Charland c. Hydro-Québec |
2018 QCCS 2266 |
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JR 1452 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-06-000461-091 |
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DATE : |
Le 29 mai 2018 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
STEVE J. REIMNITZ, J.C.S. |
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Monique Charland |
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Demanderesse |
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c. |
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Hydro-Québec |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse intente une action collective contre la défenderesse Hydro-Québec, laquelle action ayant été autorisée avec description du Groupe comme suit :
« Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 18 février 2009 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui sont clients de la Défenderesse Hydro-Québec et qui ont payé des intérêts et/ou des frais d’administration sur le montant d’au moins une facture émise par la Défenderesse Hydro-Québec depuis le 14 décembre 2007 ». (P-4 jugement en autorisation rendue le 23 aout 2010). »
[2] Les membres de l’action collective réclament de la défenderesse le remboursement des « frais d’administration » qu’ils qualifient « d’intérêts », payés en sus du taux de 5 % prévu à la Loi sur l’intérêt[1] « LSI ».
[3] L’époque visée par l’action collective s’étend du 14 décembre 2007 jusqu’à la facturation débutant au mois de mai 2010. Pendant ce temps, la défenderesse a facturé des « frais d’administration » (intérêts selon la demanderesse) annuels de 14,4 % aux membres de l’action collective.
[4] La somme réclamée à titre de frais d’intérêt payés en sus du taux de 5 % prévu par la LSI se chiffre à 57 444 444 $. Rapport d’expertise (P-35 et P-36).
[5] La demanderesse soumet au soutien de son recours individuel que le ou vers le 1er janvier 2008, la défenderesse a modifié unilatéralement des éléments de sa facturation concernant le taux annualisé des « frais d’intérêt » et/ou des « frais d’administration ». Elle dépose une série de factures produites sous (P-5 A à L) et (P-7 A et B).
[6] La défenderesse soutient que les « frais d’administration » inscrits sur la facture sont bel et bien des « frais d’administration », tandis que la demanderesse affirme qu’il s’agit « d’intérêts » au sens de l’article 4 de la LSI qui stipule :
« Sauf à l’égard des hypothèques sur immeubles ou biens réels, lorsque, aux termes d’un contrat écrit ou imprimé, scellé ou non, quelque intérêt est payable à un taux ou pourcentage par jour, semaine ou mois, ou à un taux ou pourcentage pour une période de moins d’un an. Aucun intérêt supérieur au taux ou pourcentage de cinq pour cent par an n’est exigible, payable ou recouvrable sur une partie quelconque du principal, à moins que le contrat n’énonce expressément le taux d’intérêt ou pourcentage par an auquel équivaut cet autre taux ou pourcentage. » (Notre soulignement)
[7] Un an et quelques mois après le dépôt des procédures de la demanderesse, la défenderesse modifie ses factures de façon à réintroduire le taux annualisé des « frais d’intérêt » et/ou des « frais d’administration ». À cet effet le tribunal réfère à la lettre de l’avocat de la défenderesse datée du 13 avril 2010 faisant état de ce changement (P-9) et qui se lit comme suit :
« Dans le cadre du dossier mentionné en titre, nous désirons vous informer qu'Hydro-Québec a pris la décision de réintroduire la mention expresse du taux annuel des frais d'administration sur ses factures. À partir du prochain cycle de facturation en mai 2010, il sera dorénavant inscrit sur les factures : « Payer en retard entraîne des frais calculés au taux mensuel de 1,2 % par mois (14,4 % par an) à partir de la date de facturation.
[…] »
Ø La demanderesse devait-elle adresser sa demande impérativement à la Régie de l’énergie (ci-après « la Régie ») qui selon la défenderesse a juridiction exclusive sur ce type de demande ?
Ø
L’article
Ø
Si l’article
Ø
Advenant que le tribunal considère que la défenderesse a
contrevenu à l’article
[8] Les « frais d’administration » facturés par la défenderesse constituent en réalité de l’intérêt au sens de la LSI.
[9] La défenderesse n’a pas respecté les prescriptions de la LSI. Si la loi s’applique, le taux annualisé devrait apparaître sur la facture et la demanderesse est en droit de réclamer que la différence entre 5 % (prévu dans la LSI) et 14,4 % réellement facturé lui soit remboursé.
[10] Les documents intitulés « Conditions » et « Tarifs » ne sont pas opposables aux clients de la défenderesse. Conséquemment, elle n’a pas respecté le texte de l’article 4 LSI.
[11] Même si la LSI ne s’applique pas, la défenderesse aurait manqué à son devoir de renseignements sur ses factures, en ne mentionnant pas le taux annualisé et en omettant de mettre le véritable taux des « frais d’administration ». Le taux facturé était de 14,4 % alors que le taux autorisé par la Régie était de 15,38 %. Ce défaut d’information aurait aussi provoqué des difficultés à la demanderesse dans ses recherches et calculs pour comprendre le taux facturé des « frais d’administration ».
[12] Elle soumet que ces frais ne sont pas des intérêts. Selon elle, un intérêt est ce que paie un débiteur pour le droit de se servir de l’argent de son créancier.
[13] Ici il s’agit d’un contrat réglementé, la Régie a accepté cette description des frais sur la facture.
[14] De toute manière, le taux facturé pour les « frais d’administration » était inférieur à ce que la défenderesse était autorisée à facturer.
[15] Le recours de la demanderesse doit être rejeté parce qu’il n’est pas proportionnel, eu égard au montant des « frais d’administration » qui ont été réellement facturés à la demanderesse.
[16] Madame Charland est retraitée depuis le 31 janvier 2010, elle a travaillé dans le domaine de la chimie au sein de diverses compagnies. Elle est mère de trois filles.
[17] L’action collective pour laquelle elle est représentante couvre la période du 1er janvier 2008 au 10 mai 2010.
[18] En janvier 2008, elle réside dans un triplex au 12062 (« 62 »), rue James-Morrice, à Montréal. Au dernier étage se trouvent deux appartements 3 ½, l’un est occupé par sa belle-mère et l’autre est occupé par sa fille handicapée. Chaque appartement possède son propre compteur.
[19] La demanderesse qui occupe le 62 et sa fille le 12060 (« 60 ») paie les comptes pour les deux. Sa belle-mère qui occupe le 12058 (« 58 ») jusqu’au 1er juin 2007 paie directement à la défenderesse.
[20] Après le départ de sa belle-mère, la demanderesse reçoit une lettre de la défenderesse concernant l’appartement vacant. Elle informe alors un représentant de la défenderesse qu’elle entend être responsable de ce compte dans le futur.
[21] La demanderesse possède également un chalet situé à St-Michel-des-Saints et deux autres immeubles sur la rue St-Denis à Montréal.
[22] Depuis le début des années 2000, la demanderesse acquitte les comptes d’électricité par paiements automatiques pour les loyers 60 et 62. Le loyer 58 ne fait pas l’objet d’une telle entente de paiement.
[23] Après le départ de sa belle-mère, c’est elle qui reçoit les comptes d’électricité et qui les paie. Elle est sous l’impression que le 58 fait l’objet d’une entente de paiements préautorisés.
[24] La demanderesse reçoit la facture déposée sous (P-5 A)) pour le 58. Elle croit que le montant sera prélevé directement dans son compte comme pour les autres logements. Un peu plus tard elle reçoit une facture (P-5 B)) et constate qu’elle doit payer des « frais d’administration » au montant de 4,22 $.
[25] Le 13 juin 2008, elle reçoit la facture (P-5 C)). Elle paie le montant réclamé, soit 232,62 $. Sur cette facture, les « frais d’administration » sont de 1,48 $.
[26] Afin d’expliquer l’évolution des factures et des frais d’administration, la demanderesse, aidée de ses avocats, prépare un tableau qu’elle dépose sous la cote (P-5). C’est Me Karine St-Louis du bureau Paquette, Gadler inc. qui lui recommande de préparer un tel tableau. La demanderesse réfère notamment aux « frais d’administration » qui lui ont été facturés.
[27] Lorsqu’elle reçoit la facture P-5 B), elle ne comprend pas pourquoi on lui réclame des « frais d’administration ».
[28] Sur les factures il est écrit :
« Payer en retard entraîne des frais d’administration calculés au taux mensuel de 1,2 % à partir de la date de facturation. »
[29] En décembre 2007, joint à sa facture, elle reçoit un bulletin d’information d’Hydro-Québec intitulé « Hydro Contact » à l’effet que la facture d’électricité émise par la défenderesse allait faire peau neuve. Elle dépose ce document sous P-16 A).
[30] Il convient de reproduire le texte intégral du message contenu dans cette publication :
« Dès janvier 2008, la facture sera plus conviviale, plus facile à lire ! Les changements apportés à la facture n’affecteront ni le calcul de la facturation, ni les tarifs en vigueur. Ils reflèteront tout simplement notre souci de continuer à vous offrir un service de qualité.
Vous pourrez repérer les données importantes plus rapidement et les renseignements additionnels vous guideront vers une consommation d’électricité écoénergétique. »
[31] La demanderesse comprend qu’il n’y aura pas de changement important à la méthode de facturation.
[32] Elle compare la facture (P-5 A)) avec la facture (P-8 L)) (celle reçue sous l’ancienne méthode de facturation). Elle constate simplement une différence dans la présentation. La facture (P-8 L)) comprend la mention suivante :
« Payer en retard entraîne des frais calculés à un taux composé de 1,2 % par mois (15,38 % par an) à partir de la date de facturation. »
[33] Elle témoigne aussi avoir noté que les informations à l’endos de la facture sont aussi différentes, notamment sous le titre « échéance et frais d’administration » :
« Échéance et frais d'administration
Votre facture est payable en monnaie légale du Canada, dans les 21 jours suivant la date de facturation. Si la 21e journée tombe un jour où les bureaux des Services à la clientèle d'Hydro-Québec sont fermés, l'échéance est reportée au jour ouvrable suivant.
Payer après l'échéance entraîne des frais d’administration calculés à partir de la date de facturation, au taux en vigueur à cette date. Hydro-Québec applique également des frais chaque fois qu'un chèque lui est retourné par un établissement financier pour cause de provision insuffisante. »
[34] Elle réfère le tribunal aux informations contenues à l’endos de (P-5 A)), sur le même sujet « date de facturation et date d’échéance » :
« La date de facturation est la date à laquelle votre facture d’électricité est établie. Hydro-Québec considère que votre facture est payée à la date à laquelle elle reçoit votre paiement; veuillez donc prévoir un délai suffisant pour le traitement postal, bancaire ou électronique. Nous vous suggérons de communiquer avec votre institution financière pour connaitre les délais applicables. »
[35] La demanderesse réfère également au paragraphe intitulé « Frais d’administration et interruption de service » :
« Si vous réglez une facture après l’échéance, Hydro-Québec applique des frais d’administration calculés à partir de la date de facturation, au taux en vigueur à cette date, jusqu’à réception de votre paiement. Elle applique également des frais chaque fois qu’un paiement (électronique, par chèque ou par prélèvement automatique) lui est refusé par une institution financière et peut exiger, s’il y a lieu, un dépôt ou une garantie de paiement.
[…] »
[36] De plus, à la facture (P-5 A)) sous le titre « réglementation », il est écrit :
« Pour connaître les conditions de service de l’électricité et les tarifs en vigueur, veuillez consulter les documents intitulés « Conditions de service d’électricité prévues au Règlement 634 sur les conditions de fourniture de l’électricité et Tarifs et conditions du Distributeur. Pour obtenir un exemplaire de ces documents, vous n’avez qu’à en faire la demande par internet au www.hydroquebec.com ou par téléphone en composant le 1 800 ÉNERGIE (1 800 363 7443). »
[37] La demanderesse précise qu’en 2008 tous n’ont pas accès à Internet.
[38] Elle déclare avoir fait ce travail de comparaison après avoir reçu les nouvelles factures et surtout après avoir lu un article du journaliste Michel Girard, traitant de la problématique des cartes de crédit et des intérêts facturés par différents fournisseurs de services (P-23).
[39] Elle soutient avoir réalisé qu’il n’y avait pas d’information sur le taux annualisé dans la nouvelle facturation de la défenderesse.
[40] Par la suite elle en discute avec Me Paquette, (qui dépose la Requête en autorisation d’exercer un recours collectif contre la Défenderesse Hydro-Québec), tout en lui expliquant ce qu’elle a constaté.
[41] Selon la demanderesse, des « frais d’administration » ne sont pas comme des « frais d’intérêts ».
[42] Ensuite, elle déclare avoir tenté de faire des calculs pour connaître les « frais d’administration » qui lui sont facturés.
[43] Elle croit que les « frais d’administration » sont calculés selon le pourcentage de 15,38 % tel qu’indiqué sur la facture. Elle fait des calculs, mais n’arrive pas au même montant.
[44] Elle demande l’aide d’un ami qui détient une expertise en finance, lui non plus ne peut arriver au pourcentage de 15,38 %.
[45] Elle se rend au bureau de la Régie et obtient les conditions de services d’électricité (P-11). À la page 23, le paragraphe 11.6 se lit comme suit :
« Délai de paiement
11.6 Toute facture doit être payée, en dollars canadiens, dans les 21 jours de la date de la facturation. Si le 21ième jour tombe un jour où les services à la clientèle d’Hydro-Québec sont fermés, l’échéance est reportée au premier jour ouvrable suivant. Le défaut de payer à l’échéance entraîne des frais d’administration sur l’arriéré, au taux applicable à la date de la facturation et calculé conformément aux « frais d’administration applicables à la facturation par Hydro-Québec » prévus aux tarifs d’électricité.
Chaque mois, par la suite, Hydro-Québec applique à l’arriéré des frais d’administration au taux applicable à la date de la facturation précédente, calculé conformément aux « frais d’administration applicables à la facturation par Hydro-Québec » prévus aux tarifs d’électricité et composé mensuellement. »
[46] Ensuite elle réfère au document « 2008 Tarifs et conditions du Distributeur, Hydro-Québec » (P-12) où à la page 148, les « Frais d’administration applicables à la facturation par Hydro-Québec » sont énumérés.
[47] Elle réfère ensuite aux « Conditions de service d’électricité » à la pièce (P-11), au paragraphe 19.1 portant sur les « Dispositions transitoires » qui se lit comme suit :
« Abrogations du règlement no 634
19.1 Les présentes conditions de service abrogent et remplacent les conditions de service d’électricité prévues au Règlements no 634 sur les conditions de fourniture de l’électricité ((1996) 128 G.O.II 2998), tel que modifié par les décisions D-2001-60, D-2001-259, D-2002-07, D-2002-261, D-2003-23, D-2006-28, D-2007-129 de la Régie de l’énergie. »
[48] Elle comprend alors la méthode de calcul des frais.
[49] Par la suite, elle tente de connaître le taux préférentiel de la Banque Nationale. Elle consulte leur site avec les mots-clés « taux préférentiel » et ne trouve aucune information. Elle utilise ensuite le mot-clé « taux » et obtient quatre documents qui lui semblent pertinents. Cependant, tout ce qui concerne la période avant 2012 est non disponible. La demanderesse soumet avoir eu l’information deux semaines avant l’audition.
[50] Plus loin dans son témoignage, elle ne peut se rappeler si lors de la première recherche (avant le dépôt de la demande en autorisation) elle avait réussi à identifier le taux préférentiel de la banque et compris que ce taux était octroyé aux meilleurs clients de la banque, contrairement au taux de base.
[51] Plus loin, elle réfère à la décision de la Régie D-2006-116, du 6 juillet 2006 (P-17), à la page 44, où cette dernière se prononce comme suit sur les frais liés au service d’électricité :
2. FRAIS LIÉS AU SERVICE D’ÉLECTRICITÉ
« Frais d’administration applicables à la facturation
Le Distributeur souhaite maintenir à leur niveau actuel les frais d’administration applicables à la facture d’électricité. Le taux des frais d'administration prévu à l’article 292 des Tarifs d’électricité apparaît dans le tableau ci-dessous
Fourchette de référence des taux Taux des frais
d’intérêt préférentiels de la Banque d’administration
Nationale du Canada
% annuel % mensuel
7,99 et moins 1,2 soit 15,38 % l’an
de 8 à 9,99 1,4 soit 18,16 % l’an
de 10 à 11,99 1,6 soit 20,98 % l’an
de 12 à 13,99 1,7 soit 22,42 % l’an
de 14 à 15,99 1,9 soit 25,34 % l’an
de 16 à 17,99 2,1 soit 28,32 % l’an
18 et plus 2,2 soit 29,84 % l’an
La Régie considère que les frais d’administration doivent être raisonnables, mais dissuasifs pour réduire les mauvaises créances. Ces frais doivent être comparables à ceux appliqués par les autres entreprises de services publics et de télécommunication au Québec. Cette comparaison permet d’éviter que les clients privilégient le paiement des factures de ces compagnies.
Il importe que le Distributeur dispose des moyens nécessaires pour minimiser les mauvaises créances, afin de ne pas pénaliser indûment les consommateurs qui respectent leur engagement. Le rôle de financer sa clientèle n’incombe pas au Distributeur.
La Régie accepte les frais d’administration proposés à l’article 292 des Tarifs d’électricité. »
[52] Par la suite, la demanderesse réfère au document « Justification des modifications apportées au texte des tarifs et conditions du Distributeur » déposé sous (P-18). Elle a eu accès à ces documents suite à une demande à la Régie. Elle nous amène à la page 4 de 13 où les « frais d’administration » sont représentés selon la version révisée le taux est toujours de 15,38 % .
[53] La demanderesse termine son interrogatoire en chef, en déclarant que toutes ces recherches lui ont causé des soucis jusqu’à la veille de l’audition de la Requête en autorisation d’exercer un recours collectif. Elle ajoute que Me Gagné avocat de la défenderesse contacte Me Paquette pour lui dire que le taux des « frais d’administration » était un taux simple de 1,2 % ce qui donne un taux annuel de 14,4 % au lieu de 15,38 %.
[54] La demanderesse soutient avoir passé plus de vingt heures à tenter de faire le calcul et comprendre comment la défenderesse en est arrivée au montant réclamé à titre de frais d’administration.
[55] De plus, entre 2009 et l’audition de la Requête en autorisation d’exercer un recours collectif en février 2010, elle a passé plusieurs jours à essayer de refaire les calculs et tenter de comprendre.
[56] Il lui a fallu 11 mois pour comprendre que le taux facturé par la défenderesse n’était pas un taux composé. Elle l’a compris suite à l’information donnée par l’avocat de la défenderesse. Elle ajoute que, durant tout ce temps, elle tentait de comprendre quel était le taux facturé, mais n’y arrivait pas. Ayant appris qu’il ne s’agissait plus d’un taux composé, mais simple, elle a refait ses calculs et est arrivée au montant des « frais d’administration » qui lui ont été facturés.
