Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le 20 juin 1995

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LA COMMISSAIRE:    Louise Thibault
     DE MONTRÉAL

     ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR:  Jean-Paul Brault, médecin

     RÉGION:   AUDIENCE TENUE LE:        20 avril 1995
     LANAUDIÈRE

     DOSSIER:
     41769-63-9207

     DOSSIER CSST:  À:                        Joliette
     0961 94915

     DOSSIER BR:
     6084 5056

     MONSIEUR ROBERT BLANCHETTE
     54, Chemin Lavaltrie
     St-Paul de Joliette (Québec)
     J0K 3E0

                               PARTIE APPELANTE

     et

     DURIVAGE - MULTI-MARQUES INC.
     

Monsieur Gilles Rousseau Direction des Ressources humaines 1600, boul. Henri-Bourassa Ouest Bureau 510 Montréal (Québec) H3M 3E2 PARTIE INTÉRESSÉE et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL 432, rue de Lanaudière Joliette (Québec) J6E 7X1 PARTIE INTERVENANTE D É C I S I O N Le 10 juillet 1992, monsieur Robert Blanchette (le travailleur) en appelle à Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'une décision unanime du bureau de révision de Lanaudière du 13 mai 1992.

Cette décision modifie celle de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) du 31 juillet 1991 qui refusait la réclamation du travailleur pour une rechute, récidive ou aggravation du 12 juillet 1989 pour le motif que la demande du travailleur n'avait pas été produite dans les délais légaux.

Elle déclare, d'une part, que le travailleur n'avait pas à produire une réclamation et, d'autre part, qu'il n'a pas subi de lésion professionnelle le 12 juillet 1989.

OBJET DE L'APPEL Le travailleur demande d'infirmer la décision du bureau de révision, de reconnaître qu'il n'avait pas à produire de demande et de déclarer qu'il a subi une rechute, récidive ou aggravation le 12 juillet 1989, de même que le 18 janvier 1991.

LES FAITS Le 26 juin 1987, le travailleur est à l'emploi de la boulangerie Durivage (l'employeur) à titre de graisseur de machines lorsqu'il se fait mal au dos en forçant pour accrocher une plaque de métal («garde»). Il éprouve une douleur qu'il qualifie d'assez violente et un craquement dans le dos, mais il termine malgré cela sa journée de travail.

Quelques jours après, il dit avoir «barré». Il ressent alors une brûlure au niveau du thorax et une douleur au niveau dorso- lombaire.

Il voit le 7 juillet 1987 le docteur Sylvain Laporte qui pose le diagnostic d'entorse de la charnière dorso-lombaire.

Le 9 septembre 1987, le docteur Laporte signe un rapport final où il confirme son diagnostic, note que le travailleur éprouve encore certains malaises, le retourne à son travail initial et le consolide le 15 septembre 1989, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

Le travailleur réintègre son emploi à la date prévue.

Le travailleur revoit le docteur Laporte le 18 janvier 1991.

Celui-ci pose alors le diagnostic de séquelles d'entorse dorso- lombaire et de dorso-lombalgie, lui prescrit des anti- inflammatoires et le réfère au docteur S. Ferron. Sur le rapport médical transmis à la Commission, il indique le 6 juillet 1987 comme date d'événement.

La clinique Laporte fait parvenir à la Commission le 18 janvier 1991 une facture pour des médicaments, auquel est jointe la partie «Commission» du formulaire «Réclamation du travailleur».

Ce formulaire n'est cependant pas signé par le travailleur et ne précise aucune date de rechute.

Le 8 février 1991, le travailleur réclame pour invalidité auprès de son assureur, l'Industrielle Alliance, et joint à sa réclamation une déclaration de son médecin traitant du 6 février 1991, le docteur Georges Haddad, à l'effet qu'il souffre d'un état dépressif situationnel.

Le 14 juin 1991, le travailleur voit le docteur Ferron qui demande une discographie de la colonne lombaire aux niveaux L1-L2 et L2-L3 et prévoit revoir ensuite le travailleur. Les résultats n'apparaissent pas au dossier.

Le 14 juin 1991, le travailleur produit auprès du service d'accueil de la Commission une réclamation signée de sa main, pour une rechute, récidive ou aggravation le 12 juillet 1989 de la lésion qu'il a subie le 26 juin 1987. Il laisse en blanc l'espace consacré à la description de l'événement.

La clinique Laporte fait parvenir une autre facture à la Commission le 8 juillet 1991, aussi accompagnée du formulaire «Réclamation du travailleur», cette fois-ci signé par le travailleur. On n'y précise aucune date de rechute.

Le 31 juillet 1991, la Commission rend une décision refusant la réclamation du travailleur. Celui-ci conteste auprès du bureau de révision le 19 août 1991.

Le 6 septembre 1991, la Commission expédie au travailleur une lettre contenant les paragraphes suivants: «La présente a pour but d'apporter une précision suite à notre lettre du 31 juillet 1991.

La demande de prestations qui est refusée dans cette lettre concerne la réclamation du travailleur produite le 14 juin 1991 relativement à une rechute, récidive ou aggravation le 12 juillet 1989.

[...]» Le 10 mars 1992, le docteur Laporte signe un rapport final où il indique comme diagnostic une entorse dorso-lombaire. Il déclare la lésion du travailleur consolidée le 10 mars 1992 avec atteinte permanente et les limitations professionnelles suivantes: «1. Ne pas travailler en position penchée constamment.

