Junon inc. c. 9247-3974 Québec inc. |
2016 QCCS 4697 |
JC0BM5 |
||||||
|
||||||
CANADA |
||||||
PROVINCE DE QUÉBEC |
||||||
DISTRICT DE MONTRÉAL |
|
|||||
|
||||||
N : |
500-17-070779-122 |
|||||
|
|
|||||
DATE : |
Le 29 septembre 2016 |
|||||
|
||||||
|
||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
suzanne courchesne, J.C.S. |
||||
|
||||||
|
||||||
Junon inc. |
||||||
Demanderesse |
||||||
|
||||||
c. |
||||||
|
||||||
9247-3974 Québec Inc. |
||||||
Défenderesse |
||||||
|
||||||
et |
||||||
|
||||||
Me Steve Collins |
||||||
Mis-en-cause |
||||||
|
||||||
|
||||||
JUGEMENT |
||||||
|
||||||
1. APERÇU
[1] La demanderesse Junon inc. (Junon) intente un recours en dommages contre la défenderesse 9247-3974 Québec inc. (9247) suite au retrait par celle-ci d’une offre d’achat d’un immeuble, acceptée par Junon.
[2] Junon plaide le non respect par 9247 des clauses de l’offre d’achat et sa mauvaise foi. Elle réclame la somme de 97 840,17 $ en remboursement des frais d’opération de l’immeuble pendant 60 jours, incluant les taxes, ainsi que pour les troubles et inconvénients et les honoraires extrajudiciaires encourus[1].
[3] 9247 invoque son droit contractuel de se retirer de l’offre d’achat en raison du zonage de l’immeuble qui ne permettait pas l’usage projeté. Elle conteste la réclamation et le montant des dommages réclamés. Elle demande que le montant de 50 000 $ versé à titre de dépôt auprès du mis-en-cause Me Steve Collins lui soit remis dans son intégralité.
2. CONTEXTE
2.1. Le contrat
[4] Junon est une société qui œuvre dans la promotion et la construction de projets résidentiels, commerciaux et industriels. Elle est propriétaire d’un immeuble situé au 7825-7827 boulevard Henri-Bourassa Est dans le secteur Rivière-des-Prairies à Montréal (l’immeuble), composé d’un terrain, d’un entrepôt et d’un édifice commercial.
[5] Vers la fin de l’année 2010, Junon offre l’immeuble en location et Les Entreprises Claude Chagnon, Division Gaz inc., se montre intéressée par ce site. Des projets de bail lui sont soumis par Junon en août 2011[2] mais le projet de location ne se concrétise pas.
[6] Dans l’intervalle, Sobrian inc., société liée aux Entreprises Claude Chagnon, désire développer une usine d’asphalte et envisage de se porter acquéreur de l’immeuble pour la réalisation de ce projet. Des offres d’achat de l’immeuble, datées du 16 septembre, du 28 septembre et du 3 octobre 2011[3] sont échangées entre Junon et Sobrian, qui agit pour et au nom de 9247.
[7] L’intention de Sobrian et de 9247 d’établir une usine d’asphalte sur l’immeuble n’est pas divulguée à Junon lors des discussions.
[8] Le 5 octobre 2011, 9247 soumet à Junon une offre d’achat de l’immeuble. Le 6 octobre 2011, Junon accepte cette offre (le contrat)[4] qui comporte notamment les clauses suivantes :
5.1 L’acquéreur procédera. au cours des soixante (60) jours suivant la date d’acceptation des présentes (''la période d’examen'') à l'ensemble de l'examen de la documentation relative à l'immeuble que le vendeur s’engage à mettre à la disposition de l'acquéreur et de ses conseillers juridiques. Cette documentation inclura:
5.1.1 les titres de propriété et le certificat de localisation de l'immeuble actuellement en possession du vendeur;
5.1.2 tous les plans d’architecte, de structure, de mécanique et autres se rapportant à l’immeuble et à ses améliorations et qui sont en possession du vendeur;
5.1.3 les contrats et ententes en vigueur relativement à l'immeuble incluant les contrats d’entretien, de service et de sécurité; le cas échéant;
5.1.4 tout autre document pertinent relatif à l’immeuble et non mentionné aux paragraphes précédents et qui sera en possession du vendeur.
