COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Québec

QUÉBEC, le 9 novembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

136687-31-0004

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Isabelle Albernhe

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Normand Beaulieu

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Gilles Genest

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

117650994-1

117650994-2

AUDIENCE TENUE LE :

18 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

QUÉBEC

 

 

 

 

 

 

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NICOLE DUPUIS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PLACE MONTCALM HOTEL INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 25 avril 2000, Madame Nicole Dupuis, la travailleuse, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 avril 2000 à la suite  d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST maintient la décision rendue le 16 novembre 1999 et conclut que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 7 octobre 1999 et qu’elle n’a donc pas droit aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q. c A-3.001 (la loi). De plus, la CSST maintient la décision rendue le 10 décembre 1999 qui  déclare que la travailleuse n’a pas droit à l'indemnité de remplacement de ses lunettes.

[3]               À l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse et l’employeur sont  présents et représentés.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’elle a subi une lésion professionnelle le 7 octobre 1999 et qu’elle a droit à l’indemnité de remplacement de ses lunettes.

LES FAITS

[5]               Du dossier et de la preuve présentée à l’audience, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments pertinents qui suivent.

[6]                Le 6 octobre 1999, à  23 heures 30, la travailleuse, qui occupe un emploi de serveuse de banquets pour le compte de Place Montcalm Hôtel inc., l’employeur, demande à la fin de son quart de travail au maître d’hôtel l’autorisation de dormir dans une des chambres, autorisation qui lui est accordée. 

[7]               Le 7 octobre 1999, vers 5h10 du matin, alors qu’elle se prépare pour commencer son quart de travail, elle et un  collègue referment le lit escamotable dans le meuble  de rangement. Ce lit lui tombe sur la tête, glisse sur son dos et s’arrête sur ses genoux.  La travailleuse consulte un médecin dans les heures qui suivent et un diagnostic de contusion dorsale est posé. En tombant, la travailleuse brise ses lunettes et dépose une réclamation de demande de remboursement à cet effet.

[8]               Le 15 octobre 1999, le Dr Paradis diagnostique une fracture du péroné droit. Les lésions sont  consolidées le 24 novembre 1999.

[9]               Le 16 novembre 1999, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse et le 10 décembre 1999, la demande de remboursement des lunettes est refusée.

[10]           Du témoignage de la travailleuse, il ressort que cette dernière est à l’emploi de l’employeur depuis quatorze ans et qu’elle a un statut d’employée permanente. Le soir du 6 octobre 1999, à la fin de son quart de travail, soit vers 23h30, elle et deux autres serveurs demandent la permission au maître des banquets de dormir dans une des chambres de l’hôtel afin d’être sur place le lendemain matin, pour le début de son quart de travail à 5h30.

[11]           La travailleuse mentionne que cette pratique permet aux serveurs de demeurer sur place et de disposer d’un temps plus long pour se reposer.  L’employeur fournit régulièrement des chambres à ses serveurs à condition de respecter une procédure interne qui consiste à demander préalablement l’autorisation  au maître des banquets.  Si une chambre est disponible dans l’hôtel, l’employeur  donne son accord.  Par ailleurs, si aucune des chambres n’est disponible, il est possible de transformer en chambre une des trois salles de réunion qui disposent de lits escamotables.

[12]           Le 6 octobre 1999, à la fin de leur quart de travail, trois serveurs, dont la travailleuse, ont demandé l’autorisation de dormir à l’hôtel comme il n’y avait pas de chambre disponible, une salle de réunion, la 410 au quatrième étage, qui a été transformée en chambre pour loger les trois serveurs.

[13]           La travailleuse témoigne à l’effet que le 7 octobre, elle et deux autres collègues de travail se sont levés vers 5 heures du matin. Elle et monsieur Christian Demers ont fait le lit en rabattant les couvertures et les coussins à l’intérieur du lit et en le remontant vers le meuble qui loge le lit, ils ont entendu le mécanisme de verrouillage s’enclencher par un son de « clac ».

[14]           C’est en se retournant, dos à l’armoire qui renferme le lit, que le lit lui est tombé sur la tête et  a glissé sur les genoux. La chute a entraîné pour la travailleuse une blessure et le bris de ses lunettes.

