[1] LA COUR, statuant sur l’appel principal et l’appel incident d’un jugement de la Cour supérieure du district de Montréal, rendu par l’honorable Paul Chaput le 30 janvier 1997, qui accueillait le recours collectif de l’intimée;
[2] Après étude, audition et délibéré;
[3] Pour les motifs exposés dans l’opinion ci-annexée du juge Paul-Arthur Gendreau, à laquelle souscrivent les juges Morris J. Fish et André Biron;
[4] ACCUEILLE l’appel principal avec dépens aux seules fins de :
- modifier le dispositif du jugement pour y exclure l’indemnité de départ dans la créance réclamée;
- rejeter le recours de messieurs Constantinos Bakakis, Ian Dennett, Jacques Faguy, Claude Lévesque, Gerry Merchado, Wayne Marshall, Wayne Reed et Michel Zaloum. en raison de leur qualité de cadres;
- rejeter l’action des pigistes Elizabeth Farlane et Sylvie Robichaud;
- fixer le point de départ du paiement des intérêts et de l’indemnité additionnelle à la date de l’assignation des appelants après l’autorisation du recours.
[5] REJETTE l’appel incident avec dépens.
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OPINION DU JUGE GENDREAU |
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[6] Les appelants ( « Thompson » ) étaient les administrateurs et l’intimée ( « Louise Masson » ), l’une des 137 employés de Comterm Inc., une société qui œuvrait dans l’informatique et qui est aujourd’hui faillie.
[7]
Prenant appui sur l’article 119 de la Loi sur les sociétés par actions[1],
l’intimée a assigné les appelants par recours collectif au nom de tous les
salariés de Comterm Inc. en remboursement du salaire et certains avantages
monétaires impayés par la société. Le juge a accueilli l’action et ordonné un
redressement qui se réaliserait par la liquidation des réclamations
individuelles des membres, selon l’article
[8] Les appelants se pourvoient au motif d’erreurs dans l’administration de la preuve, dans les preuves de réclamation soumises au syndic, dans la définition du mot « employé » et dans l’octroi de certains bénéfices marginaux. L’intimée, pour sa part, s’est portée appelante incidente réclamant principalement une condamnation collective.
Analyse
1> L’appel principal
[9]
L’article
119.(1) Les administrateurs sont solidairement responsables, envers les employés de la société, des dettes liées aux services que ceux-ci exécutent pour le compte de cette dernière pendant qu’ils exercent leur mandat, et ce jusqu’à concurrence de six mois de salaire.
(2) La responsabilité des administrateurs n’est engagée en vertu du paragraphe (1) que dans l’un ou l’autre des cas suivants :
a) l’exécution n’a pu satisfaire au montant accordé par jugement, à la suite d’une action en recouvrement de la créance intentée contre la société dans les six mois de l’échéance ;
b) l’existence de la créance est établie dans les six mois de la première des dates suivantes : celle du début des procédures de liquidation ou de dissolution de la société ou celle de sa dissolution ;
c) l’existence de la créance est établie dans les six mois d’une cession de biens ou d’une ordonnance de mise sous séquestre frappant la société conformément à la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.
(3) La responsabilité des administrateurs n’est engagée en vertu du présent article que si l’action est intentée durant leur mandat ou dans les deux ans suivant la cessation de celui-ci.
(4) Les administrateurs ne sont tenus que des sommes restant à recouvrer après l’exécution visée à l’alinéa (2) a).
(5) L’administrateur qui acquitte les dettes visées au paragraphe (1), dont l’existence est établie au cours d’une procédure soit de liquidation et de dissolution, soit de faillite, est subrogé aux titres de préférence de l’employé et, le cas échéant, aux droit constatés dans le jugement.
(6) L’administrateur qui acquitte une créance en vertu du présent article peut répéter les parts des administrateurs qui étaient également responsables.
[10] Pour réussir, l’intimée devait établir que les membres du groupe étaient des salariés, qu’ils avaient déposé une réclamation entre les mains du syndic à la faillite de l’employeur et qu’ils avaient une créance « liée aux services qu’(ils) exécutaient pour le compte » de Comterm, pour reprendre les mots mêmes de la Loi. En l’espèce, les appelants concèdent que sont établis le statut d’employé, le défaut de verser le salaire de quelques semaines et les vacances de l’année en cours. Ils contestent cependant :
· que les preuves de réclamation au syndic soient généralement conformes aux exigences de la Loi;
· qu’une indemnité de départ puisse être versée;
· que certains cadres puissent bénéficier de la protection de l’article 119 de la Loi;
· que les pigistes et les employés habitant hors du Québec puissent aussi se porter requérants;
· que le juge a erré dans la date de départ du calcul des intérêts et de l’indemnité additionnelle;
· qu’enfin, l’action aurait dû être rejetée et non les membres exclus du groupe lorsque les prétentions à leur endroit sont mal fondées.
