Décision

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Gabarit EDJ

Syndicat des salariées et salariés d'entretien du RTC inc., CSN c. Provençal

2012 QCCS 3454

JG1603

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

 

N° :

200-17-016029-126

 

 

 

DATE :

Le 3 juillet 2012

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

CLAUDE HENRI GENDREAU, j.c.s.

______________________________________________________________________

 

 

SYNDICAT DES SALARIÉS(ÉES) D’ENTRETIEN DU RTC, CSN INC., 720, rue des Rocailles, Québec, district judiciaire et province de Québec, G2J 1A5

 

Demandeur

c.

 

ME DENIS PROVENÇAL, en sa qualité d’arbitre de griefs, 1300, rue Notre-Dame, case postale 1290, Berthierville, province de Québec, J0K 1A0

 

Défendeur

 

et

 

RÉSEAU DE TRANSPORT DE LA CAPITALE, 720, rue des Rocailles, Québec, district judiciaire et province de Québec, G2J 1A6

 

Mis en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE

EN RÉVISION JUDICIAIRE

______________________________________________________________________

 

[1]           Suite au maintien du congĂ©diement de M... C... et de M... T..., le Syndicat des salariĂ©s(Ă©es) d’entretien du RTC, CSN inc. demande la rĂ©vision et l’annulation de la dĂ©cision arbitrale rendue par Me Denis Provençal le 25 janvier 2012 et de retourner le dossier Ă  un autre arbitre pour qu’une dĂ©cision soit rendue conformĂ©ment Ă  la loi.

[2]           L’arbitre rĂ©sume les faits de la façon suivante :

« Â« [78]  Selon les termes mĂŞmes de la lettre de congĂ©diement, les plaignants ont Ă©tĂ© congĂ©diĂ©s par le RTC pour avoir consommĂ© de l’alcool et de la drogue sur le temps de leur pause repos, le 8 avril 2009.  L’employeur souligne que les plaignants ont contrevenu Ă  la politique de tolĂ©rance zĂ©ro de l’entreprise en matière de consommation de drogues ou d’alcool sur les heures de travail.  De plus, considĂ©rant qu’ils occupent un poste Ă  risque Ă©levĂ©, ils ont mis leur sĂ©curitĂ© en danger ainsi que celle de leurs confrères de travail et des usagers du service public de transport de la Ville.

[79]  Les plaignants prétendent que leur congédiement est illégal parce que c’est une condition personnelle qui faisait en sorte qu’ils abusaient des drogues et alcools.  Les plaignants étaient atteints d’un handicap et l’employeur devait prendre des mesures d’accommodements au lieu de les congédier.

[80]  La dĂ©fense des plaignants Ă  leur congĂ©diement repose pour la majeure partie sur une preuve de faits postĂ©rieurs Ă  la dĂ©cision de l’employeur de terminer leur emploi, le 16 avril 2009.  De fait, il s’agit d’expertises mĂ©dicales pratiquĂ©es par le docteur Vincent auprès des plaignants, les 21 et 26 octobre 2010, soit 18 mois après leur congĂ©diement.  Jurisprudences Ă  l’appui, l’employeur s’est objectĂ© Ă  cette preuve parce qu’il s’agissait de faits qui n’étaient pas portĂ©s Ă  sa connaissance au moment oĂą il a pris la dĂ©cision de congĂ©dier les plaignants et que l’expertise en tant que telle Ă©tait  un Ă©lĂ©ment postĂ©rieur aux congĂ©diements.

(…)

Le contexte factuel

[82]  L’entreprise, le RTC, est une entreprise publique et compte environ 1 500 employĂ©s.  Le RTC a pour mission d’assurer le transport en commun dans la Ville de QuĂ©bec.  Les plaignants occupaient la fonction de mĂ©canicien au dĂ©partement du mineur.  M... C... est Ă  l’emploi du RTC depuis 2005 et M... T... depuis 2006.  La preuve a rĂ©vĂ©lĂ© que dans le cours normal de leur travail, ils doivent manutentionner et installer des pièces volumineuses, utiliser Ă  l’occasion un chariot-Ă©lĂ©vateur, monter les autobus sur des vĂ©rins hydrauliques, les dĂ©placer, faire des rĂ©parations ainsi que d’effectuer des essais routiers sur la voie publique sur plusieurs kilomètres.  Il n’est pas contestĂ© que la nature de leur travail exige qu’ils soient en tout temps vigilants et en possession de toutes leurs facultĂ©s.

[83]  Le RTC a une politique de tolérance zéro en matière de drogues et de l’alcool au travail.  Les employés ne doivent pas se présenter au travail et être sous l’influence de drogues ou d’alcool, ni en consommer sur les heures de travail ou lorsqu’ils sont en service.  Dans le cadre de son programme d’aide aux employés (PAE), le RTC met à la disposition de ses employés qui éprouvent des difficultés avec les drogues ou l’alcool des personnes ressources auxquelles ils peuvent s’adresser en toute confidentialité pour obtenir de l’aide.