[57] En contre-interrogatoire, la demanderesse indique qu’elle est également demanderesse dans un autre recours collectif intenté contre la défenderesse. Dans cet autre dossier, l’action collective porte sur ce qui suit :
« Toutes les personnes physiques et toutes les personnes morales de droit privé, sociétés ou associations, comptant en tout temps au cours de la période de 12 mois qui précède le 16 septembre 2010 sous leur direction ou sous leur contrôle au plus 50 personnes liées à elles par contrat de travail, qui étaient et/ou sont clients de l'Intimée Hydro-Québec et qui ont eu et/ou continuent d'avoir des problèmes avec leur facturation attribuable de quelque manière que ce soit à la mise en place du nouveau système informatique de l'Intimée Hydro-Québec dont l'implantation a été complétée en 2008, soit en ayant été au moins une fois sous-facturées, surfacturées et/ou non facturées pendant leur période de facturation applicable. »
[58] D’ailleurs, la demanderesse témoigne avoir rencontré des représentants de la Régie pour les deux actions collectives.
[59] De plus, le 25 janvier 2010, la demanderesse témoigne avoir contacté une représentante de la défenderesse, madame Rivest. Cette dernière, lui a répondu que le document auquel on réfère à l’endos de la facture et qui parle de la réglementation était en rupture de stock. Cependant, madame Rivest lui a offert une version anglaise, qui était toujours disponible (P-10). La demanderesse considère qu’aucune information sur ce document ne porte sur les tarifs. Elle n’a pas fait d’autre appel, car le temps d’attente pour parler à un représentant de la défenderesse était de 15 à 20 minutes.
[60] La demanderesse a indiqué qu’elle était responsable de 13 résidences pour le paiement des frais en électricité. Le tableau (P-5) qu’elle a déposé ne visait que le numéro 58, avec lequel il n’y avait aucune entente de prélèvements automatiques.
[61] Elle donne en exemple sa carte de crédit où l’on indique qu’elle doit payer un montant minimum, elle réfère également à sa marge de crédit où le créancier a l’autorisation de puiser dans son compte.
[62] Elle témoigne que les factures avaient la même allure.
[63] Elle reconnaît qu’il y a plusieurs manières d’acquitter la facture, soit directement à Hydro-Québec par chèque, par Internet ou à son institution financière avec AccesD.
[64] Elle aurait pu aussi s’inscrire aux prélèvements automatiques pour éviter tout retard. Elle témoigne ne pas avoir voulu utiliser cette méthode, étant donné qu’il était possible que l’occupant du logement doive déménager.
[65] Elle n’a jamais vu de facture de la défenderesse où l’on donnait la possibilité de payer un montant minimum. Elle reconnait que la défenderesse n’a jamais fait enquête sur son crédit. Elle n’a pas non plus fait de demande pour être autorisée à payer moins que le montant indiqué sur la facture.
[66] Elle répète qu’elle croyait être en mode de paiements préautorisés et n’a pas fait d’autres démarches pour le confirmer.
[67] Plus tard elle constate que sa fille ne pourra plus demeurer dans son appartement (on est en avril ou juin). Elle remarque sur la première facture des « frais d’administration ».
[68] Elle voit par la suite sur l’état de compte un montant en souffrance et on attire son attention par une flèche où il est indiqué que le montant doit être payé avant le 6 mai 2008.
[69] Elle décide de payer le 5 mai le montant de 44,41 $ et constate que des « frais d’administration » lui sont facturés et elle dit s’être attardée à la ligne qui indique le 6 mai, au lieu de comprendre qu’elle devait payer immédiatement.
[70] Elle n’a pas payé le montant en souffrance et précise qu’elle n’a pas réalisé toutes les nuances des montants qui lui étaient réclamés.
[71] Elle a choisi la date la plus éloignée.
[72] On constate sur la facture (P-5 C)) que des « frais d’administration » sont imputés.
[73] Après coup, c’est facile de dire, « mais oui elle reconnaît maintenant que le compte était en souffrance, mais soutient ne pas l’avoir réalisé sur le champ ».
[74] Selon le tableau (P-5), on constate que madame paie certains mois et d’autres non. Pour chaque facture, les montants facturés en « frais d’administration » sont indiqués sous le titre « Frais d’administration ».
[75] Elle témoigne qu’elle ne s’était pas rendu compte des retards.
[76] Pour la facture (P-5 D)) où il est indiqué le montant de 90,25 $, elle dit ne pas avoir réalisé et avait inversé le 25 en 52.
[77] Outre cette inversion, les autres retards auraient été occasionnés pour différentes raisons. Par exemple, un jour où elle était à l’extérieur en voyage.
[78] Il y a aussi d’autres factures entre le dépôt de la demande en autorisation et le 4 février 2010. Elle répond qu’à un certain moment « « on » n’arrivait pas à calculer, « on » a volontairement décidé de ne pas payer pour voir les charges imputées et ainsi pouvoir mieux calculer ces « frais d’administration ».
[79] La demanderesse ajoute qu’à partir de janvier 2008, la défenderesse ne suivait plus ce qui avait été décidé par la Régie. À la pièce (P-18) portant sur la « Justification des modifications apportées au texte des Tarifs et conditions du Distributeur » on présente ce qui devait être en vigueur jusqu’au 1er avril de l’année suivante. La demanderesse soumet qu’on lui facturait 14,4 %, alors qu’on aurait dû lui facturer 15,38 %. Elle témoigne que la défenderesse n’a pas suivi les autorisations de la Régie, elle agit dans l’illégalité.
[80] Pour en arriver à ce constat, la demanderesse dit « nous avons fait enquête à ce sujet-là ».
[81] Contre-interrogée sur les inconvénients causés par la situation, madame Charland précise qu’elle en a discuté avec des collègues de travail, ainsi qu’avec un notaire. Elle soutient que cette situation lui a causé des « soucis financiers », sans préciser lesquels. Elle en parle avec un collègue détenteur d’un MBA en finance. Elle se met dans la peau d’autres personnes comme sa belle-mère qui reçoivent la facture avec indication à 1,2 % par mois et qui doivent faire des choix.
[82] Ces communications avec ces personnes ont lieu après 2009.
[83] Madame Laliberté est à l’emploi de la défenderesse depuis 26 ans comme contrôleuse corporative à la direction financière. À ce titre, elle réalise annuellement le plan de contrôle et d’évaluation en contrôle à la direction financière de la défenderesse. Elle agit en soutien au Comité de vérification et en lien avec les auditeurs externes et le Vérificateur général du Québec.
[84] De 2007 à 2010, elle s’occupe des activités de distribution et fait l’évaluation de contrôle, ce qui comprend la facturation. Elle participe à la mise en œuvre du système SIC (« Système d’information à la clientèle ») et c’est à partir de cette instauration qu’émanent les nouvelles factures de janvier 2008. Après l’établissement du SIC, une modernisation de la facturation s’ensuit. Auparavant un autre système (SGA) (« Service de gestion des abonnements ») était en exploitation depuis plus de 25 ans.
[85] Après cette implantation les tarifs demeurent les mêmes, en aucune façon la facturation au client n’est modifiée. Cependant, le format de la facture a été changé.
[86] Madame Laliberté soutient que la modification relative au taux annualisé s’est faite de manière accessoire aux autres changements.
[87] Dans le cadre de la mise en place de cette nouvelle facturation, ils réalisent qu’ils ne peuvent reproduire l’information relative au taux annualisé. Les « frais d’administration » ne peuvent être calculés de la même manière et de façon composée. Ce constat est fait par des experts en informatique s’occupant de la mise en place du nouveau système.
[88] L’effet direct de cette situation est que le nouveau système propose un calcul des « frais d’administration » à taux simple et non composé.
[89] Ce changement ne vise qu’une partie marginale de la clientèle. Le projet de modification de la méthode de facturation est majeur et ils n’ont pas voulu complexifier le projet par des tentatives de résolution de cette difficulté.
[90] Il y avait également des contraintes de temps nécessitant une programmation informatique additionnelle et plus amples tests.
[91] Madame Laliberté reconnait que cette problématique avait une importance moindre par rapport aux autres problèmes que soulevait la mise en place du nouveau système.
[92] La réduction de 15,38 % du taux annualisé à 14,4 % n’a pas alors été perçue comme un enjeu. Selon elle, l’information apparaissant sur la facture était suffisante.
[93] À la question : « À quoi servent les frais d’administration ? » Elle répond qu’il s’agit d’une pénalité pour le retard du client à payer la facture. Les « frais d’administration » sont un élément dissuasif pour inciter le client à payer sa facture avant l’échéance.
[94] S’il ne paie pas à temps, un processus de recouvrement commence avec des avis de retard pouvant aller jusqu’à l’interruption de service. Des coûts sont associés à ce mécanisme de recouvrement.
[95] Annuellement, elle dépose un dossier tarifaire dans lequel elle détaille les coûts de recouvrement. Elle réfère au document (D-33.1), relativement à ces coûts. Les pages 6, 7, 8 et 9 portent sur le coût réel du recouvrement. Ces documents ne sont pas présentés à la Régie dans le détail. Ce qui est présenté c’est le rapport annuel et le total des charges. Cette manière de procéder est satisfaisante. À la page 10 dudit document se retrouvent les coûts réels de recouvrement.
[96] Madame Laliberté précise que les frais de recouvrement sont supérieurs aux « frais d’administration » perçus. Ces frais représentent un peu plus du tiers des coûts de recouvrement. Pour faire ce calcul, la provision pour mauvaises créances est exclue.
[97] Le calcul des « frais d’administration » se fait suivant le taux mensuel de 1,2 %, à partir de la date de facturation, en fonction du nombre de jours de retard.
[98] La défenderesse reçoit des plaintes concernant notamment la disposition de l’information sur la facture, le calcul des modes de versements égaux, et autres problèmes liés à la nouvelle méthode de facturation. Cependant, aucune plainte sur le taux annualisé ou le retrait de l’information concernant ce taux.
[99] Par suite de la modification et du fait que le calcul des frais se fait à taux simple et non plus à taux composé à compter de janvier 2008, la défenderesse ne s’est pas adressée immédiatement à la Régie.
[100] Il a été déterminé par la défenderesse que les coûts étaient trop élevés pour obtenir l’autorisation immédiatement, elle a donc décidé de faire la modification lors de l’audition à la Régie en juin 2009. Celle-ci rend sa décision en mars 2010 (D-23).
[101] À cette époque aucun des intervenants devant la Régie n’aborde ce sujet. Les intervenants étant les associations énumérées à la liste reproduite à la page 147 de la décision (D-23).
[102] Madame Laliberté admet que la décision de remettre le taux annualisé sur la facture a été prise en mai 2010, afin de limiter la période visée par le recours collectif.
[103] Madame Laliberté déclare n’avoir constaté aucun impact lié à l’ajout de cette mention, après la réintroduction du taux annualisé sur les factures.
[104] Les « frais d’administration » sont calculés au jour le jour suivant l’échéance prévue à la facturation.
[105] Après janvier 2008, la défenderesse tient la Régie informée, il y a régulièrement des discussions sur la mise en œuvre du système SIC.
[106] La Régie ne veut pas de dépassement de coûts, c’est sa priorité. C’est ce qui importe lors de l’implantation d’un nouveau système.
[107] La défenderesse se rend à la Régie chaque année et aborde le projet SIC, sans parler de la modification du calcul du taux annualisé qui passe de composé à simple.
[108] Conséquemment, ce sujet n’a pas été abordé lors de la présentation du premier dossier tarifaire après janvier 2008. Lors de la présentation du deuxième dossier tarifaire, cet élément est évoqué, le constat est que cela va avoir comme conséquence un coût moindre pour les clients. Il est décidé par la défenderesse de ne pas encourir de frais additionnels pour un système informatique dont la mise en application est déjà complexe.
[109] Monsieur Langdeau est à l’emploi de la défenderesse depuis 2006. Il est actuellement chef de la stratégie de crédit et de la gestion du risque depuis 2015. Il est aussi responsable du recouvrement et des stratégies du secteur résidentiel. Il a également occupé le poste de responsable de la fiabilité de la facturation et des données transmises aux clients en 2014 et en 2015.
[110] En 2008, il agit comme conseiller d’affaires en rapport avec le processus des plaintes. Après 2009, il devient responsable du processus Web et télécommunication.
[111] Il est familier avec le processus de recouvrement préparé par des employés faisant partie de ses équipes de travail.
[112] Il décrit le processus de facturation et de recouvrement. La première étape est la production de la facture et un délai de 21 jours est prévu pour le paiement. Un premier avis de retard est prévu et un autre suit dans un délai de 15 jours francs qui précèdent l’envoi de l’avis d’interruption. Entre-temps, il peut y avoir communication avec le client de différentes façons, soit par courriel ou autre. Un délai de huit jours est ensuite compté avant l’interruption comme telle. Les délais sont donc de 44 jours, mais dans les faits, les délais minimaux sont de 60 à 70 jours de retard avant l’interruption.
[113] Des coûts significatifs sont engendrés pour le recouvrement. Il y a environ 400 personnes qui travaillent pour appuyer ce mécanisme. Des millions d’avis sont transmis chaque année.
[114] Monsieur Langdeau précise que plusieurs options peuvent être offertes au client. Des ententes de paiements sont possibles, que ce soit pour une courte, moyenne ou longue période. L’objectif est de donner une chance de payer selon la capacité du client. S’il ne paie pas, cela engendre une mauvaise créance payée au final, par l’ensemble de la clientèle.
[115] Lors de l’ouverture d’un abonnement, aucune information de crédit n’est requise, il n’y a aucun volet de gestion du risque associé à l’ouverture de l’abonnement.
[116] Les « frais d’administration » imputés se positionnent dans la basse moyenne de l’industrie.
[117] Une table de travail est mise en place avec des groupes de consommateurs et des représentants de la défenderesse qui échangent sur les différentes difficultés de paiements vécues par certains clients.
[118] Durant ces rencontres, il n’y a jamais eu de préoccupation sur les « frais d’administration » et sur la clarté de l’information à ce sujet. La Régie est mise au courant du contenu de ces rencontres.
[119] Les plaintes les plus fréquentes concernent le délai d’attente lors des appels de clients et sur le mode de versements égaux. Rien ne concerne le taux annualisé des « frais d’administration ».
[120] À l’audition, la demanderesse a plaidé que le recours et les questions soumises au tribunal sont de juridiction exclusive de la Régie.
[121] Elle plaide que la demande cherche à imposer à l’appareil judiciaire un énorme fardeau qui vise essentiellement un problème que la Régie pourrait régler à beaucoup moindre coût. Il lui aurait suffi qu’elle s’adresse à la Régie. La Cour supérieure aurait pu, par la suite, intervenir, s’il y a lieu, par dépôt d’une demande en contrôle judiciaire.
[122] La nature de la relation juridique entre Hydro-Québec et ses clients est régie par un contrat réglementé, tel que reconnu par la Cour suprême du Canada dans Glykis c. Hydro-Québec[2] :
« [18] Le Règlement établit les conditions de fourniture de service. Le contenu obligationnel du contrat liant Hydro-Québec au client n’est pas laissé à la négociation entre les parties. Hydro-Québec ne peut imposer de conditions particulières en cas d’insolvabilité réelle ou anticipée. Si le client satisfait aux conditions prescrites par le Règlement, Hydro-Québec est obligée de fournir le service. Sur un marché libre, un fournisseur de service, hormis ses obligations constitutionnelles, peut refuser de faire affaire avec un client qu’il estime insolvable. L’obligation de fournir le service au public cède cependant lorsque le client ne paie pas sa facture. La disposition est indéniablement à l’avantage d’Hydro-Québec. Elle ne sert pas seulement à limiter l’endettement. Elle offre par ailleurs un moyen efficace de faire pression sur les clients défaillants et de les inciter au paiement des montants dus.
[21] L’argument voulant
que le caractère obligatoire du contrat de service soit source de droit ou
motif d’interprétation favorable aux intimés ne peut non plus être retenu. Ni
Hydro-Québec ni le client ne peuvent modifier la teneur du contrat dont les
termes sont dictés par le Règlement. Un juge ne peut donc le contourner ou
réduire les obligations en découlant au motif qu’il s’agit d’un contrat
d’adhésion au sens de l’art.
[123] La défenderesse, la distributrice d’électricité, est encadrée par des règles établies par la Régie, accessibles sur le site Internet de la défenderesse ou en s’adressant au service à la clientèle. Il s’agit :
· des Conditions de service d'électricité (les « Conditions de service ») (D-2 à D-5) ;
· des Tarifs et conditions du Distributeur (les « Tarifs d’électricité ») (D-6 à D-9) ;
[124] La Loi sur la Régie de l’énergie[3] prévoit à son article 5 que la Régie assure la conciliation entre l’intérêt public et la protection des consommateurs.
[125] À l’article 31 de la même loi, il est stipulé :
« 31. La Régie a compétence exclusive pour:
1° fixer ou modifier les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée par le transporteur d'électricité ou distribuée par le distributeur d'électricité ou ceux auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou livré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné.
(...)
4° examiner toute plainte d'un consommateur portant sur l'application d'un tarif ou d'une condition de transport d'électricité par le transporteur d'électricité, de distribution d'électricité par le distributeur d'électricité, les réseaux municipaux ou privés d'électricité ou par la Coopérative régionale d'électricité de Saint-Jean-Baptiste de Rouville et voir à ce que le consommateur paie le tarif qui lui est applicable et soit assujetti aux conditions qui lui sont applicables ; »
[126] La défenderesse nous réfère aussi aux articles 48 et 53, de la Loi sur la Régie de l’énergie :
« 48. Sur demande d'une personne intéressée ou de sa propre initiative, la Régie fixe ou modifie les tarifs et les conditions auxquels l'électricité est transportée par le transporteur d'électricité ou distribuée par le distributeur d'électricité ou ceux auxquels le gaz naturel est fourni, transporté ou livré par un distributeur de gaz naturel ou emmagasiné. Elle peut notamment demander au transporteur d'électricité, au distributeur d'électricité ainsi qu'à un distributeur de gaz naturel de lui soumettre une proposition de modification.
(…)
53. Le transporteur ou le distributeur d'électricité ou un distributeur de gaz naturel ne peut convenir avec un consommateur ou exiger de celui-ci un tarif ou des conditions autres que ceux fixés par la Régie ou par le gouvernement. »
[127] À partir de ce résumé, la défenderesse soumet que la Régie a un pouvoir exclusif sur tout ce qui concerne les plaintes faites par un client sur les tarifs d’hydroélectricité et que c’est elle qui détient le pouvoir d’entendre la demande d’action collective et non la Cour supérieure.
[128] La Régie possède l’autorité pour fixer ou modifier les tarifs et conditions, elle surveille également les activités des titulaires du droit de pouvoir distribuer l’électricité. Cependant, elle ne possède pas celui de décider de l’application de l’article 4 de la LSI, non plus de disposer de la demande en dommages concernant le non-respect de l’obligation de renseignement faisait l’objet du reproche de la demanderesse.
[129] Dans Plateau de la capitale, s.e.n.c. c. Régie de l’énergie[4], le rôle de la Régie est défini comme suit :
« [35] La Régie est un tribunal spécialisé en matière de régulation économique de l’énergie au Québec. Elle jouit d’une compétence exclusive pour tout ce qui se rapporte notamment :
- aux tarifs et aux conditions auxquels l’électricité est distribuée;
- à la surveillance des opérations de distribution;
- à l’examen des plaintes d’un consommateur; et
- à l’établissement du taux de rendement du transporteur ou du distributeur. »
[130] Le présent recours ne porte pas sur l’un ou l’autre de ces sujets.
