Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec et Établissement de détention de New Carlisle

2013 QCCLP 190

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

15 janvier 2013

 

Région :

Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord

 

Dossiers :

344356-01C-0803-R-2       393756-01C-0911-R-2

 

Dossier CSST :

4095627

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme, juge administratif

 

Membres :

Diane Morin, associations d’employeurs

 

Mario Boudreau, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec

(SAPSCQ)

 

Partie requérante

 

 

 

Et

 

 

 

Établissement de détention de New Carlisle

Ministère de la Sécurité publique

 

Parties intéressées

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 18 juillet 2012, le ministère de la Sécurité publique (l'employeur) dépose une requête par laquelle il demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser une décision qu'elle a rendue le 31 mai 2012.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête en révision ou en révocation du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (le syndicat), révoque une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 16 juin 2010 et avise les parties qu'elles seront convoquées à nouveau à une audience portant sur le fond des deux contestations déposées par le syndicat.

[3]           La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à New Richmond le 16 octobre 2012 en présence du syndicat (monsieur Steeve Imbeault) et de son représentant, de l'Établissement de détention de New Carlisle (madame Suzanne Bourget) ainsi que du ministère de la Sécurité publique (madame Josée Charest d'Auteuil) et de sa représentante.

LES FAITS

[4]           Le litige à l'origine de la décision rendue le 16 juin 2010 débute le 10 novembre 2007 lorsqu'un agent des services correctionnels (ASC) de l'établissement de détention de New Carlisle, monsieur Steeve Imbeault, exerce un droit de refus de travail en invoquant, entre autres, le nombre insuffisant d'agents des services correctionnels au quart du soir et ce, dans un contexte de surpopulation carcérale.

[5]           Après discussion, l'employeur ajoute un ASC et monsieur Imbeault décide d'effectuer son travail. L'inspecteur de la CSST traite le dossier par la suite comme une plainte du syndicat. Dans une lettre qu'il transmet à l'inspecteur le 12 novembre 2007, monsieur Imbeault expose ce qui suit, tel que rapporté par le juge administratif qui a rendu la décision du 16 juin 2010 (CLP1) :

[30]      Il fait notamment état d’une dégradation de la santé et de la sécurité au travail dans l’établissement; de la population carcérale qui ne cesse d’augmenter; de la lourdeur des cas qui leur sont confiés en centre de détention; du climat de tension présent en raison de la surpopulation dans l’établissement; de la formation des nouveaux ASC incomplète et inadéquate; du manque de personnel de surveillance; du manque d’effectifs pour assurer les rondes de secteurs dans l’établissement; de la capacité d’accueil du centre de détention qui est maintes fois dépassée; des effets de la surpopulation sur la clientèle incarcérée; du climat de tension régnant à l’intérieur des murs et conséquemment des risques d’agression verbale et physique pour les ASC; de l’accompagnement qui doit être effectué lors de la comparution des prévenus; de l’absence de plan d’urgence en cas d’émeute ou de prise d’otages; de la présence de lits pliants mobiles dans les différents secteurs du centre de détention lesquels peuvent être utilisés comme armes offensives; de la présence de dortoirs où couchent plusieurs personnes incarcérées; d’un classement inadéquat des personnes incarcérées.

 

[31]      Tous ces éléments ont, selon le travailleur, des impacts considérables dans la gestion et l’organisation du travail et sur les méthodes pour l’accomplir. Il estime qu’ils accroissent les risques affectant la santé et la sécurité des ASC.

 

[32]      C’est pourquoi, eu égard à l’ensemble des problèmes soulevés, le travailleur Imbeault demande :

 

« (…)

 

-Qu’un septième ASC soit ajouté immédiatement sur les quarts de jour et de soir et qu’il soit posté en support au deuxième étage (étage sécuritaire), de façon à ce qu’il y ait toujours la présence de 2 ASC sur cet étage, même lors d’activités de groupe.

-Que les rondes au 2e étage soient toujours faites à 2 ASC qui entrent dans les secteurs, et un 3e ASC à la porte du secteur.

-Qu’aucune porte de secteur ne soit ouverte au 2e étage, sans qu’au minimum 2 ASC soient présents sur cet étage.

-Que l’absence de chef d’unité les samedi et dimanche entre 20 h et 23 h, ainsi que toute autre absence de celui-ci, soit remplacée par un autre membre du personnel (chef d’unité intérimaire ou non, ou par un 8e ASC).

 

(…) »

 

 

[6]           Le 16 novembre 2007, à la suite d'une visite des lieux, l'inspecteur émet les deux avis de correction suivants :

1 -        l’employeur ne transmet pas à la CSST son programme de prévention et sa mise à jour selon les modalités et dans les délais prescrits par règlement (référence à l’article 8 du Règlement sur le programme de prévention)

 

2 -        le programme de prévention propre à l’établissement ne traite pas de tous les éléments requis par les sous-paragraphes 1 à 6 du deuxième alinéa de l’article 59 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail : le programme de prévention ne traite pas du danger supplémentaire d’agression pour les ASC lié à la surpopulation carcérale à l’établissement (référence à l’article 59.4 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail).

 

 

[7]           Le 22 janvier 2008, à la suite des mesures adoptées par l'employeur, l'inspecteur rédige un rapport d'intervention dans lequel il écrit ce qui suit :

Considérant la fixation des lits, et à partir de 97 personnes incarcérées, l’utilisation systématique des avertisseurs d’urgence, la supervision des rondes par caméras, l’ajout d’un ASC supplémentaire sur le quart de soir en semaine et sur les quarts jour/soir la fin de semaine et les jours fériés, la présence de 5 ASC supplémentaires autres que ceux affectés à la surveillance sur les quarts de jour la semaine et le fait que les détenus soient en cellule pendant le quart de nuit, je considère la dérogation # 2 comme étant « effectuée ».

 

Lors de ma discussion téléphonique avec madame Côté, celle-ci a abordé la notion de surcharge de travail (plus de rapports à compléter, plus de déplacements, etc.). À noter que ce dossier d’intervention n’a pas traité de la notion de surcharge de travail proprement dite, mais de la notion de danger supplémentaire d’agression lié à la surpopulation carcérale à l’établissement. La notion de surcharge de travail est plus large.

(…)

 

À noter qu’aucune situation de travail précise, sinon que l’augmentation de la population carcérale, n’a été analysée par la CSST afin de déterminer le nombre d’ASC minimal requis pour effectuer une tâche de façon sécuritaire. Il revient au milieu de faire cette analyse et de s’assurer qu’il y ait toujours le nombre minimal d’ASC requis pour effectuer une tâche. Si la CSST est appelée à intervenir sur ce point, elle vérifiera préalablement l’effort déployé par le milieu afin d’en arriver à une solution.

 

Le milieu doit miser sur la mise à jour du programme de prévention et une démarche paritaire afin de gérer adéquatement les dangers pour les travailleurs, incluant ceux liés à la surpopulation carcérale. Si la sécurité des travailleurs passe par le nombre adéquat de ressources pour réaliser une tâche précise, une analyse sécuritaire des différentes tâches à exécuter par les ASC pourrait permettre de mieux identifier les dangers et les moyens de prévention requis. Ce faisant, le programme contiendra les mesures de prévention associées à la réalisation des différentes tâches, c'est-à-dire les mesures qui font en sorte que les tâches peuvent être effectuées de façon sécuritaire (aménagement, équipement, méthodes de travail, formation, nombre de ressources, etc.).

 

L’employeur pourra également déterminer les moyens de contrôle afin de s’assurer que les mesures correctives soient adéquates, efficaces, suffisantes et appliquées concrètement dans le milieu de travail. Le programme de prévention devra contenir ces éléments.

 

 

[8]           Un délai est accordé à l'employeur pour la dérogation # 1, soit la transmission de la mise à jour du programme de prévention[1].

[9]           Le 19 mars 2008, à la suite d'une révision administrative, la CSST confirme la décision de l'inspecteur voulant que les correctifs requis par la dérogation # 2 aient été effectués. Le syndicat porte cette décision en appel à la Commission des lésions professionnelles. Il s'agit du dossier 344356-01C-0803.

[10]        Le 28 octobre 2008, la Commission des lésions professionnelles tient une audience au cours de laquelle il est uniquement question de l'objet du litige. Le représentant du syndicat apporte les précisions suivantes au début de l'audience, tel qu'indiqué dans la transcription de l'enregistrement de l'audience :

Me Sylvain Lallier :

 

Il s'agit d'une contestation qui porte bien sûr sur le phénomène de surpopulation carcérale et sur l'organisation du travail qui doit être adoptée en pareille circonstance. Je ne vous cacherai pas, monsieur le Commissaire, que vous aviez, à l'origine des demandes qui avaient été formulées par le plaignant, parce que le dossier a débuté par l'exercice d'un droit de refus de monsieur Imbeault ici présent. Je ne vous ai pas présenté l'autre personne qui m'accompagnait mais c'est monsieur Steeve Imbeault.

 

[…]

 

Qui était le plaignant à l'origine mais j'ai compris, à la lecture du dossier, que le dossier a été transformé en plainte. Monsieur Imbeault proposait des pistes de solution aux pages 13 et suivantes du dossier et des pistes de solution ont été émises en date du 12 novembre 2007. Par contre, ultérieurement à ça, en février 2008, le litige qui oppose les mêmes parties mais bien sûr pas le même établissement de détention, soit à Chicoutimi, traitant d'un problème similaire, soit une méthode de travail dans le cadre d'un phénomène régulier de surpopulation carcérale à Chicoutimi, la Commission des lésions professionnelles a été appelée à rendre une décision et à rendre certaines ordonnances. Donc, aujourd'hui et depuis la position du requérant, le Syndicat, est à l'effet que nous demandons l'application de la décision rendue par maître Lemire qui veut que l'employeur s'assure, à l'établissement de détention de New Carlisle, la présence et la composition d'une équipe d'intervention d’urgence composée d'un minimum de 5 agents de service correctionnel et cette équipe doit être en mesure de pouvoir intervenir tout en ne dégarnissant pas les secteurs d’hébergement. [sic]

 

 

[11]        Il s'en est suivi une longue discussion sur la question de savoir si le litige concernait uniquement la situation de surpopulation carcérale ou s'il englobait la question plus générale de la surcharge de travail.

[12]        L'audience est finalement remise par CLP1 à la demande des parties afin de leur permettre « de faire paritairement une analyse en profondeur des tâches exécutées au sein de l’établissement, laquelle portera notamment sur le nombre d’ASC nécessaire pour la réalisation d’un travail sécuritaire à l’intérieur du centre de détention ».

[13]        CLP1 rapporte les développements subséquents comme suit :

[52]      Dans les semaines qui suivent, les parties échangent sur l’organisation du travail et les dangers qui y sont liés.

 

[53]      Elles effectuent plusieurs rencontres dans le but de trouver et d’élaborer une méthode de travail sécuritaire lors des opérations quotidiennes du centre de détention, tant en période de surpopulation carcérale qu’en période d’achalandage moindre. Elles parviennent à dégager un consensus assez large sur l’organisation du travail dans l’établissement. Toutefois, au terme de la démarche, elles ne s’entendent pas sur certaines mesures de prévention associées à la réalisation des tâches.

 

[54]      C’est pourquoi, elles requièrent à nouveau l’intervention de l’inspecteur pour qu’il tranche le litige persistant entre elles sur trois éléments spécifiques.

 

 

[14]        Le premier élément de désaccord concerne le nombre d'agent des services correctionnels. L'inspecteur mentionne ce qui suit dans son rapport d'intervention du 30 octobre 2009 :

Recommandation A :_« Il est recommandé par la partie syndicale d’augmenter les effectifs de 7 à 10 asc sur le quart de jour et de soir immédiatement. […]. Aussi, un échéancier a été prévu pour augmenter de façon progressive à raison d’un asc par an jusqu’à l’atteinte de l’objectif qui est de 13 asc d’ici trois ans.[…]

[…]

 

Présentement, 7 asc sont assignés sur le quart de jour et de soir, et 4 asc sont assignés sur le quart de nuit. Parmi les 7 asc de jour et de soir, 1 asc supplémentaire est présent lorsque l’établissement est en surpopulation carcérale (plus de 96 personnes incarcérées). Concrètement, afin de faciliter l’organisation du travail et l’affectation des ressources, l’employeur ne retire pas l’asc supplémentaire lorsque la population descend à moins de 96 personnes incarcérées, ce qui fait que l’effectif demeure à 7 asc de jour et de soir.

 

Monsieur Reeves m’indique que la raison pour laquelle le syndicat demande l’augmentation du nombre d’asc sur les quarts de travail consiste à s’assurer qu’il y ait en tout temps, une équipe d’intervention d’urgence composée de plusieurs asc, tout en s’assurant que cette équipe puisse être déployée sans laisser les secteurs de vie sans surveillance (en plus d’un asc en tout temps au poste de contrôle). Les représentants syndicaux indiquent que deux décisions de la CLP vont dans ce sens :

o    décision 302199-02-0610 et 302331-02-0611 pour le centre de détention de Chicoutimi (4 février 2008)

o    décision 359131-05-0809 pour le centre de détention de Sherbrooke (26 août 2009).

