés pour le MTQ.
[7] Par ses recours en garantie, la Caution demandait au MTQ de l’indemniser des condamnations auxquelles elle pourrait être tenue envers ces sous-traitants en raison de l’omission du MTQ de procéder aux retenues contractuelles prévues au contrat de l’Entrepreneur et de son défaut de se prévaloir du cautionnement d’exécution émis à son bénéfice. La Caution plaidait également que ses obligations devaient être réduites pour tenir compte de la résiliation du contrat de l’Entrepreneur.
[8] La Caution a réglé les deux actions principales en payant les sous-traitants. Le jugement entrepris ne concerne que les recours en garantie, que la juge de première instance a rejetés avec dépens.
[9] En mai 2009, le MTQ octroie à l’Entrepreneur un contrat d’entreprise pour la réfection des ponts qui traversent l’autoroute 40 à la hauteur de Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec (« Chantier St-Augustin »). Les parties sont liées par les dispositions du cahier des charges et devis généraux, édition 2008 (« Contrat »)[1].
[10] La Caution fournit les deux cautionnements exigés au Contrat, soit un cautionnement d’exécution et un cautionnement pour gages, matériaux et services au montant de 652 868 $, qui représente 50 % de la valeur du Contrat[2].
[11] Les travaux débutent le 8 juin 2009 et comprennent deux phases successives qui doivent prendre fin au plus tard le 11 septembre 2009[3].
[12] À la même période, l’Entrepreneur débute un second chantier pour le MTQ dans la région de Saint-Georges-de-Beauce (« Chantier de Beauce »)[4].
[13] À compter de juillet 2009, l’Entrepreneur accumule des retards sur le Chantier St-Augustin qui engendrent le report de la date de fin des travaux. Le 30 juillet 2009, après un retard de cinq semaines, l’ingénieur coordonnateur du MTQ prévient l’Entrepreneur des pénalités importantes auxquelles il s’expose. Le MTQ verse néanmoins à l’Entrepreneur un premier paiement de 121 495,96 $ pour les travaux réalisés au 30 juin 2009, sans y appliquer de retenues[5].
[14] Le 7 août 2009, un premier rapport d’avancement est transmis par le MTQ à la Caution, faisant état des retards d’exécution et du report de la fin de travaux à la fin du mois d’octobre 2009[6].
[15] Le 2 septembre 2009, un deuxième paiement de 153 727,12 $ est remis par le MTQ à l’Entrepreneur pour les travaux réalisés au 30 juillet 2009. Le MTQ songe alors à reporter la phase 2 des travaux au printemps 2010[7], alors que l’Entrepreneur accuse déjà un retard de six semaines sur le Chantier de Beauce[8]. Le MTQ n’applique toutefois aucune retenue contractuelle à l’égard du deuxième paiement.
[16] Le 23 septembre 2009, le sous-traitant Transport Alcide Doyon & fils inc. avise le MTQ d’une créance impayée par l’Entrepreneur de 69 418,13 $. À la réunion de chantier du lendemain, l’ingénieur coordonnateur du MTQ informe l’Entrepreneur que des rumeurs circulent à l’égard de sous-traitants impayés et prévient que si ces rumeurs s’avèrent fondées, il fera des retenues et exigera des quittances[9].
[17] Le 28 septembre 2009, le sous-traitant SMG2 dénonce au MTQ l’existence d’une créance impayée par l’Entrepreneur de 85 000 $[10].
[18] L’ingénieur coordonnateur du MTQ transmet alors un courriel à l’Entrepreneur dans lequel il exige que des quittances des sous-traitants lui soient fournies, à défaut de quoi des retenues seront effectuées conformément à l’article 8.5 du Contrat lors du paiement suivant[11].
[19] Le 5 octobre 2009, le MTQ verse à l’Entrepreneur 195 081,46 $ pour les travaux complétés au 31 août 2009[12], sans toutefois appliquer de retenues, malgré l’absence de quittances des sous-traitants.
[20] Les 5 et 9 octobre 2009, l’ingénieur coordonnateur du MTQ transmet à l’Entrepreneur deux courriels dans lesquels il exprime son « insatisfaction la plus complète » à l’égard du déroulement et de la qualité des travaux[13]. Lors de la réunion de chantier suivante du 13 octobre 2009, il indique néanmoins qu’aucune retenue ne sera effectuée sur le paiement des travaux réalisés en septembre en raison du défaut de fournir les quittances des sous-traitants et que la situation sera réévaluée en octobre. Il annonce toutefois qu’une retenue spéciale sera appliquée pour les pénalités découlant des retards du chantier[14].
