Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - avril 2013

Structures Pelco inc.

2014 QCCLP 380

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

21 janvier 2014

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

507220-03B-1304

 

Dossier CSST :

138512264

 

Commissaire :

Geneviève Marquis, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Les structures Pelco inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 4 avril 2013, Les structures Pelco inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête à l’encontre d’une décision qu’a rendue la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 4 mars 2013.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme, pour d’autres motifs, celle qu’elle a rendue le 9 janvier 2013. Elle conclut à l’irrecevabilité de la demande de transfert d’imputation produite hors délai par l’employeur qui demeure, par conséquent, imputé de la totalité du coût des prestations se rapportant à l’accident du travail dont a été victime monsieur André Lavertu, le travailleur, le 26 septembre 2011.

[3]           L’employeur est représenté par procureure lors de l’audience qu’a tenue le tribunal à Lévis, le 20 novembre 2013.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande au tribunal de conclure à la recevabilité de sa demande déposée à la CSST le 18 décembre 2012 et de déclarer, en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1], qu’il ne doit pas être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur pour la période 13 au 21 octobre 2012 puisque cette indemnité découle non pas directement de la lésion professionnelle, mais d’une situation étrangère à celle-ci.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           Le tribunal doit décider de la recevabilité de la demande de l’employeur adressée à la CSST le 18 décembre 2012 et, dans l’affirmative, s’il y a lieu d’imputer à son dossier financier le coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur du 13 au 21 octobre 2012.

[6]           L’article 326 de loi stipule ce qui suit :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[7]           En vertu du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article précité, la CSST est tenue d’imputer le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail à l’employeur du travailleur qui en a été victime.

[8]           Si une telle imputation a pour effet d’obérer injustement un employeur, la CSST peut, de sa propre initiative ou à la demande d’un employeur, imputer le coût des prestations aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités conformément au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi.

[9]           Une telle demande de la part de l’employeur doit être faite par écrit dans l’année suivant la date de l’accident du travail, comme le prévoit le troisième alinéa de l’article 326 de la loi.

[10]        La preuve révèle que le travailleur est victime d’un accident du travail dans l’exercice de ses fonctions de monteur d’acier pour le compte de l’employeur, le 26 septembre 2011. Il s’ensuit une fracture du majeur droit qui est reconnue à titre de lésion professionnelle dont la consolidation sera établie en date du 5 décembre 2012 avec une atteinte permanente, mais sans limitation fonctionnelle. Entre-temps, le travailleur accomplit des travaux légers auxquels il est assigné temporairement par l’employeur avant de réintégrer progressivement son emploi.

[11]        Le 22 septembre 2012, le travailleur remet sa démission à l’employeur en vue d’exercer un emploi de monteur d’acier pour le compte d’une autre entreprise. Il ne reçoit dès lors aucune indemnité de remplacement du revenu.

[12]        Le 12 octobre 2012, le travailleur informe la CSST être de nouveau en arrêt de travail, du 13 au 21 octobre 2012 inclusivement, en raison de la fermeture du chantier chez son nouvel employeur. L’agent au dossier indique au travailleur qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu étant donné que sa lésion professionnelle n’est toujours pas consolidée. Une telle indemnité est versée par la CSST au travailleur pour la période du 13 au 21 octobre 2012 dont le coût est ensuite imputé au dossier financier de l’employeur.

[13]        Le 18 décembre 2012, l’employeur adresse à la CSST une demande de transfert du coût des prestations au montant de 1 114,56 $ imputé injustement à son dossier financier pour la période du 13 au 21 octobre 2012. N’eût été la démission du travailleur pour occuper un autre emploi, aucune indemnité de remplacement du revenu ne lui aurait été versée pour la période concernée.

[14]        Bien que la demande de transfert partiel d’imputation formulée par l’employeur en vertu de l’article 326 de la loi soit considérée hors délai par la CSST, celle-ci estime qu’il y a lieu de prolonger le délai en cause. Elle refuse toutefois la demande de l’employeur qui n’a pas démontré être obéré injustement par l’imputation du coût des prestations liées à la lésion professionnelle du 26 septembre 2011.

[15]        Cette décision rendue en date du 9 janvier 2013 est contestée par l’employeur, puis confirmée pour d’autres motifs par la CSST à la suite d’une révision administrative le 4 mars 2013.

[16]        Cette dernière décision conclut à l’absence d’élément pouvant justifier de relever l’employeur des conséquences de son défaut d’avoir soumis sa demande de transfert d’imputation dans le délai prévu à la loi.

[17]        À l’appui de sa contestation de la décision rendue le 4 mars 2013, l’employeur soumet à l’appréciation du présent tribunal le témoignage de son président, monsieur Benoît Pelchat, et celui de madame Jeanick Bujold, conseillère en santé et sécurité ayant soumis à la CSST la demande de transfert d’imputation du 18 décembre 2012.

[18]        À la lumière des témoignages entendus, le tribunal retient plus particulièrement ce qui suit.

[19]        Il appert du témoignage de monsieur Benoît Pelchat que le travailleur était à son emploi depuis plusieurs années à titre de monteur d’acier. Il agissait aussi à titre de contremaître au cours des quatre années précédant sa lésion professionnelle.

[20]        Ce sont ses tâches allégées en tant que contremaître auxquelles le travailleur a été affecté temporairement à la suite de sa lésion professionnelle. Ce dernier a ensuite réintégré favorablement l’ensemble de ses tâches en septembre 2012 dans le cadre d’un retour au travail progressif.  

[21]        Le 22 septembre 2012, le travailleur a quitté l’entreprise en vue d’occuper un autre emploi de monteur d’acier ailleurs sur le marché du travail.