[131] Certes, on peut présenter le dossier comme s’il s’agissait d’une plainte d’un consommateur portant sur la manière dont les conditions d’électricité ont été fixées et appliquées par la défenderesse, mais l’angle sous lequel les reproches sont faits résulte et amène l’application des règles issues du droit civil, concernant la faute découlant du défaut d’information et/ou d’une loi fédérale, concernant l’application de la LSI.
[132] La position de la défenderesse sur ce sujet fait fi de la nature du recours intenté, soit une action collective qui vise à obtenir une compensation pour l’ensemble des membres. L’argument voulant qu’il ait été plus simple et moins coûteux pour la demanderesse de s’adresser à la Régie est, avec égards, sans fondement.
[133] L’article 11.6 des Conditions de service concernant le délai de paiement prévoit :
« 11.6 Toute facture doit être payée, en dollars canadiens, dans les 21 jours de la date de la facturation. Si le 21e jour tombe un jour où les services à la clientèle d’Hydro-Québec sont fermés, l’échéance est reportée au premier jour ouvrable suivant. Le défaut de payer à l’échéance entraîne des frais d’administration sur l’arriéré, au tarif applicable à la date de la facturation et calculé conformément aux « frais d’administration applicables à la facturation par Hydro-Québec » prévus aux tarifs d’électricité.
Chaque mois, par la suite, Hydro-Québec applique à l’arriéré des frais d’administration au taux applicable à la date de la facturation précédente, calculé conformément aux « frais d’administration applicables à la facturation par Hydro-Québec » prévus aux tarifs d’électricité et composé mensuellement. ( ...) »
[134] L’article 12.1 des Tarifs d’électricité stipule :
«Les frais apparaissant aux articles du présent chapitre s’appliquent conformément aux dispositions des Conditions de service d’électricité. »
[135] Concernant les « frais d’administration », le tribunal réfère à l’article 12.3 des Tarifs d’électricité :
« Le taux des frais d’administration est le taux apparaissant dans le tableau qui suit vis-à-vis de la fourchette de référence dans laquelle se situe le taux d’intérêt préférentiel de la Banque Nationale du Canada à cette date. »
[136] Tel que le fait remarquer la défenderesse, l'existence de la qualification de « frais d’administration » remonte au moins à 1975.
[137] La désignation de ces frais de retard par la défenderesse a toujours été la même, soit « frais d’administration ».
[138] De 1975 à 1978, les « frais d'administration » sont prévus aux règlements tarifaires annuels d'Hydro-Québec approuvés par le gouvernement du Québec et prennent la forme d'une pénalité de 10 % applicable à la facture payée après l'échéance (D-10 et D-11).
[139] De 1978 à 1987, les « frais d'administration » prennent la forme d'un taux mensuel composé de 1½ % ou de 2 %, selon les années. Bien que le texte ait connu des variations, la disposition est généralement exprimée comme suit (D-12 à D-18).
« Toute facture émise à compter du premier avril 1978 est payable dans les 20 jours de sa mise à la poste par l'Hydro-Québec et devient exigible au terme de cette période. À l'échéance de ce délai de 20 jours, l'Hydro-Québec applique au solde impayé des frais d'administration au taux de 1-1/2 %. L'Hydro-Québec applique par la suite, chaque mois, au solde impayé de la facture précédente, lesdits frais d'administration au taux de 1-1/2 % composé mensuellement. »
[140] De 1987 à 1996, les « frais d'administration » sont prévus au Règlement no 411 (D-19) qui prévoit une grille applicable aujourd’hui, puisqu’elle est adoptée par la Régie par la suite.
[141] De 1997 à 2003, une grille de taux se retrouve dans les Règlements tarifaires d'Hydro-Québec approuvés par le gouvernement du Québec.
[142] En 2003, la Régie adopte dans les Tarifs d'électricité l'ensemble des dispositions contenues au dernier règlement tarifaire approuvé par le gouvernement du Québec (Règlement no 663 établissant les tarifs d'électricité et les conditions de leur application) (D-20).
[143] L’utilisation de l’expression « frais d'administration » se retrouve dans divers règlements approuvés par le gouvernement du Québec, à compter de 2003 et a toujours été maintenue par la Régie, et ce, dans toutes les décisions rendues au fil des ans.
[144] La Régie exerce sa compétence exclusive de fixer les tarifs et conditions d’électricité et maintient la qualification de « frais d’administration » pour désigner encore aujourd’hui, ce qu’il en coûte au client pour son défaut d’acquitter sa facture à l’échéance.
[145] Dans la décision du 6 juillet 2006 (D-2006-116) pièce (D-21), la défenderesse souhaite maintenir le niveau des « frais d’administration » applicables à la facture d’électricité, soit le taux des « frais d’administration » prévu à l’article 12.3 des Tarifs d’électricité. Dans sa décision, la Régie écrit à la page 44 :
« Les frais d’administration doivent être raisonnables, mais dissuasifs pour réduire les mauvaises créances. Ces frais doivent être comparables à ceux appliqués par les autres entreprises de services publics et de télécommunication au Québec. Cette comparaison permet d’éviter que les clients privilégient le paiement des factures de ces compagnies.
Il importe que le Distributeur [Hydro-Québec] dispose des moyens nécessaires pour minimiser les mauvaises créances, afin de ne pas pénaliser indûment les consommateurs qui respectent leur engagement. Le rôle de financer sa clientèle n’incombe pas au Distributeur. »
[146] De l’avis du tribunal, la Régie se prononce clairement sur les « frais d’administration », elle mentionne que le distributeur souhaite maintenir les frais applicables à leur niveau actuel. Le taux prévu à l’article 292 des Tarifs apparait dans le tableau reproduit dans la décision.
[147] La Régie considère que les « frais d’administration » « doivent être raisonnables, mais dissuasifs pour réduire les mauvaises créances. »
[148] La Régie écrit que ces frais doivent être comparables à ceux appliqués par les autres entreprises de services publics et de télécommunication au Québec. Elle ajoute qu’il importe que le distributeur dispose des moyens nécessaires pour minimiser les mauvaises créances, afin de ne pas pénaliser indûment les consommateurs qui respectent leurs engagements. La Régie rappelle que le rôle de financer sa clientèle n’appartient pas au distributeur.
[149] Elle conclut :
« La Régie accepte les frais d’administration proposés à l’article 292 des Tarifs d’électricité. »
[150] Cette décision et la manière dont la Régie traite les « frais d’administration » depuis plusieurs années, est un des éléments à considérer dans l’analyse de la question sous étude, surtout que de nombreux intervenants participent aux auditions devant la Régie.
[151] Ces intervenants, pour plusieurs d’entre eux, ont comme mandat de protéger le consommateur. Une énumération de certains de ces intervenants apparaît utile pour bien comprendre dans quel contexte la décision de la Régie a été rendue.
[152] À la page 2 de la décision, les intervenants sont décrits comme étant :
« - Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité et Conseil de l’industrie forestière du Québec (AQCIE/CIFQ) ;
- Association des redistributeurs d’électricité du Québec (AREQ) ;
- Beaulieu, Hugo ;
- Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI) ;
- Fédération québécoise des municipalités locales et régionales (FQM) ;
- Option consommateurs (OC) ;
- Regroupement national des conseils régionaux de l’environnement du Québec (RNCREQ) ;
- Société en commandite Gaz Métro (SCGM) ;
- Stratégies énergétiques et Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (S.É.-AQLPA) ;
- Union des consommateurs (UC) ;
- Union des municipalités du Québec (UMQ). »
[153] Aucune preuve n’a été faite à l’effet qu’une personne ou un de ces groupes ait fait quelque représentation que ce soit au sujet de la désignation de « frais d’administration » sur les factures de la défenderesse.
[154] De nombreuses décisions de la Régie ont été rendues au fil des ans et aucune des décisions répertoriées n’aborde le sujet de la désignation des « frais d’administration » comme frais de retard.
[155] Ces frais servent à inciter les clients à respecter les conditions de paiement et l’échéance de leur facture.
[156] La preuve a démontré que ces frais ne servent à couvrir qu’une partie des coûts réels de recouvrement.
[157] Le fait que les « frais d’administration » perçus par la défenderesse couvrent à peine 31 % des coûts totaux de recouvrement n’est pas un élément déterminant. Rien ne permet d’affirmer que les « frais d’administration » doivent être à la hauteur des coûts de recouvrement. Il s’agit de deux notions distinctes.
[158] De ce qui précède, le tribunal considère que ce résumé de l’historique de l’utilisation du terme « frais d’administration » participe à établir la compréhension qu’avaient les parties au contrat de fourniture d’électricité.
[159] Dans Bédard c. Hydro-Québec[5], la requérante a présenté une requête pour autorisation d’exercer un recours collectif relativement aux « frais d’administration » facturés sur les comptes en souffrance. La requérante prétendait qu’ils devaient être assimilés à des intérêts et avaient été facturés illégalement.
[160] Bien que le recours exercé par la requérante reposait fondamentalement sur la prétention d’inconstitutionnalité et d’invalidité des dispositions des règlements d’Hydro-Québec permettant de facturer des « frais d’administration », la décision nous est certainement utile.
[161] La Cour d’appel, sous la plume du juge McCarthy, se prononce sur la qualification des « frais d’administration » imposés par Hydro-Québec à l’expiration d’un délai de paiement et conclut que ce n’est pas de l’intérêt :
« L’article
Le juge de première
instance, ayant permis une preuve spéciale, est arrivé à la conclusion que les
montants en question sont effectivement des frais d’administration. À
mon avis, il n’est pas nécessaire de décider cette question. Il n’est pas nécessaire
non plus de décider s’il s’agit d’une clause pénale dans le contrat entre
Hydro-Québec et l’abonné, ce que l’article
[162] En ce sens, bien que la nature des « frais d’administration » chargés par Hydro-Québec pour des paiements en retard n’ait pas été définitivement tranchée par les tribunaux, ils ne sont pas de « l’intérêt ».
[163] En première instance, le juge Bernier a rejeté la requête pour autorisation de la requérante puisque les conclusions recherchées n’étaient pas justifiées par les faits au dossier et il conclut que les frais portés aux comptes des abonnés qui paient leurs factures en retard ne sont pas de l’intérêt, mais bel et bien des « frais d’administration ».
[164] Le juge Bernier s’est exprimé comme suit aux pp. 18, 19 et 21 :
« […] les frais portés aux comptes de ses dits abonnés par l’intimée ne sont nullement telle « rémunération ou contrepartie ou indemnité prévue en retour de l’utilisation ou de la rétention d’une somme d’argent due » mais bien, au contraire, des frais d’administration véritablement encourus par elle par suite de l’omission de ceux-ci à acquitter le montant dû dans le délai stipulé. Plus, c’est d’ailleurs ainsi qu’ils sont désignés non seulement aux articles précités desdits règlements de l’intimée, mais même par la requérante elle-même à sa requête.
Enfin, le fait pour l’intimée de calculer ces frais d’administration par le moyen d’un pourcentage d’une somme d’argent due ne peut avoir pour effet de changer la nature de ceux-ci. Considérer au contraire ces derniers comme « un intérêt de l’argent serait contraire aux faits du dossier ».
[…]
De plus, l’intimée a le droit, que personne ne conteste pas même la requérante, d’établir comme elle l’a fait un délai pour l’acquittement de ses factures. Mais un droit sans sanction deviendrait inopérant. Or la sanction en l’occurrence est de faire payer par lesdits abonnés en défaut d’y satisfaire les frais d’administration additionnels qui en découlent pour l’intimée […]
Or, nous avons vu auparavant qu’il appert des faits au dossier que les frais d’administration en question ne sont nullement des intérêts, mais bien au contraire de véritables frais d’exploitation dont l’intimée se doit de tenir compte dans l’établissement de ses taux ou tarifs auxquels l’énergie est fournie à ses abonnés […]. »
[165] La Cour d’appel a maintenu le jugement de première instance pour d’autres motifs qui ne sont pas applicables aux faits de la présente affaire.
[166] Le jugement sur autorisation rendu dans le présent recours invitait la demanderesse à faire connaître la preuve à l’appui des prétentions respectives des parties sur le sujet :
« [69] Certains commentaires s'imposent et pourraient permettre de distinguer plusieurs aspects de cette décision avec les faits du présent dossier. Lorsque le juge Bernier dit que les frais portés au compte sont des frais d'administration véritablement encourus par Hydro-Québec, il faut comprendre de quoi il est réellement question. Il est important de connaître la preuve présentée par Hydro-Québec dans cette affaire pour faire la démonstration qu'il s'agit bien de frais d'administration. Une telle démonstration exige là un minimum de preuve du calcul de ces frais et la justification du pourcentage facturé au client. »
[167] Après examen de la preuve au mérite, le tribunal conclut que les commentaires du juge Bernier sont applicables sans réserve au présent dossier.
[168] Les frais portés au compte du client en retard de paiement sont des « frais d’administration » encourus par Hydro-Québec et non de l’intérêt.
[169] Plus loin, le juge Bernier écrit :
« Toutefois, même si je trouve que la Loi sur l’intérêt s’applique à Hydro-Québec, je ne peux trouver que l’article 4 de cette Loi s’applique aux circonstances du cas présent. »
[170] Le législateur a adopté la Loi sur l’intérêt pour protéger les consommateurs, notamment pour contrer les abus commis par les prêteurs envers eux et empêcher le prêt usuraire.
[171] Cette loi a pour objectif de s’assurer que le débiteur comprenne bien le taux réel dans les contrats prévoyant un taux d’intérêt. Elle est d’ordre public et les dispositions doivent être impérativement respectées dans tous les contrats qu’elle vise et non pas dans toute matière où il est question « d’intérêt ».
[172] Il faut nécessairement tenir compte de l’intention du législateur lors de l’adoption de la LSI.
[173] Le juge Bernier précise que la loi a été adoptée pour contrer les abus commis par les prêteurs envers les emprunteurs et pour empêcher le prêt usuraire.
[174] C’est là l’objet de la loi clairement exprimée dans cette décision.
[175] La loi a pour objectif d’assurer que le débiteur emprunteur comprenne aisément et de façon satisfaisante le taux réel de l’intérêt dans les contrats de prêt prévoyant un taux d’intérêt. Cette décision a été suivie par la suite.
[176] Dans Gaz Métro (Société en commandite Gaz Métro) c. 2854-5028 Québec inc.[6], s’appuyant sur la décision de la Cour d’appel dans Bédard c. Hydro-Québec, le juge décide que Gaz Métro est bien fondée de réclamer la charge pour « supplément de recouvrement » tandis que la défenderesse tente d’apporter l’argument ici soulevé, prétendant que cette charge constitue une charge en intérêts sur les retards soumise à l’application de la LSI et que les conditions d’application ne sont pas respectées.
[177] L’avocat de la demanderesse prétend que cette charge constitue un intérêt sur les retards et qu’elle est soumise à l'application de la LSI à son article 4. Le juge cite les passages reproduits ci-haut de la décision Bédard c. Hydro-Québec où la Cour d’appel écrit clairement qu’elle ne peut trouver que l’article 4 LSI s’applique à cette charge, appelée dans cette décision « supplément de recouvrement ».
[178] Cette décision favorise clairement la position de la défenderesse sur la notion d’intérêt en ce qui a trait à la LSI.
[179] Dans la décision Peoples Loan & Deposit Co. c. Grant[7] la demanderesse cite le passage suivant :
« Here, however, we have the statute (now R.S.C. c. 127, sec. 2) fixing the rate of interest in all cases where interest is recoverable, and where by the contract a rate is not expressly stipulated for, at 6 per cent. per annum. The words of this enactment are clear:
Whenever interest is payable by agreement of the parties or by law, and no rate is fixed by such agreement or by law, the rate of interest shall be six per cent. per annum.
It follows that interest recoverable by way of damages in this country cannot exceed a yearly rate of six per cent. »
[180] Dans cette décision il s’agit d’une application de la LSI en ce qui concerne l’objet prévu par le législateur, soit un prêt. Cette décision date de 1890 et applique intégralement la Loi. Lorsqu’elle n’est pas respectée, on peut récupérer l’excédent chargé « by way of damages ». Aussi, cette loi s’adresse au cas de recouvrement d’intérêt où le contrat ne spécifie pas le taux applicable.
[181] La demanderesse réfère le tribunal à la décision Fenêtres Réjean Tremblay c. 9084-2907 inc.[8], la demanderesse nous renvoie aux paragraphes 75 et ss. de cette décision :
« [75] Qu’en est-il des intérêts ?
[76] La partie demanderesse réclame des intérêts de 24% l’an à compter du 2 novembre 2012.
[77] Il est vrai que la soumission précisait, à son endos, que « toute commande comportait des frais d’administration de 1.5% mensuellement sur tout compte passé dû ». Les états de compte font état de frais d’administration de 2% par mois (24% par année) sur tout compte passé dû.
[78] Ces sommes assimilables à des intérêts sont-elles dues ?
[79] Pour savoir si ces intérêts (déguisés en frais d’administration) sont recouvrables comme tel, le Tribunal doit se référer à la Loi sur l’intérêt (L.R.C. (1985) chap. 1-15), dont les articles 3 et 4 sont ainsi formulés :
3. [Taux d’intérêt lorsque non fixé] Chaque fois que de l’intérêt est exigible par convention entre les parties ou en vertu de la loi, et qu’il n’est pas fixé de taux en vertu de cette convention ou par la loi, le taux de l’intérêt est de cinq pour cent par an.
4. [Lorsque le taux par an n’est pas indiqué] Sauf à l’égard des hypothèques sur immeubles ou biens réels, lorsque, aux termes d’un contrat écrit ou imprimé, scellé ou non, quelque intérêt est payable à un taux ou pourcentage par jour, semaine ou mois, ou à un taux ou pourcentage pour une période de moins d’un an, aucun intérêt supérieur au taux ou pourcentage de cinq pour cent par an n’est exigible, payable ou recouvrable sur une partie quelconque du principal, à moins que le contrat n’énonce expressément le taux d’intérêt ou pourcentage par an auquel équivaut cet autre taux ou pourcentage.
[80] Dans le présent dossier, il apparaît clairement que non seulement le taux mensuel varie (1.5 ou 2%), mais, de plus, il n’y a pas de contrat écrit qui constitue comme tel une convention entre les parties.
[81] Dans ces circonstances, seuls les intérêts de 5% au taux légal sont exigibles. »
[182] La juge de la Cour du Québec conclut que la LSI s’applique sans vraiment expliquer son raisonnement à ce sujet. Aussi, dans ce dossier, contrairement au présent dossier, il n’y a pas de contrat réglementé.