(…)
5.4 Si l'acquéreur n’est pas satisfait, à son entière discrétion, du résultat de l'un de ces examens, vérifications ou inspections, des termes de l'un ou l'autre des documents mentionnés ci-dessus ou de toute évaluation qu’il a pu requérir, à son entière discrétion ou du zonage affectant l'immeuble, il pourra, en tout temps avant l’expiration de la période d’examen, envoyer un avis écrit au vendeur l'informant des vices qu’il a découverts et le vendeur bénéficiera d’un délai de dix (10) jours afin de corriger les vices soulevés par l'acquéreur. Advenant le refus ou le défaut du vendeur de corriger à la satisfaction de l’acquéreur les vices soulevés dans le délai imparti de dix (10) jours, alors l’acquéreur aura l'option d’acquérir l'immeuble avec les vices soulevés, sans diminution du prix, ni compensation ou recours à cet égard, ou d’annuler la présente offre et celle-ci sera nulle et non avenue à compter de l’envoi par l’acquéreur au vendeur d’un avis écrit à cet effet dans les cinq (5) jours suivant l'expiration dudit délai de dix (10) jours et le dépôt de cinquante mille dollars (50 000 $) et les intérêts courus sera remis à l’acquéreur, le tout, sans recours d’une partie contre l’autre et sujet à l’article 5.3.
À défaut par l’acquéreur de donner les avis ci-dessus prévus dans les délais impartis, il sera présumé être satisfait de la condition de l'immeuble.
(…)
9.1 À compter de la date d'acceptation de la présente offre d'Achat par le vendeur et jusqu'à la séance de clôture, le vendeur fera en sorte de:
9.1.1 maintenir l'immeuble dans sa condition actuelle et dans un bon état d'entretien, sujet à l'usure normale;
9.1.2 conduire ses opérations relatives à l'immeuble d'une manière substantiellement semblable à celle pratiquée présentement et ne pas introduire quelque nouvelle méthode importante de comptabilité, d'administration et d'opération;
9.1.3 ne pas mettre un terme ou manquer à ses engagements relativement aux baux, et aux contrats de service, le cas échéant;
9.1.4 ne pas accepter aucune nouvelle offre de location, bail ou amendement à un bail existant affectant l'immeuble sans avoir obtenu au préalable le consentement de l'acquéreur;
9.1.5 ne pas accepter aucune modification ou prolongation des contrats de service ou n'importe quel contrat similaire aux contrats de services relatifs à l'immeuble étendant la durée d'un contrat ou créant des obligations en vertu de tout autre contrat similaire sans avoir obtenu au préalable le consentement écrit de l'acquéreur.
(…)
17.1 La présente offre deviendra nulle et non avenue, si l'Acquéreur n'a pas obtenu auprès d'une institution financière un financement à des termes et conditions qui lui seront acceptables et qui seront conformes aux normes du marché actuel; ce financement devra avoir été accordé à l'acquéreur le ou avant le 15 novembre 2011. L'acquéreur doit en aviser le vendeur avant cette date.
(…)
19.1 Tous les délais mentionnés aux présentes sont des délais de rigueur.
(Le Tribunal souligne)
[9] Conformément au contrat[5], 9247 remet au mis-en-cause, le notaire Me Steve Collins, la somme de 50 000 $ qui est déposée en fidéicommis.
[10] Le 12 octobre 2011, Junon remet à 9247 la documentation relative à l’immeuble, dont le certificat de localisation, des plans et divers rapports environnementaux[6]. Le certificat de localisation émis le 9 février 2007 indique que le zonage municipal actuel de l’immeuble permet en outre la construction d’une bâtisse industrielle.
[11] Le 2 novembre 2011, un rapport des évaluateurs agréés Immovex[7] est remis à 9247. Il y est spécifié que la propriété est située à l’intérieur de la zone permettant les usages commerciaux et industriels. Dans la section « zonage » du rapport Immovex, il est précisé que le zonage permet l’industrie légère et moyenne.
