Droit de la famille — 151679

2015 QCCS 3167

JL 4478

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-04-047437-083

 

 

 

DATE :

2 juillet 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CHANTAL LAMARCHE, J.C.S.

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M... M...

Demanderesse

c.

R... P...

Défendeur

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Par leur requête respective, les parties demandent au Tribunal de se prononcer sur la pension alimentaire pour enfant et les frais particuliers.

1.      contexte

[2]           Les parties ont vécu ensemble jusqu’en 2006 et X est né de leur union le [...] 2003.

[3]           Madame a la garde de X depuis la séparation et ce dernier ne voit plus son père depuis 2011[1].

1.1       Jugements antérieurs concernant la pension alimentaire et les frais particuliers

[4]           Les parties sont venues à de nombreuses reprises devant le Tribunal notamment pour des questions de pension alimentaire et de frais particuliers.

[5]           Les deux jugements les plus importants sur ces questions sont rendus le 16 décembre 2008 par la juge Chantal Corriveau et le 28 mars 2013 par la juge Sylviane Borenstein.

[6]           La juge Corriveau rapporte que Madame est en arrêt de travail de son poste d'avocate auprès de la Direction de la protection de la jeunesse, de sorte que son revenu a chuté.  Les revenus de Monsieur ont également diminué substantiellement en 2007 et 2008 et il a  retiré des fonds importants de son régime d'épargne retraite afin de subvenir à ses besoins.

[7]           Elle souligne que Monsieur a très peu contribué aux aliments pour son fils et que les parties n’ont pas les moyens de payer pour que X continue de fréquenter l’école privée.

[8]           Cependant, afin de permettre à X de terminer son année scolaire à l'école privée qu'il fréquente depuis la prématernelle, elle ordonne à Monsieur de verser à Madame une somme de 500 $ par mois jusqu'au 30 juin 2009.  Par la suite, la pension est réduite à 145 $ par mois étant donné que les revenus de Monsieur sont estimés à 20 000 $ pour 2008.

[9]           Elle ordonne que les parents s'échangent leur déclarations fiscales de revenus et Avis de cotisation.

[10]        Le 20 juin 2011, la juge Corriveau doit rendre un deuxième jugement ordonnant à Monsieur de payer une somme supplémentaire en sus de la pension alimentaire et lui ordonnant à nouveau de remettre ses déclarations fiscales de revenus de 2008 à 2010.

[11]        En 2013, la juge Borenstein est saisie d'une demande de modification de pension alimentaire et paiement de frais particuliers déposée par Madame.

[12]        Dans son jugement du 28 mars 2013, elle conclut que la preuve présentée devant elle démontre que Monsieur a eu des revenus de :

-                 73 274 $ en 2009;

-                 81 768 $ en 2010;

-                 72 505 $ en 2011;

-                 36 867 $ en 2012.

[13]        Pour 2013, elle retient le même revenu qu’en 2012.

[14]        Elle fixe la pension alimentaire en conséquence.

[15]        Elle détermine les frais particuliers à être remboursés par Monsieur.  Ces frais comprennent notamment les frais d’inscription au tennis, soccer, l’équipement de hockey, la natation et le camp de jour du [centre A].

[16]        Elle précise que Monsieur n’ayant aucune objection à ce que l’enfant soit inscrit au camp du [centre A], il devra continuer d’en payer les frais au prorata de son revenu.

[17]        Finalement, elle ordonne aux parties de s'échanger leurs déclarations fiscales de revenus et leur Avis de cotisation.

[18]        En exécution de ce jugement, Monsieur paie la somme de 20 000 $ qu'il a d’ailleurs offerte avant l'audience.  Cependant, cette somme ne couvre qu’une partie des sommes accordées par la juge Borenstein.  Il refuse de verser le solde de la somme due.  Il décide plutôt de vider son compte en banque, lequel avait un solde d'environ 40 000 $. Il paie son avocat (environ 15 000 $) et conserve la différence chez lui.  Il affirme avoir agi ainsi parce qu’il préfère que l’argent qu'il détient dans son fonds de revenu viager (« FRV ») soit saisi pour exécuter le jugement.  Son argent liquide est utilisé pour payer ses dépenses comme son loyer et les frais de location pour son auto. 

[19]        Son attitude irresponsable oblige donc Madame à faire saisir son compte FRV afin de récupérer le solde qui lui est dû en raison du jugement rendu par la juge Boreinstein.

[20]        Bien entendu, il y a un impact fiscal pour Monsieur.  Étant donné la sortie de fonds de son FRV.  L’équivalent brut de cette somme est ajouté à son revenu de 2013, soit environ 37 000 $.

[21]        Avant l'audience dans la présente instance, Monsieur n'a toujours pas fourni les documents démontrant ses revenus pour 2013 et pour 2014.

1.2       X

[22]        Madame décrit X comme un enfant actif qui a besoin d’un bon encadrement afin de donner de meilleurs résultats académiques.

[23]        En date de l’audience, X est âgé de presque 12 ans.

[24]        Il termine sa sixième année primaire à l'école publique.  Il aimerait bien fréquenter le Collège A à compter de l'année prochaine où il a été accepté plutôt que l'école secondaire publique de son quartier.

[25]        X aime bien les activités sportives structurées.  Madame les privilégie, car cela permet à X de socialiser dans un environnement encadré, d’être actif, de favoriser son estime de soi, d'avoir une rigueur, de développer son esprit d’équipe et d'être en présence d'adultes autres qu'elle-même.

[26]        Pendant l'été, X fréquente des camps de jour.

[27]        Les jugements concernant les droits d'accès de Monsieur font voir que, malgré l'intervention de la juge Carole Therrien, l'intervention d'une psychologue et la possibilité d'une thérapie père-fils, X refuse toujours de voir son père, et ce, depuis 2011.

[28]        La juge Therrien écrit dans son dernier jugement daté du 12 janvier 2015[2]:

[20]  En février 2014, le Tribunal [La juge Therrien] s’exprimait ainsi :

[42]   Le Tribunal estime que les experts qui ont témoigné l’ont fait avec compétence, affichant un réel souci d’aider X à sortir de l’impasse où il se trouve.  Rien ne permet au Tribunal d’écarter leur opinion.  Comme eux, le Tribunal croit qu’une reprise de contact doit s’opérer entre X et son père.

[43]   Toutefois, X n’a pas vu son père depuis plus de deux ans.  Dans le contexte, cette situation est hautement préoccupante.  Il est coincé entre sa mère qui refuse ce contact et sa propre ambivalence quant à son père. Il amorce l’adolescence, période déjà difficile pour tous les jeunes de son âge.  Ainsi, une reprise des contacts ne peut se faire de façon improvisée et sans soutien professionnel.