[15]           Par la suite, monsieur Christian Demers a appelé la sécurité et un rapport a été complété. La travailleuse a été placée sur une chaise roulante et transportée en taxi à l’hôpital.

[16]           La travailleuse précise qu’elle a déjà utilisé à plusieurs reprises la salle de réunion 410 transformée en chambre à coucher et c’est la première fois qu’un lit lui tombe sur la tête.

[17]           Monsieur Christian Demers, lui aussi serveur de banquet et collègue de travail de la travailleuse, est à l’emploi de l’employeur depuis dix-huit ans.  Ce dernier témoigne à l’effet qu’il est un des trois serveurs qui a dormi à l’hôtel, dans la même chambre que celle de la travailleuse.

[18]           Monsieur Demers confirme le témoignage de la travailleuse.  C’est lui qui a téléphoné à la sécurité lorsque la travailleuse a reçu le lit sur la tête.  Il mentionne qu’il lui arrive de coucher régulièrement à l’hôtel lorsque les différents services de repas se succèdent à intervalles très serrés : petit-déjeuner, dîner et souper.  De plus, il mentionne que l’employeur n’a jamais refusé de chambre lorsqu’il y en avait une disponible.

[19]           Monsieur Demers indique ce qui suit :

« Lorsque les repas se succèdent à l’occasion d’un congrès, une heure de plus pour dormir sur cinq heures, ça paraît. Quand il y a plusieurs repas à servir, c’est utile ».

 

[20]            La travailleuse et lui-même font partie des onze employés qui ont un statut de permanent. Ce soir là, trois des employés permanents ont bénéficié d’une chambre à trois fournie gratuitement par l’employeur.

[21]           L’employeur fait témoigner monsieur Richard St-Pierre, maître d’hôtel et supérieur hiérarchique des serveurs. Celui-ci corrobore pour l’essentiel les témoignages de la travailleuse et de monsieur Demers quant à la séquence des événements et l’existence d’une procédure interne que doivent suivre les serveurs pour obtenir une chambre.

[22]           Le soir du 6 octobre, monsieur St-Pierre est le maître d’hôtel en service et le lendemain à 5h30, c’est un autre maître d’hôtel qui prend la relève.  Il témoigne à l’effet qu’à sa connaissance, ce n’est jamais arrivé que l’employeur refuse une chambre lorsqu’il y en a une disponible. Cela pourrait arriver s’il n’y a plus de chambre ni de salle de réunion transformable en chambre dans l’hôtel.  Il précise que la travailleuse fait bien partie du groupe des onze employés à statut permanent pouvant profiter de l’offre de l’employeur.

[23]           Sur le registre des heures de travail des serveurs de banquets, neuf serveurs ont terminé leur quart de travail à 23h30. Six d’entre eux ont choisi d’aller se reposer chez eux et trois ont décidé de coucher ce soir-là à l’hôtel.

[24]            Aucun article de convention collective ne prévoit que l’employeur doit mettre à la disposition des serveurs de banquets une chambre. Par contre, l’article 14.09 de la convention collective régissant les employés de l’hôtel précise ce qui suit :

« Les horaires de travail doivent prévoir un minimum de huit (8) heures de repos entre chaque quart  de travail d’un salarié. »

 

 

[25]           Par la suite, l’employeur fait témoigner monsieur Boutin, assistant-directeur de l’entretien technique.  Celui-ci donne son avis sur les causes possibles de la chute du lit escamotable. Il indique que la chute peut être due au fait que les couvertures soient mal rabattues à l’intérieur du lit, constituant ainsi une entrave à l’enclenchement du mécanisme de verrouillage ou au fait que le mécanisme de verrouillage du lit n’ait pas été correctement enclenché.

[26]           Toujours est-il que la seule explication plausible, selon monsieur Boutin, réside dans le fait que si le lit est tombé, c’est que le mécanisme de verrouillage n’a pas vraiment été enclenché.  Il exclut l’hypothèse d’un mauvais fonctionnement du système et mentionne que le lit en question n’a jamais fait l’objet d’un signalement de défectuosité ni d’une réparation.

