Décision

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Hôtels Côte de Liesse inc. c. Holiday Hospitality Franchising

2018 QCCS 1540

JL 3280

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-100372-179

 

 

 

DATE :

16 avril 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

JEAN-YVES LALONDE, J.C.S.

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HÔTELS CÔTE DE LIESSE INC.

demanderesse

c.

HOLIDAY HOSPITALITY FRANCHISING LLC

défenderesse

 

 

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MOTIFS DU JUGEMENT RENDU SÉANCE TENANTE

LE 4 AVRIL 2018

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[1]           La clause 17 du License Agreement (P-3) est-elle une véritable clause d’élection de for au sens du dernier alinéa de l’article 3148 du Code civil du Québec ?

[2]           Depuis les arrêts GreCon Dimter inc. de 2005 (C.S.C.)[1] et STM c. Matrox Graphics de 2007 (C.A.)[2], seule peut être considérée comme une véritable clause d’élection de for celle qui, en des termes clairs, oblige impérativement et irrévocablement les parties, ou à tout le moins l’une d’entre elles, à intenter tous ses recours devant un tribunal précisément désigné et exclusivement devant ce tribunal.

[3]           La clause d’élection de for doit avoir un caractère impératif et doit également avoir pour effet de conférer de manière claire et précise une compétence exclusive au tribunal désigné.

[4]           C’est l’approche contextuelle qui doit prévaloir, soit celle centrée sur la découverte de l’intention des parties, ce qui nécessite de tenir compte de la lettre de la clause litigieuse.  Il faut toutefois accorder une primauté à l’autonomie de la volonté des parties. 

[5]           Toute ambiguïté sera interprétée contre celui qui l’a stipulée (art. 1432 C.c.Q.).

[6]           Il convient donc d’examiner la clause litigieuse à la lumière de ces principes.  Elle se lit comme suit :

Miscellaneous.  The remedies provided in this agreement are not exclusive, and, with the exception of Sections 6, 9 and 14, its provisions are severable.  Its construction, interpretation and performance will be governed by the laws of the State of Tennessee.  U.S.A. and any disputes shall be settled in the courts of that State.  It is exclusively for the benefit of the parties hereto and it may not give rise to liability to a third party.  No agreement between Licensor and anyone else is for the benefit of Licensee.  Neither party will interfere with contractual relations of the other.  The section headings in this agreement will not affect its interpretation.

[7]           En ce qui a trait au contexte, qu’il suffise de s’en remettre aux paragraphes 32, 34, 40, 46 à 51 de la demande introductive d’instance, pour comprendre que la demanderesse reproche à son franchiseur de lui avoir faussement représenté un certain niveau de limite de concurrence.  C’est sur la base de cette considération que la demanderesse aurait accepté d’investir plusieurs millions de dollars et une hausse des royautés.

[8]           Aux yeux de la demanderesse, le franchiseur lui aurait prodigué de fausses représentations qui l’ont incité à renouveler son contrat de franchise.  Par la suite, le franchiseur aurait agi à l’encontre de ces représentations.

[9]           Comme nous l’avons vu, les parties ont convenu expressément que l’exécution du contrat  «performance»  s’avère une question assujettie à l’application des lois du Tennessee.  Les parties ont utilisé le terme «will be governed» ce qui est sans équivoque.  C’est donc la loi du Tennessee qui s’applique aux questions d’exécution du contrat. 

[10]        Toutefois, lorsque les parties utilisent les termes «and any dispute shall be settled in courts of that State» elles laissent place à une ambiguïté.  Pourquoi avoir utilisé le terme «will» pour ce qui est de la loi applicable, alors que le terme «shall» est utilisé lorsque vient le temps d’identifier le tribunal compétent.

[11]        Le Tribunal est d’avis que les termes «shall» et «settled» laissent planer un doute quant à l’intention véritable des parties.

[12]        Le langage utilisé n’est pas limpide au point où l’on puisse affirmer sans un doute raisonnable que cette clause oblige impérativement et irrévocablement les parties à s’adresser aux tribunaux du Tennessee, à l’exclusion des tribunaux d’autres juridictions, dont celle du Québec.

 

[13]        L’utilisation des termes «and any dispute shall be settled in the courts of that State» ne comporte pas le caractère obligatoire et exclusif nécessaire à en faire une véritable clause d’élection de for.  Les termes utilisés ne permettent pas d’exclure une autre alternative.  Impossible de conclure clairement à une exclusion explicite ou implicite de la compétence de d'autres tribunaux.

[14]        La clause 17 comporte une autre ambiguïté.  L’application de la loi du Tennessee semble limitée aux différends qui touchent la «construction, interpretation and performance» de l’entente.  Or ici les allégations tenues pour avérées portent davantage sur l’avant-contrat, la négociation et les représentations qui ont mené à la conclusion de l’entente.  Le Tribunal y voit une autre ambiguïté.

[15]        La clause 17 n’écarte pas clairement la compétence de d’autres tribunaux à propos des questions autres que la «construction, interpretation and performance» de l’entente (agreement).  Le Tribunal est plutôt d’avis que nous sommes face à une clause permissive. 

[16]        Somme toute, le Tribunal est d’avis que l’interprétation contextuelle ne permet pas de conclure que les parties ont choisi de s’obliger impérativement et irrévocablement de soumettre le litige tel qu’engagé par la partie demanderesse aux tribunaux du Tennessee.

[17]        Les ambiguïtés soulevées doivent s’interpréter contre le stipulant, en l’occurrence la défenderesse Holiday Hospitality Franchising LLC.

[18]        POUR CES MOTIFS, le Tribunal :

[19]        REJETTE l’exception déclinatoire soulevée par la défenderesse Holiday Hospitality Franchising LLC.

[20]        DÉCLARE que la Cour supérieure du Québec est compétente pour se saisir du litige mû entre les parties;

 

 

[21]        FRAIS DE JUSTICE à suivre le sort de l’instance.

 

 

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JEAN-YVES LALONDE, J.C.S.

 

Me Alain Gutkin

Laframboise Gutkin

Procureurs de la demanderesse

 

Me Paul-André Mathieu

Procureur de la défenderesse

 

 

Date d’audience :

4 avril 2018

 



[1] GreCon Dimter inc. c. J.L. Normand inc. 2005-1369 (C.S.C.).

[2] Stmicroelectronics inc. c. Matrix Graphics inc. 2007 QCCA 1784.

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