 

 

[15]        Après avoir résumé les explications qui lui ont été données par les deux parties, l'inspecteur décide de ne pas donner suite à cette recommandation pour les raisons suivantes :

Considérant que :

 

o    L'emploi de la force se fait selon les principes énoncés dans le Cadre de l'emploi de la force de la DGSC.

o    En fonction des documents soumis par le SAPSCQ, il semble que les interventions de l'équipe d'intervention d'urgence sont élaborées pour l'extraction d'une cellule à occupation simple ou d'une cellule à occupation double (avec des techniques d'intervention différentes dans chacun des cas et selon différents critères).

o    Des propos recueillis auprès de l'employeur et des éléments mentionnés dans les documents (notamment la section 5.2.2 de la politique 3-1-S-01), je comprends que les interventions de l'équipe d'intervention d'urgence sont effectuées uniquement dans le cas d'« intervention planifiée ».

o    Pour ces interventions planifiées, le responsable de l'intervention doit établir une stratégie après avoir procédé à l'évaluation détaillée de la situation et ce, avant l'exécution de l'intervention.

o    Tout en étant conscient de la mission qui lui incombe (notamment la sécurité des personnes incarcérées), l'employeur indique qu'aucune intervention ne sera effectuée tant et aussi longtemps que le nombre de ressources nécessaires pour effectuer une intervention ne sera pas réunie.

o    La Loi sur la santé et la sécurité du travail a pour objet l'élimination à la source même des dangers pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs (article 2).

 

En fonction de ces éléments, je ne donne pas suite à la recommandation A de la partie syndicale. [sic]

 

 

[16]        La deuxième recommandation du syndicat qui fait l'objet d'un désaccord concerne les rondes de surveillance au 1er étage.

[17]        À cet étage, les personnes incarcérées sont principalement des détenus. Les rondes de surveillance sont effectuées par un seul ASC qui entre dans le secteur avec les clés en sa possession, sans qu'il y ait un ASC à la porte du secteur. Au 2ième étage, les personnes incarcérées sont principalement des prévenus (en attente de procès ou de sentence), les rondes de surveillance se font par trois ASC dont un demeure à la porte du secteur.

[18]        L'inspecteur retient des explications données qu'il n'y a pas de comité de classement des personnes incarcérées à l'établissement de détention de New Carlisle, comme c'est le cas dans d'autres établissements de l'employeur, et qu'il peut arriver que des personnes ne soient pas incarcérées au bon étage.

[19]        Il retient la recommandation du syndicat et demande à l'employeur d'effectuer les rondes au 1er étage de la même façon qu'au 2ième étage « jusqu'à la formation d'un comité et d'une procédure de classement formelle à l'établissement ».

[20]        La troisième recommandation sur laquelle il n'y a pas d'accord concerne la présence de deux ASC au sous-sol lorsqu'il y a une personne incarcérée à cet endroit.

[21]        L'inspecteur mentionne ce qui suit à ce sujet :

Je demande aux représentants syndicaux quelle est le danger identifié qui serait éliminé par cette demande. Les gens m'indiquent qu'il s'agit du principe de ne jamais laisser un secteur sans surveillance. Nous effectuons une visite du sous-sol, dont l'aménagement a changé depuis la dernière visite. Lors de la visite, il ressort que, selon les procédures internes à l'établissement, les personnes incarcérées au sous-sol devaient être verrouillées dans les secteurs en tout temps. Cependant, concrètement, il ressort que les procédures ne sont pas toujours respectées. Il est convenu que l'employeur s'assure du respect de ses procédures. L'employeur fait remarquer qu'un nombre supplémentaire de caméras a été mis en service suite à l'incendie de février 2009. [sic]

 

 

[22]        Il ne retient pas cette recommandation parce qu'il lui apparaît difficile d'identifier un danger pour les agents de services correctionnels « lorsque les personnes incarcérées sont verrouillées dans les secteurs ».

[23]        Le 4 novembre 2009, à la suite d'une révision administrative, la CSST confirme la décision de l'inspecteur concernant ces trois recommandations. Le syndicat porte cette décision en appel à la Commission des lésions professionnelles. Il s'agit du dossier 393756-01C-0911.

[24]        Le 30 novembre et les 1er, 2 et 3 décembre 2009, CLP1 tient une audience sur les deux contestations du syndicat. Une visite de l'établissement de détention est effectuée au cours de la première journée. Huit témoins sont entendus, quatre pour le syndicat et quatre pour l'employeur, dont deux témoins experts, et plusieurs documents sont déposés en preuve. Pour des raisons de sécurité, certains documents n'ont pas été numérisés ni conservés comme objets de preuve par la Commission des lésions professionnelles. Les représentants des parties ont plaidé par écrit après l'audience.

[25]        Au début de l'audience du 30 novembre 2009, CLP1 a invité le représentant du syndicat à préciser l'objet des deux litiges. On peut lire ce qui suit dans la transcription de l'enregistrement de l'audience :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

Alors, maître Lallier et puis je pense que vous allez devoir être exhaustif, qu'est-ce que vous demandez à la Commission des lésions professionnelles tant dans le dossier de la surpopulation que dans celui qui vient de nous être soumis récemment?

 

MAÎTRE LALLIER :

 

On demande à la CLP d’appliquer strictement l'article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Et, dans ce contexte-là, tant dans le premier dossier que dans le second dossier, d'ordonner à l'employeur de maintenir, de mettre en place et de maintenir une équipe d'intervention d'urgence composée de 5 personnes.

 

[…]

 

Laquelle devrait intervenir sans qu'il y ait des secteurs de laissés sans surveillance.

 

[…]

 

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

Ça, c'est donc une demande qui est applicable tant au dossier 300… le premier que le deuxième?

 

ME SYLVAIN LALLIER :

 

Tout à fait. [sic]

 

 

[26]        Les demandes du syndicat concernant les deux autres recommandations sont ensuite précisées. Vers la fin de la séance du matin, le juge administratif revient sur la question du nombre d'ASC pour obtenir les précisions suivantes :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

Maintenant, lorsqu'on s'est vu, en octobre 2008, vous aviez une demande relativement à l'ajout d'ASC, est-ce que c'est toujours dans l'air ou…

 

ME SYLVAIN LALLIER :

 

Bien, en fait, la demande d'ajout d'ASC, si on se souvient bien de la demande qui était formulée à l'époque était la même que celle qu'on vous a formulée aujourd'hui. C'était les effets de la demande qu'on avait formulée, c'est-à-dire d'avoir une équipe d'intervention d'urgence, sur place, composée de 5 personnes qui puisse intervenir sans que les secteurs soient dégarnies. Et à l'époque, les calculs qu'on avait effectués étaient que ça prenait en place un nombre minimal de, je pense, selon mes notes, de 14 agents.

 

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

C'était 7 de plus que vous demandiez.

 

ME SYLVAIN LALLIER :

 

C'est ça, 6 de plus. Alors…

 

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

J'avais noté 7, là, mais… De ce que je comprends, maître Lallier, par votre réaction, c'est que si on cible les interventions sur une équipe d'urgence qui permettrait d'avoir du personnel en place dans tous les secteurs, ça va couvrir votre demande d'octobre 2008, là.

 

ME SYLVAIN LALLIER :

 

Tout à fait.

 

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

C'est beau. Donc, on se concentre vraiment sur 3 éléments, à savoir la mise en place d'une équipe d'urgence composée de 5 personnes, laquelle devra intervenir sans qu'il y ait de secteurs délaissés sans surveillance. (…)

 

 

[27]        Le 2 février 2010, le représentant du syndicat fait parvenir à CLP1 son argumentation écrite. Il décrit comme suit l'objet des deux litiges :

2.   L'OBJET DES CONTESTATIONS

 

2.1     DOSSIER : Q-344256-01c-0803

 

La partie requérante demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le plan de prévention tel que présenté par l'employeur n'était pas conforme à la Loi en ce qu'il ne prévoit pas de méthode sécuritaire en cas d'intervention auprès de la clientèle. À cet égard, nous estimons que l'employeur devait prévoir, dans son plan de prévention, une méthode de travail encadrant la composition d'une équipe d'intervention d'urgence composée de cinq (5) agents des services correctionnels et s'assurer que cette équipe d'intervention puisse intervenir sur tous les quarts de travail tout en assurant que les autres secteurs de vie et des les dortoirs ne soient pas laissé sans surveillance et qu'il fassent l'objet d'une surveillance directe assuré par des ASC.

 

2.2     DOSSIER : Q-393756-01c-0911

Le syndicat requérant demande à la C.L.P. d'ordonner à l'employeur de respecter ses obligations qui découlent de la Loi sur la santé et la sécurité du travail en regard aux opérations quotidiennes et d'ordonner à ce dernier de maintenir en place une équipe d'intervention d'urgence composée de 5 ASC dont le déploiement sera assuré en tout temps (sur tous les quarts de travail) et ce, sans laisser les secteurs de l'établissement, sans surveillance sauf si les personnes incarcérées sont confinées dans une cellule.

 

La partie requérante demande à la C.L.P. d'ordonner à l'employeur une surveillance physique et dynamique des secteurs des dortoirs se trouvant au sous-sol de l'établissement en assurant la présence d'un ASC qui verra à surveiller les personnes qui y sont incarcérées.

 

Enfin, le Syndicat requérant demande à la C.L.P. d'ordonner à l'employeur de maintenir en place la procédure de rondes de secteurs effectuées au 2ième étage qui s'exerce au moyen de trois (3) ASC et que cette procédure s'applique de façon permanente. [sic]

 

 

[28]        Le représentant du syndicat résume ensuite les faits des dossiers par ordre chronologique, rappelle les dispositions de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[2] et il expose ses arguments. Il termine son argumentation par les conclusions suivantes :

7.1     DOSSIER : Q-344256-01c-0803

 

[…]

 

DÉCLARER que le plan de prévention tel que présenté par l'employeur n'était pas conforme à la Loi en ce qu'il ne prévoit pas de méthode de travail sécuritaire en cas d'intervention auprès de la clientèle;

 

DÉCLARER que l'employeur doit prévoir, dans son plan de prévention, une méthode de travail encadrant la composition d'une équipe d'intervention d'urgence composée d'un minimum de cinq (5) agents des services correctionnels et s'assurer que cette équipe d'intervention puisse intervenir sur tous les quarts de travail tout en assurant que les autres secteurs de vie et des les dortoirs ne soient pas laissés sans surveillance et qu'ils fassent l'objet d'une surveillance directe assuré par des ASC.

 

7.2     DOSSIER : Q-393756-01c-0911

 

[…]

 

ORDONNER à l'employeur de respecter ses obligations qui découlent de la Loi sur la santé et la sécurité du travail en regard des opérations quotidiennes et

ORDONNER à ce dernier de maintenir en place une équipe d'intervention d'urgence de composée de 5 ASC dont le déploiement sera assuré en tout temps (sur tous les quarts de travail) et ce, sans laisser les secteurs de l'établissement sans surveillance, sauf si les personnes incarcérées sont confinées dans une cellule

 

ORDONNER à l'employeur de maintenir en place la procédure de rondes de secteurs effectuées au 2ième étage qui s'exerce au moyen de trois (3) ASC et que cette procédure s'applique de façon permanente.

 

ORDONNER à l'employeur d'assurer une surveillance physique et dynamique des secteurs et dortoirs se trouvant au sous-sol de l'établissement en assurant la présence d'un ASC qui verra à surveiller les personnes qui y sont incarcérées.

 

 

[29]        Le 26 février 2010, la représentante de l'employeur fait parvenir à CLP1 son argumentation écrite et le 6 avril 2010, le représentant de syndicat transmet une réplique.

[30]        Le 16 juin 2010, CLP1 rend sa décision. L'objet des contestations est décrit comme suit :

[8]        Le SAPSCQ demande à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à l’employeur de mettre en place une équipe d’intervention d’urgence composée de cinq ASC dont le déploiement est assuré en tout temps, sur tous les quarts de travail, et ce, sans laisser les secteurs de l’établissement sans surveillance, sauf si les personnes incarcérées2 sont confinées dans leur cellule.

 

[9]        Le SAPSCQ demande en outre à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à l’employeur d’assurer une surveillance physique et dynamique des personnes incarcérées se trouvant dans les secteurs et dortoirs du sous-sol de l’établissement en y assignant 2 ASC.

 

[10]      Le SAPSCQ demande de plus à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner que les rondes de surveillance des personnes incarcérées au premier étage soient effectuées à trois ASC de façon permanente.

 

[11]      Enfin, le SAPSCQ demande à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à l’employeur d’ajouter un chef d’unité de 20 h à 23 h les samedi et dimanche.

__________

2      Le terme personne incarcérée englobe une personne détenue à la suite d’une sentence d’emprisonnement imposée par un tribunal et un prévenu qui est en attente de procès à la suite d’une arrestation.

 

 

[31]        Après examen du dossier, le tribunal comprend que la demande mentionnée au paragraphe 11 fait partie des demandes formulées par monsieur Imbeault dans la lettre qu'il a fait parvenir à l'inspecteur le 12 novembre 2007 (cf. paragraphe 6 de la décision). Cette demande semble avoir été abandonnée en cours de route et n'a pas été reprise devant CLP1.

[32]        La décision est rédigée sous la forme « Faits et Motifs ». Dans une section qu'il intitule « Préliminaires », CLP1 formule les commentaires suivants :

[20]      Il importe d’abord de préciser que pour la protection des travailleurs du centre de détention de New Carlisle, le tribunal n’entend pas rapporter tous les faits consignés au dossier ou mis en preuve lors de l’audience. Le tribunal n’entend pas non plus détailler tous les éléments justifiant sa décision. Certaines informations pourraient en effet être utilisées par des personnes mal intentionnées pour mettre en péril la sécurité des travailleurs œuvrant dans l’établissement.

 

[21]      Le tribunal entend donc limiter la motivation de sa décision aux seuls éléments essentiels à sa compréhension, en référant, de façon générale, à certaines pièces pour en comprendre la portée, pièces qui, à la demande des parties, ne seront d’ailleurs pas toutes numérisées par les préposés du greffe du tribunal.