[44]   Cette reprise doit se faire dans le cadre d’une thérapie père-fils.

[45]   Cette intervention apparaît essentielle pour que X exprime à son père ses sentiments, dans un cadre rassurant pour lui.  De même, X a besoin que son père réagisse adéquatement à la situation, ce qui ne semble pas possible actuellement sans le concours d’un thérapeute compétent.

            Et elle continue en ajoutant :

[21]  Le besoin de X n’a pas changé.  Son témoignage a confirmé son besoin d’aide professionnelle.  Toutefois, malgré la disponibilité d’un professionnel, il n’a pas le support nécessaire pour s’engager dans une telle démarche.

[22]  La position de sa mère est claire : il doit pouvoir décider et ne doit pas être contraint à quoi que ce soit en ce qui concerne son père.  Ultimement, elle n’est pas d’accord avec la reprise contact. [sic] X en est parfaitement conscient.

[23]  À 12 ans, X est très articulé, grand et fort.  Malgré cela, il n’a pas la maturité requise pour décider de ce qui doit prévaloir pour assurer sa sécurité et son développement.  Quoi qu’en pense sa mère, une telle décision appartient aux adultes de qui il dépend ou au Tribunal, le cas échéant.

[24]  Or il dépend entièrement de sa mère, pour tous les aspects de sa vie.  La preuve ne démontre pas qu’il soit avisé, ni même souhaitable, qu’il en soit éloigné pour prioriser la mise en place d’une thérapie père-fils

[25]  Ainsi, le besoin d’aide de X à cet égard ne peut être comblé puisque, le contexte actuel n’offre aucune garantie qu’une telle démarche soit effectuée dans un cadre sécuritaire pour son développement.

[26]  Dans les circonstances, contraindre X à participer à une thérapie contre son gré et sans l’avale [sic] de sa mère, n’est pas dans son intérêt.

[27]  Toutefois, les autorités de la protection de la jeunesse disposent de moyens différents qui pourraient offrir à X un contexte plus sécuritaire.  Le Tribunal communiquera donc le présent jugement et celui du 17 février 2014 à cette autorité.  La DPJ pourra ainsi évaluer la pertinence d’intervenir et de proposer, voire imposer, une intervention encadrée, le cas échéant.

[Soulignements du Tribunal]

1.3       Demandes des parties

[29]        Par sa requête déposée le 12 décembre 2014, Madame demande que la pension soit ajustée en fonction des revenus de Monsieur rétroactivement au dernier jugement, soit le 28 mars 2013, et majorée parce que Monsieur n’exerce aucun droit d’accès.  Elle requiert également qu'il paie les frais particuliers reliés :

-        aux sports (natation, base-ball, hockey, tennis);

-        à l’école primaire (fournitures scolaires, frais de garde le midi et sorties scolaires);

-        à la santé (dentiste, frais d’assurance);

-        à l’école secondaire privée (frais scolaires, d’uniformes, d’activités, transport, carte Opus, ordinateur).

[30]        Monsieur indique qu’il n’a pas les moyens financiers d’assumer plus de 1 500 $ par année en frais particuliers, en sus de la pension alimentaire.

[31]        En date du jugement, Monsieur paie une pension alimentaire de 400 $ par mois.

[32]        Le 13 janvier 2015, il dépose sa propre requête afin de faire modifier la pension alimentaire étant donné la diminution substantielle de ses revenus.

2.      QUESTIONS EN LITIGE

Ø   Déterminer la pension alimentaire.

Ø   Déterminer quels sont les frais particuliers que doit assumer Monsieur.

3.      ANALYSE

3.1       La pension alimentaire

3.1.1           Les revenus des parties

·              Madame

[33]        Madame est âgée de 54 ans et est avocate inscrite au Tableau de l'Ordre depuis 2006.  Elle est maintenant travailleuse autonome et obtient quelques mandats de l'aide juridique.

[34]        Ses revenus sont modestes.

[35]        En 2013, elle gagne un revenu total de 7 181 $[3].

[36]        En 2014, son revenu total est de 12 282,50 $[4].

[37]        Elle détient un permis de courtier immobilier qu'elle a dû suspendre en 2013 faute d'argent pour acquitter les différentes cotisations professionnelles obligatoires.

[38]        Les revenus de Madame ne sont pas contestés.

·              Monsieur

[39]        Monsieur est âgé de 69 ans et retraité de sa carrière de représentant pharma­ceutique.  Il a maintenant une carrière d'agent immobilier.  Depuis juillet 2013, il est affilié à l'Agence A (« [agence A] »).  Auparavant, il était affilié à l'agence B.  Son bureau est situé à sa résidence.

[40]        Ses revenus pour 2013 sont de 62 261,03 $ dont environ 37 000 $ proviennent des revenus bruts qui lui ont été attribués en raison du retrait de son FRV à la suite de la saisie pour exécuter le jugement de la juge Boreinstein.  Il voudrait aujourd'hui que le Tribunal en tienne compte afin de diminuer ses revenus de 2013.  Madame s’y oppose.

[41]        Le Tribunal n’est pas d’accord avec Madame. 

[42]        Une somme a été prélevée du FRV de Monsieur et a été versée à Madame uniquement pour acquitter des arrérages dus en raison du jugement de la juge Borenstein.  Ajouter cette somme aux revenus de Monsieur aux fins de la pension alimentaire serait inéquitable et une double ponction pour Monsieur.  Si Monsieur avait utilisé ses économies pour payer ces arrérages, il n’aurait jamais été question de lui ajouter un revenu équivalent aux économies ainsi utilisées.

[43]        Il ne s'agit pas d'une somme provenant d'un REÉR ou même d'un FRV qui est utilisée par Monsieur pour subvenir à ses besoins.

[44]        En 2013, Monsieur retire un revenu de 12 575 $ à titre de courtier immobilier.  Les autres revenus de Monsieur proviennent de différents fonds de retraite et se chiffrent à environ 26 360 $[5]

[45]        Dans sa déclaration fiscale de revenu, Monsieur déclare des dépenses d’entre­prise de 14 749 $ dont 3 895 $ à titre de cotisations professionnelles nécessaires à son métier de courtier immobilier et 3 420 $ pour les coûts d’affiliation [à l’agence B].  Les autres dépenses sont, entre autres, l’Internet, les frais de bureau et de fournitures, les dépenses d’automobile (1 521 $).