2. Eviter mouvements répétitifs de flexion-extension.» Le travailleur produit devant le bureau de révision et devant la Commission d'appel divers documents ayant trait à la période se situant entre le 29 avril 1989 et le 18 janvier 1991.

Une grille d'évaluation complétée au Centre hospitalier régional de Lanaudière par une infirmière le 29 avril 1989 indique que le travailleur consulte pour un mal de dos depuis une semaine s'irradiant à l'abdomen. On indique que le travailleur se plaint de douleurs sous forme d'élancement ou de pression à la région lombaire et abdominale et à l'intérieur de la cuisse droite. On fait alors effectuer une pyélographie et une tomographie du système génito-urinaire qui se révèlent toutes deux normales.

Un rapport du docteur Raymond Couture, physiatre, de la clinique de physiothérapie René Joyal, du 19 juillet 1989, indique que le travailleur lui a été référé par le docteur M. Martineau qui a posé un diagnostic de douleur dorsale d'allure DIM avec irradiation au flanc abdominal droit. Dans l'histoire de cas, le docteur Couture rapporte des douleurs lombaires qui ont toujours été présentes et qui depuis février se situent à l'abdomen. Il note que le patient a eu un accident de moto en 1972 qui pourrait être à l'origine de ses douleurs vertébrales. Il rapporte également une douleur à la jambe droite depuis 1972. Son impression est celle d'une possibilité d'un dérangement vertébral à la région lombaire avec irradiation à l'abdomen et d'un DIM dorsal.

Un extrait du dossier de l'urgence du Centre hospitalier Le Gardeur indique que le travailleur y est vu par le docteur R.

Antoun, orthopédiste, le 27 septembre 1989. Il se plaint qu'il a des douleurs au dos et au flanc droit et au quadrant inférieur droit, qu'il a maigri et qu'il n'est pas amélioré par la physio ou un corset. On ne note pas de déficit des membres et on remarque que «le tout est très atypique». Le médecin demande une cartographie osseuse.

Une scintigraphie osseuse pancorporelle est effectuée le 24 novembre 1989. Elle est ainsi analysée par le docteur Jean Léveillée: «[...] Impression: Pas d'évidence de lésion osseuse et la zone supra-orbitaire gauche est fort probablement en relation avec une contamination urinaire.» Le patient est revu de nouveau par le docteur Antoun le 20 décembre 1989. Celui-ci indique qu'il n'a pas de suggestion à faire autre que peut-être la chiropraxie ou la clinique de la douleur.

Le travailleur voit le 15 août 1990 le docteur P. Molina-Negro à la demande du docteur Antoun. Les extraits pertinents de son rapport se lisent ainsi: «La symptomatologie actuelle consiste à une douleur au niveau de la région costale droite ainsi qu'au niveau du ventre à droite, douleur extrêmement intense qui l'immobilise parfois, l'empêchant de se déplacer.

Cette douleur peut s'irradier jusqu'à la région inter-scapulo-vertébrale. Par ailleurs, il y a d'autres douleurs au niveau de la face antéro-latérale de la cuisse et de la jambe ainsi qu'au niveau du genou droit.

Le patient ne prend aucun médicament mais a déjà pris de l'Halcion et un anti-inflammatoire avec peu d'amélioration.

A l'examen clinique, on constate un patient dépressif sur le bord des larmes, très angoissé de sa situation et avec très peu d'espoir de l'améliorer. On remarque une dénivellation des ceintures scapulaires et pelviennes avec une épaule droite descendue d'environ 3 cm par rapport à la gauche. Il existe aussi un cypho- scoliose.

Le mesurement des membres inférieurs démontre un raccourcissement relatif de 1.5 cm au niveau de la jambe droite. Les circonférences au niveau des extrémités inférieures sont les suivantes: aux cuisses: 38 à droite, 42 à gauche aux mollets: 28 à droite, 31.5 à gauche.

Cependant, l'examen de la force segmentaire ne démontre pas de déficit sélectif. Il s'agit donc d'une atrophie par manque d'usage en partie. Le patient m'indique aussi que déjà lorsqu'il était adolescent, il se souvient d'avoir eu une certaine difficulté pour se maintenir tout droit avec les deux jambes au même niveau. L'examen de la sensibilité est normal.

L'examen palpatoire provoque une douleur au niveau de la charnière dorso-lombaire ainsi qu'au niveau des 3 derniers espaces inter-vertébraux de la colonne lombaire. Une discrète douleur est aussi remarquée au niveau de la région para-vertébral droite.

DISCUSSION ET RECOMMANDATIONS: Etant donné que je ne possède pas tous les documents du dossier médical, mon opinion est forcément provisoire.

Ce patient présente à mon avis un dérangement inter-vertébral au niveau des charnières dorso-lombaire et lombo-sacrée. Les douleurs au niveau des jambes sont probablement d'origine musculo-squelettique en relation avec un patron de la démarche difficile.

Par ailleurs, il existe une atrophie très importante malgré que comme je l'ai indiqué plus haut, la diminution de la force est relativement peu importante.

Ce patient se trouve actuellement dans une situation désespérée et sur le plan psychologique, il me semble évident qu'il souffre d'une réaction dysthymique anxio-dépressive qui a besoin d'une attention urgente.

Je demande une évaluation psychologique et d'autre part, je lui prescris déjà aujourd'hui un médicament antidépresseur. Dépendant du résultat de cette évaluation, il est possible que je le réfère pour opinion et traitement à un collègue psychiatre.

D'autre part, afin d'évaluer la possibilité d'une lésion d'origine neurale, je vais procéder à une étude électrophysiologique le 13 septembre.