[183] Dans la décision Sogetel inc. c. Auger[9], il était question de « frais d’administration » facturés par une entreprise de service téléphonique :
« Cette réclamation est fondée sur l’article 17 du Règlement sur les entreprises de téléphone, qui se lit comme suit :
17. FRAIS D’ADMINISTRATION : Des frais d’administration de 0,35 $ par compte impayé par mois, plus 1 3/4 par mois du solde impayé peuvent être ajoutés au solde impayé de toute facture du mois précédent, sauf si l’abonné a contesté la validité ou l’exactitude de la somme facturée. Dans le cas où il y a contestation, l’intérêt ne s’applique qu’à la partie du solde impayé qui se révèle exacte après vérification. (…) [p. 2]
Ce n’est pas en appelant « frais d’administration », le fruit produit par un capital, que l’on changera la nature de ce fruit civil qui s’appelle « l’intérêt ». [p. 3]
[…]
Il faut donc conclure que tout ce qui est produit par un capital et s’accroît avec le temps, est un fruit civil qui est gagné jour par jour durant toute la période, quelle que soit la date de l’échéance; si la dette demeure due après l’échéance, la productivité se continue jour par jour, jusqu’à la date effective du paiement.
Lorsque le principal est constitué
d’une créance en souffrance, le fruit civil qu’elle produit, s’appelle
« intérêt », suivant l’article
[184] Le tribunal ne considère pas que cette décision qui porte sur l’article 17 du Règlement sur les entreprises de téléphone, s’applique au présent dossier qui vise à interpréter l’article 4 de la LSI. Le terme « intérêt » est appliqué dans différents contextes, il faut en tenir compte pour décider si la définition que l’on veut retenir s’applique au contexte de ce dossier.
[185] La demanderesse réfère ensuite le tribunal à la décision Dahl et al c. Royal Bank of Canada et al.[10] :
« [32] It is my opinion that the charge between the Transaction Date and the date when money is advanced to the merchants is interest because the cardholder is allowed to retain his or her money when purchasing goods or services by relying on the promise of the Bank to pay the merchant the purchase price.
[33] Interest
is “the return or consideration or compensation for the use or retention by one
person of a sum of money, belonging to, in a colloquial sense, or owed to,
another” which accrues from day to day: Ontario (Attorney General) v.
Barfried Enterprises Ltd., 1963 CanLII 15 (SCC),
[34] The definition of interest contemplates that interest may be payable on a principal sum referable to either money advanced or payment deferred. In the former circumstances, one has the use of a sum of money belonging to another and, in the latter, one retains the use of one’s own money.
[35] There is no substantive limitation on the ability of the parties to specify the date from which interest charges begin to accrue. It is not necessary for the purpose of characterizing a charge as interest that the principal sum be advanced, or that the deferred payment be due and payable either at or before the time that interest begins to accrue. Interest may be charged prior to the advance of the principal sum if it is clear from the agreement that the parties so intend. Edmonds v. Hamilton Provident and Loan Society (1891), 18 O.A.R. 347; Bills Investments Ltd. v. First Investors Corp. (1990), 1990 CanLII 7678 (SK CA), 72 D.L.R. (4th) 32 (Sask. C.A.); Dahl v. Royal Bank (C.A.) at ¶ 40.
[186] Le tribunal considère que les faits dans cette décision sont totalement différents des faits du présent dossier, en ce que, dans cette décision, il s’agit d’un contrat de prêt comme dans la LSI, c’est l’essence même de cette loi, que de vouloir protéger les emprunteurs, contre un prêteur usuraire. Il n’y a aucun contrat qui a pour but justement de réglementer les relations contractuelles entre les parties, ce qui comprend les « frais d’administration ».
[187] Dans VK Mason Construction ltd. c. Banque de Nouvelle-Écosse[11], la Cour écrit :
« De plus, je crois que l'interprétation donnée par la banque à l'art. 4 est beaucoup plus conforme à l'objet de la Loi sur l’intérêt. L’article est une disposition de protection du consommateur dans le sens qu'à l'égard des prêts autres que les hypothèques immobilières, le consommateur a le droit de connaître le taux d'intérêt annuel qu'il paie. »
[188] L’extrait qui précède est celui cité par la demanderesse. Le tribunal considère comme important de poursuivre la lecture dans le même paragraphe :
« Un emprunteur commercial rompu aux affaires comme Courtot, qui en l’espère a emprunté à un taux d’intérêt variable, a fort peu besoin d’être protégé en étant avisé du taux d’intérêt annuel plutôt que du taux d’intérêt à 360 jours. Plutôt, comme Me Robinette le souligne, puisque l’article permet à un emprunteur de se dégager de ce qui serait par ailleurs une opération financière sans lien de dépendance et valide, il est injuste d’adopter une interprétation qui ne tient pas compte des intérêts légitimes du prêteur. Je crois que ni la lettre ni l’esprit de la Loi ne favorise l’interprétation proposée par la Cour par Mason et je suis d’avis de confirmer l’arrêt de la Cour d’appel sur ce point. »
[189] Le tribunal constate qu’au début de son analyse sur l’article 4 de la LSI, la Cour suprême note que Mason Construction « reconnait que la Banque est un créancier hypothécaire », mais soutient que le sens de l’expression « hypothèque sur les biens-fonds » à l’article 4 de la LSI est différent de celui qu’elle a dans un autre contexte. La Cour suprême n’accepte pas cette interprétation pour les raisons exposées dans l’extrait qui précède.
[190] Il faut retenir que la Cour suprême examine la nature des parties en cause et surtout le contexte de cette affaire. Elle a considéré qu’un emprunteur commercial rompu aux affaires a moins besoin d’être protégé en étant avisé du taux d’intérêt annuel.
[191] La Cour suprême rappelle que l’article 4 est une disposition de protection du consommateur dans le sens qu’à l’égard des prêts autres qu’hypothécaires immobiliers, le consommateur a le droit de connaître le taux d’intérêt annuel qu’il paie en rapport avec le prêt qu’il contracte.
[192] Ici, la demanderesse qui bénéficie d’une protection importante de contrôle par la Régie, telle que décrite en détail dans cette décision, n’est pas l’emprunteur visé par la LSI. Par conséquent, il paraît inapproprié d’importer au présent dossier une mesure protectrice de cette nature.
[193] L’auteur Mary Anne Waldron, The law of interest in Canada[12], décrit l’objectif du législateur lors de l’adoption de la loi. Elle écrit :
« The bill was introduced, in the words of the then Solicitor General, to « protect the borrower so that he may know exactly the nature of the contract he is entering into ». »
[194] Cet extrait de l’ouvrage de Mary Anne Waldron confirme l’objectif de cette loi. Cette loi a été adoptée pour protéger un emprunteur, afin qu’il connaisse exactement la nature de son engagement.
[195] Aussi, la demanderesse n’est pas seule, face à la défenderesse.
[196] Un client seul et contraint par des obligations qui sont les siennes peut vouloir accepter un prêt à tout prix, sans mesurer l’ampleur de son obligation. La loi, dans un tel cas, oblige celui qui lui prête à lui indiquer le taux annuel afin de faire bien comprendre à ce consommateur l’importance de l’obligation liée à la dette qu’il contracte.
[197] La demanderesse n’est pas dans cette situation de vulnérabilité que voulait protéger le législateur en adoptant la LSI. Elle ne le prétend pas non plus.
[198] Difficile de ne pas voir dans ce dossier l’importance que joue la Régie, en tant qu’organisme de protection des consommateurs.
[199] Ajoutons que la défenderesse, contrairement au prêteur, ne peut refuser de contracter. Hydro-Québec ne peut refuser d’approvisionner un client en électricité.
[200] Le taux d’intérêt dans un contrat de prêt est un élément déterminant. En fait, ce type de contrat comporte peu de conditions, notamment le capital emprunté et les intérêts qui y sont associés.
[201] Ici, le client désire obtenir un service de fourniture d’électricité sans devoir négocier et sa décision de contracter a très peu à voir avec le taux des « frais d’administration » ou le taux d’intérêt qui lui sera facturé en cas de retard.
[202] Aussi, dans l’optique d’un prêt, l’intérêt peut représenter des montants significatifs pour l’emprunteur. Les retards de paiement engendrent des frais substantiellement moins élevés. Ces montants encore une fois ne sont d’aucune façon pertinents dans la décision du client de contracter. Ici la demanderesse a cumulé des retards à la hauteur de 16,81 $.
[203] La différence entre le contrat de prêt visé par la LSI et le contrat réglementé, tel celui en cause est tellement grande que le tribunal peine à voir comment il pourrait suivre la représentante dans son action collective.
[204] Dans la décision Sogetel c. Auger[13], le juge de la Cour du Québec examine la question posée sous le présent titre et s’interroge sur cette notion de protection du client seul devant une société d’État telle la défenderesse.
[205] Référons-nous aux passages de cette décision telle que soumise par la demanderesse :
« Ce n’est pas en appelant ‘’frais d’administration’’, le fruit produit par un capital, que l’on changera la nature de ce fruit civil qui s’appelle ‘’l’intérêt’’.
[…]
La Cour d’appel ne voit pas d’accroissement jour par jour, de l’indemnité réclamée par l’Hydro-Québec, parce que le taux n’est appliqué qu’une fois par mois, et qu’un retard de trente (30) jours ne coûterait pas plus cher qu’un retard de vingt (20) jours.
Cette conclusion, avec déférence, n’est pas facile à saisir et devrait faire l’objet d’une opération d’arithmétique.
Sans doute, que l’Hydro-Québec adresse son compte mensuel après l’expiration du mois pour lequel il est dû; c’est ainsi que le compte pour la période de janvier, peut être expédié le 1er février et sera ainsi payable le 21 février, mais avec une pénalité, qui est due le jour même de l’échéance; et si au lieu de payer le 21, le consommateur prend dix (10) jours additionnels et paye le 2 mars de l’année bissextile, aura-t-il profité gratuitement des deniers dus à la compagnie durant ces dix (10) jours additionnels, qui représentent un tiers (1/3) de la période subséquente, s’étendant au 21 mars, alors que le compte de février sera échu? S’il peut profiter de ces dix (10) jours sans obligation additionnelle, pourquoi ne se rendrait-il pas jusqu’au 20 mars, alors qu’il aura profité, avant la deuxième échéance, durant vingt-huit (28) jours de l’argent dû à sa créancière?
Pourquoi n’en serait-il pas ainsi, lorsque le taux est appliqué annuellement, alors que le débiteur pourrait s’abstenir de payer jusqu’à la veille de l’échéance, pour éviter l’intérêt annuel stipulé?
Il paraît clair que si le débiteur retarde de dix (10) jours, il devra verser un et demi pour cent (1½%) exigible à l’échéance, plus un tiers (1/3) de l’indemnité additionnelle recouvrable à l’expiration des trente (30) jours de la deuxième période.
Il faut revenir à la notion élémentaire des fruits civils et en particulier, du loyer de l’argent, qui s’acquiert jour par jour et non au moment de l’échéance.
[…]
Lorsque l’Hydro-Québec réclame un et demi pour cent (1½%) par mois sur le principal lui appartenant et que retient son débiteur, elle impose une indemnité qui s’accroît de plus d’un et demi pour cent (1½%) par mois, puisqu’à chaque mois, l’intérêt échu est capitalisé.
Si le débiteur fait son paiement entre deux échéances, son intérêt s’accroît jour par jour durant la période intermédiaire ; s’il paie dix (10) jours après la première échéance et donc, vingt (20) avant la suivante, il paiera l’intérêt échu plus un tiers (1/3) de l’intérêt additionnel qu’il aurait payé, s’il avait attendu la deuxième échéance.
À la lumière des autorités citées, il semble que cette conclusion s’impose.
Il faut espérer qu’une nouvelle étude par les tribunaux, empêchera une véritable exploitation du consommateur, sur un bien aussi essentiel que l’électricité. »
[206] La Régie a été créée en 1996, par le législateur québécois. Il n’y avait en 1984 aucun organisme de régulation des tarifs et conditions en ce qui concerne la défenderesse.
[207] Avec raison, le juge se disait préoccupé qu’il y ait exploitation du consommateur en rapport avec un bien aussi essentiel que l’électricité. C’est exactement le but recherché dans la création de la Régie.
[208] Au risque de répétition, la demanderesse n’est pas dans la situation où elle se retrouve seule devant la défenderesse et se voit contrainte d’accepter les tarifs et conditions, sans pouvoir de négociation et sans discussion. Dans toute son analyse, elle fait abstraction du rôle de la Régie.
[209] Cette décision dans Sogetel a été citée plusieurs années plus tard dans l’affaire Lanterne Digitale SM inc. c. Composante de construction Écolog.IX inc.[14]. Dans cette affaire, Lanterne Digitale S.M. inc. réclame à la défenderesse, Composante de construction Écolog.IX inc., le paiement d’un compte d’honoraires de 9 748,10 $, en plus du paiement d’une somme équivalente à 2 % par mois sur le solde impayé à titre de « frais d’administration ».
[210] La défenderesse plaide qu’elle n’a pas à payer parce que le contrat n’a pas été complété. Elle prétend que les « frais d’administration » de 2 % par mois sont contraires à la LSI.
[211] Le juge Bourgeois écrit que l’article 4 de la LSI prévoit que lorsqu’un intérêt est payable à un taux qui est énoncé, soit par jour, par semaine ou par mois, aucun intérêt supérieur à 5 % l’an n’est exigible, à moins que le contrat n’énonce expressément le taux d’intérêt annuel. Il écrit :
« [64] En ce qui concerne les « frais d’administration », le Tribunal partage les propos de l’honorable Raymond Beaudet dans l’affaire Sogetel c. Auger :
« Ce n'est pas en appelant « frais d'administration », le fruit produit par un capital, que l'on changera la nature de ce fruit civil qui s'appelle l'intérêt.
Comme les relations entre les parties sont de caractère contractuel, il faut appliquer l'article 4 de la Loi sur l'intérêt et indiquer le taux annuel, sinon le créancier n'a droit qu'à l'intérêt légal au taux de cinq pour cent (5%) l'an. »
[212] Lorsque la décision Lanterne Digital SM inc. a été rendue, la Régie existait depuis près de 10 ans. Le juge Bourgeois, avec égards, applique intégralement ce que le juge Beaudry avait écrit dans Sogetel, à une époque où la Régie n’existait pas.
[213] Le tribunal n’est pas d’accord avec le raisonnement voulant qu’en autant qu’il s’agisse d’un contrat peu importe la nature de celui-ci, le créancier doit indiquer le taux d’intérêt annuel sous peine de devoir se limiter à un intérêt de 5 %.
[214] La demanderesse réfère le tribunal à la décision Vérifone Canada inc. c. 4006330 Canada inc.[15] laquelle plaide que les « frais d’administration » sont et doivent être considérés comme de l’intérêt. Dans cette décision, il s’agit du recouvrement d’un montant d’argent pour marchandise vendue et livrée.
[215] Le juge Gérard Dugré écrit :
« [27] Il est nécessaire de qualifier juridiquement la clause qui stipule « a service charge of 1.5% per month shall be imposed on accounts 45 days past due ».
[28] D’abord, Verifone admet qu’elle réclame des « intérêts » dans la conclusion de sa demande. »
[216] Ensuite, le tribunal estime qu’il s’agit d’intérêts, compte tenu de l’absence de preuve que ce « service charge » constitue réellement des « frais de gestion ». En effet, le terme « intérêt » est défini ainsi par la jurisprudence :
« [traduction] En termes généraux, la rémunération ou contrepartie ou indemnité prévue en retour de l’utilisation ou de la rétention, par une personne, d’une somme d’argent appartenant ou - plus précisément - due à une autre. »[16]
[217] Après cette citation, le juge conclut :
« [30] En conséquence, puisqu’il s’agit d’une réclamation d’intérêts, il fallait donc que le contrat prévoie expressément l’équivalent annuel de ce taux d’intérêt de 1.5% par mois. Or, le contrat, soit les modalités des « purchase order » qui régissent la vente des biens par Verifone à Coliseum Technologies, est silencieux quant au taux d’intérêt annuel auquel équivaut ce pourcentage d’intérêt de 1.5% par mois.
[31] Quelles sont les conséquences de cette carence du contrat?
[32] L’art.
[33] En conséquence, le taux de 5% l’an est l’intérêt maximal qui peut être exigé par Verifone.
[34] Le
Tribunal n’est pas saisi d’une demande d’indemnité additionnelle (art.
[35] En conséquence, le Tribunal ne peut pas l’accorder.
[218] Le juge
ajoute que l’application de l’article 4 LSI fait obstacle à la mise
en œuvre des articles
[219] Le tribunal note que la décision a été rendue sur la base de la définition que l’on retrouve dans Procureur général d’Ontario c. Barfried Enterprises Ltd.
[220] Le tribunal ne considère pas que les circonstances ici permettent d’appliquer sans distinction la définition que l’on retrouve dans la décision Barfried Entreprises Ltd.
[221] On note premièrement que Verifone admet qu’elle facture des « intérêts » dans la conclusion de sa demande, ce qui est une différence notable avec le présent dossier.
[222] De plus, dans Verifone, on se retrouve dans une relation juridique où le client consommateur est seul face au créancier, contrairement à la présente situation où les parties sont régies par un contrat réglementé.
[223] La demanderesse réfère à la décision Jo-Pac Manufacturing c. Dayé[17]. Dans ce dossier, les défendeurs ne contestent pas que les sommes en capital soient dues aux termes des prêts dûment contractés. Ils soutiennent plutôt que la LSI exige que le taux d'intérêt payable soit énoncé expressément en pourcentage par an, sans quoi aucun intérêt supérieur au taux de 5 % n'est exigible. Ils offrent de payer 5 % d’intérêt annuel.
[224] Dans ce dossier le taux d’intérêt convenu dans le contrat était de 4 % par mois, le taux d’intérêt annuel n’ayant pas été spécifié aux contrats de prêt, la demanderesse n’aurait droit qu’à un taux de 5 % l’an, le tout en application de la LSI. Le juge conclut que cette loi en est une d’ordre public et applique l’article 4 LSI et accorde le taux de 5 %.
[225] Il s’agit d’un cas typique d’application de l’article 4 de la LSI. Il n’y avait dans cette affaire aucune raison de ne pas l’appliquer, c’était un prêt, la LSI n’avait pas été respectée, puisque le taux annuel n’avait pas été indiqué sur les contrats de prêts.
[226] Dans la décision Barakaris c. Caisse populaire St-Norbert de Chomedey[18], le juge devait décider en fonction d’un contrat de prêt hypothécaire contenant une clause permettant au créancier de réclamer des « frais d’administration » pour perception des loyers.
[227] Dans ce dossier, il s’agit de l’interprétation de l’article 8 LSI, tel qu’expliqué par la Cour suprême dans l’affaire Fournier[19]. Il fut établi que les sommes exigées par le créancier hypothécaire ne constituent pas une « amende » ou « pénalité », non plus des « intérêts supplémentaires ». Ces sommes sont le remboursement de dépenses engagées par le créancier dans la perception des loyers et de l’administration de l’immeuble. Le tribunal ne croit pas que cette décision soit utile dans l’examen de la notion d’intérêt au sens de l’article 4 LSI, telle qu’elle a été soumise lors de l’audience.