A> Les preuves de réclamation remises au syndic
et leur régularité
[11] Est une des conditions pour bénéficier de la protection de l’article 119 de la Loi que les membres du groupe aient déposé en temps utile leur preuve de réclamation entre les mains du syndic. En l’espèce, le juge a rejeté toutes celles produites hors délai et retenu celles qui, bien qu’imparfaites dans leurs formes, pouvaient par ailleurs satisfaire aux exigences de la Loi sur la faillite;il a estimé que les déficiences relevées pouvaient être valablement corrigées même après l’expiration du délai de six mois. Thompson s’attaque à cette conclusion et demande le rejet des réclamations qui ne précisent pas le montant dû ou qui n’incluent pas les pièces justificatives ou un état de compte.
[12]
Les articles 110 des Règles
sur la faillite et l’insolvabilité[2]
et l’article
Amendment of a claim
By s. 189(9) (sic), a court has a wide power to excuse formal defects and irregularities : see post I§14 “Power of Court to Relieve Against Formal Defects and Irregularities”.
[…]
Section 187(9) gives the court power to remedy any formal defect or irregularity unless the court is of the opinion that substantial injustice has been caused by the defect or irregularity and that the injustice cannot be remedied by any order of the court. Section 187(5), supra, gives the court power to review, rescind or vary any order made by it under its bankruptcy jurisdiction. The two subsections give the court a wide power to excuse or remedy errors so that bankruptcy proceedings will not be defeated by formal and technical objections.
The large powers given by s.187(9) enable the court to correct defects of a technical nature so long as it can be done without injustice: Re Holdengraber (1927), 8 C.B.R. 411 (N.B.S.C.)
[…]
There is no power under s. 187(9) to grant relief if a matter of substance is involved; it is only formal defects or irregularities that the court can excuse or remedy: Re White (1920), 1 C.B.R. 359 (Ont.S.C.); Cormie v. Principal Group Ltd. (Trustee of)(1989), 74 C.B.R. (N.S.) 124, 66 Alta. L.R. (2d) 340, 99 A.R. 1 (Q.B.); Re Roosenboom (1974), 18 C.B.R. (N.S) 180 (Ont. S.C.); Haywood Securities Ltd. v. Witwicki (1995), 32 C.B.R. (3d) 103, 7 B.C.L.R. (3d) 372, 56 B.C.A.C. 120, 92 W.A.C. 120 (C.A.)
What is a matter of form and what is a matter of substance depends on the circumstances of each case: Re Little (1924), 56 O.L.R. 196, 5 C.B.R, 244 (C.A.); Re Roosenboom, supra.[4]
[13] Cette vision est aussi celle de la Cour exprimée dans l’arrêt Dadoun c. Coriat[5].
[14] À mon avis, le juge a suivi ces enseignements et a correctement appliqué le droit en acceptant les preuves de réclamations pour lesquelles, dans son opinion, la Cour de faillite aurait autorisé de remédier aux défauts qu’elles pouvaient contenir; il faut donc rejeter ce grief d’appel.
B> La preuve de certains éléments
de la réclamation
[15] Si Thompson admet que la preuve est faite du statut d’employés des membres du groupe et de leur créance relative au salaire et aux vacances de l’année en cours, il plaide par ailleurs que cette preuve est déficiente au regard d’autres chefs de réclamations soit les bonis, les commissions, les dépenses de voyage et des retenues pour les assurances collectives.
a) Les bonis, commissions et dépenses de voyage
[16] Pour établir que des bonis, commissions et dépenses de voyage furent impayés à certains des membres du groupe, l’intimée Masson a déposé les réclamations faites au syndic et fait entendre des administrateurs de la société pour expliquer que, selon la politique applicable, des bonis et commissions étaient payables sur autorisation écrite préalable de la haute direction; quant aux dépenses de voyage, elles devaient être approuvées.
[17] Le juge a estimé cette preuve suffisante et ordonné qu’à l’occasion de sa réclamation individuelle, l’employé remette les documents pertinents établissant son droit.
[18] Les appelants attaquent cette conclusion et plaident l’absence de la démonstration d’une créance car aucun employé bénéficiant d’un régime de paiement de bonis et commissions ou n’ayant voyagé pour Comterm n’avait témoigné. Ce défaut serait, à leur avis, fatal.