L'état de ce patient justifie à mon avis une période d'incapacité totale, temporaire pour cause médicale dont la durée devrait se situer entre 3 et 4 mois. Je lui ai donné un certificat dans ce sens.» (sic) Le 13 septembre 1990, le docteur Antoun voit de nouveau le travailleur. Au dossier, il fait le bilan de la situation en disant que le travailleur a tenté de prendre de l'Amitriptyline, ce qui a provoqué chez lui une réaction d'anxiété accrue et des palpitations et qu'il a cessé de prendre ces médicaments de son propre chef. Il ajoute que le travailleur a été vu par une psychologue qui lui donnera une lettre de référence pour qu'il puisse obtenir des soins de psychothérapie. Le travailleur a subi une étude électro-physiologique à propos duquel le médecin conclut: «[...] il existe des manifestations de dénervation chronique très discrète qui touchent le versant moteur des racines L5 et S1 droites. Ces anomalies doivent être interprétées dans le contexte clinique de ce patient.» A l'audience, le travailleur dit qu'à la suite de l'accident de 1987, la douleur qu'il ressent au thorax et au bas du dos s'étend quelques jours après à la hanche, à l'aine et aux testicules.

C'est lorsqu'il «barre» et ne peut descendre de son camion qu'il se rend à l'urgence de l'hôpital. Immédiatement après l'accident, il continue de travailler, car il croit qu'il s'agit d'une simple douleur musculaire.

Il a des traitements de physiothérapie et des médicaments, mais la douleur continue. Lorsqu'il reprend le travail, il porte un TENS de deux à trois jours par semaine, ce qui l'aide.

Il travaille jusqu'en février 1989, alors qu'il dit avoir commencé à se sentir assez mal et à avoir de la difficulté à faire son ouvrage. Il voit le médecin, mais n'arrête pas de travailler. On soupçonne un problème rénal mais la pyélographie qu'il passe alors est normale.

En juillet 1989, il n'est plus capable de travailler et voit le médecin qui le met en arrêt de travail. Il dit avoir alors des douleurs au dos, au bas ventre, à la hanche et au pubis. Les médecins ne trouvent rien. Il suit des traitements de physiothérapie, surtout pour son dos, pendant deux mois, jusqu'à septembre 1989. Ces traitements n'améliorent pas sa condition et parfois même l'empirent. C'est à ce moment également qu'il voit le docteur Antoun. Celui-ci, après les traitements de physiothérapie, l'examine de nouveau et ne trouve toujours rien.

C'est alors qu'il suggère la clinique de la douleur, où il voit le docteur Molina-Negro. Celui-ci lui fait quelques traitements qui sont inefficaces.

Il fait à ce moment une dépression, pour laquelle il est traité à l'hôpital de Joliette par le docteur Lemire et par un psychologue. On lui administre des anti-dépresseurs.

En janvier 1991, il décide de revoir le docteur Laporte qui l'avait traité en 1987 et qui voit immédiatement le rapport avec l'accident de 1987. À ce moment, le travailleur éprouve toujours les mêmes douleurs.

Le docteur Laporte le réfère au docteur Serge Ferron qui fait effectuer une discographie et une myélographie. Le docteur Trop lui administre des blocs facettaires qui n'améliorent pas son état.

Lorsqu'interrogé sur la raison pour laquelle il n'a fait sa réclamation que le 14 juin 1991 pour une rechute qu'il indique comme étant survenue le 12 juillet 1989, il répond que ce n'est qu'au moment où il a vu le docteur Laporte qu'il a compris que ses douleurs étaient reliées à l'accident de 1989. Jusque là, il croyait avoir une maladie et ce n'est qu'en discutant avec le docteur Laporte qu'il a compris le lien avec l'accident du travail. Quant aux circonstances expliquant qu'il y ait plusieurs réclamations, il dit être incapable de se souvenir.

Il est traité en psychiatrie en 1990. A ce moment, il est hospitalisé pendant deux semaines à cause de sa dépression . Il voit ensuite un psychiatre à tous les mois et un psychologue à toutes les semaines pendant sept à huit mois. Il ne prend plus d'anti-dépresseurs.

Le docteur Sylvain Laporte témoigne ensuite. Il voit le travailleur à l'urgence pour la première fois le 7 juillet 1987.

Il pose un diagnostic d'entorse dorsale basse. Il continue de le suivre. Une infiltration pratiquée au niveau de D12 fait disparaître la douleur. Il pose le 17 juillet 1987 le diagnostic d'entorse de la charnière dorso-lombaire et dit que chez le travailleur cette entorse est suffisamment sévère pour se manifester plus longtemps qu'habituellement.

Lorsqu'il retourne le travailleur à son emploi habituel en septembre 1987, ce dernier présente toujours certains malaises mais il le croit suffisamment consolidé pour qu'il reprenne ses activités.

Il le revoit en octobre et en novembre 1987 et note une douleur qui entraîne de légères limitations de mouvements mais cette douleur s'améliore en même temps qu'il travaille. Il lui prescrit le port d'un Tens pour distraire la douleur et enlever la tension.

Il ne revoit pas le travailleur jusqu'au 18 janvier 1991.

Cependant, il se dit d'avis que les symptômes rapportés en 1989 sont compatibles avec le diagnostic qu'il a posé en 1987. Selon lui, une entorse qui n'entre pas dans l'ordre produit de la dégénérescence et des problèmes facettaires, discaux, ligamentaires et musculaires.

Il dit qu'en janvier 1991, la situation est devenue chronique et qu'il a informé le travailleur qu'il allait devoir vivre avec ça.