[46]        La Cour d’appel reconnaît dans l’arrêt Droit de la famille - 07382[6]que certaines dépenses d’entreprise admissibles au niveau fiscal ne doivent pas être déduites du revenu pour établir la pension alimentaire puisque ce ne sont pas de véritables dépenses engagées pour gagner un revenu.

[47]        Étant donné que Monsieur a son bureau à son domicile, le Tribunal ne retient comme dépenses à déduire de son revenu que celles reliées aux cotisations profes­sionnelles, [l’agence B] et l’automobile, soit une somme totale de  8 836 $[7].

[48]        Pour 2013, le Tribunal établit le revenu de Monsieur à 30 099 $[8].  À l’époque, il utilise probablement ses économies pour combler l’écart entre ses revenus et ses dépenses qui, comme indiqué plus loin, sont d’au minimum 30 000 $ par année.

[49]        En 2014, Monsieur ne touche aucune commission à titre de courtier immobilier, mais indique dans sa déclaration fiscale de revenu des dépenses d’entreprise d’environ 10 000 $.  Ses seuls revenus proviennent des différents fonds de retraite et se chiffrent à environ 26 360 $[9].

[50]        À l’audience, Monsieur admet des revenus de 19 431 $ en 2014 bien que l’Avis de cotisation indique 16 228,15 $ de revenu[10].  Monsieur accepte de ne pas tenir compte de certaines dépenses d’entreprise[11].  Cette somme de 19 431 $ n’apparaît pas raisonnable aux yeux du Tribunal.

[51]        Selon sa déclaration fiscale de revenu de 2014[12], Monsieur déduit 10 129 $ à titre de dépenses d’entreprise dont 4 063 $ pour des cotisations professionnelles nécessaires à son métier de courtier immobilier.  Les autres dépenses sont pour l’Inter­net, les frais de bureau, fournitures, téléphone, messagerie.  Il indique une dépense de 1 285 $ pour l'utilisation du véhicule automobile.

[52]        Le Tribunal considère que seules les dépenses pour l’automobile et les coti­sations professionnelles doivent être déduites comme dépenses d’entreprise aux fins de fixer la pension alimentaire étant donné que son bureau est à la maison et que ces revenus d'entreprise sont faibles.  Ces déductions représentent 5 348 $.

[53]        Pour 2014, le Tribunal détermine que le revenu de Monsieur est de 21 012 $[13].

[54]        Pour 2015, Monsieur a gagné une commission de 776,08 $[14]

[55]        Il entrevoit recevoir trois autres commissions pour cette année totalisant environ 15 000 $.  Les transactions sont identifiées par Monsieur qui affirme qu'il ne reste qu'à finaliser le tout devant le notaire. 

[56]        La preuve démontre que Monsieur a très peu d'inscriptions de résidence à vendre.

[57]        Madame soutient que Monsieur a plus de revenus qu’il ne le prétend.  La preuve démontre que Monsieur a un revenu brut de 26 300 $, mais a des dépenses minimales de 30 000 $[15].  Cette somme de dépenses ne tient même pas compte des cotisations professionnelles obligatoires pour être courtier et affilié à [l’agence A], soit environ 4 000 $.

[58]        Monsieur indique qu'il a réussi à vivre jusqu'à ce jour avec ses revenus et les économies qu'il garde chez lui.  Son compte de banque a un solde de 2 000$.

[59]        Pour 2015, le Tribunal n’hésite pas à ajouter aux revenus anticipés par Monsieur une somme de 15 000 $, soit l’équivalent des commissions potentielles.  D'ailleurs, dans ses plaidoiries écrites, Monsieur admet qu'il faut tenir compte des commissions à venir de 15 000 $.  Il ajoute qu'il faut cependant déduire 7 000 $ pour ses dépenses d'entreprise.  Le Tribunal considère qu'il faut plutôt déduire 4 500 $ pour tenir compte de ses cotisations professionnelles obligatoires et l’utilisation de son véhicule pour le travail.  Les dépenses pour le véhicule moteur sont réduites à 500 $ étant donné que Monsieur a très peu d’inscriptions donc très peu d'activités.  Pour 2015, le revenu de Monsieur aux fins du calcul de la pension alimentaire est fixé à 37 636 $[16]

[60]        Le Tribunal ne peut établir un revenu plus élevé pour Monsieur sans verser dans l'arbitraire. 

[61]        Le Tribunal considère que les revenus de Madame pour 2015 sont au même montant que ceux de 2014, soit 12 282,50 $.

[62]        Madame et Monsieur demandent que la pension alimentaire soit rétroactive au mois de mars 2013.

[63]        Le Tribunal considère qu'une telle rétroactivité si elle était accordée et ce sur quoi le Tribunal ne se prononce pas, entraînerait pour Madame de devoir rembourser une partie des sommes déjà versées par Monsieur étant donné la baisse du revenu de Monsieur en 2013 et 2014[17].  Inutile de s'étendre longuement sur le fait que ces sommes ont déjà été dépensées par Madame afin de subvenir aux besoins de son fils.  De plus, Monsieur n'indique pas les raisons pour lesquelles il a tardé à déposer sa demande pour réviser la pension alimentaire.

[64]        Le Tribunal fixe la pension alimentaire à compter du 1er janvier 2015, soit une date qui est située entre la date du dépôt des procédures de Madame (12 décembre 2014) et celles de Monsieur (13 janvier 2015).

[65]        La pension alimentaire pour X établie selon les lignes directrices est de 402,26 $ par mois.

3.1.2           La demande de majoration de la pension alimentaire

[66]        Madame demande une majoration de 20 % de la pension alimentaire parce que Monsieur n’exerce aucun droit d’accès.

[67]        L'article 587.2 du Code civil du Québec permet au Tribunal d'exercer sa discré­tion pour majorer une pension alimentaire afin de compenser le parent gardien qui éprouve des difficultés excessives.

[68]        Bien que la Juge Therrien n'est pas conclu à aliénation parentale de la part de Madame, elle indique clairement dans le passage cité précédemment de son jugement, que Madame est un frein ou, à tout le moins, elle n’encourage pas X à voir son père ni même à entreprendre une thérapie père-fils. 

[69]        Le Tribunal considère que majorer la pension alimentaire dans ces circons­tances, serait un signal donné à Madame qu’elle peut continuer d’agir ainsi et d'exclure Monsieur alors que la juge Therrien et les experts qu’elle a entendus sont d’avis qu’une reprise de contact devrait être encouragée et ce, dans l'intérêt de X[18].

[70]        Par conséquent, le Tribunal refuse de majorer la pension alimentaire.