[228]
Dans Garland c. Consumers’ Gas Co.[20],
il s’agit d’examiner la pénalité pour paiement en retard d’une entreprise de
distribution de gaz qui est considérée comme de l’intérêt, dans le contexte
spécifique de l’application de l’article
[229] Dans Toure c. Brault et Martineau inc.[21], le juge Gagnon écrit :
« [92] Le juge Bouchard décide de l’argument de l’appelante Tremblay relatif au paiement d’un intérêt en ces termes :
[…]
[93] Soulignant que l’article
[94] Le dictionnaire de droit privé définit cette notion en ces termes :
INTÉRÊT n.m.
1. (Obl.) Fruit civil produit par un capital dû. « Le prêt à intérêt n’est qu’une variante du prêt de consommation […]. Mais l’emprunteur ne reçoit plus un service gratuit, il paie au prêteur une compensation pour l’usage des deniers, et cette compensation s’appelle l’intérêt » (Mignault, Droit civil, t. 8, p. 130)
Occ. Art. 1077, 1785, 1786 C. civ.; Loi sur l’intérêt, L.R.C. 1985, chap. I-15.
Opp. capital V.a. arrérages, dommages-intérêts, prêt à intérêt, taux d’intérêt.
Angl. interest. »
[230] La Cour
d’appel avait à se pencher sur la notion d’intérêt en lien avec l’article
[231] De plus, dans Sogetel c. Boucherie chevaline St-Léonard[22], il est écrit :
« Il est bien clair que
les « frais d’administration » sont réclamés pour le retard dans
l'exécution de l'obligation; suivant l'article
[232] Cette
décision ne porte pas sur l’application de l’article 4 LSI. Le contexte
est différent. De l’avis du tribunal, il faut considérer cette décision, mais
dans le présent contexte, elle ne permet pas de conclure que les frais facturés
par la défenderesse sont des « intérêts » au sens de la LSI. Il
s’agit ici de déterminer les frais réclamés pour le retard à exécuter une
obligation, au sens de l’article
[233] Dans Masson c. Telus Mobilité[23], il s’agit plutôt de l’aspect abusif des frais facturés et non la qualification de ces frais. Selon cette décision une entreprise telle Telus Mobilité peut facturer des frais pour la gestion du dossier du client et pour les coûts subis lorsque celui-ci ne remplit pas ses obligations.
[234] Dans les décisions Société en commandite Gaz Métro c. Pneus Bélisle inc. et dans Société en commandite Gaz Métro c. 9046-6731 Québec inc.[24], la Cour du Québec reconnaît à Gaz Métro le droit de facturer son supplément de recouvrement pour les coûts occasionnés par les retards de paiement.
[235] Dans Attorney General (Ontario) c. Barfried Entreprises[25] la Cour suprême écrit :
In my opinion all these submissions are well founded and the Act is within the power of the provincial Legislature. The foundation for the judgment under appeal is to be found in the adoption of a wide definition of the subject-matter of interest used in the Saskatchewan Farm Security Act reference. The judgment of this Court is that case was affirmed in the Privy Council. Interest was defined:
In general terms, the return or consideration or compensation for the use or retention by one person of a sum of money, belonging to, in a colloquial sense, or owed to, another.
This is substantially the definition running through the three editions of Halsbury. However, in the third edition (27 Hals., 3rd. ed., p. 7) the text continues :
Interest accrues de die in diem even if payable only at intervals, and is, therefore, apportionable in point of time between persons entitled in succession to the principal.
The day-to-day accrual of interest seems to me to be an essential characteristic. All the other items mentioned in The Unconscionable Transactions Relief Act except discount lack this characteristic. They are not interest. In most of these unconscionable schemes of lending the vice is in the bonus. »
[236] La loi qui a été soumise pour analyse à la Cour suprême est la Saskatchewan Farm Security Act. Il s’agit d’une loi qui a peu à voir avec la LSI. S’attarder uniquement à la définition du mot « intérêt », sans tenir compte du contexte et de la loi dont la Cour suprême en faisait l’interprétation n’est pas utile. La LSI est une loi particulière qui a un objectif bien défini par le législateur, le tout tel qu’il appert des débats à la Chambre des communes auxquels le tribunal fait référence dans ce jugement.
[237] Même chose pour la décision Canada c. Sherway Centre Ltd.[26], la demanderesse cite de longs extraits dans sa plaidoirie qui, avec égards, portent sur un litige en droit fiscal qui ne peut servir dans un contexte aussi différent comme celui-ci.
[238] Ici l’important est de se demander non pas ce qu’est un intérêt, mais ce qu’est un intérêt dans le cadre de la LSI, appliqué à une situation de contrat réglementé. En ce sens, il est très dangereux, de vouloir importer des définitions du mot « intérêts » dans des contextes totalement différents.
[239] Sous ce titre, le tribunal entend tenir compte de l’intention du législateur lors de l’adoption de la LSI.
[240] Dans la décision, Commission de la Santé et de la sécurité du travail c. 9069-4654 Québec inc.[27] le juge Vézina rappelle l’importance de certaines règles en matière d’interprétation de lois, il écrit :
« [63] Dégager l’intention du législateur à partir du mot à mot de la loi était auparavant la règle d’or de l’interprétation; on tranchait alors ex cathedra que « le législateur ne parlait pas pour ne rien dire ». Heureusement, la méthode moderne d’interprétation donne prédominance à l’esprit sur la lettre. Ainsi, dans l’arrêt Ville de Montréal c. 2952-1366 Québec Inc.[28], la Cour suprême réitère que le seul libellé d’une disposition ne suffit pas pour l’interpréter correctement :
[9] Comme
notre Cour l’a maintes fois répété : [TRADUCTION] « Aujourd’hui il n’y a qu’un
seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur
contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise
avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur »
(Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re),
[10] Des mots en apparence clairs et exempts d’ambiguïté peuvent, en fait, se révéler ambigus une fois placés dans leur contexte. La possibilité que le contexte révèle une telle ambiguïté latente découle logiquement de la méthode moderne d’interprétation. Qu’il s’agisse d’un règlement municipal plutôt que d’une loi ne modifie pas l’approche imposée par les règles modernes d’interprétation : P.-A. Côté, Interprétation des lois (3e éd. 1999), p. 31.
[64] Les arguments de texte pèsent moins lourds aujourd’hui et c’est heureux. Il faut toujours les soupeser en regard de l’esprit et de l’objet de la loi. Parfois les mots de la loi traduisent mal l’intention du législateur. Il faut en étudier toutes les dispositions pour en dégager une vision globale qui permet ensuite de revenir à chacune pour l’interpréter dans une juste perspective. »
[241] Appliqué au cas sous étude, il est très clair que le législateur a adopté cette loi, pour protéger le consommateur emprunteur, face à un prêteur susceptible de lui imposer un taux d’intérêt abusif ou usuraire. Le fait d’indiquer le taux d’intérêt annuel avait été considéré comme nécessaire par le législateur, à défaut de quoi, le prêteur ne pouvait exiger plus que le taux prévu à l’article 4 LSI.
[242] Tel que le rappelle l’arrêt Glykis c. Hydro-Québec[29], une disposition législative doit être lue dans son contexte en prenant en considération le sens ordinaire et grammatical des mots, mais aussi l’esprit et l’objet de la loi :
« 5. La méthode d’interprétation des
textes législatifs est bien connue (Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex,
[243] Il est utile de se référer aux Débats de la Chambre des communes, 2e session, 8e Parl., 60-61 V., 1897, aux pages 3684-3690. Elle a été adoptée dans le but de protéger les emprunteurs en leur permettant de connaître le taux d’intérêt annuel lié au prêt qu’ils ont contracté.
[244] Le tribunal se réfère à la décision de la Cour suprême dans V.K. Mason Construction Ltd. c. Banque de le Nouvelle-Écosse[30] :
« De plus, je crois que l’interprétation donnée par la Banque à l’art. 4 est beaucoup plus conforme à l’objet de la Loi sur l’intérêt. L’article 4 est une disposition de protection du consommateur dans le sens qu’à l’égard des prêts autres que les hypothèques immobilières, le consommateur a le droit de connaître le taux d’intérêt annuel qu’il paie. »
[245] Avec égards, l’interprétation que suggère la demanderesse n’a rien à voir avec l’intention du législateur lors de l’adoption de la LSI. Cette interprétation ne tient aucunement compte du contexte particulier qu’impose le contrat réglementé à caractère obligatoire applicable à la défenderesse.
[246] Le tribunal conclut que les frais qualifiés de « frais d’administration » sur les factures de la défenderesse ne sont pas des « intérêts » au sens de la LSI et que par conséquent, l’article 4 de cette loi n’est pas applicable.
[247] Pour ce motif l’action collective devrait être rejetée.
[248] De façon subsidiaire, le tribunal entend analyser l’hypothèse où il aurait répondu positivement à la question précédente.
[249] La demanderesse soumet que le taux « d’intérêt » annuel doit être inscrit sur la facture alors que l’article 4 LSI prévoit que le taux d’intérêt annuel doit être inscrit au contrat, ce qui est tout à fait différent.
[250] Le tribunal considère que la défenderesse ne contrevient pas aux exigences de l’article 4 LSI, puisque le taux annuel est indiqué dans les « Tarifs d’électricité » qui fait partie du contrat.
[251] La facture n’est pas le contrat et l’information sur le taux d’intérêt ne doit pas s’y retrouver, mais doit figurer dans le contrat.
[252] L’article 11.6 des « Conditions de service » stipule que les « frais d’administration » s’appliqueront à l’arriéré au taux prévu aux « Tarifs d’électricité ».
[253] L’article 12.3 des « Tarifs d’électricité » indique le taux des « frais d’administration » mensuels (1,2 %) ainsi que par taux annuel composé (15,38 %).
[254] Il faut donc conclure que les « Conditions de service » qui inclut les « Tarifs d’électricité » comprennent une indication du taux annuel, ce qui, de l’avis du tribunal, respecte l’article 4 LSI. Les « Tarifs d’électricité » font partie du contrat.
[255] Selon la demanderesse, le document « Tarifs » ne fait pas partie du contenu obligationnel liant les parties et de ce fait, la défenderesse ne peut plaider que le taux annuel est indiqué au contrat liant les parties.
[256] La demanderesse présente son argumentation en affirmant que le contrat en cause en est un de consommation et d’adhésion et ajoute que les documents « Conditions » et « Tarifs » sont des clauses externes qui n’ont pas été expressément portées à leur connaissance lors de la formation du contrat. Elle ajoute que ces clauses ne sont pas raisonnablement accessibles pour les clients.
[257] Les « Règlements » et « Tarifs » dont il est question sont le Règlement no 411 (D-11), le Règlement no 634, sur les conditions de fourniture de l’électricité, 1996 GOQ 2, 2998 (P-37), le Règlement no 663 établissant les tarifs d’électricité et les conditions de leur application, 1998 GOQ 2, 2261 (D-20). Les conditions sont déposées sous (D-2, D-3 et D-4).
[258] La présente action collective s’inscrit dans le contexte où les documents « Conditions » et « Tarifs » sont plutôt fixés aux termes de décisions de la Régie depuis le 2 mai 1998.
[259] La demanderesse soumet que ces décisions de la Régie portant sur des matières règlementaires ne peuvent être réputées faire partie du contenu du contrat, car seules les dispositions de la loi ou des règlements en font partie.
[260] Le tribunal considère que le mécanisme prévu par la loi et les règlements prévoient que des « Conditions » et « Tarifs » de la défenderesse peuvent être déterminés ou approuvés par décision.
[261] Dans l’affaire citée par la demanderesse Ifergan c. Société des loteries du Québec[31], la demande d’autorisation de pourvoi à la CSC a été rejetée 28 janvier 2015. La Cour d’appel écrit :
« [46] Selon le courant
majoritaire, la loi et les règlements, lorsqu’ils sont d’ordre public, font
partie du contenu obligationnel implicite du contrat en vertu de l’article
[47] Le
courant minoritaire propose, au contraire, que l’objectif de protection visé
par les dispositions
[48] Les
cocontractants seraient alors dans une véritable situation de contrat
d’adhésion ou de consommation. Dans les cas où la disposition en cause encadre
une relation purement commerciale, peut-on appliquer l’article
[49] À mon avis, la thèse minoritaire doit être rejetée. Le contrat de jeu est réglementé justement parce qu’il ne s’inscrit pas dans le cadre d’une relation commerciale comme toutes les autres : il est réglementé pour des raisons de politique publique. Les dispositions en cause (notamment les articles 9,16 et 20 du Règlement) visent à remplir un objectif précis, celui d’encadrer le contrat de jeu pour des raisons de politique publique. Elles ont notamment pour but d’autoriser l’intimée à mettre en place des mécanismes destinés à traiter tous les participants sur un pied d’égalité.
[50] Pour
ce qui est de la jurisprudence, l’arrêt-clé Hydro-Québec c. Surma conclut que
la loi et les règlements d'ordre public auxquels renvoie un contrat ne constituent
pas une clause externe. En conséquence, la loi et les règlements sont
opposables aux parties à un contrat, même s'il s'agit d'un contrat d'adhésion.
Dans cette affaire, le conjoint de Mme Surma a installé une boîte isolante
autour d'un compteur d’électricité, ce qui a affecté la tarification de
l’électricité. Hydro-Québec réclame à Mme Surma la valeur de l’énergie
subtilisée et les pénalités prévues à l’article 26 de la Loi concernant la
compagnie royale d’électricité. L’une des questions en appel visait à décider
si cet article 26 constituait une clause externe régie par l’article
[262] Dans Hydro-Québec c. Surma[32], la Cour d’appel, sous la plume du juge Robert écrit :
« [49] L'article 26
L.C.R.É. prévoit les pénalités applicables en cas d'inexécution du contrat par
le titulaire du compte, soit lors d'une inexécution de l'obligation concernant
l'interdiction de manipuler les installations; obligation prévue à l'article
104 du Règlement no 411 établissant les conditions de fourniture d'électricité.
À mon avis, l'article 26 L.C.R.É. constitue une sanction civile pour des
manquements à des conditions du contrat qui lie le titulaire du compte,
Élizabeth Surma, et le distributeur d'électricité, Hydro-Québec. Le caractère
contractuel de cette disposition doit ainsi prévaloir. L'article 26 L.C.R.É.
est une obligation qui résulte de la loi, laquelle est intégrée dans le contenu
obligationnel du contrat par la voie de l’article
Les
termes mêmes de l'article
Mais,
précisément, on ne doit jamais perdre de vue les termes de l'article
[50] Plus spécifiquement, le professeur Paul-André Crépeau précise que les obligations implicites découlant de la loi constituent des obligations contractuelles :
L'article
[51] Enfin, le juge Baudouin précise, dans l'arrêt Dempsey II c. Canadian Pacific Hotels Ltd :
Les
obligations contractuelles ne sont pas limitées à celles expressément
mentionnées dans la convention: elles s'étendent aussi à celles qui découlent
implicitement de la nature de chaque entente et de la bonne foi. Les articles
[263] La demanderesse cite la décision de la Cour supérieure dans SSQ assurances générales c. Hydro-Québec[33]. Elle retient le paragraphe suivant :
« Ce qui fera conclure à la Cour supérieure
dans SSQ, Société d’assurances générales inc. c. Hydro-Québec que les décisions
de la Régie de l’énergie relatives aux Conditions et Tarifs ne sont pas de «
nature réglementaire » et ne sont pas réputées faire partie des contrats liant
Hydro-Québec et ses clients. (SSQ Société d’assurances générales inc. c. Hydro
Québec
[264] Il y a cependant lieu de s’attarder sur les questions que la juge devait analyser. Lors d’une période de grand froid, une panne d’électricité entraîne le gel de tuyaux du système de chauffage à eau chaude. Des dommages s’ensuivent, l’assureur SSQ paie et est subrogé dans les droits de son assuré contre la défenderesse Hydro-Québec. Cette dernière conteste sa responsabilité et invoque également une clause d’exonération de responsabilité énoncée aux conditions de services applicables.
[265] Au final,
elle conclut que les conditions de service ne sont donc pas de nature
réglementaire et la clause d’exonération qui y est stipulée n’est opposable à
l’assurée que s’il est démontré, conformément à l’article
[266] De l’avis du tribunal, l’opposition d’une clause d’exonération n’est pas de même nature que de vouloir prétendre que les « Conditions » et « Tarifs » fixés par une décision de la Régie ne sont pas opposables à la demanderesse.
[267] L’article
« 1435. La clause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties.
Toutefois, dans un contrat de consommation ou d’adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n’a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, à moins que l’autre partie ne prouve que le consommateur ou l’adhérent en avait par ailleurs connaissance. »
[268] La demanderesse plaide que le contrat de fourniture d’électricité entre un membre et la défenderesse peut être qualifié juridiquement de « contrat d’adhésion et de consommation », de sorte que pour pouvoir opposer la clause externe, la défenderesse doit avoir expressément porté ladite clause à la connaissance de la demanderesse.
[269] Bien que le tribunal considère que les décisions de la Régie ne font qu’approuver ou non les « Tarifs » et « Conditions », elles ne constituent pas une clause externe, comme le reconnaissent la doctrine et la jurisprudence.
[270] Les décisions de la Régie ne sont pas à proprement parler des clauses externes. Elles font partie des « Tarifs et « Conditions » qui ne peuvent être considérés comme des clauses externes.
[271] Dans
l’arrêt Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs[34],
la Cour suprême conclut que les clauses contractuelles accessibles au moyen
d'un hyperlien paraissant dans le bas de chaque page d'un site Internet ne sont
pas des clauses externes au sens de l'article
[272] Il faut comprendre que c’est la clause comme telle qui se retrouve accessible par un hyperlien.
[273] Dans son ouvrage « Le mécanisme du renvoi contractuel à un document externe : droit commun et régimes spéciaux », l'auteur Lluelles écrit[35] :
« Les clauses externes selon la terminologie du Code civil (art. 1435), sont des stipulations contractuelles qui figurent dans les documents extérieurs- ou annexes- au contrat conclu. Elles le complètent sur des points parfois secondaires, parfois essentiels, et offrent le grand avantage d'éviter au texte signé un trop grand embonpoint ce qui peut être synonyme d'économie de temps et d'argent pour le rédacteur du contrat. »
[274] La décision de la Régie qui approuve ou non ce que lui propose la défenderesse ne constitue pas une stipulation contractuelle qui figure dans un document extérieur au contrat. C’est la détermination finale des conditions qui se retrouvent dans la décision de la Régie. Le tribunal considère que ces décisions ne constituent pas des clauses externes.
[275] Alors que l’information sur le taux d’intérêt annuel est en partie contenue à la facture mensuelle du client, sans vouloir réduire l’importance de l’indication du taux annuel tel que l’exige l’article 4 LSI, il semble y avoir une différence entre une clause contractuelle externe et une information sur un élément déjà abordé dans la facture, soit le taux d’intérêt sur le retard de paiement.
[276] Le tribunal se questionne sur l’application de la théorie de la clause externe dans le présent cas, puisque le taux d’intérêt est davantage une information qu’une clause qu’on cherche à opposer au cocontractant.