[27]           Un vidéo de la salle de réunion 410 montre la transformation en chambre à coucher et le fonctionnement du lit escamotable.

[28]           Monsieur Boutin précise de plus que le son « clac » entendu au moment du verrouillage ne veut pas nécessairement  dire que le lit est verrouillé. Il faut vraiment que le mécanisme soit bien enclenché. Il précise que ce mécanisme de verrouillage se trouve en haut du lit et que lorsque le lit tombe, on ne peut  l’entendre.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[29]           Le représentant de la travailleuse soumet que la travailleuse était sur les lieux du travail lors de la chute du lit.  Il a été mis en preuve qu’elle a terminé son quart de travail vers 23h30 en soirée, et qu’elle devait recommencer son quart de travail le lendemain matin à 5h30.  Il ajoute que l’employeur a une politique interne pour accommoder les serveurs en fournissant une chambre, ce qui permet de sauver au moins une heure de sommeil.  Il ajoute que si la raison de la chute du lit demeure un mystère, les témoignages sont à l’effet que la travailleuse a bien reçu le lit sur la tête et que cette dernière est allée voir le médecin la journée même.  En conséquence, le représentant de la travailleuse fait valoir que la réclamation de la travailleuse répond aux critères d’admissibilité d’une lésion professionnelle.  Il demande donc d’accueillir l’appel de la travailleuse et le remboursement de ses lunettes.

[30]           La représentante de l’employeur soutient que la travailleuse ne rencontre pas les trois conditions qualifiant un accident du travail en vertu de la loi.  Il n’y a pas eu un événement imprévu et soudain puisqu’il appert hors de tout doute que si le mécanisme de verrouillage du lit n’est pas correctement enclenché, il y a nécessairement chute du lit.  L’accident ne s’est pas produit sur les lieux du travail;  la travailleuse avait terminé son quart de travail à 23h30 et n’était pas à son travail.  Il s’agit d’un  geste strictement  personnel.

[31]           La représentante soutient que même si l’employeur met à la disposition des serveurs une chambre, c’est le choix de l’employé de demeurer à l'hôtel et rien ne dicte à l’employeur de prêter une chambre.  Il n’y a pas de lien de subordination et les employés n’étaient pas obligés de demeurer à l’hôtel ce soir-là. 

[32]           Toujours selon la représentante de l’employeur, les faits et les circonstances entourant   l’événement survenu le 7 octobre 1999 ne permettent pas d’établir l’existence d’éléments de connexité entre les activités personnelles qu’exerçait la travailleuse, au moment de la chute du lit et la lésion professionnelle.

L'AVIS DES MEMBRES

[33]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la travailleuse n’a pas subi d’accident du travail et qu’elle n’a pas droit à l’indemnité pour le remplacement de ses lunettes.

[34]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la travailleuse a subi un accident par le fait ou à l’occasion de son travail et qu’elle a droit au remboursement de ses lunettes.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[35]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 7 octobre 1999 et si elle a droit à l’indemnité de remboursement de ses lunettes.

[36]           L’article 2 de la loi définit la notion de lésion professionnelle et d’accident du travail comme suit :

«accident du travail» : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;

 

 

[37]           Par ailleurs, le législateur a prévu qu’un travailleur peut bénéficier de la présomption de la lésion professionnelle lorsqu’il rencontre les conditions d’ouverture énoncées à l’article 28 :

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[38]           En l’instance, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la travailleuse ne peut bénéficier de la présomption d’une lésion professionnelle.  En effet, la travailleuse s’est blessée alors qu’elle est dans une chambre prêtée par son employeur, avant que ne débute son quart de travail.  Il n’est pas établi que la blessure est survenue alors qu’elle est à son travail.  Il doit donc être démontré qu’elle a subi un accident du travail au sens de l’article 2 de la loi.

[39]           La loi ne définit pas la notion de « à l’occasion du travail »  mais la jurisprudence a élaboré plusieurs paramètres pour analyser cette notion.  Les critères développés se rattachent à une notion unanimement présente dans la jurisprudence, soit l’existence d’un lien de connexité suffisant avec le travail.  Ce lien de connexité peut se définir de trois façons, soit en considérant le lieu de l’accident, le moment de sa survenance ou la finalité de l’activité exercée au moment de l’événement. Ce lien de connexité s’apprécie en examinant le lien entre l’activité ou le geste posé par le travailleur au moment de l’événement et son travail.