[21] Pendant ce temps, dans le cadre du Chantier de Beauce, le MTQ retient les sommes dues aux sous-traitants qui ont dénoncé leur créance impayée.
[22] Le 20 octobre 2009, un deuxième rapport d’avancement des travaux est transmis à la Caution, faisant état des problèmes de qualité et du non-paiement des sous-traitants, ainsi que du report de la phase 2 des travaux jusqu’en 2010[15].
[23] Le 21 octobre 2009, le MTQ transmet à la Caution une copie d’une lettre envoyée à l’Entrepreneur, faisant état des déficiences et des retards sur le chantier[16].
[24] Malgré cela, le 12 novembre 2009, le MTQ remet à l’Entrepreneur un quatrième paiement de 116 726,85 $ pour les travaux effectués au 30 septembre 2009, sans retenir quelque montant pour les créances impayées des sous-traitants[17]. Il retient toutefois 17 000 $ à titre de pénalité pour retards[18].
[25] Le même jour, un second avis de dénonciation du non-paiement d’une créance de 151 591,13 $ est envoyé par le sous-traitant Transport Alcide Doyon et fils inc. à l’Entrepreneur et sa Caution[19].
[26] À la fin novembre 2009, l’Entrepreneur quitte le chantier, sans avoir complété les travaux de la phase 1.
[27] Le 4 décembre 2009, une réunion spéciale a lieu entre le MTQ et l’Entrepreneur afin de discuter de la résiliation du Contrat. L’Entrepreneur s’engage alors à présenter une proposition de règlement.
[28] Le 11 décembre 2009, le MTQ verse à l’Entrepreneur un cinquième paiement de 64 495,50 $ pour les travaux complétés au 31 octobre 2009[20], déduction faite d’une retenue spéciale pour retards de 99 000 $[21].
[29] Le 22 décembre 2009, le MTQ accepte la sixième demande de paiement de l’Entrepreneur, mais prélève une retenue spéciale additionnelle pour retards de 136 000 $[22]. Le solde payable, qui s’élève à 95 095 $, est également retenu par le MTQ et sera éventuellement remis à Revenu Québec pour compenser une dette fiscale[23].
[30] Le 26 janvier 2010, le MTQ résilie par écrit le contrat de l’Entrepreneur conformément à l’article 9.1 du Contrat et transmet une copie de sa lettre de résiliation à la Caution[24].
[31] Le 18 février 2010, le sous-traitant SMG2 transmet au MTQ un second avis dénonçant le non-paiement de sa créance qui s’élève désormais à 162 249,63 $. Le 19 février 2010, le sous-traitant SMS transmet un premier avis au sujet d’une créance impayée de 98 100,09 $[25].
[32] Le 24 mars 2010, l’Entrepreneur est mis sous séquestre et fera faillite le 30 juillet 2010[26].
[33] Dans l’intervalle, le 25 mars 2010, SMG2 a poursuivi l’Entrepreneur et sa Caution pour sa créance impayée. Le 29 mars 2010, SMS a fait de même. Le 3 mai 2010, la Caution a initié dans chacun des dossiers un recours en garantie contre la Procureure générale du Québec, agissant pour et aux droits du MTQ, pour être indemnisée des montants qu’elle sera condamnée à verser aux sous-traitants. Les dossiers sont réunis pour fins d’audition.
[34] Avant le début du procès en Cour supérieure, la réclamation de SMG2 est réglée au montant de 162 249,58 $. Celle de SMS est réglée en cours d’audience pour un montant de 98 109,09 $. Le seul débat qui subsiste devant la juge de première instance porte sur les recours en garantie entrepris contre le MTQ.
[35] La juge rejette la prétention de la Caution voulant que le MTQ ait commis une faute à son endroit en ne respectant pas ses engagements de procéder aux retenues contractuelles aux termes des articles 8.5 et 8.6 du Contrat. Elle conclut que ces dispositions, même si elles sont de la nature d’une stipulation pour autrui au bénéfice des sous-traitants, ne prévoient pas expressément de recours direct pour ceux-ci à l’encontre du MTQ, contrairement au contrat de cautionnement pour gages, matériaux et services. C’est d’ailleurs, selon elle, ce qui explique la décision des sous-traitants de poursuivre la Caution.
