Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Blouin et Lac d'Amiante du Québec ltée

2013 QCCLP 1029

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

13 février 2013

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

464459-03B-1203

 

Dossier CSST :

093271922

 

Commissaire :

Denys Beaulieu, juge administratif

 

Membres :

Jean-Guy Verreault, associations d’employeurs

 

Yves Poulin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Réal Blouin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Lac d’Amiante du Québec ltée (F)

 

Partie intéressée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 8 mars 2012, le travailleur, monsieur Réal Blouin, dépose une requête par l’intermédiaire de ses procureurs à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 2 mars 2012 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST dispose de trois contestations du travailleur.

[3]           La première est reliée à la contestation de la décision initiale rendue par la CSST le 28 novembre 2011 par laquelle elle statue sur la capacité du travailleur à exercer l’emploi convenable qui a déjà été retenu, soit celui de « solliciteur téléphonique » (R-093271922-014).

[4]           La seconde contestation est reliée à la décision initiale rendue par la CSST le 25 novembre 2011 par laquelle elle informe le travailleur « que les documents médicaux au dossier ne permettent pas de reconnaître une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et qu’il n’a donc pas le droit de participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle comme le prévoit l’article 116 de la Loi » (R-093271922-015).

[5]           La troisième contestation est reliée à la décision initiale rendue par la CSST le 20 janvier 2012 par laquelle elle refuse le remboursement des frais de ménage hebdomadaire ainsi que les frais de préparation des repas, « car ces frais ne sont pas remboursables » (R-093271922-016).

[6]           La décision qu’a rendue la CSST le 2 mars 2012 à la suite d’une révision administrative confirme ces trois décisions initiales.

L’AUDIENCE

[7]           Le travailleur est présent à l’audience tenue à Thetford Mines, le 11 janvier 2013, et il est accompagné de son procureur. L’employeur, Lac d’Amiante du Québec ltée, est une entreprise fermée. Néanmoins, elle est toujours représentée par un procureur qui a informé le tribunal de son absence à l’audience par lettre transmise par télécopie au greffe du tribunal le 9 janvier 2013.

[8]           Le tribunal a accordé un délai d’une semaine au procureur du travailleur afin de produire des documents additionnels à verser en preuve au dossier du tribunal, soit la mise à jour des notes évolutives de la CSST à compter du mois de mai 2012 ainsi que la prescription du docteur Miville-Deschênes, chirurgien orthopédiste.

[9]           Le procureur du travailleur a satisfait à cette demande du tribunal le 1er février 2013.

[10]        Le dossier fut mis en délibéré à cette date, soit le 1er février 2013.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[11]        Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision rendue par la CSST le 2 mars 2012 à la suite d’une révision administrative et de disposer de ses contestations selon les propositions précisées au paragraphe suivant.

[12]        Les demandes du travailleur sont les suivantes :

Décision CSST 25 novembre 2011 (R-093271922-015)

 

DÉCLARER que le travailleur est atteint d’une invalidité grave et prolongée, conformément aux dispositions de l’article 93 de la loi et qu’il a droit de participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, conformément aux dispositions de l’article 116 de la loi.

 

Décision CSST 28 novembre 2011 (R-093271922-014)

 

DÉCLARER qu’il est prématuré pour la CSST de statuer sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi ou un emploi, conformément à la loi;

 

Décision CSST 20 janvier 2012 (R-093271922-016)

 

DÉCLARER que le travailleur a droit au remboursement des frais de ménage hebdomadaire ainsi que les frais de préparation des repas pour la période comprise entre le 12 septembre 2011 et le 21 novembre 2011, conformément à la prescription du médecin qui a charge du travailleur, le docteur Miville-Deschênes, le tout conformément à la loi.

 

 

LES FAITS

[13]        Le présent litige s’inscrit dans une suite ininterrompue de contestations mues entre le travailleur et la CSST au regard de la lésion professionnelle qu’il a subie le 24 avril 1986.

