Les conséquences des deux interprétations sont tout à fait différentes l'une de l'autre puisque selon la décision prise en référence, le travailleur se verra ou non octroyé des crédits pour les jours de travail au cours desquels il fut absent après avoir subi une lésion professionnelle.
Le Tribunal n'estime pas être en face d'une divergence d'interprétation de convention collective, mais bel et bien d'une divergence d'interprétation de la loi et il ne lui apparaît pas qu'il soit opportun de laisser libre cours à l'existence de différentes façons d'appliquer la loi au regard des principes soulevés par cette affaire.
De plus, et pour les motifs qui seront exposés ci-après, il conclut aussi qu'il doit intervenir en raison même des principes qui justifient son intervention en matière d'évocation, savoir que l'interprétation donnée par l'intimé Perreault ne peut rationnellement s'appuyer sur le texte même de la loi.
l'encontre du dernier paragraphe de l'article 1 cité précédemment, qui circonscrit aux limites prévues au chapitre VII les droits au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.Ainsi, le Tribunal ne peut convenir que le terme «avantages» contenu à l'article 242 de la loi permet au travailleur qui réintègre son emploi d'accumuler pendant son absence des heures de travail. C'est là faire dire à cet article plus que ce qu'il comprend et c'est même aller à
242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.
Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulé.
La Commission d'appel considère que la paie de vacances dont il est question ici a été établie et remise au retour ou après le retour au travail du travailleur et que l'élément antérieur (accumulation des heures) dans ce dossier se confond avec les termes "s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence" et en est indissociable.
Dans les circonstances, la Commission d'appel est d'avis que, dans cette situation, l'application de l'article 11.12-2.b) de la convention collective n'est pas conforme aux dispositions de la loi en matière de retour au travail et ne saurait avoir préséance sur cette loi qui est d'ordre public.
L'impératif de cohérence dans l'application de la loi constitue, indéniablement, un objectif valable, donc un argument de poids. Que des justiciables reçoivent, relativement à la même question, des réponses diamétralement opposées selon l'identité des membres de tribunaux administratifs peut apparaître inacceptable à certains et même difficilement compatible avec plusieurs objectifs, parmi lesquels la primauté du droit. Or, comme l'indique la jurisprudence, la cohérence décisionnelle et la primauté du droit ne sauraient avoir un caractère absolu, dénué de tout contexte. Dans le cadre du contrôle judiciaire, le problème de l'incohérence décisionnelle au sein d'instances administratives est indissociable de l'autonomie décisionnelle, l'expertise et l'efficacité de ces mêmes tribunaux.
L'opportunité d'une intervention judiciaire en cas de conflit jurisprudentiel au sein de tribunaux administratifs, même grave et incontestable, ne saurait, dans ces conditions, s'inspirer uniquement du «triomphe» de la primauté du droit. Dans le cas de décisions intrajuridictionnelles non manifestement déraisonnables, le débat se résume, plutôt, à se demander si les principes sous-jacents à la retenue judiciaire doivent céder le pas à d'autres impératifs. À mon avis, la réponse est non.(6)
Ce processus a conduit à l'élaboration du critère de l'erreur manifestement déraisonnable. Si le droit administratif canadien a pu évoluer au point de reconnaître que les tribunaux administratifs ont la compétence de se tromper dans le cadre de leur expertise, je crois que l'absence d'unanimité est, de même, le prix à payer pour la liberté et l'indépendance décisionnelle accordées aux membres de ces mêmes tribunaux. Reconnaître l'existence d'un conflit jurisprudentiel comme motif autonome de contrôle judiciaire constituerait, à mes yeux, une grave entorse à ces principes. Ceci m'apparaît d'autant plus vrai que les tribunaux administratifs, tout comme le législateur, ont le pouvoir de régler eux-mêmes ces conflits. La solution qu'appellent les conflits jurisprudentiels au sein de tribunaux administratifs demeure donc un choix politique qui ne saurait, en dernière analyse, être l'apanage des cours de justice.(7)
Les cours de justice ont également fini par se faire à l'idée qu'elles ne sont peut-être pas aussi bien qualifiées qu'un organisme administratif déterminé pour donner à la loi constitutive de cet organisme des interprétations qui ont du sens compte tenu du contexte des politiques générales dans lequel doit fonctionner cet organisme.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.