Décision

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Décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N°:

33-18-2072

 

DATE :

12 juin 2019

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

M. Normand Racine, courtier immobilier

Mme Anne Léger, courtier immobilier

Membre

Membre

 

 

GIOVANNI CASTIGLIA, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

 

Partie plaignante

 

c.

 

LUDMILLA BULAVINZEVA, (D6836)

 

Partie intimée

 

 

DÉCISION SUR SANCTION

 

 

 

[1]       Le 14 février 2019[1], l’intimée Ludmilla Bulavinzeva est déclarée coupable d’avoir enfreint l’article 83 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité relativement aux chefs suivants :

 

« 1.  Le ou vers le 4 septembre 2014, concernant l'immeuble sis au [...], à Montréal, l'Intimée a permis qu'il soit […] indiqué à la déclaration du vendeur DV 01598:

a)    qu'il n'y avait jamais eu de travaux de stabilisation de fondation;

b)    (…) aucune réponse quant à la présence de fissure à la fondation ou autres problèmes affectant le sous-sol;

c)    qu'il n'y avait pas eu d'autres travaux importants;

 

commettant ainsi une infraction aux articles 5, 62, 69, 83 et 85 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

2.    Le ou vers le 11 février 2015, concernant l'immeuble sis au [...], à Montréal, l'Intimée a permis qu'il soit […] indiqué à la déclaration du vendeur DV 40423:

a)    (…) aucune réponse quant à l’existence de travaux de stabilisation de fondation;

b)    qu'il n'y avait eu aucun déversement de liquide au sous-sol;

c)    qu'il n'y avait jamais eu présence de fissure à la fondation ou autres problèmes affectant le sous-sol;

d)    qu'il n'y avait jamais eu de rapport d'inspection;

e)    qu'il n'y avait pas eu d'autres travaux importants;

commettant ainsi une infraction aux articles 5, 62, 69, 83 et 85 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

3.    Concernant les immeubles sis aux [...] et [...], à Montréal, l'Intimée n'a pas informé les acheteurs suivants de la fuite d'eau au sous-sol survenue le ou vers le 11 décembre 2014:

a)    l'acheteur D.D. avant le ou vers le 25 février 2015;

b)    l'acheteur N.G.L. avant le ou vers le 24 mars 2015;

commettant ainsi, à chacune de ces occasions, une infraction aux articles 62, 69, 83 et 85 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. »

 

[2]       L’article 83 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et la publicité prévoit ce qui suit :

 

« Art. 83. Le courtier ou le dirigeant d’agence doit conseiller et informer avec objectivité la partie qu’il, ou l’agence pour laquelle il agit, représente et toutes les parties à une transaction. Cette obligation porte sur l’ensemble des faits pertinents à la transaction ainsi que sur l’objet même de celle-ci et doit être remplie sans exagération, dissimulation ou fausse déclaration.

S’il y a lieu, il doit les informer des produits et services relatifs à cette transaction concernant la protection du patrimoine visé. »

 

[3]       Le 28 février 2019, le Comité se réunit pour procéder à l’audition sur sanction.

 

[4]       Me Isabelle Martel représente le syndic adjoint et Me Alain Mongeau représente l’intimée.

 

 

I.          La preuve sur sanction

 

[5]       Avec le consentement de la partie intimée, Me Martel dépose en preuve une liste des formations suivies par l’intimée.

 

[6]       Me Martel souhaite également introduire en preuve un avertissement envoyé à l’intimée par l’OACIQ et son accusé de réception par l’intimée en date du 13 août 2016.

 

[7]       Me Mongeau s’objecte notamment au motif qu’il est pris par surprise et aussi parce que l’avertissement résulte d’une plainte complètement étrangère au présent dossier. Bien plus, il sera privé du contre-interrogatoire de l’auteur de l’avertissement et le document contient de l’information fondée sur du ouï-dire.