[14]        Afin de faciliter la lecture et la compréhension du présent litige, le tribunal considère pertinent de reproduire les extraits suivants de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 juin 2011 (359108-03B-0809) :

[11]      Monsieur Blouin, actuellement âgé de 63 ans, a été reconnu par la CSST porteur d'une maladie professionnelle pulmonaire ayant entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique.

[12]      Le 24 avril 1986, dans l'exercice de son emploi d'homme de plancher à la mine Lac d'Amiante, il subit une lésion professionnelle à la région lombaire en déplaçant un baril d'échantillonnage de pierres. On diagnostique une hernie discale L5-S1 pour laquelle quatre chirurgies doivent être effectuées. La lésion est consolidée en novembre 1989 avec une atteinte permanente à l'intégrité physique de 35 % et des limitations fonctionnelles importantes qui l'empêchent de reprendre son travail.

[13]      Par la suite, monsieur Blouin subit des récidives, rechutes ou aggravations de cette lésion professionnelle en avril 1990, en septembre 1992 et en février 1994, ce qui entraîne une augmentation du pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique.

[14]      En avril 1999, il subit une intervention chirurgicale consistant en une arthroplastie totale de la hanche gauche en raison d'une nécrose avasculaire de la tête fémorale. La CSST ne rend pas de décision concernant cette chirurgie avant le 10 mai 2004, date à laquelle elle décide qu'il ne s'agit pas d'une lésion professionnelle.

[15]      Le 24 mars 2005, la Commission des lésions professionnelles infirme cette décision et déclare qu'il s'agit d'une lésion professionnelle en vertu de l'article 31 de la loi parce que la nécrose avasculaire a été causée par la corticothérapie prescrite à monsieur Blouin pour sa maladie professionnelle pulmonaire et pour sa condition lombaire. Cette lésion est consolidée le 25 février 2005. Elle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique de 44,40 % et de nouvelles limitations fonctionnelles établies par le docteur Jacques Des Marchais, orthopédiste, dans un rapport d'évaluation médicale produit le 26 mai 2005.

 

[16]      Le 7 février 2006, monsieur Blouin subit une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle à la hanche gauche à la suite du descellement de la prothèse et d'une fracture du grand trochanter, ce qui nécessite une nouvelle intervention chirurgicale. Dans un rapport d'évaluation médicale produit le 12 mars 2007, le docteur Des Marchais conclut à l'aggravation de l'atteinte permanente à l'intégrité physique (22,45 %), mais il ne se prononce pas sur les limitations fonctionnelles. Il le fera dans un document complémentaire qu'il produira au cours du même mois à la demande de la CSST. Ce document n'est pas au dossier. Dans une note inscrite au dossier le 23 mai 2007 (p. 165), on indique que les limitations fonctionnelles sont à peu près les mêmes.

 

[17]      Au plan administratif, selon les renseignements fournis lors de l'audience, monsieur Blouin s'est vu reconnaître une atteinte permanente à l'intégrité physique de 17 % pour sa maladie professionnelle pulmonaire, de 44 % pour sa condition lombaire et de 68 % pour sa hanche gauche.

 

[18]      Le 14 septembre 1991, la CSST détermine qu'il est capable d'exercer un emploi convenable d'agent de changement et le 30 avril 1999, un emploi convenable de solliciteur téléphonique. Le 9 mai 2000, dans le contexte d'une transaction conclue en règlement de litiges à la Commission des lésions professionnelles, monsieur Blouin se reconnaît capable d'exercer l'emploi convenable de solliciteur téléphonique à raison de 29 heures par semaine.

 

[19]      Le 20 décembre 2005, à la suite de la consolidation de la lésion professionnelle à la hanche gauche du mois d'avril 1999, la CSST décide que monsieur Blouin est capable d'exercer l'emploi convenable déjà retenu de solliciteur téléphonique. Ce dernier ne conteste pas cette décision.

 

[20]      La CSST ne rend pas de décision sur la capacité de monsieur Blouin à exercer cet emploi à la suite de la consolidation de la récidive, rechute ou aggravation du 7 février 2006.

