Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Estrie

Sherbrooke, le 21 septembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

122844-05-9908

127984-05-9912

128005-05-9912

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Luce Boudreault

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Carol Wagner

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Guertin

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

107498925

116944430

AUDIENCE TENUE LE :

27 avril 2000

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

7 juin 2000

 

 

 

 

 

 

À :

Sherbrooke

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

DOSSIERS :

122844-05-9908

127984-05-9912

HÉLÈNE LUSSIER

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

BERLINES RCL INC.

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION SCOLAIRE DE LA RÉGION-DE-SHERBROOKE

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL-ESTRIE

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

DOSSIER :

128005-05-9912

HÉLÈNE LUSSIER

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION SCOLAIRE DE LA RÉGION-DE-SHERBROOKE

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL-ESTRIE

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

                                                                                                                    

DÉCISION

 

 

Dossier 122844-05-9908

 

[1]               Le 30 août 1999, madame Hélène Lussier (la travailleuse) dépose une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 27 juillet 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d’une révision administrative.  Cette décision confirme une décision rendue le 30 avril 1999 et conclut que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi habituel d’aide-cuisinière à compter du 4 juin 1999, et ce, suite à la rechute, récidive ou aggravation du 12 juin 1996 (Dossier R-107498925-0001).

 

Dossier 127984-05-9912

[2]               Le 3 décembre 1999, la travailleuse conteste une décision rendue le 30 novembre 1999 par la CSST à la suite d’une révision administrative.  Cette décision confirme en partie cinq décisions rendues par la CSST et conclut que la demande de révision concernant la décision rendue le 30 juillet par la CSST devient nulle et sans effet puisque celle-ci a fait l’objet d’une reconsidération le 8 septembre 1999 (Dossier R-107498925-0002).

[3]               La révision déclare irrecevable la demande de révision de la travailleuse faite à l’encontre de la décision statuant sur l’atteinte permanente à l’intégrité physique puisqu’il s’agirait d’une contestation de l’opinion du médecin traitant (Dossier R-107498925-0003).

[4]               La révision confirme également une autre décision et conclut que la travailleuse est capable d’exercer l’emploi de chauffeur de transport adapté à compter du 2 août 1999 et qu’elle a droit aux indemnités de remplacement du revenu en fonction de l’article 48 de la loi (Dossier R-107498925-0004).

[5]               La révision administrative modifie en partie une décision de la CSST et conclut que la travailleuse a droit aux indemnités de remplacement du revenu jusqu’au 17 août 1999, date où elle a refusé de réintégrer son poste de travail sans raison valable (Dossier R-107498925-0005).

[6]               Finalement, la révision administrative confirme une décision de la CSST et conclut que la travailleuse n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 15 juin 1999 (Dossier R-107498925-0006).

Dossier 128005-05-9912

[7]               Le 6 décembre 1999, la travailleuse conteste une décision rendue le 30 novembre 1999 par la CSST à la suite d’une révision administrative.  Cette décision est à l’effet de refuser la réclamation de la travailleuse pour un accident du travail qui serait survenu le 15 juin 1999 (Dossier R-116944430-0001).

[8]               À l’audience, la travailleuse est présente et représentée, la CSST est représentée et la Commission scolaire l’est également.

 

MOYEN PRÉLIMINAIRE

[9]               Le représentant de la travailleuse soumet que les sept décisions rendues par la CSST et confirmées par la révision administrative sont toutes irrégulières parce qu’elles découlent d’une procédure d’évaluation médicale qui n’a pas été respectée, particulièrement en regard de l’article 205.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).  Il demande donc à la Commission des lésions professionnelles d’annuler toutes les décisions rendues par la CSST et de déclarer que cette dernière était liée par l’opinion du médecin traitant. Il demande également de permettre à la travailleuse de faire évaluer son atteinte permanente et ses limitations fonctionnelles par un médecin de son choix.

 

LES FAITS RELATIFS AU MOYEN PRÉLIMINAIRE

[10]           La Commission des lésions professionnelles a convenu avec les représentants des parties présentes à l’audience de ne statuer que sur le moyen préliminaire soulevé et à cet égard, les faits suivants sont retenus.

[11]           En 1994, la travailleuse était traiteur à son compte, faisait le transport scolaire et travaillait aussi à la cafétéria d’une école à l’heure du midi.  Le 30 mai 1994, elle subit un accident au moment du transport scolaire et commence à être traitée d’abord pour une entorse cervico-dorsale gauche et un spasme du trapèze.  La travailleuse aura des traitements de physiothérapie ainsi que de chiropraxie.

[12]           On parlera ensuite de syndrome facettaire et de compensation myofaciale et la travailleuse est vue en consultation en physiatrie.  Un DIM moyen étagé gauche est retenu comme diagnostic et des infiltrations seront pratiquées.

[13]           La travailleuse tente un retour au travail en mars 1995 mais cesse après une semaine d’essai.  Un syndrome facettaire et un DIM cervical sont diagnostiqués et des infiltrations sont à nouveau pratiquées.

[14]           La travailleuse voit régulièrement son médecin de famille, la Dr Cinq-Mars et la physiothérapie est reprise.

[15]           Le 12 juillet 1995, la lésion de la travailleuse est jugée consolidée avec des limitations fonctionnelles pour une période de six mois, à savoir ne pas conduire de véhicule moteur plus de 30 minutes consécutives.  La travailleuse reprend son travail à la cafétéria de l’école durant toute l’année scolaire 1995-1996.

