Québec (Procureure générale) c. Services énergitiques Ecosystem inc. |
2015 QCCS 1988 |
|||||
JP 1736 |
||||||
division de pratique |
||||||
CANADA |
||||||
PROVINCE DE QUEBEC |
||||||
DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
|||||
|
||||||
No: |
500-17-084317-141 |
|||||
|
|
|||||
|
||||||
DATE: |
21 avril 2015 |
|||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC |
||||||
et |
||||||
COMMISSION SCOLAIRE DE LA RIVIÈRE-DU-NORD |
||||||
Demanderesses |
||||||
c. |
||||||
LES SERVICES ÉNERGITIQUES ECOSYSTEM INC. |
||||||
et |
||||||
SOCIÉTÉ DE PORTEFEUILLE CANADIENNE ZURICH LIMITÉE |
||||||
et |
||||||
TECHNOLOGIES CII INC. |
||||||
et |
||||||
SOCIÉTÉ D'ASSURANCE GÉNÉRALE NORTHBRIDGE |
||||||
et |
||||||
YVON HÉBERT |
||||||
Défendeurs solidaires |
||||||
et |
||||||
TECHNOLOGIES CII INC. |
||||||
Requérante |
||||||
et |
||||||
Société d'assurance générale northbridge |
||||||
Intimée |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
JUGEMENT SUR REQUÊTE DE LA DÉFENDERESSE/REQUÉRANTE TECHNOLOGIES CII INC. POUR DEMANDER À LA COUR D'ENJOINDRE À L'ASSUREUR/INTIMÉE DE POURVOIR À SA DÉFENSE (REQUÊTE WELLINGTON) (ARTICLES 2, 20 ET 46 C.P.C.) |
||||||
______________________________________________________________________ |
||||||
|
||||||
[1] Le Tribunal est saisi d’une demande de la défenderesse/requérante, Technologies CII inc (« CII ») d’enjoindre son assureur, l’intimée Société d’assurance Générale Northbridge, de pourvoir à sa défense dans le présent litige qui l’oppose à la Procureure générale du Québec (la « Procureure générale ») et la Commission scolaire de la Rivière-du-Nord (la « Commission scolaire ») (collectivement les « Demanderesses »).
[2] Dans le présent litige, le 19 septembre 2014, les Demanderesses poursuivent en dommages CII et les autres codéfendeurs suite à l’incendie de l’École Polyvalente Lavigne (la « Polyvalente ») qui a eu lieu le 21 septembre 2011. Plus précisément, la Procureure générale réclame des défendeurs solidairement la somme de 3 500 000 $ et la Commission scolaire la somme de 13 037 687 $. Il est à souligner que les Demanderesses ont également poursuivi la Société d’assurance générale Northbridge à titre d’assureur de la responsabilité civile de CII.
[3] CII allègue qu’elle était assurée à l’époque qui nous concerne par la Compagnie canadienne d’Assurances Générales Lombard (« Lombard ») aujourd’hui connue sous la dénomination sociale de Société d’assurance générale Northbridge (l’ « Assureur » ou « Northbridge ») et ce, en vertu d’une police d’assurance portant le numéro CBC 0724999 00 couvrant la période du 1er février 2011 au 1er février 2012 (la « Police »).
[4] Le ou vers le 15 janvier 2015, Northbridge dépose une défense à l’action principale en demandant le rejet à son endroit au motif que l’Assureur ne couvre pas CII dans la présente affaire, cette dernière ayant manqué à certains engagements formels aggravant par le fait même le risque assuré, ce qui a eu pour effet de suspendre la garantie en vertu des dispositions de l’article 2412 du Code civil du Québec.
[5] Northbridge allègue que CII a fait défaut de respecter les termes et conditions d’un avenant d’exclusion que l’Assureur appelle un « engagement formel » lequel fait partie intégrante de la Police, à savoir l’avenant CEF 306 intitulé « Limitation - Travaux de soudure ou de coupage» applicable à la partie Ill (Responsabilité civile des entreprises), lequel est libellé comme suit :
« PARTIE Ill
LIMITATION - TRAVAUX DE SOUDURE OU DE COUPAGE
Le présent avenant modifie l'assurance ci-après :
Partie Ill - Responsabilité civile des entreprises - Garantie A
Sont exclus de la présente assurance le « dommage corporel » et le « dommage matériel » découlant des « travaux de soudure » ou des « travaux de coupage » à moins que les conditions suivantes soient respectées par vous ou par un de vos employés.
CONDITIONS RELATIVES AUX TRAVAUX DE SOUDURE OU DE COUPAGE
1. Matière combustible
Toutes les matières combustibles transportables doivent être enlevées de l'aire de travail et des aires adjacentes. Les planchers en bois doivent être recouverts de métal ou gardés constamment humides.
2. Liquides et vapeurs inflammables
Les barils, réservoirs ou autres contenants de liquides ou de vapeur combustibles ou explosifs doivent être nettoyés et débarrassés des résidus avant qu'un travail ne soit entrepris sur eux;
3. Contrôle des étincelles
Des écrans ou toiles protecteurs en métal ou en amiante ou d'autres dispositifs similaires doivent être pourvus pour empêcher le métal chaud et les étincelles de tomber sur le plancher en bois ou d'entrer en contact avec le mur ou toute matière combustible qui ne peut être déplacée;
4. Protection incendie
Durant les travaux de soudure ou de coupage, la protection des extincteurs automatiques (pour les lieux jouissant d'une telle installation) doit être constamment maintenue. Des extincteurs portatifs appropriés ou des boyaux d'incendie doivent aussi être maintenus près de ces travaux. L'équipe préposée à la soudure ou au coupage doit comprendre une personne supplémentaire sont la seule tâche est de surveiller les étincelles et d'utiliser le matériel servant à combattre les incendies.