[40]            Dans l’affaire Plomberie et Chauffage Plombex Inc. et Deslonchamps[1], la Commission d’appel a déterminé les éléments susceptibles de qualifier un événement d’accident survenu à l’occasion du travail :

§      «le lieu de l’événement;

§         le moment de l’événement;

§         la rémunération de l’activité exercée par le travailleur au moment de l’événement;

§         l’existence et le degré d’autorité ou de subordination de l’employeur lorsque l’événement ne survient ni sur les lieux ni durant les heures de travail;

§         la finalité de l’activité exercée au moment de l’événement, qu’elle soit incidente, accessoire ou facultative aux conditions de travail;

§         le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité du travailleur en regard de l’accomplissement du travail. »

 

 

[41]           Dans l’affaire Air Canada et Andrée G. Richard[2], la Commission des lésions professionnelles a statué ce qui suit :

«Il n’était pas nécessaire, toutefois, que tous ces critères soient présents simultanément pour que l’on puisse conclure qu’il y a un lien de connexité.  Un seul point peut suffire.  Chaque cas demeure un cas d’espèce qui doit être appréciée en fonction des circonstances qui lui sont propres.  Les critères dégagées par la jurisprudence aideront cependant l’adjudicateur à apprécier le lien de connexité dans un cas précis.»

 

[42]           Dans l’affaire Leclerc et Isotemp Ltée[3], la Commission d’appel a statué qu’un accident qui survient au moment où le travailleur se trouve dans l’exercice d’une activité faisant partie de


[43]           ses conditions de travail constitue une lésion professionnelle si cette activité est connexe au travail et utile à l’employeur. Dans cette décision, la Commission d’appel retient que la notion de conditions de travail doit recevoir une interprétation large :

«  la notion de conditions de travail doit s’entendre ici dans son sens large et elle couvre ainsi de telles conditions qui résultent soit d’une convention collective, soit d’un décret, soit d’un règlement ou directive en vigueur chez un employeur, soit d’un contrat particulier de louage de services, soit même des usages et coutumes en vigueur dans une entreprise. Il peut donc s’agir de conditions de travail explicites ou implicites, et elles peuvent également être à caractère obligatoire ou à caractère facultatif. »

 

[44]           Chaque situation est un cas d’espèce et doit être examinée à son mérite. Il faut tenir compte de toutes les circonstances et dans tous les cas, il faut établir une certaine relation avec le travail.

[45]           Il n’est pas contesté que la travailleuse a subi une blessure, soit une contusion dorsale et une fracture du péroné droit.

[46]           Après analyse de la preuve testimoniale et documentaire de même qu’après avoir considéré l’argumentation soumise par les parties, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que la travailleuse a subi un accident du travail à l’occasion de son travail.

[47]           En effet, la Commission des lésions professionnelles constate que la travailleuse est à l’emploi de Place Montcalm Hôtel inc. depuis quatorze ans et qu’elle fait partie du groupe des serveurs permanents à qui l’employeur offre la possibilité de demeurer sur place et d’obtenir l’usage d’une chambre lorsque les horaires de banquet sont très rapprochés.

[48]           Le fait pour l’employeur de mettre à la disposition de ses serveurs une chambre d’hôtel pour leur permettre de demeurer sur place et de profiter d’un temps de repos plus long que si ces derniers avaient à retourner chez eux est une condition de travail offerte depuis plusieurs années. C’est une condition de travail résultant des usages et coutumes en vigueur chez l’employeur, même si elle revêt un caractère facultatif.

[49]           De plus, pour bénéficier de l’offre de l’employeur, les serveurs à statut permanent  doivent se plier à une directive interne, celle d’obtenir au préalable l’autorisation de l’employeur, ce qui confirme l'existence de cette condition de travail.