[16]           Les douleurs étant persistantes, la travailleuse a des manipulations, des blocs facettaires et une infiltration et suite à cette dernière, la travailleuse se plaint d’étourdissements et d’engourdissements aux doigts de la main gauche de même qu’à un orteil de son pied gauche.  La Dr Cinq-Mars suggère un arrêt de travail et la travailleuse produit une réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation le 12 juin 1996, laquelle est acceptée.

[17]           La travailleuse est vue par le Dr Maleki, neurochirurgien, lequel indique qu’il n’y a aucune indication chirurgicale chez cette patiente.

[18]           Le 7 février 1997, la Dr Cinq-Mars note que la travailleuse peut faire une tentative de reprise de son travail à la cuisine à compter du 10 février 1997, mais indique qu’elle ne doit pas reprendre la conduite d’autobus scolaire.

[19]           Le 10 avril 1997, la travailleuse est examinée par le Dr Gilles Lamoureux, chirurgien orthopédiste, à la demande de la CSST.  Il conclut à un diagnostic « status post entorse cervico-dorsale avec cervico-brachialgie gauche » et indique qu’il n’y a aucune indication à l’effet de poursuivre le traitement et émet des limitations fonctionnelles de classe I avec une atteinte permanente de 2 % pour une entorse cervicale avec séquelles fonctionnelles objectivées.

[20]           La CSST soumettra cette expertise à la Dr Cinq-Mars et lui demandera son opinion au sujet de celle-ci.  Le 3 juillet 1997, la Dr Cinq-Mars répond à la CSST et indique ce qui suit :

«D’accord avec la conclusion du Dr Lamoureux.

Patiente      limitée par la douleur

                  limitée par la perte d’amplitude des mouvements du MSG

                  limitée par la diminution (sic) de la force subjective du MSG (difficile à évaluer objectivement en raison de la  douleur provoquée par l’examen).

 

D’accord avec la nature des limitations fonctionnelles

Par contre je suis incapable d’évaluer si le DAP de 2 % est adéquat, n’ayant pas la compétence nécessaire.»

 

 

[21]           Suite à l’avis complémentaire du Dr Lamoureux qui précise que la date de consolidation est le 10 avril 1997, la Dr Cinq-Mars répond à cette conclusion de la façon suivante, le 21 juillet 1997 :

«Je ne peux accepter la date du 10 avril 97 comme date de consolidation (si cela signifie bien la date à laquelle l’état de l’employée subira plus de changement que ce soit amélioration ou détérioration) puisque madame Lussier est actuellement sous les soins d’un orthopédiste (Dr Paran) et en attente d’une résonance magnétique au CUSE Fleurimont demande faite le 2 juillet 97.»

 

 

[22]           Suite au désaccord de la Dr Cinq-Mars, le dossier est acheminé au Bureau d’évaluation médicale et le 7 août 1997, le Dr Henri-Louis Bouchard examine la travailleuse.  Le 11 août suivant, il produit sont avis et il retient le même diagnostic que le Dr Lamoureux, soit celui de syndrome douloureux postcontusion cervicale et à l’épaule gauche (postentorse cervico-dorsale avec cervico-brachialgie gauche) et conclut que la lésion n’est pas consolidée à la date de son examen et que la résonance magnétique pourrait aider à clarifier la situation.

[23]           Suite à une deuxième résonance magnétique faite en décembre 1997, une hernie discale au niveau D6-D7 est démontrée et le Dr Gariépy, neurochirurgien consulté, indique qu’il n’y a pas d’indication chirurgicale et retourne la travailleuse à la Dr Cinq-Mars.  Celle-ci maintient l’arrêt de travail et la travailleuse sera référée en ergothérapie pour un programme de développement des capacités fonctionnelles de travail.

[24]           Le 26 mai 1998, la Dr Cinq-Mars suspend l’ergothérapie de façon momentanée et recommande des traitements d’acupuncture pour soulager les douleurs.

[25]           Le 27 novembre 1998, le programme d’ergothérapie est terminé et le 10 février 1999, le Dr Jacques Gariépy, neurochirurgien, examine la travailleuse à la demande de la CSST.  Après avoir fait l’historique du dossier et l’historique des différents traitements depuis mai 1994, le Dr Gariépy procède à l’examen clinique et émet ensuite son opinion.  Il convient de rapporter celle-ci :

«OPINION :

 

Suite à l’incident du 30 mai 1994, madame Hélène Lussier a présenté une entorse cervicale, entité clinique qui habituellement guérit spontanément en dedans de quelques semaines.  Au contraire, le syndrome douloureux a persisté  et la patiente fut soumise à de la physiothérapie, à des infiltrations facettaires cervicales, à des manipulations à la suite de quoi la lésion fut consolidée sans atteinte permanente ni limitation le 12 juillet 1995.

 

Même si elle présentait un syndrome douloureux résiduel, la patiente a pu travailler comme aide-cuisinière durant l’année académique 1995-1996 dans une école secondaire.  Le médecin physiatre avait recommandé que cette patiente ne conduise pas de véhicule automobile de façon continue plus de 30 minutes.

 

L’année académique se terminant, le 12 juin 1996, le médecin traitant a déclaré rechute et la patiente fut resoumise encore une fois à de la physiothérapie, à des infiltrations facettaires, à des manipulations cervicales, à des traitements de chiropraxie et, enfin à de l’acupuncture de façon exhaustive.