 

[21]      Monsieur Blouin a été reconnu invalide le 3 mai 1996 par la Régie des rentes du Québec et ce, à compter du mois de septembre 1992.

 

[22]      En ce qui concerne plus spécifiquement l'objet du litige, le 2 janvier 1991, monsieur Blouin demande à la CSST de décider qu'il a le droit de conserver son droit de participation au régime de retraite de l'employeur.

 

[23]      Le 14 janvier 1991, la CSST rend la décision suivante :

 

La présente fait suite à votre lettre datée du 2 janvier 1991 en regard de votre dossier et de l'application de l'article 116 couvrant le remboursement de la part de votre employeur au fond de retraite.

 

Considérant que votre invalidité se poursuit, nous informons les parties en cause que vous y avez droit si vous payez votre part des cotisations exigibles et la CSST assumera la part de l'employeur sur réception du compte s'il y a lieu.

 

[24]      Le 24 février 1993, le syndicat demande à la CSST d'appliquer l'article 116 de la loi dans le cas de six travailleurs dont monsieur Blouin.

 

[25]      Le 16 mars 1993, la CSST décide ce qui suit concernant monsieur Blouin :

 

Après avoir procédé à l'étude de son dossier, nous devons vous répondre qu'actuellement il est trop tôt pour statuer sur le droit de ce travailleur aux indemnités prévues à l'article 116. En effet, rien indique pour le moment que ce travailleur est atteint d'une invalidité visée dans l'article 93, ce qui est un pré-requis pour l'application de l'article 116. Monsieur Blouin étant actuellement traité et indemnisé pour une rechute, nous évaluerons à la consolidation de cette lésion quelles en sont les conséquences et pourrons alors statuer sur sa capacité de travail.

 

Un emploi convenable ayant été déterminé pour ce travailler avant cette rechute, seules des séquelles très importantes de cette rechute pourraient nous amener à conclure qu'il est invalide et qu'il a droit aux indemnités de l'article 116.

 

[26]      La suite des événements est relaté au dossier par l'agent de la CSST après avoir obtenu les informations suivantes de l'employeur :

 

M. Blouin est un participant non actif au régime de retraite no. 1 de la compagnie Lab Société en commandite.

 

Ce régime de retraite est non-contributif, seul l'employeur y verse des cotisations. Les rentes sont de 25$ par mois par année de service crédité. Le régime existe depuis le 1er juillet 1986. À sa création, du service passé a été reconnu par le commandité Lab pour les employés des compagnie commanditaires, dont Lac d'Amiante, employeur de M. Blouin.

 

Entre le moment de l'accident, 24 avril 1986 et le 24 avril 1988, l'E a crédité deux (années) de services au fin du régime au T. Entre le 24 avril 1988 et le 24 avril 1990, aucun service n'a été crédité. Après deux années sans service reconnu, la participation active du T au régime de retraite s'est terminé en avril 1990.

 

Sur réception de la lettre de décision de Réjean Morin (datée du 14 janvier 1991), l'E a crédité du service jusqu'en 2007 au T. Le T a reçu des relevés annuels du régime de retraite où son service crédité était augmenté d'une année à chaque relevé.

 

En 2007, le T a demandé à recevoir sa rente viagère et la rente temporaire (programme de retraite anticipée). Selon ses dires, L'E a pris connaissance à ce moment de la lettre du Paul Marceau du 16 mars 1993. Sur la base de cette nouvelle information, L'E a informé le travailleur qu'il ne lui reconnaissait plus de services depuis 1988 et qu'il n'était pas admissible à la rente temporaire de 600 $ / mois. [sic]

 

[27]      Le 13 mai 2008, la CSST décide que monsieur Blouin n'est pas atteint d'une invalidité grave et prolongée au sens de l'article 93 de la loi et qu'il n'a pas le droit à participer au régime de retraite offert dans l'établissement où il travaillait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, comme le prévoit l'article 116 de la loi. Elle fonde sa décision sur le fait que monsieur Blouin est capable d'exercer l'emploi convenable de solliciteur téléphonique.