Il l'a cependant référé au docteur Ferron qui pratique des greffes au niveau de la charnière dorso-lombaire, dans l'espoir qu'une telle intervention puisse soulager le travailleur même s'il en résulte une perte de flexibilité. Cependant, après consultation du docteur Ferron, cette solution n'est pas retenue.

Il affirme que la relation entre la condition du travailleur lorsqu'il le voit en 1991 et l'accident du travail de 1987 est pour lui évidente puisqu'il y a des douleurs aux mêmes sites, mais que cette condition s'est aggravée puisque le travailleur ne peut plus travailler alors qu'il le pouvait en 1987. Il tire les mêmes conclusions par rapport à 1989. Il est d'avis que cette condition ne guérira probablement jamais.

Il base son diagnostic de syndrome ou d'entorse de la charnière dorso-lombaire, les deux expressions étant, dit-il, équivalentes, sur la description qu'en fait le professeur R. Maigne dans un article intitulée Le Syndrome de la charnière dorso-lombaire, Sem. Hôp. Paris, 1981, 57, no. 11-12, p. 545. Le professeur Maigne y indique que le syndrome est constitué de lombalgies basses, de douleurs abdominales basses, de douleurs simulant des douleurs de hanche et de pubalgies ou de pseudo-tendinites des adducteurs. Il ajoute que «le diagnostic débouche sur des traitements presque toujours rapidement efficaces», en particulier des infiltrations. Or, le travailleur présente tous ces symptômes, tant en 1987 qu'en 1989 et en 1991.

Le docteur Laporte dit avoir procédé à une infiltration le 13 juillet 1987, celle-ci permettant à la fois de confirmer le diagnostic et de faire disparaître la douleur. Toutefois, les notes qu'il a prises au dossier médical du travailleur indiquent que celle-ci a persisté.

Il ne peut dire si on a procédé à de telles infiltrations en 1989. Lui-même n'en a pas fait en 1991, parce que ça n'aurait rien donné.

Interrogé sur la réclamation qui accompagne la facture du 18 janvier 1991, il répond que c'est peut-être sa secrétaire qui l'a expédiée. Il reconnaît que son bureau a l'habitude de réclamer le remboursement des factures de la clinique à la Commission en les accompagnant d'un formulaire de réclamation. Il ajoute cependant que la réclamation porte habituellement la signature du travailleur.

MOTIFS DE LA DÉCISION Il y a lieu de disposer d'abord des questions préliminaires soulevées à l'audience.

La détermination de l'objet du litige et de la compétence de la Commission d'appel.

Le procureur du travailleur demande à la Commission d'appel de se prononcer à la fois sur la rechute, récidive ou aggravation du 12 juillet 1989 et sur celle du 18 janvier 1991. Il prétend que la Commission ne s'est pas prononcée sur celle de janvier 1991 alors qu'elle aurait dû le faire et qu'en vertu de l'article 400 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001), (la loi), la Commission d'appel a le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue: 400. La Commission d'appel peut confirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance porté devant elle; elle peut aussi l'infirmer et doit alors rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, selon elle, aurait dû être rendu en premier lieu.

La procureure de la Commission rétorque que c'est seulement par le biais d'une décision de la Commission que la Commission d'appel peut se voir attribuer une compétence: l'existence d'une décision constitue la prémisse de base à l'exercice de sa compétence par la Commission d'appel. Or, la Commission ne s'étant jamais prononcée par rapport à une rechute du 18 janvier 1991, la Commission d'appel ne peut le faire elle non plus.

La Commission d'appel partage l'opinion de la Commission sur cette question.

Ce sont les articles 358 et 359 de la loi qui déterminent la compétence du bureau de révision et de la Commission d'appel: 358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision par un bureau de révision constitué en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1) Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou 233 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de l'article 256.

359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par un bureau de révision à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut en interjeter appel devant la Commission d'appel dans les 60 jours de sa notification.

Il y a appel à la Commission d'appel lorsqu'on n'est pas satisfait d'une décision du bureau de révision. Le bureau de révision n'a lui-même compétence que si quelqu'un est insatisfait d'une décision de la Commission et en demande la révision. La Commission d'appel ne peut donc se saisir proprio motu d'une question.

Or, il ressort clairement du dossier que lorsqu'elle rend sa décision le 31 juillet 1991, la Commission se prononce sur la réclamation qui lui a été faite le 14 juin 1991 pour une aggravation subie le 12 juillet 1989.

En effet, le motif qu'elle invoque à l'appui de son refus est le fait que la réclamation n'a pas été faite dans les délais prescrits, motif qui ne pourrait s'appliquer s'il s'agissait de la réclamation pour une rechute du 18 janvier 1991, les deux autres formulaires de réclamation qui apparaissent au dossier étant datés du 18 janvier 1991 et du 8 juillet 1991.

De plus, la lettre du 6 septembre 1991 adressée par la Commission au travailleur, dont elle expédie copie à son procureur, précise bien que la décision a trait à la réclamation du 14 juin 1991.

Lorsque le procureur du travailleur demande la révision de la décision, il ne mentionne aucunement les autres réclamations mais invoque plutôt à l'appui de sa contestation que le travailleur n'a eu connaissance que récemment que son problème médical pouvait constituer une lésion professionnelle.

Le remède approprié, lorsqu'un organisme public omet de rendre une décision alors qu'il est tenu de le faire, n'est pas celui que recherche le procureur du travailleur, mais réside plutôt dans l'obtention d'une ordonnance en vertu de l'article 844 du Code de procédure civile.