 

Or, si on considère les traitements que cette patiente a reçus, le tableau clinique semble toujours être le même.  D’abord que ce soit la physiothérapie ou des manipulations ou le traitement de chiropraxie, la patiente s’améliore  de façon variable entre 50 et 75 %.

 

Persiste toujours en fin de traitement un syndrome douloureux résiduel.  Du moment que l’on parle ou qu’est fait un essai de retour au travail, la douleur s’exacerbe et la forme de traitement est changée.  C’est de cette façon que la patiente est passée de la physiothérapie, des infiltrations facettaires à la chiropracie et ensuite à l’acupuncture, le tout s’étalant sur une période de plus de 2 ans.  À l’heure actuelle la patiente n’a plus aucun traitement.  Durant cette période de deux ans et demi, furent faites une résonance magnétique de la colonne cervicale et dorsale, de même que tout récemment une myélographie totale de la colonne avec tomographie axiale cervicale et dorsale.

 

Il ressort de tous ces tests que l’investigation au niveau cervical n’a rien révélé de particulier, pas plus qu’au niveau lombaire.  Tout  ce que nous avons réussi à mettre en évidence avec ces examens, c’est la présence d’ostéophytes centro-latéraux gauches en D6-D7 qui ne compriment absolument pas la moelle.

 

Des opinions furent demandées en orthopédie de même qu’en neurochirurgie et, aucun des intervenants n’a jugé que la situation de madame Hélène Lussier ne demandait une intervention chirurgicale.

 

De plus, une évaluation en ergothérapie (ERGONOVA) afin de rechercher l’emploi convenable en fonction des capacités résiduelles de cette patiente, a mené à une situation conflictuelle, puisque l’ergothérapeute avait noté : une endurance et une tolérance très variables face à des activités impliquant l’utilisation des mêmes muscles.  «Depuis notre conversation quant à un retour au travail éventuel, nous remarquons un changement de son niveau de motivation des participations au programme.»  Effectivement madame nous fait part qu’elle croyait effectuer ce programme de développement afin d’être «déclarée invalide comme travailleuse».

 

Or, durant notre entrevue d’aujourd’hui, force est de constater que les paramètres d’irradiation de la douleur chez cette patiente, depuis le début d’ailleurs, retrouvent des trajectoires qui débordent des dermatomes de la physiologie normale.

 

Par exemple, la douleur dorsale au lieu de s’irradier en ceinture, s’irradie vers le haut à la région cervicale et peut même s’irradier tout le long de la colonne au niveau lombaire, pour atteindre ensuite la cuisse, le mollet et même le pied du côté gauche.  Une pression au niveau du vertex amène une recrudescence des douleurs de la patiente au niveau dorsal.

 

La douleur cervico-dorsale a amené dans le passé aussi des engourdissements de tout le bras et aussi de toute la jambe gauche.  Or, nous ne pouvons retrouver ni du point de vue anatomique ni du point de vue physiologique, une explication à de tels engourdissements.

 

Pendant que la patiente relatait ses symptômes subjectifs, elle était assise bien droite devant moi, appuyant son dos sur la chaise, sans que ceci n’exacerbe les douleurs dorsales dont elle se plaignait.  À deux occasions elle s’est levée, fait le tour de sa chaise pour se rasseoir, imputant qu’elle devait bouger pour soulager ses douleurs cervico-dorsales.  À la fin de l’entrevue avant de passer à l’examen, elle se soutenait le menton avec sa main du côté gauche.

 

Or à l’examen, après plus de 4 ans et demi, le simple fait d’effleurer la peau au niveau du muscle trapèze, exacerbait sa douleur.  Le point de «trigger zone» qu’avait noté les autres observateurs en physiatrie, en orthopédie et en neurochirurgie, a été retrouvé et a été dit extrêmement douloureux.  Tous les mouvements passifs ont pu être faits, aussi bien au niveau  du cou qu’au niveau de l’épaule à l’exception de la rotation gauche de la tête où la patiente a posé beaucoup de résistance après 20°.  Or cette rotation vers la gauche devrait amener un soulagement de la douleur chez la patiente, puisque nous diminuions la tension sur la musculature.  Au contraire la rotation du côté  droit amenant un étirement de la musculature cervicale du côté gauche, est restée silencieuse.  Bien plus nous ne pouvons nous expliquer l’apparition de douleurs dorsales, lorsque nous faisons faire la rotation du côté gauche du pivot lombaire.

 

D’autre part, de multiples examinateurs ont été en mesure de constater la normalité de la sensibilité superficielle et profonde chez cette patiente, l’absence de niveau sensitif, l’absence d’hyperréflexie, de clonus d’Hoffman ou de Babinski.

 

Il résulte donc que le syndrome douloureux postcontusion cervicale retenu par le BEM le 11 août 1997 ne retrouve aucune concordance organique en rapport avec une compression médullaire ou radiculaire.

 

La fibromyalgie résiduelle semble être modulée par un manque de motivation à un retour au travail, comme noté par l’ergothérapeute lors de son évaluation chez ERGONOVA.

 

Force aussi est de constater qu’il existe de nombreux signes de Waddell en rapport avec la symptomatologie subjective et l’examen objectif de madame Hélène Lussier.

 

Ou ceci est fait de façon consciente et nous devons parler de «malingering» où il existe un tableau de conversion d’origine psychosomatique qui mériterait d’être évalué en psychiatrie et à la clinique de la douleur.

