COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE

                       LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                   QUÉBEC, le 19 juillet 1994

 

 

 

DISTRICT D'APPEL         DEVANT LE COMMISSAIRE:     Denys Beaulieu, avocat

DE QUÉBEC

 

 

RÉGION: QUÉBEC           ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR:    Jacques Archambault, médecin

DOSSIERS: 39466-03-9205

          53730-03-9309

          53731-03-9309

 

DOSSIER CSST: 102277043 AUDITION TENUE LE:          21 juin 1994

 

 

 

                         À:                         Québec

 

                                                                           

 

 

 

                         LES ENTREPRISES LOMA LTÉE

                         777, Avenue Larue

                         C.P. 5065

                         Beauport (Québec)

                         G1C 6B3

 

                                                    PARTIE APPELANTE

 

 

                         et

 

 

                         MONSIEUR ROBIN HARVEY

                         9425, Avenue Bourret

                         Charlesbourg (Québec)

                         G1C 6H2

 

 

                                                    PARTIE INTÉRESSÉE


                 D É C I S I O N

 

Dossier 39466-03-9205

Le 11 mai 1992, Les Entreprises Loma Ltée [l'employeur] dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles [la Commission d'appel] une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail [la Commission] le 10 avril 1992.  Cette décision entérine l'avis du Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires [Comité spécial des présidents] rendu le 18 mars 1992 quant au diagnostic et à l'existence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur, monsieur Robin Harvey,  ainsi qu'à l'existence de limitations fonctionnelles résultant de sa maladie.

 

 

Dossier 53730-03-9309

Le 14 septembre 1993, l'employeur dépose à la Commission d'appel une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision unanime rendue le 23 juillet 1993 par le bureau de révision de Québec.  Cette décision rejette la demande de révision de l'employeur et maintient la décision rendue par la Commission le 10 avril 1992 quant au droit du travailleur à une indemnité pour dommages corporels.

 

 

Dossier 53731-03-9309

Le 14 septembre 1993, l'employeur dépose à la Commission d'appel une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision unanime rendue le 23 juillet 1993 par le bureau de révision de Québec.  Cette décision comporte trois volets, à savoir premièrement une question préliminaire relative au délai pour la production de la réclamation, deuxièmement une question préliminaire relative à la composition du Comité des maladies professionnelles pulmonaires (Comité de pneumoconiose) et, troisièmement, quant au fond du litige.

 

À l'audience, les parties sont présentes et représentées par procureurs.

 

OBJET DES APPELS

 

Dossier 39466-03-9205

L'employeur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision rendue par la Commission le 10 avril 1992 quant au diagnostic et quant à l'évaluation du pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique du travailleur.

 

 

Dossier 53730-03-9309 et 53731-03-9309

L'employeur demande à la Commission d'appel d'infirmer les deux décisions rendues par le bureau de révision le 23 juillet 1993, l'une à l'effet de reconnaître que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle et confirmant ainsi la décision rendue par la Commission le 16 avril 1992, alors que l'autre confirme le droit du travailleur de recevoir une indemnité pour dommages corporels en raison de la décision qui précède.  L'employeur prétend que le travailleur n'est pas atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire et qu'à ce titre, il n'a pas droit à une indemnité pour dommages corporels.

 

LES FAITS

 

La preuve documentaire dont dispose la Commission d'appel révèle que le travailleur a été à l'emploi de la compagnie Les Entreprises Loma Ltée à titre de mécanicien d'entretien pendant une période d'environ sept ans comprise entre 1984 et 1991.  L'employeur est un entrepreneur spécialisé dans la production de pierres de silice.

