Décision

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Section des affaires immobilières

En matière de fiscalité municipale

 

 

Date : 8 août 2022

Référence neutre : 2022 QCTAQ 08173

Dossiers : SAI-M-273100-1803 / SAI-M-298294-2007

Devant les juges administratifs :

SÉBASTIEN CARON

MATTHIEU BEAUDOIN

 

ARCELORMITTAL PRODUITS  LONGS CANADA

Partie requérante

c.

VILLE DE MONTRÉAL

Partie intimée

 

 


DÉCISION


 


 


APERÇU

[1]                    ArcelorMittal Produits Longs Canada (ArcelorMittal) est propriétaire d’un complexe industriel (le Complexe) situé au 5900, rue St-Patrick, dans l’arrondissement Sud-Ouest[1]. L’activité industrielle qu’on y retrouve, et ce, depuis 1914, est de nature sidérurgique, soit le tréfilage qui consiste à fabriquer des fils de fer qui peuvent être huilés ou galvanisés et vendus pour fabriquer divers produits.

[2]                    Par les présents recours, ArcelorMittal conteste les valeurs inscrites aux rôles d’évaluation triennaux 2017 et 2020 de la Ville de Montréal (Ville)[2] :

 

2017-2018-2019   2020-2021-2022

Terrain :  5 741 700 $ Terrain :  7 572 400 $

Bâtiment : 2 948 100 $ Bâtiment :  3 796 100 $

Total : 8 689 800 $ Total : 11 368 500 $

[3]                    Selon Luc Girouard, l’expert évaluateur qu’elle a mandaté pour les fins de la présente contestation, les valeurs qui doivent être inscrites sont les suivantes :

 

2017-2018-2019   2020-2021-2022

Terrain :  392000 $ Terrain :  1 191 000 $

Bâtiment : 1 269 000 $ Bâtiment :  1 399 000 $

Total : 1 661 000 $ Total : 2 590 000 $

[4]                    De son côté, l’experte évaluatrice de la Ville, Marie Line Tétrault, est d’avis que la valeur réelle de l’unité doit être augmentée ainsi :

 

2017-2018-2019   2020-2021-2022

Terrain :  8 055 500 $ Terrain :  9 914 600 $

Bâtiment : 3 571 000 $ Bâtiment :  3 929 800 $ 

Total : 11 626 500 $ Total : 13 844 400 $

 

[5]                    Le Tribunal doit donc trancher de multiples opinions divergentes entre des évaluateurs agréés, pourtant tous deux reconnus experts dans leur domaine. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal fixe ainsi la valeur réelle du Complexe :

 

2017-2018-2019   2020-2021-2022

Terrain :  7 435 700 $ Terrain :  9 088 100 $

Bâtiment : 2 664 700 $ Bâtiment :  2 771 800 $

Total : 10 100 400 $ Total : 11 859 900 $

[6]                    Pour le rôle 2020, il s’agit d’un écart de 4,1 % par rapport à la valeur déposée, ce qui ne justifie pas d’intervenir[3]. Pour le rôle 2017, l’écart est de 14 % et le Tribunal est conscient que cela représentera pour ArcelorMittal un fardeau fiscal additionnel au lieu de la baisse espérée. Toutefois, il s’agit de la valeur réelle déterminée par le Tribunal en fonction de la preuve entendue.

[7]                    Afin de déterminer les valeurs réelles de l’unité d’évaluation, les deux experts s’entendent pour ne retenir que la méthode du coût[4], laquelle implique toutefois d’appliquer la méthode de comparaison afin de déterminer la valeur du terrain. Bien que plusieurs admissions surviennent avant et pendant l’instance[5], de nombreux paramètres demeurent contestés entre les experts.

[8]                    Pour déterminer la valeur du terrain, le Tribunal doit répondre à ces deux questions :

a)     Quel taux unitaire de base ajusté doit être retenu?

b)     Est-il opportun de retrancher de la valeur du terrain les coûts de réhabilitation des sols, considérant que l’usine est en activité et qu’aucune règlementation n’oblige à le décontaminer?

[9]                    Pour déterminer la valeur du bâtiment, le Tribunal doit répondre aux questions suivantes :

c)     Afin de répondre au critère du normalement nécessaire, outre les montants déjà déduits par les parties, est-ce qu’un montant additionnel doit être exclu du rôle pour le système électrique?

d)     Quels équipements doivent être exclus du rôle en vertu des articles 1 (notion d’immeuble) ou 65 de la Loi sur la fiscalité municipale[6] (LFM)?

e)     Le bâtiment numéro 27 et l’enseigne ont-ils une valeur contributive?

f)       Le facteur de classe de 6, déterminé par les experts pour les bâtiments, peut-il être différent à l’égard des améliorations d’emplacement, des dépendances et des équipements?

g)     Comment doit-être calculée la dépréciation des améliorations d’emplacement, des dépendances et des équipements?

h)     Quelle est la vie économique des bâtiments, des améliorations d’emplacement, des dépendances et des équipements?

i)        Comment doit-être calculé l’âge apparent du Complexe?

j)        Le calcul de la vie économique restante de l’experte Tétrault est-il justifié?

 

ANALYSE

 

Cadre juridique applicable

[10]               Il convient de rappeler que le Tribunal doit déterminer la valeur réelle selon les règles prescrites par la LFM.

[11]               La valeur recherchée par le Tribunal en fiscalité municipale, est la valeur réelle d’un immeuble, définie comme la valeur d’échange sur un marché libre et ouvert à la concurrence, soit le prix le plus probable qui peut être payé lors d’une vente de gré à gré[7], dans les conditions où le vendeur et l’acheteur :

  • Désirent respectivement vendre et acheter, mais n’y sont pas obligés;
  • Sont raisonnablement informés de son état, de l’utilisation qui peut le plus probablement en être faite et des conditions du marché immobilier.

[12]               Pour établir cette valeur réelle, il faut notamment tenir compte de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de façon objective.

[13]               Lorsqu’un immeuble n’est pas susceptible d’être vendu de gré à gré, le législateur prévoit que le prix de vente le plus probable est établi en tenant compte du prix que la personne au nom de laquelle est inscrite l’unité d’évaluation serait justifiée de payer et d’exiger si elle était à la fois l’acheteur et le vendeur, dans les conditions prévues par l’article 43 LFM.

[14]               C’est dans ce contexte que le Tribunal doit rechercher la valeur de l’immeuble à l’étude, laquelle est prescrite comme date de référence, dans le présent cas le 1er juillet 2015 pour le rôle 2017 et le 1er juillet 2018 pour le rôle 2020.

Valeur du terrain

[15]               Situé dans un secteur industriel de l’arrondissement Sud-Ouest, le terrain d’ArcelorMittal est d’une superficie de 895699,43 pi2, dont 826193,63 pi2 est utilisable[8]. Une partie de 69505,8 pi2 est sans valeur contributive selon les experts, car située en forte pente.

[16]               Le zonage permet l’usage industriel[9]. Ayant une forme parallélogramme, il bénéficie d’une importante façade de 1150 pieds sur la rue Saint-Patrick, entre les rues Irwin et Hamilton. Sa profondeur est de 796 pieds.

[17]               À partir d’une analyse d’une centaine de propriétés vendues, l’expert Girouard retient des taux unitaires de base de 8 $/pi2 (rôle 2017) et 9,44 $/pi2 (rôle 2020). Il applique un ajustement pour le temps de 0,5 % par mois, ainsi qu’un ajustement de 25 % pour considérer la grande superficie du terrain à évaluer.

[18]               En appliquant les taux ajustés de 6 $/pi2 (rôle 2017) et 7,08 $/pi2 (rôle 2020) à la superficie résiduelle de 826193,63 pi2, l’expert Girouard obtient des indications de valeur de 4 956 900 $ (rôle 2017) et 5 849 600 $ (rôle 2020) pour le terrain

[19]               Par la suite, il retranche la valeur des remparts et murs de soutènement, soit 9300 $ pour le rôle 2017 et 10300 $ pour le rôle 2020, mais surtout, il déduit du résultat les coûts estimés pour décontaminer une portion des sols situés sous le bâtiment, soit 4556000 $ pour le rôle 2017 et 4648 800 $ pour le rôle 2020. La valeur ajustée du terrain est ainsi ramenée à 392000 $ pour le rôle 2017 (ou 0,47 $/pi2) et à 1 191 000 $ (ou 1,44 $/pi2) pour le rôle 2020[10].

[20]               De son côté, l’experte Tétrault retient des taux unitaires de 9,75 $/pi2 pour le rôle 2017 et de 12 $/pi2 pour le rôle 2020. Elle obtient ces taux en retenant un ajustement pour la localisation de 5 % et un ajustement pour le temps de 8 %/an. Contrairement à l’expert Girouard, elle ne retranche aucune somme afin de considérer le problème de contamination.

Quels taux unitaires de base ajustés doivent être retenus?

[21]               La valeur du terrain inscrite aux rôles 2017 et 2020 est respectivement de 5 741 700 $ (6,95 $/pi2) et 7 572 400 $ (9,17 $/pi2).

[22]               Dans le cadre de leurs approches paritaires, les experts déterminent la valeur du terrain utilisable d’ArcelorMittal, d’une superficie de 826193,3 pi2, ainsi :

 

Luc Girouard       Marie-Lise Tétrault

le 2017 : 4 956 900 $ (6,00 $/pi2)  Rôle 2017 : 8 055 500 $ (9,75 $/pi2)

Rôle 2020 : 5 849 600 $ (7,08 $/pi2)  Rôle 2020 : 9 914 600 $ (12,00 $/pi2)

[23]               Pour déterminer le taux unitaire paritaire de base, l’expert Girouard répertorie 32 transactions de terrains industriels situées dans l’arrondissement Sud-Ouest. Après avoir rejeté les ventes relatives à des projets non industriels, les ventes d’assemblage, les ventes entre parties liées ou par suite de liquidations d’actifs, celles concernant des emprises ferroviaires ou des projets routiers ainsi que les ventes de terrains contaminés ou construits, son exercice l’amène à ne considérer que deux ventes comparables, soit les ventes SO-14 et SO-18.

[24]               Souhaitant obtenir plus de données du marché, l’expert Girouard élargit son secteur de recherche à d’autres arrondissements, soit Verdun/Ile-des-Sœurs (2 ventes), LaSalle (14 ventes), Lachine (13 ventes) et Dorval (17 ventes). Après le rejet de nombreuses transactions pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-dessus, il rejette les ventes de Verdun, retient trois transactions situées à LaSalle (LS-6, LS-10 et LS-13), une seule à Lachine (LC-12) et trois à Dorval (D-5, D-7 et D-16)[11].

[25]               Qualifiant lui-même ces neuf transactions restantes de « questionnables »[12], en raison, entre autres, de la présence d’aménagements au sol, l’expert Girouard élargit à nouveau son secteur de recherche pour regarder du côté de l’arrondissement SaintLaurent. Des 42 transactions répertoriées, il en retient 17, dont sept se trouvent dans le secteur du Technoparc. Il s’agit selon lui de la balise supérieure du marché.

[26]               Pour en dégager un taux unitaire applicable au rôle 2017, l’expert Girouard procède avec deux approches. La première consiste à ajuster les ventes retenues dans les secteurs du Sud-Ouest, LaSalle et Dorval en fonction du temps. Le résultat obtenu est de 8,50 $/pi2. La seconde approche consiste à ne retenir que les transactions les plus récentes, soit les ventes LS-10 et SO-18, ce qui donne un taux unitaire de 8,00 $/pi2.

[27]               De son côté, l’experte Tétrault analyse 17 transactions de terrains vacants[13], dont cinq terrains vendus et localisés dans l’arrondissement Mercier-Hochelaga-Maisonneuve, deux terrains situés dans l’arrondissement Sud-Ouest, cinq localisés dans Saint-Laurent, dont quatre dans le secteur du Technoparc, un à LaSalle, deux à RivièredesPrairiesPointe-aux-Trembles puis deux dans Montréal-Est. Pour le rôle 2017, elle détermine le taux unitaire de base à partir de quatre transactions, soit les ventes 2, 3B, 5 et 6, et pour le rôle 2020, elle retient les ventes numéro 9, 10, 11, 13 et 15 de son rapport.

[28]               Ses critères de sélections sont la localisation des terrains (île de Montréal), la date de la transaction (2013 et plus), sa superficie (300000 pi2 et plus), un bon accès au réseau routier et un zonage industriel.

[29]               À partir des ventes répertoriées, l’experte procède à certains ajustements, tels que les coûts de démolition de bâtiments existants, l’ajustement des frais de parc ou l’absence des services municipaux. Elle effectue également un ajustement pour le temps et pour la localisation.

[30]               L’ajustement relié au facteur temps. Pour ramener les indicateurs du marché aux dates de référence de juillet 2015 et juillet 2018, les deux experts procèdent à des ajustements reliés au facteur temps, mais n’obtiennent pas le même résultat. L’expert Girouard extrait des ventes et reventes de terrains provenant de son analyse. Il retient d’abord le résultat obtenu des ventes d’un terrain de 69168 pi2 situé dans Griffintown, soit les ventes SO-10 (mars 2011) et SO-27 (mai 2016), lesquelles montrent une progression du marché de 0,4 %/mois. Ensuite, il retient les ventes d’un terrain de 77 344 pi2 situé à Dorval, soit les ventes D-5 (octobre 2009) et D-16 (juillet 2010), lesquelles affichent une progression du marché de 0,5 %/mois. Comme il préconise les ventes pour des usages industriels, il retient ce dernier taux.

[31]               L’experte Tétrault, pour déterminer un ajustement pour le temps, analyse 42 ventes et reventes de terrains pour déterminer un taux de rendement linéaire et un autre équivalent. Son résultat dépend du temps de possession : si la possession est de moins de cinq ans, les rendements oscillent entre 9,64 et 21,12 %, pour une moyenne de 15,67 %/an et une médiane de 14,66 %/an. Cette médiane passe à 7,94 %/an si la durée de possession est entre 5 et 10 ans et de 8,03 % si cette possession est de plus de 10 ans. Elle est d’opinion d’appliquer une augmentation de 8 %/an, qu’elle juge conservatrice[14].