Mais même dans l'hypothèse où la Commission d'appel aurait compétence pour se prononcer sur la question, les faits mis en preuve n'établissent pas que le travailleur a fait une réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation survenue en janvier 1991. Le formulaire daté du 18 janvier 1991 n'est pas signé par le travailleur et n'indique aucune date de rechute. Il accompagne une facture dont la clinique Laporte demande le remboursement. Quant à celle du 8 juillet 1991, même si elle est signée par le travailleur, elle n'indique aucune date de rechute et accompagne une autre facture de la clinique Laporte. Le docteur Laporte reconnaît que c'est la façon habituelle de procéder de sa clinique pour se faire rembourser par la Commission. Quant au travailleur, il est incapable, lors de son témoignage, de fournir quelqu'explication permettant d'en arriver à la conclusion qu'il avait l'intention de réclamer pour une rechute survenue en janvier 1991. La seule véritable réclamation qu'il ait faite est bien celle du 14 juin 1991 pour une rechute survenue en 1989.

D'ailleurs, alors que le travailleur était représenté par le même procureur devant le bureau de révision, cette question n'y a pas été soulevée.

L'étendue de la compétence de la Commission d'appel quant à l'objet en litige.

Le procureur du travailleur soulève une deuxième question ayant trait à la compétence de la Commission d'appel.

Il invoque que seul le travailleur a porté la décision du bureau de révision en appel et qu'il n'y a pas eu d'appel de la part de l'employeur ou de la Commission. Son appel vise à faire reconnaître que le travailleur a subi une rechute, récidive ou aggravation. Donc, dit-il la question de savoir si la réclamation a été faite hors délai ne peut être soulevée devant la Commission d'appel et celle-ci ne peut se prononcer que sur le fond.

La Commission rétorque qu'il s'agit d'un procès de novo et que l'on peut tout remettre en question.

La Commission d'appel est d'avis qu'elle doit se prononcer sur la tardiveté ou non de la réclamation et que l'objection du procureur du travailleur à ce qu'elle le fasse doit être rejetée.

La compétence de la Commission d'appel est déterminée par le chapitre XII de la loi. Son rôle est bien défini par l'article 400 (déjà cité): elle confirme ou infirme la décision du bureau de révision ou de la Commission qui est porté en appel devant elle. Si elle l'infirme, elle doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.

Par ailleurs, la marche à suivre pour porter le débat devant la Commission d'appel est prévue aux articles 413 à 429 de la loi.

Les articles qui suivent déterminent la procédure qui doit être suivie et le déroulement de l'enquête et de l'audition.

413. Un appel est formé au moyen d'une déclaration écrite déposée au bureau de la Commission d'appel de la région où est situé le domicile du travailleur ou, si le travailleur est domicilié hors du Québec, d'une région où l'employeur a un établissement.

Lorsqu'aucun travailleur n'est partie à un appel, l'appel est formé au bureau de la Commission d'appel d'une région où l'employeur a un établissement.

414. La déclaration doit: 1o identifier la décision, l'ordre ou l'ordonnance dont il est interjeté appel; 2o contenir un exposé des motifs invoqués au soutien de l'appel; 3o indiquer les nom et prénom du représentant de l'appelant, le cas échéant; 4o contenir tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission d'appel.

415. Sur réception d'une déclaration d'appel, la Commission d'appel en délivre une copie à toute partie contre qui l'appel est formé et à la Commission.

Dans les 30 jours de la réception de cette déclaration, la Commission transmet à la Commission d'appel trois copies du dossier intégral qu'elle possède relativement à la matière qui fait l'objet de l'appel et une copie de ce dossier à chacune des parties.

Si ce dossier contient des documents informatisés, la Commission en transmet une transcription écrite et intelligible.

416. La Commission peut intervenir devant la Commission d'appel à tout moment jusqu'à la fin de l'enquête et de l'audition.

Lorsqu'elle désire intervenir, elle transmet un avis à cet effet à chacune des parties et à la Commission d'appel; elle est alors considérée partie à l'appel.

423. Avant de rendre une décision sur un appel, la Commission d'appel permet aux parties de se faire entendre et, à cette fin, leur donne un avis d'enquête et d'audition.

Lorsque la chose est possible, l'audition est fixée à une heure et à une date où les parties et leurs témoins peuvent être présents sans trop d'inconvénients pour leurs occupations ordinaires.

De plus, la Commission d'appel pour remplir son rôle, jouit, en vertu de l'article 408 de la loi, des pouvoirs d'un commissaire enquêteur, tels qu'ils sont prévus à la Loi sur les commissions d'enquête (L.R.Q., chapitre C-37): 408. Un commissaire est investi des pouvoirs et de l'immunité d'un commissaire nommé en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête (chapitre C-37), sauf de celui d'ordonner l'emprisonnement.

Elle peut en particulier se prévaloir des articles 6 et 7 de cette loi: 6. Afin de découvrir la vérité, les commissaires peuvent, par tous les moyens légaux qu'ils jugent les meilleurs, s'enquérir des choses dont l'investigation leur a été déférée.

Aussitôt l'enquête terminée, ils doivent faire un rapport du résultat de l'enquête et de la preuve reçue au gouvernement, qui ordonne l'adoption des mesures justifiées par la nature de la preuve et du rapport.

7. La majorité des commissaires doit assister et présider à l'examen des témoins, et les commissaires ont, ou la majorité d'entre eux, en ce qui concerne les procédures de cet examen, tous les pouvoirs d'un juge de la Cour supérieure siégeant en terme.