 

Le 14 novembre 1991, le travailleur complète un formulaire «réclamation du travailleur» dans lequel il décrit l'événement de la façon suivante:

 

«J'ai travaillé pendant 6 ans dans la silice et aujourd'hui, j'ai de petits problèmes de poumon et je suis vu par un médecin et je veux guérir ce problème.  Durant mes années de travail dans la silice, j'ai travaillé comme ensacheur et après, comme mécanicien d'entretien.  Pour plus d'information consulter médecin.»(sic)

 

 

Ce formulaire de réclamation est accompagné d'un formulaire d'attestation médicale complété par le Dr Serge Boucher, pneumologue, qui pose un diagnostic de «silicose probable» avec demande de soumettre la réclamation au Comité des maladies professionnelles pulmonaires.  Ces deux documents font référence au 4 août 1990 comme date d'événement.

 

Ce formulaire d'attestation médicale est accompagné d'un rapport de consultation signé par le Dr Boucher.  Le tribunal en reproduit les extraits suivants:

 

 

«(...)

 

Son second problème se situe au niveau d'infiltrations pulmonaires d'allure nodulaire.  Dans le passé, nous avions discuté avec Robin à ce sujet.  L'hypothèse d'une silicose avait été soulevée.  Par contre, le patient préférait ne pas présenter son cas à la CSST compte tenu des problèmes que ceci pouvait soulever avec son employeur.  Il ne travaille plus pour le même employeur présentement et se dit d'accord pour présenter son cas à la CSST chose que nous avons faite dès aujourd'hui.(...)»

 

Préalablement à cette consultation du 14 novembre 1991, le travailleur avait déjà consulté le Dr Boucher pour des problèmes de nature pulmonaire.

 

Ainsi, le travailleur s'était soumis à une radiographie en date du 23 mai 1988 à la demande du Dr Boucher.  L'opinion du radiologiste est la suivante:

 

 

«OPINION:

 

Infiltration interstitielle pulmonaire avec possibilité d'adénopathies au hile gauche.

 

Le diagnostic différentiel inclus les pneumoconioses dont la silicose, certaines pneumopathies extrinsèques allergiques, les pneumonites interstitielles et doit aussi inclure la sarcoïdose bien que les ganglions devraient être symétriques dans cette dernière possibilité.

 

À moins que le passé médical de ce patient ne soit connu, il faudrait faire une investigation afin de tenter de préciser le diagnostic.» (sic)

 

 

Le 19 juillet 1988, le Dr Boucher complète un rapport de consultation dans lequel son impression est la suivante:

 

«Le premier diagnostic que nous envisageons devant un tel tableau est une sarcoïdose.»

 

Le Dr Boucher réitère ce diagnostic dans un rapport de consultation du 20 septembre 1988.  Quelques mois plus tard, soit le 13 décembre 1988, le Dr Boucher indique que le travailleur semble présenter une «trachéo-bronchite avec un certain degré de rhinite».  Son rapport de consultation contient la mention suivante:

 

«P.S.: J'ai discuté à quelques reprises avec M. Harvey de la possibilité que son cas soit présenté à un Comité des Maladies Pulmonaires Professionnelles de la CSST pour statuer sur l'existence ou non d'une silicose.  Ceci, même si les principaux éléments dont nous disposons concordent plutôt avec une sarcoïdose en particulier le fait qu'il ait eu une exposition courte aux poussières de silice.  M. Harvey comprend très bien la situation et pour le moment, il préfère qu'on ne présente pas son cas à la CSST.  Nous soumettons son dossier s'il le désire seulement.»

 

 

Le 22 août 1989, le Dr Boucher examine à nouveau le travailleur et il réitère son diagnostic de «fibrose probablement due à une sarcoïdose».

 

Ces éléments constituent l'essentiel de la preuve médicale antérieure à la consultation du Dr Boucher du 14 novembre 1991 ayant justifié la réclamation du travailleur.

 

Le 21 février 1992, le Comité de pneumoconiose, composé des Drs Marc Desmeules, Serge Boucher et Jean-Guy Parent, pneumologues, a procédé à l'évaluation du dossier du travailleur.  Le tribunal reproduit ici certains extraits de son rapport:

 

«(...)