[36] La juge conclut aussi que la Caution qui s’exécute aux termes du cautionnement pour gages, matériaux et services en payant les sous-traitants ne peut avoir de droits sur les retenues pratiquées par le MTQ pour couvrir les créances impayées des sous-traitants.
[37] Elle précise également que le manquement contractuel du MTQ ne peut être invoqué que par les sous-traitants, qui sont les seuls à pouvoir établir un lien de causalité entre cette faute et leur dommage.
[38] Elle ajoute qu’on ne peut reprocher au MTQ d’avoir appliqué des retenues contractuelles pour des pénalités de retards, tel que le prévoit le Contrat.
[39] Elle refuse en outre de reconnaître la réduction du montant du cautionnement en raison de la résiliation du Contrat et écarte l’argument de la Caution voulant que le MTQ lui ait causé préjudice en omettant de se prévaloir du cautionnement d’exécution.
[40] En appel, la Caution soulève deux moyens.
[41] D’une part, le MTQ a commis une faute en omettant de procéder aux retenues contractuelles que prévoit le Contrat et cette faute est causale des dommages qu’elle subit en raison des montants qu’elle a dû verser aux sous-traitants, en lieu et place de l’Entrepreneur. D’autre part, elle plaide que l’obligation du MTQ, qui consiste à retenir les sommes impayées aux sous-traitants conformément aux clauses 8.5 et 8.6 par Contrat, est une stipulation pour autrui au bénéfice des sous-traitants, aux droits desquels elle est légalement subrogée en raison des montants qu’elle leur a versés.
[42] Il convient de reproduire le texte des articles 8.5 et 8.6 du Contrat visés par le jugement :
8.5 ESTIMATION PROVISOIRE ET PAIEMENT
Les travaux faits au cours de un mois, conformément au contrat ou à la demande du Ministère, sont payés, déduction faite des retenues.
Lorsque, pour une année financière (du 1er avril d’une année au 31 mars de l’année suivante), les devis limitent le paiement à un maximum, le montant des travaux exécutés excédant ce minimum n’est dû qu’à compter de l’année financière subséquente; l’entrepreneur ne peut exiger de compensation sous forme d’intérêt ou autrement quant au retard à effectuer le paiement de ces travaux dans les délais permis.
Le paiement d’une estimation provisoire n’inclut que des ouvrages ou portions d’ouvrages complètement exécutés, et aucun paiement n’est fait pour des travaux préparatoires ou des matériaux mis en réserve.
Peu importe la forme des garanties fournies par l’entrepreneur, lorsque le Ministère reçoit un avis écrit d’une personne protégée par la garantie pour gages, matériaux et services dénonçant qu’elle n’a pas été entièrement payée pour des travaux effectués conformément à son contrat et visés par un paiement antérieur, l’entrepreneur doit, pour obtenir le paiement mensuel complet des travaux exécutés, remettre au surveillant une quittance ou une preuve de paiement attestant qu’il s’est acquitté de ses obligations pour gages, matériaux et services. À défaut de quoi, le Ministère retient, des montants dus à l’entrepreneur, les sommes nécessaires pour couvrir cette dénonciation.
8.6 ESTIMATION FINALE ET PAIEMENT
Une estimation finale est préparée lorsque le Ministère juge que les travaux ont tous été exécutés et qu’ils sont conformes au contrat; elle indique la quantité exécutée pour chaque ouvrage du contrat et pour chaque ouvrage approuvé par avenant au contrat, les prix unitaires, les montants s’y rapportant, les ouvrages à prix global, le montant total dû à l’entrepreneur et les retenues.
Toutes les estimations précédant l’estimation finale ne sont que des estimations provisoires sujettes à vérification et à correction au moment de l’estimation finale. L’entrepreneur ne peut donc pas invoquer aux fins de réclamation le fait que la quantité finale d’un ouvrage est inférieure à la quantité payée au moment des estimations provisoires.
Pour obtenir le paiement final des travaux exécutés, l’entrepreneur doit remettre au Ministère une attestation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et une attestation de la Commission de la construction du Québec confirmant que ses cotisations à ces organismes ont été payées.
Peu importe la forme des garanties fournies par l’entrepreneur, lorsque le Ministère reçoit un avis écrit d’une personne protégée par la garantie pour gages, matériaux et services dénonçant qu’elle n’a pas été entièrement payée pour des travaux effectués conformément à son contrat, l’entrepreneur doit, pour obtenir le paiement final des travaux exécutés, remettre au surveillant une quittance ou une preuve de paiement attestant qu’il s’est acquitté de ses obligations pour gages, matériaux et services. À défaut de quoi, le Ministère retient, des montants dus à l’entrepreneur, les sommes nécessaires pour couvrir cette dénonciation.