5. Précautions d'après travaux
Après la fin des travaux, une vérification complète doit être faite pour découvrir tout incendie pouvant couver dans les recoins et endroits dissimulés et, la protection d'un veilleur doit être maintenue durant une demi-heure au minimum.
Cette limitation s'applique seulement aux « travaux de soudure » ou aux « travaux de coupage » exécutés hors des lieux dont vous être propriétaire ou locataire.
Pour l'exécution du présent avenant on entend par:
« Travaux de soudure » le procédé par lequel deux ou plusieurs pièces à être jointes sont chauffées à une température proche ou supérieure à leur point de fusion de manière à ce qu'ils forment une masse indivise.
« Travaux de coupage », le découpage, le creusage, le perçage, par fusion du métal.
ClI TECHNOLOGIES INC. - POLICE CBC 0724999 00
(s) J. Dugas - 7-02-2011 »
[l’ « Avenant d’exclusion »]
[6] L’Avenant d’exclusion a été signé par madame Johanne Dugas (« Mme Dugas »), décrite comme simple commis de bureau, puis comme secrétaire du président, monsieur Denys Valiquette (« M. Valiquette ») et commis comptable ou même gestionnaire de bureau de CII.
[7] Le Tribunal comprend à la lecture des procédures, que CII, à titre d’entrepreneur spécialisé dans l’installation de systèmes de chauffage et de climatisation, a été retenu par la codéfenderesse, Les Services Énergétiques Ecosystem inc. (« Ecosystem ») comme sous-traitant pour effectuer certains travaux de découpage et de soudage pour l’installation d’un système de récupération de chaleur dans un appentis mécanique situé sur le toit de la Polyvalente, et ce, afin d’améliorer l’efficacité énergétique de l’édifice.
[8] Le matin du 21 septembre 2011, les employés de CII ont effectué des travaux de soudage dans l’appentis mécanique situé sur le toit de la Polyvalente où sont regroupés les systèmes de ventilation, d’air conditionné et de chauffage ainsi que le système électrique.
[9] Vers 10h25, un incendie s’est déclaré dans l’appentis mécanique. À ce moment, les employés de CII venaient de descendre au rez-de-chaussée pour prendre une pause. Dès les premiers instants de l’incendie, ces employés accompagnés d’employés de la Polyvalente et d’un plombier, se sont rendus à l’appentis mécanique pour tenter de contrôler le brasier à l’aide d’extincteurs, mais en vain.
[10] Malgré que les pompiers soient arrivés à 10h32, ceux-ci n’ont réussi à maîtriser l’incendie qu’à 16h18 pour ensuite quitter les lieux vers 23h30. Ils ont dû revenir au cours de la nuit pour éteindre un nouveau foyer d’incendie qui s’est avéré mineur cette fois-ci.
[11] Selon les Demanderesses, l’incendie a débuté à l’intérieur de la structure d’un muret en bois se trouvant à l’intérieur de l’appentis mécanique, soit dans l’environnement immédiat des travaux de soudage effectués le jour de l’incendie et il s’est propagé dans les combles du toit. Certains référeront plutôt à une boîte de bois reposant sur le plancher de l’appentis et accotée le long d’un de ses murs plutôt que de parler de muret.
[12] Quant à la cause de l’incendie, les Demanderesses ajoutent que celui-ci a été engendré par la négligence de CII dans l’exécution de ses travaux de soudage, plus particulièrement au niveau des mesures qu’ils auraient dû mettre en place pour prévenir un incendie. Les travaux de soudage effectués par les employés de CII constituaient à ce moment la seule source de chaleur qui pouvait avoir causé l’incendie.
[13] Les Demanderesses précisent qu’une particule en fusion, autrement dit une étincelle, provenant des activités de soudage aurait atteint des matériaux combustibles par une ouverture existante dans le muret à l’intérieur de l’appentis mécanique. De plus, la présence de certains matériaux utilisés pour les travaux de soudage, notamment du carton fibre, pourrait avoir favorisé le développement d’une combustion en incandescence dans la structure du bâtiment.
[14] Bref, les Demanderesses reprochent à CII d’être responsable de l’ensemble des dommages qui ont été causés par l’incendie du 21 septembre 2011 en ne respectant pas certaines des obligations légales et normes alors en vigueur en matière de soudage et plus particulièrement :
« 35. Or, CII a contrevenu à ses obligations légales et a fait preuve de négligence en ce que :
- elle a négligé d’effectuer une surveillance constante lors des travaux de soudage et au moins 30 minutes après l’arrêt des travaux;
- ses employés ont omis d’installer un élément de protection à l’intérieur de l’appentis mécanique, soit une plaque de métal ou d’amiante, pour éviter que les particules en fusion puissent atteindre les éléments combustibles et;
- ses employés ont laissé les équipements de soudage à l’intérieur de l’appentis mécanique, donc près de matériaux combustibles, lors de leurs pauses en l’absence d’une protection suffisante pour prévenir un éventuel incendie; »
[15] Suite à l’incendie, CII a rapporté le sinistre à son Assureur qui a procédé le 8 février 2012 à un examen statutaire du président de CII, M. Valiquette lors duquel ce dernier a confirmé :
- que les travaux de CII ont été exécutés à l’aide d’une soudeuse à l’arc électrique;
- que les employés de CII ont effectué ces travaux sans utiliser de toile ou écran protecteur ou autres dispositifs du même genre;
- qu’à ce moment, les employés de CII n’avaient pas avec eux une toile en amiante ou un écran protecteur; ces outils de protection n’étaient même pas disponibles dans leur camion; M. Valiquette en a acquis après cet incident; et
- que M. Valiquette avait connaissance de l’existence de l’Engagement formel et que celui-ci a été signé par Mme Dugas, la commis-comptable de CII, et ce, à sa connaissance.