 

TESTS DE FONCTION RESPIRATOIRE:

 

Évidence d'un syndrome restrictif de sévérité modérée avec une diffusion encore dans les limites de la normale.  Il y a une nette diminution de la compliance pulmonaire avec élévation marquée de la pression élastique maximale trans-pulmonaire.  L'épreuve d'effort a permis d'atteindre le maximum avec toutefois un certain degré d'hyperventilation relative par rapport à la réserve ventilatoire.  Il y a eu désaturation artérielle significative.  Après effort, il n'y a pas eu de chute du VEMS.

 

OPINION & COMMENTAIRES:

 

Ce réclamant a subi une exposition d'environ sept ans dans une usine de conditionnement de la silice.  L'exposition nous apparaît avoir été intense à une silice finement pulvérisée pure.  La radiographie montre des petites opacités nodulaires profuses aux deux plages.  On note des anomalies restrictives qui nous apparaissent rattachables à cette maladie.

 

Le comité est d'avis qu'on doit reconnaître M. Harvey porteur d'une silicose à forme accélérée.  Nous recommandons d'établir ainsi le BILAN DES SÉQUELLES:

 

223001  Maladie irréversible                       5 %

223136  Déficit fonctionnel classe 2              20 %

223118  Anomalies de la fonction

           respiratoire                           10 %

223065  Sévérité des anomalies                          radiologiques     5 %

 

  TOTAL:                                    40 %

 

 

TOLÉRANCE AUX CONTAMINANTS:

 

Désormais, ce réclamant devra éviter toute exposition professionnelle à la silice.

 

 

 

LIMITATION FONCTIONNELLE:

 

Tolérance normale à la condition de respecter les restrictions concernant les contaminants.

 

RÉÉVALUATION:

 

Dans trois ans à cause du caractère évolutif de cette maladie.»

 

 

Le 19 mars 1992, le Comité spécial des présidents, composé des Drs Raymond Bégin, Jean-Jacques Gauthier et Gaston Ostiguy, pneumologues, a étudié le dossier du travailleur.  Le tribunal reproduit ici certains extraits de son rapport:

 

«(...)

 

À la suite de cet examen, ils entérinent les conclusions émises par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles.  Ils sont d'accord que ce réclamant présente une silicose.  À notre avis, il s'agit d'une silice à forme accélérée.

 

Bilan des séquelles

 

Code    Description                              % DAP

 

223001  MPP à caractère irréversible               5 %

223136  Classe fonctionnelle 2                    20 %

223118  -anomalies importantes de la

         fonction respiratoire                    10 %

223065  -anomalies discrètes

         radiologiques                             5 %

                                                          

                                       DAP TOTAL: 40 %

 

 

Tolérance aux contaminants:

 

Désormais, ce réclamant devra éviter toute exposition professionnelle à la silice.

 

 

Limitations fonctionnelles:

 

La tolérance est normale, à condition de respecter les restrictions concernant les contaminants.

 

 

 

 

 

 

Recommandations complémentaires:

 

Nous avons revu les radiographies antérieures et, à notre avis, à partir de 1987 déjà il existait des signes radiologiques francs de silicose.

 

Nous recommandons donc que le diagnostic ou les compensations soient appliquées à partir de 1987.

 

 

Réévaluation:

 

Une réévaluation est proposée dans deux ans, compte tenu du caractère agressif de cette maladie.»

 

 

Le 10 avril 1992, la Commission rend une décision entérinant les conclusions du Comité spécial des présidents, conformément à la loi.  La Commission informe le travailleur qu'il a donc droit aux indemnités prévues à la loi et qu'une décision statuera quant au pourcentage d'atteinte permanente à son intégrité physique et à l'indemnité qui y correspond.  Il s'agit de la décision de première instance à l'origine du premier et du second appel (39466-03-9205 et 53730-03-9309).

 

Le 15 avril 1992, la Commission rend une décision informant le travailleur que son pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique a été établi à 52% et que ce pourcentage sert à déterminer un montant forfaitaire de 27 626,04 $ auquel il aura droit et qui lui sera versé à la fin des délais de contestation.