[12] Le 24 novembre 2011, le procureur de 9247 confirme par lettre[8] que celle-ci a obtenu le financement requis pour l’achat de l’immeuble et qu’elle renonce au bénéfice de la clause 17.1 du contrat.
2.2. L’annulation du contrat
[13] Le 5 décembre 2011, soit le 60ème jour suivant la signature du contrat par Junon, 9247 avise celle-ci par écrit[9] de son retrait et de l’annulation de l’offre d’achat :
A titre de procureur de 9247-3974 Québec Inc., nous vous confirmons qu’entre autres en raison du zonage, notre cliente se retire et annule l’offre d’achat.
(Le Tribunal souligne)
[14] Le 22 décembre 2011, 9247 explique plus amplement, par lettre de ses procureurs, les raisons qui supportent sa décision : elle désirait construire une usine d’asphalte, ce qui aurait impliqué que l’immeuble soit situé dans une zone permettant l’usage « industriel lourd », ce qui n’était pas le cas. Elle invoque la clause 5.4 du contrat, qui stipule que si « (…) l’acquéreur n’est pas satisfait, à son entière discrétion, du résultat de l’un de ses examens (…) ou du zonage affectant l’immeuble (…) », elle est justifiée de mettre fin au contrat. Puisque Junon n’aurait pu faire apporter une modification au zonage de l’immeuble dans un délai de 10 jours et que 9247 ne pouvait se satisfaire du zonage existant, elle considère qu’elle n’avait pas à transmettre à Junon l’avis de 10 jours prévu à la clause 5.4 du contrat.
[15] Junon soutient qu’en vertu du contrat, 9247 est réputée satisfaite de la condition de l’immeuble et qu’elle a omis de l’informer par avis écrit, avant l’expiration de la période d’examen de 60 jours, de son insatisfaction à l’égard du zonage. Ce défaut est fatal selon elle puisque les délais prévus au contrat sont de rigueur.
[16] Elle plaide également la mauvaise foi de 9247, qui néglige de l’aviser avant la signature du contrat de ses intentions quant à l’usage de l’immeuble et des exigences relatives au zonage à cette fin.
3. LES QUESTIONS EN LITIGE
1. 9247 a-t-elle agi de mauvaise foi en ne divulguant pas à Junon ses intentions quant à l’usage de l’immeuble et l’importance du zonage à cet égard?
2. 9247 a-t-elle respecté les termes du contrat en ne donnant pas à Junon un délai de 10 jours conformément à la clause 5.4?
3. 9247 a-t-elle causé des dommages à Junon et le cas échéant, quelle est la valeur de ceux-ci?
4. LA PREUVE ET LA POSITION DES PARTIES
4.1. Junon
[17] Girlando et Alfonso Argento, respectivement président et secrétaire administratif de Junon, confirment qu’en 2010-2011, l’immeuble est inoccupé et que seule une portion du terrain et l’entrepôt sont utilisés par Junon. L’immeuble est disponible pour la location ou la vente.
[18] En septembre 2011, des discussions s’engagent entre Junon et Sobrian, agissant pour 9247, en vue de la vente de l’immeuble. L’élément principal qui pose difficulté entre les parties est la durée de la période d’examen, qui variera de 30 jours à 120 jours selon les projets échangés et qui sera finalement établie à 60 jours dans le contrat[10]. Les parties sont assistées de leur conseiller juridique respectif dans le cadre de leurs discussions et reconnaissent de part et d’autre être des gens d’affaires aguerris.
[19] La compréhension des Argento est à l’effet que 9247 souhaite se porter acquéreur de l’immeuble pour ses activités de construction et d’installation de conduites de gaz. À aucun moment précédant la signature du contrat ni au cours de la période d’examen, Junon n’est informée par 9247 de son projet d’y installer plutôt une usine d’asphalte.
[20] Le zonage de l’immeuble ne fait pas non plus l’objet de discussion entre les parties pendant cette période. Girlando Argento précise toutefois avoir indiqué au représentant de 9247, Jean Chagnon, que s’il désirait s’informer sur le zonage, il pouvait s’adresser au bureau de l’arrondissement situé à proximité de l’immeuble. La vérification du zonage existant est également facile à effectuer en ligne, précise-t-il.