 

[8]       L’objection est maintenue et seul l’accusé de réception peut être introduit en preuve.

 

[9]       En effet, le dépôt en preuve de ce document qui est fondée sur du ouï-dire est préjudiciable aux droits de l’intimée qui sera privée de son droit srict de contre-interroger l’auteur du document.

 

[10]    Mme Bulavinzeva est assermentée et témoigne principalement comme suit :

 

 

· Elle a 57 ans et travaille dans le domaine du courtage immobiler depuis 2005;

 

· Elle habite avec sa mère, sa fille et son mari;

 

· Les fruits de ses activités de courtage constituent la seule source de revenus de la famille puisque sa mère est âgée, son mari ne travaille pas et sa fille est aux études;

 

·  En 2017 et 2018, elle a généré des revenus plus que modestes;

 

· En date du 28 février 2019, elle n’a qu’un seul contrat de courtage vente en vigueur;

 

· Elle exerce ses activités principalement dans l’arrondissement de Ville LaSalle.

 

 

II.         Représentations sur sanction

 

           

          A.           La partie plaignante

 

[11]    Au nom du syndic, Me Martel sollicite l’imposition des sanctions suivantes :

 Chef 1a) : une amende de 2 000 $

 

Chef 1b) : une amende de 2 000 $

 

Chef 1c) : une amende de 2 000 $

 

Chef 2a) : une amende de 2 000 $

 

Chef 2b) : une amende de 2 000 $

 

Chef 2c) : une amende de 2 000 $

 

Chef 2d) : une amende de 2 000 $

 

Chef 2e) : une amende de 2 000 $ et l’obligation de suivre les deux formations suivantes :

 

·        « Déclarations du vendeur et obligations du courtier »;

 

·        « Jurisprudence : Devoirs et obligations des courtiers immobiliers ».

 

Chef 3a) : une suspension de 60 jours

 

Chef 3b) : une suspension consécutive de 60 jours

 

Considérant la globalité de la sanction, réduire les périodes de suspension à un total de 90 jours;

 

Considérant la globalité de la sanction, réduire le montant total des amendes à la somme globale de 12 000 $;

 

Ordonner la publication d’un avis de suspension aux frais de l’intimée;

 

Ordonner que tous les frais de l’instance soient à la charge de l’intimée.

 

 

 

[12]    À titre de facteurs aggravants, Me Martel souligne :

·  La grande expérience de l’intimée

 

·  L’avertissement de l’OACIQ qui est contemporain aux faits en litige;

 

· La grande gravité objective des fautes commises sur les chefs 1 et 2 puisque l’intimée a fait preuve de négligence grossière lors de la rédaction des déclarations du vendeur;

 

· D’autre part, il s’agit d’infractions qui sont au cœur de la profession;

 

· Pourtant, le degré de difficulté n’était pas élevé puisqu’elle n’avait qu’à cocher OUI sur les formulaires de déclarations du vendeur;

 

[13]    Sur les chefs 1 et 2, Me Martel est d’avis qu’il faut donc imposer une sanction dissuasive et exemplaire afin d’envoyer le signal qu’un document aussi simple à remplir qu’une déclaration du vendeur doit absolument être bien rédigé. Bref, que l’intimée et les autres courtiers immobiliers doivent s’appliquer lorsqu’ils préparent ce document important tant pour les acheteurs que les vendeurs.  

[14]    Quant aux chefs 3a) et 3b), l’avocate du syndic adjoint exprime l’opinion qu’il s’agit d’une infraction de gravité objective intense puisqu’à deux reprises, l’intimée attend d’être rendue chez le notaire avant d’aviser les acheteurs de la survenance de la fuite d’eau dans le vide sanitaire.

[15]    Bien plus, l’intimée prétend à tort ne pas avoir accès au vide sanitaire lors des inspections effectuées par les acheteurs.

[16]    Considérant qu’il s’agit de deux infractions distinctes et de victimes différentes, Me Martel requiert l’imposition de périodes de suspension consécutives sur les chefs 3a) et 3b).