 

[22]      Le tribunal estime par ailleurs utile de préciser que les litiges opposant les parties ont cours depuis près de trois ans. Depuis la première intervention de l’inspecteur, en novembre 2007, le dossier a évolué et les demandes initiales du SAPSCQ ont changé. De plus, l’établissement fut la proie des flammes en février 2009 de sorte que l’aménagement physique et l’équipement contenu dans les lieux ont changé.

 

[23]      Par ailleurs, à l’instigation de l’inspecteur de la CSST, les parties ont travaillé de concert pour identifier, contrôler et éliminer les risques à la santé et la sécurité des travailleurs de l’établissement. Elles ont convenu de plusieurs mesures pour l’amélioration de la protection des travailleurs. Ainsi, la preuve présentée lors de l’audience diffère à plusieurs égards de celle rapportée par l’inspecteur dans ses décisions.

 

 

[33]        Par la suite, CLP1 résume les faits des litiges et cite des extraits de différents documents émanant de monsieur Imbeault, du directeur adjoint du centre de détention de New Carlisle et de l'inspecteur de la CSST. Elle fait part des prétentions du syndicat dans les termes suivants :

[73]      De façon spécifique, eu égard à la preuve présentée, le SAPSCQ prétend que le nombre d’ASC présents sur chacun des quarts de travail est insuffisant pour la réalisation de leurs tâches de façon sécuritaire.

 

[74]      Il estime que le centre de détention de New Carlisle est conçu, organisé et aménagé pour assurer la garde d’un maximum de 96 personnes incarcérées. Ainsi, comme le centre de détention accueille régulièrement un nombre de personnes incarcérées plus élevé, les tâches des ASC sont plus nombreuses.

 

[75]      L’accroissement de ces tâches oblige les ASC à réduire le temps consacré à la surveillance, la rédaction de rapports de comportement ou ceux relatifs à la sécurité dans le centre de détention. Ce faisant, leur sécurité est menacée parce qu’ils ne peuvent plus :

 

-           Identifier adéquatement les détenus présentant un niveau de dangerosité élevée;

-           Cibler les leaders susceptibles de préparer des actions menaçant leur sécurité et celle des codétenus;

-           Mener des interventions de prévention relatives à la garde d’outils de fabrication artisanale susceptibles d’être utilisés lors de rixes;

-           Avoir suffisamment d’informations sur le niveau de dangerosité des personnes incarcérées;

-           Effectuer des fouilles régulières des cellules en vue de détecter les substances interdites à l’intérieur des murs.

 

[76]      Selon le SAPSCQ, cette situation crée un stress constant sur ses membres puisqu’ils ont peur d’être agressés ou d’être victimes de prise d’otage. En outre, la diminution des services qui sont consacrés aux personnes incarcérées augmente la frustration de ces derniers et leur agressivité. Les ASC ont donc à travailler dans un climat de tension.

 

[77]      Vu ces différents éléments, le SAPSCQ estime que les demandes refusées par l’inspecteur et par la CSST à la suite d’une révision administrative, doivent être reconnues par le tribunal.

 

 

[34]        Après avoir cité différents articles de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, CLP1 en vient aux conclusions suivantes :

L’équipe d’urgence

 

[91]      Il importe d’abord de préciser qu’à la suite de l’intervention de l’inspecteur, l’employeur a ajouté du personnel et répondu à sa demande pour alléger la tâche des ASC et mieux assurer leur sécurité sur les lieux de travail.7

 

[92]      Eu égard à l’introduction au programme de prévention de toute une série de mesures visant à protéger les travailleurs dans l’exercice de leur fonction, l’inspecteur a estimé que les ajouts de personnel effectués par l’employeur étaient suffisants pour la réalisation sécuritaire de leur travail. Il n’a pas jugé opportun de demander la mise en place d’une équipe d’intervention d’urgence.

 

[93]      Le tribunal constate que la décision de l’inspecteur s’inscrit dans une démarche paritaire et repose sur une analyse en profondeur du milieu de travail des ASC. Elle tient compte des mises à jour et des modifications apportées par l’employeur à son programme de prévention et des corrections à certaines lacunes identifiées dans l’organisation du travail.

 

[94]      À la suite de l’intervention de l’inspecteur, le tribunal constate que le programme de prévention fait dorénavant état de mesures spécifiques visant l’utilisation d’agents inflammatoires, notamment l’oléorésine de capsicum (poivre de cayenne). Le personnel a reçu la formation nécessaire à l’utilisation de ce gaz lors d’interventions sur les personnes incarcérées.

 

[95]      L’utilisation de ce gaz fait l’objet d’un protocole qui en trace les limites lorsqu’un événement implique une ou des personnes incarcérées perturbant l’ordre et la sécurité à l’intérieur du centre de détention, notamment lors de comportements violents.

 

[96]      Le programme de prévention prévoit par ailleurs le choix de moyens et de port d’équipements de protection individuels lors d’actes de violence pouvant provoquer des lésions physiques. L’employeur a également formé le personnel sur les mesures à prendre en pareilles circonstances.

 

[97]      Le programme de prévention prévoit aussi un programme de formation sur la manipulation des armes à feu et le port de la veste anti-balles. Il prescrit des directives et procédures écrites pour des situations impliquant le contrôle des personnes incarcérées.

 

[98]      Le programme de prévention fait également état de mesures pour protéger le personnel en contact avec des personnes incarcérées travaillant dans la cuisine de l’établissement.

 

[99]      Il encadre par ailleurs les actes de nature violente posés par la clientèle ou le personnel, tels que l’intimidation, les menaces ou le harcèlement.

 

[100]    Le programme de prévention élaboré prévoit également des mesures relatives à l’aménagement des lieux de travail, l’organisation du travail, l’équipement, le matériel, les procédés, les moyens et équipements de protection collectifs.

 

[101]    En outre, le centre de détention a prévu des instructions spécifiques et détaillées relativement à la prise d’otages, aux émeutes et aux attroupements illégaux dans le but de circonscrire les crises, ramener l’ordre dans des délais acceptables, de façon sécuritaire.

 

[102]    La preuve révèle en outre que l’employeur a formé les ASC en intervention physique afin qu’ils soient en mesure d’exécuter, selon les techniques approuvées, les tâches requises lors des interventions verbales ou physiques, dans le cadre de leur travail.8

 

[103]    Toutes ces mesures introduites par le biais de la mise à jour du programme de prévention ont outillé le personnel en place pour qu’il soit en mesure d’accomplir ses tâches de façon sécuritaire et de composer avec des situations explosives ou tout simplement tendues.

 

[104]    Certes la surpopulation au centre de détention de New Carlisle a complexifié les mesures sécuritaires et alourdi le travail des ASC à cet égard. Toutefois, le tribunal constate que la direction a répondu aux demandes syndicales à l’époque pertinente en ajoutant du personnel. L’ajout d’ASC en période de surpopulation a soulagé le personnel et permis un fonctionnement plus harmonieux du centre de détention.

[105]    Toutefois, le taux d’occupation de l’établissement a diminué depuis l’année 2007 et il est, depuis février 2009, en deçà de la capacité opérationnelle fixée à 96 places. Ainsi, ce contexte de surpopulation n’existe plus depuis plusieurs mois.9

 

[106]    Or, suivant la preuve administrée, le nombre d’ASC fut maintenu malgré cette situation et, de l’aveu du directeur adjoint de l’établissement, la direction entend poursuivre dans cette voie puisque le maintien des effectifs, en l’absence de surpopulation, confère une marge de manœuvre plus grande dans la gestion des opérations du centre.

 

[107]    Le tribunal prend acte de cette volonté de la direction de l’établissement de maintenir les effectifs en place malgré l’absence de surpopulation et en fait une considération importante dans la justification de sa décision. Dans l’éventualité où la direction remettrait en cause cette décision, l’inspecteur pourrait alors être invité à réévaluer la situation et à déterminer à nouveau les droits des parties.

 

[108]    Par ailleurs, la preuve révèle que depuis le 4 février 2009, le centre de détention a mis en place une nouvelle politique relative au contrôle des clés utilisées dans le centre de détention.10 Le tribunal est d’avis que cette nouvelle procédure offre de plus grandes garanties de sécurité pour le personnel œuvrant à l’intérieur de l’établissement.

 

[109]    En outre, le tribunal note qu’à la suite d’un incendie au centre de détention, en février 2009, un nouvel aménagement physique des lieux fut effectué, notamment au sous-sol. Les rénovations alors effectuées ont permis d’aménager des lieux surveillés par caméras et contrôlés par clefs.

 

[110]    Certes, la visite des lieux a permis de constater que certaines des caméras installées ne permettent pas de capter tous les déplacements des personnes incarcérées à l’intérieur d’un secteur donné. En outre, certaines caméras installées au sous-sol de l’établissement ne sont pas reliées au poste de surveillance de l’ASC ou au poste de contrôle général de l’établissement. Toutefois, les lieux affectés par ces problématiques sont limités et ont clairement été identifiés de façon paritaire. En outre, suivant les engagements pris lors de l’audience, ces problématiques devaient faire l’objet de correctifs appropriés à brève échéance.

 

[111]    Par ailleurs, le tribunal constate que le programme de prévention prévoit des interventions planifiées et réalisées avec un nombre d’ASC en quantité suffisante pour faire face aux diverses situations susceptibles de se produire. De plus, l’ensemble des procédures déposées au dossier du tribunal met en relief la nécessaire concertation entre les agents et le travail d’équipe dans l’exécution des interventions.

 

[112]    En outre, la preuve révèle que les demandes d’assistance provenant de collègues font l’objet d’action immédiate de la part des ASC sollicités, y compris par ceux travaillant à la cantine ou aux programmes.

 

[113]    Toutefois, le tribunal note que le système de communication entre ASC n’est pas toujours adéquat et efficace. La preuve révèle que les radios utilisées ne sont pas toujours efficientes et ne permettent pas tout le temps la communication rapide entre ASC. Des correctifs devront être apportés à cet égard.

 

[114]    Le tribunal retient par ailleurs que les interventions planifiées sont rares, le directeur adjoint indiquant à l’audience n’avoir été témoin que de quatre de ces types d’interventions au cours de sa carrière de plusieurs années. De plus, ces interventions planifiées font l’objet d’un protocole d’opération bien déterminé.

[115]    Quant aux interventions physiques directes, elles sont encadrées par des consignes délimitant l’usage de la force qui pourrait être nécessaire et imposant aux responsables de l’intervention, une analyse de la situation, une planification de la stratégie d’intervention et un contrôle dans son exécution.

 

[116]    Enfin, la preuve révèle que la majeure partie du temps, les interventions auprès des personnes incarcérées ne nécessitent pas d’interventions physiques concrètes de la part des ASC sollicités. Leur seule présence dissuade généralement les personnes incarcérées impliquées dans l’intervention. C’est pourquoi, les ASC peuvent être renvoyés dans leur secteur de travail sans avoir été appelés à intervenir.

 

[117]    Ainsi, les interventions, lorsque requises, sont généralement de courtes durées. Conséquemment, les absences des ASC de leur secteur de travail sont régulièrement limitées dans le temps. D’ailleurs, à cet égard la preuve révèle que la durée moyenne d’absence d’un secteur est d’environ dix minutes bien que variable.

 

[118]    Certes, lorsqu’ils sont appelés à prêter assistance à un collègue à la suite d’une demande, les ASC doivent laisser leur secteur sans surveillance. Ainsi, le SAPSCQ prétend que lors de la réintégration des ASC dans leur secteur de travail, les risques à l’intégrité physique des ASC augmentent puisque pendant leur absence, les personnes incarcérées peuvent avoir planifié des agressions qu’ils peuvent leur faire subir à leur retour dans leur unité de travail.

 

[119]    Au regard de cet élément, le tribunal note qu’aucun ASC ne fut blessé lors de la réintégration de son lieu de travail après avoir laissé un secteur sans surveillance pour prêter assistance à un collègue de travail. Par ailleurs, la preuve ne démontre pas que les personnes incarcérées aient profité de l’absence des ASC pour causer des dégâts matériels, provoquer des rixes ou déclencher toute action visant à perturber la vie interne de l’établissement ou compromettre la sécurité des ASC.

 

[120]    Le tribunal estime qu’il est possible qu’une pareille situation survienne même s’il n’y a aucun antécédent en cette matière. Il croit toutefois que l’élaboration d’une procédure détaillée de réintégration dans les secteurs puisse permettre l’identification des risques et leur contrôle par sa mise en application.

 

[121]    Cette procédure devrait prévoir que l’ASC affecté à la surveillance par caméras, au poste de contrôle, apporte une surveillance plus attentive des secteurs laissés à découvert, lors des demandes d’assistance et d’intervention. À cet effet, la description de tâches du contrôleur devrait être revue11 pour prioriser ses tâches lors de ces demandes d’assistance.

 

[122]    Le tribunal constate par ailleurs la présence de la Sûreté du Québec dans le Palais de Justice attenant au centre de détention. Il note également que les interventions relatives aux prises d’otages sont confiées à la Sûreté du Québec, conformément à une procédure bien définie et connue des ASC.

 

[123]    Le tribunal note en outre que la direction de l’établissement fait procéder régulièrement à des fouilles minutieuses régulières des secteurs de vie ou des effets personnels des personnes incarcérées pour contrer la fabrication ou l’entrée dans le centre de détention d’articles prohibés.

 

[124]    Par ailleurs, le système informatique utilisé par le centre de détention permet aux ASC d’avoir accès à des informations portant sur les personnes incarcérées. Ces informations peuvent dès lors être utilisées dans la gestion des activités du centre de détention et renseigner adéquatement le personnel sur le degré de dangerosité des personnes incarcérées.

 

[125]    De l’avis du tribunal, tous ces éléments diminuent les risques que les personnes incarcérées portent atteinte à la santé et la sécurité des travailleurs du centre de détention.