3.2       Les frais particuliers que doit assumer Monsieur

3.2.1           Le droit

[71]        La pension alimentaire couvre les besoins de base que sont l’alimentation, le logement, les communications, l’entretien ménager, les soins personnels, l’habillement, l’ameublement, le transport et les loisirs.  Doivent être ajoutés les frais de garde, d’études postsecondaires et les frais particuliers[19], le cas échéant.

[72]        Les frais particuliers sont les frais qui ne sont pas couverts par les besoins de base ou encore le coût de ceux-ci qui excèdent ce qui est normalement consacré dans un budget pour de tels besoins de base.

[73]        L'article 9 du Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants[20] (« Règlement ») prévoit quelles sont les dépenses qui peuvent se qualifier de frais particuliers.  Il s'agit notamment des frais médicaux, d'école privée et d'activités para­scolaires.

[74]         Ils doivent être convenus entre les parties.  Un parent ne peut pas de son propre chef, engager des dépenses à titre de frais particuliers, qui souvent sont importantes, et ensuite demander à l'autre parent d'en rembourser une partie.  L'autorité parentale continue de s'exercer à deux malgré la séparation ou le divorce.

[75]        Lorsque les parents ne s'entendent pas sur la nécessité de certains frais parti­culiers, le Tribunal ne les accordera que s’ils satisfont le double critère de la capacité de payer des parents et des besoins particuliers des enfants[21].

[76]        La Cour d'appel résume ainsi cette double limite :

Les articles 587.1, alinéa 2 C.c.Q. et l'article 9 du Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfant imposent une double limite à l'admissibilité des frais particuliers; en premier lieu, ils doivent être raisonnables eu égard aux besoins et aux facultés des parents et, en deuxième lieu, ils doivent être liés aux besoins dictés par la situation particulière de l'enfant[22].

3.2.2           Les frais réclamés par Madame

[77]        X fréquente l’école publique depuis la quatrième année, car comme l'a établi la juge Corriveau, ses parents n’ont plus les moyens de payer pour l’école privée primaire qu’il fréquente.

[78]        Il est affecté par ce changement, car il perd ses amis et ses professeurs qui sont des modèles pour lui.

[79]        Madame choisit de déménager à Ville A en raison des bonnes écoles dans ce secteur et un service de loisirs avec une offre diversifiée.

[80]        Ainsi depuis 2013, X fait partie de l’équipe de hockey et de base-ball de la Ville.  Il suit des cours de natation depuis quelques années et il a commencé le tennis en 2014.

[81]        L’été, X ne peut être laissé seul à la maison étant donné son âge.  Il fréquente entre autres le camp de jour du [centre A].  Madame témoigne que les frais de ce camp de jour ne sont pas plus élevés que le camp de jour municipal, soit 200 $ par semaine.  Cependant le camp du [centre A] comprend les frais de garde contrairement au camp de jour de la ville.  Madame évalue ces frais de garde à environ 25 $ par semaine.

[82]        À l’été 2014, il va également dans un camp de vacances pendant une semaine.  Sa mère bénéficie d’une subvention et le coût pour la semaine est d’environ 300 $.

[83]        Madame réclame que Monsieur paie les frais particuliers[23] suivants : 

-        base-ball : 171 $[24];

-        deux semaines de camp de jour à l’été 2014, soit pour un camp de hockey et de sciences au [centre A] : 728,48 $[25];

-        fournitures scolaires : 100 $[26];

-        matériel scolaire et activités obligatoires : 250 $[27];

-        une activité parascolaire au Biodôme : 354 $[28].  Cette activité était liée au profil sciences dans lequel X est inscrit;

-        frais de surveillance et de garde pour les repas du midi : 776,03 $[29];

-        frais pour les cours de tennis : 120 $[30];

-        frais d’inscription pour la saison de hockey 2014-2015 dans une ligue municipale : 360 $[31];

-        frais pour la location et l’achat d’équipement de hockey pour la saison 2014-2015 : 271 $[32];

-        frais pour l’inscription à un tournoi de hockey : 50$[33];

-        frais pour la location d’un véhicule ou de taxi pour se rendre aux diffé­rents arénas pour la pratique du hockey pour la saison 2014-2015 : 200 $;

-        frais pour les visites chez le dentiste  et nettoyage des dents : 200 $;

-        frais pour la préparation des examens d'admission dans trois collèges privés : 200 $;

-        frais d'inscription au Collège A : 200 $.

[84]        Pour l’année 2015, Madame réclame les frais suivants lesquels comprennent des sommes déjà déboursées et d'autres à venir :

-        frais de garde pour le repas du midi : 312 $;

-        frais pour l’inscription au camp de jour au [centre A] : 2 025 $[34];

-        carte Opus pour 12 mois : 283,50 $[35];

-        plan d’assurance médicale obligatoire individuel et monoparental de base à venir : 360 $;

-        deux visites annuelles chez le dentiste : 350 $;

-        inscription à la session de printemps 2015 de base-ball : 111 $;

-        cours de natation Croix-Rouge à venir : 80 $[36];

-        inscription de la saison 2015-2016 de la ligue de hockey mineure municipale à venir : 360 $;

-        location et l’achat d’équipement de hockey à venir : 400 $;

-        inscription à deux tournois de hockey à venir : 100 $;

-        achat d’un iPad avec les logiciels nécessaires à venir, soit au minimum 400 $;

-        frais pour le collège privé pour 2015-2016[37] à venir, soit un minimum de 5 000 $ pour une année scolaire complète;

-        frais pour le titre de transport en commun Opus: 283,50 $;

-        frais pour couvrir la différence entre une couverture d'assurance santé familiale et individuelle : 360 $.

[85]        Madame reconnaît que Monsieur lui a déjà versé à titre intérimaire la somme totale de 1 700 $ en décembre 2014 et janvier 2015.  Cette somme devra donc être déduite de toute ordonnance à l'égard des frais particuliers.

[86]        Monsieur soutient ne pas avoir les moyens de payer plus de 1 500 $ par année pour les frais particuliers.

[87]        En 2011, Monsieur vend son condominium pour bénéficier de liquidités.  Il a, dit-il, dépensé tout les profits de cette vente.

[88]        En contre-interrogatoire, il confirme que, depuis le jugement de la juge Boreinstein, son niveau d'endettement a augmenté simplement parce qu'il a décidé de faire les paiements minimums requis par ces différents créanciers. alors qu'il aurait pu acquitter ces dettes facilement en 2013 ou même avant.  Il confirme que les dettes de ses cartes et marge de crédit sont les mêmes qu’à l’époque du jugement de la juge Borenstein.  Monsieur n'a donc pas eu à emprunter pour subvenir à ses besoins jusqu'ici. 