[17]    Le procureur du syndic nous remet un cahier de jurisprudence au soutien de ses suggestions de sanctions.

          B.           La partie intimée

 

 

[18]    Me Mongeau recherche plutôt l’imposition des sanctions suivantes :

Chef 1a) : une amende de 2 000 $

 

Chef 1b) : une réprimande

 

Chef 1c) : une réprimande

 

Chef 2a) : une amende de 2 000 $

 

Chef 2b) : une réprimande

 

Chef 2c) : une réprimande

 

Chef 2d) : une réprimande

 

Chef 2e) : une réprimande

 

Chef 3a) : une suspension de 15 jours

 

Chef 3b) : une suspension concurrente de 15 jours

 

Exclure les frais des témoignages en raison de l’acquittement de l’intimée sur les chefs 4 et 5 de la plainte et n’imposer aucun frais sur la deuxième instruction du présent dossier suite à la récusation volontaire du vice-président Me Yves Clermont.

 

 

[19]    Relativement à sa suggestion d’imposer une amende sur les chefs 1a) et 2a) et quant aux autres chefs, soit les chefs 1b), 1c), 2b), 2c), 2d) et 2e), uniquement des réprimandes, Me Mongeau se fonde sur le jugement rendu par la Cour du Québec dans l’affaire Pigeon c. Paiement[2].

[20]    Me Mongeau plaide essentiellement que les sanctions doivent être individualisées au cas spécifique de Mme Bulavinzeva.

[21]    Plus particulièrement, l’avocat est d’avis que nous devons tenir compte des coûts additionnels importants que l’intimée a dû assumer suite à la récusation volontaire du vice-président au dossier et la reprise au complet de la preuve de part et d’autre vu l’absence d’entente entre les parties quant au dépôt en preuve devant le vice-président soussigné de la preuve préalablement instruite devant le Comité.

[22]    Selon Me Mongeau, il est clair que l’intimée est incapable de payer les amendes réclamées par la partie plaignante puisque l’intimée aura droit bientôt à une maigre rétribution de 5 000 $. Bien plus, elle détient seulement une inscription à son actif.

[23]    Considérant la situation de l’intimée, la sanction suggérée par la partie plaignante serait donc accablante et punitive outre mesure.

 

C.        Réplique de la partie plaignante

 

[24]    Quant aux frais de ce qui est convenu d’appeler la phase 1 du dossier, Me Martel exprime l’avis qu’il ne serait pas logique d’attribuer ces frais à la partie plaignante.

 

[25]    Considérant que la demande de récusation a été en quelque sorte accueillie, même si la récusation était volontaire, la partie intimée devrait les assumer.

 

[26]    Sinon, seul le greffe du Comité doit les assumer.

 

 

III.        Analyse et décision

 

           A.          Les facteurs subjectifs et objectifs

         

[27]    L’intimée est un courtier immobilier d’expérience qui exerce la profession depuis l’année 2005.

 

[28]    Mme Bulavinzeva n’a pas d’antécédent disciplinaire. Au mois d’août 2016, elle a fait l’objet d’un avertissement résultant du dossier 14-0725[3]. Cet avertissement visait une situation où l’OACIQ a jugé bon de rappeler à l’intimée les dispositions de l’article 83 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et la publicité.

 

[29]    Toutes les infractions commises par l’intimée sont d’une grande gravité objective. Elles se situent au cœur de l’exercice de la profession.

 

[30]    La déclaration du vendeur est l’un des documents transactionnels le plus important.

 

[31]    Cette déclaration a pour objectif de protéger les droits de toutes les parties lors de la vente d’un immeuble[4].

 

[32]    Or, même si la preuve ne révèle pas sa mauvaise foi, l’intimée a démontré, en l'espèce, un laxisme inacceptable dans la rédaction des déclarations du vendeur.