 

Considérant comme diagnostic celui porté par le BEM, soi celui d’entorse cervico-dorsale et syndrome douloureux postcontusion cervicale, et, considérant les légères limitations de l’épaule du côté gauche en rapport avec son syndrome douloureux, j’établirais l’APIPP à 2 % (203513).

 

Considérant que le syndrome douloureux ne pourra pas être amélioré quoi qu’on fasse, je pense que les restrictions données par le Dr Gilles Lamoureux  en avril 1997 sont tout à fait adéquates, à savoir d’éviter d’accomplir  de façon répétitive ou fréquente les activités  qui impliquent de soulever, de porter, de pousser ou tirer des charges supérieures à 25 kilos, d’éviter  de ramper, d’éviter d’effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale.  Enfin, d’éviter de subir des vibrations de basses fréquences ou des contrecoups à la colonne vertébrale.

 

Je consoliderais la lésion au 10 février 1999.»  (sic)

 

[26]           Quelque temps auparavant, aux notes évolutives du dossier de la CSST, une synthèse du bilan médical faite avec la Dr Cinq-Mars, le 19 janvier 1999, est ainsi rapportée par madame Thérèse Fournier, agente d’indemnisation :

«Le dernier rendez-vous remonte au 18 décembre 1998.  L’examen neurologique est toujours normal.  Dans le but d’éliminer une fois pour toute une pathologie au niveau rachidien, la travailleuse doit passer une nouvelle myélographie demain.  Le docteur Cinq-Mars envisage une consolidation si la myélo est normale.  Elle n’a pas vu les rapports de Ergo-Nova.  Nous allons lui en envoyer une copie par FAX.  Il semble y avoir une discordance entre ce que le rapport mentionne et ce que la travailleuse lui dit.

 

Elle ne fait pas de rapport d’évaluation médicale et ne peut par conséquent se prononcer sur l’atteinte permanente à l’intégrité  physique et sur les limitations fonctionnelles.

 

J’ai avisé le docteur Cinq-Mars que nous irions en expertise en neuro-chirurgie auprès du docteur Gariépy.»

 

[27]           Le 19 avril 1999, madame Fournier communique à nouveau avec la Dr Cinq-Mars et indique, aux notes évolutives, que celle-ci a pris connaissance de l’expertise du Dr Gariépy et qu’elle est d’accord avec ses conclusions. Après avoir reçu copie de cette expertise, la Dr Cinq-Mars, le 28 avril 1999, répond sur un formulaire Rapport complémentaire, que :

«Après étude du rapport d’expertise.  Après discussion avec la patiente, je suis en accord avec les recommandations émises et considère que la consolidation est maintenant effective.»

 

[28]           Suite à la réception du rapport complémentaire de la Dr Cinq-Mars, madame Claire Loubier, conseillère en réadaptation, communique avec la Dr Cinq-Mars et rapporte, aux notes évolutives, la conversation suivante avec la Dr Cinq-Mars :

«Appel fait au Dr Cinq-Mars : Pour elle, il est clair qu’elle est d’accord sur tous les points de l’expertise soit diagnostic, conso, LF et APIPP.  J’ai pris soin d’énumérer tous les points.  Dr Cinq-Mars dit avoir expliqué à Mme Lussier qu’elle ne faisait pas de REM et qu’elle ne pouvait établir LF et APIPP.  Elle s’en remet donc à l’expert.

 

Reçu dossier référé en réadaptation par l’agent.

 

Travailleuse est vue par Dr Gariépy, neurochirurgien (St-Lambert) à la demande de la CSST selon article 204

DX : entorse cervico-dorsale et syndrome douloureux post-contusion cervicale

Conso : 10 février 1999

LF : éviter de soulever des poids de plus de 25 kg, éviter de ramper,

Éviter les mouvements d’amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou torsion de la colonne cervicale, éviter des vibrations ou contrecoups.

L’APIPP est de 2 %

 

Dr Cinq-Mars confirme qu’elle est d’accord avec les conclusions du Dr Gariépy et la CSST est donc liée à ces conclusions.»

 

[29]           La CSST s’estimant donc liée par les conclusions du Dr Gariépy suite aux commentaires de la Dr Cinq-Mars, le dossier ne sera pas acheminé au Bureau d’évaluation médicale et les différentes décisions énumérées précédemment seront rendues en fonction des conclusions d’ordre médical émises.  Concernant une nouvelle lésion ou une rechute en date du 15 juin 1999, il s’agit d’une question pour l’instant non pertinente aux fins de répondre au moyen préliminaire.

 

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[30]           Le représentant de la travailleuse soumet que la procédure d’évaluation médicale qui a été faite suite à l’opinion émise par le Dr Gariépy en vertu de l’article 204 de la loi est irrégulière puisque le médecin traitant n’a pas émis des conclusions étayées en regard du diagnostic, de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles comme le demande l’article 205.1.  Ce rapport complémentaire n’est pas étayé, n’est pas motivé et ne fait pas suite à un examen de la travailleuse, il ne s’agit donc pas d’un rapport de consultation.