 

Le 16 avril 1992, la Commission rend une décision informant le travailleur de la reconnaissance de sa lésion professionnelle à titre de maladie professionnelle.  Il s'agit de la décision de première instance à l'origine du troisième appel (53731-03-9309).

 

Le 20 octobre 1992, le commissaire soussigné rendait une ordonnance permettant le complément de la preuve médicale versée au dossier.  Cette ordonnance fut satisfaite dans les délais prescrits.

 

Préalablement au début de l'audience, l'employeur a produit un document contenant certains extraits du dossier médical du travailleur postérieurs à l'ordonnance rendue par la Commission d'appel le 20 octobre 1992 (document E-1 en liasse).

 

Il ressort de l'examen de cette documentation de nature médicale que le Dr Tardif, radiologiste, a interprété les films de radiographie pulmonaire du travailleur à compter de 1985.  Le 1er novembre 1988, le Dr Tardif suggère d'abord une «possibilité de sarcoïdose», diagnostic qu'il réitère le 21 décembre 1989.  Toutefois, le 5 juin 1991 son impression est la suivante:

 

«Sarcoïdose à éliminer, silicose possible + probable à référer au Comité des pneumoconioses.»

 

 

Enfin, le tribunal reproduit ici les conclusions et commentaires du Dr Serge Boucher dans un rapport daté du 14 avril 1992:

 

 

«(...)

 

Conclusions et commentaires:

 

Le dossier de M. Harvey est actuellement à compléter par la CSST face à la possibilité d'une silicose.  D'autre part, il présente un certain degré d'asthme.  Enfin, qu'il est quelque peu surprenant de retrouver une très légère restriction puisque dans les silicoses en général, les épreuves de fonction respiratoire sont peu perturbées.  Nous surveillerons l'évolution pour le cas où éventuellement il s'agirait d'une sarcoïdose évolutive.  Néanmoins, des infiltrations pulmonaires nodulaires existant depuis longtemps et étant stables, la possibilité d'une évolution demeure moins plausible.»

 

À l'audience, l'employeur a fait témoigner le travailleur à titre de premier témoin.  Son témoignage n'a servi qu'à établir la date de la connaissance du diagnostic de «silicose».  Le travailleur a été formel quant à une date se situant entre l'été et l'automne 1991.  Avant cette date, le Dr Boucher ne lui aurait parlé que d'un diagnostic de «sarcoïdose».

 

Le Dr Serge Boucher fut interrogé à titre de second témoin par l'employeur.  Le Dr Boucher est le pneumologue agissant comme médecin traitant du travailleur.

 

Son témoignage a principalement servi à interpréter les différents rapports d'examens et de tests spécifiques versés en preuve au dossier d'appel.

 

D'autre part, le Dr Boucher a tenu à préciser qu'il n'avait pas participé aux discussions du Comité de pneumoconiose parce qu'il agissait justement comme médecin traitant du travailleur.  Il a néanmoins commenté le déficit anatomo-physiologique attribué par le comité et qui a été établi en fonction des résultats des tests spécifiques.

 

En réponse à une question du tribunal, le Dr Boucher a précisé qu'il a pu identifier avec une certaine justesse, le diagnostic de silicose à compter de l'été de 1991.  Préalablement à cette date, il a toujours maintenu le diagnostic original de sarcoïdose.

 

Le travailleur n'a pas offert de contre-preuve. 

 

 

 

ARGUMENTATION

 

Le procureur de l'employeur a soumis une argumentation scindée en trois volets.  Il a plaidé premièrement que la réclamation du travailleur avait été faite à l'extérieur du délai de six mois prévu à l'article 272 de la loi.  Au soutien de cette prétention, il a attiré l'attention du tribunal notamment sur le post-scriptum du Dr  Boucher dans son rapport du 13 décembre 1988 et sur l'opinion du Comité spécial des présidents à l'effet qu'il existait des signes radiologiques francs de silicose depuis 1987.

