Gabarit CFP

Bergeron et Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l'Île-de-Montréal

2017 QCCFP 26

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER N° :

1301775

 

DATE :

5 juillet 2017

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DEVANT LA JUGE ADMINISTRATIVE :

Me Sonia Wagner

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SERGE BERGERON

 

Appelant

 

et

 

CENTRE INTÉGRÉ UNIVERSITAIRE DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX
DU CENTRE-SUD-DE-L’ÎLE-DE MONTRÉAL

 

Intimé

 

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DÉCISION

(Article 81.20, Loi sur les normes du travail, RLRQ, c. N-1.1)

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LA PLAINTE

[1]         Le 30 mars 2017, M. Serge Bergeron dépose une plainte de harcèlement psychologique à la Commission de la fonction publique en vertu de l’article 81.20 de la Loi sur les normes du travail (LNT).

[2]         M. Bergeron est un employé du Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal (CIUSSS) et il est syndiqué. M. Bergeron a d’ailleurs coché la case « Fonctionnaire syndiqué » dans le formulaire de plainte qu’il a transmis à la Commission.

[3]         Constatant ce fait, la Commission informe les parties qu’elle soulève d’office son absence de compétence et qu’elle désire recevoir par écrit leurs commentaires à cet égard afin de rendre une décision sur dossier.

[4]         Tant M. Bergeron que le CIUSSS ont répondu à cette demande.

LES COMMENTAIRES

Les commentaires de M. Bergeron

[5]         En réponse à la demande de la Commission, il transmet les informations suivantes :

Suite a notre conversation je prends le temps de vous répondre, malgré que je n'ai vraiment pas la tête a cela, car j'ai vraiment la tête dans les vapeurs présentement... puisque je sort d'une rencontre avec ma patronne Mme Emma Commeau et Mr. Jean-Pierre Lafortunne, rencontre pour m'aviser que j'étais sous enquête puisque j'ai menotté un jeune sous la loi de la LSJPA jeune qui était a haut risque d'évasion, et ceci le lendemain ou j'ai témoigné pour l’enquête qui concerne Mme Goyette .

Puisque j'ai un mandat de cours émit par les juges de protéger la société pour ses jeunes en gardes fermé, je n'ai fait que mon travail, alors je suis loin de voir la lumière au bout du tunnel , et suis vraiment désespérer, puisque mes confrère de travail pause le même geste lorsque besoin il y a et ne son pas rencontrer.

S-V-P expliquer la situation a la juge Wagner mais présentement je n'ai qu'un envie et ses d'allez dormir, et tout oublier car je regrette déjà d'avoir porter plainte, et je sens que ce n'ai que le début des représailles.

Les commentaires du CIUSSS

[6]         Le CIUSSS a également transmis sa position à l’égard du recours de M. Bergeron auprès de la Commission :

Premièrement, nous partageons votre avis quant à la compétence de la Commission de la fonction publique dans le traitement de ce recours. En effet, monsieur Bergeron est un employé syndiqué de notre établissement où une politique et une procédure des plaintes de harcèlement sont en vigueur et fonctionnelles.

De plus, peu avant que ne vous soit acheminé ce recours, nous recevions de notre équipe une plainte sur le même sujet qui se trouve actuellement à l’étape de l’analyse de recevabilité et pour laquelle une décision sera rendue dans les prochains jours.

D’autre part, la démarche en cours à laquelle monsieur Bergeron se réfère, dans la copie de l’appel que vous nous avez transmise, à un service d’accompagnement à la gestion pour établir un diagnostic du climat de travail au sein de cette équipe. Les services offerts à la gestionnaire ont débuté en janvier dernier et la présentation des conclusions, ainsi que des recommandations seront réalisées auprès des employés à très court terme.

Considérant les mécanismes disponibles dans notre organisation pour traiter cette situation et l’offre de services de l’équipe de la Direction des ressources humaines, des communications et des affaires juridiques pour apporter l’accompagnement requis au rétablissement d’un climat de travail sain, il nous apparaît opportun de permettre le traitement de cette situation par les instances compétentes mandatées au sein de notre établissement, avant d’entreprendre tout autre recours.

LES MOTIFS

[7]         En vertu de l’article 81.20 de la LNT, deux conditions doivent être remplies par M. Bergeron pour que la Commission puisse se saisir de sa plainte de harcèlement psychologique : il doit être un salarié nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique[1] (Loi), c’est-à-dire un fonctionnaire, et il ne doit pas être régi par une convention collective. Plus précisément, cet article prévoit :

81.20. Les dispositions des articles 81.18, 81.19, 123.7, 123.15 et 123.16 sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective, compte tenu des adaptations nécessaires. Un salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus, dans la mesure où un tel recours existe à son égard.