[50]           Cette autorisation est consentie à l’occasion de congrès lorsque les repas sont servis à des intervalles de temps rapprochés, à l’intérieur des huit heures qui séparent deux quarts de travail. Il a été mis en preuve que le quart de travail, le 6 octobre, a pris fin à 23h30 et que le quart de travail suivant a débuté à 5h30 du matin pour servir les petits déjeuners.

[51]           L’article 14.09 de la convention collective précise bien que les horaires de travail doivent prévoir un minimum de huit (8) heures de repos entre chaque quart de travail d’un salarié. Même si elle n’est pas prévue explicitement par la convention collective, la condition de travail offerte par l’employeur lui permet, ainsi qu’aux employés, de trouver un accommodement à cette disposition de la convention collective qui leur soit mutuellement profitable.

[52]           Dans la soirée du 6 octobre, à 23h30, trois employés sur les onze qui ont terminé leur quart de travail se sont prévalus de cette condition du travail comme le démontre la preuve non contredite reçue à l’audience, tant de la part de la travailleuse et de monsieur Demers que de monsieur St-Pierre.

[53]           L’employeur n’a jamais refusé de mettre à la disposition de ses serveurs de banquets une chambre lorsqu’une chambre d’hôtel ou, à défaut, une salle de réunion, transformée en chambre, était disponible.

[54]           La présente cause rencontre les critères de la jurisprudence en ce qui a trait à la finalité de l’activité exercée au moment de l’événement, qu’elle soit facultative, incidente ou accessoire aux conditions de travail. Le caractère de connexité ou d’utilité relative de l’activité du travailleur en regard de l’accomplissement du travail a aussi été démontré. L’employeur tire un profit de la présence sur place de ses employés, ce qui minimise pour lui les risques d’absentéisme et du fait que ses employés soient davantage reposés puisque leur temps de repos est plus long.

[55]           Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse s’est infligée une blessure à l’occasion du travail.

[56]           Quant au remboursement du compte d’opticien, l’article 113 de la loi précise ce qui suit :

113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (chapitre P - 35) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.

 

L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.

________

1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5.

 

[57]           Pour que le travailleur puisse bénéficier de l’application de l’article 113 de la loi, il doit démontrer les quatre éléments suivants :

 

1.                 que ses lunettes ont été endommagées involontairement;

2.                 lors d’un événement imprévu et soudain, attribuable à toute cause;

3.                 que cet événement est survenu par le fait de son travail;

4.                 et qu’il n’a pas droit à une telle indemnité en vertu d’un autre régime.

 

[58]           Les notions «d’événement imprévu et soudain» «attribuable à toute cause» sont les mêmes que celles que l’on retrouve à la définition d’accident du travail.  Ainsi, la travailleuse doit faire la démonstration qu’il y a eu un événement imprévu et soudain dont la conséquence fut le bris de ses lunettes.  Elle doit également prouver que cet événement est survenu par le fait de son travail, c’est-à-dire que l’activité qu’elle exerçait lors de cet événement est directement reliée à son travail.

[59]           La preuve démontre que la travailleuse n’a pas subi la perte de ses lunettes par le fait de son travail, c’est-à-dire que l’activité qu’elle exerçait au moment de l’événement n’est pas directement reliée à son travail,  mais à l’occasion de son travail. La prépondérance de preuve est à l’effet que les lunettes de madame Dupuis ont été endommagées involontairement alors qu’elle n’était pas dans l’exécution de ses fonctions de serveuse.

[60]           Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse n’a pas démontré les éléments requis pour bénéficier de l’application de l’article 113 de la loi et par conséquent, elle n’a pas droit à l’indemnité qui y est prévue pour le remplacement de ses lunettes.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête présentée par madame Nicole Dupuis, la travailleuse;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 18 avril 2000 à la suite d’une révision administrative.

DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 7 octobre 1999;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit à l'indemnité pour le remplacement de ses lunettes.

 

 

 

 

Isabelle Albernhe

 

Commissaire

 

 

 

Syndicat des métallos

5000, boul. Des Gradins #280

Québec (Québec)

G2J 1N3

 

Représentant de la partie requérante

 



[1]           51232-64-9305; 950117, Bernard Lemay

[2]           91669-60E-9710, Mireille Zigby

[3]           3209-03A-8705, Pierre-Yves Vachon

AVIS :
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