 

[126]    Ainsi, vu l’introduction de toutes ces mesures au programme de prévention, et malgré l’admission des parties à l’effet que les sixième et septième ASC œuvrant sur un quart de travail soient utilisées à des fins autres que la surveillance et le contrôle des personnes incarcérées dans les secteurs concernés, le tribunal estime que la demande du syndicat relativement à la mise en place d’une équipe d’urgence ne constitue pas une mesure essentielle pour assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique de ses membres. L’inspecteur était donc justifié de ne pas donner suite à cette première demande du SAPSCQ.

 

[127]    En cela, la situation prévalant au centre de détention de New Carlisle est différente de celle analysée à Chicoutimi et à Sherbrooke.12

 

[128]    Cela dit, le tribunal est conscient que les ASC ne sont pas à l’abri d’agressions de la part des personnes incarcérées, eu égard à la clientèle placée sous leur surveillance. Les divers rapports d’incidents déposés en preuve en témoignent.13

 

[129]    C’est pourquoi, il est impérieux que l’employeur fournisse, en quantité suffisante, les équipements de communication nécessaires au travail des ASC. De plus, ces équipements doivent fonctionner adéquatement, une politique d’entretien efficace devant être élaborée par l’employeur à cet effet.

 

[130]    En outre, la description de tâches de l’ASC au poste de contrôle doit être revue de manière à ce qu’il y soit expressément prévu qu’il doive accroître la surveillance par caméras dans les secteurs laissés sans surveillance, au moment d’une intervention.

 

[131]    Ces mesures s’ajoutent à celles discutées plus haut relativement au maintien des effectifs actuels en place malgré l’absence de surpopulation, aux caméras de surveillance et à la procédure de réintégration des secteurs à la suite d’une intervention.

__________

7      Voir pièce E-7.

8      Voir pièce E-24.

9      Voir pièce E-13.

10    Voir pièce E-17

11    Voir pièce T-2.

12    Ministère de la sécurité publique et Syndicat des agents de la paix, [2007] C.L.P. 1512 ; SAPSCQ et MSP (Centre de détention de Sherbrooke), 359131-05-0809, 26 août 2009, L. Boudreault.

13    Voir les pièces T-17, T-18.

 

 

[35]        En ce qui a trait à la demande de la surveillance des locaux du sous-sol, le juge administratif en vient à la conclusion suivante :

[132]    Quant à la demande relative à l’ajout de deux ASC pour la surveillance des locaux du sous-sol, le tribunal estime que l’inspecteur était justifié de ne pas l’exiger.

 

[133]    La preuve démontre en effet que les locaux à cet étage servent notamment à héberger les personnes en réclusion, à effectuer des activités scolaires, à réaliser des travaux de buanderie, à pratiquer des activités au gymnase et dans la salle de jeux.

[134]    Des rondes régulières sont effectuées par les ASC toutes les heures pour vérifier la normalité de l’état des lieux et s’assurer de la condition physique des personnes y séjournant. En outre, des ASC sont également présents à cet étage lors de la remise des médicaments et des repas aux personnes y résidant. Ils assument également la surveillance de la cour extérieure et de la salle de jeux.

 

[135]    Certes, le gymnase qui se trouve à cet étage est utilisé le soir, par différents groupes, selon un horaire et une fréquence préétablie. Toutefois, les déplacements vers le gymnase sont supervisés et un décompte du nombre de personnes incarcérées y est effectué. De plus, les déplacements sont effectués du côté du bâtiment offrant les meilleures garanties de sécurité.

 

[136]    Par ailleurs, le tribunal constate qu’un ASC doit effectuer plusieurs dénombrements des personnes incarcérées à chaque jour.

 

[137]    Quant à la fréquentation des locaux scolaires par les personnes incarcérées, le tribunal note la présence d’une politique de contrôle des détenus à cet effet, (code de vie) laquelle, ajoutée aux autres mesures exposées ci-haut, permet l’exécution d’un travail sécuritaire par les travailleurs affectés à la surveillance de ces locaux.

 

[138]    Le tribunal estime toutefois que les locaux des secteurs I et J du sous-sol devraient également être sous surveillance par caméras reliées au poste de contrôle du premier étage. Cette mesure diminuerait les risques liés au travail des ASC appelés à intervenir auprès des personnes incarcérées présentes au sous-sol.

 

 

[36]        CLP1 estime prématurée la demande du syndicat de rendre permanente la mesure concernant les rondes de surveillance au 2ième étage recommandée par l'inspecteur puisqu'en l'absence de preuve sur l'existence du comité de classement et de la procédure prévue à cet effet, il est impossible d'analyser les effets de ces mesures sur les opérations du centre de détention.

[37]         Enfin, CLP1 constate qu'aucune preuve n'a été soumise en ce qui concerne le remplacement du chef d'unité de 20 h à 23 h les samedi et dimanche.

[38]        Le dispositif de la décision se lit comme suit :

Dossier 344356-01C-0803

 

REJETTE la requête du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ);

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 19 mars 2008, à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que Ministère Sécurité Publique (Santé Sécurité), l’employeur, a satisfait à l’avis de correction l’enjoignant d’apporter des corrections à son programme de prévention pour dorénavant traiter du danger supplémentaire d’agression pour les agents de services correctionnels en présence d’une surpopulation carcérale à l’établissement, conformément à l’article 59, paragraphe 4 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

 

DÉCLARE que l’inspecteur était justifié de ne pas émettre d’avis de correction enjoignant l’employeur d’affecter un chef d’unité de 20 h à 23 h les samedi et dimanche de chaque semaine.

 

 

Dossier 393756-01C-0911

 

REJETTE la requête du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec (SAPSCQ);

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 novembre 2009, à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que l’inspecteur était justifié de ne pas émettre d’avis de correction enjoignant l’employeur de mettre en place une équipe d’intervention d’urgence composée de cinq agents de services correctionnels dont le déploiement est assuré en tout temps, sur tous les quarts de travail ce, sans laisser les secteurs de l’établissement sans surveillance sauf si les personnes incarcérées sont confinées dans une cellule;

 

DÉCLARE que l’inspecteur était justifié de ne pas émettre un avis de correction enjoignant l’employeur d’affecter un ou des agents de services correctionnels à la surveillance physique et dynamique des locaux du sous-sol de l’établissement lorsque des personnes incarcérées y séjournent;

 

DÉCLARE que l’inspecteur était justifié d’émettre un avis de correction enjoignant l’employeur d’effectuer les rondes de surveillance des détenus résidant au premier étage de la même façon qu’au deuxième étage, jusqu’à la formation d’un comité et d’une procédure de classement des personnes incarcérées propre à l’établissement;

 

ORDONNE à l’employeur de prendre les mesures appropriées pour être en mesure d’assurer, dans un délai de 60 jours de la réception de la présente décision, une surveillance par caméras, des locaux situés dans les secteurs I et J du sous-sol de l’établissement, reliées au centre de contrôle du premier étage;

 

ORDONNE à l’employeur d’apporter les correctifs appropriés au système de surveillance par caméras de l’établissement, identifiés de façon paritaire au mois de décembre 2009 par le directeur adjoint du centre de détention et le représentant à la prévention du SAPSCQ, dans un délai de 60 jours de la réception de la présente décision;

 

ORDONNE à l’employeur de fournir des radios en quantité suffisante avec des accessoires compatibles pour la communication efficace entre les travailleurs de l’établissement, dans un délai de 60 jours de la réception de la présente décision et d’en assurer l’entretien;

 

ORDONNE à l’employeur de revoir, dans un délai de 60 jours de la réception de la présente décision, la description de tâches de l’agent de services correctionnels travaillant au poste de contrôle, de manière à préciser ses priorités de travail lors des demandes d’assistance et d’interventions des agents de services correctionnels;

 

ORDONNE à l’employeur d’élaborer, dans un délai de 60 jours de la réception de la présente décision, et de mettre en application un plan de réintégration des agents de services correctionnels dans leur secteur respectif après une intervention effectuée ailleurs dans l’établissement, de manière à éviter les risques d’agression lors de la reprise de leur activité normale dans le secteur;

 

 

[39]        Le 27 juillet 2010, le syndicat dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il demande la révision de cette décision au motif qu'elle comporte des vices de fond qui sont de nature à l'invalider.

[40]        Comme premier argument au soutien de la requête, le représentant du syndicat prétend que CLP1 « a refusé ou négligé d'exercer pleinement sa juridiction » pour les raisons suivantes :

36.        Tel qu'il appert de la décision contestée, le commissaire a fait une considération importante, dans la justification de sa décision, d'une déclaration formulée par la direction à l'effet qu'il y aurait maintien des effectifs à sept (7) ASC, malgré l'absence de surpopulation carcérale. À ce titre, le commissaire s'exprime comme suit :

 

[106]      Or, suivant la preuve administrée, le nombre d’ASC fut maintenu malgré cette situation et, de l’aveu du directeur adjoint de l’établissement, la direction entend poursuivre dans cette voie puisque le maintien des effectifs, en l’absence de surpopulation, confère une marge de manœuvre plus grande dans la gestion des opérations du centre.

 

[107]      Le tribunal prend acte de cette volonté de la direction de l’établissement de maintenir les effectifs en place malgré l’absence de surpopulation et en fait une considération importante dans la justification de sa décision. Dans l’éventualité où la direction remettrait en cause cette décision, l’inspecteur pourrait alors être invité à réévaluer la situation et à déterminer à nouveau les droits des parties.

 

37.          Le commissaire estime néanmoins que la direction pourrait remettre en question sa position et invite les parties à resoumettre la question auprès d'un inspecteur de la CSST et ainsi créer un second litige qui n'aura finalement pas été tranché par la Commission des lésions professionnelles.

 

38.          De ce fait, avec respect pour le décideur en cause, la Commission des lésions professionnelles a refusé et/ou négligé d'exercer pleinement sa juridiction et de rendre une décision visant à trancher le litige qui opposait les parties.

 

39.          Cette approche ne repose pas sur une preuve factuelle, mais bien sur une déclaration formulée par un représentant de la direction qui n'engage aucunement l'employeur à honorer le souhait énoncé par le témoin. De ce fait, la Commission des lésions professionnelles statue sans preuve et adopte une méthode qui crée une injustice certaine.

 

 

[41]        Comme deuxième argument, il reproche à CLP1 d'avoir « rendu une décision qui ne repose pas sur l'ensemble de la preuve ». Enfin, il soumet que CLP1 a imposé au syndicat un fardeau de preuve qu'il n'a pas à supporter du fait qu'elle a implicitement exigé qu'il démontre que la constitution d'une équipe d'urgence était essentielle pour assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique des ASC.

[42]        Dans ses conclusions, le représentant du syndicat demande ce qui suit dans le dossier 344356-01C-0803 :

DÉCLARER que la dérogation numéro 2 n'était pas effectuée;

 

ORDONNER au Ministère de la Sécurité publique de prévoir dans son plan de prévention une disposition visant à assurer qu'un nombre suffisant d'agents correctionnels soient présents dans l'établissement afin de permettre à une équipe d'intervention d'effectuer son travail alors que dans chaque secteur il y a au moins un agent correctionnel en poste pour chaque secteur de vie, sauf ceux où les détenus sont confinés dans leur cellule.

 

 

[43]        En ce qui concerne le dossier 393756-01C-0911, qu'il identifie par erreur comme étant le dossier 344356-01C-0803, il demande ce qui suit :

ORDONNER au ministère de la Sécurité publique, à sa place d'affaires situé à l'Établissement de détention de New Carlisle, d'augmenter les effectifs de sept (7) à dix (10) agents correctionnels agents des services correctionnels (ASC) sur les quarts de jour, de soir et de nuit aux fins d'assurer le déploiement d'une équipe d'intervention d'urgence, composée de cinq (5) ASC, tout en s'assurant qu'aucun secteur de vie ne soit laissé sans surveillance;

 

ORDONNER au ministère de la Sécurité publique, à sa place d'affaires situé à l'Établissement de détention de New Carlisle, d'augmenter le nombre d'ASC d'un agent par année jusqu'à un maximum de treize (13) ASC, pour les quarts de jour et de soir, sur une période de trois (3) ans;

 

 

[44]        Le représentant du syndicat reprend également les demandes concernant la surveillance des personnes incarcérées au sous-sol, les rondes au 2ième étage et il demande d'ajouter un chef d'unité sur le quart du soir de 20 h à 23 h les samedi et dimanche.

[45]        Le 16 mars 2011, CLP2 tient une audience sur la requête en révision du syndicat en présence des représentants des parties.

[46]        Le tribunal a écouté l'enregistrement de cette audience. Le représentant du syndicat a repris les arguments exposés dans la requête après avoir fait un long préambule sur les objectifs de la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

[47]        Par ailleurs, il apporte des précisions sur son troisième argument concernant le fait qu'au paragraphe 126 de la décision, CLP1 mentionne que l'équipe d'urgence réclamée par le syndicat ne constitue pas une « mesure essentielle » pour assurer la santé, la sécurité et l'intégrité physique de ses membres.

[48]        Il prétend que le juge administratif impose implicitement au syndicat le fardeau de faire la preuve de l'existence d'un danger, ce que n'exige pas la jurisprudence.

[49]        À ce sujet, la représentante de l'employeur soumet qu'il existe deux courants de jurisprudence sur les conditions d'émission d'un avis de correction, à savoir s'il doit y avoir ou non un danger, et que dans l'hypothèse où CLP1 aurait exigé la preuve de l'existence d'un danger, cela ne donnerait pas ouverture à la révision puisqu'une controverse jurisprudentielle n'est pas un motif de révision.

[50]        Elle prétend toutefois que CLP1 n'a pas mentionné qu'il aurait fallu établir l'existence d'un danger, mais qu'il s'est plutôt demandé si l'équipe d'urgence était nécessaire pour assurer la santé, la sécurité et l'intégrité physique des travailleurs.

