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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 19 mars 2004, l’entreprise Vitrerie Sainte-Julie (l’employeur) dépose une requête en révision ou révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 novembre 2003.
[2] La Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Steve Lévesque;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et sécurité du travail, rendue le 15 janvier 2003, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que suite à la lésion professionnelle du 19 septembre 2001, le diagnostic est celui d’entorse dorsale et de hernie discale D5-D6;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 19 septembre 2001 n'est pas consolidée;
DÉCLARE que les soins et traitements sont toujours nécessaires;
DÉCLARE que le travailleur n'est pas capable de retourner au travail.
[3] Une audience a lieu à Longueuil, le 25 février 2005, à laquelle assiste monsieur Steve Lévesque. Bien que dûment convoqué, l’employeur est absent et non représenté à l’audience.
[4] À l’audience, il est convenu que la Commission des lésions professionnelles demanderait une mise à jour de la preuve médicale du dossier de la CSST. Les documents ayant été reçus le 4 mars 2005, le dossier est pris en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision qu’elle a rendue le 10 novembre 2003, en raison de la découverte de nouveaux éléments de preuve, afin que le diagnostic de la lésion professionnelle soit celui de hernie discale au niveau de D3-D4 au lieu de hernie discale en D5-D6.
LES FAITS AU SOUTIEN DE LA REQUÊTE
[6] Dans sa requête en révision ou révocation datée du 18 mars 2004, l’employeur énumère ainsi les faits au soutien de sa requête en révision ou révocation :
1. Dans sa décision, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 19 septembre 2001;
2. La Commission des lésions professionnelles retient que les diagnostics de la lésion professionnelle sont : entorse dorsale et hernie discale D5-D6;
3. Pour retenir le diagnostic de hernie discale D5-D6, la Commission des lésions professionnelles se fonde sur un rapport de résonnance magnétique daté du 5 décembre 2001;
4. Une résonnance magnétique effectuée le 14 janvier 2004 à la Clinique Radiologique Montérégie inc. révèle que le diagnostic de hernie discale D5-D6 est erroné;
5. Le radiologiste, Dr. Pierre Bergeron écrit en effet que « On retrouve la petite hernie discale para-médiane gauche située, non pas en T5-T6 comme le rapport le mentionnait de façon erronée mais bien en T3-T4 »;
6. Le rapport du Dr Pierre Bergeron, radiologiste, constitue un fait nouveau qui était inconnu au moment de l’audition devant la Commission des lésions professionnelles, le 11 juin 2003;
7. Si l’erreur relevée par le Dr Bergeron avait été connu au moment de l’audition, la décision aurait été différente puisque la Commission des lésions professionnelles aurait retenu le diagnostic de hernie discale D3-D4 en relation avec la lésion professionnelle au lieu du diagnostic de hernie discale D5-D6;
8. La partie intéressée, Vitrerie Ste-Julie, a eu connaissance du rapport de résonnance magnétique le 8 mars 2004.
POUR CES MOTIFS, la partie intéressée, Vitrerie Ste-Julie, DEMANDE à la Commission des lésions professionnelles d’ACCUEILLIR la présente requête et de RÉVISER sa décision afin que le diagnostic de la lésion professionnelle soit celui de hernie discale D3 - D4 au lieu de hernie discale D5-D6.
[sic]
[7] À l’audience, monsieur Lévesque fait également état de la présence d’une erreur quant au diagnostic de sa lésion professionnelle reconnu par la Commission des lésions professionnelles dans sa décision rendue le 10 novembre 2003.
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Conformément à l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)[1], la soussignée fait état de l’avis des membres visés à l’article 374 ainsi que les motifs de cet avis.
[9] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la requête en révision de l’employeur, puisqu’ils considèrent que celui-ci a fait valoir un motif, prévu à l'article 429.56 de la loi, justifiant la révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 novembre 2003.
[10] Ces deux membres sont d’avis que le fait invoqué par l'employeur, soit l’erreur commise par le radiologiste quant à l’endroit où était situé la hernie discale constitue un fait nouveau inconnu par la Commission des lésions professionnelles au moment où elle a rendu sa décision le 10 novembre 2003. Or, ils considèrent que si la Commission des lésions professionnelles avait disposé de cette information cruciale, au moment de l'audience, elle en serait arrivée à une décision différente quant au diagnostic de la lésion professionnelle.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[11] En préliminaire, la Commission des lésions professionnelles considère que l’employeur a déposé sa requête en révision datée du 19 mars 2004, à l’encontre de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 novembre 2003, dans le délai raisonnable prévu à l'article 429.57 de la loi, puisqu’il a pris connaissance du « fait nouveau » allégué que le 8 mars 2004.
[12] Quant au bien fondé de sa demande en révision, la Commission des lésions professionnelles est d'avis qu’il y a lieu de réviser ou révoquer la décision qu’elle a rendue le 10 novembre 2003, conformément au 1er paragraphe de l’article 429.56 de la loi .
[13] L’article 429.56 de la loi énonce les motifs d’ouverture à un tel recours :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[14] Dans le présent dossier, le motif soulevé par l'employeur au soutien de sa demande en révision dans sa requête écrite est la découverte d’un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile aurait justifié une décision différente, est effectivement prévu au premier paragraphe de l’article 429.56.
[15] Relativement à l’interprétation à donner au premier paragraphe de l’article 429.56, la Commission des lésions professionnelles s’est prononcée dans plusieurs causes[2], dans lesquelles elle a énoncé qu’on devait établir, de façon prépondérante, la présence de trois critères pour conclure à un « fait nouveau » permettant la révision soit :
1. La découverte postérieure d’un fait nouveau;
2. La non-disponibilité de cet élément au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3. Le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eût été connu en temps utile.