 

[33]    Quant aux chefs 3a) et 3b), le comportement de l’intimée est également inacceptable.

 

[34]    Bref, les deux acheteurs se retrouvent chez le notaire avec un fait accompli créé de toutes pièces par l’intimée.

 

[35]    À titre de facteur atténuant, nous sommes d’avis que Mme Bulavinzeva a beaucoup appris du processus disciplinaire rendant ainsi le risque de récidive plutôt faible.

 

 

          B.           La globalité de la sanction

 

[36]    Dans l’affaire Roy[5], voici comment s’exprime le Comité présidé par Me Jean-François Malette sur l’un des principes les plus importants à considérer lors de l’imposition d’une sanction disciplinaire :

 

« [23]        L’affaire Daignault, bien qu’incontournable, n’est pas limitative des critères que le Comité doit considérer au moment de l’imposition d’une sanction disciplinaire. Il existe également un principe qui doit être appliqué en l’instance et qui concerne la globalité des sanctions;

 [24]        Ainsi, dans l’affaire Boudreault le principe de la globalité des sanctions est illustré de la façon suivante :

[28] Enfin la globalité des sanctions est strictement mentionnée au paragraphe 71 de la décision sans que le Conseil n’en prenne la véritable mesure. Dans ce dossier, au-delà des périodes de radiation […] aussi condamnée à des amendes de 14 000 $ pour les chefs 1, 2 et 3.

[29] Certes il s’agit d’infractions distinctes de celles visées par cet appel, mais, il n’en demeure pas moins que le montant des 5 000 $ reçus pour des honoraires indus et subséquemment remboursés, revient de façon récurrente. En pareil cas, il faut éviter une forme de dédoublement dans le résultat final quant aux sanctions retenues. Dans un tel contexte, le principe de la globalité des sanctions doit avoir un effet particulièrement signifiant, ce qui ne parait pas être le cas dans la décision du Conseil qui effleure à peine ce sujet. »

 [25]        Ainsi, selon un auteur, (Me Pierre Bernard)« le résultat global auquel il doit en arriver ne doit pas, selon cette règle, être excessif par rapport à la culpabilité générale du contrevenant. On doit tenir compte de ce principe de globalité quand il s’agit notamment de sanctions consécutives ou concurrentes ». À cet effet, ce même auteur rappelle « qu’il est préférable de faire purger alors les sanctions de façon concurrente plutôt que de réduire la longueur des sanctions individuelles, puisque cela laisse l’impression qu’il s’agit d’infractions légères et de la même façon une série de peines courtes à purger de façon consécutive se traduisant en une peine globale substantielle est à éviter »;

[26]    Considérant le risque de récidive, la mauvaise foi de l’intimé, l’absence de repentir constatés par le Comité et tenant compte de l’absence d’antécédents disciplinaires de l’intimé, le Comité de discipline considère que les sanctions réclamées par la plaignante sont appropriées et reflètent en tous points la gravité objective des infractions commises par l’intimé. Ces sanctions assureront la protection du public par leur caractère dissuasif et exemplaire;

 

 [27]        Toutefois, le Comité est d’avis en considérant le principe de la globalité des sanctions et en tenant compte du droit du professionnel à exercer sa profession, que la totalité de celles-ci auraient un effet punitif ou disproportionné en l’instance. Tenant compte de ce principe, le Comité réduit la durée totale de la suspension à une période globale de soixante-quinze (75) jours;

[28]      De l’avis du Comité, cette sanction est plus équilibrée et elle s’harmonise mieux avec la jurisprudence majoritaire. En effet, il est depuis longtemps établi que les mesures disciplinaires « n’ont pas comme but d’infliger une peine aux membres de l’ordre, mais de parer au danger que représente pour le public un membre dont la conduite n’est pas conforme à l’éthique professionnelle. » Bref, aux yeux du Comité cette sanction parait plus appropriée. »

 

(notre soulignement, références omises)