[89]        L’attitude de Monsieur face à ces dettes est, aux yeux du Tribunal, totalement irresponsable et le Tribunal ne tiendra pas compte du niveau d'endettement volontaire de Monsieur à l'égard du paiement des frais particuliers.  La juge Borensein a aussi noté cet endettement volontaire de Monsieur[38].

3.2.2.1        Les frais scolaires

[90]        Monsieur n’a pas à rembourser les frais pour les fournitures et le matériel scolaires.  Ils sont inclus dans les besoins de base.  Seul le coût de l’activité parascolaire au Biodôme reliée au profil dans lequel X est inscrit doit être considéré comme un frais particulier. 

[91]        Ces frais s'élèvent à 354 $ pour 2014.

3.2.2.2        Le coût de l'assurance santé

[92]        Il s’agit du coût de l’assurance collective du Barreau.  Ces frais sont admissibles à titre de frais particuliers et comme ils seront récurrents pour plusieurs années, ils seront ajoutés à la pension alimentaire, soit 360 $[39] par année à compter du 1er août 2015.

[93]        À compter du 1er août 2015, la pension alimentaire sera donc de 430,16 $ par mois.

[94]        Le Tribunal accorde à Madame cette somme même si elle ne l'a pas encore déboursée faute de moyen, étant donné l'attitude de Monsieur à l'égard des sommes qu'il doit à Madame.  Rappelons qu’il a, par exemple, préféré retirer l'argent de son compte de banque plutôt que de payer à Madame les sommes accordées par le jugement de la juge Boreinstein,  forçant Madame à procéder par une saisie exécution.  De plus, en raison du non-paiement des frais de garde de l'école par Monsieur, X a été exclu des activités scolaires dont la classe neige.  Madame devra cependant fournie à Monsieur une copie de la facture pour ces frais avant le 1er août 2015.

3.2.2.3        Le coût du titre de transport Opus

[95]         Ce sont des frais inclus dans les neuf besoins de base couverts par la pension alimentaire[40].  Ils ne sont donc pas accordés à titre de frais particuliers.

3.2.2.4        Les activités sportives

[96]        Les activités de loisirs sont incluses dans les besoins de base.  Cependant, si leur coût excède ce qui est normalement consacré par une famille pour de telles activités, l’excédant pourrait être considéré comme frais particuliers.

[97]        La Cour d’appel[41] a déterminé en se basant sur les données de Statistique Canada, qu’environ 5 % du budget familial est consacré aux loisirs et vacances. 

[98]        Les frais reliés aux loisirs et vacances qui excèdent le revenu familial disponible, tel qu’établi par les lignes directrices, peuvent donc être considérés comme des frais particuliers si, par ailleurs, ils respectent le test à deux volets mentionnés précédem­ment, soit la capacité de payer et les besoins de l’enfant.

[99]        En 2014 et 2015, la contribution alimentaire parentale de base selon le formulaire de calcul de pension alimentaire, est d’environ 5 000 $.  5 % de cette somme donne 250 $.  Les frais réclamés par Madame pour le base-ball, le hockey et les cours de natation dépassent cette somme.  À titre d’exemple, pour 2014, ils représentent 1 052 $.

[100]     Monsieur a, par le passé, assumé les frais pour le hockey, le base-ball, la nata­tion en raison du jugement de la juge Borenstein. 

[101]     Madame essaie de réduire les coûts en louant l’équipement.  De plus, elle l’inscrit dans des ligues municipales et non pas dans des ligues compétitives. 

[102]     Il s’agit d’activités importantes pour X où celui-ci se valorise et lui permettent de rencontrer d’autres jeunes et adultes mis à part sa mère.

[103]     Le Tribunal considère que malgré les revenus limités des parties, il faut encourager X, un enfant de près de douze ans, à continuer la pratique d’activités sportives. Ces activités ne peuvent qu'être bénéfiques pour lui.

[104]     Quant au tennis, Madame, indique que X a pratiqué cette activité pendant une seule saison (automne 2014), et ce, même si la juge Borenstein a accordé le remboursement des frais reliés au tennis en 2013.  Le Tribunal considère que Monsieur n’a pas à payer pour le tennis étant donné la situation financière des parties.

[105]     De plus, X pourra pratiquer un sport l’été (base-ball) et un sport l’hiver (hockey) en plus de suivre ses cours de natation.

[106]     Le Tribunal ordonnera donc à Monsieur de rembourser à Madame les sommes réclamées pour la natation, le base-ball et le hockey qui excèdent 250 $.  Ce sont des frais pour les besoins particuliers de X et ils sont à la limite du raisonnable.  Le tribunal exclue de ces frais le coût du transport que Madame évalue à 200 $[42] et qu'elle réclame pour 2014 car il n'y a aucune facture et le transport est inclus dans les besoins de base couvert par la pension alimentaire. 

[107]     Madame devra cependant fournir les factures à Monsieur pour ces activités pour l'année 2015 et pour la saison de hockey 2015-2016. 

[108]     Étant donné la proportion des revenus de chacun (95 % pour Monsieur), Monsieur devra assumer le montant total.  Ainsi, pour 2014, Monsieur devra rem­bourser la somme de 602 $[43] et pour 2015, la somme de 801 $[44].

3.2.2.5        Frais de garde, camp de jour et camp de vacances

[109]     Les frais de garde le midi doivent être assumés par Monsieur puisque ce sont des frais qui permettent à Madame de gagner un revenu selon l'article 9 du Règlement.  Il s’agit d’une somme de 776,03 $ pour 2014 et 312 $ pour 2015.

[110]     Les camps de jour son également essentiels pour permettre à Madame de gagner un revenu et leurs frais doivent être assumés par Monsieur dans la mesure où ils sont raisonnables.  Le Tribunal considère aussi que ces frais sont temporaires car X grandira et d'ici quelques années ils ne seront plus nécessaires.

[111]     Selon la réclamation de Madame, les frais pour deux semaines de camp de jour sont de 728,48 $[45].  Ces frais comprennent le coût pour le camp de sport d’une semaine de 360 $, le camp de sciences d’une semaine de 265 $ et deux semaines de repas, soit 90 $, le tout avant taxes.

[112]     Les camps de jour choisis par Madame sont plus chers que le coût du camp de jour de la municipalité qu'elle évalue à 200 $ par semaine plus les frais de garde (environ 25 $ par semaine) et les taxes, sans les repas. 