[32]               L’ajustement relié à la superficie. Considérant que le terrain d’ArcelorMittal est d’une superficie de 895699,43 pi2 et que les ventes répertoriées par M. Girouard dans les arrondissements du Sud-Ouest, de Dorval, Lachine et LaSalle concernent des terrains d’une superficie variant entre 20 358,6 et 243682 pi2, l’expert applique un ajustement négatif de 25 %, provenant des seules ventes SL-3, SL-4 et SL-5 survenues en 2010 et situées à Saint-Laurent. L’experte Tétrault n’applique aucun ajustement pour la superficie.

[33]               L’ajustement relié à la localisation. Si l’expert Girouard est d’opinion que les données du marché ne montrent aucune présence d’écarts significatifs des prix payés en fonction de la localisation des terrains[15], l’expert Tétrault est d’avis contraire. Elle est d’avis que le terrain d’ArcelorMittal bénéficie d’une très bonne localisation quant à sa proximité des autoroutes 20 et 15, meilleure que la plupart des immeubles transigés. Elle applique donc un rajustement de 5 % pour toutes les propriétés vendues bénéficiant d’un de ces avantages comparativement au sujet à l’étude.

[34]               Conclusion des experts à l’égard des taux unitaires de base ajustés. Les taux unitaires de base retenus par l’expert Girouard, après ajustements pour le temps (0,5 %/mois) et pour la superficie (25 %) est de 6,00 $/pi2 (rôle 2017) et 7,08 $/pi2. Ceux retenus par l’experte Tétrault sont de 9,75 $/pi2 (rôle 2017) et de 12,00 $/pi2 (rôle 2020).

[35]               Analyse du tribunal sur les taux de base ajustés. L’écart entre les experts, en termes de taux unitaire de base, provient essentiellement de l’ajustement de 25 % effectué par l’expert Girouard pour considérer la grande superficie du terrain d’ArcelorMittal par rapport aux transactions retenues comme comparables et celui de 5 % retenu par l’experte Tétrault pour considérer la localisation.

[36]               Si le Tribunal en vient à écarter ces ajustements de -25 % et +5 %, les taux unitaires se rapprochent sensiblement, soit entre 8,00 $/pi2 et 9,25 $/pi2 (rôle 2017) et 9,50 $/pi2 et 11,50 $/pi2 (rôle 2020), en chiffres arrondis.

[37]               Or, le Tribunal juge que la preuve n’est pas à ce point probante pour justifier de tels ajustements.

[38]               D’abord, au niveau du facteur d’ajustement de 25 % de l’expert Girouard, il est calculé à partir de seulement trois ventes, soit les ventes SL-3 (239486 pi2) et SL-5 (259715 pi2), qu’il compare à la vente SL-4 (159032 pi2). Il s’agit d’un échantillonnage nettement insuffisant pour en dégager une tendance.

[39]               De plus, ces trois transactions portent sur des terrains de superficies plutôt similaires et toutes inférieures à 260000 pi2, alors que le terrain à évaluer est d’une superficie utilisable de plus de 826000 pi2.

[40]               Finalement, l’expert Girouard dira que l’ajustement pourrait être plus élevé, considérant que la propriété à l’étude a un terrain encore plus grand que les terrains analysés[16]. De l’avis du Tribunal, cela n’aide en rien à établir la justesse et la force probante de cet important ajustement.

[41]               Par ailleurs, une des ventes utilisées, soit la vente SL-5, est une vente par un corps public et dont l’acheteur s’engage à construire dans les 36 mois, sous peine d’une cession à la ville sans remboursement[17]. L’acheteur a également assemblé ce terrain avec un autre[18] payé 0 $ pour y construire un bâtiment industriel. Cette vente doit être écartée.

[42]               Un ajustement aussi important dans sa quantification doit être adéquatement motivé par un échantillonnage suffisant, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

[43]               On ne peut non plus se rabattre sur une forme de présomption qu’un terrain industriel de grande superficie a une valeur moindre au pied carré qu’un terrain plus petit. Il suffit de constater le nombre et les prix payés pour des transactions d’assemblages pour réaliser que détenir un terrain de grande superficie, dans les dates concernées, peut au contraire représenter une plus-value.

[44]               Au niveau du facteur de rajustement de 5 % retenu par l’experte Tétrault pour considérer la localisation, il repose sur le jugement de l’évaluatrice, et non sur les données du marché. En soi, il ne s’agit pas d’un motif de rejet, car c’est le rôle d’un expert de donner son opinion en fonction de son expérience.

[45]               Toutefois, dans le présent cas, cet ajustement de 5 % a pour but de considérer un avantage au terrain d’ArcelorMittal par rapport à d’autres, en termes surtout d’accès au réseau routier et ferroviaire. Le Tribunal n’y a pas constaté un réel avantage à ce titre et écarte ce facteur de rajustement.

[46]               L’écart entre les experts est donc d’environ 16 % à l’égard des taux unitaires rajustés pour le rôle 2017 (8,00 $/pi2 et 9,25 $/pi2) et de 21 % pour le rôle 2020 (9,50 $/pi2 et 11,50 $/pi2).

[47]               Le Tribunal juge que des taux de 9,00 $/pi2 (rôle 2017) et de 11,00 $/pi2 (rôle 2020) doivent être retenus en termes de valeurs réelles du terrain d’ArcelorMittal.

[48]               L’analyse de l’expert Girouard n’est généralement pas concluante. Pourquoi conserver des ventes de terrain de moins de 50000 pi2 (SO-14, LS-10, SO-18, LC-12 et LS-13) lorsque le terrain à évaluer est d’une superficie utilisable de 826193,63 pi2? Or, en limitant les ventes conservées à celles de plus de 50000 pi2, les taux avant ajustements varient de 9,25 $/pi2 (vente LS-6 de 2009), voire 11,90 $/pi² en retenant le taux ajusté par l’expert pour considérer la portion de terrain en forte pente comme le sujet[19], à 12,61 $/pi2 (vente D-16 de 2016). Au niveau des ventes situées à Saint-Laurent, les résultats sont sensiblement les mêmes, avec plus de variation considérant les particularités propres à chaque transaction.

[49]               En ramenant ces taux aux dates de référence, les conclusions de l’expert ne sont aucunement validées.

[50]               L’experte Tétrault, de son côté, a le mérite d’avoir identifié certains paramètres, dont le plus important est d’avoir une superficie de plus de 300 000 pi2, plutôt que d’inonder son rapport de transactions.

[51]               Toutefois, le Tribunal est d’accord avec l’avocat d’ArcelorMittal sur le fait que certaines lacunes dans son analyse viennent en affaiblir la force probante. Beaucoup d’informations proviennent de propos d’autres collègues évaluateurs et plusieurs documents importants, tels que des avant-contrats ou des études de contamination n’ont pas été consultés. L’ajustement de 15 millions de dollars pour cause de contamination sur sa vente no 2 (Gaïa), basée sur une enquête téléphonique d’un collègue, en est un bon exemple.

[52]               De l’avis du Tribunal, son bassin de 17 ventes, une fois certaines écartées en raison d’ajustements à forts impacts comme des coûts de décontamination, permettent de valider les taux de 9,00 $/pi2 (rôle 2017) et de 11,00 $/pi2 (rôle 2020). Ces taux tiennent compte de l’état intrinsèque et physique de ce terrain.

Est-il opportun de retrancher de la valeur du terrain les coûts de réhabilitation des sols, considérant que l’usine est en opération et qu’aucune règlementation n’oblige à le décontaminer?

[53]               Le terrain d’ArcelorMittal est contaminé par des hydrocarbures pétroliers. Ce fait n’est pas contesté par la Ville.

[54]               La firme Sanexen a préparé un rapport dans le cadre de la présente contestation[20], lequel expose les résultats d’une étude environnementale phases I et II. Elle évalue les coûts de gestion des sols contaminés, aux dates de référence. Il est important de noter qu’une grande étendue des sols à décontaminer se trouve sous les dalles des bâtiments et que tous les coûts (démolition, déplacements d’infrastructures, soutènement, remise en état, etc.) ne sont pas comptabilisés.

[55]               L’expert Girouard déduit de la valeur du terrain les coûts de décontamination de 4 556 000 $ pour le rôle 2017 et de 4 648 800 $ pour le rôle 2020[21]. Il est d’avis que l’article 45 LFM, tel que rédigé, force l’évaluateur à considérer cette problématique :

45. Pour établir la valeur réelle d’une unité d’évaluation, il faut notamment tenir compte de l’incidence que peut avoir sur son prix de vente le plus probable la considération des avantages ou désavantages qu’elle peut apporter, en les considérant de façon objective.

[56]               Pour justifier sa conclusion, l’expert Girouard a enquêté auprès d’un représentant de l’acheteur de l’immeuble voisin, 4513584 Canada inc.[22] (sous le nom de NovaTube), ainsi qu’auprès de certains contacts d’institutions financières. Ceux-ci lui ont confirmé leurs préoccupations à ce niveau.

[57]               Dans le cas de l’immeuble voisin, cela a forcé le vendeur (ArcelorMittal), dans le cadre des discussions survenues en 2009, à assumer une partie des frais de décontamination[23].

[58]               Il importe de préciser que cette transaction n’est pas d’une vente d’immeuble mais d’une vente d’entreprise. Toutes les activités, incluant les clients, les employés et les contrats en cours, ont été vendues. L’acheteur NovaTube continuait les opérations du vendeur ArcelorMittal et cette dernière a dû assumer une facture d’un million de dollars pour décontaminer une partie du site transigé.

[59]               Finalement, une analyse de trois transactions de terrains contaminés, soit les ventes LS-7, LS-14 et SO-29, justifie selon l’expert Girouard d’appliquer un rajustement afin de soustraire de la valeur les coûts requis afin de le ramener au critère industriel C.

[60]               Il est important de comprendre que l’expert Girouard ne soustrait pas les coûts de décontamination afin de rendre le terrain propre ou pour un usage autre qu’industriel. Il soustrait les coûts reliés à la présence d’hydrocarbures qui doivent être éventuellement retranchés, selon lui, si l’immeuble est vendu sur un marché libre, et ce, même en conservant les mêmes opérations industrielles. Il émet l’hypothèse que même en maintenant les opérations, un acheteur éventuel va considérer ce passif environnemental.

[61]               L’avocat d’ArcelorMittal affirme que la doctrine en évaluation foncière indique que la recherche de la valeur réelle nécessite que l’acheteur soit informé de l’état de l’unité d’évaluation, lequel implique son état physique, fonctionnel, économique et juridique. L’état de contamination d’un site, précise-t-il, est une caractéristique inhérente à un terrain[24].

[62]               Or, poursuit-il, le rapport de Sanexen cible les sols contaminés en hydrocarbures au-delà du critère C applicable aux sites industriels. Ce passif environnemental doit être considéré dans l’estimation de la valeur réelle car il le sera pour un acheteur prudent et diligent. Ce dernier lui sera transféré lors d’une éventuelle transaction.

[63]               La Ville, de son côté, demande de rejeter cette prétention, au motif que le Complexe est utilisé en toute conformité de la règlementation municipale et des lois en vigueur. L’admission selon laquelle il n’existe aucune obligation légale de décontaminer le terrain pendant que le Complexe est en opération empêche, selon l’avocat de la Ville, de procéder à un tel ajustement.

[64]               Le Tribunal donne raison à la Ville sur ce point et voici pourquoi.

[65]               La première étape dans la détermination de la valeur d’une propriété repose sur la qualification de l’utilisation la meilleure et la plus profitable (UMEPP)[25]. Il s’agit du principe de base de la valeur, définie comme l’utilisation raisonnable, probable et légale d’une unité d’évaluation, qui se révèle possible sous le plan physique, étayée de façon appropriée, réalisable sur le plan financier et qui confère à l’unité d’évaluation sa valeur la plus élevée[26]. Or, cette étape est cruciale avant de considérer ou non des coûts de décontamination[27].

[66]               Par exemple, si ArcelorMittal avait cessé ses opérations et tentait de vendre son Complexe et que le zonage permettait un développement à des fins résidentielles, il est probable que l’UMEPP change pour un usage résidentiel. Dans ce cas, il faudrait considérer les coûts de décontamination afin d’arriver à un niveau convenable pour réaliser le projet, mais d’autres éléments peuvent alors intervenir, comme l’existence d’un programme de subvention pour décontaminer le terrain ou une excavation nécessaire pour réaliser le nouveau projet.

[67]               Ce qu’il importe de déterminer, c’est le comportement des acteurs de ce type de marché dans une telle situation, et le Tribunal est bien conscient qu’il ne s’agit pas d’une mince tâche.

[68]               Dans le présent dossier, ces questions ne se posent pas, car l’UMEPP est celui qui prévaut depuis que l’usine est en opération, soit industriel, que cette utilisation est conforme à la règlementation et qu’il n’existe aucune obligation légale pour ArcelorMittal ou tout acheteur potentiel de décontaminer le site pendant qu’il est en exploitation. Une des conditions de l’UMEPP est que l’usage doit être relié aux probabilités de réalisation plutôt qu’aux simples possibilités.

[69]               Dans le cadre de son contre-interrogatoire, l’expert Girouard a semblé confondre ces deux concepts : probabilité et possibilité. C’est finalement en se référant à la vente d’entreprise survenue avec NovaTube en 2009, soit lorsque cette dernière a demandé à ArcelorMittal de débourser un million de dollars pour décontaminer une petite partie du terrain, qu’il juge probable, puis possible, une demande similaire par un éventuel acheteur pour le Complexe.

[70]               Or, le Tribunal juge que cette transaction n’est pas représentative des conditions prévues aux articles 43 et suivants de la LFM.