[22]        Monsieur Pelchat précise que le travailleur lui a demandé à quelques reprises, en septembre 2012, s’il pouvait lui offrir plus que ses 40 heures de travail hebdomadaires étant donné qu’il avait cinq enfants à charge. À défaut de pouvoir lui fournir les heures supplémentaires demandées, l’employeur a dû accepter à regret la démission du travailleur qu’il qualifie de bon employé et vaillant de surcroît. Le travailleur avait trouvé un autre emploi plus rémunérateur comme monteur d’acier qu’il exerçait désormais sur des chantiers d’éoliennes.

[23]        Selon les données déposées et commentées par madame Bujold, conseillère en santé et sécurité ayant procédé à la demande de transfert partiel d’imputation le 18 décembre 2012, le coût des prestations de 1 114,56 $ imputé au dossier de l’employeur pour la période du 13 au 21 octobre 2012 représente un fardeau financier important, et ce, même si les coûts se rapportant à la lésion professionnelle totalisent 22 404,24 $. Le calcul de l’impact d’une telle imputation de 1 114,56 $ au cours du huitième trimestre se traduit par une perte d’économie de l’ordre de 86 000 $.

[24]        L’employeur soutient que sa demande de transfert de l’imputation présentée à la CSST le 18 décembre 2012 est recevable même si elle ne respecte pas le délai prévu au troisième alinéa de l’article 326 de la loi.

[25]        À la lumière de la jurisprudence récente du tribunal[2], l’employeur estime que sa demande doit plutôt être analysée en vertu du premier alinéa de cet article, lequel ne prévoit aucun délai pour demander un transfert partiel du coût des prestations non reliées directement à la lésion professionnelle du travailleur.

[26]        Le tribunal souscrit entièrement aux prétentions de l’employeur à la lumière de la preuve présentée en l’instance.

[27]        L’exception au principe général d’imputation, que prévoit le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi, vise plutôt une demande de transfert total du coût des prestations en raison de circonstances particulières qui ont trait généralement à la survenance de l’accident du travail. Une telle demande doit d’ailleurs être présentée à la CSST avec un exposé à l’appui de ses motifs dans l’année suivant l’accident.

[28]        Comme le soutient l’employeur, c’est plutôt en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi que le tribunal doit analyser sa demande de transfert partiel du coût de l’indemnité de remplacement du revenu dont la CSST a repris le versement en raison de circonstances étrangères à la lésion professionnelle pour la période du 13 au 21 octobre 2012, soit plus d’un an après la survenance de l’accident du travail[3].

[29]        La reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la période concernée, dans le cadre de la lésion professionnelle non encore consolidée, provient d’une cause non reliée directement à la lésion professionnelle du 26 septembre 2011. Le travailleur, lequel occupait une assignation temporaire à la suite de cette lésion, procédait sans problème à un retour au travail progressif au moment où il a remis sa démission à l’employeur afin d’exercer ailleurs sur le marché du travail un autre emploi comme monteur d’acier sur les chantiers, semblable à celui qu’il occupait avant sa lésion professionnelle, mais plus rémunérateur.

[30]        Ce retour au travail régulier pour le compte d’une autre entreprise appert du témoignage de l’employeur que corroborent les précisions fournies par le travailleur à la CSST suivant la teneur des notes évolutives au dossier. Qui plus est, il appert d’un bilan médical contemporain à la reprise du versement des prestations que le médecin ayant charge du travailleur ne prévoyait aucune limitation fonctionnelle préalablement à la consolidation de la lésion professionnelle qu’il a établie en date du 5 décembre 2012, avec atteinte permanente, mais sans limitation fonctionnelle.

[31]        C’est en raison de la fermeture du chantier où il exerçait désormais ses fonctions de monteur d’acier, du 13 au 21 octobre 2012, que le travailleur a cessé temporairement d’occuper son emploi.

[32]        N’eût été cette circonstance non reliée directement à l’événement survenu le 26 septembre 2011, le travailleur n’aurait reçu aucune telle prestation en raison de sa lésion professionnelle qui ne l’empêchait pas de refaire ses tâches habituelles selon l’ensemble de la preuve soumise.

[33]        Il ne s’agit donc pas de prestations dues en raison de l’accident du travail, selon le premier alinéa de l’article 326 de loi, étant donné l’absence d’un lien existant entre l’imputation à l’employeur du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à cette période et l’accident du travail.

[34]        Il s’ensuit que l’employeur ne doit pas être imputé du coût de telles prestations qui ne sont pas dues en raison d’un accident du travail.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de Les structures Pelco inc., l’employeur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative le 4 mars 2013;

DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé du coût relié à l’indemnité de remplacement du revenu versée à monsieur André Lavertu, le travailleur, pour la période du 13 au 21 octobre 2012 à la suite de la lésion professionnelle qu’il a subie le 26 septembre 2011.

 

 

__________________________________

 

Geneviève Marquis

 

 

 

Me Anne-Valérie Lamontagne

LEBLANC LAMONTAGNE ET ASSOCIÉS

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Voir notamment les affaires Supervac 2000, 2013 QCCLP 6341, requête en révision judiciaire pendante, C.S. Québec, 200-17-019337-138; Transelec/Common inc., 2013 QCCLP 1008; Commission scolaire des Samares, 2013 QCCLP 4572; Arneg Canada inc., QCCLP 6474, révision pendante.

[3]          Voir également : Nettoyeur Clin d’œil, 2012 QCCLP 5185; Damabois inc., 2013 QCCLP 5248;      Construction Polaris inc., 2013 QCCLP 7245; Sûreté du Québec, 2013 QCCLP 7004.

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.