[21] Si les Argento avaient été informés du projet d’usine d’asphalte de leur cocontractante, ils affirment qu’ils n’auraient pas accepté l’offre d’achat du 5 octobre 2011. Ils connaissaient le zonage affectant l’immeuble, soit pour une industrie légère ou moyenne alors que l’exploitation d’une usine d’asphalte requiert un zonage pour une industrie lourde. Ils savaient qu’il aurait été impossible de modifier le zonage affectant l’immeuble ou d’obtenir une dérogation des autorités municipales à cet égard dans un court délai.
[22] Ils déplorent le manque de transparence de 9247 et sa mauvaise foi dans la conduite de leurs discussions.
4.2. 9247
[23] M. Jean Chagnon, comptable agréé et administrateur, témoigne pour 9247. Celle-ci est une entreprise constituée dans le but spécifique de faire l’acquisition de l’immeuble et d’entreprendre la réalisation du projet d’usine d’asphalte des Entreprises Claude Chagnon.
[24] M. Chagnon explique que la confidentialité de ce projet, lors des négociations et de la période d’examen, est pour 9247 d’une importance capitale. L’implantation d’une telle usine, dans la région métropolitaine, s’avère difficile à cette époque et le seul fait de divulguer les intentions des Entreprises Claude Chagnon à cet égard est susceptible de faire échouer le projet.
[25] Pour ces raisons, M. Chagnon reconnaît que le véritable objectif de l’acquisition de l’immeuble n’est pas dévoilé aux Argento et que le zonage devient une considération primordiale, dont leur cocontractante n’est pas non plus informée. Par contre et dans ce contexte, M. Chagnon prend bien soin de faire inscrire à la clause 5.4. la mention « ou du zonage affectant l’immeuble » afin de s’assurer que 9247 puisse se retirer de l’offre d’achat dans l’éventualité où le zonage ne permettrait pas la réalisation du projet.
[26] La période d’examen allouée par le contrat est très courte puisque 9247 doit, pendant celle-ci, obtenir le financement nécessaire auprès d’une institution financière, procéder à la vérification diligente et surtout, entreprendre les démarches relatives au zonage, soit obtenir confirmation du zonage affectant l’immeuble et exercer les options envisageables afin de le modifier ou d’obtenir une dérogation. M. Chagnon se charge principalement de ces démarches pour 9247. Il reconnaît n’avoir entrepris aucune vérification à cet égard préalablement à la signature du contrat.
[27] 9247 mandate Immovex dont le rapport est émis le 2 novembre 2011 et qui confirme que le zonage permet l’industrie légère et moyenne[11]. M. Chagnon entame des démarches auprès de la ville et envisage certaines options, comme celle d’acquérir un autre terrain situé dans le secteur de l’immeuble, afin de répartir les opérations et de permettre l’usage projeté.
[28] Pendant toute la période d’examen, même après la communication du rapport d’Immovex confirmant le zonage, M. Chagnon conserve l’espoir de trouver une solution pour la réalisation du projet. Il confirme ainsi le financement auprès de Junon, malgré qu’il sache alors que le zonage existant ne permet pas l’implantation d’une industrie lourde.
[29] Dès la mi-novembre 2011, M. Chagnon sait qu’une dérogation est nécessaire ou une modification du zonage et il cherche une solution. Il ne transmet pas l’avis de 10 jours à Junon, prévu à la clause 5.4 du contrat, parce qu’il sait qu’il n’est pas possible pour sa cocontractante de faire modifier le zonage ou d’obtenir une dérogation à l’intérieur d’un délai si court.
[30] Puisque 9247 met fin au contrat à l’intérieur du délai d’examen, elle respecte selon lui les exigences contractuelles stipulées par les parties.
5. ANALYSE et décision
5.1. 9247 a-t-elle agi de mauvaise foi en ne divulguant pas à Junon ses intentions quant à l’usage de l’immeuble et l’importance du zonage à cet égard?
[31] La bonne foi doit gouverner la conduite des parties, tant lors de la négociation du contrat qu’au cours de son exécution[12]. Ce principe sert de fondement, dans les circonstances appropriées, à la reconnaissance d’une obligation de fournir à son cocontractant certaines informations avant de conclure un accord, particulièrement les faits susceptibles d’influencer son consentement de façon importante[13].