[71]               D’abord, il s’agit d’une vente d’entreprise. Elle implique le transfert de l’immeuble, mais aussi des biens intangibles tels que les contrats en cours, les employés, etc. Dans le cadre de cette vente d’actifs, l’acheteur NovaTube a demandé au vendeur ArcelorMittal de décontaminer une petite portion du terrain, situé sous un bâtiment nommé former oil building.

[72]               Ensuite, la preuve ne permet pas de considérer cette demande comme une preuve du comportement du marché. Le témoin Beauchamp n’a pu expliquer à l’audience les raisons derrière cette demande précise. Pour le reste, il importe de préciser que cette décontamination fut limitée tant en termes de superficie qu’en termes de coûts. Pourquoi y’aurait-il lieu de considérer un tel ajustement pour la propriété à évaluer lorsque pour ce terrain voisin, la décontamination s’est arrêtée au moment où la limite convenue par les parties contractantes a atteint la limite du million de dollars?

[73]               Il devient donc difficile d’appliquer une ponction de plus de 4,6 millions de dollars dans l’évaluation du terrain du Complexe afin de considérer un problème de contamination lorsque l’argument repose surtout sur une seule vente, d’entreprise par ailleurs et non immobilière, et tout en ignorant les tenants et aboutissants de cette demande particulière de l’acheteur. Une vente qui, d’autant plus, n’a fait l’objet d’aucune mise en marché publique.

[74]               Au niveau des autres éléments soulevés par l’expert Girouard pour justifier cette perte de valeur, ils doivent également être rejetés, selon le Tribunal.

[75]               Son enquête auprès des prêteurs hypothécaires, tels que la Banque Nationale, la Banque TD ou la BDC, est non concluante. L’information semble porter sur une demande générale de financement d’un terrain vacant contaminé pour un redéveloppement[28] et ne permet pas de savoir ce qu’il en est des immeubles industriels à usage spécifique ou unique toujours en opération.

[76]               Au niveau de son analyse des ventes d’immeubles contaminés, les ventes à l’étude ne sont d’aucun secours, car il s’agit tantôt de vente par la Ville de Montréal (LS-7), tantôt dans un contexte d’expropriation (LS-14) et la 3e vente (SO-29) est, selon l’expert Girouard, une vente d’assemblage impliquant Hydro-Québec et n’est pas représentative d’un marché de terrains contaminés[29].

[77]               D’ailleurs, le Tribunal trouve étonnant que l’expert Girouard en arrive à une telle conclusion en termes d’ajustement de valeur alors qu’il reconnait qu’il est quasiment impossible d’avoir accès aux études de caractérisation lorsqu’il analyse des transactions de terrains comparables. Cela rend l’exercice très peu probant.

[78]               Lorsque l’avocat d’ArcelorMittal plaide qu’il faut déterminer des comparables de terrains vacants non contaminés et que ce choix des comparables est déterminant[30], encore faut-il s’assurer de l’impact sur le prix de vente de cet élément. Me Gladu demande de faire évoluer le droit sur cette question[31], mais il appert que la preuve administrée ne le permet pas.

[79]               Qui plus est, le Tribunal constate certaines faiblesses dans l’étude de Sanexen. Son auteur Jean Halde a admis que les données recueillies sont limitées et que pour bien faire les choses, il aurait fallu faire 133 sondages et non uniquement 31. Il écrit dans son rapport que le calcul est basé sur des hypothèses et est approximatif[32].

[80]               En terminant au niveau de l’analyse de la preuve au niveau de cet ajustement pour la contamination que les résultats obtenus reviendraient à considérer une hausse de plus de 300 % des valeurs entre les rôles 2017 et 2020, alors que ce même expert affirme que les valeurs dans le marché ont augmenté de 6 % par année. À sa face même, il ne s’agit pas d’un ajustement qui est rationnel en fonction de ce qu’on observe dans le marché.

[81]               Au niveau de la jurisprudence, le Tribunal réfère d’abord à l’arrêt Texaco[33] où la Cour d’appel pose ainsi la question en litige : pour les fins de l’évaluation municipale, comment tenir compte de la contamination d’un terrain lorsque les coûts de décontamination ne sont pas connus?

[82]               Cette affaire implique l’ancienne raffinerie de Texaco située à Montréal-Est, fermée depuis 1982. Texaco conteste l’évaluation municipale pour les années 1984 à 1987, au motif que son terrain est contaminé et n’a aucune valeur sur le marché. Le Bureau de révision de l’évaluation foncière (BREF) s’était dit d’avis qu’un acheteur potentiel qui aurait voulu faire du site un usage pour industrie lourde naurait pas été restreint par l’état de contamination. Le BREF est d’avis que, tant qu’elle ne reçoit pas une ordonnance du ministre de l’Environnement en ce sens, Texaco ne subit aucune contrainte l’obligeant à décontaminer et estime donc que, sauf à certains endroits plus problématiques, il ne peut présumer que l’état de l’immeuble serait de nature à décourager un acheteur éventuel.

[83]               La Cour du Québec infirme la décision du BREF, jugeant la contamination prouvée et que Texaco a l’obligation légale de décontaminer. Le juge Barbe analyse la jurisprudence et résume sept principes applicables[34]. Les trois premiers méritent l’attention du Tribunal en l’instance :

  1. La contamination dun terrain ne peut avoir dincidence sur sa valeur réelle quà partir du moment où cette contamination est connue par le propriétaire;
  2. La considération de lobligation éventuelle de décontaminer un terrain nentre en ligne de compte quà compter du jour où lon cesse den faire une utilisation normale;
  3. Le coût de décontamination dun terrain naffecte sa valeur marchande que dans la perspective où ce coût n’est pas encore encouru au moment de lévaluation.

[84]               La Cour d’appel confirme le jugement de la Cour du Québec et précise que tant que la raffinerie était en opération, il n’existait aucune obligation de décontaminer. Toutefois, cette situation a pris fin lors de l’arrêt des opérations. Au moment de lévaluation, il sagit dun terrain où lon ne retrouve aucune activité industrielle ou de transformation et c’est alors qu’on doit se questionner sur les coûts requis pour intéresser un éventuel acheteur, industriel ou non.

[85]               Il est donc possible qu’ArcelorMittal soit forcé de décontaminer son terrain, en tout ou en partie, le jour elle cessera ses opérations, mais cela n’est pas envisageable à court ou moyen termes. Les opérations vont probablement se poursuivre dans les prochaines années. À preuve, l’utilisation continue des opérations[35], le volume de ventes en cours[36] et la signature d’une nouvelle convention collective par les employés.

[86]               En conclusion, considérant que les deux experts s’entendent sur le fait que l’UMEPP du Complexe est pour un usage industriel, que celui-ci est conforme à la règlementation et qu’aucune loi n’oblige ArcelorMittal à décontaminer les sols s’il souhaite poursuivre ses opérations, l’absence de preuve crédible du comportement du marché dans un tel cas et les lacunes dans la fiabilité de l’étude de Sanexen considérant l’importance de l’ajustement effectué, le Tribunal rejette cette prétention de l’expert Girouard.

Conclusion à l’égard de la valeur du terrain

[87]               Un élément en litige, relativement mineur en termes de valeur, soit 9300 $ (rôle 2017) et 10300 $ (rôle 2020) doit être décidé par le Tribunal avant de conclure sur la valeur du terrain, soit le fait de retrancher ou non la valeur des remparts et murs de soutènement servant à retenir les sols de la partie plus abrupte. Pour l’expert Girouard, ces murs n’ont aucune valeur contributive; il les exclu de son calcul.

[88]               Le Tribunal n’est pas d’accord. Ces éléments sont des actifs qui permettent d’optimiser la superficie utilisable du terrain. Ils ont une utilité pour leur propriétaire et doivent être considérés dans la valeur réelle.

[89]               Ce faisant, la valeur du terrain doit être déterminée ainsi :

  • Rôle 2017 : 7 435 700 $;
  • Rôle 2020 : 9 088 100 $.

Valeur des bâtiments

[90]               Le Complexe est composé de plusieurs bâtiments, construits à des dates différentes et attachés les uns aux autres. Si la construction originale date de plus de 100 ans[37], le dernier agrandissement remonte à 1996.

[91]               Les quatre bâtiments, identifiés sous les numéros 22, 27, 30 et 33[38], d’une superficie totale d’environ 447000 pi2, sont à structure d’acier avec des recouvrements composés de blocs de béton, d’acier nervuré et de panneaux en amiante ondulés. Certaines toitures ont été refaites durant les dernières années mais d’autres sont en très mauvais état. D’ailleurs, les deux experts s’entendent pour dire qu’il s’agit, globalement, de bâtiments qui sont en fin de vie économique.

[92]               L’expert Girouard désigne les bâtiments en fonction de la nomenclature d’ArcelorMittal, soit deux « plans » (A et B), dans lesquels on retrouve 14 sous-sections, de B21 à B37. Pour la Ville, le Complexe compte, depuis la modernisation de la fiche technique, quatre bâtiments, portant les numéros 022, 027, 030 et 033[39]. Pour des fins de commodité, le Tribunal va référer à la numérotation selon la fiche modernisée.

[93]               En termes de quantum, les parties se sont entendues sur les coûts de base 1997, soit 13 240 001 $. Considérant l’autre admission relative au facteur de rajustement global de 1,35 pour le rôle 2017 et de 1,50 pour le rôle 2020, un coût neuf de 17 874 001 $ (rôle 2017) et 19 860 002 $ (rôle 2020) pour ces bâtiments. Le coût de base 1997 des différents systèmes est aussi admis[40].

[94]               Au niveau des améliorations au sol, les experts s’entendent sur un coût de base de 564831 $. Il en va de même des équipements, issues et dépendances[41], pour lesquels il y a entente sur un coût de base de 392277 $. Contrairement aux bâtiments, les experts ne s’entendent pas sur les facteurs de rajustement applicables à ces items.

[95]               Le litige porte sur certains éléments que l’expert Girouard considère non évaluables. Il retranche 322347 $ du coût de base pour déduire les éléments qui sont soit sans valeur contributive, soit meubles ou encore utilisés ou destinés à des fins de production industrielle ou de lutte contre la pollution[42]. Il est également d’avis qu’un coût de base de 1 724 199 $ doit être retranché du total en raison de l’application de la règle du normalement nécessaire prévu à l’article 65 LFM, concernant le système électrique[43], mais en conservant 25 % de ce coût de base, soit 431049 $, afin d’évaluer les luminaires.

[96]               Toujours dans l’application de la méthode du coût, les experts s’entendent pour appliquer le procédé âge-vie et appliquer une valeur résiduelle de 10 % à la fin de la vie économique. Le débat reste entier au niveau de cette vie économique, que l’expert Girouard fixe à 45 ans tandis que l’experte Tétrault retient 50 ans. En fait, cette experte applique le concept de vie économique restante, démarche contestée par l’expert Girouard.

[97]               Au niveau de la détérioration physique corrigible et fonctionnelle additionnelle, les parties admettent un pourcentage de 20 % applicable à l’ensemble de la propriété. L’expert Girouard applique toutefois un pourcentage de 100 % pour le bâtiment 027[44], au motif qu’il est à démolir et donc sans valeur contributive, ce qui est contesté par l’experte Tétrault.

[98]               Ce faisant, l’experte Tétrault conclut à des valeurs de bâtiments de 3 571 000 $ pour le rôle triennal 2017 et 3 929 800 $ pour le rôle 2020, soit une hausse par rapport aux valeurs de 2 948 100 $ (rôle 2017) et 3 796 100 $ (rôle 2020) déposées par l’évaluateur municipal. De son côté, l’expert Girouard est d’opinion que ces valeurs de bâtiments doivent être réduites à 1 269 000 $ pour le rôle 2017 et à 1 399 000 $ pour le rôle 2020.

[99]               Le Tribunal donne suite aux admissions convenues et analysera un à un les éléments sur lesquels les experts divergent d’opinion.

Afin de répondre au critère du normalement nécessaire, l’évaluateur municipal doit-il inclure dans le coût de base ce qui concerne l’alimentation et la distribution électrique ou ne conserver que le coût de base relatif aux luminaires?

[100]           En fiscalité municipale, la règle générale est que tous les immeubles situés sur le territoire d’une municipalité locale sont portés au rôle d’évaluation foncière[45].

[101]           Des exceptions à cette règle sont toutefois prévues, notamment à l’article 65 LFM qui prévoit, entre autres, que ne sont pas portés au rôle une machine, un appareil et leurs accessoires qui sont utilisés ou destinés à des fins de production industrielle, avec la distinction suivante concernant les systèmes mécaniques et électriques[46] :

Toutefois, un système destiné à des fins mécaniques ou électriques et intégré à une construction visée au paragraphe 1º du deuxième alinéa est réputé ne pas faire partie de cette construction et peut être visé par le paragraphe 1º ou 1.1º du premier alinéa.

Lorsqu’un tel système n’entre que partiellement dans le champ d’application du paragraphe 1º ou 1.1º du premier alinéa et qu’il est notamment destiné à l’éclairage, au chauffage, à la climatisation, à la ventilation, à l’alimentation en eau ou à l’évacuation des eaux d’une construction visée au paragraphe 1º du deuxième alinéa, est exclue du rôle la partie de ce système qui entre dans ce champ d’application et qui excède ce qui serait normalement nécessaire pour le maintien en bon état de la construction et pour l’occupation de celle-ci par des personnes.

Lorsqu’un immeuble, autre qu’un système qui est visé par le quatrième alinéa, n’entre que partiellement dans le champ d’application du paragraphe 1° ou 1.1° du premier alinéa, l’article 2 ne s’applique pas; l’immeuble est alors entièrement exclu du rôle, s’il entre principalement dans ce champ d’application, et entièrement porté au rôle dans le cas contraire. »

(Soulignement du Tribunal)

[102]           Dans la présente affaire, la façon d’appliquer les mots normalement nécessaire est en litige concernant le bloc éclairage et cela implique pour le Tribunal de devoir décider si le filage, les commutateurs et le panneau doivent être portés au rôle ou non.