[113]     D'ailleurs, dans le jugement de la juge Boreinstein, le coût du camp de jour prévu était d’environ 200 $ par semaine. 

[114]     Le Tribunal accordera donc une somme de 260 $ par semaine pour tenir compte des frais de garde et des taxes[46].  Si Madame choisi des camps de jour plus chers que cette somme, elle devra assumer la différence.

[115]     Il est certain que les camps de jour organisés par le [centre A] ou l'École A sont très intéressants.  Cependant, les moyens des parties sont loin d'être illimités.  Même si le Tribunal attribue un revenu à Monsieur de 37 636 $ pour 2015, il est le seul à contribuer à ces frais étant donné les faibles revenus de Madame et il doit aussi assumer la pension alimentaire.

[116]     Pour l’été 2014, Monsieur devra donc rembourser 520 $.

[117]     Pour l'été 2015, Madame réclame des frais de 2 025 $[47] pour le camp de jour du [centre A].  Il n'est pas clair si cette somme inclue les taxes.  La période de vacances scolaires estivales comprend environ huit semaines.  Si le camp coûte 260 $ incluant les taxes par semaine, ce qui est le coût du camp de jour municipal, selon Madame, le total pour l'été serait d'environ 2 080 $ incluant les taxes.  Le Tribunal accorde donc cette somme.  Si Madame choisit d’envoyer X dans un camp de jour, qui est plus cher, elle devra assumer la différence.

[118]     Le Tribunal accorde à Madame cette somme même si elle ne l'a pas encore déboursée, étant donné l'attitude de Monsieur à l'égard des sommes qu'il doit à Madame à titre d’aliments pour son fils, comme mentionné précédemment.  Elle devra cependant fournir une copie de la facture à Monsieur

[119]     Le Tribunal croit que le camp de vacances A de 300 $ pour une semaine doit également être accordé dans la mesure où Madame y envoie X.  En effet, cette somme n’est pas réclamée dans les procédures de Madame, elle est demandée lors des plaidoiries.  Cette activité est à peine plus chère qu'une semaine de camp de jour considérant qu’il y est logé, nourri.  Madame devra cependant fournir à Monsieur une copie de la facture, le cas échéant.  Si X fréquente ce camp de vacances pendant une semaine, le montant que Monsieur devra payer sera d’un maximum de 40 $ étant donné qu’il paie déjà 260 $ par semaine pour le camp de jour[48].

3.2.2.6        Dentiste

[120]     La jurisprudence reconnaît que les frais de visite annuelle chez le dentiste sont inclus dans les besoins de base couverts par la pension alimentaire[49].  La réclamation de Madame à cet égard concerne des frais annuels.  Ceux-ci sont donc déjà inclus dans la pension alimentaire et ne constituent pas des frais particuliers.

3.2.2.7        L'école privée

[121]     Quant aux frais pour l’école privée, la règle est la même que pour tous les frais particuliers.  Non seulement ces frais doivent être raisonnables considérant les revenus des parties, mais la jurisprudence énonce clairement que l'enfant doit avoir des besoins particuliers que l'école publique ne comble pas[50].  Ils sont souvent refusés malgré l'avantage que peuvent voir certains parents que leur enfant fréquente une école privée. 

[122]     La Cour d'appel dans l'arrêt Droit de la famille - 3613[51] résume comme suit le double critère applicable aux frais d'une école privée :

En l’espèce, l’appelant gagne 35 000 $ par année et son ex-épouse, 12 000 $. La pension alimentaire représente un débours hebdomadaire net de 104,27 $, ce qui lui laisse 298 $ par semaine. Les frais particuliers, s’ils sont alloués, signifient une réduction du revenu net de l’appelant à 246,56 $ par semaine. En somme, si l’appelant doit payer les frais de scolarité de son fils, il devra débourser 52 $ net par semaine, une augmentation de l’aide alimentaire de l’ordre de 50%. À mon sens, et avec égards pour l’opinion de la juge, cette hausse est déraisonnable. Les parents n’ont manifestement pas les moyens de faire bénéficier le fils J… de cet avantage à moins que la situation de l’enfant soit si particulière ou spéciale que l’on doive l’exclure du programme régulier, universel et gratuit offert par la société. Or, cet enfant ne présente aucun problème spécial, du moins la preuve n’en démontre aucun. Sa situation est celle de tous les adolescents de son âge. Certes, lui permettre la fréquentation d’une école privée peut constituer un bénéfice. Il doit cependant s’évaluer en fonction de la capacité du débiteur, ici le père, qui assume déjà 90% de l’aide alimentaire.

[123]     L'arrêt C.G. c. M.L.[52]est au même effet :

[9]    Ainsi, non seulement la capacité de payer du débiteur est prise en compte mais aussi, de manière conjonctive, la situation particulière de l'enfant en ce sens que les frais particuliers doivent être liés aux besoins dictés par la situation particulière de l'enfant.  Dans le cas d'une école prive, on doit démontrer que la situation de l'enfant est si particulière ou spéciale qu'elle justifie de "l'exclure du programme régulier universel gratuit offert par la société".

[Références omises]

[124]     Dans l’arrêt Droit de la famille - 3199[53], la Cour d’appel refuse d’accorder comme frais particuliers les coûts de l’école privée parce que les parties n’en avaient pas les moyens.  Ces coûts représentaient 10 % de leur revenu net disponible.

[125]     La procureure à l’enfant a clairement énoncé que X veut fréquenter le Collège A où il a été accepté.  Il est fier d’y avoir été accepté.  Beaucoup de ses amis fréquenteront cette institution scolaire, il ne veut pas aller à l’école de quartier, car il croit qu’il y a beaucoup de drogues et il voit que les enfants qui en reviennent n’ont pas l’air heureux.  Il comprend qu’il pourra également y pratiquer plusieurs sports et il apprécie aussi l’heure obligatoire de devoirs après les cours.

[126]     Madame croit également que c’est ce qu’il y a de mieux pour son enfant, car il a besoin d’un encadrement strict et de professeurs exigeants pour maximiser son potentiel.  L'heure de devoir après les classes la rassure, car son fils ne sera pas de retour à la maison trop longtemps avant qu'elle n'y soit.  De plus, son fils pourra pra­tiquer plusieurs sports.

[127]     Elle indique qu'il est probablement trop tard pour inscrire X dans un des programmes spécialisés de l'école de quartier.  Elle devait débourser 200 $ pour cette inscription et ne l'a pas fait, car elle n'en avait pas les moyens.