[31]           D’autre part, la Dr Cinq-Mars a déjà émis l’opinion, à deux reprises, soit en juillet 1997 et en avril 1999, qu’elle était incapable d’évaluer le déficit anatomo-physiologique parce qu’elle n’avait pas les compétences nécessaires.  La travailleuse avait donc droit au médecin de son choix pour faire évaluer ses séquelles et après cette évaluation, la CSST aurait pu alors soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[32]           Selon les notes évolutives, la Dr Cinq-Mars aurait mentionné au téléphone être d’accord avec les cinq points de l’article 212.  Cependant, depuis février 1998, elle retient le diagnostic de hernie discale D6-D7 de même qu’en janvier et février 1999 et ensuite, en juin 1999.  On ne peut  conclure que celle-ci était d’accord avec le diagnostic du Dr Gariépy.  Ce rapport complémentaire n’est donc pas conforme à l’article 205.1 puisque tous les documents au dossier ne reflètent pas la pathologie que la Dr Cinq-Mars traite et ce qu’elle indique sur ses attestations médicales. La CSST aurait donc dû envoyer le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[33]           Le représentant de la travailleuse soumet une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Castilloux et Entreprise Bon Conseil ltée[2] au soutien de ses prétentions.

[34]           La représentante de la CSST soumet que la validité de l’avis émis par la Dr Cinq-Mars doit s’examiner à la lumière des circonstances particulières du dossier et que l’on ne peut considérer le rapport de la Dr Cinq-Mars comme nul pour vice de forme ou irrégularité.  Elle reprend les notes évolutives au dossier, lesquelles rapportent que la Dr Cinq-Mars a émis son accord en toute connaissance de cause après avoir examiné le rapport du Dr Gariépy et avoir discuté avec sa patiente.  Également, elle réfère aux notes de consultation de la Dr Cinq-Mars à la date du 19 janvier 1999 où celle-ci indique qu’elle avait l’intention de consolider la lésion suite à la tomographie.

[35]           La preuve documentaire démontre donc que la Dr Cinq-Mars a décidé de retenir les conclusions émises par le Dr Gariépy quant aux séquelles résultant de la lésion et cette conclusion a été confirmée verbalement et par écrit, ce qui satisfait aux exigences de l’article 203 de la loi, comme décidé par la Commission des lésions professionnelles dans un dossier semblable.

[36]           Elle soumet également qu’il n’était pas nécessaire que la Dr Cinq-Mars procède à un  nouvel examen physique en avril 1999 puisqu’elle a vu la travailleuse à tous les mois et qu’elle avait une bonne connaissance de son état de santé et qu’elle pouvait donc décider d’examiner ou non la travailleuse avant de donner son accord aux conclusions émises par le Dr Gariépy.

[37]           D’autre part, bien que la Dr Cinq-Mars ait mentionné en 1997 qu’elle estimait ne pas avoir la compétence nécessaire pour évaluer le déficit anatomo physiologique, la représentante de la CSST soumet qu’elle est compétente pour juger de la crédibilité, de la validité et du bien-fondé de l’expertise effectuée par le Dr Gariépy et de ses conclusions.  Il n’y a donc pas lieu de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale vu l’accord complet du médecin ayant charge de la travailleuse avec toutes les conclusions du médecin désigné par la CSST.  Des décisions de la Commission des lésions professionnelles et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles sont jointes à cette argumentation.

[38]           Le représentant de l’employeur, la Commission scolaire, soumet essentiellement le même type d’argumentation tout en ajoutant que selon l’article 224 de la loi, la CSST était liée par l’opinion de la Dr Cinq-Mars qui a fait sienne celle du Dr Gariépy.  Il soumet que la jurisprudence a déterminé que le médecin qui a charge de la travailleuse peut faire sien l’avis d’un autre médecin et il soumet de la jurisprudence à cet effet.

[39]           Le représentant de l’employeur soumet donc que les décisions de la CSST ont été valablement rendues et que la travailleuse ne peut, par le biais de son objection, tenter de contester l’opinion de son propre médecin.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[40]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la preuve dans ce dossier démontre que la Dr Cinq-Mars a émis une opinion éclairée lorsqu’elle a manifesté son accord avec les conclusions du Dr Gariépy et à cet égard, on doit donc conclure que la CSST devenait liée par les conclusions d’ordre médical ainsi retenues.  Les décisions rendues l’ont donc été de façon régulière et la CSST n’avait pas à acheminer le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[41]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la travailleuse aurait dû avoir droit au médecin de son choix, puisque son médecin lui a mentionné qu’elle ne faisait pas de rapport d'évaluation médicale. De plus, les conclusions de la Dr Cinq-Mars ne sont pas étayées et motivées comme le veut l’article 205.1 de la loi et ce qu’elle mentionne n’est pas suffisant pour remplacer les conclusions liantes de l’article 224. Comme dans la décision déposée par le représentant de la travailleuse, la procédure d’évaluation médicale est irrégulière, de même que les décisions de la CSST y faisant suite.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[42]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si, aux fins de rendre les différentes décisions dans ce dossier, la CSST pouvait s’estimer valablement liée par les conclusions émises par le Dr Gariépy dans son expertise de février 1999 et ce, suite à l’accord manifesté par le médecin traitant de la travailleuse quant à ses conclusions d’ordre médical.

[43]           Les différentes dispositions pertinentes de la loi sont, aux fins de la présente affaire, les suivantes :

192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.

________

1985, c. 6, a. 192.

 

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

203. Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui - ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

  le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement;

  la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

  l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

________

1985, c. 6, a. 203.

 

 

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui‑ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé.  Le médecin qui a charge du travailleur informe celui‑ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.

________

1997, c. 27, a. 3.