[103]           L’expert Girouard est d’opinion que ce qui est « normalement nécessaire » au bâtiment exclut tout le filage, les commutateurs et le panneau. Il expose en détail les consignes et communiqués des sources gouvernementales et soumet que le Guide de mise au rôle des biens industriel au Québec[47] (Guide), particulièrement la version de 2001, considère le concept de système comme tout ce qui est relié pour réaliser un ensemble d’opérations.

[104]           Il illustre également son propos[48] en référant au croquis du Manuel de l’évaluation foncière du Québec (MEFQ) de 1976 (base 1972) pour conclure que seuls les luminaires devraient être évalués. Dans les circonstances, il retient une portion de 25 % du coût de base pour l’éclairage (les luminaires) considérant les activités d’ArcelorMittal.

[105]           L’experte Tétrault, de son côté, est d’opinion qu’il y a lieu de porter au rôle les éléments permettant de faire fonctionner ces luminaires, et ce, afin de permettre une application logique d’un système électrique normalement nécessaire pour le bâtiment ou les personnes qui y travaillent.

[106]           Dans le MEFQ modernisé, la partie importante du système électrique (incluant le câblage) s’y retrouve au bloc 47 (intitulé éclairage), lequel mentionne que les coûts unitaires des appareils d’éclairage incluent non seulement les lampes et les luminaires eux-mêmes, mais aussi les contrôles assurant leur fonctionnement, ainsi que le branchement électrique typiquement requis pour alimenter ces installations (interrupteurs, câblage, panneaux de branchement, etc.).[49]

[107]           Le législateur n’a pas défini le terme « système destiné à des fins électriques ». Le Tribunal doit donc recourir au Guide[50], ainsi qu’à la jurisprudence qui y fait référence.

[108]           Or, comme l’écrit le Tribunal dans l’affaire Keurig[51], la jurisprudence n’est pas unanime sur la question de savoir ce qui doit être inscrit au rôle relativement à l’alimentation en électricité (par. 43). Si deux décisions vont en sens contraire[52], l’affaire Keurig est venue, de l’avis de la présente formation, clarifier cette problématique, surtout à l’aide de l’éclairage de l’édition modernisée du MEFQ, étant donné le retrait du barème II en 2006. Les paragraphes 56 et 57 de la décision Keurig méritent d’être reproduits :

[56] Un autre indice qui contribue à confirmer que les systèmes électriques maintenant portés au rôle incluent l’éclairage calculé à l’aide du Barème l réside dans le fait que dans la version modernisée du MEFQ, on ne retrouve plus le bloc 9 (Électricité) de l’édition non modernisée. Alors que l’éclairage et les prises électriques sont amalgamés à l’intérieur du Barème 1 de la version 2006 du manuel, la version modernisée les scinde en deux blocs distincts, l’un pour l’électricité (bloc 46), l’autre pour l’éclairage (bloc 47). Les modifications apportées vont dans le sens du maintien de la jurisprudence initiée par Structures C.P.I

[57]    Rappelons enfin que le Barème II est maintenant retiré du MEFQ. De plus, la meilleure preuve convainc le Tribunal que ce ne sont pas que les fixtures qui doivent être portées au rôle; c’est le système électrique normalement nécessaire pour le bâtiment ou les personnes qui y travaillent, qui doit l’être. C’est ce que l’expert de la Ville fait et ce que cette dernière soutient conformément à la décision du Tribunal dans Structures C.P.I.

(Transcription conforme)

[109]           L’avocat de la Ville est d’avis que ces changements réglementaires ont permis de clarifier la question sur ce qu’il faut retenir de l’interprétation de l’alinéa 4 de l’article 65 LFM. Il considère qu’il devient alors logique de porter au rôle les filages, commutateurs, le panneau en tant que « système » électrique normalement nécessaire pour le bâtiment ou les personnes qui y travaillent.

[110]           Dans l’affaire Delon[53], une question similaire se posait et le TAQ, encore une fois, est venu donner raison à l’interprétation de la Ville de Montréal. La Cour du Québec, dans un jugement étoffé du juge Richard P. Daoust, a maintenu la décision du TAQ, en référant d’ailleurs à la décision rendue dans Keurig. Les paragraphes 74 de ce jugement sont particulièrement convaincants, de l’avis de la présente formation :

[74] De l’avis du Tribunal, cet argument ne résiste pas à l’analyse notamment pour les raisons suivantes :

  • Le 1er paragraphe de l’alinéa 2 n’est pas la définition du mot « construction » utilisé à l’article 65. Au contraire, il est joint à une locution qui précise de quelle construction on parle lorsqu’ici, on porte au rôle une construction nommément définie pour la soustraire du principe de la non-portabilité énoncé au premier alinéa. C’est la « construction qui est destinée à loger ou à abriter (…) » qu’on exclue du régime de la non-portabilité, pas toute construction;
  • Lorsque le législateur réfère à la « construction qui est destinée à loger ou à abriter (…) » aux alinéas 3 et 4 de l’article 65, il réfère précisément au 2e alinéa selon l’expression « une construction visée au paragraphe 1e du deuxième alinéa », technique de rédaction qu’il n’utilise pas à la fin du 4e alinéa lorsqu’il réfère à ce qui excède ce qui serait normalement nécessaire pour le maintien en bon état de « la construction », celle qui sert de base au calcul pour fins de non-portabilité;
  • On comprend de l’énumération du 4e alinéa que le système destiné à l’éclairage, au chauffage, à la climatisation et à la ventilation est celui relié à la construction qui sert de base au calcul pour fins de non-portabilité alors que le système d’alimentation en eau ou à l’évacuation des eaux est celui d’une construction qui sert à loger ou abriter suivant le 2e alinéa;
  • Si Delon avait raison, les systèmes qui n’entrent que partiellement dans le champ d’application du paragraphe 1e ou 1.1e du premier alinéa et qui seraient destinés à l’éclairage, au chauffage, à la climatisation et à la ventilation ne pourraient être exclus du rôle pour la portion qui excède ce qui est normalement nécessaire que pour les constructions destinées à loger ou à abriter des personnes, des animaux ou des choses. Toutes les autres constructions qui seraient servies par une utilisation partielle des systèmes visés ne seraient pas couvertes par une application du 4e alinéa. Pourtant, les deux parties s’entendent que par la modification législative de 2011, le législateur souhaitait abolir la règle du « tout ou rien » qui subsisterait pour les autres constructions que celles destinées à loger ou à abriter si Delon avait raison, ce qui ne fait pas de sens.
  • Dans cet appel, l’argument central de Delon est à l’effet que la construction qui sert de base au calcul de la non-portabilité du 4e alinéa est un immeuble vide sans production industrielle, pas nécessairement un immeuble uniquement destiné à loger ou à abriter. Les concepts véhiculés par Delon pour soutenir son argument de texte ne sont pas compatibles.
  • L’objectif du 2ième alinéa est de porter au rôle un certain nombre de constructions ou d’immeubles non couverts par la règle de non-portabilité définie au premier alinéa de l’article 65 alors que celui du 4e alinéa est de traiter de la portabilité au rôle des systèmes visés qui sont utilisés ou destinés partiellement à des fins de production industrielle ou de lutte contre la pollution. L’importation de la définition du mot « construction » d’un alinéa à l’autre est en conséquence un exercice inadéquat.

[75] Le Tribunal se permet de préciser par ailleurs qu’une simple lecture du texte du 4e alinéa clarifie l’ambiguïté soulevée par Delon. Le texte nomme clairement et précisément que c’est le « système » mixte qui est l’objet de l’analyse puisque c’est la partie de « ce système » qui excède ce qui est normalement nécessaire à la construction qui doit être exclue du rôle.

[76] Lorsque Delon suggère que « les systèmes normalement nécessaires sont des systèmes qui seraient nécessaires pour maintenir et occuper un bâtiment dans lequel il n’y a pas de production industrielle, ou une coquille vide »41, Delon ajoute à la loi un concept qui n’y est pas. La loi ne dit pas que, lorsqu’une « construction » contient un système mixe, cette « construction » doit être comparée à une construction où il n’y aurait pas de production industrielle. C’est le système dont il est question.

(Transcription conforme)

[111]           Le Tribunal s’inspire de l’arrêt récent de la Cour suprême du Canada dans l’affaire R. c. Sullivan[54] pour rappeler qu’il est opportun de concilier, d’une part, la stabilité et la prévisibilité et, d’autre part, la justesse et l’évolution ordonnée du droit. Les règles du stare decisis horizontal et de la courtoisie judiciaire s’appliquent, selon nous, au Tribunal et ce n’est qu’en appliquant certains critères[55] qu’il serait permis de s’écarter du précédent rendu dans l’affaire Delon, confirmé d’ailleurs dans l’affaire Keurig.

[112]           Conscient qu’il serait prudent d’attendre que ces décisions et jugements dans les affaires Keurig et Delon fassent autorité, comme l’écrit d’ailleurs l’honorable juge Kasirer au paragraphe 65 de l’arrêt Sullivan, le Tribunal est d’avis qu’ArcelorMittal doit établir minimalement que les décisions rendues sont erronées et que le Tribunal a ici l’occasion de corriger cette erreur. Dans le cas contraire, la courtoisie judiciaire commande de ne pas aller à l’encontre du stare decidis horizontal.

[113]           À tout événement, le Tribunal est en accord avec l’interprétation rendue dans Keurig sur le concept de normalement nécessaire en matière d’éclairage et donne raison à la Ville sur ce point.

[114]           Même en apportant la nuance de l’avocat d’ArcelorMittal voulant que le barème II visait uniquement les appareils d’éclairage et donc, ce barème II était alors un outil pour déterminer la proportion des appareils d’éclairage, comme le fait l’expert Girouard, le coût de base de ce bloc 47 doit, de l’avis du Tribunal, contenir les filages, commutateurs ainsi que le panneau en tant que « système » électrique normalement nécessaire pour le bâtiment.

[115]           Ce faisant, aucune ponction additionnelle aux coûts de base admis par les experts pour les bâtiments ne doit être effectuée en application de larticle 65 LFM et du normalement nécessaire.

Quels équipements doivent être exclus du rôle en vertu des articles 1 (notion d’immeuble) et 65 LFM?

[116]           Les experts s’entendent d’inclure ou d’exclure du rôle de nombreux équipements, mais certains demeurent litigieux, soit les balances situées dans l’entrepôt, des ponts roulants, des treuils et des réservoirs[56]. Dans certains cas, le litige concerne l’aspect immobilier ou non du bien, en vertu de l’article 1 LFM[57], ou encore s’il doit être exclu en vertu de l’article 65 LFM[58].

[117]           Les réservoirs. Six réservoirs sont en litige en termes de mise au rôle. Ils sont désignés ainsi :

  • E14 : situé dans le bâtiment 33, ce réservoir contient de l’acide chlorhydrique neuve;
  • E15 : situé dans le bâtiment 33, ce réservoir contient de l’acide sulfurique neuve;
  • E16 : situé dans le bâtiment 33, ce réservoir contient de l’acide sulfurique usée;
  • E17 : situé dans le bâtiment 33, ce réservoir contient de l’acide chlorhydrique usée;
  • E18 : situé à l’extérieur, ce réservoir contient du propane;
  • E19 : situé à l’extérieur, ce réservoir contient de l’azote liquide.

[118]           ArcelorMittal demande d’exclure les réservoirs qui conservent leur statut de meuble, car déposés au sol, sans attaches fixes (E15, E16, E17) ainsi que ceux qui servent à la production industrielle (E16) ou au dispositif antipollution (E17). Leur avocat plaide qu’il ne peut s’agir d’immeuble car les bâtiments sont complets sans eux. Il va de même des réservoirs extérieurs (E18 et E19) qui sont d’ailleurs en location. Par ailleurs, dans le cas du réservoir E19, il n’a aucune utilité car la ligne de production y afférente n’existe plus.

[119]           Au niveau de la nature mobilière ou immobilière des réservoirs localisés à l’intérieur du bâtiment et qui ne sont que déposés sur la base de béton, le Tribunal est d’avis qu’ils se qualifient d’immeubles. La preuve révèle que s’il advenait de les enlever, il faudrait démanteler partiellement le bâtiment[59]. Le Tribunal juge qu’ils sont des immeubles au sens de l’article 1 de la LFM.

[120]           Doivent-ils être exclus du rôle en vertu de l’article 65 LFM? L’avocat d’ArcelorMittal plaide que oui, s’appuyant sur la preuve que le réservoir E16 contenant de l’acide sulfurique usé est en circuit fermé et qu’il permet la récupération et le reconditionnement d’acide utilisé et retour dans la production, pour le décapage. Il demande de considérer ce réservoir comme faisant partie de la production industrielle, car il permet une continuité des opérations de décapage. Sans ce réservoir, l’opération de décapage ne pourrait s’effectuer. Il en va de même selon lui du réservoir E17 contenant de l’acide usé provenant de la galvanisation et servant à l’abaissement du pH pour le rejet d’eau, donc un bien destiné au système antipollution, aussi prévu à l’article 65 LFM.

[121]           L’avocat de la Ville plaide de son côté qu’il s’agit de réservoirs de matière première ou d’intrants, sans qu’aucun mélange ne s’y produise. Dans un tel cas, précise-t-il, le Guide[60] prévoit spécifiquement leur mise au rôle :

Accumuler des matières dans un contenant dans le but de les y transformer, les y décontaminer ou les y conserver pour utilisation future, expédition ou élimination.

•S’il sert à conserver une matière première destinée à être transformée sur le site industriel concerné ou une autre matière qui n’y a subi aucune transformation (produits chimiques, combustibles, lubrifiants, etc.) »

(Transcription conforme)

[122]           Le Guide précise, dans sa partie introductive, que son contenu n’est pas un avis juridique sur l’interprétation des textes législatifs et que ses énoncés sont assujettis aux décisions des tribunaux. Il faut donc prendre garde de lui attribuer une portée quasi réglementaire[61].