[16] Le 24 juillet 2012, CII a été avisée par lettre qu’en raison de son défaut d’avoir respecté l’Avenant d’exclusion, Northbridge considérait alors que la garantie était suspendue, CII ayant enfreint l’article 2412 du Code civil du Québec lequel stipule :
« 2412. Les manquements aux engagements formels aggravant le risque suspendent la garantie. La suspension prend fin dès que l'assureur donne son acquiescement ou que l'assuré respecte à nouveau ses engagements. »
[17] En d’autres mots, Northbridge reproche à CII d’avoir violé ce qu’elle considère un engagement formel en procédant à des travaux de soudage dans un endroit fermé tout près d’une structure en bois sans utiliser aucune forme de protection contre l’incendie, comme par exemple, une toile en amiante (paragraphe 3 de l’Avenant d’exclusion) et en quittant les lieux contrairement aux dispositions du paragraphe 5 de l’Avenant d’exclusion.
[18] À l’audience, l’avocat de CII conteste le reproche de ne pas avoir respecté les dispositions du paragraphe 5 de l’Avenant d’exclusion, car au moment où l’incendie a été déclenché, les employés n’avaient pas quitté le chantier, mais ne faisaient que prendre une pause de quelques minutes.
[19] Quoi qu’il en soit, l’avocat de CII a fait grand état du fait que sa cliente disposait d’une excellente défense à faire valoir à l’encontre de la réclamation des Demanderesses en ce que l’appentis mécanique n’avait pas été construit correctement, ni isolé du reste de l’édifice selon les règles applicables. Il impute la faute au codéfendeur, l’architecte Yvon Hébert, qui a travaillé à la réfection de la toiture en 1989 et qui n’a pas élaboré alors les plans et devis conformément aux règles de l’art, ce qui a favorisé la propagation de l’incendie au reste de l’édifice. En d’autres mots, l’appentis mécanique n’était pas adéquatement isolé du reste de l’édifice et incombustible comme les employés de CII s’attendaient légitimement à ce qu’il soit. Bref, ils se sentaient en sécurité d’y travailler sans risque de déclencher un incendie en utilisant leurs outils.
[20] Ceci étant, l’avocat de CII oppose à Northbridge que l’Avenant d’exclusion n’est pas un engagement formel, mais plutôt un avenant émis plus tard ayant pour but de modifier les termes et conditions de la Police. En raison de son libellé qui exclut la garantie en certaines circonstances y décrites, l’Assureur avait l’obligation de porter spécifiquement à la connaissance de M. Valiquette ces conditions particulières, et ce, par écrit.
[21] L’avocat ajoute qu’il existe une très forte probabilité que l’Avenant d’exclusion ne puisse être invoqué légalement par Northbridge et par conséquent, que cette exclusion ne trouve pas application en l’espèce, car les dispositions applicables du Code civil du Québec n’ont pas été respectées par l’Assureur.
[22] L’avocat poursuit en mentionnant que la simple possibilité que l’Avenant d’exclusion ne s’applique pas en l’espèce ou qu’il ne soit pas opposable à CII, entraîne l’obligation pour l’Assureur de défendre son assuré et en ce faisant, d’assumer les frais associés à sa défense.
[23] Les motifs d’invalidité de l’Avenant d’exclusion soulevés par CII se résument comme suit :
- l’Avenant d’exclusion contenait une limitation importante de la garantie et devait être soumis à la connaissance d’une personne en autorité; or, celui-ci n’a pas été signé par une personne en autorité, soit un officier ou administrateur de CII, mais plutôt par une commis de bureau également décrite comme une secrétaire ou une commis-comptable; au cours des plaidoiries, Mme Dugas deviendra gérante du bureau;
- l’Avenant d’exclusion ne faisait pas partie de la Police originale datée du 3 février 2011 alors que celui-ci est daté du 7 février 2011; il s’agissait donc d’une modification des termes et conditions de la Police;
- les dispositions de l’article 2405 du Code civil du Québec n’ont pas été respectées, Northbridge ayant l’obligation d’obtenir le consentement écrit de l’assuré relativement aux modifications qu’elle entendait apporter à la Police, d’autant plus qu’elles avaient pour effet de réduire les engagements de l’Assureur et d’augmenter les obligations de l’assuré;
- Northbridge n’a pas porté à l’attention de CII, et ce, par écrit les éléments de l’Avenant d’exclusion qui différaient de la Police originale qui, selon l’avocat de CII, ne comportait pas un tel Avenant d’exclusion; en pareilles circonstances, il fallait obligatoirement porter à l’attention de l’assuré les divergences découlant de l’Avenant d’exclusion;
- enfin, tel que susdit, les employés de CII n’avaient pas terminé leurs travaux et ne quittaient pas le chantier au moment où l’incendie s’est déclaré, ils ne faisaient que prendre une pause qui s’est avérée extrêmement courte dans les circonstances;
- la Police constitue un contrat d’adhésion et les dispositions de l’Avenant d’exclusion y étant ajoutées en font une clause abusive, laquelle désavantage l’assuré de façon excessive et qui doit être déclarée nulle (articles 1379, 1432, 1436 et 1437 du Code civil du Québec).