 

[28]      Compte tenu du fait que la CSST n'a pas rendu de décision sur la capacité de monsieur Blouin à exercer l'emploi de solliciteur téléphonique à la suite de consolidation de la récidive, rechute ou aggravation du 7 février 2006, la décision qu'elle a rendue le 13 mai 2008 apparaît prématurée parce qu'elle doit décider préalablement s'il demeure capable d'exercer cet emploi avant de conclure qu'il n'est pas invalide au sens de l'article 93 de la loi.

 

 

[15]        En outre, le 2 novembre 2011, la CSST rend une décision d’admissibilité de la réclamation du travailleur à l’égard d’une chirurgie consistant en une « révision de la prothèse totale de la hanche gauche », cette lésion étant acceptée à titre d’accident du travail.

[16]        À l’audience, le travailleur et son procureur ont informé le tribunal du fait que cette lésion n’est toujours pas consolidée et que le travailleur fait l’objet d’un suivi médical régulier à l’égard de celle-ci par le médecin qui en a la charge, le docteur Miville-Deschênes.

[17]        Enfin, le 2 septembre 2011, madame Julie Roy, travailleuse sociale au Centre de santé et de services sociaux - Chaudière-Appalaches, rédige une requête de services professionnels dans laquelle elle décrit en détail la situation du travailleur à la suite de la chirurgie qui a fait l’objet de la décision d’admissibilité du 2 novembre 2011, ce dont il fut fait mention auparavant au paragraphe [15] de la présente décision. Elle recommande de l’aide personnelle à domicile à l’égard du ménage hebdomadaire ainsi qu’à la préparation des repas. Le médecin ayant charge du travailleur acquiesce à cette demande.

[18]        Il s’agit là de l’essentiel de la preuve documentaire constituant le dossier du tribunal.

L’ARGUMENTATION DU TRAVAILLEUR

[19]        Quant à la première contestation, le procureur du travailleur a soutenu que l’ensemble de la preuve dont disposait le tribunal révélait bien que celui-ci était atteint d’une invalidité grave et prolongée au sens de l’article 93 de la loi. Cette situation avait même été reconnue par la Régie des rentes du Québec en 1996, avec effet rétroactif à 1992, sur la base des évaluations médicales qui avaient été portées à la connaissance de la CSST et qui étaient reliées aux six chirurgies auxquelles le travailleur s’était déjà soumis à l’époque pertinente.

[20]        En ce qui a trait à la seconde contestation, le procureur du travailleur a rappelé que la CSST avait rendu une décision d’admissibilité d’une réclamation du travailleur le 2 novembre 2011 à l’égard de la septième chirurgie à laquelle il s’était prêté.

[21]        Or, comme cette lésion n’est toujours pas consolidée et que le travailleur fait l’objet d’un suivi médical relié à cette lésion, il s’infère que la décision qu’a rendue la CSST le 28 novembre 2011, par laquelle elle statue sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, est par conséquent prématurée.

[22]        Enfin, au regard de la troisième contestation, le procureur du travailleur a soutenu que la prescription d’aide personnelle à domicile connue du docteur Miville-Deschênes s’inscrivait dans l’application des dispositions des articles 152 et suivants de la loi. Il a également rappelé l’application des dispositions de l’article 1 de la loi quant aux conséquences qu’entraîne une lésion professionnelle.

L’AVIS DES MEMBRES

[23]        Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la loi, le soussigné a requis et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui à l’égard des questions faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de leur avis.

[24]        Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis unanime que l’ensemble de la preuve dont dispose le tribunal permettrait de faire droit aux deuxième et troisième contestations du travailleur.

[25]        En effet, il ressort de la preuve documentaire dont dispose le tribunal que la décision rendue le 28 novembre 2011 serait prématurée compte tenu de la décision d’admissibilité rendue le 2 novembre précédent.

[26]        Par ailleurs, la prescription d’aide personnelle à domicile faite par le docteur Miville-Deschênes constituerait une suite logique et prévisible de la dernière chirurgie à laquelle s’est prêté le travailleur.