[123]           Les activités qui se déroulent chez ArcelorMittal satisfont à la définition de production industrielle en ce quelles sapparentent à un ensemble dopérations qui permettent dobtenir, par la combinaison et la transformation des ressources et des matières premières identifiées, des biens nouveaux mieux adaptés à la satisfaction dun besoin[62]. Mais cela ne signifie pas qu’un bien qui se trouve dans l’aire de production industrielle doit être exclu du rôle de ce simple fait. Il doit aussi être utilisé ou destiné à des fins de production industrielle, pour être exclu du rôle en vertu de l’article 65 LFM.

[124]           De l’avis du Tribunal, seul le réservoir E17 doit être exclu du rôle en vertu de l’article 65 LFM puisque son contenu n’est pas simplement entreposé, mais également modifié avant d’être utilisé pour les opérations antipollution. Les réservoirs E14 et E15 servent d’intrant afin de conserver une matière première, soit de l’acide neuf, en attendant d’être utilisé à des fins de production industrielle. Il en va de même du réservoir E16, mais à l’inverse : il sert à recueillir l’acide sulfurique usé à la fin de la production. Ces trois derniers réservoirs doivent être portés au rôle.

[125]           Au niveau des réservoirs extérieurs, le fait qu’ils nappartiennent pas à ArcelorMittal et sont loués n’a aucun effet sur la décision de le déclarer meuble ou immeuble[63]. Bien que les réservoirs, qui fournissent l’usine en azote et les chariots élévateurs en propane, ne sont déposés que sur des patins, leur éventuel retrait nécessite un démantèlement ou à tout le moins un déplacement d’aménagements particuliers tels des blocs de béton, clôtures ou bollards. Ayant perdu leur nature mobilière, ces deux réservoirs doivent être considérés à perpétuelle demeure et, par le fait même, portés au rôle.

[126]           Les balances. Deux balances sont en litige, soit celle désignée E2-1[64], servant à peser des produits comme le zinc et le plomb, avant l’étape des bains, de même que de la ferraille et des sous-produits destinés à la revente, ainsi que E2-3, près du secteur de l’expédition et de la machine numéro 3389, servant à peser des bobines issues de la production et les retours des produits. L’experte Tétrault est d’avis que ces balances ne servent pas, à proprement parler, à de la production industrielle.

[127]           La preuve révèle que peser les produits tout au long du processus industriel est important dans les opérations d’ArcelorMittal[65]. Toutefois, dans le cas de ces deux balances, le Tribunal est d’opinion qu’elles ne se situent pas dans le cadre d’une utilisation à des fins de production industrielle. Le fait d’être situé dans l’aire de production n’est pas suffisant : ce qu’on doit apprécier c’est l’utilisation et la destination du bien aux fins de cette production. C’est pourquoi il est essentiel de bien identifier cette utilisation.

[128]           Dans les deux cas, la production industrielle n’est pas en cours lorsque ces balances sont requises. Elles servent surtout à peser des biens hors production, soit le retour des produits des clients et des rebuts.

[129]           La preuve ne démontre donc pas que les balances E2-1 et E2-3 sont des appareils ou des accessoires de machines ou autres appareils utilisés à des fins de production industrielle. Elles doivent donc être portées aux rôles conformément à l’article 31 LFM et non en être exclues en vertu de l’article 65 LFM.

[130]           Les treuils et ponts roulants. Cinq treuils/ponts roulants sont en litige, soit les items E3 à E-7. La Ville réfère à la décision Ciment Saint-Laurent[66] et considère qu’ils doivent être portés au rôle, car ils sont situés dans une portion du Complexe servant à l’entretien des machines, appareils et chariots élévateurs. Ils permettent d’effectuer des opérations de soudure et de réparations.

[131]           L’expert Girouard admet que ces treuils et ponts roulants servent à réparer les machines et procéder à l’entretien des appareils et des chariots. Toutefois, comme ces chariots et les machines servent à la production industrielle, il réfère au jugement Cie de papier Québec et Ontario[67] pour demander d’exclure ces biens du rôle.

[132]           De l’avis du Tribunal, la prépondérance de la preuve établit que les équipements E3, E4, E5, E6 et E7, dont l’inscription au rôle est contestée, sont destinés d’abord et avant tout à l’entretien des machines, appareils et chariots élévateurs de l’entreprise. Ces équipements permettent à la main-d’œuvre de faire lentretien des machines et appareils, mais ils ne sont pas utilisés ou destinés directement aux fins de cette production. La preuve n’établit pas une utilisation ou une destination principale à des fins de production et ils doivent être portés au rôle, comme le prévoit la règle générale prévue à l’article 31 LFM.

Les bâtiments numéros 21 et 27, ainsi que l’enseigne extérieure, ont-ils une valeur contributive?

[133]           En raison de leur inutilité et état physique délabré, l’expert Girouard ne considère aucune valeur contributive à deux parties du bâtiment d’ArcelorMittal, désignées comme les bâtiments 21 et 27 (B27 selon la nomenclature de la ville). De plus, il ne considère aucune valeur réelle à l’enseigne située sur le front de la rue St-Patrick, considérant qu’elle n’est utile que pour son propriétaire actuel. Si l’immeuble est vendu à un tiers, cette enseigne disparaitra selon son opinion.

[134]           La Ville conteste ces prémisses. L’experte Tétrault considère que même s’ils sont en mauvais état, ces bâtiments servent toujours d’espaces d’entreposage aux dates d’évaluation, et cet entreposage est variable selon les besoins d’ArcelorMittal. On y trouve des conteneurs, des blocs de zinc, des bains de plombs, des bobines de fil et des rebuts divers.

[135]           Au niveau de l’enseigne, la Ville considère non pertinent l’argument soutenu par l’expert Girouard quant à la non-utilité pour un acheteur éventuel.

[136]           La valeur contributive des bâtiments 21 et 27. Comme c’est souvent le cas de vieux complexes industriels, l’usine d’ArcelorMittal est composée de plusieurs parties construites au fil des ans :

  • Dans le plan A on retrouve une partie construite en 1930 (B30), puis d’autres ajoutées en 1941 (B31), en 1953 (B32), en 1966 (B33), en 1974 (B34), en 1982 (B35) ainsi qu’en 1996 (B37).
  • Dans le plan B, on retrouve une partie construite en 1928 (B22), puis d’autres ajoutées en 1932 (B25), en 1953 (B27), en 1956 (B26), en 1960 (B23), en 1961 (B24) ainsi qu’en 1965 (B21).

[137]           La preuve révèle que deux bâtiments, soit les bâtiments 21 et 27, seraient à démolir, mais ArcelorMittal suspend ce projet mis de l’avant dès 2013 en raison surtout des coûts importants reliés à leur démantèlement, particulièrement en raison de la présence d’amiante dans certains murs. Uniquement pour le bâtiment 27, la preuve révèle qu’il en coûterait 1,4 million de dollars pour enlever cet amiante, ce qui retarde considérablement le projet de le démolir[68].

[138]           L’experte Tétrault reconnait que ces bâtiments sont en très mauvais état et les déprécie au maximum, mais elle rejette la prémisse qu’ils n’ont aucune valeur contributive car elle est d’avis qu’ArcelorMittal s’en sert toujours.

[139]           Le Tribunal a eu l’occasion de procéder à une visite des lieux, le 21 mars 2022, avec les représentants des parties, leurs avocats et experts. Une telle visite favorise une meilleure compréhension de la preuve en ce qui a trait à la production industrielle ou à la notion d’immeuble, de mieux saisir la configuration du terrain ainsi qu’à visualiser le Complexe dont la description, la fonctionnalité et la dépréciation est mise en preuve.

[140]           Le Tribunal a également entendu le témoignage de M. Mathieu Tisseur avec intérêt. À l’évidence, ces bâtiments sont en très mauvais état et sont inutiles pour la production industrielle, comme c’est le cas d’ailleurs pour une partie du bâtiment B22 qui est désaffecté et que la Ville accepte de ne pas considérer dans la valeur. Par ailleurs, l’accès à certaines sections de ces bâtiments est restreint par souci de sécurité.

[141]           Ce n’est pas parce qu’on retrouve certains équipements ou rebuts dans une section que cette section est utile. L’inverse est aussi vrai. C’est la réalité des opérations en place, en fonction de la preuve entendue à l’audience et observée lors de la visite des lieux, qui permettent au Tribunal de décider si, eu égard aux conditions de l’article 43 LFM, ces portions du Complexe ont un quelconque attrait, en termes de valeur réelle.

[142]           À l’évidence, ce n’est pas le cas. ArcelorMittal aimerait bien les démolir, mais ne le fait pas uniquement par considération économique. Ce faisant, aucune valeur ne doit leur être attribuée.

[143]           La valeur contributive de l’enseigne. Comme on en trouve devant presque tout immeuble industriel, ArcelorMittal a fait installer une enseigne devant son immeuble, avec front sur rue. L’experte Tétrault considère un montant de 5147 $ (5716 $ pour le rôle 2020) pour cet item, mais l’expert Girouard est d’avis qu’il faut soustraire du rôle toute valeur à cet effet. Il écrit à la page 172 de son rapport R-22 :

Cet équipement est particularisé et personnalisé à l’entreprise en place, nous sommes d’avis qu’elle n’a aucune valeur contributive à un acheteur potentiel.

(Transcription conforme)

[144]           De l’avis du Tribunal, l’expert Girouard est ainsi dans une démarche de détermination d’une valeur marchande du Complexe, et non de valeur réelle.

[145]           Le concept de valeur réelle qui se trouve dans la LFM implique de faire fi, dans un souci d’équité fiscale, de certaines réalités du marché. Un exemple se trouve à l’article 45.1 LFM qui demande de considérer les droits des locataires dans l’évaluation d’une unité, empêchant ainsi de considérer des baux désavantageux pour les propriétaires dans l’évaluation de leurs immeubles. Cela n’existe pas dans un contexte de valeur marchande.

[146]           L’argument de l’expert Girouard s’écroule de lui-même lorsqu’on lit les termes de l’article 44 LFM :

44. Le prix de vente le plus probable d’une unité d’évaluation qui n’est pas susceptible de faire l’objet d’une vente de gré à gré est établi en tenant compte du prix que la personne au nom de laquelle est inscrite l’unité d’évaluation serait justifiée de payer et d’exiger si elle était à la fois l’acheteur et le vendeur, dans les conditions prévues par l’article 43.

(Transcription conforme)

[147]           Une propriété industrielle comme celle d’ArcelorMittal entre indéniablement dans la catégorie des immeubles qui ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’une vente de gré à gré. L’expert Girouard classe le Complexe dans la catégorie des special-purpose buildings ou à vocation limitée[69]. Ces propriétés ne sont pas susceptibles de se vendre dans un marché libre et ouvert.

[148]           Un évaluateur doit donc, dans ce contexte, établir la valeur réelle non pas en fonction des seuls attraits pour un acheteur subséquent, mais aussi pour le propriétaire actuel. Il importe de tenir compte du prix qu’ArcelorMittal serait justifiée de payer et d’exiger si elle était à la fois l’acheteur et le vendeur. Considérer les besoins d’ArcelorMittal dans l’établissement de la valeur ne revient pas à faire une valeur au propriétaire, mais d’appliquer les conditions de la LFM, particulièrement concernant l’article 44 de cette loi.

[149]           Or, ArcelorMittal a fait poser une enseigne et celle-ci est immobilisée. Il s’agit d’un bien immobilier qui a assurément une valeur pour son propriétaire et cette valeur doit être considérée.

Le facteur de classe de 6, déterminé par les experts pour les bâtiments, peut-il être différent à l’égard des améliorations d’emplacement, des dépendances et des équipements?

[150]           Les deux experts procèdent différemment dans l’application du facteur de classe à l’égard des équipements et améliorations. M. Girouard retient un facteur de classe global de 6 et Mme Tétrault leur attribue un facteur de classe différent, soit 5 pour les équipements et améliorations et 6 pour les bâtiments.

[151]           Comme l’écrit l’avocat de la Ville dans ses notes, il s’agit d’une question de jugement de l’évaluateur face à la réalité des lieux[70].

[152]           De son côté, l’avocat d’ArcelorMittal réfère aux enseignements tirés des décisions Emballages Mitchel-Lincoln[71] et Retail Properties[72] pour convaincre le Tribunal qu’il est préférable de retenir un seul et même facteur de classe pour l’ensemble des biens à évaluer. Il réfère également au MEFQ.

[153]           Or, dans les exemples fournis dans la partie 3E du MEFQ, on constate que le facteur de classe peut être le même pour les améliorations d’emplacement ou les équipements mais varier, également. À l’exemple de la page E3-571[73], on retrouve un taux de 0,70 comme facteur de classe pour tous les biens sauf la remise qui est inscrite à 0,80. De plus, à la page 3E-391 du MEFQ, c’est indiqué que l’étape 4 est la Détermination de la classe du bâtiment principal.

[154]           Avec le processus de modernisation du MEFQ, la détermination de la classe du bâtiment est en fonction d’une appréciation du degré de qualité et de complexité de ses composantes physiques, tant pour les matériaux que pour la main-d’œuvre requise pour construire ledit bâtiment. Avec cette nouvelle approche, « la classe attribuée à tout bâtiment non résidentiel résulte d’une démarche d’observation de ses composantes physiques[74], eu égard au niveau de qualité et de complexité qui caractérise à la fois les matériaux utilisés et la main-d’œuvre qui a été requise pour en réaliser l’assemblage. »[75]

[155]           L’experte Tétrault justifie son choix de retenir une classe 5 pour les équipements et améliorations surtout en raison du type d’opérations en cours chez ArcelorMittal. En travaillant dans l’industrie lourde, les équipements et améliorations doivent être minimalement de qualité standard, et non moindre au barème[76].