 

[44]           La jurisprudence soumise et les recherches effectuées par le Tribunal démontrent que lorsqu’un médecin traitant est en accord avec les conclusions d’un professionnel de la santé désigné par la Commission, cette réponse du médecin traitant permet à la CSST de rendre une décision conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi.  Il a donc été jugé, à plusieurs reprises, qu’il n’était pas nécessaire de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale dans un tel cas.  À cet égard, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles s’exprimait ainsi dans l’affaire Grandbois et Atelier Poly-Teck inc. :

«(…)

 

De l’avis de la Commission d’appel, la loi n’exige pas qu’un médecin traitant réponde spécifiquement sur un rapport final et la réponse du docteur Oulianine contenue dans le formulaire Information médicale complémentaire écrite du 31 mars 1994 correspond aux exigences de la loi.

 

La Commission d’appel estime par ailleurs qu’elle en serait arrivée à des conclusions différentes si le médecin traitant de la travailleuse s’était dit en désaccord avec les conclusions du professionnel de la santé désigné par la Commission contenues dans le rapport d’évaluation médicale du 22 février 1994 et que malgré ce désaccord, la Commission avait fondé ses conclusions sur le rapport d’évaluation du docteur Lamoureux.  Dans ces circonstances, la Commission aurait effectivement contourné les dispositions de la loi en ne soumettant pas le dossier de la travailleuse au Bureau d’évaluation médicale.

 

Or, pour les motifs exposés précédemment, le médecin traitant de la travailleuse étant en parfait accord avec les conclusions du professionnel de la santé désigné par la Commission, la réponse du médecin traitant habilitait donc la Commission à rendre une décision conformément aux dispositions de l’article 224 de la loi.

 

(…)»[3]

 

[45]           La décision soumise par le représentant de la travailleuse dans l’affaire Castilloux est intéressante à plusieurs égards, notamment du fait qu’elle conclut que la procédure est irrégulière puisque la CSST n’avait pas acheminé le dossier au Bureau d’évaluation médicale suite à la réponse du médecin traitant sur le Rapport complémentaire quant à son accord avec les conclusions émises par le médecin désigné en vertu de l’article 204.

[46]           Cependant, après avoir examiné attentivement cette décision et examiné les faits particuliers de cette affaire, la Commission des lésions professionnelles estime qu’on ne peut l’appliquer au présent cas et qu’on ne peut non plus en faire une décision de principe applicable à tous les cas.

[47]           En effet, les faits se distinguent de la présente affaire puisque dans l’affaire Castilloux, le travailleur est examiné par le Dr Jacques Bouchard, psychiatre, à la demande de la CSST en vertu de l’article 204.  Après avoir examiné le travailleur, le Dr Bouchard retient le diagnostic de «trouble d’adaptation avec humeur dépressive en rapport avec la douleur et avec les pertes au niveau de l’intégrité physique».  Bien qu’il ne croie pas à une amélioration de cet état dépressif à moins d’un changement dans l’évolution des symptômes physiques, le Dr Bouchard fixe la consolidation en date de son examen, soit le 27 janvier 1997.  Du même souffle cependant, le Dr Bouchard recommande la poursuite de la psychothérapie, la prise d’une médication antidépressive telle que prescrite par le Dr Gauthier (le médecin traitant) et il recommande une approche multidisciplinaire telle que pratiquée dans une clinique de la douleur.  Il conclut cependant qu’il n’y a pas de limitation fonctionnelle au point de vue psychiatrique bien qu’il reconnaisse un déficit anatomo-physiologique.

[48]           La CSST demande au Dr Gauthier, par le biais d’une information médicale complémentaire écrite, de répondre à la question suivante :

«Nous vous soumettons les conclusions du Dr Bouchard les appuyez-vous?»

 

Le Dr Gauthier répond :

«Je suis d’accord avec le Dr Bouchard.  Je vais tenter de référer le patient à une clinique de la douleur avec équipe multidisciplinaire.»

 

 

[49]           Quelques jours plus tard, le Dr Gauthier réfère le travailleur en consultation au Dr Nowakowski, psychiatre, et en l’absence d’une réponse, il le réfère ensuite au Dr Robert Duguay, également psychiatre.

[50]           Suite à la réception de la réponse du Dr Gauthier à l’information médicale complémentaire écrite, la CSST rend une décision concluant que le travailleur est capable de reprendre son emploi convenable.

[51]           La Commission des lésions professionnelles conclura que cette décision est irrégulière puisqu’elle ne respecte pas la procédure d’évaluation médicale.  Cependant, pour appuyer cette conclusion, il faut noter que le Dr Gauthier, médecin traitant, était venu témoigner à l’audience de la Commission des lésions professionnelles et s’était exprimé ainsi :

«(…)

 

38.  Interrogé à l’audience sur la portée de sa réponse à la CSST dans l’information médicale complémentaire écrite du  8 avril 1997, le docteur Gauthier se dit sans compétence pour appuyer ou non l’évaluation d’un expert en psychiatrie et que le seul accord qu’il a donné à la CSST est celui concernant les mesures thérapeutiques proposées par le spécialiste.  À cet égard, il réfère à son texte en réponse à la CSST dans lequel il déclare tenter de référer le patient à une clinique de la douleur avec équipe multidisciplinaire tel que suggéré par le docteur Bouchard.

 

39.  De plus, le docteur Gauthier déclare que s’il avait pensé un seul instant être en mesure ou avoir la compétence de juger de l’évaluation du docteur Bouchard, il n’aurait très certainement pas demandé l’opinion du docteur Nowakowski dès le 6 mars 1997, non plus que celle du docteur Duguay trois jours après sa réponse à la CSST, soit le 11 mars 1997.