[…]

Les dispositions visées au premier alinéa sont aussi réputées faire partie des conditions de travail de tout salarié nommé en vertu de la Loi sur la fonction publique (chapitre F3.1.1) qui n’est pas régi par une convention collective. Ce salarié doit exercer le recours en découlant devant la Commission de la fonction publique selon les règles de procédure établies conformément à cette loi. La Commission de la fonction publique exerce à cette fin les pouvoirs prévus aux articles 123.15 et 123.16 de la présente loi.

Le troisième alinéa s’applique également aux membres et dirigeants d’organismes.

[La Commission souligne]

[8]         Or, M. Bergeron n’est pas un employé nommé en vertu de la Loi.

[9]         En effet, aucune disposition législative, notamment dans la Loi sur les services de santé et les services sociaux[2], n’indique que les employés du CIUSSS sont nommés en vertu de la Loi.

[10]        Cette question a été abordée par la Commission dans la décision Bédard[3] :

La fonction publique regroupe une vingtaine de ministères et une soixantaine d’organismes dont le personnel est nommé en vertu de la [Loi], organismes qui n’incluent pas les centres hospitaliers, tel qu’il appert de la liste publiée par le gouvernement du Québec[[4]]. En effet, les établissements du réseau de la santé et des services sociaux, dont les centres hospitaliers, ne font pas partie de la fonction publique et possèdent leurs propres règles quant au recrutement du personnel.

[11]        En conséquence, puisqu’il n’est pas nommé en vertu de la Loi, M. Bergeron ne répond pas à la première condition nécessaire pour que la Commission se saisisse de son recours.

[12]        Au surplus, M. Bergeron est un employé syndiqué du CIUSSS, ce que confirme d’ailleurs son employeur dans ses commentaires.

[13]        Or, le statut de syndiqué de M. Bergeron empêche la Commission de se saisir de sa plainte de harcèlement psychologique puisqu’il ne répond pas non plus à la deuxième condition prévue à l’article 81.20 de la LNT.

[14]        La Commission rappelle qu’elle doit, dans l’exercice de sa compétence, respecter le cadre qui lui a été tracé par le législateur. En effet, la Commission est un tribunal qui n’a qu’une compétence d’attribution. D’ailleurs, la doctrine et la jurisprudence ont maintes fois reconnu qu’un tribunal administratif ne détient pas une compétence générale : il ne peut exercer que la compétence qui lui est attribuée par sa loi constitutive ou une autre loi [5] :

À la différence du tribunal judiciaire de droit commun, un tribunal administratif n’exerce la fonction juridictionnelle que dans un champ de compétence nettement circonscrit. Il est en effet borné, par la loi qui le constitue et les autres lois qui lui attribuent compétence, à juger des contestations relatives à une loi en particulier ou à un ensemble de lois. Sa compétence ne s’étend donc pas à l’intégralité de la situation juridique des individus. [...]

La portée de l’intervention du tribunal administratif et par conséquent l’étendue de sa compétence sont donc déterminées par la formulation des dispositions législatives créant le recours au tribunal. […]

Il faut donc, aussi bien en droit québécois qu’en droit fédéral, examiner avec attention le libellé de la disposition créant le recours, pour savoir quelles décisions de quelles autorités sont sujettes à recours, sur quels motifs le recours peut être fondé, sous quelles conditions - notamment de délai - il peut être introduit […].

[La Commission souligne]

[15]        Dans la présente affaire, la Commission ne peut statuer sur la plainte de M. Bergeron sans outrepasser le cadre qui lui a été tracé par le législateur. Elle doit donc décliner compétence.

POUR CES MOTIFS, la Commission de la fonction publique :

DÉCLARE qu’elle n’a pas compétence pour entendre le recours de M. Serge Bergeron.

 

 

Original signé par :

 

 

__________________________________

Sonia Wagner

 

 

M. Serge Bergeron

Plaignant

 

Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux du
Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal

Intimé

 

Date de prise en délibéré : 12 mai 2017

 

 



[1]     RLRQ, c. F-3.1.1.

[2]     RLRQ, c. S-4.2.

[3]     Bédard et Centre hospitalier de l'Université de Montréal, 2016 QCCFP 3.

[4]     GOUVERNEMENT DU QUÉBEC, www.carrieres.gouv.qc.ca/choisir-la-fonction-publique/ministeres-et-organismes (page consultée le 4 juillet 2017).

[5]     Pierre Issalys et Denis Lemieux, L’action gouvernementale - Précis de droit des institutions administratives, 3e édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p. 421-423.

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