[27]        Par contre, les membres sont d’avis que le tribunal ne pourrait faire droit à la première contestation du travailleur. En effet, bien que l’ensemble de la preuve dont dispose le tribunal semble révéler que le travailleur est atteint d’une invalidité grave et prolongée, des obstacles de nature juridique ne permettraient pas au tribunal de faire droit à sa demande.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[28]        La Commission des lésions professionnelles doit statuer sur les trois contestations du travailleur selon l’ordre qu’elle a établi au paragraphe [12] de la présente décision.

[29]        Quant à la première contestation, le tribunal ne peut faire droit à la demande du travailleur, malgré la sympathie que sa condition peut susciter.

[30]        En effet, il ressort de l’ensemble de la preuve dont dispose le tribunal que le travailleur souffrirait d’une invalidité grave et prolongée au sens des dispositions de l’article 93 de la loi qui énonce ce qui suit :

93.  Une personne atteinte d'une invalidité physique ou mentale grave et prolongée est considérée invalide aux fins de la présente section.

 

Une invalidité est grave si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

 

Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement entraîner le décès ou durer indéfiniment.

__________

1985, c. 6, a. 93.

 

 

[31]        Dans un tel cas, le travailleur aurait droit de participer au régime de retraite de l’entreprise pour laquelle il travaillait lors de sa lésion professionnelle par l’application des dispositions de l’article 116 de la loi qui énonce ce qui suit :

116.  Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est atteint d'une invalidité visée dans l'article 93 a droit de continuer à participer au régime de retraite offert dans l'établissement où il travaillait au moment de sa lésion.

 

Dans ce cas, ce travailleur paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, et la Commission assume celle de l'employeur, sauf pendant la période où ce dernier est tenu d'assumer sa part en vertu du paragraphe 2° du premier alinéa de l'article 235 .

__________

1985, c. 6, a. 116.

 

 

[32]        S’il est exact de soutenir que la décision rendue par la Régie des rentes du Québec le 3 mai 1996 ne saurait être ignorée, il demeure que deux éléments de nature juridique font obstacle à la reconnaissance de cette invalidité réclamée en vertu des dispositions de l’article 93 de la loi précité.

[33]        En effet, le 9 mai 2000, le travailleur aurait admis être capable d’exercer l’emploi convenable de « solliciteur téléphonique » à raison de 29 heures par semaine, affirmation qu’il a commise dans une transaction intervenue entre les parties.

[34]        Cet élément de preuve, bien qu’étranger au dossier reconstitué du tribunal, figure au paragraphe [18] de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 juin 2011 dont les extraits pertinents furent reproduits au paragraphe [14] de la présente décision.

[35]        Au surplus, le 20 décembre 2005, la CSST rend de nouveau une décision par laquelle elle déclare que le travailleur est capable d’exercer l’emploi convenable déjà retenu de « solliciteur téléphonique », décision que le travailleur n’a pas contestée.

[36]        Ce faisant, ayant reconnu sa capacité à l’égard de l’application de la présente loi, et ce, postérieurement à la décision rendue par la Régie des rentes du Québec, le travailleur ne peut dorénavant prétendre le contraire.

[37]        Il s’agit là de circonstances particulières qui amènent des conséquences juridiques irréversibles.

[38]        Seules des circonstances nouvelles, appuyées de la preuve médicale nécessaire, pourraient, le cas échéant, permettre une réévaluation de cette situation.

[39]        En ce qui a trait à la seconde contestation du travailleur, la décision du 28 novembre 2011, statuant sur la capacité du travailleur d’exercer l’emploi convenable déjà retenu, est, prima facie, nettement prématurée, donc nulle et non avenue.

[40]        En effet, comme la CSST a reconnu l’admissibilité d’une nouvelle lésion par la décision qu’elle a rendue le 2 novembre 2011, il résulte de par l’application des articles 44, 46 et 47 de la loi que la CSST doit d’abord obtenir les renseignements médicaux appropriés avant de statuer sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi ou un emploi convenable, dans les circonstances précises du présent dossier.