 

(…)»

 

[52]           Par ailleurs, la Commission des lésions professionnelles, après avoir cité différentes dispositions de la LATMP, motive ainsi sa conclusion :

«(…)

 

48.  Or, nous l’avons vu, c’est à la suite du rapport d’évaluation psychiatrique du docteur Bouchard en date du 4 février 1997 et de l’information médicale complémentaire écrite du docteur Gauthier le 8 avril 1997 que la CSST rend la décision du 16 avril 1998 déclarant monsieur Castilloux capable d’exercer l’emploi convenable d’emballeur dans l’industrie pharmaceutique.

 

49.  Dans un premier temps, rappelons-le, la CSST a fait faire cette évaluation par le docteur Bouchard pour donner suite à la décision de la Commission d’appel rendue le 23 mars 1996.  Dans un deuxième temps, force est de constater que la CSST a agi en vertu de l’article 204 de la loi qui lui permet d’exiger qu’un travailleur se soumette au professionnel de la santé qu’elle désigne.  Or, si elle veut utiliser le rapport du professionnel de la santé désigné, elle doit, en vertu de l’article 206, le soumettre au Bureau d’évaluation médicale, ce qu’elle n’a pas fait.  D’ailleurs, agir autrement viderait de son sens le troisième alinéa de l’article 224.1 de la loi qui prévoit que lorsque la CSST n’obtient pas le rapport du membre du Bureau d’évaluation médicale dans les délais prescrits, elle peut utiliser le rapport du professionnel de la santé qu’elle a déjà en main. Ce n’est donc que dans cette seule circonstance qu’elle peut utiliser et devenir liée par le seul rapport du médecin désigné.  Ce qui n’est manifestement pas le cas en l’instance.

 

50.  Peut-être la CSST a-t-elle cru que l’acquiescement du docteur Gauthier permettait d’éviter de soumettre le rapport du docteur Bouchard au Bureau d’évaluation médicale, transformant par le fait même le médecin désigné qui a charge, selon la loi.

 

51.  La Commission des lésions professionnelles ne croit cependant pas que la seule réponse du docteur Gauthier dans l’information médicale complémentaire écrite du 8 avril 1997 suffise pour suppléer au libellé même et au sens de l’article 224.1. D’ailleurs, le texte même du docteur Gauthier sur ce rapport et son témoignage à l’audience, sont à l’effet que son accord n’était et ne pouvait que concerner les modalités thérapeutiques suggérées par le docteur Bouchard en regard du syndrome de douleur chronique dont est affecté monsieur Castilloux.  La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis que partant de ce seul accord du docteur Gauthier, la CSST ne pouvait rendre la décision du 16 avril 1998, la procédure suivie n’étant pas conforme à la loi.

 

(…)

 

55.  Ainsi, compte tenu qu’une interprétation minimale du rapport du docteur Bouchard nous permet de conclure à une absence de consolidation en février 1997; compte tenu qu’on ne saurait retenir l’accord du docteur Gauthier formulé dans l’information complémentaire comme un accord sur l’essence même des conclusions psychiques du docteur Bouchard mais bien un seul acquiescement concernant les mesures thérapeutiques proposées; compte tenu que la Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce seul rapport du docteur Bouchard comme médecin désigné ne pouvait justifier la CSST de rendre la décision qu’elle a rendue le 16 avril 1998 sans passer par la procédure d’évaluation médicale prévue à la loi; compte tenu que la lésion de monsieur Castilloux n’étant pas consolidée, la CSST ne pouvait rendre la décision du 16 avril 1998 concernant sa capacité à exercer son emploi convenable, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu d’annuler cette dernière décision puisque rendue de façon prématurée et irrégulière, la CSST n’ayant pas respecté les règles de procédure d’évaluation médicale prévues à la loi.

 

(…)»

 

(nos soulignements)

 

[53]           La Commission des lésions professionnelles constate que dans l’affaire Castilloux, les dispositions de l’article 205.1 n’ont pas été examinées.  Cependant, vu les faits particuliers dans cette affaire et particulièrement le témoignage du médecin traitant à l’audience ainsi que le libellé de la réponse du médecin traitant sur le formulaire d’information médicale complémentaire, les conclusions auraient fort probablement été les mêmes en regard de l’article 205.1 de la loi, puisque la preuve démontrait que le médecin traitant n’était pas d’accord avec toutes les conclusions du médecin désigné par la CSST, le Dr Bouchard.

[54]           Le Tribunal estime donc qu’on ne peut conclure, de cette seule décision, que la CSST doit, nécessairement, et dans tous les cas, soumettre au Bureau d’évaluation médicale un dossier lorsqu’elle fait examiner un travailleur par le médecin désigné et qu’elle demande les commentaires du médecin traitant par la suite puisque cela est faire une abstraction totale de l’article 205.1, qui est en vigueur depuis 1997.

[55]           En effet, le deuxième alinéa indique bien que la CSST peut (et non doit) soumettre les rapports au Bureau d'évaluation médicale. Lorsqu’un médecin traitant est d’accord sur toutes les conclusions d’ordre médical émises par un autre médecin, que cet accord est clairement exprimé et que le travailleur est dûment informé par son médecin de cet accord, le Tribunal ne voit alors pas l’utilité ou la nécessité d’acheminer le tout au Bureau d'évaluation médicale, aucune opinion contradictoire ne le nécessitant. Il est possible qu’un travailleur ne soit pas en accord avec son propre médecin, cela s’est déjà vu, mais la loi ne lui permet pas de contester son propre médecin.