La Commission d'appel possède également, en vertu de l'article 412 de la loi, le pouvoir d'adopter des règles de preuve, de procédure et de pratique, pouvoir dont elle s'est prévalue (Règles de preuve, de procédure et de pratique de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles), décret 540-86, G.O. partie 2, 14 mai 1986, p. 1306).

Bien qu'aucun de ces articles ne dise en toutes lettres que la Commission d'appel procède de novo, la lecture de l'ensemble de ces articles ne laisse aucun doute: il s'agit d'un nouveau procès, où la Commission d'appel procède à une nouvelle évaluation des témoignages et de l'ensemble de la preuve.

C'est d'ailleurs ce qui a été déterminé à différentes reprises, notamment dans l'affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail et Industries Super Métal Inc.1.

La procédure prévue est simplifiée: une simple inscription en appel suffit pour enclencher le processus, sans qu'il soit besoin de défense, de demande reconventionnelle ou d'autres étapes de la procédure que l'on peut retrouver devant les tribunaux civils.

La loi n'en exige pas, non plus que les règles de pratique que la Commission d'appel a adoptées.

Cette simplicité dans la procédure est d'ailleurs en accord avec l'objectif visé par le législateur lorsqu'il crée des tribunaux administratifs comme la Commission d'appel. Le justiciable, qu'il soit l'employeur ou le travailleur, doit pouvoir y défendre seul ses intérêts et s'y retrouver facilement. L'obliger à se soumettre à un cheminement complexe irait à l'encontre de cet objectif.

La Commission d'appel a eu à se prononcer dans la décision Gérard et Aliments Culinar2, sur une question qui sans être identique, présente beaucoup de similarités avec celle présentement sous étude. Dans cette affaire, la travailleuse en appelait d'une décision du bureau de révision refusant la relation entre un événement et le diagnostic posé. La décision contestée devant le bureau ayant été rendue par la Commission à la suite d'une reconsidération de sa décision initiale d'accepter la relation, la Commission d'appel souleva d'office la question de la régularité de la reconsidération. Malgré l'objection de l'employeur, elle se reconnut le pouvoir de le faire, s'appuyant sur les décisions Ville de Salaberry-de-Valleyfield c. Commission des affaires sociales, [1984] C.S. 1933, G.G. Construction et Location Inc. c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles du Québec4, Mercier c. Groleau5, Légaré c.

Commission d'appel en matière de lésions professionnelles du Québec6, et Industries Super Métal Inc. c. Commission d'appel en matière de lésions professionnelles du Québec7.

Si l'on peut débattre devant la Commission d'appel d'une question qui n'a pas été soulevée devant le bureau de révision, à plus forte raison en est-il de celle qui a fait l'objet même de la décision du bureau de révision portée en appel, comme c'est le cas dans le présent dossier. En effet, par cette décision, le 1[1989] C.A.L.P. 958 2 [1992] C.A.L.P. 107 .

3 [1984] C.S. 193 .

4 [1987] C.A.L.P. 244 .

5 [1987] C.A.L.P. 239 .

6 [1989] C.A.L.P. 685 .

7 [1990] C.A.L.P. 565 .

bureau de révision a, de façon préliminaire, statué sur le droit même du travailleur de faire valoir sa réclamation. Les deux questions: droit du travailleur de réclamer et existence ou non de la rechute, récidive ou aggravation pour laquelle il réclame, sont indissociables.

La Commission d'appel tient cependant à préciser qu'elle en arriverait probablement à une conclusion différente si les deux questions n'étaient pas indissociables. Par exemple, si dans une même décision, un bureau de révision acceptait une réclamation pour un accident du travail et refusait une réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation de cet accident, l'employeur ne pourrait, à l'occasion d'un appel fait par le travailleur sur le refus de la rechute, réouvrir le débat sur l'acceptation de l'accident initial s'il n'en a pas lui-même appelé de la décision. Il s'agirait de deux questions différentes ne faisant l'objet d'une même décision que pour des raisons de commodité En résumé, la Commission d'appel doit rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. Les règles qui déterminent la procédure qu'elle doit suivre pour en arriver à cette décision indiquent qu'elle procède à une nouvelle audition et à une nouvelle analyse de l'ensemble de la preuve, tant celle produite devant les instances inférieures que celle qu'on lui soumet. Elle le fait selon une procédure non formaliste ne créant aucune obligation pour l'autre partie de produire une défense ou une demande reconventionnelle. Elle peut donc se prononcer sur une question préalable qui a été soulevée devant le bureau de révision même si celle-ci n'a pas fait l'objet de l'appel. Autrement, elle ne pourrait s'acquitter de son obligation de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu.

Par ailleurs, il y a lieu de remarquer que l'employeur n'avait aucun intérêt à porter lui-même la cause en appel puisqu'il avait eu gain de cause devant le bureau de révision.

La validité ou non de la réclamation du travailleur.

Se pose maintenant la question de savoir si le travailleur a valablement fait valoir sa réclamation auprès de la Commission.

C'est l'article 270 de la loi qui prévoit la façon pour le travailleur de faire sa réclamation à la Commission: 270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

Le procureur du travailleur plaide que le travailleur n'était pas tenu de faire une réclamation et qu'il s'agit là d'une simple question de procédure qui ne devrait pas avoir préséance sur la question de fond. Il invoque au soutien de sa position le jugement de la Cour supérieure dans l'affaire Galipeau c. Le bureau de révision paritaire des Laurentides et al.8 et la décision de la Commission d'appel dans l'affaire Vincent et G.G.