[Je souligne.]
[43]
L’article
[44] La stipulation pour autrui est également définie par les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin en ces termes:
La stipulation pour autrui est l’opération juridique par laquelle une personne, appelée promettant, s’engage vis-à-vis d’une autre, appelée stipulant, à exécuter une obligation au profit d’un tiers bénéficiaire. L’opération est donc tripartite ayant pour effet de rendre un tiers, qui n’est pas nécessairement partie au contrat lors de sa formation, créancier contractuel du promettant.[27]
[Je souligne.]
[45] C’est donc un véritable lien contractuel qui se crée entre le tiers bénéficiaire et le promettant au terme de la stipulation pour autrui, de sorte que ce tiers dispose d’un droit d’action directe contre le promettant afin d’obtenir l’exécution de la promesse[28].
[46] Pour valoir, la stipulation pour autrui doit toutefois être fondée sur un contrat valide entre le stipulant et le promettant dont il doit se dégager une intention claire de créer un véritable droit en faveur d’un tiers existant et déterminable. De plus, le stipulant doit avoir un certain intérêt à ce que l’obligation soit exécutée en faveur du tiers et ce dernier doit accepter la stipulation par tous moyens, exprès ou tacite[29].
[47] L’identification d’une intention claire et définitive des parties de favoriser un tiers est charnière. Une clause prévoyant des retenues ne constitue pas une stipulation pour autrui, si son application est laissée à la discrétion du prétendu promettant[30]. Il est donc nécessaire qu’un véritable engagement du maître d’œuvre à l’égard de tiers ait été pris[31].
[48] La jurisprudence et la doctrine reconnaissent l’existence de stipulations pour autrui dans le cadre de contrats de construction, notamment à l’égard de retenues contractuelles. De fait, dans Caisse populaire de l’Auvergne c. Société des traversiers du Québec[32], le juge André Forget de notre Cour écrivait :
[30] Je suis d'avis que la convention
intervenue entre la S.T.Q. et E.L.S. comporte toutes les caractéristiques de la
stipulation pour autrui, décrites aux articles
[31] S.T.Q. et E.L.S., dans un contrat, stipulent au profit des tiers: les salariés et les fournisseurs de biens et de services.
[32] Bien qu'il soit exact que la S.T.Q. semble vouloir se garder une certaine marge de manœuvre à l'article 4.2.1 du cahier des charges et devis généraux, celle-ci n'a pas pour effet de nier aux tiers leur droit de réclamer ainsi que le prévoit le dernier alinéa de cet article et l'avis qui en découle.
[33] Il est évident que la S.T.Q. ne pouvait, à sa discrétion, refuser de remettre le produit de cette somme de 85 820 $ aux tiers désignés, soit les salariés et les fournisseurs de biens et de services.
[34] Je suis donc d'avis qu'il y a une convention de stipulation pour autrui, en bonne et due forme, intervenue le 13 mai 1998, laquelle n'est pas annulée par la faillite survenue le 17 mai 1999. La somme déposée entre les mains du maître de l'ouvrage a quitté le patrimoine de l'entrepreneur général et ne pouvait le réintégrer qu'en conformité avec la clause résolutoire, ce qui ne s'est pas produit.
[49] C’est également ce que retenait la juge Mailhot, s’exprimant pour cette Cour dans l’arrêt D.I.M.S. Construction inc. c. Chabot[33], en reconnaissant par ailleurs le droit des sous-traitants de s’adresser directement au promettant (en l’espèce le MTQ) pour le paiement de leurs créances :
[39] Effectivement, le juge Forget, dans
l'arrêt Caisse populaire de l'Auvergne c. Société des traversiers du Québec,
qualifiait une clause semblable de stipulation pour autrui (art.
[Références omises.]
[50] Cette approche a d’ailleurs été reprise par cette Cour dans l’affaire Société des traversiers du Québec c. Produits d’acier Écan inc.[34], tel qu’il ressort des propos du juge Forget :
[26] […] En l'espèce, par l'effet de la stipulation pour autrui, la débitrice est la S.T.Q. En sa qualité de promettant, la S.T.Q. s'est rendue débitrice d'une obligation de paiement à l'égard des salariés et des fournisseurs de biens et de services.
[51] En l’espèce, les parties reconnaissent qu’elles sont en présence d’une stipulation pour autrui.