[56]           Dans le présent cas, le rapport complémentaire de la Dr Cinq-Mars mentionne bien qu’il y a eu «discussion avec la patiente» avant la transmission de celui-ci à la CSST.

[57]           Quant à l’argument relatif au fait que la travailleuse n’a pas été examinée par la Dr Cinq‑Mars, lorsqu’elle a émis ses commentaires en avril 1999, le Tribunal estime que cet argument ne tient pas en l’espèce puisque, depuis 1994, la Dr Cinq-Mars voit la travailleuse de façon régulière, l’a référée à différents médecins, a pris connaissance des différentes consultations faites auprès des spécialistes, avait en main le résultat des différents examens radiologiques et a discuté avec la travailleuse, comme elle le mentionne sur l’information médicale complémentaire, avant d’émettre ses conclusions quant à son accord avec l’expertise du Dr Gariépy.  Également, on constate aux notes évolutives, que la Dr Cinq-Mars a pris connaissance de façon rigoureuse de l’examen du Dr Gariépy et la Commission des lésions professionnelles estime qu’elle n’avait pas, quelques jours plus tard, à examiner à nouveau la travailleuse pour conclure de la même façon.  La Dr Cinq-Mars est sûrement compétente pour évaluer les différentes opinions des spécialistes émises au dossier et sa longue connaissance du dossier et de la pathologie de la travailleuse font, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, qu’elle a certainement émis une opinion éclairée en avril 1999.

[58]           Quant au fait que deux ans auparavant, elle ait émis l’avis qu’elle ne s’estimait pas compétente pour procéder à l’évaluation en vertu du Barème des dommages corporels, il n’y a pas lieu de conclure qu’il s’agit en l’espèce d’une mention décisive puisque, comme précédemment mentionné, la Dr Cinq-Mars était certainement compétente pour prendre connaissance de l’évaluation du Dr Gariépy et émettre son accord au sujet de l’atteinte permanente évaluée.  De toute façon, il revient à la CSST, puis ultimement à la Commission des lésions professionnelles, d’évaluer et d’estimer si l’évaluation de l’atteinte permanente faite par le Dr Gariépy en regard de son examen physique est conforme au Barème des dommages corporels.

[59]           Enfin, relativement au fait que la réponse de la Dr Cinq-Mars n’est pas conforme à l’article 205.1 précité parce que cette opinion n’est pas étayée ni motivée comme le mentionne l’article 205.1, le Tribunal constate qu’effectivement, la réponse relativement brève peut difficilement être qualifiée de «rapport de consultation motivé».  Cependant, cette constatation est-elle suffisante pour conclure à l’irrégularité de tout le processus suivi?  La Commission des lésions professionnelles estime que dans le présent cas, après avoir examiné toute la preuve documentaire et médicale au dossier et constaté que la Dr Cinq-Mars avait été contactée à plusieurs reprises par la CSST au sujet de ses conclusions et considérant le fait que les notes de consultation démontrent également qu’elle a discuté de cette affaire avec sa patiente, on ne peut conclure ici que ce vice présumé est de nature tellement importante que la réponse de la Dr Cinq-Mars doive être considérée nulle et rejetée pour ce motif.

Le Tribunal estime donc que vu tous les faits au dossier et la preuve documentaire abondante, il n’y a pas lieu de conclure que la procédure d’évaluation médicale n’a pas été respectée en l’espèce.

[60]           En terminant, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu d’ajouter, afin de répondre spécifiquement aux exigences de l’article 205.1 de la loi, que la CSST devrait, lorsqu’elle soumet un rapport d’un médecin désigné à un médecin traitant, poser des questions plus spécifiques et plus claires, permettant ainsi des réponses également plus claires et détaillées, afin que ne se reproduisent des situations comme celles que l’on retrouve dans la présente affaire et dans les différentes décisions consultées et citées dans la présente décision. Il ne faudrait pas que la possibilité pour la CSST de demander une opinion médicale en vertu de l’article 204 devienne un moyen pour contourner les dispositions de la loi relatives à la procédure d’évaluation médicale et de ce fait, atténuer l’importance que le législateur a accordée au médecin traitant.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE le moyen préliminaire soumis par la travailleuse;

CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience sur le fond des contestations déposées par la travailleuse les 30 août, 3 décembre et 6 décembre 1999.

 

 

 

 

 

Me Luce Boudreault

 

Commissaire

 

 

 

 

 

F.A.T.A. MONTRÉAL

(Monsieur Paul Côté)

6839-A, rue Drolet

Montréal (Québec)

H2S 2T1

 

Représentant de la partie requérante

 

POTHIER DELISLE

(Me Jean-Hugues Fortier)

3075, chemin Quatre-Bourgeois, bureau 400

Sainte-Foy (Québec)

G1W 4X5

 

Représentant de la partie intéressée

 

PANNETON LESSARD

(Me Isabelle Vachon)

1650, rue King Ouest, bureau 204

Sherbrooke (Québec)

J1J 2C3

 

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., chapitre A-3.001.

[2]           CLP 107676-62-9812, le 1999-08-12, H. Marchand commissaire.

[3]           [1996] CALP 483-489.  Au même effet, voir : Lafond et Garderie Yogi inc., CALP, 61737-63-9408, 1996-06-10, B. Lemay commissaire; Ernst Briceus et Les teintures Concorde, CLP 105960-73-9810, 1999-02-08, L. Boudreault commissaire.

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