[24] Le Tribunal comprend qu’à première vue, il semblerait qu’une étincelle de produit en fusion provenant de l’opération de soudage qu’effectuaient les employés de CII se serait introduite dans un interstice se trouvant entre le boîtier en bois formant le muret qui se trouvait dans l’appentis mécanique et une prise de courant électrique qui se trouvait dans une ouverture pratiquée sur la surface de la boite de bois. Il semblerait qu’en raison d’une étanchéité fautive entre l’appentis mécanique et le reste de l’édifice, l’étincelle a été aspirée par cet interstice le long de la prise électrique vers l’intérieur du boîtier en bois qui, semble-t-il, donnait accès à l’entretoit. Une fois rendue à l’intérieur du boîtier, l’étincelle aurait provoqué un incendie qui s’est aussitôt propagé au reste de l’entre toit et par le fait même, à l’édifice.
ANALYSE
[25] D’entrée ce jeu, il est important de souligner que le Tribunal n’a pas à déterminer à ce stade-ci si CII dispose d’une bonne et valable défense à l’encontre de la réclamation des Demanderesses, mais plutôt si CII est dûment couvert par la Police pour le présent sinistre compte tenu de l’Avenant d’exclusion et conséquemment, si Northbridge doit assumer ou non la défense de son assuré dans la présente cause.
[26] Northbridge insiste qu’elle ne devrait pas être forcée de participer plus longtemps à ce litige qui ne l’intéresse plus légalement, d’autant plus qu’il serait déraisonnable de lui faire encourir des honoraires extrajudiciaires importants pour que le juge devant entendre la cause sur le fond ne réalise qu’alors ce qui est évident dès maintenant, à savoir que CII a clairement violé les termes et conditions de l’Avenant d’exclusion et que ces violations ont non seulement aggravé le risque assuré, mais que de toute évidence, elles sont à l’origine de l’incendie.
[27] Aux termes de l’Avenant d’exclusion, Northbridge a exigé explicitement qu’en cas de travaux de soudure ou de coupage, CII et ses employés devaient respecter certaines précautions fondamentales pour limiter les risques d’incendie, sinon l’Assureur excluait de la garantie de la Police les dommages corporels et matériels découlant de tels travaux.
[28] Ainsi, en signant cet Avenant d’exclusion, CII a accepté qu’en cas de travaux de soudage et de coupage, ses employés, entre autres :
- enlèvent de l’aire de travail et de l’aire adjacente les matières combustibles transportables;
- utilisent des écrans ou des toiles protectrices en métal ou en amiante ou d’autres dispositifs similaires « pour empêcher le métal chaud et les étincelles de tomber sur le plancher en bois ou d'entrer en contact avec le mur ou toute matière combustible qui ne peut être déplacée »; et
- fassent une vérification complète à la fin des travaux pour découvrir tout incendie pouvant couver dans les recoins et endroits dissimulés et maintiennent la protection d'un veilleur durant une demi-heure au minimum.
[29] Une première question se pose. Sur quelle preuve le Tribunal doit-il se fonder pour trancher la présente question n’impliquant que CII et son Assureur qui lui oppose une clause de déchéance?
[30] À ce sujet, le Tribunal fait siens les propos suivants de la juge Louise Moreau dans l’affaire Acier Trimax inc. c. Compagnie d'assurances Chartis du Canada[1] :
« [20] Le tribunal conclut qu'à l'étape de la présentation de la requête Wellington, l'assureur est en droit de faire une preuve extrinsèque, si nécessaire, à la décision de son obligation ou non de défendre son assuré. Tout ceci peut se faire dans un cadre procédural strict, j'en conviens, tout en respectant les enseignements de la Cour suprême, c'est-à-dire sans que cette preuve ne contredise de quelque façon que ce soit les allégations de la requête introductive d'instance en responsabilité.
[21] Ici, dans le cas à l'étude, Chartis veut faire une preuve sur l'acceptation de l'avenant par l'assuré et sur la dénonciation qui lui a été faite. De plus, elle semble se questionner sur d'autres points qui pourront être décidés au fur et à mesure, selon leur pertinence.
[22] Le tribunal souligne que la preuve doit se contenter d'être sommaire et non devenir «un procès dans un procès». Tout ce qui touche la validité du contrat d'assurance devrait, selon moi, se faire avant le débat sur le fond et empêcher ainsi que préjudice soit causé à l'une ou l'autre des parties.
[23] En conclusion, le tribunal se base également sur les articles 4.1 et suivants du Code de procédure civile qui commandent une célérité dans l'étude des dossiers et l'application de la règle de la proportionnalité. Je suis d'avis qu'une fois la question réglée, les parties, quelle que soit la suite, c'est-à-dire possibilité de négociation, de conférence de règlement à l'amiable ou autre, pourront décider plus facilement, étant donné que leur situation sera claire. »
[31] Le Tribunal en déduit qu’aux fins de la présente requête et afin de déterminer si CII jouit ou non d’une couverture d’assurance relativement à ce sinistre, le Tribunal doit procéder à son analyse au moyen des allégations des procédures de la Police ainsi que des pièces produites, incluant celles produites au soutien de la défense de Northbridge qui contiennent, entre autres, l’examen statutaire de M. Valiquette.
[32] Northbridge a également produit un rapport d’expert intitulé « Investigation technique » (DN-5) apparemment produit par les Demanderesses au soutien de leur réclamation, lequel conclut :
« En vertu des faits et des analyses présentées à l’intérieur de ce rapport, nous concluons que l’incendie a débuté dans la structure d’un muret d’un appentis mécanique, et ce, dans l’environnement immédiat de travaux de soudage exécutés peu de temps auparavant. Quant à la cause de celui-ci, la concomitance des événements, jumelée à l’absence d’autres sources d’énergie à cet endroit, nous amène à conclure qu’elle est, en toute probabilité, reliée à l’exécution des travaux de soudure effectués par la compagnie CII Technologies inc. [Page 15 du rapport] »
[33] Cette preuve extrinsèque est recevable dans le contexte actuel.