[19] Les appelants ont tort. Les bonis et commissions sont un aspect de la rémunération d’un employé et si une politique de l’employeur les autorise sous certaines conditions, le juge pouvait se satisfaire de cette preuve car, comme il a décidé de permettre la réclamation individuelle, il sera aisé de vérifier dans chaque cas si les conditions et critères à leur octroi ont été satisfaits. Il en est de même pour les frais de voyage.
b) Les retenues d’assurance collective
[20] Les employés pouvaient souscrire à une police d’assurance collective. Ce régime auquel l’employeur ne participait pas était cependant payé par Comterm qui, pour cela, prélevait sur le salaire des employés participants une retenue suffisante.
[21] Or, bien qu’elle ait fait les retenues sur les salaires de ses employés, Comterm n’a pas payé l’assureur. Thompson plaide que les salariés ne peuvent aujourd’hui réclamer le remboursement de ce prélèvement au motif que le contrat d’assurance est resté en vigueur jusqu’en octobre 1990. Ce grief d’appel est à mon sens sans aucun fondement. La couverture d’assurance fut annulée et Comterm a réduit le salaire brut de ses employés d’un montant qu’elle avait l’obligation de remettre à l’assureur. Ces sommes ne lui appartenaient donc pas et elle les a conservées. Les employés ont donc le droit d’en réclamer le remboursement.
C> Les indemnités de départ
[22] Le juge a rejeté la réclamation d’indemnités de départ réclamée par les salariés en application de la Loi sur les normes du travail[6]. Il a, par ailleurs, reconnu qu’une telle indemnisation serait possible si un salarié bénéficiait d’un contrat qui satisferait aux critères définis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Barrette c. Succession de Crabtree[7].
[23] Thompson prétend que l’intimée n’a établi aucune politique générale à cet égard ni produit aucun contrat individuel de travail qui inclurait une indemnité permise au sens de l’arrêt Crabtree.
[24]
À mon avis, il a, ici, raison. J’estime que le juge a
correctement énoncé le droit au regard de l’octroi d’une indemnité de départ
qui peut être allouée à un employé en application de l’article
[25] Il y a donc lieu de biffer le paragraphe g) de la conclusion qui se lit ainsi :« DÉCLARE que, jusqu’à concurrence de 6 mois de salaire, fait partie des dettes liées aux services rendus par les membres du groupe à Comterm Inc., les dettes pour :… ». Par ailleurs, comme l’intimée a attaqué la conclusion du jugement qui rejetait sa réclamation d’une indemnité de départ en application de la Loi sur les normes du travail, je réserverai mes commentaires sur cette question que je traiterai dans la seconde partie de mon opinion.
D> Les cadres
[26] Les parties s’accordent sur le critère qui doit prévaloir pour définir les mots « employé de la société » à l’article 119 de la Loi, que la Cour suprême a défini à l’arrêt Crabtree, précité.
[27] Le débat devant nous ne porte donc uniquement que sur l’identité des personnes occupant des fonctions de cadres et qui connaissaient la situation économique et financière de Comterm. Le juge, pour sa part, a exclu deux employés qui ont témoigné au procès; quant aux autres, il a estimé qu’ils devraient faire leur preuve à l’occasion du dépôt de leur réclamation individuelle.
[28] À mon sens, le juge a ici inversé le fardeau de la preuve et omis de tenir compte des témoignages non contredits de messieurs Paul Lafrenière et Dolliver H. Frederick. Ils ont en effet tous deux clairement expliqué que messieurs Constantinos Bakakis, Ian Dennett, Roger Bissonnette, Jacques Faguy, Claude Lévesque, Gerry Merchado, Wayne Marshall, Wayne Reed et Michel Zaloum étaient intimement au fait des affaires de Comterm puisque, pour reprendre les paroles de monsieur Frederick, elles étaient « fully aware of all aspects ». Il a ajouté : « They were aware of the cash disbursals on a weekly basis. They were part of planning allocation of cash on a weekly basis ».
[29] L’action devrait donc être rejetée à leur égard.
E> Les pigistes
[30] Deux personnes étaient pigistes et non employées. Ce sont Elizabeth Farlane et Sylvie Robichaud. Elles devaient être exclues du recours et l’action rejetée quant à elles.
F> Les employés hors Québec
[31] Ce grief d’appel est mal fondé. La Cour en a disposé dans un autre arrêt rendu entre les mêmes parties[8].