 

 

[37]    Dans l’affaire Seyer[6], le Tribunal des professions impose des réprimandes afin de tenir compte du principe de la globalité de la sanction comme suit :

 

« Reste la théorie de la globalité: il faut tenir compte du total cumulatif des sanctions afin d'éviter que la sanction globale ne soit excessive. Il ne faut pas oublier que c'est un individu, fautif il est vrai, qui est condamné, mais il demeure un individu. Confronté, comme ici, à plusieurs infractions, en examinant le fardeau des sanctions imposées, il y a lieu de les moduler en tenant compte de cet individu.

Ainsi, sur le 1er chef, concernant l'association dans un but mercantiliste, la vente sans contrôle de médicaments exigeant une ordonnance, le bénéfice encaissé, la durée de la faute, une amende de 6 000,00 $ et une radiation temporaire d'un an sera imposée.

Sur le chef 3, concernant le non-respect de l'entente avec le M.A.P.A.Q. une amende de 2 000,00 $.

Sur le chef 6, concernant la concurrence déloyale, une réprimande eu égard au principe de la globalité de la peine.

Sur le chef 8, concernant une vente sans ordonnance, une radiation temporaire de deux (2) mois.

Sur le chef 9, concernant une non-inscription au dossier et pour tous les autres chefs sur lesquels la culpabilité a été retenue, une réprimande sur chaque chef eu égard au principe de la globalité de la peine. »

 

[38]    Enfin, dans l’affaire L’Heureux c. Paquin[7], le Tribunal applique le principe de la globalité tout en soulignant que le Comité doit intervenir si le montant total des amendes s’avère déraisonnable :

 

« Par ailleurs, la globalité des sanctions, imposées sur plusieurs chefs doit être analysée quant à leur justesse et à leur convenance de la même façon qu’elle doit l’être pour chacun des chefs. Ainsi, si la somme des amendes fait en sorte que le professionnel en sera réduit à la ruine, il y a lieu pour le Comité de discipline d’en tenir compte et pour le Tribunal des professions d’intervenir si le Comité de discipline a omis d’en tenir compte. »

(Notre soulignement)

 

[39]    Il découle de ce dernier jugement que lorsque le Comité considère qu’il n’est pas approprié d’imposer une réprimande pour une infraction dont la gravité objective commande l’imposition d’une amende, il peut se servir du principe de la globalité pour réduire la somme des amendes imposer sur chacun des chefs[8].

 

[40]     Il y a lieu maintenant d’appliquer l’ensemble de ces principes au cas de Mme Bulavinzeva.

 

C.           Les chefs 1 et 2 de la plainte amendée

 

 

[41]     Sur les chefs 1a), 1b), 1c), 2a), 2b), 2c), 2d) et 2e), nous croyons que la suggestion de la partie plaignante est excessive.

 

[42]    Non seulement la somme des amendes réduite à 12 000 $ nous apparait démesurée en regard de la culpabilité générale de l’intimée, mais la situation financière et familiale de cette dernière ne lui permet pas payer une somme aussi imposante.

 

[43]    Le procureur de l’intimée voudrait que le Comité impose une amende de 2 000 $ sur chacun des chefs 1a) et 2a) et des réprimandes sur les autres chefs.

 

[44]    Or, nous croyons qu’il ne serait pas adéquat d’imposer des réprimandes sur les autres chefs compte tenu de la grande gravité objective de ces infractions.

 

[45]    L’intimée se verra donc imposer l’amende minimale sur chacun des 8 chefs. Cependant, compte tenu que les infractions sont intimement liées et participent de deux transactions[9], le total des amendes sera réduit à une somme globale de 4 000 $.

 

[46]    Il y a lieu également d’ajouter un volet éducatif aux sanctions sur ces chefs. En conséquence, la suggestion de la partie plaignante d’imposer une formation sur les déclarations du vendeur est retenue par le Comité et elle sera appliquée sur le chef 2e).