[128]     Monsieur reconnaît que l’école privée serait la meilleure solution, mais soutient ne pas avoir les moyens.  D'ailleurs, Madame ne l'a pas consulté avant d'inscrire X au Collège A.

[129]     La preuve n'a pas démontré que X a des problèmes à l'école publique de quartier qu'il fréquente depuis la quatrième année ou qu’il a des besoins particuliers au niveau de son parcours scolaire.  Madame justifie sa demande par le fait que plus X est encadré, plus le professeur est exigeant, mieux il réussi.  Comme plusieurs parents, Madame croit que l'école privée offrira à son fils un meilleur encadrement ce qui facilitera sa réussite scolaire.  Le Tribunal ne croit pas qu’il s’agisse d’une situation particulière.  De plus, l’école publique n’est pas un gage d’échec et l’école privée un gage de réussite.

[130]       Le Tribunal considère que la preuve ne démontre pas « que la situation de l'enfant est si particulière ou spéciale qu'elle justifie de l'exclure du programme régulier universel gratuit offert par la société »[54].

[131]     De toute façon, les frais reliés à l’école privée sont trop élevés pour les moyens des parties.

[132]     En effet, les frais annuels pour cette école sont d’environ 3 856 $[55].  Madame estime les frais pour l’uniforme[56] à 1 321 $ par année.  Ce sont là, les frais minimums basés sur les coûts de l'année 2014-2015 alors que X fréquenterait cette école en 2015-2016.  De plus, ces frais ne comprennent aucune activité parascolaire, ni les fournitures scolaires ou le repas du midi.

[133]     Si on ajoute à ces frais minimums de 5 200 $, la pension alimentaire de 5 161,92 $ par année, il reste à Monsieur sur un revenu net de 24 463 $[57] une somme de 14 101 $ sans compter les frais particuliers qu’il devra assumer.  Comme mentionné précédemment, Monsieur a des dépenses minimales d’environ 24 000 $ en excluant la pension alimentaire.  Cette démonstration, certes incomplète, met tout de même en lumière que les parties n’ont pas les moyens que X fréquente l’école privée.

[134]     C’est dommage, car X croit qu’il y serait heureux. 

[135]     Il est évident que si Monsieur réussit à gagner un revenu d’appoint dans l’immo­bilier ou que Madame augmente substantiellement ses revenus, la situation pourrait être tout autre. 

[136]     Pour l’instant, le Tribunal ne peut forcer Monsieur à payer ces frais étant donné ses revenus.

[137]     Madame croit que X serait admissible à une bourse.  Toutefois, au jour de l’audience, la demande pour une telle bourse n'est pas encore soumise. 

[138]     Si Madame choisit malgré tout d’y envoyer son fils, c’est son choix et elle devra en assumer seule les coûts, sous réserve d’une augmentation des revenus de Mon­sieur. 

[139]     Les frais pour les examens d’admission et d’inscription à l’école privée et les frais pour la préparation à ces examens sont également refusés.

[140]     Les frais pour une tablette sont aussi refusés, car la preuve ne démontre pas que c'est un outil obligatoire pour l'école publique.

[141]     En conclusion, Monsieur doit rembourser à Madame la somme de 3 745 $.  Cette somme tient compte du montant de 1 700 $ que Monsieur a déjà versé et des montants suivants :

-        354 $ pour l'activité parascolaire au biodôme en 2014;

-        602 $ pour les activités sportives 2014;

-        801 $ pour les activités sportives 2015;

-        776, $ pour les frais de garde 2014;

-        312 $ pour les frais de garde 2015;

-        520 $ incluant les taxes pour les camps de jour, été 2014;

-        2 080 $ incluant les taxes pour les camps de jour, été 2015.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[142]     ACCUEILLE en partie les requêtes de Madame et de Monsieur;

[143]     ORDONNE à Monsieur de payer à Madame une pension alimentaire mensuelle de 402,26 $ au bénéfice de X du 1er janvier 2015 au 31 juillet 2015, et de 430,16 $ à compter du 1er août 2015 en tenant compte des sommes qu’il a déjà versées;

[144]     ORDONNE à Monsieur de payer à Madame la somme de 3 745 $ à titre de frais particuliers dans les 30 jours du présent jugement;

[145]     ORDONNE à Madame de remettre à Monsieur les factures pour le camp de jour, la natation et le base-ball pour 2015, pour le hockey saison 2015-1016 ainsi que pour la couverture d'assurance médicale collective du Barreau du Québec et ce, au plus tard dans les dix jours de leur réception ou du présent jugement selon la première des éventualités à survenir;

[146]     ORDONNE à Monsieur de rembourser à Madame les frais pour la semaine au camp A jusqu’à un maximum de 40 $ plus taxes dans les 10 jours de la réception d’une preuve d’inscription pour l’été 2015; 

[147]     ORDONNE qu’à l’avenir tous les frais particuliers soient partagés entre Monsieur et Madame en proportion du facteur de répartition de leur revenu respectif, incluant les frais pour activités parascolaires de l’école publique que fréquentera X, les frais reliés aux activités sportives de niveau récréatif qui excèdent 5 % de la contribution alimentaire parentale de base comme établie dans le Formulaire de calcul de la pension alimentaire pour enfants, pour le base-ball (en été), cours de natation et hockey (en hiver) (incluant l’inscription, l’équipement, et les tournois) jusqu’à un maximum de 800 $ par année, les frais d’un camp de jour jusqu’à un maximum de 260 $ par semaine incluant les  taxes et les frais de garde et une semaine de camp de vacances jusqu’à un maximum de 300 $ plus taxes, les frais de dentiste, excluant les frais pour la visite annuelle;

[148]     ORDONNE à Madame de remettre mensuellement à Monsieur un état de compte des frais particuliers mentionnés au paragraphe précédent avec les pièces justificatives et ORDONNE à Monsieur de les rembourser dans les 10 jours suivant la réception dudit état de compte;

[149]     ORDONNE à Madame d’obtenir l’accord de Monsieur avant d’encourir des frais particuliers pour X autres que ceux mentionnés au paragraphe 147 du présent jugement et de prévenir Monsieur de l’inscription et des coûts y afférant pour les activités de natation, hockey ou base-ball;

[150]     Dans l’éventualité où X fréquente le Collège A, RÉSERVE le droit de Madame de s’adresser à nouveau au tribunal pour obtenir que Monsieur rembourse à Madame les frais de scolarité et d’uniforme du Collège A, dans l’éventualité où les revenus de Monsieur augmentent et sont suffisants pour qu’il assume ces frais;

[151]     ORDONNE aux parties de s’échanger leur déclaration fiscale de revenus au plus tard le 30 mai de chaque année et leur Avis de cotisation dans les 10 jours de leur réception;

[152]     SANS FRAIS.