[156]           De l’avis du Tribunal, cela prend des circonstances particulières pour ne pas retenir le même facteur pour les équipements et améliorations, considérant leur complémentarité aux bâtiments. Certes, le MEFQ permet de considérer un facteur différent, mais cela doit se refléter concrètement, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier.

[157]           D’ailleurs, ce même MEFQ mentionne effectivement qu’il est possible d’appliquer un facteur de classe différent pour les dépendances et les améliorations de celui du bâtiment, mais cette façon de faire se trouve dans la section résidentielle de celui-ci[77]. Même si le Tribunal accepte l’idée que cette prémisse peut aussi s’appliquer pour un immeuble non résidentiel, cela milite du moins pour y appliquer une grande prudence.

[158]           Or, la preuve indique que le sort des équipements et améliorations suit ici celui des bâtiments, en termes de qualité et de complexité des composantes.

[159]           Qui plus est, nous n’avons pas été témoin d’une qualité et d’une complexité telle de ces éléments, tant pour les matériaux que pour la main-d’œuvre requise pour les construire, qui justifie de retenir une classe supérieure à celle retenue pour les bâtiments composants le complexe.

[160]           Dans l’affaire Emballages Mitchel-Lincoln[78], le TAQ écrivait qu’à moins de circonstances particulières, il y a lieu d’appliquer aux dépendances, aux améliorations d’emplacement et aux équipements le même facteur de classe qu’aux bâtiments principaux en raison de leur caractère complémentaire ou accessoire à ces bâtiments. Or, comme dans cette affaire, les circonstances particulières n’ont pas été établies en l’espèce.

[161]           Le Tribunal retient donc une classe 6 pour l’ensemble des composantes, incluant les améliorations, les dépendances et les équipements.

Comment la vie économique et l’âge apparent du Complexe doivent-ils être calculés?

[162]           En évaluation foncière, la vie économique est la période pendant laquelle une construction contribue à la valeur de la propriété. À la fin de cette vie, le propriétaire peut démolir le bâtiment ou l’entretenir et l’améliorer jusqu’à ce que ce soit économiquement rentable[79].

[163]           L’âge apparent d’un bâtiment, pour sa part, correspond au nombre d’années que le bâtiment paraît avoir, compte tenu de sa condition et de son utilité à la date de référence. Il représente le fruit d’observations factuelles sur l’âge chronologique de bâtiments analogues d’utilité équivalente, non rénovés ni agrandis ou sur des données précises sur sa date de construction originelle, celle de tout agrandissement ou rénovation excédant les travaux d’entretien normal, ainsi que sur la condition et l’état d’entretien de ses diverses composantes[80].

[164]           Pour la dépréciation normale, l’expert Girouard retient une vie économique de 45 ans et se sert de l’année 1950[81] pour établir l’âge effectif du Complexe, ce qui lui donne des âges apparents de 65 (rôle 2017) et 68 ans (rôle 2020). La Ville considère une vie économique de 50 ans pour une année apparente, au rôle 2017, de 1970 (1973 pour le rôle 2020) pour les bâtiments 22, 27 et 30 et 1975 (1977 pour le rôle 2020) pour le bâtiment 33.

[165]           Les deux experts s’entendent pour appliquer une valeur résiduaire de 10 % à la fin de la vie économique du Complexe, mais outre un désaccord entre les experts sur la vie économique à retenir, le concept de vie économique restante que retient l’experte Tétrault, est contesté par l’expert Girouard. Aussi, ce dernier est en désaccord avec l’établissement de l’âge apparent préconisé par le MEFQ modernisé retenu par l’experte Tétrault au motif qu’il est d’avis qu’il s’agit d’un rajeunissement administratif qui ne reflète pas la réalité. Son avocat, Me Gladu, avance même que ce choix revient à écarter le concept de valeur pour appliquer celui de valeur au propriétaire, applicable en expropriation.

[166]           Pour la détérioration physique corrigible et fonctionnelle additionnelle, les experts considèrent un pourcentage de 20 % applicable à l’ensemble de la valeur des bâtiments.

[167]           Au niveau de la vie économique, l’expert Girouard se base sur la version de novembre 2014 du manuel Marshall Valuation Service qui, en fonction de différents types de bâtiments industriels, suggère des vies économiques variant entre 35 et 60 ans. Il constate également que le MEFQ suggère des vies économiques entre 45 et 55 ans et que l’auteur Friedman écrit dans son Encyclopedia of Real Estate de 1978 que les propriétés industrielles ont généralement des vies économiques entre 40 et 50 ans[82].

[168]           En retenant 45 ans, l’expert Girouard estime la dépréciation physique annuelle à 2 %, ce qui représente un niveau de dépréciation physique incorrigible de 90 %, ce qui revient à ne considérer que la valeur résiduelle de 10 %. Or, comme il n’applique aucune valeur résiduelle pour le bâtiment 027, son pourcentage global de dépréciation physique incorrigible est de 92,7 %. Appliqué sur le coût neuf qu’il détermine à 16 128 250 $ pour le rôle 2017 (17 920 278 $ pour le rôle 2020), cela lui indique un coût déprécié des bâtiments de 1 171 929 $ pour le rôle 2017 (1 302 143 pour le rôle 2020)[83].

[169]           L’experte Tétrault, de son côté, procède différemment. D’abord, elle retient une vie économique de 50 ans en fonction du guide La dépréciation des bâtiments industriels[84].

[170]           Ensuite, elle détermine l’âge apparent en fonction de la méthode du coût modernisée[85], désigné comme un procédé de calcul en neuf étapes servant à l’établissement systématique de l’âge apparent d’un bâtiment non résidentiel[86].

[171]           Le calcul de la durée de vie typique pondérée d’un immeuble par cette approche implique de faire la sommation des durées de vie typique des composantes d’un bâtiment en tenant compte pour chacune de son importance relative par rapport au coût de base de la totalité des composantes[87].

[172]           Les neuf étapes de son analyse sont les suivantes[88] :

 

  1. Épurer le coût de base du bâtiment en enlevant certains blocs qui concernent des éléments qui n’ont pas d’impact sur le calcul de l’âge apparent. Ce sont les blocs 49 et suivants.

 

  1. Identifier le groupe de référence auquel appartient le bâtiment principal à l’étude et y déterminer sa vie économique. Dans le cas présent, il s’agit d’immeubles non résidentiels, de type industriel.

 

  1. Calculer l’importance relative de chacune des 31 composantes retenues pour l’analyse par rapport au coût de base total épuré.

 

  1. Ajuster la durée de vie typique de chacune des composantes en fonction de la vie économique retenue pour le groupe de référence. Le résultat est obtenu en multipliant la vie typique de la composante par la vie économique. Ainsi, une vie typique rajustée qui représente également la vie économique de chacune des composantes est obtenue.

 

  1. Identifier les années minimales à considérer dans les calculs pour chacune des composantes. Lorsqu’une composante atteint son année minimale, elle cesse de vieillir[89].

 

  1. Mesurer l’effet de rajeunissement des rénovations et/ou des agrandissements apportés au bâtiment. Dans un premier temps, le calcul du nombre d’années de rajeunissement, soit l’année de la rénovation ou agrandissement moins l’année de construction est faite. Ce résultat, en nombre d’années, est ensuite multiplié par le pourcentage de rénovation et par le pourcentage de l’importance relative de la composante rénovée par rapport au coût de base total épuré. On obtient ainsi un effet de rajeunissement en nombre d’années.

 

  1. Mesurer « l’effet rajeunissant » des composantes non rénovées, mais qui servent encore à l’utilité du bâtiment. Il s’agit de composantes dont l’utilité dépasse la fin de leur vie économique calculée dans la colonne « Durée de vie typique rajustée »[90]. Tout d’abord, les années de rajeunissement, soit l’année minimale rajustée de la composante moins l’année de construction du bâtiment est calculée. Ce résultat, en nombre d’années, est multiplié par le pourcentage de la composante non rénovée et par son pourcentage relatif par rapport au coût de base total. Ce résultat donne l’impression d’un rajeunissement, mais il s’agit plutôt d’un effet de rajeunissement. Ce calcul résulte du fait que la composante cesse de vieillir à la fin de sa vie typique rajustée afin de considérer que celle-ci contribue toujours à maintenir l’utilité du bâtiment. Dans cette situation, il serait donc irréaliste de prétendre que cette composante doit continuer à vieillir au-delà de sa vie typique rajustée et ainsi augmenter indûment l’âge apparent du bâtiment.

 

  1. Calculer l’effet de vieillissement pour des composantes qui sont à remplacer à court terme. Ce calcul est possible sur 23 des 31 composantes. Ce résultat est obtenu en multipliant la vie typique rajustée par le pourcentage de la composante à remplacer et par le pourcentage de l’importance relative de cette composante par rapport au coût de base total épuré.

 

  1. Calculer l’âge apparent en rajustant la date de construction originelle avec la somme des calculs des effets rajeunissants et vieillissants mesurés aux étapes 6, 7 et 8.

[173]           Comme critère pour en arriver à cette conclusion, elle retient principalement l’historique du bâtiment à l’étude. C’est ainsi qu’elle en arrive à une année apparente de 1970 pour les bâtiments 22, 27 et 30, et de 1975 pour le bâtiment 33. En appliquant cette conclusion à la vie économique de 50 ans et 10 % de résiduel, cela lui donne un taux de dépréciation physique incorrigible, avant les 20 % de dépréciation additionnelle convenus entre les experts, de 81 % pour les bâtiments 22, 27 et 30 et de 72 % pour le bâtiment 33.

[174]           ArcelorMittal est d’avis que la Ville, en optant pour cette approche, ne tient nullement compte des travaux à être faits (étape 8) ni de l’absence de rénovation (étape 6). Il s’agit selon elle d’un rajeunissement théorique que l’experte Tétrault applique sans vérifier le marché des propriétés industrielles en fin de vie économique.

[175]           Le Tribunal n’est pas d’accord.

[176]           Cette façon de déterminer l’âge apparent d’un immeuble est conforme aux règles et recommandations contenues dans le MEFQ modernisé. Lorsqu’un évaluateur a recours à un manuel de référence afin d’établir la valeur réelle par la méthode du coût, la moindre des choses est de le prendre en entier et non seulement en fonction des éléments qui avantagent ou non sa cliente.

[177]           Or, dans le MEFQ modernisé, on considère la durée de vie de chacune des composantes avant de déterminer si on doit retenir l’année effective (ou rénovée) ou ce qui est qualifié d’année minimale de chacune des composantes.

[178]           Le principe à la base de cette approche est de cesser le vieillissement de composantes lorsqu’elles atteignent la fin de leur vie préalablement estimée ou de les rajeunir lorsqu’elles assument toujours la même utilité tout en ayant dépassé la vie économique établie afin qu’elles conservent toujours le même âge. Le tableau détaillé de l’établissement de l’âge apparent du bâtiment 33[91] de l’experte Tétrault illustre ce principe.

[179]           La durée de vie physique des composantes de ce bâtiment, pondérées selon leur poids dans le coût total, culmine en une durée de vie de 57,49 ans. Puisque l’experte Tétrault retient une vie économique de 50 ans, la durée de chacune des composantes doit être rajustée de sorte qu’elle obtient une année minimale, soit une année de fin de vie économique pour chacune des composantes. Le parement léger, dont la durée de vie typique ajustée est de 30 ans, ne peut donc avoir une année supérieure à 1985 en date de référence 2015. Puisqu’il est en place depuis la construction de ce bâtiment en 1963, il doit donc être rajeuni de 22 ans pour en cesser le vieillissement. Trois ans plus tard, au rôle subséquent, puisqu’il est toujours en place et qu’il assure toujours son utilité, cette composante est rajeunie de 25 ans.

[180]           Lexemple[92] simple fait par l’experte Tétrault en cours d’audience au sujet de l’impact de considérer un âge apparent global pour un complexe plutôt que par bâtiment est éloquent et démontre le biais de traiter des bâtiments, ou encore des composantes, globalement plutôt que distinctement.

[181]           En date de référence (2015), un complexe composé de deux sections construites en 1915 et en 2015 dont le coût neuf de chaque section est de 1 M$, aura une année moyenne de 1965 et par conséquent une valeur dépréciée de 400000 $[93], considérée globalement, alors que la valeur dépréciée sera de 1 200 000 $[94] si considérée par bâtiment. Alors que l’approche globale ne s’avère qu’un exercice mathématique ayant pour effet de déprécier la section de bâtiment neuve à la date de référence, l’approche par section reflète le comportement d’un acheteur.

[182]           La situation des toitures devant être remplacées fournit dans le présent cas un exemple probant. Le bâtiment 033 fut construit en 1963 de sorte qu’à la date de référence du rôle 2020, soit juillet 2018, il est âgé de 55 ans abstraction faite de l’effet de rajeunissement comme le préconise l’expert Girouard, soit à sa valeur résiduelle en retenant son hypothèse de vie économique de 45 ans.

[183]           Dans l’éventualité où cette toiture, représentant 18 % du coût total[95], serait remplacée en entier à la date de référence, l’âge apparent passerait de 55 ans à 45 ans[96], de sorte que le bâtiment serait toujours à sa valeur résiduelle même si près de 1/5 est remplacé ce qui apparaît illogique aux yeux du Tribunal.

[184]           Retenir un âge apparent de 68 ans, comme le préconise l’expert Girouard pour l’ensemble des bâtiments pour le rôle 2020, ne revient ni plus ni moins qu’à affecter négativement toute rénovation future qui pourrait être réalisée. Avec une telle approche, plus de 34 % des composantes devraient être remplacées pour que l’âge moyen atteigne 44 ans et que sa conclusion de valeur puisse s’élever légèrement au-dessus du résiduel. Le Tribunal est d’avis que le marché ne se comporte pas de la sorte.