 

En guise de second argument, le procureur de l'employeur a soumis que le Dr Boucher ne pouvait agir comme membre du Comité de pneumoconiose étant donné qu'il agissait déjà comme médecin traitant du travailleur.  Il y a donc là apparence de partialité, le Dr Boucher s'étant placé dans une situation de conflit d'intérêt.  Il appartient donc au tribunal de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu ou de retourner le dossier à la Commission pour qu'un processus conforme puisse être suivi dans cette affaire.  

 

Enfin, le procureur de l'employeur a soumis un troisième argument relatif à l'exagération du déficit anatomo-physiologique et au diagnostic, laissant quand même le tout à la discrétion du tribunal.

 

En contrepartie, le procureur du travailleur a rappelé au tribunal que celui-ci s'était exprimé catégoriquement quant à sa connaissance du diagnostic de «silicose» à compter de l'été 1991.  Sous cet aspect, le témoignage du Dr Boucher a corroboré cette version offerte par le travailleur. 

Quant aux trois aspects de la plaidoirie soumise par la partie adverse, le procureur du travailleur a soutenu que l'employeur ajoutait certains éléments à l'article 272 de la loi puisqu'il y est question d'un travailleur atteint d'une maladie et non pas de la possibilité qu'il soit atteint d'une telle maladie.  Il y aurait là une nuance très nette entre les deux concepts.

 

En ce qui a trait au rôle du Dr Boucher qui a siégé sur le Comité de pneumoconiose, le procureur du travailleur a plaidé que ce comité ne constitue pas un organisme quasi-judiciaire et que la décision finale est rendue par la Commission.  L'argument qu'en tire l'employeur serait donc inapproprié dans les circonstances.

 

Sur le fond, le procureur du travailleur a insisté sur le fait que six pneumologues et un radiologiste ont confirmé un diagnostic de «silicose».  Cette preuve n'a pas été contredite et le témoignage rendu par le Dr Boucher à l'audience a permis d'établir la justesse et l'exactitude du déficit anatomo-physiologique décrit dans le rapport de pneumoconiose.

 

Enfin, le procureur du travailleur a soumis au tribunal que la décision rendue par le bureau de révision s'avérait très bonne et qu'il faisait siens tous les commentaires qui y apparaissaient.

 

Les deux procureurs ont fait référence à des décisions de jurisprudence dont la nomenclature apparaît en annexe de la présente décision.

 

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission d'appel doit disposer des appels dont elle est saisie de la façon suivante:

 

Dossier 39466-03-9205

Elle doit d'une part statuer sur la justesse et l'exactitude de la décision rendue par la Commission le 10 avril 1992, celle-ci ayant entériné les conclusions du Comité spécial des présidents.

 

 

Dossier 53730-03-9309

Dans ce dossier, la Commission d'appel doit statuer sur la pertinence de la décision rendue par le bureau de révision le 23 juillet 1993 quant au droit du travailleur à recevoir une indemnité pour dommages corporels tel que le précisait la Commission dans sa décision du 10 avril 1992.

 

 

Dossier 53731-03-9309

Dans cette affaire, la Commission d'appel doit disposer des trois aspects de la contestation de l'employeur, à savoir premièrement, le délai tardif de production de réclamation par le travailleur, deuxièmement, l'apparence de partialité du Dr Boucher qui a siégé en tant que membre du Comité de pneumoconiose et, troisièmement, déterminer si le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle.

 

Le tribunal dispose tout d'abord des trois volets du troisième appel, ceux-ci ayant une influence déterminante sur les deux premiers appels.

 

Ainsi, quant au délai de production de la réclamation du travailleur, l'article 272 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) énonce ce qui suit:

 

 

272.  Le travailleur atteint d'une mala­die professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du tra­vailleur ou du bénéficiaire que le tra­vailleur est atteint d'une maladie pro­fessionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.

 

Ce formulaire porte notamment sur les nom et adresse de chaque employeur pour qui le travailleur a exercé un travail de nature à engendrer sa maladie profession­nelle.