[34] À cette étape, le Tribunal doit tenir pour avérés tous les faits se dégageant de son analyse desdites procédures et pièces afin de déterminer si l’Avenant d’exclusion s’applique en l’espèce et s’il est opposable à CII.
[35] Northbridge doit-elle assumer la défense de CII dans la présente cause et l’indemniser, le cas échéant?
[36] L’article 2412 du Code civil du Québec s’applique-t-il en l’espèce?
[37] Peut-on considérer que l’Avenant d’exclusion constitue un engagement formel au sens dudit l’article 2412?
[38] L’auteur Me Jean-François Lamoureux[2] au décrit comme suit ce qu’est un engagement formel au sens de l’article 2412 du Code civil du Québec :
À peu près toutes les polices d’assurance, particulièrement en assurance de dommages, sont structurées de la même façon. On y trouve d’abord une description précise de la couverture d’assurance suivie des exclusions à la couverture. Viennent ensuite les limitations particulières (par exemple que les œuvres d’art ne sont couvertes que jusqu’à concurrence d’un montant prédéterminé, de même que les collections ou les bijoux, etc.) certaines extensions de couverture, les définitions, le chapitre de responsabilité puis les dispositions générales (autrefois connues sous le nom « Conditions statutaires »). Un engagement formel est une espèce de « bébitte » (à défaut d’autre qualificatif!) inclassable qu’on peut, ou non, trouver parmi ces dispositions, mais qu’on trouve la plupart du temps dans un avenant délivré par l’assureur. Un engagement formel est d’autant plus difficile à identifier qu’il est rarement intégré à une clause qui l’identifie comme tel. Par exemple, les tribunaux ont déjà déterminé que le paragraphe 5 des Dispositions générales de la police d’assurance automobile F.P.Q. #1, intitulé « Interdictions », était un engagement formel.
C’est par sa formulation qu’on peut généralement reconnaître un engagement formel. Dans les cas où une clause de la police force l’assuré à poser ou à ne pas poser certains gestes, on peut généralement conclure qu’on se trouve en présence d’un engagement formel. Il en va ainsi de l’obligation d’un assuré de faire inspecter son système de gicleurs automatiques ou de ne pas utiliser sa moto-marine dans une course. Lorsque l’assuré contrevient à un engagement formel, l’article 2412 C.c.Q. édicte qu’il y a alors suspension de la protection si la contravention entraîne une aggravation du risque. Cette suspension est automatique dès qu’il y a contravention à l’engagement et ne requiert aucun avis de l’assureur (qui ignore d’ailleurs généralement tout de la contravention). La suspension cesse lorsque l’assuré respecte à nouveau l’engagement ou que l’assureur consent à ce qu’il ne soit plus respecté. Enfin, la suspension vise toute la « protection » pertinente prévue à la police.
L’effet dévastateur que peut entraîner une contravention à un engagement formel ressort de façon évidente par l’exemple suivant. Une police d’assurance résidentielle comporte un engagement de la part de l’assuré à faire ramoner la cheminée de son foyer une fois par année afin de réduire le risque d’incendie. L’assuré omet de se conformer à cet engagement et un incendie survient au cours de la deuxième année. L’assuré ne bénéficiera alors d’aucune couverture d’assurance contre l’incendie (la protection visée) même si la cause de cet incendie n’a rien à voir avec la cheminée mal entretenue puisque c’est toute la protection contre l’incendie qui est suspendue. »
[Soulignements ajoutés et références omises]
[39] À la lumière de ce qui précède, le Tribunal doit conclure qu’en ce qui a trait à l’Avenant d’exclusion, nous sommes bel et bien en présence d’un engagement formel au sens de l’article 2412 du Code civil du Québec.
[40] Par ailleurs, l’avocat de CII affirme que Northbridge a omis de respecter les dispositions de l’article 2405 du Code civil du Québec en matière de modifications apportées à une police d’assurance en vigueur.
[41] L’article 2405 du Code civil du Québec se lit comme suit :
« 2405. En matière d'assurance terrestre, les modifications que les parties apportent au contrat sont constatées par un avenant à la police.
Toutefois, l'avenant constatant une réduction des engagements de l'assureur ou un accroissement des obligations de l'assuré autre que l'augmentation de la prime, n'a d'effet que si le titulaire de la police consent, par écrit, à cette modification.
Lorsqu'une telle modification est faite à l'occasion du renouvellement du contrat, l'assureur doit l'indiquer clairement à l'assuré dans un document distinct de l'avenant qui la constate. La modification est présumée acceptée par l'assuré trente jours après la réception du document. »
[Soulignements ajoutés]
[42] À ce sujet, le Tribunal comprend des arguments formulés par l’avocat de CII que les dispositions de l’article 2405 du Code civil du Québec s’appliquent en l’espèce, car :
- la Police est un renouvellement ayant été obtenue par l’entremise du même courtier d’assurances avec qui CII fait régulièrement affaires; et
- l’Avenant d’exclusion constitue une modification à la Police car il fut délivré le 7 février 2011 alors que la Police est datée du 1er février 2011.
[43] L’avocat de CII laisse ainsi entendre que l’Avenant d’exclusion a été émis par Northbridge après coup, une fois la Police émise, tout comme si l’Assureur s’était ravisé et avait décidé d’imposer à CII des conditions beaucoup plus strictes en matière de soudage et de coupage.
[44] La preuve offerte convainc le Tribunal de l’opposé.
[45] D’entrée de jeu, il s’agit ici de la toute première Police émise par Lombard (Northbridge) en faveur de CII. La preuve révèle qu’en 2007, CII était assurée par La Federated, Compagnie d’assurance du Canada (la « Federated ») (PG-7), suivi par Intact Assurance. Le Tribunal comprend qu’en 2011, pour une raison qu’on ignore, CII a remplacé son assureur d’Intact Assurance par Lombard (Northbridge). Une chose demeure certaine, avant le 1er février 2011, l’assureur de CII n’était pas Lombard (Northbridge).