[51]        En ce qui a trait à l'argument du syndicat voulant que le juge administratif ait négligé ou refusé d'exercer sa compétence, elle soumet que le directeur adjoint était le représentant de l'employeur lors de l'audience et qu'il y avait une preuve claire établissant qu'il y avait sept agents des services correctionnels aux quarts de soir et de fin de semaine depuis 2007. Elle prétend que CLP1 devait trancher le litige en tenant compte de la situation qui existait au moment de l'audience.

[52]        Enfin, elle soumet que CLP1 n'avait pas à rapporter tous les éléments de la preuve dans sa décision, que celle-ci est suffisamment motivée et que la requête du syndicat constitue un appel déguisé.

[53]        Le 31 mai 2012, CLP2 accueille la requête du syndicat. Après avoir rappelé les règles développées par la jurisprudence concernant le pouvoir de révision ou de révocation de la Commission des lésions professionnelles, CLP2 résume les faits du dossier et citant notamment des extraits de différents documents produits pour la plupart en 2007

[54]        Après avoir résumé les trois motifs soulevés par le représentant du syndicat, CLP2 motive sa décision d'accueillir la requête par les considérations suivantes :

Omission par le premier juge administratif d’exercer sa juridiction et de statuer sur une question dont il était saisie, et position adoptée sans preuve

 

[34]      Dans le dossier 393756-01C-0911, le premier juge administratif devait statuer sur la question de l’effectif d’agents de services correctionnels requis pour assurer la sécurité de ces derniers en période régulière, soit en l’absence de surpopulation. Il s’agissait en fait de la principale demande syndicale et question en litige. Or, force est de convenir que cette question n’a pas été réglée par la décision du premier juge administratif. Ce dernier s’exprime plutôt comme suit à ce sujet :

 

[105]      Toutefois, le taux d’occupation de l’établissement a diminué depuis l’année 2007 et il est, depuis février 2009, en deçà de la capacité opérationnelle fixée à 96 places. Ainsi, ce contexte de surpopulation n’existe plus depuis plusieurs mois.9

 

[106]      Or, suivant la preuve administrée, le nombre d’ASC fut maintenu malgré cette situation et, de l’aveu du directeur adjoint de l’établissement, la direction entend poursuivre dans cette voie puisque le maintien des effectifs, en l’absence de surpopulation, confère une marge de manœuvre plus grande dans la gestion des opérations du centre.

 

[107]      Le tribunal prend acte de cette volonté de la direction de l’établissement de maintenir les effectifs en place malgré l’absence de surpopulation et en fait une considération importante dans la justification de sa décision. Dans l’éventualité où la direction remettrait en cause cette décision, l’inspecteur pourrait alors être invité à réévaluer la situation et à déterminer à nouveau les droits des parties.

 

[35]      Le tribunal constate que le premier juge administratif déclare lui-même que la simple déclaration d’intention, émanant de surcroît du directeur adjoint de l’établissement et non de la direction de l’employeur qui est le ministère de la Sécurité publique, est déterminante pour l’issue du litige. Le tribunal constate par ailleurs qu’aucune conclusion ne suit cette affirmation du premier juge administratif.

 

[36]      Le premier juge administratif a émis diverses ordonnances, même après avoir mentionné que l’employeur s’était engagé à agir dans le sens demandé : pourquoi ne l’a-t-il pas fait en ce qui concerne le maintien de l’ajout d’un agent des services correctionnels? Il avait peut-être d’excellentes raisons de ne pas le faire (ce qui rendrait par ailleurs hasardeux le fait pour le tribunal d’émettre l’ordonnance en ce sens), mais celles-ci, le cas échéant, n’ont pas été mentionnées.

 

[37]      La question de l’effectif d’agents de services correctionnels minimalement requis en période régulière pour assurer la sécurité de ces travailleurs, laquelle était la principale ou, à tout le moins, une des principales questions en litige, n’a donc pas été réglée par le premier juge administratif.

 

[38]      Depuis l’intervention de l’inspecteur de la CSST et jusqu’à l’audience devant le tribunal, l’employeur a maintenu cet effectif supplémentaire, initialement prévu uniquement en période de surpopulation, en dépit de l’absence de surpopulation. Il s’agit effectivement là d’un élément de preuve factuelle. Cela ne dispensait cependant pas le premier juge administratif de devoir statuer sur l’obligation ou non de l’employeur de le maintenir, voire d’augmenter l’effectif. Le litige qui lui était soumis quant à l’effectif requis pour l’exercice du travail des agents de services correctionnels n’est pas réglé : l’employeur pourrait très bien décider de retirer cet effectif et le litige repartirait à zéro avec une nouvelle intervention de l’inspecteur, une contestation par l’une ou l’autre des parties, etc.

 

[39]      Or, l’omission par un juge administratif de statuer sur une question dont il était saisi constitue une erreur grave, manifeste et déterminante nécessitant la révision ou la révocation de la décision*.

 

Omission de tenir compte de l’ensemble de la preuve, sans motivation

 

[40]      Le tribunal souligne d’emblée que dans les motifs de sa décision, le premier juge administratif ne traite pas de façon distincte les deux requêtes qui lui sont soumises et, plus particulièrement, les questions de contenu du programme de prévention de l’employeur eu égard aux périodes de surpopulation carcérale (dossier 344356-01C-0803), et celles des obligations de l’employeur, en l’absence de surpopulation, en regard des trois recommandations précises faites par le Comité de santé et sécurité du travail qui n’ont pas été retenues par l’employeur et qui ont été étudiées par l’inspecteur de la CSST (dossier 393756-01C-0911). Cela ne constitue pas un problème en soi, mais peut être responsable de l’erreur constatée dans le dossier 344356-01C-0803.

[41]      Cette distinction n’est pas faite non plus lorsque le premier juge administratif rapporte l’objet des contestations. En fait, force est de constater qu’aucune référence n’est alors faite ni au programme de prévention ni à la situation prévalant en période de surpopulation carcérale. Le premier juge administratif ne cite pas et ne réfère pas non plus aux dispositions législatives et règlementaires relatives aux programmes de prévention. Toute cette question du contenu du programme de prévention eu égard aux périodes de surpopulation semble en fait totalement occultée, bien qu’elle ait fait l’objet de représentations particulières de la part des parties, et qu’elle constitue la question en  litige dans le dossier 344356-01C-0803.

 

[42]      La situation particulière prévalant en présence de surpopulation carcérale n’est en fait évoquée qu’à un paragraphe des motifs de la décision (si l’on exclut le rapport des faits, des litiges et des prétentions des parties dans lesquels il en est forcément question) :

 

[104]      Certes la surpopulation au centre de détention de New Carlisle a complexifié les mesures sécuritaires et alourdi le travail des ASC à cet égard. Toutefois, le tribunal constate que la direction a répondu aux demandes syndicales à l’époque pertinente en ajoutant du personnel. L’ajout d’ASC en période de surpopulation a soulagé le personnel et permis un fonctionnement plus harmonieux du centre de détention.

 

[43]      Le syndicat reproche d’abord au premier juge administratif de déclarer que l’employeur a répondu aux demandes syndicales de l’époque et que l’ajout d’un agent « a soulagé le personnel et permis un fonctionnement plus harmonieux », sans autre motivation, et sans tenir compte et analyser l’ensemble de la preuve, dans le contexte, de surcroît, où le syndicat a contesté, et conteste toujours, la conclusion de l’inspecteur de la CSST selon laquelle les mesures apportées par l’employeur, dont l’ajout d’un agent, satisfont aux exigences de la loi. En fait, le syndicat conteste même le fait que l’effectif d’agents de services correctionnels soit suffisant en période normale (sans surpopulation) pour assurer la sécurité de ces derniers, ce qui constitue d’ailleurs le cœur du litige dans le dossier 393756-01C-0911.

 

[44]      Or, le tribunal souligne que la question que devait de toute façon trancher le premier juge administratif dans ce dossier (344356-01C-0803) n’était pas celle de savoir si l’employeur avait répondu aux demandes syndicales de l’époque, mais bien celle de savoir si la dérogation à la loi constatée par l’inspecteur de la CSST dans un rapport d’intervention et un avis de correction devenus finals avait été corrigée et, ainsi, si le programme de prévention de l’employeur contenait bel et bien des mesures satisfaisantes quant à l’exercice du travail des agents de services correctionnels en période de surpopulation, eu égard à la Loi sur la santé et la sécurité du travail et à l’objectif qu’elle poursuit.

 

[45]      Or, il est difficile, voire impossible, pour le tribunal de savoir si le premier juge administratif a bien considéré et analysé l’ensemble de la preuve et de la situation prévalant en période de surpopulation carcérale et si cela s’est traduit de façon adéquate dans le programme de prévention de l’employeur, puisqu’il ne motive aucunement sa conclusion à ce sujet autrement que par l’affirmation précitée (par. 104). Le tout s’ajoute au fait que cette question est également absente du rapport que fait le premier juge administratif des objets de contestation ainsi que de la section dans laquelle il cite les dispositions applicables de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (aucune disposition législative ou règlementaire relative aux programmes de prévention n’y étant citée).

 

[46]      Quelle est la preuve retenue et l’analyse faite par le premier juge administratif dans le dossier 344356-01C-0803, soit en ce qui concerne la situation prévalant en période de surpopulation? Quel est l’impact de la surpopulation carcérale sur le travail des agents de services correctionnels et sur leur sécurité? Les parties et l’inspecteur de la CSST ont reconnu que la surpopulation carcérale pouvait représenter un risque supplémentaire d’agressions pour les agents de services correctionnels : comment ce risque accru se traduit-il en pratique? Le programme de prévention de l’employeur répond-il bel et bien aux exigences de la loi à ce sujet? Et quelles sont ces exigences légales? Le tribunal n’est pas en mesure de répondre à ces questions à la lecture de la décision du premier juge administratif.

 

[47]      Le premier juge administratif écrit que l’ajout d’un agent de services correctionnels, même en l’absence de surpopulation, est « une considération importante dans la justification de sa décision ». Il eut d’autant fallu, dans ce contexte, expliquer sur quelle base il concluait ensuite que l’ajout de cette même ressource, jugée importante en période normale, était bel et bien suffisante pour pallier les risques supplémentaires associés à la surpopulation lorsque celle-ci survient.

 

[48]      Le premier juge administratif reconnaît que « la surpopulation a complexifié les mesures sécuritaires et alourdi le travail des ASC à cet égard », mais sans préciser ce qu’il retient de la preuve pour conclure ainsi et sans motiver ensuite sa conclusion selon laquelle l’ajout d’un agent de services correctionnels « a soulagé le personnel et permis un fonctionnement plus harmonieux du centre de détention », ce qui, par ailleurs, ne correspond pas à l’analyse qui devait être faite pour déterminer si l’employeur avait donné suite de façon satisfaisante à l’avis de correction de l’inspecteur de la CSST concernant son programme de prévention.

 

[49]      Cette question de surpopulation carcérale était en soi suffisamment importante pour avoir entraîné la production de cinq rapports d’intervention et d’un avis de correction de la part d’un inspecteur de la CSST et justifié l’adoption de plusieurs mesures de sécurité par l’employeur.

 

9500     Le premier juge administratif citait en outre (par. 72), dans sa section intitulée « Les litiges », l’extrait suivant d’un rapport annuel du Protecteur du citoyen :

 

«  Au-delà de ce taux d’occupation, la gestion des places en établissement devient plus difficile et risquée. Pour bien comprendre l’ampleur de la problématique, il est nécessaire de tenir compte des nombreuses contraintes propres à la gestion carcérale. Le classement des personnes incarcérées en fonction de leur statut, prévenus8 et détenus, la protection devant être accordée à certains individus et la présence de femmes temporairement incarcérées dans les établissements destinés à la clientèle masculine se trouve au nombre de ces contraintes. Le milieu doit également composer avec la lourdeur de la clientèle ayant des besoins spécifiques comme, par exemple, les groupes criminalisés et les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. La gestion de ces réalités dans un contexte de surpopulation est très complexe et implique des décisions dont l’impact doit être mesuré. »

 

[Nos soulignements]

 

[51]      Or, la lecture de la décision du premier juge administratif ne permet pas de savoir s’il a vraiment évalué, et de quelle façon le cas échéant, la situation particulière qui prévaut en période de surpopulation, les risques et dangers y associés et le caractère approprié et suffisant des mesures du programme de prévention à ce sujet précis (qu’il ne rapporte d’ailleurs pas en tant que tel). Il est en fait impossible à la lecture de la décision de répondre aux questions précitées, de savoir quels éléments ont été retenus par le premier juge administratif, l’analyse qu’il en a faite et, somme toute, de connaître la motivation de sa décision sur cette question particulière du programme de prévention eu égard aux périodes de surpopulation carcérale, ce qui constituait pourtant la question en litige dans le dossier 344356-01C-0803.

 

[52]      Il est possible que le premier juge administratif n’ait pas jugé nécessaire d’élaborer sur la question de la surpopulation, du fait qu’il précise, immédiatement après le paragraphe 104 précité, que le contexte de surpopulation dans l’établissement n’existe plus depuis février 2009.

 

[53]      Le premier juge administratif n’était cependant pas saisi, dans le dossier    344356-01C-0803, d’un litige similaire à celui du dossier 393756-01C-0911 : il devait trancher la question de savoir ce qui devait se retrouver dans le programme de prévention de l’employeur et non uniquement déterminer si une intervention était nécessaire en fonction de la situation qui prévalait au moment de son audience.