[32] L’information dont le cocontractant est privé doit être déterminante de façon telle que si elle lui avait été communiquée, elle aurait joué un rôle certain dans sa décision de conclure ou non le contrat ou de le conclure à des conditions moins onéreuses[14].
[33] La bonne foi se présume[15] et il appartient à Junon de démontrer que sa cocontractante s’est montrée de mauvaise foi lors de la conduite de leurs discussions et au cours de la période d’examen.
[34] À la lumière de la preuve, il est établi que 9247 n’a pas agi de bonne foi envers sa cocontractante au cours de leur relation contractuelle, tant lors des discussions préalables que lors de la période d’examen, pour les motifs suivants.
[35] 9247 n’est pas tenue de divulguer à sa cocontractante la nature du projet qu’elle entend réaliser sur l’immeuble. Néanmoins, 9247 sait lorsqu’elle négocie et signe le contrat que le projet qu’elle envisage entreprendre nécessite un zonage industrie lourde. Cet élément est déterminant pour l’implantation d’une usine d’asphalte. Or, elle ne s’informe pas, préalablement à la finalisation de l’offre, auprès de Junon ni auprès des autorités municipales, du zonage affectant l’immeuble. Une telle information était pourtant facilement accessible, selon la preuve.
[36] D’autre part, le fait de communiquer à Junon cette condition essentielle relative au zonage aurait permis à celle-ci de prendre le risque, de manière libre et éclairée, de poursuivre les discussions avec 9247 ou au contraire, de refuser une offre dont la condition essentielle, une modification du zonage, était irréalisable à court ou moyen terme.
[37] Les raisons invoquées par 9247 pour ne pas dévoiler la nature de son projet sont valables. Les exigences de la bonne foi requéraient cependant qu’elle divulgue à Junon l’exigence relative au zonage pour la réalisation de son projet, plutôt que de s’allouer unilatéralement un délai de deux mois pour faire ses démarches, période durant laquelle Junon était empêchée d’évaluer d’autres options pour la vente ou la location de son immeuble.
[38] La preuve est convaincante, par le témoignage des Argento, que Junon n’aurait pas accepté de signer l’offre soumise par 9247 si elle avait été informée des intentions de celle-ci quant à l’usage de l’immeuble ou à tout le moins des exigences relatives au zonage, requises pour l’exécution de ce projet.
5.2. 9247 a-t-elle respecté les termes du contrat en ne donnant pas à Junon un délai de 10 jours conformément à la clause 5.4?
[39] 9247 prend bien soin de faire préciser au contrat que si elle n’est pas satisfaite, à son entière discrétion, du résultat de l'un de ses examens, vérifications ou inspections ou du zonage affectant l'immeuble, elle peut transmettre avant l’expiration du délai de 60 jours un avis à Junon à cet égard. Tel avis doit toutefois permettre à celle-ci de corriger le vice dénoncé, dans un délai de 10 jours.
[40] Il est également stipulé à cette clause qu’à défaut par 9247 de donner les avis prévus dans les délais impartis, lesquels sont de rigueur[16], elle sera présumée être satisfaite de la condition de l'immeuble.
[41] Dans les faits, le 60ème jour suivant la signature du contrat donc quelques heures avant l’expiration du délai d’examen, 9247 avise sa cocontractante de son insatisfaction à l’égard du zonage, sans pour autant offrir à Junon la possibilité d’y remédier dans un délai de 10 jours.
[42] 9247 ne contrevient pas à la clause 5.4 du contrat puisqu’elle transmet son avis avant l’expiration du délai de 60 jours. Junon pouvait dès lors se prévaloir du délai de 10 jours pour remédier au problème dénoncé.
[43] Il est par ailleurs admis par les parties qu’il aurait été impossible de corriger la situation, soit d’obtenir une modification du zonage, dans un tel délai.
[44] 9247 sait d’ailleurs fort bien, lorsqu’elle négocie les clauses contractuelles avec Junon, qu’un délai de 10 jours ne permettra pas à Junon de procéder à quelque démarche que ce soit afin d’obtenir une modification du zonage.