[46] On ne peut parler ici d’un renouvellement de police d’assurance comme le prétend l’avocat de CII. Il s’agit bel et bien d’une nouvelle police d’assurance émise par un nouvel assureur pour CII. Avec grand respect, le Tribunal ne retient pas l’argument avancé que les polices qui se sont succédées au fil des années ont été obtenues par l’entremise du seul et même courtier confère à ces polices un caractère de renouvellement.
[47] Dans un tel contexte, M. Valiquette ne pouvait présumer que le libellé de la Police et des avenants étaient nécessairement identiques aux polices précédentes, d’autant plus qu’on parle d’assureurs distincts.
[48] Normalement, un changement d’assureur émettant une nouvelle police d’assurance ne peut constituer un renouvellement au sens de l’article 2405 du Code civil du Québec.
[49] L’examen statutaire de M. Valiquette du 8 février 2012 (DN-3) a révélé, entre autres :
- qu’avant l’incendie, ses employés avaient à faire du découpage et du soudage (taquage); [page 10]
- pour faire du taquage, on utilise le même équipement qu’un soudeur; [page13]
- « Ça fait des flammèches (oui) ça dégouline, c’est sûr »; [page 14]
- le grinder (utilisé à ce moment pour le découpage des tuyaux) fait des flammèches; [p16]
- les travaux de taquage (brasage) et de découpage devaient être faits à l’intérieur de la salle mécanique sur la toiture (l’appentis); [page 19]
- il y a une boite en bois le long du plancher sur un des murs où il y a du filage électrique avec des prises de courant qu’ils ont utilisées (celle de la boite); [page 20]
- les employés disposent d’un extincteur dans le camion; [page 23]
- avant et au moment de l’incendie, il n’y avait pas d’écran protecteur ou de toile protectrice ou de couverture d’amiante ou autre composante du même type; [page 23]
- il en a acheté un depuis lors; on a acheté une toile d’amiante; [pages 24-25]
- il y avait un ou deux pieds entre le tuyau et la boite de bois; [page 26]
- M. Valiquette reconnait l’Avenant d’exclusion et la signature de Mme Dugas, il a déjà vu ce document; il savait que cet engagement formel faisait partie de sa police d’assurance; [page 29] il en avait connaissance; [page 30]
- Mme Dugas signe, car il est presque toujours sur la route. « C’est Johanne qui s’occupe d’avoir de l’ordre dans tous ces papiers-là, ainsi de suite. C’est la raison principale. C’est sûr que c’est moi qui prends la décision finale »; [page 30]
- « Bien, c’est ça, j’étais au courant qu’on avait, - que Johanne avait signé un document par rapport, - qui limitait par rapport aux travaux de coupure. Je ne sais pas votre question, c’est quoi au juste, j’ai de la misère à comprendre le sens, là. Est-ce que je l’avais lu comme il faut dans l’intégralité? Non. Comme dans toutes les, - la police d’assurance pareil, je l’ai pas lue d’une page à l’autre, là. Mais j’étais au courant qu’on avait un document qui ressemblait à ça, oui »; [page 31]
- il n’a pas demandé à Mme Dugas si elle avait lu l’Avenant d’exclusion; [page 31]
- avec Federated, il y avait un avenant qui augmentait ma franchise; mais, il n’y avait aucun avenant du genre avec l’assureur subséquent, l’Intact; [page 32]
- il était au courant que l’Avenant exclusif avait rapport au contrôle des étincelles et à la protection incendie; [page 32]
[50] Au sujet de l’Avenant d’exclusion, le Tribunal retient d’une part que M. Valiquette était au courant de l’existence de cet avenant et qu’il avait été signé par Mme Dugas. Malgré qu’il n’ait pas lu le document en question et qu’il dit ne pas s’être assuré auprès de Mme Dugas (devenue gérante de bureau au moment des plaidoiries) qu’elle l’avait lu avant de signer ce document, il n’en demeure pas moins que M. Valiquette déclare avoir eu une idée que l’avenant avait trait au contrôle des étincelles et à la protection incendie.
[51] D’autre part, aux fins des présentes, il ne fait aucun doute que lors des travaux exécutés par ses employés le jour de l’incendie, ces derniers n’ont pu utiliser aucun écran protecteur ou une toile en amiante pour limiter la propagation des flammèches et des étincelles qu’ils allaient générer en exécutant le soudage (taquage et brasage) des tuyaux et qu’ils allaient préalablement découper avec leur grinder le tout à quelque 12 à 24 pouces de la boîte de bois où se trouvait encastrée la prise électrique où l’étincelle s’est malheureusement introduite. Précisons que les employés de CII n’ont pu utiliser aucun écran protecteur ou une toile en amiante pour la simple raison qu’ils ne disposaient de tels équipements de protection dans le camion fourni par leur employeur.
[52] Tous les éléments nécessaires pour rendre applicable l’exclusion de la garantie offerte par Northbridge se trouvent ici réunis, d’autant plus que prima facie l’incendie semble avoir débuté en toutes probabilités par l’entremise d’étincelles ou de flammèches produites par les employés de CII alors qu’ils découpaient les tuyaux ou qu’ils les soudaient.
[53] En procédant à l’exécution de leurs travaux de découpage et de soudage sans les protections exigées dans l’Avenant d’exclusion, ceux-ci ont fait en sorte que l’assuré CII a aggravé le risque, au sens de l’article 2412 du Code civil du Québec, entrainant par le fait même la suspension de la garantie offerte par Northbridge en vertu de la Police.