 

 

 

__________________________________

Chantal Lamarche, j.c.s.

 

Me Jean-François Rousseau

ROUSSEAU BOYCE

Avocat de la demanderesse

 

Me Bernard Côté

Avocat du défendeur

 

Me Carole Gravel

Avocate de l’enfant

 

Date d’audience :

19 mai 2015

 



[1]     Plusieurs jugements ont été rendus sur les droits d'accès de Monsieur et ce volet du dossier a été scindé du volet des mesures accessoires.  Les derniers jugements sur les droits d’accès ont été rendus par la juge Carole Therrien.

[2]     Droit de la famille - 1515, 2015 QCCS 34.

[3]     Pièce P-23.

[4]     Pièce P-25.

[5]     Étant donné qu’il est impossible à partir de l’Avis de cotisation de ventiler la partie des revenus qui est considérée comme du revenu en raison de la saisie-exécution, le Tribunal utilise les mêmes revenus que pour 2014, soit 6 679,59 $ (Pension sécurité de la vieillesse) + 8 496,52 $ (RRQ) + 9 850,71 $ (autres pensions) + 1 333,33 $ (REÉR) = 26 359,82 $; pièce D-6.

[6]     [2007] QCCA 297; Droit de la famille - 09754, 2009 QCCA 648.

[7]     1 521 $ (auto) + 3 420 $ ([agence B]) + 3 895 $ (cotisations professionnelles).

[8]     26 360 $ (revenu de fonds de retraite) + (12 575 $ (commissions) - 8 836 $ (dépenses d’entreprises)) = 30 099 $.

[9]     Pièce D-6.

[10]    Pièce D-5.

[11]    Pièce D-6.  Ses dépenses d'entreprise aux fins fiscales sont de 10 129 $. 

[12]    Pièce D-6.

[13]    26 360 $ - 5 348 $.

[14]    Pièce P-30.

[15]    Loyer 1 060 $/mois + auto 363 $/mois + assurance auto 75 $/mois + assurance maison 25 $/mois + pension alimentaire 400 $ + épicerie, pharmacie, nettoyeur 500 $/mois = 2 423 $/mois X 12 = 29 076 $.

[16]    26 360 $ provenant de ses différentes rentes et pensions (pièce D-5) + 15 000 $ les commissions qu'il entrevoit recevoir au cours de l'année + 776 $ la commission reçue le 19 janvier 2015 (pièce P - 30) - 4 500 $ (cotisations professionnelles obligatoires et voiture).

[17]    Pour 2013, la juge Borenstein a retenu un revenu de 36 867 $ alors que le Tribunal retient 30 009 $ comme mentionné précédemment.  Pour 2014, le Tribunal retient un revenu de 21 012 $.

[18]    Droit de la famille - 083159, 2008 QCS 5897.

[19]    Art. 3 et 9 du Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, RLRQ, c. C-25, r. 6.

[20]    Préc., Id.

[21]    Art. 587.1 C.c.Q.; Art. 9 du Règlement sur la fixation des pensions alimentaires pour enfants, préc., Id.; C.G. c. M. L., 2006 QCCS 314; N.S. c. S.D., 2003 Can LII 530 (QC CS). 

[22]    Droit de la famille - 3228, [1999] R.J.Q. 1356 (C.A.), p.3.

[23]    Madame ne réclame plus les frais pour les activités parascolaires au montant de 45 $ et de la classe neige au montant de 140 $ étant donné que X n’a pas pu y participer parce que les frais de garde pour le midi n’avaient pas été payés.

[24]    Pièce P-2.  Cette somme couvre le casque et l’inscription.

[25]    Pièce P-3.

[26]    Pièce P-4.

[27]    Pièce P-5.

[28]    Pièce P-6.

[29]    Pièce P-8.

[30]    Pièce P-9.

[31]    Pièce P-10.

[32]    Pièce P-11.

[33]    Pièce P-12. Le montant initial était de 100 $, cependant, X a participé à un seul tournoi.

[34]    Pièce P-17.

[35]    Pièce P-18.

[36]    Pièce P-20.

[37]    Pièce P-21.

[38]    Par. 9 du jugement de la juge Borenstein rendu le 23 mars 2013.

[39]    Pièce P-19; Droit de la famille - 133388, 2013 QCCS 5999; Droit de la famille - 121498, 2012 QCCS 1130.

[40]    Droit de la famille - 121292, 2012 QCCS 2479, par. 42; Droit de la famille - 15598, 2015 QCCS 1201, par. 32; Droit de la famille - 133196, 2013 QCCS 5681, par. 57.

[41]    Droit de la famille - 3228, préc., note 22; Droit de la famille - 121520, 2012 QCCA 1143.

[42]    Selon les procédures de Madame, elle évalue à 200 $ les coûts de location de voiture, de taxis et de covoiturage pour la sison de hockey 2014-2015.

[43]    171 $ + 360 $ + 271 $ + 50 $ - 250 $ = 602 $.

[44]    111 $ + 80 $ + 360 $ + 400 $ + 100 $ - 250 $ = 801 $.

[45]    Pièce P-3.

[46]    225 + 15 % pour tenir compte de la TPS et TVQ = 258.75 $ que le Tribunal arrondi à 260 $.

[47]    Pièce P-17.

[48]    Le Tribunal opère compensation entre le coût d’une semaine de camp de vacances (300 $) et le coût d’une semaine du camp de jour (260 $).

[49]    Droit de la famille -092814, 2009 QCCS 5295, par. 57; Droit de la famille - 10158, 2010 QCCS 298.

[50]    Droit de la famille - 092814, préc., Id.; C.G. c. M.L. préc., note 21; N.S. c. S.D., préc., note 21; Droit de la famillle - 08605, 2008 QCCS 6735; Droit de la famille - 13247, 2013 QCCS 439.

[51]    J.E.2000-1089 (C.A.), par. 13.

[52]    C.G. c. M.L. préc., note 21; Droit de la famille - 3613, préc., Id.

[53]    1998 CanLII 12634 (QC CA).

[54]    C.G. c. M.L., préc., note 21, par 9.

[55]    Pièce P-21; Frais scolaires pour l'année 2014-2015 sont de 2 944 $ + frais d’études 753 $ + location de manuels 105 $. X fréquenterait cette école en 2015-2016.

[56]    Pièce P-32.

[57]    Brut de 37 636 $ avec un taux d’imposition de 35 %.

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