Décision

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Commission scolaire de la Capitale

2007 QCCLP 1563

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

12 mars 2007

 

Région :

Québec

 

Dossier :

293396-31-0607

 

Dossier CSST :

125276014

 

Commissaire :

Hélène Thériault

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Commission scolaire de la Capitale

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 6 juillet 2006, la Commission scolaire de la Capitale, l’employeur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 27 juin 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 19 décembre 2005 et déclare que le coût des prestations reliées à l’accident du travail qu’a subi Mme Annie Bélanger, la travailleuse, le 11 novembre 2003 doit être imputé au dossier financier de l’employeur.

[3]                L’employeur renonce à la tenue d’une audience fixée le 2 février 2007, mais il soumet une argumentation écrite.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il est injuste de lui imputer le coût des prestations dues à l’accident du travail survenu le 11 novembre 2003 puisque celui-ci ne s’inscrit pas dans le contexte des activités habituelles d’une enseignante pour lesquelles elle est rémunérée et, qu’en conséquence, il y a lieu de transférer la totalité du coût des prestations à l’ensemble des employeurs conformément au deuxième alinéa de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) sans toutefois préciser ce qu’il invoque à savoir, qu’il est obéré injustement du coût des prestations ou que l’accident est attribuable à un tiers.

 

LES FAITS

[5]                La travailleuse est enseignante chez l’employeur lorsqu’elle est victime d’un accident du travail le 11 novembre 2003.

[6]                Au formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement », l’événement est décrit comme suit :

« À 7:00h, je quittais pour Repentigny avec une collègue de travail (Manon Hamel). J’allais rencontrer la conseillère pédagogique de la commission scolaire des Affluents. Ensemble nous allions visiter une classe d’anglais enrichi. À 7:40h, nous avons éviteé un chevreuil. Nous roulions sur la 40. Nous avons zigzagé sur le chemin pour enfin finir avec 2 tonneaux dans le fosset central. »   (sic)

 

 

[7]                Le 12 novembre 2003, le médecin complète une attestation médicale sur laquelle il mentionne que la travailleuse présente une cervicalgie et une entorse cervicale sans atteinte neurologique franche. Des traitements de physiothérapie et de la médication lui sont prescrits.

[8]                Le médecin traitant fixe la date de consolidation de la lésion au 31 janvier 2005, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[9]                Le 7 septembre 2004, l’employeur demande un transfert d’imputation en vertu du deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. À cet égard, l’employeur soumet que l’accident du travail subi par la travailleuse relève d’une situation exceptionnelle et inhabituelle sur laquelle l’employeur n’a aucun contrôle et qui n’a aucun lien avec les activités inhérentes à l’enseignement à une clientèle d’une école primaire ou secondaire. L’employeur soutient qu’il est obéré injustement au sens de l’article 326, deuxième alinéa de la loi.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[10]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit à un transfert du coût des prestations découlant de la lésion professionnelle subie le 11 novembre 2003 par la travailleuse.

[11]           L’article 326 de a loi se lit comme suit :

326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[12]           D’abord, la Commission des lésions professionnelles constate que la demande de transfert des coûts a été faite le 7 septembre 2004 alors que l’accident du travail est survenu le 11 novembre 2003. La demande est donc recevable à cet égard puisque produite dans le délai imparti.

[13]           L’article 326 de la loi prévoit, à son premier alinéa, le principe général qui établit que l’employeur est imputé du coût des prestations reliées à un accident du travail subi par un travailleur alors qu’il est à son emploi.

[14]           Toutefois, le législateur a prévu deux exceptions au principe général selon les conditions énoncées au deuxième alinéa de l’article 326 de la loi. Dans un premier temps, pour pouvoir bénéficier du transfert d’imputation dans le cas où l’accident est attribuable à un tiers, l’employeur doit démontrer que l’imputation faite a pour effet de lui faire supporter injustement le coût des prestations dues en raison de cet accident.