[185]           En somme, bien qu’il puisse paraître incongru de considérer un effet de rajeunissement alors que le temps s’écoule, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une approche dont le résultat est le même que si une dépréciation par composante était calculée. Pour une composante donnée, considérer un âge supérieur à sa durée de vie économique ne revient véritablement qu’à faussement vieillir un bâtiment. Plus ce bâtiment sera âgé, plus grand sera le biais.

[186]           Dans l’affaire Société québécoise des infrastructures[97] concernant l’évaluation foncière du Palais de justice de Trois-Rivières, le Tribunal devait statuer sur la force probante d’une preuve d’expert établie sur ce procédé modernisé d’établissement systématique de l’âge apparent. Or, le TAQ a décidé que ce procédé est conforme aux règles de l’art. Ce procédé a aussi été retenu dans l’affaire Delon, précitée.

[187]           La preuve révèle que des travaux sont toujours en cours. Uniquement pour l’année 2022, M. Tisseur précise qu’ArcelorMittal projette d’investir 400000 $ en rénovation dans son Complexe. Un programme totalisant 12 025 000 $, dont 8 000 000 $ pour les toitures, est planifié pour les prochaines années, ce qui milite, de l’avis du Tribunal, en faveur de l’argument visant à considérer un effet rajeunissant, en quelque sorte, sur les composantes physiques du Complexe, lorsque de tels travaux se réalisent. Le concept de vie économique restante, dans ce contexte où on observe une forme de seconde vie économique[98], est totalement justifié.

[188]           Il ne suffit pas d’être en désaccord avec une partie du MEFQ pour s’en écarter. Encore faut-il le justifier et démontrer en quoi cette façon de faire ne peut être retenue. Or, cet exercice n’a pas été concluant et il est vrai qu’il semble illogique de maintenir une conclusion sur un âge apparent de 1950, ce qui donnerait des âges effectifs de 65 et 68 ans (selon les rôles), alors que sa conclusion sur la vie économique du Complexe est de 45 ans. La seule façon de concilier cela est de retenir le procédé retenu par l’experte Tétrault, lequel est conforme au MEFQ, aux règles de l’art et au comportement du marché.

[189]           Cependant, la motivation de l’experte Tétrault de considérer une vie économique restante de 5 ans n’est pas concluante aux yeux du Tribunal, d’autant plus qu’un effet de rajeunissement est considéré dans son approche.

[190]           Aussi, bien qu’une détérioration additionnelle de 20 % est admise par les experts, le Tribunal est d’avis qu’en lieu et place de ce taux arbitraire, l’experte Tétrault aurait dû effectuer le calcul de l’effet de vieillissement (étape 8) pour les toitures devant être remplacées à court terme.

[191]           Ce faisant, l’exercice aurait été complet et plus précis de sorte que la dépréciation totale appliquée par la ville aurait été inférieure et la conclusion de valeur de l’experte aurait été un peu plus élevée. Par ce choix, la ville s’est elle-même pénalisée.

[192]           Le Tribunal retiendra donc les calculs d’âges apparents figurant en annexe[99] du rapport de l’experte Tétrault.

[193]           La vie économique. Le bâtiment construit initialement en 1913 ou 1928 a fait l’objet d’agrandissements au fil des ans. Non seulement l’âge effectif moyen du complexe dépasse 50 ans mais la durée de vie des composantes relevées les dépasse également. Dans les circonstances, il est davantage probable que la vie économique de cet immeuble soit de l’ordre de 50 ans plutôt que de 45.

[194]           Le Guide auquel réfère l’experte Tétrault reproduit les durées de vie suggérées par les manuels spécialisés. À l’égard d’un bâtiment de production industrielle avec entreposage afférent, de qualité inférieure, dont la structure est majoritairement en acier comme en l’espèce, le guide mentionne « 45-50 ans ».

[195]           L’expert Girouard conclut à des âges effectifs de 65 et 68 ans, alors que le Complexe est toujours en opération. Le fait de retenir une vie économique plus courte peut se justifier si l’état de l’immeuble le justifie. Cela ne viendrait qu’à dire que l’immeuble est arrivé à la fin de sa vie économique ce qui n’est vraisemblablement pas le cas en l’espèce selon la preuve.

[196]           Faute d’une preuve tangible en provenance du marché, le Tribunal retiendra 50 ans comme vie économique, avec une valeur résiduaire de 10 % comme suggéré par les experts.

Au niveau des améliorations d’emplacement, des dépendances et des équipements, comment la vie économique doit-elle être calculée?

[197]           Les experts ne s’entendent pas sur la vie économique à appliquer pour les améliorations d’emplacement, des dépendances (remises) et des équipements. Il y a toutefois une entente entre ceux-ci, visant à attribuer une proportion résiduaire de 10 % à la fin de la vie économique.

[198]           Les améliorations d’emplacement. L’experte Tétrault retient une vie économique de 10 ans pour le stationnement et le trottoir, 20 ans pour les portes coulissantes, 35 ans pour les fondations du mur de soutènement et 20 ans pour la clôture de maille[100]. Elle obtient un taux de déprécation de 50,14 % pour ces éléments, ce qui lui donne un coût déprécié de 436201 $ pour le rôle 2017 et de 484 386 $ pour le rôle 2020.

[199]           De son côté, l’expert Girouard retient une vie économique de 15 ans pour les clôtures, de 25 ans pour les fondations du mur de soutènement et des remparts et 8 ans pour l’asphalte[101]. Le taux de déprécation qu’il en retire est de 87,2 %, ce qui, en conservant les fondations des murs de soutènement, donne un coût déprécié de 97792 $ pour le rôle 2017 et de 98 473 $ pour le rôle 2020.

[200]           Les dépendances. L’experte Tétrault retient une vie économique de 25 ans pour les remises, ce qui donne un taux de déprécation de 72 % et un coût déprécié de 8695 $ pour le rôle 2017 (9 654 $ pour le rôle 2020). De son côté, l’expert Girouard retient une vie économique de 15 ans et les déprécie à hauteur de 92 %, ce qui donne un coût déprécié de 1954 $ pour le rôle 2017 (2 171 $ pour le rôle 2020).

[201]           Les équipements. L’experte Tétrault retient une vie économique de 25 ans pour les armoires, 20 ans pour les balances industrielles, les réservoirs et les ponts roulants et 10 ans pour l’enseigne, ce qui donne un taux combiné de dépréciation de 44,66 %, et qui, appliqué au coût neuf de 544127 $, lui indique un coût déprécié de 306658 $ pour le rôle 2017.

[202]           Pour le rôle 2020, elle applique une dépréciation de 48,50 % au coût neuf de 615338 $ et obtient un coût déprécié de 316871 $. L’expert Girouard indique dans son rapport des vies économiques variant entre 10 et 22 ans pour ces éléments, pour des taux de dépréciation et des coûts de 74,3 % et 116628 $ (rôle 2017) et 77,60 % et 113013 $ (rôle 2020), sans considérer les équipements qu’il considère non évaluables.

[203]           En ce qui concerne ces éléments, le Tribunal note le peu d’explications fournies par les experts, tant dans leurs rapports que lors de leurs témoignages. Il en va de même des arguments des procureurs des parties lors des plaidoiries. Toutefois, la prépondérance de la preuve en générale est à la faveur de l’experte Tétrault.

[204]           Dans ce contexte, en retenant un facteur de classe 6 plutôt que 5 et en considérant que le stationnement et les trottoirs sont dans un état tel qu’il faut leur attribuer une valeur résiduelle, le Tribunal arbitre les montants en jeu de la façon suivante :

  • Amélioration d’emplacement : 110616 $ (rôle 2017) et 97225 $ (rôle 2020);
  • Dépendances et issues : 6842 $ (rôle 2017) et 7601 $ (rôle 2020);
  • Équipements portables au rôle : 221219 $ (rôle 2017) et 227170 $ (rôle 2020).

Conclusion à l’égard de la valeur du bâtiment

[205]           Considérant l’entente entre les parties à l’égard des coûts de base et des facteurs de rajustement de 1.35 (rôle 2017) et de 1.50 (rôle 2020), des conclusions du Tribunal au niveau du facteur de classe pour les équipements et dépendance, de l’âge apparent calculé à l’aide de la version modernisée du MEFQ, des équipements à inclure au rôle et les autres à retrancher, le Tribunal est d’avis que la valeur des constructions du Complexe doit être établie à 2 664 700 $ pour le rôle 2017 et à 2 771 800 $ pour le rôle 2020.

[206]           Pour tous ces motifs, le Tribunal fixe donc la valeur réelle du Complexe ainsi :

 

2017-2018-2019   2020-2021-2022

Terrain :  7 435 700 $ Terrain :  9 088 100 $

Bâtiment :   2 664 700 $ Bâtiment :  2 771 800 $

Total : 10 100 400 $ Total : 11 859 900 $

[207]           Par ailleurs, seule la valeur inscrite au rôle 2017 doit être modifiée, considérant le faible écart avec la valeur déposée pour le rôle 2020.

POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE le recours de la partie requérante à l’encontre de la valeur foncière inscrite au rôle 2020-2021-2022;

ACCUEILLE EN PARTIE la recommandation de la partie intimée concernant la valeur foncière inscrite au rôle 2017-2018-2019;

DÉTERMINE comme suit la valeur à inscrire de lunité dévaluation avec effet à compter du 1er janvier 2017 :

Terrain : 7 435 700 $

Bâtiment :   2 664 700 $

Total : 10 100 400 $

 

ORDONNE que les pièces R-1, R-1A, R-2, R-4, R-5, R-6, R-30, ainsi que I-1A (Annexe C), I-31, I-39, I-43, I-44A, I-46, I-46A et I-46B soient produites sous scellé et ne soient accessible qu’aux juges qui entendent la cause ainsi qu’aux parties et leurs représentants.

 

LE TOUT, sans frais.


 

SÉBASTIEN CARON, j.a.t.a.q.

 

 

MATTHIEU BEAUDOIN, j.a.t.a.q.


 

Dunton Rainville

Me Patrice Gladu

Procureur de la partie requérante

 

DHC Avocats inc.

Me Paul Wayland

Procureur de la partie intimée


 


[1] L’unité d’évaluation est inscrite sous le numéro de matricule 9635-54-0807-9-000-0000.

[2] Le facteur comparatif est de 1.00 et la proportion médiane est de 100 %.

[3] Article 144 de la Loi sur la fiscalité municipale, R.L.R.Q., chapitre F-2.1.

[4] Document d’admissions signé par les parties le 23 juin 2021, reproduit à la page 374 de la pièce R-22.

[5] Les parties s’entendent sur la superficie du terrain de 895699,43 pi2, laquelle comporte toutefois une partie en pente sans valeur contributive de 69505,8 pi2. De plus, même si le terrain est contaminé, les parties conviennent qu’il n’existe aucune obligation légale de le décontaminer. Les coûts de base des bâtiments, des améliorations au sol et des équipements, issues et dépendances sont aussi admis, pour un coût de base total admis à 13 240 001 $. Les parties admettent également des facteurs de rajustement ainsi que sur la mise au rôle ou non de certains équipements (d’autres sont contestés). Finalement, au niveau de la dépréciation, les experts conviennent de retenir le procédé âge-vie et de n’appliquer qu’une valeur résiduelle de 10 % à la fin de la vie économique, ajoutée d’une détérioration physique corrigible et fonctionnelle additionnelle de 20 %.

[6] R.L.R.Q., chapitre F-2.1 (LFM).

[7] Article 43 LFM.

[8] En fait, les experts exposent dans leurs rapports les paramètres en fonction du système impérial et métrique. Afin d’alléger le texte, lorsqu’il est question d’un taux unitaire, le lecteur doit comprendre qu’il s’agit de $/pi2. Certaines anomalies mineures peuvent survenir en fonction de la base retenue, mais les résultats indiqués en montants sont justes.

[9] La propriété est située dans la zone 0011 du règlement de zonage 01-283 de l’arrondissement du SudOuest. Les catégories d’usage permis sont I.5, I.7(1) et E.7(1). Plus spécifiquement, la propriété appartient à la catégorie I.5 qui regroupe des usages pouvant occuper de grandes superficies de production et dont lactivité peut générer des nuisances, telle que la tréfilerie (page 26 de la pièce I-1).

[10] Pièce R-22-A.

[11] Les neuf ventes retenues figurent à la page 94 de son rapport d’expertise, pièce R-22.

[12] Pièce R-22, page 95.

[13]  Pièce I-1, pages 51 à 69.

[14] Pièce I-1, page 74

[15] Pièce R-22, page 124. L’expert Girouard précise que selon lui, les secteurs LaSalle, Lachine et Dorval sont supérieurs en termes de localisation au secteur Sud-Ouest, et que le secteur Saint-Laurent est supérieur à l’ensemble des autres secteurs.

[16] Témoignage de M. Girouard du 25 mars 2022.

[17] Pièce R-20, acte 17 763 665, clauses 7.3.6 et 9.1.

[18] Pièce I-23, soit le lot 4 655 788.

[19] Pièce R-20, page 74,

[20] Pièce R-22, annexe C, page C-4.

[21] Pièce R-22-A, page 146 du rapport modifié le 23 mars 2022.

[22] L’entreprise est connue sous le nom de Nova Steel Structural Tube and Pipe, et le représentant est M. Lawrence P. Cannon.

[23] Pièces R-1 à R-7. Une ordonnance de confidentialité est rendue à l’égard des pièces R-1 (Asset purchase agreement), R-2 (Letter of understanding), R-4 (Agreement for remediation work), R-5 (Lettre de Sanexen Environmental Services) et R-6 (factures de Sanexen Environmental Services inc.) et une partie du témoignage de M.Jacques Beauchamp du 22 mars 2022 est à huis clos.

[24] Desjardins, Jean-Guy, Traité de lévaluation foncière, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2021, page 38.

[25] The Ruiter Valley Land Trust c. Canton de Potton, 2021 CanLII 16666 (QC TAQ), par. 27.

[26] Traité de lévaluation foncière, Wilson & Lafleur, Montréal 1992, pages 31, 32 et 34; cité dans Maklary c. Saint-Hubert, 2000 CanLII 9968 (QC CQ).