[277] La clause externe réfère davantage à une clause contractuelle, qui en soi contient toute l’information dont on a besoin pour en comprendre le sens. Ici, l’information se retrouve en partie sur la facture, sans besoin de référer au contrat, il est même possible de faire le calcul du taux annuel des « frais d’administration » à partir de cette information.
[278] Malgré tout, étant donné l’importance de cette question pour la demanderesse, et pour la suite de son argumentation, le tribunal entend continuer l’analyse en considérant comme le propose la demanderesse, que les décisions de la Régie sont des clauses externes.
[279] La demanderesse plaide que les documents « Conditions » et « Tarifs » approuvés par décisions de la Régie ne seraient pas opposables aux membres, dont la demanderesse.
[280] Si le contrat entre la demanderesse et Hydro-Québec peut être qualifié d’un de consommation, celui-ci possède une particularité, il s’agit d’un contrat réglementé avec les conséquences que cela apporte aux relations juridiques entre les parties.
[281] Le tribunal ne croit pas que, pour décider des questions soumises, il faille déterminer la place accordée au Code civil dans la hiérarchie des sources de droit.
[282] Ce que le tribunal est amené à décider c’est si le client de la défenderesse a été raisonnablement informé du taux annuel des « frais d’administration » et plus particulièrement, si la clause externe que constitue la décision de la Régie sur les « Conditions » et « Tarifs » a été portée à la connaissance du consommateur.
[283] C’est ici qu’intervient à nouveau l’importance de bien connaître le type de contrat dans lequel les parties se situent.
[284] Si la décision de la Régie constitue une clause externe et que pour qu’elle soit opposable à la demanderesse, il faut qu’elle ait été portée à sa connaissance, on doit se demander dans quelle mesure la défenderesse peut aviser chaque client de la décision de la Régie et du taux approuvé.
[285] S’il est aussi vrai que les règles du marché, le déséquilibre des forces en présence et la rédaction unilatérale du contrat par un commerçant tendent à favoriser ses intérêts, ici le législateur a adopté des mesures qui ont pour effet de s’adresser à cette situation de déséquilibre.
[286] Une fois que l’on crée un tel organisme et constatant que le consommateur ne se retrouve plus dans une forme de dominance économique, il faut interpréter les litiges entre un client et la défenderesse en tenant compte de cette particularité.
[287] Encore ici, la demanderesse ne tient aucunement compte de la nature particulière du contrat réglementé qui lie la défenderesse. Elle présente le dossier comme si, seule devant la défenderesse, elle se retrouve dans une situation de dominance créant pour elle une forme d’injustice.
[288] Présenter la situation de la demanderesse comme celle d’une cliente devant bénéficier des principes directeurs qui se dégagent de la démarche visant le rétablissement de l’équilibre contractuel, en établissant que « la défense du consommateur contre un avantage excessif du commerçant et l’exploitation exercée par le commerçant », apparaît inadéquat dans les circonstances.
[289] Son insistance à ne pas reconnaître la différence substantielle due à la réglementation et au rôle de la Régie fausse le débat.
[290] Partant, il semble aussi erroné de référer à ces notions de justice contractuelle et d’équité dans les contrats dans un tel contexte et de le soutenir comme le fait la demanderesse en ce que :
« Cette notion de justice contractuelle, et d’équité dans les contrats, est d’autant plus justifié que le consommateur est considéré, tant au Québec que dans les juridictions étrangères, comme une personne faible et vulnérable, comme l’ont d’ailleurs rappelé la Cour suprême du Canada par la plume des juges Lebel et Cromwell dans l’arrêt Richard c. Time inc. 2012 1 R.C.S 265, par 72 ».
[291] La demanderesse retient le passage suivant de l’arrêt Richard c. Time inc.[36] :
« [72] Les qualificatifs « crédule et inexpérimenté » expriment donc la conception du consommateur moyen qu’adopte la L.p.c. Cette description du consommateur moyen respecte la volonté législative de protéger les personnes vulnérables contre les dangers de certaines méthodes publicitaires. Le terme “crédule” reconnaît que le consommateur moyen est disposé à faire confiance à un commerçant sur la base de l’impression générale que la publicité qu’il reçoit lui donne. Cependant, il ne suggère pas que le consommateur moyen est incapable de comprendre le sens littéral des termes employés dans une publicité, pourvu que la facture générale de celle-ci ne vienne pas brouiller l’intelligibilité des termes employés. »
[292] Avec respect, les qualificatifs de crédule et inexpérimenté et la description du consommateur moyen ne s’appliquent pas à la situation juridique créée dans le présent dossier.
[293] Il en va de même de la référence faite à l’arrêt Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs[37] où la juge Deschamps reconnaissait la faiblesse et la vulnérabilité du consommateur et la nécessité de le protéger contre des situations abusives.
[294] Il ne s’agit pas d’appliquer une clause abusive d’un contrat qui désavantage de manière déraisonnable un consommateur, il s’agit de se demander si l’article 4 LSI a été respecté et si l’information sur le taux d’intérêt annuel apparaît au contrat, ce qui est tout à fait différent.
[295] Le tribunal propose que toutes ces règles visant à rétablir l’équilibre contractuel entre les parties ne sont ici d’aucun secours.
[296] Dans Marcotte
c. Fédération des Caisses Desjardins du Québec[38],
il fut décidé que les mentions quant aux frais d’intérêts apparaissant sur les
factures ne satisfont pas l’exigence prescrite à l’article
[297] La
demanderesse plaide que l’article
« 1379. Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions et, qu’elles ne pouvaient être librement discutées. »
[298] La demanderesse réfère à la décision Hydro-Québec c. Surma[39]. Elle en cite de longs extraits et plaide que la Cour d’appel a déterminé que le contrat d’électricité en était un réglementé et d’adhésion, puisque les clauses étaient fixées par règlement d’Hydro-Québec.
[299] Précisons que cette décision de la Cour d’appel est antérieure à l’arrêt Glykis de la Cour suprême rendue en 2004.
[300] Dans l’arrêt Glykis c. Hydro-Québec :
« L’argument voulant que le caractère
obligatoire du contrat de service soit source de droit ou motif
d’interprétation favorable aux intimés ne peut non plus être retenu. Ni
Hydro-Québec ni le client ne peuvent modifier la teneur du contrat dont les
termes sont dictés par le Règlement. Un juge ne peut donc le contourner
ou réduire les obligations en découlant au motif qu’il s’agit d’un contrat
d’adhésion au sens de l’article
[301] Ce passage de l’arrêt dit clairement que, parce qu’il s’agit d’un contrat réglementé et que les parties, tant le consommateur qu’Hydro-Québec, ne peuvent modifier à leur guise le contenu.
[302] La Cour suprême
établit dans cette décision, qu’il ne s’agit pas d’un contrat d’adhésion au
sens de l’article
[303] Refuser encore ici de reconnaître la différence qu’impose la qualification de contrat réglementé aux faits de la présente action collective ne peut qu’amener à une conclusion erronée.
[304] Or, malgré ce que la Cour suprême a écrit dans Glykis, la demanderesse allègue :
« Ce passage ne doit pas être interprété
comme excluant l’application de l’article
[305] Le tribunal n’est pas d’accord. Comme le rappelle la Cour suprême, ici le caractère obligatoire du contrat en cause ne peut être retenu comme justifiant la qualification de contrat d’adhésion et une interprétation favorable au consommateur, justement parce que les termes sont dictés par règlement.
[306] Suivant cet arrêt de la Cour suprême, un juge ne pourrait réduire les obligations, au motif qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion selon 1437 C.c.Q.
[307] Avec respect, les explications de la Cour suprême apparaissent claires et sans besoin d’interprétation.
[308] Comme lui suggère la demanderesse, le tribunal a pris connaissance de l’article de la professeure Marie-Ève Arbour « Le consommateur et les services publics »[40]. Elle écrit :
« À notre avis, la position de la majorité
est particulièrement contestable au regard de la mise à l’écart d’institutions
de droit privé qui cherchent à contrebalancer les asymétries contractuelles,
telles que le contrat d’adhésion. La qualification du contrat d’adhésion ne
devrait pas être tributaire de la multiplication de prescriptions légales qui
le régissent, parce que, comme le soulignent les professeurs Moore et Lluelles,
cette réglementation est souvent “rédigée suite à des représentations du
milieu, voire par le milieu lui-même, donc par des représentants de la partie
dominante au contrat”. […] Cependant, en présence d’une ambiguïté quant à la
possibilité d’interrompre l’électricité à un point de service différent de
celui qui est en souffrance, il aurait été alors opportun d’appréhender le
contrat de service conclu entre les parties à la lumière de la théorie générale
du droit des obligations — en l’occurrence, l’article
[309] Le tribunal n’entend pas modifier la lecture qu’il fait de l’arrêt Glykis, tel qu’il est résumé ci-haut, avec respect, l’opinion de la professeure Arbour ne convainc pas lorsqu’elle affirme que la position de la majorité est « particulièrement constatable ». Bien que respectant ce point de vue, le tribunal considère que, justement, il est normal que la qualification de contrat d’adhésion soit en partie tributaire de la réglementation qui le régit.
[310] Aussi, lorsque la professeure écrit que la réglementation est souvent rédigée à la lumière de représentations du milieu, voire par le milieu lui-même, donc par des représentants de la partie dominante au contrat, le tribunal émet des réserves quant à cette affirmation puisque, comme le prévoit la réglementation applicable, les représentations des organismes de protection du consommateur sont très présentes devant la Régie. Il ne serait pas juste d’affirmer que les représentations de la partie dominante au contrat, la défenderesse, est plus importante.
[311] Or, ici Hydro-Québec (la défenderesse) n’est pas la rédactrice de la convention, ou si elle la propose, elle fait l’objet du contrôle de la Régie avec toutes les contraintes qui s’ensuivent.
[312] Tant la défenderesse que le consommateur représenté par divers organismes de protection du consommateur présentent leur point de vue et la Régie, tribunal indépendant, décide du contenu obligationnel du contrat liant Hydro-Québec au consommateur.
[313] S’il y avait un débat en 2001 pour savoir si le contrat réglementé pouvait être considéré comme un contrat d’adhésion, en 2004, l’arrêt Glykis l’a tranché.
[314] Il n’y a donc pas lieu de minimiser la portée des propos tenus par la Cour suprême, comme le suggère la demanderesse.
[315] Elle cite également la Cour d’appel dans l’affaire Ifergan c. Société des Loteries du Québec. Dans cette décision, la Cour d’appel a déterminé que le contrat de la Société d’état qu’est Loto-Québec est réglementé, puisque les clauses étaient fixées par règlement.
[316] Pour la demanderesse il s’agit d’un contrat de consommation et d’adhésion et la Cour d’appel retient le raisonnement de l’arrêt Hydro-Québec c. Surma étudié précédemment.
[317] La demanderesse réfère aux passages suivants de l’affaire Ifergan :
« [50] Pour ce qui est de la jurisprudence, l’arrêt-clé Hydro-Québec c. Surma
conclut que la loi et les règlements d'ordre public auxquels renvoie un contrat
ne constituent pas une clause externe. En conséquence, la loi et les règlements
sont opposables aux parties à un contrat, même s'il s'agit d'un contrat
d'adhésion. Dans cette affaire, le conjoint de Mme Surma a installé
une boîte isolante autour d'un compteur d’électricité, ce qui a affecté la
tarification de l’électricité. Hydro-Québec réclame à Mme Surma la
valeur de l’énergie subtilisée et les pénalités prévues à l’article 26 de la
Loi concernant la compagnie royale d’électricité. L’une des questions en appel
visait à décider si cet article 26 constituait une clause externe régie par l’article
[51] La Cour observe que le contrat en l’espèce est un contrat d’adhésion, car Hydro-Québec, un agent de la couronne, en impose les stipulations essentielles par le truchement de la réglementation que sa loi constitutive l’habilite à prendre :
70 Je crois que le libellé de l'article 1379 du Code civil nous permet de conclure que le contrat de vente à la mesure d'Hydro-Québec est un contrat d'adhésion. En effet, la Loi sur l'Hydro-Québec lui donnant le pouvoir de réglementer (donc de rédiger), malgré le fait que ces règlements soient soumis à l'approbation du gouvernement, les tarifs et les conditions qui constituent des stipulations essentielles au contrat.
71 De plus, il faut mentionner qu’Hydro-Québec est un agent de la Couronne et que c'est l'État qui a rédigé la loi pour son propre agent. Le gouvernement a dicté les stipulations essentielles et elle l'a fait pour le compte de son propre agent qui est son prolongement.
[52] Quant
à la question de savoir si les règles de droit commun relatives au contrat
d’adhésion s’appliquent au contrat d’Hydro-Québec, la Cour souligne que l’article
[53] La
Cour se demande ensuite si les lois et règlements (d’ordre public) peuvent
constituer des clauses externes. Elle conclut que non, pour le motif que la loi
d’ordre public fait partie du contenu « obligationnel » du contrat
par l’effet de l’article
Une
loi (d’ordre public) fait partie du contenu «obligationnel» par l’application
de l’article
[54] En
application de l'affaire Surma précitée et de la doctrine majoritaire, je
conclus que le Règlement ne constitue pas une
clause externe et, par conséquent, que les dispositions des articles
[318] De l’avis du tribunal, la Cour d’appel reprend ce qui est écrit dans Surma. Cette décision ne modifie pas les conclusions auxquelles la Cour suprême en est arrivée dans Glykis.
[319] Qui plus est, dans Ifergan, l’organisme impliqué comme défenderesse est Loto-Québec qui n’est pas un organisme réglementé.
[320] La situation de la défenderesse est différente, justement à cause de la nature particulière du contrat réglementé qui la régit.
[321] En
conclusion, le tribunal considère que le contrat en cause n’en est pas un
d’adhésion au sens de l’article
[322] La demanderesse plaide que les « Conditions » et « Tarifs » sont proposés par la défenderesse à la Régie et, au final, approuvés ou pas par une décision, elle ajoute :
« Or, la défenderesse est en réalité un mandataire direct du gouvernement et la Régie de l’énergie, un organisme gouvernemental dont les régisseurs sont nommés par le gouvernement. »
[323] Elle conclut que vu la position vulnérable des clients, les documents que sont les « Conditions » et « Tarifs » s’assimilent à des dispositions stipulées par le gouvernement, par suite de représentations du milieu.
[324] Par conséquent, ces « Conditions » et « Tarifs » n’ayant pas été portés à la connaissance des membres lors de la formation de leur contrat ne leur sont pas opposables (1435 C.c.Q.).
[325] Le tribunal considère que la demanderesse présente la situation en omettant de tenir compte de l’indépendance présumée de la Régie.
[326] Proposer que les « Conditions » et « Tarifs » s’assimilent à des dispositions stipulées par le gouvernement minimise, voire évacue complètement, sans raison valable, le rôle de la Régie et la présomption d’impartialité dont elle bénéficie comme tout tribunal administratif.
[327] Le
tribunal entend tout de même examiner rapidement la suite de l’argumentation de
la demanderesse qui, tenant pour acquis que l’article 4 LSI s’applique
au présent dossier et que la clause externe (« Conditions » et
« Tarifs » et décisions de la Régie) ne lui sont pas opposables
puisqu’il s’agirait d’un contrat de consommation et d’adhésion, la demanderesse
soumet que la défenderesse n’a pas respecté ce que prévoit l’article
[328] Toujours dans l’optique où le contrat réglementé pourrait être qualifié de contrat d’adhésion et contrat de consommation, la demanderesse poursuit dans l’analyse de la manière dont il est possible de prouver que le consommateur ou l’adhérent a eu connaissance de la clause externe et qu’elle lui soit raisonnablement accessible.
[329] Elle se réfère à ce propos à la décision Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs[41] :
« [98] Ainsi, plusieurs auteurs soulignent que, pour qu’une clause externe à un contrat puisse lier les parties, elle doit être raisonnablement accessible : Lluelles et Moore, p. 753; Baudouin et Jobin : Les obligations, p. 268. En effet, pour qu’un contractant puisse invoquer la force obligatoire d’une clause contractuelle, il faut que l’autre contractant ait eu une possibilité raisonnable d’en prendre connaissance. Pour ce faire, il faut qu’il y ait eu accès. Dans un contrat négocié faisant état de toutes les conditions contractuelles, le problème d’accessibilité ne survient pas parce que toutes les clauses font partie d’un même document. L’accessibilité est cependant une condition d’opposabilité préalable implicite lorsque le contrat renvoie à un document externe. »
[330] L’accessibilité est fonction de l’intérêt d’une partie à vouloir véritablement accéder à l’information.
[331] Ici, le tribunal aborde le sujet portant sur le caractère artificiel du recours.
[332] Ce sujet sera examiné lors de l’étude de la question du défaut d’information. L’examen du témoignage de madame Charland démontre que, dès le début, ce qu’elle voulait n’était pas de résoudre un problème, mais ayant déterminé un potentiel de reproches à l’endroit de la défenderesse, elle a voulu recueillir la preuve afin de démontrer que l’information n’était raisonnablement pas accessible.
[333] La preuve démontre qu’en toute probabilité, ce qu’elle désirait faire c’était, non pas d’obtenir l’information sur le taux d’intérêt annuel, mais plutôt indiquer comment il est difficile d’y arriver et ainsi démontrer le bien-fondé de son recours.
[334] Il est vrai que l’information sur le taux d’intérêt annuel n’est pas facile à cerner, mais encore faut-il vouloir la trouver.
[335] La demanderesse a fait la démonstration que le chemin parcouru pour obtenir l’information était raisonnablement accessible.
[336] Aussi, sur la manière dont on aurait pu porter l’information à la connaissance du client, la demanderesse plaide à titre d’exemple que s’il y avait remise d’un dépliant aux clients, cela serait insuffisant pour que le contenu de la clause externe lui soit opposable. Elle s’appuie sur l’auteur Vicent Karim, Les obligations[42] :
« 1898. Aussi, il ne suffit pas de remettre un dépliant au consommateur ou à l’adhérent pour invoquer que son contenu fait partie du contrat et est opposable au consommateur. Le devoir d’information dépasse la remise de documentation. ( ...)
L’article
[337] Sans remettre en cause le bien-fondé de ce que l’auteur Vincent Karim affirme, le tribunal considère qu’il ne convient pas à une situation de contrat réglementé mettant en présence des millions de clients comme dans le présent dossier.
[338] S’il ne suffit pas de remettre un dépliant aux clients de la défenderesse pour leur faire part de l’information concernant le taux d’intérêt annuel, comment en toute logique remplir cette obligation ?
[339] Faudrait-il qu’un représentant de la défenderesse rencontre chaque client d’Hydro-Québec pour lui expliquer le contenu des « Tarifs » et des « Conditions » et des décisions de la Régie sur le taux d’intérêt annuel ?
[340] Poser la question montre jusqu’à quel point le raisonnement de la demanderesse est déraisonnable.
[341] Le tribunal considère que, lorsqu’une partie de l’information est contenue sur la facture, soit le taux d’intérêt mensuel, et qu’une simple multiplication permet de connaître le taux annuel avec une certaine précision, on ne peut pas dire que l’information n’est pas accessible.