 

[54]      Il ressortait clairement des rapports d’intervention de l’inspecteur de la CSST que le programme de prévention devait contenir des mesures applicables lors « de la survenance de situations pour lesquelles il y a une surpopulation carcérale » et « lorsque la surpopulation carcérale ne peut être évitée », ce qui implique que la surpopulation n’ait pas à être constante ni même régulière pour que le programme de prévention doive permette d’y faire face adéquatement lorsqu’elle survient.

 

[55]      La preuve au dossier établit en outre que la surpopulation peut survenir à tout moment (arrestations massives, transfert de personnes incarcérées d’autres établissement en surnombre important…). Même le directeur adjoint de l’établissement reconnaissait cette imprévisibilité lorsqu’il a écrit ce qui suit à l’inspecteur de la CSST le 21 novembre 2007 : « La gestion de la surpopulation est un exercice nécessitant de la souplesse et une rapidité d’actions étant donné que nous avons des modifications fréquentes, importantes, voire imprévisibles. »

 

[56]      Mais, surtout, le premier juge administratif devait analyser et déterminer le caractère suffisant et adéquat des mesures du programme de prévention de l’employeur lorsque cette situation se présente. Le fait que lors de l’audience la situation ne se soit pas présentée depuis plusieurs mois, par ailleurs dans un contexte particulier (un incendie a eu lieu en février 2009 dans l’établissement, forçant l’évacuation des personnes incarcérées et donnant lieu à des travaux importants, la surpopulation ayant précisément pris fin à ce moment), devenait donc tout à fait accessoire, voire non pertinent.

 

[57]      Une analyse de cette question s’imposait d’autant que les parties convenaient du risque supplémentaire pour les travailleurs associé aux périodes de surpopulation et que, par ailleurs, le document finalement accepté par l’inspecteur de la CSST comme satisfaisant à la dérogation émise était assez loin de correspondre à ce qu’il demandait dans ses premiers rapports en terme de contenu.

 

[58]      Le tribunal doit ainsi conclure que le premier juge administratif n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve, ou qu’il y a absence de motivation permettant d’en juger, et ce, dans le dossier 344356-01C-0803. D’une façon ou d’une autre, force est de conclure à la présence dans ce dossier de ce qui s’assimile à une erreur grave, manifeste et déterminante, l’omission de tenir compte d’un élément de preuve pertinent* et l’absence de motivation* étant tous deux reconnus constituer une telle erreur.

 

[59]      L’extrait suivant de la décision rendue par la Cour supérieure dans l’affaire Rodrigue c. Commission des lésions professionnelles11, illustre les principes applicables dans un tel cas :

 

 [29]       Il est bien établi que les principes de justice naturelle requièrent que tout tribunal quasi judiciaire motive ses décisions3. Cette obligation est d’autant plus lourde lorsqu’il existe, comme en l’espèce, avec l’article 429.50 de la LATMP, impose une obligation statutaire au tribunal inférieur. Dans ces cas, les tribunaux judiciaires voient à leur application d’autant plus stricte.

 

[30]        L’honorable Danielle Grenier dans Ozanam c. Commission municipale du Québec4, rappelle qu’un jugement ne peut se réduire à une sèche démonstration abstraite qui ne mène à aucun raisonnement juridique, puisque l’absence ou l’insuffisance de motivation engendre l’arbitraire. Elle y écrit :

 

« Sans exiger du décideur qu’il livre tous les méandres de sa réflexion, on s’attend à ce qu’il s’exprime intelligemment, de façon à permettre aux justiciables et aux plaideurs de comprendre le processus décisionnel et aux tribunaux supérieurs d’exercer adéquatement leurs pouvoirs de contrôle et de surveillance.

 

(…) Un organisme administratif ne peut, sans trahir la loi qu’il est chargé d’appliquer ou d’interpréter, se contenter de conclure sans expliquer.

 

P.374 : Une décision doit donc traiter des faits pertinents et déterminants; elle doit les qualifier afin d’éviter l’arbitraire. La qualification des faits fait nécessairement intervenir les facultés cognitives, la compréhension, le raisonnement, le jugement. Le décideur applique donc le droit positif en s’inspirant de la logique. Sa décision doit être intelligible, c’est-à-dire qu’elle doit disposer des faits et du raisonnement, de manière telle que le justiciable puisse en comprendre le sens. Il ne s’agit certes pas de confondre l’absence de motivation avec la faiblesse du raisonnement. Ce n’est pas le fondement de la décision qui est en cause; l’intervention judiciaire ne s’intéresse ici qu’à la formulation. Tout système judiciaire doit viser la transparence. »

 

[31]        Ces mêmes principes sont repris par l’honorable juge Carole Hallée dans l’affaire Union des employés du transport local et industries diverses, section locale 931 c. Imbeau5.

 

[32]        Elle y rappelle que le Code du travail stipule que la sentence arbitrale doit être motivée et rendue par écrit. Il s’agit là d’une condition essentielle à la validité d’une décision, puisque l’absence ou l’insuffisance de motivation peut engendrer l’arbitraire. Cela contrevient de plus aux règles de justice naturelle, puisque le justiciable doit être en mesure de comprendre le processus de décision.

 

[33]        Cette même règle d’obligation d’équité procédurale qui requiert une explication écrite de la décision, est évoquée par Madame la juge L’Heureux-Dubé, dans l’affaire Baker c. Canada6.

 

[34]        Enfin, l’affaire Gaulin c. Commission des lésions professionnelles7, rappelle que l’absence ou l’insuffisance de motivation constitue en soi un motif de révision judiciaire.

 

[…]

 

[46]        Bref, ce n’est pas tant la brièveté des explications ou des motifs de la décision qui pose problème, mais l’absence d’introspection pertinente et d’analyse cognitive qu’elle omet de faire; cela équivaut à un manque de transparence. C’est donc le critère de l’intelligibilité pour comprendre les fondements de la décision qui trouve application.

 

[…]

 

[48]        Et, force est de constater que sa décision ne contient aucune appréciation de la preuve entendue et analysée.

 

[…]

__________________________

3             Voir Patrice GARANT, Droit administratif, 2e éd., Montréal, Éditions Yvon Blais, 1985, pp. 748, 749.

4             Société des services Ozanam inc. c. Commission municipale du Québec, [1994], R.J.Q. 364 , p. 372 (C.S.)

5             Union des employés du transport local et industries diverses, section locale 931 c. Imbeau, 2006 QCCS 5370 .

6             Baker c. Canada, [1999] 2 R.C.S. 817 , p. 638.

7             Gaulin c. Commission des lésions professionnelles, 2006 QCCS 3248 .

 

[Nos soulignements]

 

Méconnaissance de la règle de droit en matière de fardeau de preuve.

 

[60]      Quant au dernier motif de révision allégué quant au fardeau de preuve, le tribunal ne peut que reconnaître, bien que n’ayant pas à qualifier le tout du fait de l’identification préalable d’erreurs justifiant la révision ou la révocation de la décision dans les deux dossiers, que la lecture de la décision du premier juge administratif ne permet pas de bien identifier le fardeau de preuve retenu ainsi que son ampleur (fardeau imposé à chaque partie, adéquation des mesures essentielles évoquées par le premier juge administratif aux mesures nécessaires évoquées dans la loi, preuve requise de risque versus de danger), et ce qui motive la position nécessairement prise à ce sujet, bien que pas formellement énoncée, et ce, en dépit des représentations contradictoires soumises par les parties à ce sujet et de l’impact incontournable de la position retenue par le premier juge administratif sur son analyse de la preuve et l’issue du litige.

___________

*       Note de bas de page non reproduite

11    Précitée, note 9. ( [2007] C.L.P. 1926 )

 

 

[55]        CLP2 signale enfin une erreur contenue au dispositif de la décision dans le dossier 393756-01C-0911 dans la mesure où CLP1 rejette la requête du syndicat, confirme la décision de la CSST et émet des ordonnances sur certaines questions. Elle souligne qu'il y avait lieu d'accueillir en partie la requête du syndicat et de modifier la décision de la CSST.

[56]        Dans ses conclusions, CLP2 décide de révoquer la décision plutôt que de la réviser parce que le dossier ne contient pas plusieurs documents qui ont été déposés lors de l'audience initiale et que la preuve comporte une visite des lieux, ce qu'elle n'a pas fait. Lors de l'audience de CLP2, le représentant du syndicat avait envisagé la révocation de la décision comme une issue possible.

[57]        Le 18 juillet 2012, l'employeur dépose une requête par laquelle il demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 31 mai 2012 par CLP2 au motif qu'elle comporte des vices de fond qui sont de nature à l'invalider. Sa représentante soumet notamment les arguments suivants :

96.        La décision visée comporte un vice de fond majeur et déterminant en concluant que le premier juge administratif devait émettre une ordonnance enjoignant à l'employeur d'augmenter ou de maintenir l'effectif actuel alors que la CLP avait le pouvoir de déterminer que le nombre d'ASC présents sur chacun des quarts de travail était adéquat et ainsi rejeter les demandes formulées par le syndicat sans qu'il soit nécessaire d'émettre un avis de correction sur cette question puisque la situation ne nécessitait pas de correctifs (voir par. 37, 38 et 39 de la décision en révision) (voir l'article 182 LSST).

 

97.        Il en est de même lorsque la juge administratif en révision reproche au premier juge administratif d'avoir considéré le témoignage de monsieur Christian Poirier sur la question du nombre d'ASC présents sur les différents quarts de travail en soutenant que son témoignage ne liait pas le ministère de la Sécurité publique alors que monsieur Poirier agissait tout au long de l'audience à titre de représentant de l'employeur, le ministère de la Sécurité publique (la partie) et que la situation qu'il décrivait prévalait depuis deux (2) ans au moment de l'audience, selon la preuve non contredite (voir par. 35 de la décision en révision).

 

98.        La décision visée comporte également un vice de fond majeur et déterminant lorsqu'elle conclut que le premier administratif n'auraient pas tenu compte de la preuve concernant les mesures mises en place dans le programme de prévention lors de surpopulation sans préciser les éléments précis dont il n'aurait pas tenu compte et qu'il n'aurait pas motivé sa décision sur cette question alors que le premier juge administratif a longuement motivé sa décision en faisant référence à plusieurs éléments de la preuve concernant le programme de prévention (voir notamment les paragraphes 91 à 131).

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[58]        La membre issue des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d'avis que la requête en révision de l'employeur doit être accueillie.

[59]        Ils estiment que la décision CLP2 comporte des vices de fond qui justifient sa révision dans la mesure où l'identification des objets des litiges que CLP1 était appelée à trancher est manifestement erronée.

[60]        Procédant à la révision de CLP2, ils concluent que la requête en révision du syndicat de la décision CLP1 doit être rejetée parce qu'il n'a pas démontré qu'elle comporte un vice de fond donnant ouverture à sa révision ou à sa révocation.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[61]        La Commission des lésions professionnelles doit décider s'il y a lieu de réviser la décision rendue le 31 mai 2012.

[62]       Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue est prévu par l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi), lequel se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°   lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2°   lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3°   lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[63]       Cet article apporte une dérogation au principe général énoncé par l'article 429.49 de la loi voulant qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles soit finale et sans appel et ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 est établi.

[64]       L'employeur invoque le troisième motif, soit que la décision rendue par CLP2 le 31 mai 2012 comporte des vices de fond qui sont de nature à l'invalider.

[65]        La jurisprudence assimile cette notion de « vice de fond qui est de nature à invalider une décision » à une erreur manifeste de fait ou de droit qui a un effet déterminant sur le sort du litige[4]. Elle précise par ailleurs qu’il ne peut s'agir d'une question d'appréciation de la preuve ni d'interprétation des règles de droit parce que le recours en révision n'est pas un second appel[5].

[66]       Dans l'arrêt Bourassa c. Commission des lésions professionnelles[6], la Cour d'appel rappelle ces règles comme suit :

[21]      La notion (de vice de fond de nature à invalider une décision) est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.

 

[22]      Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments1.

_______________

1.     Voir: Y. OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, Procédure et Preuve, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997, p. 506-508.  J.P. VILLAGI, dans Droit public et administratif, Vol. 7, Collection de droit 2002-2003, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 127-129.

 

 

[67]        La Cour d'appel a réitéré sa position dans l'arrêt Commission de la santé et de la sécurité du travail et Fontaine[7]. Pour le juge Morissette qui rédige les motifs de l'arrêt, l'exercice trop libéral du pouvoir de révision peut compromettre les objectifs de qualité, de célérité et d'accessibilité poursuivis par la justice administrative et cette situation commande de ne pas recourir à la légère à la notion de vice de fond pour réviser une décision. Il écrit :

[41]      (…) La jurisprudence de notre Cour, sur laquelle je reviendrai, est à juste titre exigeante sur ce point. La faille que vise cette expression dénote de la part du décideur une erreur manifeste, donc voisine d'une forme d'incompétence, ce dernier terme étant entendu ici dans son acception courante plutôt que dans son acception juridique. (…)

 

 

[68]        Après avoir fait état des positions adoptées dans certaines décisions, le juge Morissette conclut dans les termes suivants :

On voit donc que la gravité, l'évidence et le caractère déterminant d'une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d'en faire un «vice de fond de nature à invalider [une] décision».

 

[51]      En ce qui concerne la raison d'être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s'agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d'être décrites. Il ne saurait s'agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première51.

_______________

[51]         Voir l'arrêt Godin, supra, note 12, paragr. 47 (le juge Fish) et 165 (le juge Chamberland) et l'arrêt Bourassa, supra, note 10, paragr. 22.