[27] L’usage doit être possible sur le plan physique, permis par les règlements et par la loi, financièrement possible, peut se concrétiser à court terme et faire l’objet d’une demande pour le bien à évaluer.

[28] Pièce R-22, page 137.

[29] Pièce R-22, page 145.

[30] Plan d’argumentation de Me Gladu, parties 10 et 11.

[31] Plaidoirie de Me Gladu du 11 mai 2022 (10 h 23).

[32] Page 6 du rapport de Sanexen, pièce R-22, annexe C.

[33] Montréal-Est (Ville de) c. Texaco Canada Inc., 2001 CanLII 12425 (QC CA).

[34] C.Q. 500-02-025519-914 et 500-02-023766-913.

[35] On retrouve en juillet 2015 trois quarts de travail au tréfilage ainsi que quatre quarts à la galvanisation. En 2018, le Complexe est en opération en fonction de quatre quarts de travail au tréfilage et à la galvanisation (document d’admissions, pages 5 et 6).

[36] Documents d’admissions, annexe B, laquelle est visée par une ordonnance de confidentialité.

[37] Sans incidence dans le cadre du présent litige, il faut tout de même préciser que selon l’expert Girouard, si un premier bâtiment fut bel et bien construit en 1913, les premiers bâtiments du Complexe en place aujourd’hui auraient été construits en 1928.

[38] Avant la modernisation de la fiche de propriété, le bâtiment 022 était composé des bâtiments 022, 023, 024, 025 et 026, le bâtiment 027 était composé des bâtiments 021 et 027, le bâtiment 030 était composé des bâtiments 030, 031, 032, 034, 035 et 037 et le bâtiment 033 était composé du même bâtiment numéro 033 (voir document d’admissions, annexe A).

[39] Dans le plan A, on retrouve le bâtiment 030 et le bâtiment 033. Dans le plan B, on retrouve le bâtiment 022 et le bâtiment 027.

[40] Soit 1 724 199 $ pour l’électricité, 271101 $ pour le chauffage, 156387 $ pour la ventilation, 141918 $ pour la climatisation et 194059 $ pour la protection (page 3 du document d’admissions).

[41] Sauf les dépendances C et D.

[42] Pièce R-22, page 170.

[43] Les experts s’entendent sur les autres éléments, soit ceux relatifs au chauffage, à la ventilation, à la climatisation et à la protection.

[44] Soit les bâtiments 021 et 027 selon la désignation qu’il retient dans son rapport R-22.

[45] Article 31 LFM.

[46] Cet amendement à l’article 65 date de 2011.

[47] Pièces R-23 (version 2001), R-24 (version 2004) et R-25 (version 2012).

[48] Pièce R-22, pages 187 et 188.

[49] Les parties se sont entendues pour exclure les éléments du bloc 46 concernant les prises de courant.

[50] Pièces R-23 (version 2001), R-24 (version 2004) et R-25 (version 2012).

[51] Keurig Canada (GMCR Canada Holding INC.) c. Montréal (Ville), 2019 CanLII 79445 (QC TAQ); Demande de permission d’appeler accueillie le 28 août 2020 (2020 QCCQ 3314 (CanLII)).

[52] Carrières St-Eustache Ltée c. Ville de Saint-Eustache, 2015 CanLII 19564 (QC TAQ) va dans le sens de la théorie de cause d’ArcelorMittal tandis que Structures C.P.I. inc. c. Saguenay, 2015 CanLII 41553 (QC TAQ) va dans le sens de celle de la Ville.

[53] 6108639 Canada inc. (Delon) c. Ville de Pointe-Claire et Ville de Montréal, 2018 QCTAQ 11325, confirmée par la Cour du Québec le 23 mars 2021 (2021 QCCQ 1903 (CanLII)), pourvoi en contrôle judiciaire logé par 6 108 639 Canada inc. le 20 avril 2021 (500-17-116382-212).

[54] R. c. Sullivan, 2022 CSC 19, par. 66. La question en litige concernait une déclaration d’inconstitutionnalité faite en application d’une disposition législative.

[55] Les critères sont ceux établis par le juge Wilson dans l’affaire Spruce Mills, 1954 CanLII 253 (BC SC) : « Je ne tirerai une conclusion qui contredise le jugement d’un autre juge de la Cour que dans les cas suivants :

 a) des décisions subséquentes ont affecté la validité du jugement contesté;

 b) il est démontré qu’un précédent faisant autorité ou une loi pertinente n’a pas été pris en considération;

 c) le jugement a été rendu de manière inconsidérée, un jugement nisi prius rendu dans des circonstances connues de tous les juges de première instance, lorsque les exigences du procès requièrent une décision immédiate sans que le juge ait l’occasion de consulter pleinement les sources. »

[56] Pendant l’instance, Me Wayland a informé le Tribunal que, à la suite de la visite des lieux et du contreinterrogatoire de M. Tisseur, certains éléments n’étaient plus contestés soit parce qu’ils n’ont aucune valeur contributive, soit en application de larticle 65 LFM. Il s’agit de l’aspirateur central et les balances H et I (pièce R-9, photo 21).

[57] Article 1 LFM : « immeuble » :

1 tout immeuble au sens de l’article 900 du Code civil;

2 tout meuble, sous réserve du troisième alinéa, qui est attaché à demeure à un immeuble visé au paragraphe 1° 

Dans le cas d’un immeuble que visent le paragraphe 1° de la définition du mot « immeuble » prévue au premier alinéa et l’un des paragraphes 1°, 2.1° et 13° à 17° de l’article 204, le paragraphe 2° de cette définition vise uniquement un meuble qui, en outre d’être attaché à demeure à l’immeuble, assure l’utilité de celui-ci. Toutefois, ce paragraphe ne vise pas un tel meuble qui sert, dans quelque mesure que ce soit, à l’exploitation d’une entreprise ou à la poursuite d’activités dans l’immeuble.

[58] 65 LFM. Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants :

1 une machine, un appareil et leurs accessoires, autres que ceux d’une raffinerie de pétrole, qui sont utilisés ou destinés à des fins de production industrielle ou d’exploitation agricole;

1.1 une machine, un appareil et leurs accessoires qui sont utilisés ou destinés à des fins de lutte contre la pollution, au sens de la Loi sur la qualité de l’environnement (chapitre Q-2), pouvant découler de la production industrielle ou à des fins de contrôle de cette pollution;

[59] Contre-interrogatoire de M. Mathieu Tisseur du 21 mars 2022.

[60] Pièce I-51, page 29.

[61] Niobec inc. c. Cour du Québec, 2021 QCCS 4017 (CanLII), par. 57, permission d’appeler accueillie par la Cour d’appel le 9 décembre 2021, 200-09-010418-215 & 200-09-010419-213.

[62] St-Basile Village Sud (Corp. Mun. de), c. Ciment Québec, 1993 CanLII 108 (CSC), [1993] 2 R.C.S. 823, pages 29 et 37.

[63] Boehringer Ingelheim (Canada) ltée c. Laval (Ville), 2007 CanLII 59111 (QC TAQ), par. 128.

[64] L’experte Tétrault retient une autre numérotation, soit #5 pour la balance E2-1. Pour fins de commodité, le Tribunal retiendra la nomenclature proposée par l’expert Girouard.

[65] Témoignage de M. Mathieu Tisseur du 21 mars 2022

[66] Ciment St-Laurent c. Ville de Laval, 2012 QCTAQ 08152.

[67] Cie de papier Québec et Ontario Ltée c. Baie-Comeau (Ville de), (C.S.), J.E. 89-200, pages 45 à 48.

[68] Témoignage de M. Tisseur du 21 mars 2022.

[69] Pièce R-22, page XI.

[70] Page 30 du plan d’argumentation de Me Wayland.

[71] Les Emballages Mitchel-Lincoln Ltée c. Ville de Montréal (Saint-Laurent), 2009 QCTAQ 10148, par. 192 et 193. Page 17 du Plan d’argumentation de Me Gladu.

[72] Retail Properties Limited c. Pointe-Claire (Ville de), 2010 CanLII 27387 (QC TAQ), par. 63 à 66.

[73] Pièce R-38

[74] Soit les murs de fondation, les murs extérieurs, la charpente, le toit, les cloisons, les finis de plancher et de plafond ainsi que les appareils de plomberie, de chauffage, ventilation et climatisation.

[75]  Pièce I-1, page 85 – MÉFQ – 2011, page 530 du volume 3E3.

[76] Pièce I-1, page 87 : « les équipements, les améliorations d’emplacement et les dépendances du sujet à l’étude se caractérisent par une classe 5, une classe standard qui prend en considération des composantes normales des constructions les plus courantes, aux matériaux de qualité la plus répandue. »

[77] Pièce R-38, page 3E-99 du MEFQ.

[78] Emballages Mitchel-Lincoln Ltée c. Ville de Montréal (Saint-Laurent), 2009 QCTAQ 10148, par. 193.

[79] DESJARDINS, Jean-Guy Desjardins, LAVOIE, Steven et CARON, Sébastien, Traité de l’évaluation foncière, 2e édition, 2021, Wilson & Lafleur, page 191.

[80] Société québécoise des infrastructures c. Ville de Trois-Rivières, 2018 CanLII 109744, par. 48.

[81] Pièce R-22, page 219 et annexes M, N et O.

[82] Pièce R-22, page 221.

[83] Pièce R-22, page 231 et 234 (tableaux).

[84] Pièce I-1A, annexe G : La dépréciation des bâtiments industriels aux fins dévaluation foncière municipale au Québec  Guide méthodologique sur lidentification et la quantification de la dépréciation à appliquer aux bâtiments industriels évalués par la méthode du coût aux fins dévaluation foncière municipale, ministère des Affaires municipales et du territoire, ministère des Affaires municipales, du Sport et du Loisir, Direction de lévaluation foncière, juin 2003

[85] Pièce I-1, pages 90 à 95, annexe G.

[86] Manuel d’évaluation foncière du Québec-2015, partie 3E, chapitre 5. En vigueur depuis la publication de l’avis ministériel dans la Gazette officielle du Québec du 11 juillet 2015, partie 1, p. 723 et publiée sur le site Internet des Publications du Québec.

[87] Section 5.3.4.3. du MEFQ, version 2015.

[88] Pièce I-1, pages 92 à 94.

[89] Extrait du Manuel d’évaluation foncière du Québec-2015, partie 3E, chapitre 5, page 3E-549 : « Aux fins d’établissement adéquat de l’âge apparent d’un bâtiment à la date de référence de l’évaluation, il importe de déterminer, selon l’année de construction du bâtiment et la durée de vie typique rajustée de toute composante, une année minimale au-delà de laquelle elle « cessera de vieillir » aux fins du calcul. Sous réserve qu’elle ne puisse être inférieure à l’année de construction, l’année minimale de chaque composante est obtenue en soustrayant sa durée de vie typique de l’année de référence de l’évaluation (ex. : pour l’année de référence 2013, une composante ayant une durée de vie typique rajustée de 38 ans aura une année minimale de 1975, même si le bâtiment où elle se trouve remonte à 1960). »

[90] Extrait du Manuel d’évaluation foncière du Québec-2015, partie 3E, chapitre 5, page 3E-551 : « Bien que les composantes de courte durée soient remplacées au terme d’une période correspondant généralement à leur durée de vie typique, il peut s’avérer qu’elles existent encore au terme de cette durée, contribuant ainsi à maintenir l’utilité du bâtiment pendant un certain nombre d’années. Aussi, afin d’éviter que de telles composantes « non rénovées, mais encore existantes » augmentent indûment l’âge apparent, le procédé de calcul prévoit qu’elles « cessent de vieillir » au terme de leur durée de vie typique rajustée, comme si celle-ci était prolongée tant que la composante demeure utile. Dans ces situations, cela amène à mesurer un effet « rajeunissant » par rapport à l’année de construction originelle.

Quant aux composantes de longue durée, le procédé de calcul fixe de 75 ans à 100 ans la durée de vie maximale, laquelle est également rajustée pour tenir compte de la durée de vie économique (ex. : un ratio de 96,432 %), à considérer sans égard au fait que la construction originelle du bâtiment puisse remonter plus loin dans le temps. Lorsque cela se produit, un effet « rajeunissant » est également mesuré par rapport à l’année de construction originelle (ex. : à l’année de référence 2013, les composantes de longue durée d’un bâtiment construit en 1895 sont « rajeunies » à 1917, soit à un maximum de 96 ans pour les composantes visées par cette durée de vie typique rajustée). »

[91] Pièce I-1A, Annexe F, Bâtiment 22_Rôle 2017_Âge apparent.

[92] Pièce I-52.

[93] Coût neuf total de 2 000 000 $, avec un âge moyen de 50 ans, soit une dépréciation de 80 % en retenant une vie économique de 50 ans et une valeur résiduelle de 20 %.

[94] Selon les mêmes prémisses, la section datant de 1915 sera dépréciée de 80 % pour une valeur de 200000 $ alors que la section datant de 2015 n’aura aucune dépréciation et donc une valeur de 1 000 000 $ pour un total de 1 200 000 $.

[95]  112695 $ / 637280 $

[96] 82 % x 55 ans + 18 % x 0 an = 45,1 ans arrondis à 45 ans

[97] Société québécoise des infrastructures c. Ville de Trois-Rivières, 2018 QCTAQ 08204.

[98] Alcatel Câbles Canada inc. c. Montréal (Communauté urbaine de), BREF M94-1056, C.Q., 1996-04-17, J.E. 96-1269 (appel accueilli sur d’autres points : 1999 CanLII 20732 (QC CA)); Québec (ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire) c. Baie-Saint- Paul (Ville), 2015 CanLII 12525 (TAQ) (appel à la Cour du Québec et révision judiciaire à la Cour supérieure rejetés).

[99] Pièce I-1A, annexe F.

[100] Annexe H du rapport I-1.

[101] Pièce R-22, page 222.

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