 

La Commission transmet copie de ce formu­laire à chacun des employeurs dont le nom y apparaît.

 

Dans le cas sous étude, la preuve révèle que le travailleur a produit sa réclamation le 14 novembre 1991, à la suite d'une consultation du Dr Boucher du même jour.  Il s'agissait de la première fois que le diagnostic de silicose avait été posé en regard de la symptomatologie présentée par le travailleur.  Il est toutefois exact de prétendre que ce diagnostic avait été évoqué par le passé comme le démontre la documentation dont dispose le tribunal.  Toutefois, l'article 272 indique clairement que la réclamation doit être produite dans les six mois «de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle...».  Il ne s'agit pas ici d'interpréter une disposition, mais bien plutôt d'en faire une lecture attentive.  Il n'est point question ici d'une présomption ou d'une suspicion de l'existence d'une maladie, mais bien plutôt d'un diagnostic formellement posé par le médecin traitant.

 

À cet égard, le procureur de l'employeur a soutenu que le travailleur aurait dû présenter sa réclamation dès que la possibilité du diagnostic de «silicose» existait, soit vers le mois de mai 1988, lors du rapport radiologique du Dr Bédard.  Cette prétention ne saurait être retenue puisqu'elle conduirait inévitablement à un véritable déferlement de réclamations qui ne seraient pas appuyées d'un diagnostic suffisamment précis.  Le législateur ne peut avoir souhaité ni même envisagé une telle situation, d'ailleurs il ne s'est pas exprimé en ce sens.  En raison de ce qui précède, le tribunal est d'avis que le travailleur a produit sa réclamation conformément aux dispositions de l'article 272 de la loi.

 

En ce qui a trait à la présence du Dr Boucher en tant que membre du Comité des maladies pulmonaires, le tribunal tient à préciser, qu'à ce stade-ci, que ce comité émet des recommandations qui sont soumises à l'attention du Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires.  L'avis de ce dernier Comité spécial est, quant à lui, entériné par la Commission.  Il s'agit là d'une application des articles 230, 231 et 233 de la loi précitée.

 

Le tribunal est tout à fait d'accord avec les commentaires exprimés par le bureau de révision à l'effet que les règles relatives à l'impartialité sont applicables au tribunal ou à l'adjudicateur:  «Elle ne sont pas applicables à celui qui n'a qu'un rôle consultatif.  Elle vise l'adjudicateur dont la conclusion aura un impact réel sur les droits des parties».

 

Le tribunal estime néanmoins qu'il y aurait fort probablement lieu pour le médecin traitant de ne pas siéger sur le Comité de pneumoconiose.  Toutefois, la loi n'impose aucune contrainte à cet égard alors qu'elle prévoit spécifiquement que le président du Comité de pneumoconiose ne peut faire parti du Comité spécial des présidents.

 

Au surplus, dans le cas sous étude, il ressort clairement que les conclusions et recommandations émises par le Comité de pneumoconiose sont appuyées sur les résultats des tests spécifiques et des examens auxquels le travailleur s'est soumis.  Une réévaluation de sa condition est même souhaitée dans un délai de trois ans.

 

À la lumière de ces considérations, le présent tribunal ne peut se rallier à l'argument du procureur de l'employeur voulant que la présence du Dr Boucher laisse planer une apparence de partialité sur le rapport du Comité de pneumoconiose.  Il n'y a donc pas lieu de modifier les décisions rendues par la Commission le 10 avril 1992, ni de retourner le dossier à la Commission pour qu'un processus différent puisse être suivi en regard de cette affaire.

 

Enfin, en ce qui a trait à la reconnaissance de la maladie professionnelle du travailleur, le tribunal a révisé l'ensemble de la volumineuse preuve médicale dont il dispose.  Ces éléments de preuve documentaire s'ajoutent au témoignage clair, précis et concis du Dr Boucher, livré à l'audience.  À cet égard, le procureur de l'employeur s'est livré à un exercice délicat voire téméraire, en tentant de confondre le Dr Boucher sur l'interprétation des résultats des tests spécifiques versés en preuve au dossier d'appel.  Malgré l'insistance manifestée par le procureur sous certains de ces éléments, cet exercice n'a pu servir ses prétentions.