 

 

[69]        Ces balises du pouvoir de révision qui ont été précisées par la Cour d'appel invitent la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision, comme elle l'indique dans l'extrait suivant de la décision Savoie et Camille Dubois (fermé)[8] (la décision Savoie) :

[17]      La soussignée estime qu’effectivement le critère du vice de fond, défini dans les affaires Donohue et Franchellini comme signifiant une erreur manifeste et déterminante, n’est pas remis en question par les récents arrêts de la Cour d’appel. Lorsque la Cour d’appel écrit que «la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d’en faire «un vice de fond de nature à invalider une décision», elle décrit la notion en des termes à peu près identiques. L’ajout du qualificatif «grave» n’apporte rien de nouveau dans la mesure où la Commission des lésions professionnelles a toujours recherché cet élément aux fins d’établir le caractère déterminant ou non de l’erreur.

 

[18]      Toutefois, l’invitation à ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère et surtout l’analyse et l’insistance des juges Fish et Morrissette sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitent et incitent la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d’une très grande retenue. La première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée.

 

 

[70]        En argumentation, la représentante de l'employeur rappelle cette position de la jurisprudence et plaide que CLP2 devait faire preuve d'une grande déférence à l'égard de la décision CLP1.

[71]        Pour sa part, en référant à la décision Zoom réseau affichage intérieur et CSST[9], le représentant du syndicat s'interroge sur la possibilité pour une partie de présenter une requête en révision d'une décision en révision. Dans cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare irrecevable une troisième requête en révision pour les raisons suivantes :

[31]      En résumé, pour que, dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles ait pu se saisir du mérite de cette troisième requête en révision, il aurait fallu que l’employeur démontre l’existence de circonstances à ce point inusitées, que leur seule démonstration aurait permis de constater que le fait de refuser la requête en révision aurait entraîné un réel déni de justice. Force est de constater que ces circonstances n’ont jamais été mises en preuve dans le présent cas.

 

 

[72]        La situation est différente dans la présente affaire puisqu'il n'e s'agit pas d'une troisième requête en révision, mais d'une deuxième et de la première émanant de l'employeur. La règle suivie par la jurisprudence est celle qui est rappelée dans les termes suivants dans la décision Rivard et C.L.S.C. des Trois Vallées[10] :

[29]      Quoi qu'il en soit, et même si la présente requête est considérée comme étant une deuxième requête en révision ou révocation, elle est quand même recevable.  La Commission des lésions professionnelles considère que bien que des requêtes en révision ne peuvent être présentées ad infinitum, il n'est pas inconcevable qu'une deuxième requête en révision dans un même dossier puisse être jugée recevable, s'il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec cette deuxième décision.  Le législateur n'a certes pas voulu que le tribunal ne puisse se réviser à nouveau dans un tel cas.

__________

1      Arcand et Commission scolaire des Laurentides, [1994], C.A.L.P. 57 .

 

 

[73]        Par ailleurs, le représentant du syndicat prétend que, lorsque la Commission des lésions professionnelles est saisie d'une requête en révision d'une décision en révision, elle doit faire preuve d'une retenue encore plus grande à l'égard de la décision en révision.

[74]        Le tribunal ne peut retenir cette prétention. Dans la décision Canadien Pacifique et Scalia[11], on prétendait plutôt le contraire, à savoir que c'est le critère de l'erreur simple qui doit être appliqué dans l'examen de la décision en révision. La Commission des lésions professionnelles rejette cet argument dans les termes suivants :

[12]      Rien dans les propos de la Cour d’appel ne soutient la distinction soumise par l’employeur découlant du fait qu’il s’agisse ici d’une seconde requête en révision. Cette requête est toujours soumise en vertu de la même disposition, l’article 429.56 de la loi. Pour avoir gain de cause, l’employeur doit démontrer qu’il existe une nouvelle cause de révision en rapport avec la décision rendue en révision.

 

[13]      La Commission des lésions professionnelles en révision doit donc se demander si la décision du 20 décembre 2004 comporte un vice de fond soit une erreur manifeste et déterminante.

 

 

[75]        Si l'erreur manifeste et déterminante demeure le critère qui donne ouverture à la révision de la décision en révision, on peut se demander toutefois si, dans l'appréciation de l'existence d'une telle erreur, la déférence à l'égard de la décision en révision ne doit pas être modulée par le devoir de retenue qu'avait le réviseur à l'égard de la première décision et la primauté qui doit être accordée à celle-ci, ce qui fait en sorte que ce n'est qu'exceptionnellement qu'elle peut être révisée, comme le retient la Commission des lésions professionnelles dans la décision Savoie.

[76]        Ces règles étant rappelées, le tribunal estime que le premier argument invoqué par la représentante de l'employeur au soutien de la requête en révision doit être retenu.

[77]        Rappelons que CLP2 a conclu que CLP1 a omis de se prononcer sur une question dont il était saisi du fait qu'il n'a formulé aucune conclusion dans le dispositif du dossier 393756-01C-0911, obligeant l'employeur à maintenir le nombre d'ASC à sept durant les quarts de soir et de fin de semaine.

[78]        D'abord, il convient de mentionner que la force probante que CLP1 a accordée à la déclaration du directeur adjoint de l'établissement sur le maintien d'un septième ASC est une question qui relève de son appréciation de la preuve de telle sorte que la conclusion qu'il en retient ne peut donner ouverture à sa révision en l'absence d'une démonstration que celle-ci est fondée sur une erreur manifeste, ce qui n'a pas été établi.

[79]        Cela dit, la question qui était en litige et qui a été débattue lors de l'audience initiale n'a jamais concerné le septième ASC puisque celui-ci était déjà en poste aux quarts de soir et de fin de semaine depuis déjà deux ans (2007). La demande du syndicat ne portait pas sur ce septième ASC, mais il voulait plutôt augmenter le nombre d'ASC déjà en poste, comme l'indique CLP2 au paragraphe 28 de la décision :

[28]      Dans le dossier 393756-01C-0911, le premier juge administratif devait statuer sur le bien-fondé de la décision de l’inspecteur du 30 octobre 2009. Celle-ci comportait trois volets, en lien avec des demandes syndicales précises quant aux effectifs requis selon lui pour que le travail puisse être exécuté de façon sécuritaire :

 

-     Augmenter les effectifs de 7 à 10 agents de services correctionnels sur le quart de jour et de soir immédiatement, puis augmenter ensuite leur nombre à 13 à raison d’un par an;

 

 

[80]        Il n'y avait donc pas lieu pour CLP1 d'émettre un avis de correction concernant ce septième poste. D'ailleurs, dans la requête en révision du syndicat, même s'il invoque comme motif de révision l'omission de CLP1 d'avoir émis une ordonnance concernant ce septième poste d'ASC, le représentant du syndicat ne demande pas dans ses conclusions à CLP2 d'émettre une telle ordonnance, mais il réitère plutôt sa demande concernant la mise en place d'une équipe d'intervention d'urgence de cinq ASC.

[81]        En réalité, comme cela a été précisé plusieurs fois, soit lors de l'audience du 28 octobre 2009, à deux reprises lors de l'audience du 30 novembre 2009 et dans l'argumentation écrite transmise par le représentant du syndicat, il s'agissait essentiellement de l'objet du litige que CLP1 avait à trancher. Lors de l'audience portant sur la requête en révision de l'employeur, le représentant du syndicat a même convenu que le litige ne portait pas comme tel sur l'ajout d'effectifs, mais plutôt sur la mise en place de cette équipe d'intervention d'urgence de cinq ASC.

[82]        CLP1 a clairement refusé la demande du syndicat en indiquant au paragraphe 126 de la décision que « la mise en place d’une équipe d’urgence ne constitue pas une mesure essentielle pour assurer la santé, la sécurité et l’intégrité physique de ses membres » et en concluant que l'inspecteur « était donc justifié de ne pas donner suite à cette première demande du SAPSCQ ».

[83]        Avec respect, le tribunal estime que la conclusion de CLP2 voulant que CLP1 ait commis une erreur manifeste et déterminante en omettant de statuer sur la question dont elle était saisie constitue une erreur manifeste qui justifie la révision de la décision.

[84]        Les prétentions de la représentante de l'employeur concernant l'omission de tenir compte d'éléments de preuve et l'absence de motivation dans le dossier 344356-01C-0803 sont également fondées.

[85]        Rappelons que CLP2 considère que CLP1 a commis une erreur manifeste et déterminante en ne discutant pas de la preuve concernant la situation particulière en période de surpopulation. Pour plus de clarté, il convient de citer de nouveau les paragraphes suivants de la décision CLP2 :

[44]      Or, le tribunal souligne que la question que devait de toute façon trancher le premier juge administratif dans ce dossier (344356-01C-0803) n’était pas celle de savoir si l’employeur avait répondu aux demandes syndicales de l’époque, mais bien celle de savoir si la dérogation à la loi constatée par l’inspecteur de la CSST dans un rapport d’intervention et un avis de correction devenus finals avait été corrigée et, ainsi, si le programme de prévention de l’employeur contenait bel et bien des mesures satisfaisantes quant à l’exercice du travail des agents de services correctionnels en période de surpopulation, eu égard à la Loi sur la santé et la sécurité du travail et à l’objectif qu’elle poursuit.

 

[45]      Or, il est difficile, voire impossible, pour le tribunal de savoir si le premier juge administratif a bien considéré et analysé l’ensemble de la preuve et de la situation prévalant en période de surpopulation carcérale et si cela s’est traduit de façon adéquate dans le programme de prévention de l’employeur, puisqu’il ne motive aucunement sa conclusion à ce sujet autrement que par l’affirmation précitée (par. 104). Le tout s’ajoute au fait que cette question est également absente du rapport que fait le premier juge administratif des objets de contestation ainsi que de la section dans laquelle il cite les dispositions applicables de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (aucune disposition législative ou règlementaire relative aux programmes de prévention n’y étant citée).

 

[46]      Quelle est la preuve retenue et l’analyse faite par le premier juge administratif dans le dossier 344356-01C-0803, soit en ce qui concerne la situation prévalant en période de surpopulation? Quel est l’impact de la surpopulation carcérale sur le travail des agents de services correctionnels et sur leur sécurité? Les parties et l’inspecteur de la CSST ont reconnu que la surpopulation carcérale pouvait représenter un risque supplémentaire d’agressions pour les agents de services correctionnels : comment ce risque accru se traduit-il en pratique? Le programme de prévention de l’employeur répond-il bel et bien aux exigences de la loi à ce sujet? Et quelles sont ces exigences légales? Le tribunal n’est pas en mesure de répondre à ces questions à la lecture de la décision du premier juge administratif.

 

[…]

 

[53]      Le premier juge administratif n’était cependant pas saisi, dans le dossier    344356-01C-0803, d’un litige similaire à celui du dossier 393756-01C-0911 : il devait trancher la question de savoir ce qui devait se retrouver dans le programme de prévention de l’employeur et non uniquement déterminer si une intervention était nécessaire en fonction de la situation qui prévalait au moment de son audience.

 

[54]      Il ressortait clairement des rapports d’intervention de l’inspecteur de la CSST que le programme de prévention devait contenir des mesures applicables lors « de la survenance de situations pour lesquelles il y a une surpopulation carcérale » et « lorsque la surpopulation carcérale ne peut être évitée », ce qui implique que la surpopulation n’ait pas à être constante ni même régulière pour que le programme de prévention doive permette d’y faire face adéquatement lorsqu’elle survient.

 

 

[86]        Avec respect, le tribunal estime que CLP2 se méprend sur l'objet du litige que CLP1 devait trancher dans le dossier 344356-01C-0803 lorsqu'elle indique au paragraphe 44 de la décision que CLP1 devait vérifier « si le programme de prévention de l’employeur contenait bel et bien des mesures satisfaisantes quant à l’exercice du travail des agents de services correctionnels en période de surpopulation, eu égard à la Loi sur la santé et la sécurité du travail et à l’objectif qu’elle poursuit » et au paragraphe 53, qu'il « devait trancher la question de savoir ce qui devait se retrouver dans le programme de prévention de l’employeur et non uniquement déterminer si une intervention était nécessaire en fonction de la situation qui prévalait au moment de son audience ».

[87]        Comme le mentionne CLP1 au paragraphe 23 de la décision, à la suite de la première journée d'audience du 28 octobre 2008, les parties ont eu plusieurs rencontres « dans le but de trouver et d’élaborer une méthode de travail sécuritaire lors des opérations quotidiennes du centre de détention, tant en période de surpopulation carcérale qu’en période d’achalandage moindre » et qu'elles sont parvenues « à dégager un consensus assez large sur l’organisation du travail dans l’établissement » (notre soulignement).

[88]        Un désaccord subsistait sur trois mesures de prévention que le syndicat voulait intégrer au programme de prévention et ce sont ces seules trois mesures qui ont fait l'objet du débat devant CLP1.

[89]        Tel qu'indiqué clairement par son représentant lors de l'audience de CLP1, la demande du syndicat dans le dossier 344356-01C-0803, soit celui qui concernait la situation de surpopulation, visait uniquement la mise en place de l'équipe d'intervention d'urgence de cinq ASC réclamé dans l'autre dossier

[90]        Les propos suivants échangés entre le juge administratif et le représentant du syndicat lors de l'audience du 30 novembre 2009 ne présente aucune ambigüité à cet égard :

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

Alors, maître Lallier et je pense que vous allez devoir être exhaustif, qu'est-ce que vous demandez à la Commission des lésions professionnelles tant dans le dossier de la surpopulation que dans celui qui vient de nous être soumis récemment?

 

MAÎTRE LALLIER :

 

On demande à la CLP strictement l'article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Et, dans ce contexte-là, tant dans le premier dossier que dans le second dossier, d'ordonner à l'employeur de maintenir, de mettre en place et de maintenir une équipe d'intervention d'urgence composée de 5 personnes.

 

[…]

MONSIEUR LE COMMISSAIRE :

 

Ça, c'est donc une demande qui est applicable tant au dossier 300… le premier que le deuxième?