[52] Aussi, dans la mesure où, de par sa nature, la stipulation pour autrui donne ouverture au recours direct contre le promettant, la juge de première instance commet une erreur lorsqu’elle conclut qu’il n’y a pas de recours direct des sous-traitants à l’encontre du MTQ. Elle erre donc également lorsqu’elle détermine que la Caution, qui est subrogée aux droits des sous-traitants, n’a pas de recours à l’égard du MTQ.
[53] À mon avis, à la lumière des articles 8.5 et 8.6 précités, le MTQ, à titre de promettant, s’est obligé à payer les sous-traitants qui avaient dûment dénoncé leur créance impayée. Cette obligation existe à l’égard de la Caution, subrogée dans leurs droits après les avoir indemnisés.
[54] En l’espèce, il ne s’agit pas de décider si les sommes retenues par le MTQ doivent être remises à la Caution en priorité à d’autres créances comme c’était le cas dans les affaires La Fidélité du Canada, Compagnie d’assurance c. Banque nationale du Canada et Banque Nationale du Canada c. Ville de Notre-Dame du Lac[35]. Nous sommes plutôt en présence d’une réclamation de la Caution subrogée dans les droits des sous-traitants qu’elle a indemnisés, alors que ces derniers étaient bénéficiaires de l’obligation du MTQ de faire des retenues contractuelles. Il s’agit donc ici de déterminer s’il y a lieu de sanctionner le défaut du MTQ d’appliquer les retenues auxquelles il s’était obligé à hauteur des montants que la Caution a dû verser aux sous-traitants qui avaient valablement dénoncé leurs créances et qui auraient bénéficié de la stipulation pour autrui, n’eût été du manquement contractuel du MTQ.
[55] À mon avis, dans la mesure où ces sous-traitants bénéficient d’un recours direct contre le MTQ en raison de la stipulation pour autrui prévue au contrat, la Caution, légalement subrogée dans leurs droits, peut exercer son recours subrogatoire en toute légitimité contre le MTQ pour lui réclamer les montants qu’elle n’aurait pas eu à verser aux sous-traitants, si les retenues prévues au Contrat avaient été appliquées au moment des paiements.
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GENEVIÈVE MARCOTTE, J.C.A. |
[1] Pièce DGPG-2.
[2] Pièce DGPG-1.
[3] Pièce PGMTQ-1.
[4] Pièce PGMTQ-7.
[5] Pièce PGMTQ-5.
[6] Pièce DGPG-7.
[7] Pièce PGMTQ-3, Réunion de chantier n˚7, paragr. 7.8.
[8] Pièce PGMTQ-7, Réunion de chantier n˚6, paragr. 6.2.
[9] Pièce PGMTQ-3, Réunion de chantier n˚9, paragr. 9.6.
[10] Pièce DGPG-4.
[11] Pièce PGMTQ-15.
[12] Pièce PGMTQ-16.
[13] Pièce PGMTQ-14.
[14] Pièce PGMTQ-3, Réunion de chantier n˚10, paragr. 9.17, 10.6 et 10.12.
[15] Pièce DGPG-7.
[16] Pièce DGPG-13.
[17] PGMTQ-16.
[18] DGPG-4.
[19] DGPG-4.
[20] Pièce PGMTQ-16.
[21] DGPG-4.
[22] Pièce PGMTQ-5.
[23] Pièce DGPG-11.
[24] Pièce DGPG-8.
[25] Pièce DGPG-4.
[26] Pièce DGPG-10.
[27] Jean-Louis
Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin,
[28] J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 27, n˚474, p. 563.
[29] J.-L. Baudouin et P.-G. Jobin, supra, note 27, n˚ 465-468, p. 558 et 559.
[30] Commission scolaire des patriotes c. Distributeur Tapico ltée, 2003 CanLII 71932 (QC CA), paragr. 6; Charles-Auguste Fortier inc. (Arrangement relatif à), 2003 Canlll 71932, (QC CA), paragr. 27.
[31] Acier d’armature Ferneuf inc. c. Giguère et Geoffroy inc., 2002 CanLII 22484 (QC CQ), paragr. 94-96; D.I.M.S. Construction inc. c. Chabot, 2003 CanLII 11800 (QC CA), paragr. 39.
[32] Caisse
populaire de l’Auvergne c. Société des traversiers du Québec,
[33] Supra, note 31.
[34]
[35] La
Fidélité du Canada, Compagnie d’assurance c. Banque nationale du Canada,
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.