[15]           En ce qui concerne la notion de « tiers », la jurisprudence a établi qu’il doit obligatoirement être une personne physique ou morale dont la responsabilité peut être engagée d’une manière quelconque. Ainsi, un accident du travail causé par un animal sauvage qui n’a aucun propriétaire légal, n’est pas attribuable à un tiers[2].

[16]           Dès lors, la Commission des lésions professionnelles souligne que l’accident ne peut en l’instance, être reconnu comme étant attribuable à un tiers.

[17]           Reste à déterminer si l’imputation a pour effet d’obérer injustement l’employeur.

[18]           En ce qui concerne la notion d’« obérer injustement », la soussignée fait sienne l’interprétation donnée par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Location ProCam inc. et CSST[3] dans ces termes :

« [2]     […] l’employeur sera « obéré injustement » dans la mesure où le fardeau financier découlant de l’injustice alléguée est significatif par rapport au fardeau financier découlant de l’accident du travail. Ainsi, la notion « d’obérer », c'est-à-dire « accabler de dettes », doit être appliquée en fonction de l’importance des conséquences monétaires de l’injustice en cause par rapport aux coûts découlant de l’accident du travail lui-même. La notion d’injustice, pour sa part, se conçoit en fonction d’une situation étrangère aux risques que l’employeur doit assumer, mais qui entraîne des coûts qui sont rajoutés au dossier de l’employeur. »

 

 

[19]           Il y a lieu d’analyser le contexte dans lequel s’exercent ces activités afin de déterminer s’il y a présence ou non d’une injustice.

[20]           En l’instance, la preuve démontre que la travailleuse est victime d’un accident d’automobile alors qu’elle se déplace pour rencontrer une conseillère pédagogique d’une autre commission scolaire. C’est donc à l’occasion de son travail d’enseignante que survient cet accident, lequel était en lien avec les activités de travail puisque le but de cette rencontre était de visiter une classe d’anglais enrichi. La Commission des lésions professionnelles convient que l’employeur n’exerce aucun contrôle sur les aléas de la route et qu’il ne peut prévenir les accidents tel que celui dont la travailleuse a été victime en voulant éviter un animal sauvage. Toutefois, force est de constater qu’il s’agissait d’un déplacement requis et accepté par l’employeur dans le cadre de son travail.

[21]           La Commission des lésions professionnelles souligne que les faits propres au cas sous étude sont certes différents de ceux rapportés dans l’affaire Syndicat québécois des employés et employées de service (Section locale 298) et Les Ambulances Malartic enr.[4]. En effet, dans ce cas, il s’agissait d’un travailleur victime d’un accident d’automobile alors qu’il était libéré de son travail habituel pour les fins de l’exercice d’une fonction syndicale. C’est dans ce contexte que le commissaire conclut que la situation est étrangère aux risques qui correspondent à la nature des activités de l’employeur et que les coûts reliés à la lésion professionnelle ne doivent pas être imputés à l’employeur.

[22]           Ceci étant, lorsqu’un travailleur se déplace sur la route à des fins professionnelles, celui-ci est exposé à des risques d’accident et ceux-ci même minimes, se rattachent tout de même à la nature de l’ensemble des activités exercées par l’employeur[5].

[23]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’employeur n’a pas droit au transfert du coût des prestations de sorte qu’il reste imputé de l’ensemble de celui-ci.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de la Commission scolaire de la Capitale;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 juin 2006 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission scolaire de la Capitale n’a pas droit au transfert du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi par Mme Annie Bélanger le 11 novembre 2003.

 

 

__________________________________

 

 

HÉLÈNE THÉRIAULT

 

Commissaire

 

 



[1]           L.R.Q. c. A.-3.001.

[2]           Enairtech enr. (Fermé)  et Leclerc, C.A.L.P., 30622-03-9107, 94-02-24, M. Beaudoin.

[3]           114354-32-9904, 02-10-18, M.-A. Jobidon (02LP-121); Emballage Consumers inc., 176974-64-0201, 03-01-27, R. Daniel.

[4]           254159-08-0501, 05-11-23, P. Prégent.

[5]           Roche ltée (Groupe Conseil), C.L.P. 208906-71-0305, 04-06-11, C. Racine.

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