[54] Le dernier élément à disposer est l’argument invoqué par l’avocat de CII que l’Avenant d’exclusion constituait une modification à la Police et qu’il devait être traité comme tel en respectant les dispositions de l’article 2405 du Code civil du Québec précité. Dans un tel contexte, vu la sévérité des termes et conditions de l’Avenant d’exclusion, il était essentiel que ce document soit signé par une personne en autorité, laissant entendre que Mme Dugas n’en était pas une.
[55] Au sujet de Mme Dugas, le Tribunal a noté que M. Valiquette a soumis, à titre d’exemple qu’en 2007, un avenant que la Federated avait alors émis lequel modifiait l’assurance alors en vigueur (PG-7). Aux termes de ce document, CII convenait que lors de l’exécution de « travaux à haute température[3] », ces travaux et le matériel utilisé pour de tels travaux devaient être conformes aux normes de l’Association canadienne de normalisation et à tous les autres règlements, lois et ordonnances provinciaux et municipaux relatifs aux travaux à haute température et qui s’appliquent à l’endroit où de tels travaux à haute température sont exécutés. L’avenant traitait également de la nécessité d’utiliser des écrans ignifuges.
[56] Contrairement à l’Avenant d’exclusion qui nous concerne, l’avenant de la Federated prévoyait que le bris de cet engagement par CII entrainerait une hausse de la franchise par réclamation correspondant à 10 % du montant du sinistre, sous réserve d’une franchise minimale de 10 000 $ et d’une franchise maximale de 25 000 $.
[57] Rappelons que M. Valiquette a affirmé qu’il était au courant de la signature par Mme Dugas de l’Avenant d’exclusion et qu’il avait une bonne idée de ce qu’il contenait, sans toutefois l’avoir lu. Il a assumé qu’il s’agissait d’un avenant similaire à celui émis par la Federated en 2007 : un avenant qui n’excluait pas sa couverture d’assurance, mais qui augmentait plutôt le montant de sa franchise en cas de violation de sa part.
[58] Il faut souligner qu’à la lecture de l’avenant Federated (PG-7), on peut facilement constater que cet avenant a été signé à l’époque par Mme Dugas la même personne qui a signé l’Avenant d’exclusion.
[59] Avec égard, le Tribunal est d’avis que la signature de Mme Dugas de l’Avenant d’exclusion et ce, à la connaissance et avec l’accord évident de M. Valiquette est suffisante pour lier CII contractuellement.
[60] Enfin, s’agit-il ici d’un renouvellement de la Police qui assujettirait le traitement de l’Annexe d’exclusion aux dispositions de l’article 2405 du Code civil du Québec?
[61] Le Tribunal ne peut que répondre à cette question par la négative, clairement pas.
[62] D’entrée de jeu, Lombard (Northbridge) n’a jamais été l’assureur de CII avant le 1er février 2011. De plus, le Tribunal a déjà écarté l’idée que l’utilisation du même courtier par CII au cours des années pouvait conférer un caractère de renouvellement à la Police.
[63] Le Tribunal ne croit pas non plus que M. Valiquette ne s’est vu remettre qu’une seule page de la nouvelle Police en février 2011, comme il est suggéré par la pièce PG-1, ne représentant qu’une partie des conditions particulières de la Police.
[64] Le Tribunal retient plutôt comme étant beaucoup plus plausible et vraisemblable la pièce DN-1 produite par Northbridge et qui représente une copie certifiée complète de la Police. Il est tout à fait invraisemblable que dans le cadre d’une toute nouvelle police d’assurance émise par un assureur en faveur d’un nouvel assuré que Northbridge n’ait pas remis ce document complet à CII, que ce soit directement ou par l’entremise du courtier.
[65] Une lecture de la Police DN-1 révèle ce qui suit :
- à la cinquième page de la Police intitulée « Partie III - Tableau - Responsabilité civile des entreprises (partie intégrante des conditions particulières) », on peut lire sous la rubrique « Avenants » :
“CEF 306 Limitation - Travaux soudure ou coupage »
Il s’agit précisément de l’Avenant d’exclusion qui nous concerne;
- plus loin, toujours à l’intérieur de la Police, on retrouve l’Avenant d’exclusion en blanc au niveau de la signature de l’assuré et de la date de signature;
[66] Il s’agit de la réplique exacte de l’Avenant d’exclusion signé par Mme Dugas le 7 février 2011 sous le nom de CII Technologies inc. et de la Police portant le numéro CBC 0724999 00; il ne fait aucun doute que Mme Dugas a signé cet avenant pour et au nom de CII, tout comme elle l’avait fait en 2007 relativement à l’avenant alors soumis par la Federated.
[67] Mais il y a un autre élément additionnel qui incite le Tribunal à écarter la proposition que l’Avenant d’exclusion est une modification subséquente à l’émission de la Police datée du 1er février 2011.
[68] Il est exact que la Police couvre la période du 1er février 2011 au 1er février 2012. Par ailleurs, au bas de chacune des multiples pages de la Police incluant les avenants apparaissent les mots :
« Imprimé le : 3 février 2011 »
[69] Or, ces mots apparaissent non seulement au bas de l’Avenant d’exclusion en blanc qui se retrouve à l’intérieur de la Police mais également au bas de l’Avenant d’exclusion signé par Mme Dugas. La date manuscrite apposée à droite de sa signature réfère manifestement à la date de la signature de ce document par celle-ci et non pas à la date d’émission de cet avenant qui, sans aucun doute, a toujours fait partie intégrante de la Police originale émise par Lombard (Northbridge).
[70] Cet avenant ne constitue donc pas d’une modification apportée par Lombard (Northbridge) dans les jours qui ont suivi l’émission de la Police. La version signée par Mme Dugas est un exemplaire tiré de la Police originale.
