Hôpital Jean-Talon |
2012 QCCLP 3960 |
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[1] Le 25 octobre 2011, Hôpital Jean-Talon (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 4 octobre 2011.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue le 9 mars 2011 et elle déclare que le coût des prestations du dossier de monsieur Ian St-Denis, le travailleur, doit être imputé au dossier de l’employeur.
[3] À l’audience tenue à Montréal le 12 avril 2012, l’employeur est présent et représenté. Le dossier est mis en délibéré le jour même.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4]
L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de
déclarer que le coût des prestations du dossier du travailleur doit être imputé
aux dossiers des employeurs de toutes les unités, conformément au paragraphe 2
de l’article
LES FAITS
[5] Madame Linda Allaire, employée au CSSS du Cœur-de-l’Île à l’Hôpital Jean-Talon depuis 1985, témoigne à l’audience. Elle occupe un poste d’agente de gestion en santé et sécurité au travail avec des responsabilités accrues au niveau du service de santé.
[6] Madame Allaire précise que le service de santé gère les dossiers d’invalidité de nature diverse, de la présence au travail et de la prévention. Elle ajoute faire la gestion quotidienne des dossiers d’absence au travail.
[7] Madame Allaire explique que l’employeur met en œuvre une politique qui favorise l’assignation temporaire et le retour au travail, le plus rapidement possible. Le but de cette politique consiste à garder les connaissances au niveau du service auquel le travailleur concerné est affecté. L’employeur favorise donc une relocalisation dans l’unité en question.
[8] Madame Allaire affirme avoir une connaissance du dossier du travailleur.
[9] Le travailleur occupe un emploi de préposé aux bénéficiaires (PAB) à l’urgence. Madame Allaire précise que les tâches d’un PAB à l’urgence diffèrent de celles d’un PAB sur les unités de soins.
[10] En effet, un PAB à l’urgence ne donne pas de bains ni de soins d’hygiène aux patients. Ses tâches consistent plutôt à aider les infirmières, aider à la mobilisation des patients, nourrir ceux-ci, aller chercher des films en radiologie, apporter les formules sanguines aux laboratoires et effectuer divers déplacements pour répondre à des demandes spécifiques.
[11] Le 17 janvier 2007, le travailleur est victime d’un accident du travail. Le lendemain, il consulte le docteur Martin Brossard, lequel autorise des travaux légers. Au formulaire d’assignation temporaire, le docteur Brossard précise que le travailleur ne peut pas soulever des poids de plus de cinq kilogrammes, ne peut pas soulever ou déplacer des patients, ne peut pas pousser les civières, mais peut marcher et se déplacer sans problème.
[12] Le travailleur a continué à effectuer l’ensemble des tâches de son poste habituel, à l’exception de ne pas faire de réanimation à l’urgence ni de déplacements de patients soit, deux tâches qui s’avèrent rares, tel que le confirme madame Allaire, lors de l’audience.
[13] De plus, le travailleur n’a pas participé aux interventions dans le cadre de « code blanc », soit celles impliquant des cas de violence en établissement. Cette tâche est, par ailleurs, effectuée sur une base volontaire.
[14] Selon madame Allaire, le travailleur a donc été en mesure d’effectuer au moins 80 % de ses tâches habituelles.
[15]
Le 15 juillet 2010, l’employeur demande un transfert des coûts reliés à
la lésion professionnelle dont le travailleur a été victime en invoquant le
paragraphe 2 de l’article
[16] Cette demande est refusée par la CSST le 9 mars 2011 au motif que « le travailleur a été affecté à du travail léger ». Cette décision est maintenue à la suite d’une révision administrative en date du 4 octobre 2011. La CSST précise alors que le travailleur a été assigné temporairement « à d’autres tâches ».
LES MOTIFS
[17]
La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’employeur
peut bénéficier d’un transfert du coût des prestations dues au travailleur, en
vertu du paragraphe 2 de l’article
327. La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations :
1° (…);
2° d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.
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1985, c. 6, a. 327.
[18] En effet, lorsqu’une lésion professionnelle ne rend pas un travailleur incapable d’exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle elle s’est manifestée, le coût des prestations d’assistance médicale est imputé aux employeurs de toutes les unités.
[19]
Or, la soussignée souscrit au courant jurisprudentiel voulant que, afin qu’un
employeur bénéficie d’un transfert de coûts en vertu du paragraphe 2 de
l’article
[20] Le fait que le travailleur ne puisse exercer, temporairement, certaines de ses tâches ne doit toutefois pas dénaturer son travail[3]. Il s’agit là d’une analyse factuelle qui doit porter sur les tâches réellement effectuées par le travailleur.
[21] En l’espèce, bien que le docteur Brossard ait autorisé des travaux légers, la preuve démontre que le travailleur a été capable d’effectuer la majorité des tâches régulières de son emploi tout en respectant ses limitations fonctionnelles temporaires.
[22] En effet, le travailleur a effectué toutes les tâches d’un préposé aux bénéficiaires à l’urgence, poste qu’il occupe habituellement, au cours de la période entre la survenance de la lésion professionnelle et la consolidation de celle-ci, à l’exception de celle consistant en la réanimation de patients.
[23] En l’espèce, le travailleur ayant été capable d’exercer la presque totalité de ses tâches, l’employeur a droit au transfert des coûts qu’il demande.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de Hôpital Jean-Talon, l’employeur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 15 mars 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le coût des prestations d’assistance médicale dû en raison de la lésion professionnelle subie par monsieur Ian St-Denis, le travailleur, le 17 janvier 2007, doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
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Isabelle Therrien |
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Me Alexandra Doyon |
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Monette, Barakett Ass. |
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Représentante de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Hôpital Jean-Talon
[3] Centre d’hébergement et de soins de longue durée
Biermans-Triest, C.L.P.
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