 

D.           Les chefs 3a) et 3b) de la plainte amendée

 

 

[47]    Inutile de dire que ces infractions sont très graves. Un professionnel du courtage immobilier n’agit pas de la sorte.

 

[48]    Il doit aviser ses clients ou toute partie à une transaction dès que celle-ci est portée sa connaissance.

 

[49]    Le Comité vient à la conclusion que ces chefs nécessitent l’imposition de la suspension du permis de l’intimée.

 

[50]    À nos yeux, Mme Bulavinzeva a volontairement transgressé la règle déontologique.

 

[51]    L’intimée se verra donc imposer une suspension de 30 jours sur chacun des chefs.

 

[52]    Considérant que les infractions décrites aux chefs 3a) et 3b) visent des événements et immeubles distincts de même que deux victimes différentes, les périodes de suspension devront être purgées de façon consécutive pour un total de 60 jours[10].

 

[53]    Considérant le cas particulier de l’intimée et sa situation familiale et financière, en vertu du principe de la globalité, sa période de suspension sera réduite à 45 jours.

  

E.        Les déboursés et frais de l’instance

 

[54]    Le 23 juillet 2018, l’intimée dépose au greffe une requête en récusation du vice-président Me Yves Clermont.

 

[55]    Dans sa requête, l’intimée allègue notamment l’existence d’une certaine animosité entre Me Clermont et le procureur de l’intimée.

 

[56]    Le 24 juillet 2018, sans reconnaitre le bienfondé de la requête de l’intimée, Me Clermont s’adresse aux parties et, dans un objectif de conciliation, il les avise qu’il se récuse volontairement du dossier notamment pour des motifs de transparence et d’apparence de justice.

 

[57]    Immédiatement après cette récusation volontaire de Me Clermont, le vice-président soussigné prend la relève du présent dossier.

 

[58]    À ce moment, la preuve est close de part et d’autre. Le dossier est donc rendu à l’étape des plaidoiries.

 

[59]    Il se pose alors la question suivante : est-ce que la preuve administrée devant le Comité présidé par Me Clermont sera introduite du consentement des parties devant la nouvelle formation du Comité afin que les parties puissent plaider ou est-ce que les parties reviennent à la case de départ et recommencent le tout à zéro?

 

[60]    Me Mongeau est catégorique. Considérant les coûts associés à la tenue d’un procès, il ne veut pas recommencer et confirme son accord à ce que la preuve déjà administrée soit versée devant la nouvelle formation.

 

[61]    Me Emmanuelle Ouimet-Deslauriers, alors procureur au dossier, nous demande un court ajournement afin qu’elle puisse s’entretenir à ce sujet avec M. Castiglia.

 

[62]    À la reprise de l’audience, Me Ouimet-Deslauriers informe le Comité que la partie plaignante est disposée à accepter que la preuve déjà administrée soit déposée de consentement conditionnellement à ce que la partie intimée renonce à faire valoir quelque moyen que ce soit relativement à cette preuve déjà administrée.

 

[63]    Cette condition imposée par la partie plaignante pour accepter l’introduction en preuve devant la nouvelle formation de la preuve déjà administrée est à notre avis déraisonnable.

 

[64]    Il s’agit en quelque sorte d’une renonciation omnibus empêchant la partie intimée dans tous les cas de faire valoir son droit à une défense pleine et entière. Bien plus, cette condition constituait à toutes fins pratiques un refus déguisé de verser la preuve, soit un comportement contraire au principe de la proportionnalité et d’une saine administration de la justice comme le requiert le Code de procédure civile.

 

[65]    N’eut été de cette condition excessive de la partie plaignante, la preuve aurait été déposée de consentement et les parties auraient probablement plaidé le 24 juillet 2018 ou à une date ultérieure.

 

[66]    Pour les motifs qui précèdent, tous les frais et déboursés de l’instance pour ce qui est convenu d’appeler la phase 1 du dossier seront à la charge de la partie plaignante.