[16] Dans le présent dossier, il est clair que le motif énoncé par l’employeur, corroboré par le travailleur lors de l’audience, constitue un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi tel qu’interprété plus amplement par la jurisprudence.
[17] En effet, la preuve démontre que, tant lors de l'audience tenue le 11 juin 2003 que lorsqu’elle a rendu sa décision le 10 novembre 2003, la Commission des lésions professionnelles ne disposait pas de la résonance magnétique puisque celle-ci a été effectuée et interprétée par le docteur Bergeron le 14 janvier 2004, donc après la décision rendue en novembre 2003.
[18] La décision initiale rendue par la Commission des lésions professionnelles est fondée, à juste titre d’ailleurs, sur les éléments de preuve dont elle disposait alors. Ces éléments de preuve sont d’ailleurs résumés aux paragraphes suivants de la décision :
[31] À l’audience, le docteur Robert Lefrançois explique que son diagnostic est celui d’entorse dorsale, de hernie discale D5-D6, d’instabilité lombosacrée et de douleur abdominale référée.
[32] Le docteur Lefrançois explique essentiellement que le travailleur a toujours des spasmes présents dans sa région dorsale, constatés en physiothérapie et par le docteur Bonneau. Cette situation est inusitée, compte tenu de la date lointaine de l’événement. Pour ce qui est de la douleur référée au niveau abdominal, le docteur Lefrançois est d’avis que l’on observe selon lui cette situation dans les dossiers de blessure dorsale. Il explique que dans le cas de monsieur Lévesque, la douleur irradie en cerceau vers l’avant. Il ne peut départager l’entorse dorsale de la hernie discale dorsale puisqu’il s’agit du même site de lésion. Le docteur Lefrançois précise que la hernie discale du travailleur n’était pas symptomatique avant l’événement accidentel.
[33] Bref, l’opinion du docteur Lussier le 10 décembre 2001, répondant au docteur Charbonneau et diagnostiquant une hernie discale thoracique, l’IRM du 5 décembre 2001, démontrant une petite hernie discale paramédiane gauche en T5-T6, l’opinion du docteur Charbonneau sur le rapport complémentaire du 16 septembre 2002 et concernant le mécanisme de production de la lésion, l'opinion médicale prépondérante et non contredite du docteur Lefrançois à l'audience et finalement, la décision de la CSST du 14 février 2002, qui reconnaît la relation entre le diagnostic de hernie discale T5-T6 et l’événement du 19 septembre 2001, sont tous des éléments qui plaident en faveur de la relation entre ledit diagnostic et l’événement accidentel initial.
[19] La soussignée tient à souligner que le premier commissaire s’est posé la bonne question nécessaire à l’exercice de sa compétence, a analysé adéquatement l’ensemble du dossier dont il disposait et que sa décision contient suffisamment d’éléments de preuve justifiant les motifs sur lesquels il s’est fondé pour rendre sa décision. Cette décision fait l’objet d’une demande de révision fondée sur un autre motif que la présence de vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision. En effet, le présent débat porte plutôt sur la découverte d’un fait nouveau postérieur à cette décision.
[20] C’est en effet après que cette décision ait été rendue le 10 novembre 2003, que la résonance magnétique est effectuée et est ainsi interprété par le docteur Bergeron le 14 janvier 2004 :
Aspect inchangé de la petite hernie discale para-médiane gauche située, non pas en T5‑T6 mais bien en T3-T4 du côté gauche. L’examen est superposable à celui de 2001.
(Notre soulignement)
[21] Or, la soussignée constate que c’est le même radiologiste, le docteur Bergeron, qui a effectué et interprété les deux résonances magnétiques, la première du 5 décembre 2001 et la deuxième du 14 janvier 2004.
[22] La Commission des lésions professionnelles considère que cette résonance magnétique du 14 janvier 2004 constitue un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 6, tel qu’interprété par la jurisprudence, soit la découverte postérieure d’un fait nouveau, non disponible au moment de l’audience initiale du 11 juin 2003 et le fait que cet élément, s’il avait été connu en temps utile, aurait eu un effet déterminant sur le sort du litige.
[23] En conclusion, la Commission des lésions professionnelles conclut que l'employeur a démontré la présence d’un fait nouveau, que s’il avait été connu en temps utile aurait justifié une décision différente.
[24] Subsidiairement, le suivi du dossier médical et administratif du dossier en relation avec le diagnostic de hernie discale en D3-D4 a été effectué par la CSST puisque la lecture de la mise à jour du dossier de monsieur Lévesque démontre qu’à la suite de ce nouveau diagnostic de hernie discale au niveau de D3-D4, la CSST a référé le dossier auprès d’un membre du Bureau d'évaluation médicale afin d’obtenir son avis en relation avec ce diagnostic et les autres sujets médicaux en découlant.
[25] Par conséquent, vu la présence d’un des motifs énoncés à l’article 429.56 de la loi, il y a lieu de réviser la décision attaquée uniquement concernant le diagnostic de la lésion professionnelle. Les autres conclusions que l'on retrouve au dispositif de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 10 novembre 2003 demeurent inchangées.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision de Vitrerie Sainte-Julie du 19 mars 2004;
RÉVISE en partie la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 novembre 2003;
DÉCLARE que suite à la lésion professionnelle du 19 septembre 2001, le diagnostic est celui d’entorse dorsale et de hernie discale D3-D4.
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Doris Lévesque |
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Commissaire |
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Me Michel Sansfaçon |
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A.P.C.H.Q. |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Lucie Rouleau |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Arbour et Banque
Nationale du Canada, C.L.P. 104372‑63‑9808, 27 septembre
AVIS :
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