[342] Tout ce qui manque c’est de savoir si le taux est simple ou composé. C’est l’un ou l’autre.
[343] Or, l’objectif de l’article 4 de la LSI est d’informer le consommateur de l’engagement qu’il prend, afin d’éviter qu’il ne s’engage sans en connaître l’ampleur, comme l’écrit le législateur.
[344] Cela permet de faire ressortir la nature fragile du fondement juridique de l’action collective et, au final, de ce qui en motivait le dépôt.
[345] Ce constat permet de mettre de côté l’aspect de l’argumentation de la demanderesse, précisant que les « Conditions » et « Tarifs » n’indiquent pas précisément l’information du taux annuel à une date donnée.
[346] S’il est vrai que les documents « Conditions » et « Tarifs » proposent une formule comprenant de nombreuses variables, reste que la référence à des sources externes permet de calculer, pour qui le désire, le taux annuel des « frais d’administration » à une date donnée.
[347] On fait ici référence au taux préférentiel de la Banque Nationale du Canada en vigueur à la date de la facturation. Ce taux situé pendant 60 jours consécutifs autour de l’une des sept fourchettes apparaissant au document « Tarifs », le client peut déterminer le taux des « frais d’administration » applicable.
[348] Il ne saurait s’agir d’une absence totale d’indication et de divulgation du taux annuel, comme le soumet la demanderesse.
[349] Si une information est accessible, le tribunal considère que l’information que cherchait à connaître la demanderesse était disponible.
[350] L’accessibilité est fonction du type de contrat et des circonstances du dossier. Les « Conditions » et « Tarifs » constituent des documents complexes portant sur un grand nombre de sujets, dont les « frais d’administration » facturés par la défenderesse.
[351] S’il existe une difficulté à trouver facilement l’information, cela est en partie dû à la nature imposante des documents « Conditions » et « Tarifs » et aux nombreux sujets qui y sont abordés.
[352] Tout dépend du temps consacré à cet exercice. Cette recherche vise à obtenir l’information ou à démontrer qu’elle est difficile à obtenir, le tout dans le but de soutenir l’action collective.
[353] La défenderesse plaide qu’on ne peut lui reprocher d’avoir imposé des « frais d’administration » à taux simple alors qu’elle aurait pu le faire à taux composé, les clients en ayant été avantagés.
[354] La demanderesse répond que la question en litige n’est pas là. Le tribunal considère au contraire que ce fait est pertinent.
[355] Il faut toujours avoir à l’esprit l’intention du législateur lors de l’adoption de la LSI. Son intention était de protéger le consommateur.
[356] Il y a bien là une intention de faire en sorte que le consommateur ne soit pas lésé et qu’il ne paie pas plus qu’il ne le devrait.
[357] Partant, comment ne pas considérer la pertinence du constat que la défenderesse a facturé moins que ce qu’elle était autorisée à faire ?
[358] La demanderesse prétend que le fait de ne pas indiquer le taux annualisé sur la facture constitue un manquement important et un défaut de respecter l’obligation d’information et de renseignement de la défenderesse.
[359] Il importe de rappeler que le taux annualisé pour « frais d’administration » est appliqué une seule fois, sans aucune composition. C’est ce qui ressort de l’interrogatoire de madame Laliberté, lorsqu’elle dit qu’il n’y a jamais de frais sur les frais.
[360] Le fait de ne pas indiquer le taux annualisé comme elle le faisait avant janvier 2008 aurait causé des ennuis à la demanderesse. Le tribunal ne comprend pas les difficultés, le calcul du taux mensuel apparaît sur la facture et le calcul du taux annualisé est simple (12 X 1,2 % = 14,4 %).
[361] Même s’il s’agit d’une action collective, le fardeau de la demanderesse demeure le même : elle doit démontrer que son recours est bien fondé et justifie les conclusions demandées.
[362] Elle doit en outre démontrer que le défaut d’information sur le taux d’administration annuel serait à l’origine de dommages pour elle. Ici, ce qui a été facturé est moins élevé que ce qui avait été autorisé par la Régie.
[363] Entre le 1er janvier 2008 et le 22 avril 2010, la défenderesse a appliqué des « frais d’administration » à taux simple (14,4 %) alors qu’elle était autorisée à appliquer un taux composé (15,38 %).
[364] C’est en août 2009, dans le cadre de la demande de fixation des tarifs d’électricité pour l’année 2010 2011, que la défenderesse a demandé à la Régie de prévoir le mode de calcul des « frais d’administration » à taux simple.
[365] La demanderesse se plaint du fait que la défenderesse n’a pas été autorisée à lui facturer un pourcentage moins élevé de « frais d’administration ».
[366] Ce reproche se conçoit mal et peut difficilement justifier l’action intentée basée sur un manque d’information.
[367] C’est en mars 2010 que la Régie a accueilli la demande d’Hydro-Québec de réduire le taux annuel des « frais d'administration » à 14,4 % l’an (D-23, p. 126).
[368] Même la Régie a reconnu que l’utilisation d’un taux simple plutôt qu’un taux composé était à l'avantage des clients, le tout tel qu’il appert de la décision du 7 décembre 2010 (D-22 p. 10) :
« [22] […] À tout événement, le taux simple utilisé en l’espèce est à l’avantage du demandeur. En effet, si le Distributeur avait exigé du demandeur le paiement de frais d’administration selon un taux composé, ce qu’il n’a pas fait, les frais d’administration auraient été plus élevés. Le demandeur ne saurait donc s’en plaindre. »
[369] Selon la défenderesse, sauf la demanderesse, aucun client ne s’est plaint d’avoir dû payer moins de « frais d’administration » durant la période suivant le 1er janvier 2008. Cela est significatif sur la valeur de l’action collective intentée.
[370] La preuve faite à l’audition n’a pas non plus permis d’identifier un seul autre client qui se serait plaint de cette situation.
[371] De l’avis du tribunal, même s’il fallait considérer le comportement de la défenderesse comme donnant raison à l’argument portant sur le défaut d’information, ce défaut n’a engendré aucune conséquence et aucun dommage pour la demanderesse.
[372] Ce défaut de renseignement plaidé par la demanderesse aurait provoqué chez elle un souci et des inconvénients, puisqu’elle n’arrivait pas à arrimer le pourcentage mensuel sur sa facture, date d’avant le 1er janvier 2008 avec le taux de 15,38 %.
[373] Le tribunal émet des réserves sur l’existence de cette difficulté. Encore une fois, un simple calcul (12 x1,2 % = 14,4 %) lui aurait permis de faire cet arrimage avec ce que représentent les « frais d’administration » sur sa facture.
[374] Comment, en consultant des amis, elle n’a pu réussir à faire le calcul et comprendre que le taux était non plus composé, mais simple.
[375] Pourtant, il n’y avait pas beaucoup de solutions possibles. Le 1,2 % indiqué sur la facture, calculé à taux composé ou à taux simple.
[376] Le tribunal se questionne sur la longue démarche de la demanderesse et les nombreuses heures passées à tenter de comprendre et suggère plutôt que ce long cheminement ne visait qu’à appuyer les fondements de son recours.
[377] L’important pour elle, ce n’était pas de trouver la réponse à sa question, mais de démontrer comment il était difficile d’y parvenir.
[378] Le tribunal émet de fortes réserves sur le témoignage de la demanderesse lorsqu’elle dit qu’il lui a fallu onze mois pour comprendre que le taux facturé par la défenderesse n’était pas un taux composé. Elle a dû attendre l’explication de Me Gagné, avocat de la défenderesse, pour comprendre qu’il s’agissait d’un taux simple et non composé.
[379] Le tribunal est d’opinion que la demanderesse n’a pas cherché à connaître la réponse à son interrogation. Elle a plutôt cherché à démontrer que l’information était difficilement accessible, et ce, dans le but d’appuyer le recours intenté.
[380] Comme l’indique très bien le dos des factures (P-5 A)), la défenderesse indique que, pour connaître les conditions de service de l’électricité et les tarifs en vigueur, il faut consulter les documents intitulés « Conditions de service d’électricité prévues au Règlement 634 sur les conditions de fourniture de l’électricité et Tarifs et conditions du Distributeur. Pour obtenir un exemplaire de ces documents, vous n’avez qu’à en faire la demande par Internet à l’adresse qui est mentionné, ou plus simplement, par téléphone au numéro mentionné.
[381] À ce sujet elle témoigne qu’en 2008, tous n’avaient pas accès à Internet. Si tel avait été le cas, elle pouvait très bien composer le numéro de téléphone indiqué au dos et elle ne l’a pas fait. Elle aurait en toute probabilité obtenu l’information qu’elle recherchait.
[382] De plus, ce n’est que deux semaines avant l’audition en 2017 que la demanderesse a complété sa recherche sur le site de la Banque Nationale pour connaître le taux préférentiel. Sa recherche n’était pas terminée lors du dépôt de la demande en autorisation. Certes, elle avait utilisé un mot clé différent « taux préférentiel » au lieu de « taux », mais, peu importe, si le but était réellement de connaître l’information sur le taux annuel, elle pouvait très bien se rendre sur le site Internet de la défenderesse ou simplement téléphoner pour obtenir l’information.
[383] Il faut aussi conclure qu’il n’y a pas que la demanderesse qui a subi un dommage. Ici, aucune preuve ne permet d’identifier un autre membre qui aurait subi le même type de dommages par suite de recherches infructueuses sur le taux de « frais d’administration » annuel et ce n’est pas par manque de membres de cette action collective.
[384] Qui plus est, tel que le tribunal l’a fait remarquer à l’audition, il n’y a eu aucune preuve des dommages qui auraient été causés par la défenderesse en lien avec ce défaut d’information allégué.
[385] La preuve de dommages porte sur l’application de la LSI. Le tribunal réfère à ce sujet à l’analyse des deux experts entendus au procès. Les dommages ou la compensation exigée visent la différence entre le taux de 5 % prévu dans la loi et celui réellement facturé.
[386] L’arrêt de principe sur cette question de l’obligation de renseignement est la décision Banque de Montréal c. Bail ltée[43]. Selon la Cour suprême :
« Sans nécessairement en adopter l'énoncé, je suis d'avis que Ghestin expose correctement la nature et les paramètres de l'obligation de renseignement. Il en fait ressortir les éléments principaux, soit :
—la connaissance, réelle ou présumée, de l'information par la partie débitrice de l'obligation de renseignement;
—la nature déterminante de l'information en question;
—l'impossibilité du créancier de l'obligation de se renseigner soi-même, ou la confiance légitime du créancier envers le débiteur.
À mon avis, ces éléments se retrouvent dans toutes les instances de l'obligation de renseignement. Le fabricant, par exemple, connaît ou est présumé connaître les risques et dangers créés par son produit, ainsi que les défauts de fabrication dont il peut souffrir. Ces informations exercent une influence certaine dans les décisions du consommateur relativement à l'achat et à l'usage de ces produits. Le plus souvent, le consommateur fait confiance au fabricant à cet égard ou se trouve dans l'impossibilité de connaître ces informations. Il en va de même pour les autres manifestations de l'obligation de renseignement. » (pp. 586-587)
[387] La Cour poursuit immédiatement en disant :
« L'apparition de l'obligation de renseignement est reliée à un certain rééquilibrage au sein du droit civil. Alors qu'auparavant il était de mise de laisser le soin à chacun de se renseigner et de s'informer avant d'agir, le droit civil est maintenant plus attentif aux inégalités informationnelles, et il impose une obligation positive de renseignement dans les cas où une partie se retrouve dans une position informationnelle vulnérable, d'où des dommages pourraient s'ensuivre. L'obligation de renseignement et le devoir de ne pas donner de fausses informations peuvent être conçus comme les deux facettes d'une même médaille. Comme je l'ai mentionné dans Laferrière c. Lawson, précité, les actes et les omissions peuvent tout autant l'un que l'autre constituer une faute, et le droit civil ne les distingue pas à cet égard. À l'instar de P. Le Tourneau, "De l'allégement de l'obligation de renseignements ou de conseil", D. 1987. Chron., p. 101, cependant, j'ajouterais qu'il ne faut pas donner à l'obligation de renseignement une portée telle qu'elle écarterait l'obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires. »
[388] Il est donc clairement admis que ce défaut de fournir l’information doit causer un préjudice sérieux à la partie qui invoque ce défaut. Comme Baudoin écrit :
« […] le défaut de fournir l'information doit causer à l'autre partie un préjudice sérieux; en d'autres termes, si l'information avait été communiquée, elle aurait joué un rôle certain dans la décision de l'autre partie de conclure le contrat ou non, ou de le conclure à telles ou telles conditions moins onéreuses (prix, etc.).
[389] Les inconvénients que la demanderesse soutient avoir subis, les nombreuses journées passées à tenter de trouver l’information sont une conséquence du défaut de la défenderesse de respecter sa propre obligation de renseignement. Nous y reviendrons.
[390] Le tribunal est d’avis qu’il aurait dû y avoir une amorce d’allégations d’autres clients qui auraient aussi subi les mêmes dommages par suite du défaut de respecter l’obligation de renseigner.
[391] Le témoignage de monsieur Langdeau est significatif à ce sujet. Une table de travail est mise en place par la défenderesse. Diverses associations de consommateurs y participent. Les échanges portent sur les problèmes liés aux difficultés de paiements de certains clients. La Régie est au courant de ces rencontres. Il n’y a jamais de préoccupation concernant les « frais d’administration » et la clarté de l’information à ce sujet. Les plaintes concernent divers sujets, mais aucune ne porte sur le taux annualisé des « frais d’administration ».
[392] Cela rend peu probable le fait que d’autres membres visés par l’action collective aient été lésés par l’absence d’autorisation de la Régie du taux annuel inférieur à ce que la défenderesse était autorisée à facturer et aussi par le fait que les « frais d’administration » ne sont pas indiqués sur la facture.
[393] Une fois l’information obtenue, elle se serait rendu compte que ce qui était facturé à titre de « frais d’administration » 14,4 % était inférieur à ce que la Régie avait autorisé soit 15,38 %. Qui plus est, l’information était accessible, mais elle n’a pas communiqué avec la défenderesse.
[394] Par contre, elle s’est adressée à la Régie afin, dit-elle, de connaître cette information. Lors de son contre-interrogatoire, on apprend qu’elle est allée voir son avocat, Me Paquette. Elle ne se rappelle pas de la date, mais elle soutient avoir rencontré des personnes, elle soumet les noms de Me Dubois, Me Tourigny et monsieur Théoret.
[395] Elle est alors accompagnée de Me Paquette, Me St Louis et Me Chrétien. Ils se sont adressés à la Régie pour demander de faire enquête, puisqu’ils avaient constaté que le taux des « frais d’administration » était de 14,4 % et que rien dans la documentation ne permettait de le savoir. Elle témoigne que ces démarches n’avaient pas été faites avant de déposer la requête en autorisation.
[396] Le tribunal se permet de mettre en doute la recherche de la demanderesse pour obtenir l’information voulue. Elle a témoigné qu’elle ne se rappelle pas de la date.
[397] Lors de son témoignage, madame Charland a indiqué qu’elle n’a pu retrouver l’information sur le taux préférentiel de la Banque Nationale que pour l’année 2015. Elle suggère avoir tout de même fait une recherche en 2009 et en 2010, mais ne se souvient pas du taux préférentiel indiqué par la Banque Nationale.
[398] De l’avis du tribunal, cette recherche a été faite après la présentation du recours et après l’autorisation. Le témoignage de la demanderesse sur ce point n’est pas crédible.
[399] Si elle avait pris connaissance du taux préférentiel durant la période de 2009 à 2010 elle l’aurait noté. Manifestement, cette recherche a été faite en vue de la préparation du mérite du dossier et non avant. La réticence qu’elle a manifestée à admettre affecte sa crédibilité.
[400] Comme vu précédemment, la demanderesse pouvait communiquer par Internet avec la défenderesse, ou plus simplement par téléphone.
[401] Encore fallait-il qu’elle désire obtenir cette information.
[402] Dans l’arrêt Hôpital Maisonneuve Rosemont c. Buesco Construction inc.[44] la Cour d’appel énonce la nature de cette obligation :
« [167] Dans l’arrêt Banque de Montréal c. Bail ltée[45], la Cour suprême, sous la plume du juge Gonthier, définit l’obligation de renseignement en fonction des composantes suivantes : (1) la connaissance, réelle ou présumée, de l’information par la partie débitrice de l’obligation de renseignement; (2) la nature déterminante de l’information; et (3) l’impossibilité du créancier de l’obligation à se renseigner lui-même[46].
[168] Le juge Gonthier précise toutefois « qu’il ne faut pas donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires »[47].
[169] Dans l’arrêt MacKay, notre Cour a précisé que l’obligation de renseignement devait respecter un certain équilibre entre l’obligation d’information et celle de s’informer :
Autrement dit, on ne doit pas pousser l'intensité de l’obligation d’informer jusqu'à une tolérance inconditionnelle et à l'absolution d'une conduite négligente ou imprudente de la part du débiteur.
[170] Les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina expriment la limite de l’obligation d’information en ces termes :
L’obligation de se renseigner est l’envers de la médaille de l’obligation d’information : c’est la limite qui lui est imposée. Dans la mesure, en effet, où, dans les circonstances de l’espèce, le contractant a la possibilité de connaître l’information ou d’y avoir accès […], celui qui s’apprête à passer un contrat doit prendre les mesures raisonnables pour en bien connaître les enjeux importants, les faits susceptibles d’influencer sa décision; l’obligation de se renseigner vient ainsi faire échec au devoir corrélatif de renseignement de l’autre partie. Dans une certaine mesure, non négligeable, ce devoir de se renseigner est apprécié de façon subjective : on tient compte de la formation et de l’expérience de la personne concernée.
[…]
Dans l’obligation d’information, le droit entend protéger le contractant contre une inégalité situationnelle, mais non contre sa propre sottise ou négligence. En effet, une partie doit pouvoir présumer légitimement que son cocontractant dispose de l’information générale pertinente ou qu’il fera les efforts nécessaires pour se la procurer.
[171] L’obligation de renseignement n’est autre chose que le prolongement de l’obligation d’agir de bonne foi, c'est-à-dire d’adopter en toute circonstance une conduite raisonnable dans le cadre de l’exécution du contrat. Elle vise à ne pas créer une situation inattendue équivalant à un piège dont la cause, si elle avait été connue en temps utile, aurait pu être évitée par le débiteur de l’obligation contractuelle. En somme, l’obligation de renseignement appréciée au diapason de l’obligation corrélative du devoir de s’informer ne vise qu’à maintenir un juste équilibre entre les prestataires des obligations prévues au contrat et peut, selon le cas, constituer un tempérament à la responsabilité générale de l’entrepreneur découlant de son obligation de résultat.
[172] Il faut cependant se garder de voir dans cette obligation un sauf-conduit contre l’inégalité situationnelle résultant de la négligence de celui qui s’est obligé à l’atteinte d’un résultat précis. »
[403] De l’avis du tribunal, le texte décrit amplement ce qu’il faut faire pour obtenir l’information, si tant est que c’est ce que la demanderesse désirait.