G> La date de départ des intérêts
[32] Le juge a fait courir les intérêts à compter de la date du dépôt de la réclamation au syndic et l’indemnité additionnelle à partir du jugement d’autorisation du recours alors que l’intimée ne les exigeait qu’à compter de l’assignation. L’adjudication sur les intérêts est donc ultra petita et l’intimée le reconnaît.
[33] La question est celle de savoir à quel moment se situe l’assignation dans un recours collectif. À mon avis, la Cour a répondu à cette question. Dans l’arrêt Thompson, précité, elle a exprimé l’avis que le recours était déclenché par l’action en justice formée suivant les règles ordinaires et après l’autorisation judiciaire préalable[9]. En d’autres termes, l’assignation d’un défendeur en recours collectif se situe au moment de la signification de l’action elle-même. « Ce n’est qu’après le jugement d’autorisation que se déclenche le recours », peut-on lire à l’opinion du juge LeBel (alors à la Cour) dans l’arrêt Thompson. Il précise d’ailleurs sa pensée en ces termes :
À cette étape, postérieure au jugement d'autorisation, l'on se trouve désormais devant une action en justice, au sens usuel du terme. Avant ce moment, l'on ne rencontre encore qu'une procédure d'autorisation et un jugement de vérification et de contrôle.
[34] Je conclus qu’il y a lieu de réformer le jugement entrepris et de fixer le point de départ du paiement des intérêts et de l’indemnité additionnelle au moment de la signification de l’action. Cette conclusion ne préjuge en rien de la question de savoir si un requérant pourrait, après l’avoir demandé, obtenir le paiement des intérêts à compter d’un autre moment.
H> Conclusions générales sur l’appel principal
[35] L’intimée reconnaît que le juge aurait dû rejeter le recours des personnes qui n’y avaient pas droit au lieu de les exclure du groupe.
[36] Il nous faut donc corriger le jugement à cet égard et ajouter les conclusions suivantes :
- modifier le dispositif du jugement pour y exclure l’indemnité de départ dans la créance réclamée;
- rejeter le recours de messieurs Constantinos Bakakis, Ian Dennett, Jacques Faguy, Claude Lévesque, Gerry Merchado, Wayne Marshall, Wayne Reed et Michel Zaloum. en raison de leur qualité de cadres;
- rejeter l’action des pigistes Elizabeth Farlane et Sylvie Robichaud;
- fixer le point de départ du paiement des intérêts et de l’indemnité additionnelle à la date de l’assignation des appelants après l’autorisation du recours.
2> L’appel incident
[37] L’intimée Masson s’est portée appelante incidente pour que soient corrigées deux conclusions du jugement entrepris :
· l’ordonnance à la liquidation individuelle des réclamations des membres du groupe;
· le refus de reconnaître le paiement de l’indemnité de défaut en application de la Loi sur les normes minimales de travail.
a) Les réclamations individuelles :
[38] La Loi permet au juge d’ordonner le paiement d’une somme globale visant la totalité des réclamations pour l’ensemble des membres du groupe, somme qui est ensuite partagée entre eux. Elle autorise aussi un redressement individuel suivant la procédure définie par le juge.
[39] En l’espèce, la seconde méthode fut retenue. L’appelante incidente estime ce choix erroné parce qu’incorrectement motivé.
[40] À mon avis, elle a tort. Le mode d’indemnisation est laissé à la discrétion du juge de procès. Or, l’appelante incidente n’a pas démontré que l’exercice de cette discrétion devrait être révisé; au contraire, il m’apparaît que la méthode retenue s’imposait ici.
b) L’indemnité de départ en application de la
Loi sur les normes du travail
[41]
Le juge a rejeté la réclamation du groupe qui recherchait une
indemnité de cessation d’emploi selon les articles
[42]
L’appelante incidente reconnaît que la Cour suprême a défini,
dans l’arrêt Crabtree précité, les
circonstances dans lesquelles un employé peut réclamer une indemnité de
cessation d’emploi des administrateurs d’une société en déconfiture en
application de l’article 119 de la Loi.
Elle plaide cependant que la portée de cet arrêt, comme celui de notre Cour
dans Syndic de Nolisair International
inc.[10], doit être
nuancée à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada dans Wallace c. United Grain Growers Ltd[11].