 

[67]    Quant aux frais et déboursés engendrés après la récusation volontaire de Me Clermont pour la reprise du procès, considérant l’acquittement de l’intimée sur les chefs 4 et 5, celle-ci est condamnée au paiement de la moitié des déboursés et frais de l’instance.

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

Chef 1a)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $;

Chef 1b)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $;

Chef 1c)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $;

Chef 2a)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $;

Chef 2b)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $;

Chef 2c)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $;

Chef 2d)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $;

Chef 2e)

IMPOSE à l’intimée le paiement d’une amende de 2 000 $; et

ORDONNE à l’intimée, conformément à l'article 98(7) de la Loi sur le courtage immobilier, de suivre dans un délai d’un (1) an de l’expiration des délais d’appel ou à compter du moment où l’intimée redeviendra titulaire d’un permis de courtier immobilier et en sus des cours que l’intimée doit suivre pour satisfaire à ses obligations aux termes de la formation continue, la formation d’une durée de trois (3) heures intitulée « Déclarations du vendeur et obligations du courtier » dispensée par le service de la formation continue de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou toute autre formation équivalente accréditée par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec à défaut de quoi, son droit d’exercer des activités professionnelles de courtage immobilier sera suspendu jusqu’à ce qu’elle ait satisfait à cette obligation;

Chef 3a)

IMPOSE à l’intimée, la suspension du permis de courtier immobilier (D6836) de l’intimée pour une période de 30 jours, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimée est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où elle en redeviendra titulaire;

Chef 3b)

IMPOSE à l’intimée, la suspension du permis de courtier immobilier (D6836) de l’intimée pour une période de 30 jours, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimée est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où elle en redeviendra titulaire;

ORDONNE que les périodes de suspension des chefs 3a) et 3b) soient purgées de façon consécutive pour une suspension totale de 60 jours;

CONSIDÉRANT le principe de la globalité de la sanction, RÉDUIT la période de suspension totale de l’intimée à 45 jours et les amendes à une somme globale de 4 000 $;

ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié, aux frais de l’intimée, dans un journal le plus susceptible d’être lu par la clientèle de l’intimée et ce, à l’expiration du délai d’appel si l’intimée est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où elle en redeviendra titulaire;

ORDONNE que tous les frais et déboursés de l’instance présidée par Me Yves Clermont soient à la charge de la partie plaignante et que la moitié des frais et déboursés de l’instance présidée par Me Daniel M. Fabien soit à la charge de l’intimée.

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

____________________________________

M. Normand Racine, courtier immobilier

Membre

 

 

 

____________________________________

Mme Anne Léger, courtier immobilier

Membre

 

 

Me Isabelle Martel

Procureur de la partie plaignante

 

Me Alain Mongeau

Me Emmanuel Anguy

Mme Ouafa Younes (stagiaire)

Procureurs de la partie intimée

 

 

Date d’audience : 28 février 2019

 



[1] OACIQ c. Bulavinzeva, 2019 CanLII 14937 (QC OACIQ);

[2]  2008 QCCQ 7494 (CanLII), aux paragraphes 49 à 52;

[3]  Pièce PS-1;

[4]  OACIQ c. Chevarie, 2016 CanLII 74007 (QC OACIQ), au paragraphe 34;

[5]  OACIQ c. Roy, 2017 CanLII 9416 (QC OACIQ);

[6] Seyer c. Saucier, 1996 CanLII 12146 (QC TP), à la page 12;

[7] 1993 CanLII 9197 (QCTP);

[8]  ChAD c. c D’Onofrio, 2018 CanLII 52114 (QC CDCHAD);

[9]  Morand c. McKenna, 2011 QCCA 1197 (CanLII), au paragraphe 47;

[10] Massé c. Deschamps, 2017 QCCQ 14262 (CanLII), au paragraphe 110;

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