Construction9.

Subsidiairement, il plaide que le travailleur n'était pas en retard pour faire sa réclamation parce qu'en 1989, il ne savait pas que sa condition était reliée à son accident du travail de 1987 et qu'il ne l'a su qu'en janvier 1991. Ignorant de quoi il était atteint, il ne pouvait réclamer.

La présente affaire doit être distinguée de celles invoquées par le travailleur.

Dans l'affaire Galipeau, le travailleur demandait à la Commission de modifier son taux d'incapacité déterminé sous la Loi sur les accidents du travail par suite d'une aggravation. Il avait avisé verbalement la Commission de cette aggravation et avait produit un rapport médical, à la suite de quoi la Commission avait rendu une décision refusant de réévaluer le taux d'incapacité.

Dans l'affaire Vincent, le problème soulevé est plutôt que le formulaire de réclamation rempli par le travailleur était incomplet puisqu'il ne faisait état d'aucun événement accidentel et ne comportait que le nom, l'adresse, le numéro de téléphone et la signature du travailleur. Par ailleurs, le travailleur était en contact régulier avec la Commission, qui avait elle-même préparé le formulaire que le travailleur n'avait eu qu'à signer.

Dans le présent cas, la situation est toute autre. Tout en étant d'accord avec le principe voulant que la forme ne doit pas l'emporter sur le fond, en tirer la conséquence que le travailleur n'avait pas à faire de réclamation à la Commission créerait une situation absurde. En effet, le travailleur n'était plus en rapport avec la Commission depuis 1987. Celle-ci n'avait aucun moyen de savoir qu'il pouvait y avoir eu une rechute en 1989, puisqu'à ce moment aucun rapport médical n'a été produit et que le travailleur n'a eu aucun contact avec la Commission. On ne peut exiger de la Commission qu'elle se prononce sans même qu'elle sache qu'elle a à le faire et sur quoi elle doit le faire. Le fait qu'à un certain moment la Commission ait un dossier «ouvert» concernant un travailleur ne l'oblige pas à le suivre en tout temps par la suite.

C'est sur le travailleur que repose l'obligation de faire valoir ses droits auprès de la Commission.

La rechute, récidive ou aggravation invoquée par le travailleur est survenue le 12 juillet 1989. La Commission en est avisée pour la première fois le 18 janvier 1991, date à laquelle un rapport médical du docteur Laporte est transmis à la Commission.

C'est donc plus de dix mois après la survenance de la lésion professionnelle qui le rend incapable de travailler.

Le fait que le travailleur dit avoir ignoré en 1989 le lien entre sa condition et l'événement initial peut-il constituer un motif suffisant pour considérer que sa réclamation n'est pas tardive ? L'article 352 de la loi permet à la Commission de prolonger un délai, dont celui prévu à l'article 270: 352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

8 [1991] R.J.Q. 788 (C.S.).

9 [1992] C.A.L.P. 151 .

La Commission a rejeté la réclamation du travailleur parce que tardive. Ce faisant, elle a décidé de la question de l'existence de motifs raisonnables justifiant le retard: Lévesque et Centre d'accueil Edmond Laurendeau10. Elle a apporté une réponse négative à cette question.

Le travailleur invoque à l'appui de sa réclamation des douleurs qu'il situe toujours au même site: dos, hanche, aine, testicules, douleurs qui auraient été présentes depuis l'accident du travail. Il invoque le fait que les médecins qui l'ont vu en 1989 ont fait diverses investigations, sans trouver la cause de ces problèmes. Il dit qu'il croyait avoir alors une «maladie».

C'est pour cette raison qu'il n'aurait pas fait le lien avec son accident du travail.

Cette version des faits apparaît peu crédible. Le travailleur pouvait aviser la Commission de l'aggravation de son état même si ses médecins procédaient à des investigations pour déterminer l'origine exacte de ses problèmes. Puisque ses douleurs se situaient aux mêmes endroits, il est difficile d'imaginer que le travailleur n'ait pas fait de lien avec l'accident initial.

Il n'a donc pas démontré de façon satisfaisante l'existence d'un motif raisonnable lui permettant d'être relevé de son défaut d'avoir fait connaître sa réclamation à la Commission dans un délai de six mois.

Mais, même si cette preuve d'un motif raisonnable avait été faite, la Commission d'appel est d'avis que le travailleur n'a pas, le 12 juillet 1989, subi une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion initiale.

L'existence ou non d'une rechute, récidive ou aggravation.

La Commission d'appel rappelle qu'elle n'a à se prononcer que sur la rechute du 12 juillet 1989, n'étant pas saisie de celle du 18 janvier 1991.

Elle rappelle la définition donnée par la jurisprudence des notions de rechute, récidive ou aggravation: il s'agit d'une réapparition, recrudescence ou aggravation de la lésion survenue lors de l'événement initial.

Le travailleur doit de plus démontrer par une preuve prépondérante qu'il y a un lien de causalité entre la rechute, récidive ou aggravation et la lésion initiale. Voir Millette et Communauté urbaine de Montréal11.

La lésion subie par le travailleur a été consolidée par son médecin traitant sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle en septembre 1987. Il est retourné à son travail habituel. Il éprouvait alors des malaises et dit qu'il a continué de les éprouver.

En 1989 et en 1991, il est vu par plusieurs spécialistes qui le soumettent à de nombreux examens radiologiques: myélographie, tomographie axiale, électromyographie, deux discographies. Tous ces examens se révèlent strictement normaux.