[71] En pareilles circonstances, l’article 2405 du Code civil du Québec ne peut s’appliquer à l’Avenant d’exclusion, lequel ne constitue aucunement une modification de la Police après son émission.
[72] Faisant partie intégrante de la Police originale, M. Valiquette avait le devoir de bien lire cette nouvelle Police incluant l’Avenant d’exclusion afin de connaître, entre autres, ses limites et exclusions. Le fait que Lombard (Northbridge) exige une signature de Mme Dugas sur ce document spécifique aurait dû l’inciter à beaucoup plus de prudence et à en prendre connaissance dès lors.
[73] Il n’est certes pas étonnant qu’un assureur soucieux des risques soit appelé à assurer pour un nouvel assuré qui œuvre dans un domaine où celui-ci procède régulièrement au découpage de pièces de métal, telles des tuyaux et au soudage de telles pièces, tente de minimiser son risque en exigeant que son assuré minimise lui-même ces risques en adhérant aux termes et conditions de l’Avenant d’exclusion, lesquels n’apparaissent aucunement abusifs aux yeux du Tribunal.
[74] Malgré les difficultés que le présent jugement va susciter auprès de la défenderesse, Techonologies CII inc. dans le traitement de sa défense, le Tribunal ne dispose d’aucun doute quant à la justesse et à l’applicabilité de l’Avenant d’exclusion dans les présentes circonstances.
[75] À l’émission de la Police, Lombard (Northbridge) a clairement établi les limites de sa garantie en cas d’opérations de découpage et de soudure. Ces limites ont été reçues et étaient vraisemblablement connues de CII par l’entremise de Mme Degas qui a signé l’avenant pour et au nom de la compagnie et par surcroit, M. Valiquette reconnait qu’il était au courant de l’existence de ce document et du fait que Mme Dugas l’avait signé. Il n’a malheureusement pas jugé opportun de le lire.
[76] Avec grand respect pour l’opinion contraire, M. Valiquette a commis une faute en ne lisant pas l’Avenant d’exclusion tout en croyant que son libellé était similaire, sinon identique au libellé de l’avenant émis en 2007 par la Federated, lequel avait été également signé par Mme Dugas. Cette omission de M. Valiquette ne peut être imputable à Lombard (Northbridge) dans le contexte actuel.
[77] Ainsi, Northbridge a établi de façon prépondérante que CII n’a pas respecté les termes et conditions de l’Avenant d’exclusion qui constituait un engagement formel envers l’Assureur et que son omission fait en sorte que la garantie de la Police est suspendue dans la présente réclamation en vertu des dispositions de l’article 2412 du Code civil du Québec en raison du fait, qu’à tout le moins à première vue, l’omission des employés de CII de protéger, conformément auxdits termes et conditions de l’Avenant d’exclusion, leur aire de travail avant de procéder au découpage et au soudage de pièces métalliques dans un environnement fermé par surcroit, a eu pour effet de violer l’engagement formel de leur employeur envers son Assureur tout en aggravant le risque assuré par celui-ci.
[78] Dans le contexte actuel, le Tribunal se permet de citer les propos fort appropriés du juge Pierre J. Dalphond alors qu’il siégeait à la Cour d’appel dans l’affaire Toitures et construction Robitaille (1985) inc. c. Liberty Mutual Insurance Company[4] en vertu de laquelle l’assuré, débouté de sa requête Wellington, tentait de se pourvoir en appel de la décision de première instance :
« [9] Finalement, l'effet de ce jugement interlocutoire est uniquement d'obliger la requérante à assumer, pour le moment, la totalité de sa défense. Si le juge du fond devait conclure que la réclamation est couverte, en partie, par la police, la requérante pourrait obtenir un remboursement des frais correspondants (honoraires et débours). »
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[79] REJETTE la requête de la requérante/défenderesse, Technologies CII inc. d’enjoindre l’intimée/codéfenderesse, Société d’Assurance Générale Northbridge, de prendre le fait et cause de Technologies CII inc. dans la présente instance;
[80] LE TOUT, avec dépens contre Technologies CII inc. en faveur de Société d’Assurance Générale Northbridge.
|
||
|
__________________________________ MICHEL A. PINSONNAULT, J.C.S. |
|
|
||
Me Maurice Cantin |
||
Cantin Cantin Cliche avocat inc. |
||
Procureur de la requérante Technologie CII inc. |
||
|
||
Me Antoine St-Germain |
||
Me Nicole Truong |
||
Gasco Goodhue St-Germain |
||
Procureurs de l'intimée Société d'assurance générale Northbridge |
||
|
||
Me Gaëlle Missire |
||
Direction générale des affaires juridiques. et législatives Bernard, Roy (Justice-Québec) |
||
Procureur des demanderesses Procureure générale du Québec et Commission scolaire de la Rivière-du-Nord |
||
|
||
Me Marie-Hélène Bélanger |
||
Robinson Sheppard Shapiro |
||
Procureure des défenderesses Les services énergétiques Ecoystem inc. et Société de portefeuille canadienne Zurich limitée |
||
|
||
Julien Rheault, stagiaire |
||
Langlois Kronström Desjardins |
||
Pour la partie défenderesse Yvon Hébert |
||
|
||
Date d’audience: |
8 avril 2015 |
|
[1] 2010 QCCS 6103.
[2] Chapitre I - Le droit des assurances, dans Collection de droit 2014-2015, Volume 6, Contrats, sûretés, publicité des droits et droit international privé, Titre III, Le droit des assurances; page 101.
[3] L’expression “travaux à haute température” comprend le soudage, le découpage, le brasage, le thermoscellage, etc.
[4] 2013 QCCA 679.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.