[41]        Le soussigné comprend que cette décision du 28 novembre 2011 fut rendue sans discernement et en application servile de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 21 juin 2011. Cela témoigne d’un laxisme inacceptable.

[42]        Enfin, pour ce qui est de la troisième contestation, le tribunal constate que l’aide personnelle à domicile recommandée par madame Roy, travailleuse sociale, et autorisée par le médecin qui a charge du travailleur faisait suite à la chirurgie qui a fait l’objet de la décision d’admissibilité rendue par la CSST le 2 novembre 2011.

[43]        Cette aide personnelle à domicile s’inscrit par ailleurs dans l’application des dispositions des articles 145, 151, 152, 158 et 159 de la loi dont il convient de reproduire le texte :

145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

______________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

______________

1985, c. 6, a. 151.

 

 

152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:

 

 1° des services professionnels d'intervention psychosociale;

 

 2° la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

 

 3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;

 

 4° le remboursement de frais de garde d'enfants;

 

 5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.

______________

1985, c. 6, a. 152.

 

 

158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

______________

1985, c. 6, a. 158

 

 

159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.

 

Cette personne peut être le conjoint du travailleur.

______________

1985, c. 6, a. 159.

 

 

[44]        En outre, le Règlement sur les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile[2] prévoit les conditions d’application de cette mesure de réadaptation.

[45]        Dans la présente affaire, il ne fait aucun doute que la condition physique du travailleur correspond aux exigences tracées par la loi et les règlements.

[46]        Enfin, il s’agit également, ici, de l’application des dispositions du second alinéa de l’article 1 de la loi, comme l’a plaidé fort à propos le procureur du travailleur.

[47]        Au surplus, la CSST dispose d’un pouvoir discrétionnaire prévu au cinquième alinéa de l’article 184 de la loi qu’il n’est pas nécessaire de reproduire ici. Néanmoins, cette disposition s’applique, à l’évidence, au présent cas.

[48]        En raison de ce qui précède, le tribunal conclut qu’il y a lieu de faire droit, en partie, à la contestation du travailleur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête déposée par le travailleur, monsieur Réal Blouin, à la Commission des lésions professionnelles, le 8 mars 2012;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 mars 2012 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’est pas atteint d’une invalidité grave et prolongée selon les dispositions de l’article 93 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et que, par conséquent, il n’a pas droit de participer au régime de retraite offert dans l’établissement où il travaillait au moment de la survenance de sa lésion professionnelle selon les dispositions de l’article 116 de la loi (R-093271922-015);

DÉCLARE que la décision initiale rendue par la CSST le 28 novembre 2011 était prématurée, qu’elle est nulle et sans effet juridique et, par voie de conséquence;

DÉCLARE que la décision rendue à ce sujet par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 mars 2012 à la suite d’une révision administrative est également nulle, non avenue et sans effet juridique (R-093271922-014);

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais d’aide personnelle à domicile à titre du ménage hebdomadaire ainsi qu’à la préparation des repas pour la période comprise entre le 12 septembre et le 21 novembre 2011 inclusivement, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (R-093271922-016).

 

 

__________________________________

 

Denys Beaulieu

 

 

 

Me François Fisette

GÉRIN, LEBLANC & ASS.

Procureur de la partie requérante

 

 

Me Jean-Sébastien Cloutier

NORTON ROSE CANADA S.E.N.C.R.L.

Procureur de la partie intéressée

 

 

 

JURISPRUDENCE CITÉE

 

Ø  Par le travailleur

 

Drouin et Alimentation Renaud & Fortin (F), C.L.P. 349700-03B-0805, 18 juillet 2008, C. Lavigne.

 

Demers et Centres Jeunesse de Montréal, C.L.P. 305083-61-0612, 12 septembre 2007, S. Di Pasquale.

 

Dumont et Cégep Lévis-Lauzon, C.L.P. 329479-03B-0710, 31 mars 2009, R. Savard.

 

Roberge et Marché Lafrance inc., C.L.P. 244533-05-0403, 28 juin 2007, L. Boudreault.



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           R.R.Q., c. A-3.001, r. 9.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.