 

D'autre part, comme aucune preuve à l'effet contraire ne lui a été soumise, le tribunal doit considérer l'avis exprimé par les pneumologues qui se sont prononcés quant à l'existence d'une maladie  professionnelle pulmonaire chez le travailleur.  Or, la prépondérance de la preuve médicale révèle que le travailleur est effectivement atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire identifiée comme étant la «silicose» et démontrée par l'ensemble des tests spécifiques auxquels le travailleur s'est prêté depuis 1988.

 

D'autre part, l'opinion du Comité de pneumoconiose quant à l'évaluation du déficit anatomo-physiologique n'a d'aucune façon été contredite ni même atténuée.  En outre, ces recommandations ont été reprises par le Comité spécial des présidents qui les a entérinées.  La Commission a permis d'attribuer un caractère exécutoire à ces conclusions.

 

Enfin, le tribunal a retenu du témoignage du Dr Boucher que la «silicose» ne peut être contractée que par suite d'une exposition à la poussière de silice, qui était précisément le milieu de travail du travailleur.  En cela, cette maladie correspond à la définition que l'on en retrouve à l'article 2 de la loi précitée:

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

«maladie professionnelle»:  une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

 

Ces conclusions auxquelles en arrive le tribunal disposent implicitement des questions de diagnostic, d'existence d'une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles ainsi que du droit du travailleur au versement d'une indemnité de remplacement du revenu.

 

En raison de ce qui précède, le tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux appels de l'employeur.

 

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES:

 

Dispose des appels comme suit:

 

Dossier 39466-03-9205

REJETTE l'appel de l'employeur, Les Entreprise Loma Ltée;

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 avril 1992 entérinant les conclusions émises par le Comité spécial des maladies professionnelles pulmonaires.

 

 

Dossier 53730-03-9309

REJETTE l'appel de l'employeur, Les Entreprise Loma Ltée;

 

CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision le 23 juillet 1993, laquelle maintient la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 avril 1992 quant au droit du travailleur à recevoir les indemnités prévues à la loi.

 

 

Dossier 53731-03-9309

REJETTE l'appel de l'employeur, Les Entreprises Loma Ltée;

 

CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision le 23 juillet 1993;

 

DÉCLARE que le travailleur a produit sa réclamation conformément à la loi;

 

DÉCLARE que la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 avril 1992 est légale et qu'elle n'est entachée d'aucune irrégularité dû au fait de la présence du Dr Serge Boucher, pneumologue, sur le Comité des maladies professionnelles pulmonaires;

 

 

 

DÉCLARE que le travailleur, monsieur Robin Harvey, est atteint d'une maladie professionnelle comme l'avait décidé la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans sa décision du 16 avril 1992.

 

 

 

 

                                                

                           Denys Beaulieu

                           Commissaire

 

 

FLYNN, RIVARD

(Me François Bouchard)

70, Dalhousie, bur. 500

C.P. 190

Québec (Québec)

G1K 7A6

Représentant de la partie appelante

 

 

JOLIN, FOURNIER & ASSOCIÉS

(Me Raymond Gagnon)

2960, boul. Laurier, bur. 500

Sainte-Foy (Québec)

G1V 4S1

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

 

                    DOCTRINE CITÉE

 

Par le travailleur:

 

Accident du travail et maladies professionnelles «Évaluation médicale et droit au retour au travail»  Les Publications CCH/FM Ltée 1994, pp 1,001 et ss.

 

                  JURISPRUDENCE CITÉE

 

 

Par l'employeur:

 

Maria Da Piedade Rodrigues et Rosann Inc. et C.S.S.T. [1990] C.A.L.P., 405

 

Claude St-Hilaire et als c. Paul Bégin et Le Ministre des Affaires municipales du Québec  [1982] C.A., 25

 

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