[404] Encore une fois, un simple appel auprès de la défenderesse aurait permis de l’obtenir.
[405] À ce sujet, comme en fait état le résumé du témoignage de la demanderesse, le 25 janvier 2010, après le dépôt du recours collectif, elle a téléphoné à un représentant de la défenderesse, madame Rivest. Cette dernière n’avait plus de version française de la documentation à laquelle réfère la facture, mais lui a offert une version anglaise (P-10). Elle soutient ne pas avoir fait d’autre appel pour en connaître davantage, invoquant le temps d’attente au téléphone de 15 à 20 minutes.
[406] Ce qui l’intéressait c’était le recours collectif et non d’obtenir la réponse à son questionnement sur le taux d’intérêt annuel des « frais d’administration. »
[407] La demanderesse n’a subi aucun préjudice du fait que les « frais d’administration » étaient facturés à taux simple et non composé. Cette absence de préjudice est fatale à cet aspect de l’argumentation de la demanderesse.
[408] Aussi, elle a fait défaut de respecter sa propre obligation de se renseigner. Cela aussi est fatal à ses reproches concernant le non-respect de l’obligation d’information de la part de la défenderesse.
[409] Comme le rappelait la Cour d’appel dans Pharmascience c. Option consommateur[48]:
« [25] Il ne faut donc pas confondre l'action intentée une fois autorisée et la procédure visant cette autorisation. L'objet et la finalité de l'une et l'autre sont antinomiques. Dans le premier cas, le tribunal doit statuer sur le mérite même de l'action; seront alors appliquées toutes les règles de procédure et de preuve imposées par la loi. […] »
[410] Ici, au stade du procès au fond, le recours de la demanderesse doit être lui-même bien fondé.
[411] La défenderesse plaide que la demanderesse a témoigné qu’elle ne s’est aperçue que le taux annualisé avait été retiré qu’en prenant connaissance des articles de presse de Michel Girard (P-23) du mois de février 2009.
[412] Elle a alors communiqué avec Me Paquette et pris une journée de congé pour préparer le recours collectif (témoignage en chef le 6 novembre 2017).
[413] Le 18 février 2009, madame Charland et son procureur signifiaient leur Requête pour autorisation d’exercer un recours collectif et pour être représentant à Hydro-Québec (P-1).
[414] Après le dépôt de la Requête en autorisation, madame Charland a témoigné qu’elle a cessé de payer ses factures d’électricité afin de mieux comprendre comment Hydro-Québec chargeait les « frais d’administration ».
[415] Madame Charland a témoigné qu’entre le mois de février 2009 et l’audition de la Requête en autorisation, elle a consacré plus d’une vingtaine de journées à refaire les calculs pour comprendre comment les « frais d’administration » apparaissant sur son compte d’électricité avaient été calculés (témoignage en chef le 6 novembre 2017).
[416] Or, toujours à (P-23), pièce à laquelle madame Charland a fait référence, le dernier article de M. Michel Girard de La Presse en date du 23 février 2009 affirme que le journaliste a communiqué avec Hydro-Québec qui lui aurait signalé que « le taux en vigueur est 1,2% par mois, soit 14,4 % par année ».
[417] Selon son témoignage, madame Charland a affirmé que ce n’était que l’après-midi du 2 février 2010, quelques jours avant l’audition sur l’autorisation du recours collectif, qu’elle aurait appris que le taux annualisé était de 14,4 %, lorsqu’un procureur représentant Hydro-Québec, Me Michel Gagné en aurait informé son procureur, Me Paquette (témoignage en chef le 6 novembre 2017).
[418] Cet aspect du témoignage de madame Charland est fondamental dans l’analyse de sa réclamation.
[419] D’une part elle prend connaissance du problème en lisant un article de monsieur Michel Girard et, peu de temps après, elle rencontre son avocat. À partir de ce moment, ils mettent le recours en branle.
[420] Elle a même volontairement omis de payer ses comptes afin de se faire facturer des « frais d’administration ».
[421] Ayant agi sur une base volontaire, elle a été en quelque sorte l’artisane de son propre malheur afin de créer le préjudice qui allait par la suite faire l’objet de son action collective.
[422] Cela ajoute à la conviction du tribunal à l’effet que la demanderesse a ici agi de manière à causer artificiellement un préjudice qu’elle allègue avoir subi, et ce, dans le but de fabriquer le recours collectif soumis au tribunal.
[423] Le tribunal se réfère à son témoignage lorsqu’elle explique de quelle manière, les retards ont été constatés au fil des mois.
[424] Elle soutient qu’elle croyait que, pour le numéro 58, il y avait une entente de préautorisation de paiement. Pourtant, tous ses autres appartements sont en mode de paiement préautorisés. Elle sait très bien comment faire.
[425] Elle sait qu’il y a plusieurs manières de payer la facture, soit directement à Hydro-Québec, par chèque, par Internet ou à son institution financière avec AccesD.
[426] Elle aurait pu aussi faire des démarches pour s’inscrire au prélèvement automatique, pour éviter un retard. Elle déclare ne pas avoir voulu se mettre en mode paiement automatique, étant donné qu’il était possible que l’occupant de ce logement ne soit pas en mesure de demeurer dans cet appartement.
[427] Cette explication ne tient pas la route.
[428] Le tribunal a également de la difficulté à croire madame lorsqu’elle dit qu’elle a décidé de ne pas payer le montant en souffrance parce qu’elle n’a pas compris toutes les nuances des montants réclamés. La facture est pourtant claire : des « frais d’administration » sont chargés en cas de retard de paiement.
[429] De plus, elle dit qu’après coup c’est facile à comprendre que le compte était en souffrance, mais elle ne l’a pas réalisé lors des évènements. Le tribunal ne la croit pas. Tous les faits mis en preuve dans ce dossier constituent des faits graves précis et concordants, conduisant le tribunal à conclure que la demanderesse a volontairement provoqué ces retards pour ainsi tenter de justifier le recours intenté.
[430] Ce n’est que pour les factures entre le dépôt de la demande en autorisation et le 4 février 2010, lorsqu’elle admet « on » n’arrivait pas à calculer, « on » a décidé de ne pas payer volontairement pour constater ce qui serait chargé pour mieux pouvoir calculer ces « frais d’administration ». Elle ne précise pas à qui elle réfère lorsqu’elle utilise le mot « on ». Le tribunal considère que ce sont les avocats impliqués dans la requête en autorisation qui lui conseillaient d’agir comme elle l’a fait.
[431] En toute probabilité madame Charland était au courant de la théorie de la cause qui pouvait soutenir un recours collectif. Elle en avait été informée par ses avocats et elle a tenté d’agir en conséquence de ce qui devait être démontré.
[432] Le tribunal examine maintenant les inconvénients que la demanderesse soutient avoir subis par suite du défaut d’information de la défenderesse qu’elle allègue.
[433] Ses recherches lui ont causé des soucis, et ce, jusqu’à la veille de l’audition du recours collectif, lorsqu’elle apprend que le taux des « frais d’administration » étaient un taux simple de 1,2 % ce qui donne un taux annuel de 14,4 % au lieu du 15,38 % autorisé par la Régie.
[434] Le fait d’avoir payé moins que ce que la Régie autorisait ne justifie aucune indemnisation.
[435] Quant à ses nombreuses heures de recherche pour comprendre, le tribunal émet des doutes. Elle prétend même qu’elle a été à la recherche de l’information durant 11 mois. Le tribunal est très sceptique : il croit plutôt qu’elle a passé de nombreuses heures à préparer la demande en autorisation du recours collectif.
[436] Le tribunal est tout aussi sceptique lorsqu’elle témoigne avoir parlé avec différentes personnes, voire même avec un collègue, détenteur d’un MBA en finance. Si la discussion a eu lieu, on peut se demander si on cherchait véritablement à obtenir l’information.
[437] Au final, dans les plaidoiries sur la question du devoir d’information, la demanderesse n’a pas véritablement présenté de demande précise et distincte de sa demande pour le non-respect de l’article 4 LSI.
[438] Le tribunal conclut que les dommages liés au défaut d’information sont inexistants.
[439] La demanderesse soumet le fait que durant certaines années antérieures à la période du présent recours, la défenderesse indiquait le taux mensuel et le taux annuel des « frais d’administration » sur ses factures (P-8). La défenderesse y voit une manière de créer une attente légitime des clients consommateurs et elle affirme qu’il serait rationnel pour la Cour d’inférer de cette situation que la défenderesse s’est toujours considérée comme liée par ce que prévoit l’article 4 de la LSI. Le tribunal n’est pas de cet avis.
[440] Tel qu’il est analysé en début de jugement, le tribunal considère que la LSI est inapplicable au présent dossier, et on ne peut imposer de manière indirecte le respect de ce que prévoit l’article 4 LSI, puisque rien ne permet d’imposer pareille obligation en l’absence d’une source de droit claire et bien établie. La théorie d’une attente légitime et raisonnable du client ne peut servir à soutenir la conclusion recherchée par la demanderesse. L’attente que peut avoir le client, c’est que la défenderesse respecte la loi et les règlements applicables.
[441] Il en est de même de l’argument voulant que la défenderesse ait créé une forme d’usage en indiquant un taux annualisé des « frais d’administration » avant janvier 2008, et ce, durant plusieurs années.
[442] L’usage
est abordé aux articles
« 1426. On tient compte, dans l’interprétation du contrat, de sa nature, des circonstances dans lesquelles il a été conclu, de l’interprétation que les parties lui ont déjà donnée ou qu’il peut avoir reçue, ainsi que des usages.
1434. Le contrat valablement formé oblige ceux qui l’ont conclu non seulement pour ce qu’ils y ont exprimé, mais aussi pour tout ce qui en découle d’après sa nature et suivant les usages, l’équité ou la loi. »
[443] Premièrement, si l’usage peut servir dans l’interprétation du contrat, ici ce dont il est question, c’est de tenter de tenir responsable la défenderesse pour un comportement qui serait fautif et aurait causé un dommage à la demanderesse.
[444] Le contrat entre la défenderesse et ses clients n’a pas à être interprété. Le tribunal ne voit pas en quoi ce principe établissant l’usage comme élément dont il faut tenir compte dans l’interprétation des contrats puisse favoriser la demanderesse dans ce dossier.
[445] D’autant plus que pour être considéré comme un usage, il faut que la façon de faire soit répandue dans le milieu ou le secteur. Il n’y a eu aucune preuve à ce sujet.
[446] La défenderesse a bien expliqué en quoi le nouveau système informatique n’était pas en mesure de composer les taux mensuels, ce qui a fait en sorte que seul le taux mensuel a été inscrit sur les factures. Cela engendrerait pour la demanderesse une responsabilité liée puisque, par cela, la défenderesse a failli à son obligation de renseignement.
[447] C’est à la page 126 de (D-23) que la Régie aborde le sujet. Le tribunal considère que le fait que la défenderesse n’a pas immédiatement requis l’autorisation de la Régie et a attendu à juin 2009 pour soumettre la question, n’a causé aucun préjudice à la demanderesse et à aucun autre client.
[448] Madame Laliberté mentionne qu’elle n’a eu connaissance d’aucune plainte concernant ce sujet. Si la défenderesse a agi dans l’illégalité durant quelque mois, aucun préjudice ne s’ensuivit pour les clients.
[449] Aussi, la connaissance du taux exact n’aurait rien changé à la décision de la demanderesse de contracter, soit de continuer à recevoir son service d’électricité.
[450] Surtout, n’eût été sa décision pleinement volontaire de retarder le paiement de sa facture pour créer artificiellement un « frais d’administration », aucun dommage ne lui aurait été causé.
[451] Dit autrement, aucun dommage ne lui aurait été causé, sauf ceux qu’elle s’est elle-même intentionnellement causés.
[452] Pareil comportement ne peut fonder un recours en dommages, peu importe sous quel angle on présente le dossier.
[453] La preuve concernant l’absence de conséquence du retour de la mention sur le taux annualisé en mai 2010 et le fait qu’aucune personne, ou association ne se soit plainte de son retrait de janvier 2008 à mai 2010 laisse voir que seule la demanderesse prétend avoir subi un préjudice de cette situation. Sans proposer qu’il faille un grand nombre d’autres membres pour établir le fondement du recours et l’existence de préjudice, ici aucun autre client n’est venu soutenir la thèse à la base du recours de la demanderesse.
[454] Le fait que la demanderesse reproche à la défenderesse d’avoir remplacé le taux composé par un taux simple de janvier 2008 à mai 2010, alors que cela représentait une baisse des frais de retard dits « frais d’administration » est un indice de la nature artificielle de cette action collective.
[455] Le fait qu’il y a absence de corrélation entre ce que facture la défenderesse comme « frais de retard » ou « frais d’administration » et ce que lui coûte le recouvrement des mauvaises créances n’amène aucune conséquence sur la qualification de ces frais.
[456] Les « frais d’administration » calculés selon le taux préférentiel de la Banque Nationale du Canada sont une manière de fixer les frais que devront payer ceux qui retardent à payer leur facture.
[457] Les coûts de recouvrement représentent ce que doit payer la défenderesse pour l’ensemble des retardataires et ceux qui, par leur défaut, mettent en branle le processus de recouvrement. Bien évidemment, ce n’est pas tous les retardataires qui font l’objet de procédure de recouvrement.
[458] Lorsqu’un dossier client commande une procédure de recouvrement, on peut comprendre que plusieurs ressources sont engagées dans ce processus. On comprend que ces coûts dépassent largement les frais calculés pour les retards de paiement qualifiés de « frais d’administration » par la défenderesse.
[459] De l’avis du tribunal, il n’y a aucune inférence favorable à la thèse de la demanderesse, du fait qu’aucune corrélation n’est établie entre les coûts de recouvrement et les « frais d’administration ».
[460] La demanderesse s’exprime comme suit :
« Même si la Loi sur l’intérêt ne trouvait aucune application, ce qui est nié, l’obligation qu’elle prescrit de révéler le taux annuel constituerait en elle-même une source de droit permettant de conclure au caractère déterminant de cette information et au fait que la défenderesse a manqué à son devoir de renseignement en la retranchant de ses factures, tenant compte particulièrement de ses usages passés. »
[461] Le tribunal ne voit aucun fondement à cet argument. Si la LSI ne s’applique pas, on ne peut soutenir que ce qu’elle prévoit qui ne s’applique pas devrait être considéré comme une obligation (source de droit) permettant de conclure que cette information est déterminante et que ne l’ayant pas dévoilée comme le prévoit la LSI, la défenderesse aurait manqué à son devoir de renseignement.
[462] Si la LSI ne s’applique pas, on ne peut imposer à la défenderesse la même obligation qui lui serait imposée si la loi s’appliquait.
[463] REJETTE l’action collective ;
[464] LE TOUT avec les frais de justice.
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__________________________________ STEVE REIMNITZ, J.C.S. |
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Me Serge Létourneau Me Julien Delisle Me Audrey Létourneau |
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Létourneau Gagné Avocats |
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Me Guy Paquette |
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Paquette Gadler |
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Pour la demanderesse |
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Me Simon Potter Me Céline Legendre Me Kim Nguyen |
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McCarthy Tétrault |
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Pour la défenderesse |
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Dates d’audience : |
Les 6, 7 et 8 novembre 2017 |
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[1] Loi sur l’intérêt, L.R.C. (1985) ch. I-15 « LSI ».
[2]
Glykis c. Hydro-Québec,
[3] Loi sur la Régie de l’énergie, L.R.Q., c. R-6.01.
[4]
Plateau de la capitale, s.e.n.c. c. Régie de l’énergie,
[5]
Bédard c. Hydro-Québec,
[6]
Gaz Métro (Société en commandite Gaz Métro) c. 2854-5028 Québec inc.,
[7] Loan & Deposit Co. c. Grant, (1890) 18 S.C.R. 262, 277 (C.S.C.).
[8]
Fenêtres Réjean Tremblay c .9084-2907 inc.,
[9]
Sogetel inc. c. Auger,
[10]
Dahl et al c. Royal Bank of Canada et al, 2005 BCSC 1263,
para. 32 à 35 confirmé par
[11] VK Mason Construction ltd. c. Banque de Nouvelle-Écosse, 1985 1 R.C.S 271, 287.
[12] Mary Anne Waldron, The law of interest in Canada, Scarborough, Ontario, Carswell, 1992, p 107.
[13]
Sogetel c. Auger, C.P. 66,
[14]
Lanterne Digitale SM inc. c. Composante de construction
Écolog.IX inc.,
[15]
Vérifone Canada inc. c. 4006330 Canada inc.,
[16]
Le Procureur général d’Ontario c. Barfried Enterprises Ltd.,
[17] Jo-Pac Manufacturing c. Dayé,
[18]
Barakaris c. Caisse populaire St-Norbert de Chomedey,
[19]
Immeubles Fournier inc. et al. C. Construction
St-Hilaire Ltée,
[20] Garland c. Consumers’ Gas Co., [1998] 3 S.C.R.
[21]
Toure c. Brault et Martineau inc.,
[22]
Sogetel c. Boucherie chevaline St-Léonard,
[23]
Masson c. Telus Mobilité,
[24]
Société en commandite Gaz Métro c. Pneus Bélisle inc.,
[25] Attorney General (Ontario) c. Barfried Entreprises,
[26] Canada c. Sherway Centre Ltd., 1998 3 RCF 36 (C.A.F.) pp. 7 et 8.
[27]
Commission de la Santé et de la sécurité du travail c. 9069-4654
Québec inc.,
[28]
[29]
Glykis c. Hydro-Québec,
[30]
V.K. Mason Construction Ltd c. Banque de le Nouvelle-Écosse,
[31]
Ifergan c. Société des loteries du Québec,
[32] Hydro-Québec c. Surma, 2001 CanLII 1861 paragr. 49 à 51.
[33]
SSQ assurances générales c. Hydro-Québec,
[34]
Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs,
[35]
LLUELLES, D., Le mécanisme du renvoi contractuel à un document externe :
droit commun et régimes spéciaux,
[36] Richard c. Time inc.,
[37] Dell Computer Corp. c Union des consommateurs. 2007 2 R.C.S. 801.
[38] Marcotte c. Fédération des Caisses Desjardins du Québec, 2014 2 R.C.S. 805.
[39] Hydro-Québec c. Surma, 2001 CanLII 1861.
[40] Marie-Eve Arbour « Le consommateur et les services publics », 2008 49 C. de D. page 45 et 46.
[41] Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, 2007 2 R.C.S. 801, paragr. 98 (onglet 28).
[42] Vicent Karim, Les obligations, 4e Éd., vol. 1, Wilson et Lafleur, Montréal 2015, paragr. 1898 et 1901.
[43] Banque de Montréal c. Bail Ltée, 1992 2 R.C.S. 554.
[44]
Hôpital Maisonneuve Rosemont c. Buesco Construction inc.,
[45]
Banque de Montréal c. Bail ltée,
[46] Ibid., 586.
[47] Ibid., 587.
[48]
Pharmascience c. Option consommateur,
[49] RLRQ, c. CCQ-1991.
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