[45] Par conséquent, non seulement 9247 ne dévoile-t-elle pas à Junon qu’un zonage industriel lourd est nécessaire pour la réalisation de son projet mais de plus, elle prive sciemment Junon du délai contractuel de 10 jours, sachant fort bien qu’aucune démarche ne permettrait dans un délai aussi court d’apporter une modification au zonage en vigueur.
[46] Cet élément contribue à la démonstration, selon la prépondérance de preuve, que 9247 ne s’est pas conduite de bonne foi envers Junon.
5.3. 9247 a-t-elle causé des dommages à Junon et le cas échéant, quelle est la valeur de ceux-ci?
[47] Les Argento plaident que pendant toute la période d’examen, soit les 60 jours écoulés entre la signature du contrat et la lettre du 9247 y mettant fin, ils ne peuvent ni louer, ni vendre, ni exploiter l’immeuble et doivent engager des dépenses d’exploitation qu’ils réclament de 9247.
[48] Junon allègue avoir subi les dommages suivants :
a) Frais d’opération pour 60 jours : 56 254,28 $[17]
(ces frais sont composés des taxes foncières et scolaires, coûts d’électricité et de chauffage, frais d’entretien de l’équipement de ventilation et de la génératrice, assurance bâtiment et intérêts sur l’hypothèque calculés pour la période d’examen de 60 jours)
b) Frais de notaire : 750 $[18]
c) Frais d’avocats : 2 000 $
d) Troubles, inconvénients et honoraires extrajudiciaires : 30 000 $[19]
[49] Junon demande que l’acompte de 50 000 $ versé lui soit remis en compensation d’une partie de la somme qui lui est due.
[50] Pour sa part, 9247 plaide que Junon n’a subi aucun dommage, d’autant plus qu’elle devait, en vertu du contrat[20], poursuivre les opérations usuelles et maintenir l’immeuble en bon état.
[51] Lorsque le promettant acheteur est responsable de la non-réalisation de la vente, il est passible de dommages-intérêts envers le vendeur[21]. Les dommages-intérêts doivent indemniser le préjudice subi par Junon, qui résulte du défaut de 9247 et qui en est une suite directe et immédiate[22]. Ils doivent compenser la perte subie et le gain dont Junon est privée[23].
[52] La preuve ne démontre pas que les frais d’opération de l’immeuble soient directement engagés par Junon en raison de la faute reprochée à 9247. N’eut été du contrat et de la période d’examen de 60 jours, rien ne permet de conclure que Junon aurait été en mesure d’éviter de telles dépenses. Elle ne démontre pas avoir reçu d’autres propositions concrètes d’achat ou de location avant ou au cours de la période d’examen, d’autant plus que l’immeuble n’a finalement été loué que cinq ou six mois suivant la rupture du contrat. L’immeuble était offert pour la location ou l’achat depuis la fin de l’année 2010.
[53] De plus, il est prévu au contrat que Junon peut continuer de recevoir de nouvelles offres de location de l’immeuble jusqu’à la séance de clôture mais qu’elle ne peut en accepter aucune sans obtenir le consentement écrit préalable de 9247[24]. Il est également convenu entre les parties que Junon doit maintenir l’immeuble dans sa condition actuelle et en bon état d’entretien, conduire ses opérations usuelles relatives à l’immeuble et ne pas mettre un terme aux contrats de services relatifs à celui-ci[25].
[54] Les charges de l’immeuble demeurent ainsi sous la responsabilité de Junon au cours de la période d’examen et la preuve qu’elle aurait évité de telles dépenses, n’eut été de la signature du contrat avec 9247 ou des fautes reprochées à celle-ci, n’est pas établie. Cette portion de la réclamation est rejetée.
[55] Eu égard aux troubles et inconvénients, la preuve testimoniale révèle que les circonstances entourant la négociation du contrat avec 9247 et la période d’examen ont requis de la part des administrateurs de Junon des démarches[26], visites, correspondances, entretiens et rencontres qu’ils n’auraient pas effectués s’ils avaient été avisés des intentions de 9247. M. Chagnon confirme la disponibilité et la collaboration de Junon lors de ces étapes. Ces troubles et inconvénients sont évalués à un montant de 15 000 $, somme qui paraît raisonnable à la lumière de la preuve.