 

ME SYLVAIN LALLIER :

 

Tout à fait. [sic]

 

 

[91]        CLP1 n'avait pas à évaluer l'ensemble des mesures contenues au programme de prévention en période de surpopulation alors qu'il n'y avait aucune autre demande de la part du syndicat que celle concernant la mise en place d'une équipe d'intervention d'urgence. En refusant cette demande, CLP1 répond à la question qu'il avait à trancher dans le dossier 344356-01C-0803.

[92]        Dans cette perspective, la conclusion suivante de CLP2 apparaît manifestement erronée :

[51]      Or, la lecture de la décision du premier juge administratif ne permet pas de savoir s’il a vraiment évalué, et de quelle façon le cas échéant, la situation particulière qui prévaut en période de surpopulation, les risques et dangers y associés et le caractère approprié et suffisant des mesures du programme de prévention à ce sujet précis (qu’il ne rapporte d’ailleurs pas en tant que tel). Il est en fait impossible à la lecture de la décision de répondre aux questions précitées, de savoir quels éléments ont été retenus par le premier juge administratif, l’analyse qu’il en a faite et, somme toute, de connaître la motivation de sa décision sur cette question particulière du programme de prévention eu égard aux périodes de surpopulation carcérale, ce qui constituait pourtant la question en litige dans le dossier 344356-01C-0803.

 

 

[93]        Une telle conclusion n'aurait pu être justifiée que si l'objet du litige avait porté sur l'ensemble des mesures contenues au programme de prévention en période de surpopulation, ce qui n'est pas le cas.

[94]        Par ailleurs, en ce qui a trait à la demande de la mise en place d'une équipe d'intervention d'urgence de cinq ASC, le fait que CLP1 n'ait pas traité distinctement les situations de surpopulation carcérale et de population régulière ne peut constituer une erreur puisque le débat concernant l'équipe d'intervention d'urgence n'a pas mis en évidence une problématique particulière causée par la situation de surpopulation sinon qu'une augmentation possible des problèmes qui étaient susceptibles de se présenter en période régulière.

[95]        Dans son résumé de la preuve, CLP1 fait état de ces problèmes dans les termes suivants :

[68]      La preuve présentée permet notamment de conclure que lors de leur admission, les personnes incarcérées sont fouillées et assignées immédiatement à un secteur de vie sans faire l’objet d’une période d’observation préalable. En outre, à l’époque contemporaine aux décisions de l’inspecteur, l’établissement n’a pas élaboré de procédures de classement.

 

[69]      Or, la clientèle du centre de détention de New Carlisle est diversifiée, les prévenus et les détenus se côtoyant de façon indifférenciée. Par ailleurs, la lourdeur des cas augmente, le centre de détention abritant de plus en plus des clients éprouvant des problèmes psychologiques variés et dont les comportements sont imprévisibles.

 

[70]      La preuve permet en outre de constater la circulation de drogues et d’articles prohibés à l’intérieur du centre de détention.*

 

[71]      En outre, elle révèle que le centre de détention a dû faire face à un phénomène de surpopulation chronique à une période donnée.

 

[72]      Dans son rapport annuel pour l’année 2006-2007,[12] le Protecteur du citoyen décrit d’ailleurs comme suit la situation à laquelle doivent en général faire face les ASC dans leur travail quotidien :

 

« Au-delà de ce taux d’occupation, la gestion des places en établissement devient plus difficile et risquée. Pour bien comprendre l’ampleur de la problématique, il est nécessaire de tenir compte des nombreuses contraintes propres à la gestion carcérale. Le classement des personnes incarcérées en fonction de leur statut, prévenus8 et détenus, la protection devant être accordée à certains individus et la présence de femmes temporairement incarcérées dans les établissements destinés à la clientèle masculine se trouve au nombre de ces contraintes. Le milieu doit également composer avec la lourdeur de la clientèle ayant des besoins spécifiques comme, par exemple, les groupes criminalisés et les personnes qui ont des problèmes de santé mentale. La gestion de ces réalités dans un contexte de surpopulation est très complexe et implique des décisions dont l’impact doit être mesuré. »

 

[73]      Ces différentes problématiques s’ajoutent aux ratés dans l’utilisation des instruments de communication des ASC et dans l’entretien de certains équipements nécessaires à leur travail. En outre, ces derniers remettent en cause la suffisance de leur formation pour occuper leur poste.

__________

*       Note omise

 

 

[96]        La lecture des motifs de la décision concernant l'équipe d'intervention d'urgence permet de retenir que CLP1 a évalué le besoin de mise en place de cette équipe globalement, en tenant compte non seulement du fait que l'employeur avait ajouté un ASC lorsqu'il y a eu une situation de surpopulation carcérale, mais également et surtout du fait que plusieurs nouvelles mesures de prévention adoptées depuis 2007 « ont outillé le personnel en place pour qu'il soit en mesure d'exécuter d'accomplir ses tâches de façon sécuritaire et de composer avec des situations explosives ou tout simplement tendues ». CLP1 ajoute au surplus quelques mesures de prévention pour remédier à certaines lacunes révélées par la preuve.

[97]        Même si elle ne discute pas en détail chaque élément de la preuve qu'elle invoque au soutien de sa conclusion, CLP1 motive celle-ci en 40 paragraphes et on comprend très bien les raisons qui l'amènent à refuser la demande du syndicat concernant la mise en place d'une équipe d'intervention d'urgence que ce soit en situation de surpopulation carcérale ou de population régulière.

[98]        La jurisprudence[13] n'exige pas qu'un juge administratif fasse état de tous les éléments de preuve que contient un dossier ni qu'il tranche tous les arguments qui lui sont présentés dans la mesure où sa décision est suffisamment motivée, ce qui est le cas lorsque sa lecture permet d'en comprendre les fondements.

[99]        La Commission des lésions professionnelles rappelle cette règle dans les termes suivants dans la décision Hydro-Québec et Commission de la santé et de la sécurité du travail[14] rendue récemment :

[48]      Or, il est bien établi par la jurisprudence7 que le premier juge administratif n’a pas à reprendre tous les éléments de la preuve dans les détails, ni à commenter tous les faits en autant qu’il réponde aux questions en litige et que l’on comprenne les fondements de sa décision.

 

[49]      En outre, récemment, la Cour supérieure a rappelé dans l’affaire Rona inc. c. C.L.P. et C.S.S.T.8 dans le cadre d’une décision accueillant une requête en révision judiciaire à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, qui avait accueillie une requête en vertu du troisième alinéa de l’article 429.56 de la loi, que le premier juge administratif n’avait pas l’obligation de discuter de tous les éléments de preuve dès lors qu’il était d’avis que ce n’était pas pertinent pour les fins de l’intelligibilité de sa décision.

__________

7      Langlois et C.L.S.C. Hochelaga-Maisonneuve, C.L.P. 89822-63-9706, 21 janvier 1999, C. Demers; Mitchell inc. c. C.L.P., C.S. Montréal, 500-05-046143-986, 21 juin 1999, j. Courville; Manufacture Lingerie Château inc. c. C.L.P., C.S. Montréal, 500-05-065039-016, 1er octobre 2001, j. Poulin; Duguay et Boîte Major inc., C.L.P. 133845-71-0003, 19 juillet 2002, C.-A. Ducharme; Beaulieu et Commission scolaire des Phares, C.L.P. 128786-01A-9912, 24 février 2006, C.-A. Ducharme.

8.     [2012] QCCS, 3949.

 

 

[100]     Dans un arrêt récent rendu le 29 novembre 2012, Construction Labour Relations c. Driver Iron Inc.[15], la Cour suprême du Canada émet une opinion au même effet lorsqu'elle écrit :

[2]        Le pourvoi est bien fondé. La commission a pris en compte les dispositions pertinentes du Code et les faits que les parties lui ont présentés. Son interprétation du Code et ses conclusions étaient raisonnables. Sa décision commandait la déférence. La Cour d'appel ne disposait d'aucun motif valable pour exercer son pouvoir de contrôle et d'annuler la décision. Elle a centré son examen sur la prétention que la Commission n'avait pas accordé suffisamment d'attention à l'interaction entre l'al. 176(1)b) et l'article 178 du Code et aux interprétations possibles de ces dispositions et du par. 176(2).

 

[3]        La commission n'était pas tenue de traiter expressément de toutes les interprétations possibles de ces dispositions. Notre Cour a insisté sur le fait qu'un tribunal administratif n'a pas l'obligation d'examiner et de commenter dans ses motifs chaque argument soulevé par les parties. La question que doit trancher le tribunal judiciaire demeure celle de savoir si la décision attaquée, considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier est raisonnable. (Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre-Neuve et Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 , [2011] 3 R.C.S. 708 ).

 

 

[101]     Ces enseignements de la jurisprudence sont d'autant plus applicables au présent cas que dans les remarques préliminaires qu'elle fait au début de la décision, CLP1 prend soin d'indiquer que dans le but de protéger les travailleurs du centre de détention de New Carliste, elle n'entendait pas détailler tous les éléments justifiant sa décision.

[102]     Ce n'est pas parce qu'une décision aurait pu être motivée plus amplement ou encore différemment que cette situation donne ouverture à sa révision. La révision d'une décision en raison de la déficience de sa motivation ne s'impose que lorsque l'insuffisance de la motivation est telle qu'elle puisse être assimilée à une absence totale de motivation.

[103]     Ce n'est certainement pas le cas de la décision CLP1 en ce qui concerne le refus de la mise sur place d'une équipe d'intervention d'urgence de cinq ASC.

[104]     Pour ces raisons, Dans ce contexte, la conclusion de CLP2 voulant que CLP1 ait commis une erreur manifeste et déterminante en raison de son omission de tenir compte d'un élément de preuve pertinent et de son absence de motivation constitue un vice de fond qui justifie la révision de la décision CLP2.

[105]     En ce qui a trait à l'argument concernant le fardeau de preuve, le tribunal note que CLP2 considère que « la lecture du la décision du premier juge administratif ne permet pas de bien identifier le fardeau de preuve retenu », mais elle n'examine pas davantage s'il y a matière à révision de la décision, compte tenu de sa conclusion sur les deux premiers arguments invoqués par le syndicat.

[106]     Comme le tribunal estime que la décision du 31 mai 2012 doit être révisée, il y a lieu d'examiner le bien-fondé de cet argument. Rappelons que le représentant du syndicat reproche à CLP1 d'avoir imposé implicitement au syndicat le fardeau d'établir l'existence d'un danger en écrivant au paragraphe 126 de la décision que la mise en place d'une équipe d'urgence ne constituait pas « une mesure essentielle » pour assurer la santé, la sécurité et l'intégrité physique des ASC.

[107]     Les arguments que la représentante de l'employeur a soumis à CLP2 doivent être retenus. D'une part, CLP1 n'indique pas comme tel qu'il refuse la demande du syndicat parce que la preuve n'établit pas la présence d'un danger.

[108]      D'autre part, même si tel était le cas, cela ne pourrait pas justifier la révision de la décision parce qu'il existe deux courants de jurisprudence sur la question, comme en témoigne la décision Sobey's Québec inc. et Délég. SST & Co-pres CSS-Sobey's[16], à laquelle a référé la représentante de l'employeur dans les arguments soumis à CLP2, et que le fait qu'un décideur opte pour un courant plutôt qu'un autre ne constitue pas un motif de révision[17].

[109]     Après considération des arguments soumis par les représentants des parties, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que l'employeur a établi que la décision rendue le 31 mai 2012 par CLP2 comporte des vices de fond qui justifient sa révision.

[110]     Procédant à la révision de cette décision, pour les raisons exposées précédemment, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que le syndicat n'a pas démontré que la décision CLP1 comporte un vice de fond qui est de nature à l'invalider et en conséquence, que sa requête en révision ou en révocation doit être rejetée.

[111]     Il n'y a pas lieu de modifier le dispositif de la décision dans le dossier 393756-01C-0911 pour corriger les erreurs qu'il comporte puisque malgré les termes impropres employés, on en comprend très bien le contenu et la portée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révision du ministère de la Sécurité publique;

RÉVISE la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 31 mai 2012;

REJETTE la requête en révision du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

Me Sylvain Lallier

Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Isabelle Robitaille

Crevier, Royer Conseil du trésor

Représentante du Ministère de la Sécurité publique

 



[1]           Il ne sera plus question de cette dérogation par la suite.

[2]           L.R.Q. c. S-2.1

[3]           L.R.Q. c. A-3.001

[4]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .

[5]           Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P. 180 ; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix.

[6]           [2003] C.L.P. 601 (C.A.).

[7]           [2005] C.L.P. 626 (C.A.); au même effet : CSST et Toulimi, C.A. 500-09-015132-046, 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette, Bich, 05LP-159.

[8]           C.L.P. 224235-63-0401, 12 janvier 2006, L. Nadeau.

[9]           [2000] C.L.P. 774

[10]         C.L.P. 137750-64-0005, 31 juillet 2001, S. Di Pasquale

[11]         C.L.P. 147844-72-0010, 2 juin 2005, L. Nadeau

[12]         Voir pièce T-21.

[13]          Mitchell inc. c. C.L.P., C.S. Montréal, 500-05-046143-986, 21 juin 1999, j. Courville, D.T.E. 99T-711 ; Manufacture Lingerie Château inc. c. C.L.P., C.S. Montréal, 500-05-065039-016, 01-10-01, j. Poulin, (01LP-92)

[14]         2012 QCCLP 7780

[15]         2012 CSC 65

[16]         2010 QCCLP 8131 , requête en révision judiciaire accueillie en partie sur une autre question, 2012 QCCS 3110 .

[17]         Bouchons Mac inc. et Marois, 2008 QCCLP 5796 ; Petit et Cegep de l'Abitibi-Témiscamingue, 2010 QCCLP 5627 .

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