À mon sens, cette distinction est erronée. Dans Wallace, la situation factuelle était toute autre; dans cette
affaire, il s’agissait, entre autres, de savoir si un employé, failli
non libéré, peut se porter demandeur et réclamer de son ex-employeur des
dommages-intérêts sous forme de préavis à la suite d’un congédiement abusif au
motif que cette indemnité serait incluse dans les termes « traitement, salaire ou autre
rémunération » de l’article
[43] Or, dans l’arrêt Crabtree précité, la juge L’Heureux-Dubé, pour la Cour suprême, a rappelé que les administrateurs n’étaient pas débiteurs solidaires de toutes les dettes de la société envers les employés mais que de celles « liées aux services que ceux-ci exécutent pour le compte de cette dernière pendant qu’ils exercent leur mandat ». Elle a, de plus, défini cette expression au regard du délai-congé auquel un employé pourrait prétendre; elle écrit à ce sujet :
Le terme « dettes » ne peut, en effet, être dissocié du contexte dans lequel il se trouve énoncé. Suivant les termes employés par le législateur, les dettes doivent résulter de « l'exécution […] de services au profit de la société ». Or, la somme payable à titre d'indemnité de cessation d'emploi découle non pas de services exécutés au profit de la société, mais du préjudice qui est lié à l'inexécution d'une obligation contractuelle, celle de fournir un préavis suffisant. Les sommes allouées par la Cour supérieure à titre d'indemnité de cessation d'emploi ont pour cause, et fondement, la rupture fautive du lien d'emploi par l'employeur. C'est principalement pour ce motif que la jurisprudence de la Cour d'appel de l'Ontario a exclu ce genre d'indemnités du bénéfice du par. 114(1) L.S.C.C. (voir Mesheau c. Campbell, précité, à la p. 157, et Mills-Hughes c. Raynor (1988), 47 D.L.R. (4th) 381, aux pp. 386 et 387). En l'absence de jalons législatifs additionnels, l'exécution de services par l'employé demeure la pierre angulaire de la responsabilité personnelle des administrateurs pour les dettes assumées par la société. Notre Cour ne saurait, sous le couvert d'une interprétation extensive, ajouter au texte de la disposition des mots qui ne s'y trouvent pas exprimés. En conjuguant le contexte d'énonciation du par. 114(1) L.S.C.C. à la nature de la responsabilité ici en jeu, exorbitante du droit commun sous plusieurs chapitres, il m'apparaît que la conclusion s'impose d'elle-même.[12]
[44] Aussi, le fait qu’une loi du travail impose à un employeur l’obligation de payer un préavis de cessation d’emploi ne signifie donc pas que l’administrateur en est tenu solidairement; décider autrement signifierait que la portée et l’effet des mots « dettes liées aux services que ceux-ci exécutent » de la Loi sur les société par actions sont modifiés sans intervention législative de l’autorité compétente.
[45] Pour ces motifs, je rejetterais ce grief d’appel.
c) Conclusion générale sur l’appel incident :
[46] Je propose de rejeter l’appel incident.
* * *
[47] J’estime donc que :
a) l’appel principal doit être accueillie avec dépens aux seules fins de :
- modifier le dispositif du jugement pour y exclure l’indemnité de départ dans la créance réclamée;
- rejeter le recours de messieurs Constantinos Bakakis, Ian Dennett, Jacques Faguy, Claude Lévesque, Gerry Merchado, Wayne Marshall, Wayne Reed et Michel Zaloum. en raison de leur qualité de cadres;
- rejeter l’action des pigistes Elizabeth Farlane et Sylvie Robichaud;
- fixer le point de départ du paiement des intérêts et de l’indemnité additionnelle à la date de l’assignation des appelants après l’autorisation du recours.
b) l’appel incident doit être rejeté avec dépens.
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________________________________ PAUL-ARTHUR GENDREAU J.C.A.
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[1] L..R.C. (1985), ch. C-44.
[2] C.R.C., c. 368 remplacé par les Règles modifiant les Règles sur la faillite et l’insolvabilité, (1998) 132 Gaz. Can. II, 1392, en vigueur le 30 avril 1998.
[3] L.R.C. (1985), ch. B-3.
[4] L.W. HOULDEN et G.B. MORAWETZ, Bankruptcy and Insolvency Law of Canada, 3e éd., vol. 2, Toronto, Carswell, mis à jour 2000 (No 5), p. 5-45 et 7-35.
[5]
[6] L.R.Q., c. N-1.1.
[7]
[8] Thompson
c. Masson,
[9] Id.,
72; voir aussi Hotte c. Servier Canada Inc.,
[10] J.E. 99-1020 (C.A.).
[11]
[12] Barrette c. Succession de Crabtree, précité, note 7, 1048-1049.