[56] Les honoraires du notaire et d’avocats défrayés par Junon pour la révision du contrat, totalisant 2 750 $, constituent également des dommages directs et sont accordés.
[57] Quant aux honoraires extrajudiciaires engagés par Junon pour exercer son recours contre 9247, ils ne sont pas accordés. La démonstration d’abus ou de mauvaise foi dans la conduite de la défense de 9247 n’est pas plaidée ni établie. Ses moyens de défense n’étaient ni frivoles ni manifestement mal fondés et sa conduite dans le déroulement des procédures ne justifie d’aucune façon qu’elle soit condamnée à rembourser les honoraires des avocats de Junon[27]. La réclamation de Junon n’était d’ailleurs pas justifiée dans son intégralité.
[58] Le montant des dommages alloués à Junon totalise 17 750 $. Il est possible d’exercer compensation entre le montant de l’indemnisation accordée et celui de l’acompte versé aux termes du contrat[28].
[59] 9247 demande que le notaire Me Steve Collins soit autorisé à lui remettre le montant de 50 000 $ qu’il détient en fidéicommis conformément au contrat, plus les intérêts accumulés, le cas échéant. Cette demande sera partiellement accordée en ce que le montant dû à Junon de 17 250 $ sera préalablement déduit de la somme détenue en fidéicommis et remis à Junon. Le solde sera versé à 9247.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[60] ACCUEILLE en partie la demande introductive d’instance de la demanderesse;
[61] CONDAMNE
la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 17 250 $
plus les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[62] ORDONNE au mis-en-cause le notaire Me Steve Collins, en exécution du présent jugement, de verser aux parties, dans un délai de 30 jours, les sommes suivantes, provenant du montant de 50 000 $ détenu en fidéicommis conformément aux pièces P-4 et P-8 :
-
À la demanderesse, la somme de 17 250 $ plus les intérêts au
taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
- À la défenderesse, le solde plus les intérêts accumulés le cas échéant, déduit du montant versé à la demanderesse;
[63] LE TOUT avec les frais de justice contre la défenderesse.
|
||
|
Suzanne courchesne, J.C.S. |
|
|
||
Me Dominique Zaurrini |
||
ZAURRINI AVOCATS |
||
Procureur de la demanderesse |
||
|
||
Me Alexandre Béchard |
||
Gascon & Associés S.E.N.C.R.L |
||
Procureur de la défenderesse |
||
|
||
Dates d’audience : |
Les 21 et 22 avril 2016 |
|
[1] Conformément à la demande introductive d’instance amendée datée du 11 avril 2016.
[2] Pièce P-26 en liasse.
[3] Respectivement les pièces P-27, P-28 et P-29.
[4] Pièce P-4.
[5] Pièce P-4, clause 1.1 et pièce P-8.
[6] Pièce P-25.
[7] Pièce P-22.
[8] Pièce P-5.
[9] Pièce P-6.
[10] Pièce P-4, clause 5.1.
[11] Pièce P-22.
[12]
Article
[13] Pierre-Gabriel JOBIN et Nathalie VÉZINA, Les obligations, 7è édition, Éditions Yvon Blais, 2013 para. 302 et 303.
[14] Id., para. 313.
[15]
Article
[16] Pièce P-4, clause 19.1.
[17] Pièces P-11 à P-17 inclusivement et P-18A.
[18] Pièce P-18.
[19] Pièce P-30 quant aux honoraires réclamés totalisant environ 15 000$.
[20] Pièce P-4, clause 9.1.
[21]
Pierre-Gabriel JOBIN et Michelle CUMYN,
[22]
Article
[23]
Article
[24] Pièce P-4, clause 9.1.4.
[25] Id., clause 9.1.
[26] Notamment celles requises afin de se conformer à la clause 5.1 du contrat P-4.
[27]
Viel c. Entreprises immobilières du Terroir inc.,
[28] Pierre-Gabriel JOBIN et Michelle CUMYN, La vente, préc., note 21.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.