Les examens cliniques et neurologiques se révèlent également normaux.

La seule symptomatologie rapportée tout au long du dossier réside dans les douleurs alléguées par le travailleur.

10 [1993] C.A.L.P. 832 .

11 [1994] C.A.L.P. 853 .

Par ailleurs, le travailleur est soumis à des traitements de toute sorte, en plus de longues périodes de repos: physiothérapie, infiltrations, port d'un TENS, injections épidurales, médication analgésique et anti-inflammatoires, blocs facettaires. Tous ces traitements sont, d'après le travailleur, sans résultat positif. Même les infiltrations qui, selon l'autorité citée par son propre médecin, le professeur Maigne, constituent le traitement approprié et donnent des résultats positifs lorsqu'une personne souffre d'un syndrome de la charnière dorso-lombaire sont, chez le travailleur, inefficaces.

La Commission d'appel se permet ici de souligner la contradiction qu'elle relève dans le témoignage du docteur Laporte qui, tout en se basant sur la théorie du docteur Maigne pour conclure à l'existence de ce syndrome chez le travailleur, dit qu'en 1991, il ne lui a pas fait d'infiltration car il estime que la condition du travailleur ne pourra jamais s'améliorer, alors que le professeur Maigne souligne l'efficacité de ce traitement pour guérir cette condition.

Par ailleurs, on ne peut s'empêcher de constater la relative banalité de l'événement initial pour lequel le travailleur a été consolidé sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, de même que l'absence de tout suivi médical pour la période de décembre 1987 à juillet 1989, période pendant laquelle le travailleur effectue son travail régulier.

Les explications et théories exposées par le docteur Laporte quant à la persistance de la douleur, ne permettent pas d'établir qu'il y ait eu aggravation de la condition physique du travailleur, d'autant plus qu'il ne l'a pas traité pendant la période sous étude.

Il est possible que des facteurs d'ordre psychologique aient joué un rôle significatif dans la persistance des douleurs qu'a éprouvées le travailleur. Toutefois, aucune preuve n'a été fournie à la Commission d'appel lui permettant d'en juger. La seule preuve dont elle dispose est à l'effet que le travailleur aurait reçu des soins psychiatriques et psychologiques en 1990.

Outre que ces soins sont postérieurs à la date de la rechute, récidive ou aggravation dont la Commission d'appel est saisie, elle n'a bénéficié d'aucune preuve lui permettant d'établir s'il existe une relation quelconque entre la lésion psychologique pour laquelle le travailleur a été traité et l'accident du travail.

Il résulte donc de l'analyse du dossier et des témoignages entendus lors de l'audience que le travailleur n'a pas établi qu'il a, le 12 juillet 1989, subi une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion initiale. Le travailleur éprouvait des douleurs lorsqu'il a été consolidé, il en éprouve toujours. Ses douleurs lui apparaissent augmentées mais aucune preuve médicale ne permet d'objectiver une quelconque aggravation de sa condition.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Robert Blanchette; CONFIRME, pour d'autres motifs, la décision du bureau de révision du 13 mai 1992; DÉCLARE que le travailleur n'a pas prouvé qu'il avait un motif raisonnable de n'avoir pas produit sa réclamation dans le délai imparti par la loi; DÉCLARE que le travailleur n'a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 18 janvier 1991.

Louise Thibault commissaire Me André Laporte Laporte & Larouche 596, boul. Manseau Bureau 2 Joliette (Québec) J6E 3E4 Représentant de la partie appelante Me Carole Bergeron Panneton, Lessard 432, rue De Lanaudière Joliette (Québec) J6E 7N2 Représentante de la partie intervenante LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 16 août 1995 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: Louise Thibault DE MONTRÉAL ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR: Jean-Paul Brault, médecin RÉGION: AUDIENCE TENUE LE: 20 avril 1995 LANAUDIÈRE DOSSIER: 41769-63-9207 DOSSIER CSST: À: Joliette 0961 94915 DOSSIER BR: 6084 5056 DÉCISION CORRIGÉE ___________________________________________________ MONSIEUR ROBERT BLANCHETTE 54, Chemin Lavaltrie St-Paul de Joliette (Québec) J0K 3E0 PARTIE APPELANTE et DURIVAGE - MULTI-MARQUES INC.

Monsieur Gilles Rousseau Direction des Ressources humaines 1600, boul. Henri-Bourassa Ouest Bureau 510 Montréal (Québec) H3M 3E2 PARTIE INTÉRESSÉE et COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL 432, rue de Lanaudière Joliette (Québec) J6E 7X1 PARTIE INTERVENANTE D É C I S I O N C O R R I G É E L'audience de la décision a eu lieu devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles le 20 avril 1995 et la décision a été rendue le 20 juin 1995.

Une erreur matérielle d'écriture ayant été commise, la décision doit se lire, aux pages 39 et 40: POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Robert Blanchette; CONFIRME, pour d'autres motifs, la décision du bureau de révision du 13 mai 1992; DÉCLARE que le travailleur n'a pas prouvé qu'il avait un motif raisonnable de n'avoir pas produit sa réclamation dans le délai imparti par la loi; DÉCLARE que le travailleur n'a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 12 juillet 1989.

Louise Thibault commissaire Me André Laporte Laporte & Larouche 596, boul. Manseau Bureau 2 Joliette (Québec) J6E 3E4 Représentant de la partie appelante Me Carole Bergeron Panneton, Lessard 432, rue De Lanaudière Joliette (Québec) J6E 7N2 Représentante de la partie intervenante

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.