[84]  Les plaignants étaient âgés de 23 et 28 ans au moment de leur embauche.  Au questionnaire médical pré-emploi, M... C... a déclaré utiliser du cannabis occasionnellement et prendre de deux à trois consommations d’alcool, deux fois par mois.  M... T... a laissé l’espace réponse en blanc en ce qui a trait à sa consommation de drogues et a déclaré prendre plus ou moins six bières par semaine.  Les plaignants n’ont aucun dossier disciplinaire et, plus particulièrement, aucun reproche ne leur a été adressé en regard de la qualité de leur travail ou de leur productivité.  L’assiduité au travail de M... C... n’a jamais été mise en cause.  En ce qui concerne M... T..., l’employeur a relevé un problème d’absences au mois de janvier 2009 et il a demandé à M... T... de rencontrer le service médical de l’entreprise.  M... T... avait des problèmes gastriques et l’infirmière du RTC informe le chef du service de l’atelier mécanique, M. Lecours, que ses absences sont médicalement justifiées.  Lorsque M... T... a rencontré l’infirmière au mois de janvier et le médecin psychiatre le 5 février en regard de ses problèmes gastriques, il a déclaré ne pas prendre de drogues et consommer entre 6 à 12 bières les fins de semaine.  M... T... n’a pas été importuné par la suite lorsqu’il s’absentait en regard de ses problèmes gastriques.  Bref, jusqu’à la fin du mois de mars 2009, les plaignants sont des salariés sans histoire et l’employeur n’a aucune raison de nourrir à leur endroit quelques soupçons sur leurs habitudes ou l’intensité de leur consommation de drogues ou d’alcool.

[85]  Vers la fin du mois de mars 2009, c’est un contremaître remplaçant qui supervise les deux plaignants.  Ce contremaître observe que les plaignants n’ont pas un comportement normal au travail et il en fait part à M. Lecours.  La décision est prise de prendre les plaignants en filature, mais uniquement lorsqu’ils sont en service.

La filature

[86]  Les enquêteurs retenus par le RTC ont effectué une surveillance des plaignants les 1er, 2 et 8 avril.  Des images captées sur une bande vidéo montrent que les plaignants consomment de la drogue pendant leur pause repas.  Un rapport de filature a également été remis à l’employeur.  Le 8 avril, M. Lecours est informé par un des enquêteurs que les plaignants avaient consommé de la poudre pendant leur temps de repas.  M. Lecours a alors décidé de convoquer les plaignants à une rencontre.  Le syndicat n’a nullement mis en doute la légalité ou même l’opportunité de la décision de l’employeur de pratiquer une filature auprès des plaignants.

Les séquences des événements du 8 au 16 avril 2009

[87]  Le 8 avril, en début de soirée, aussitôt que M. Lecours a été informé que les plaignants avaient consommé de la cocaïne sur l’heure du repas, il les convoque à son bureau avec un représentant syndical.  M. Lecours les informe qu’il a des raisons de croire qu’ils sont sous l’effet de drogues.  Les plaignants ne disent rien et M. Lecours les relève temporairement de leurs fonctions avec solde et leur offre qu’un taxi les raccompagne à leur domicile.  Il est évident qu’il s’agissait de la seule décision à prendre dans les circonstances en regard de la nature du travail des plaignants.  Il devenait impératif, tant pour la sécurité des plaignants que celle de leurs confrères de travail et des usagers d’un service public, de ne pas laisser des mécaniciens sous influence de la cocaïne travailler sur les autobus.

[88]  Le 9 avril, l’employeur transmet une lettre aux plaignants dans laquelle il confirme la teneur de la rencontre du 8 avril et qu’ils sont relevés temporairement de leurs fonctions, avec solde.  L’employeur prend le soin d’écrire noir sur blanc qu’il a des raisons de croire qu’ils étaient sous influence de l’alcool et de la drogue dans la soirée du 8 avril.

[89]  Le 9 avril, l’employeur transmet également un avis de convocation aux plaignants pour une rencontre à être tenue le 15 avril au bureau des ressources humaines.  Il est aussi spécifié à cette lettre que le but de la rencontre est d’obtenir leur version des faits en regard d’avoir consommé de l’alcool lors de leur pause repas et de la drogue sur leur pause repas sur les terrains du RTC.

[90]  En regard de la rencontre du 8 avril et de la lettre du 9 avril, il ne pouvait ĂŞtre plus clair pour les plaignants que l’employeur possĂ©dait des informations sĂ©rieuses sur les reproches qui leur Ă©taient adressĂ©s.  Toutefois, il n’y a aucun preuve qu’entre le 9 et le 15 avril, journĂ©e prĂ©vue pour la rencontre, les plaignants aient rĂ©alisĂ© le sĂ©rieux de la situation dans laquelle ils se trouvaient.  Il n’y a pas de preuve non plus que dans cet intervalle, les plaignants aient communiquĂ© avec leur syndicat pour l’informer de la situation dans laquelle ils Ă©taient impliquĂ©s et qu’ils Ă©prouvaient des problèmes de consommation de drogues et/ou d’alcool.

[91]  Le 15 avril, les plaignants, assistĂ©s du prĂ©sident du syndicat, rencontrent les reprĂ©sentants de l’employeur en regard des Ă©vĂ©nements qui se sont produits en dĂ©but de soirĂ©e du 8 avril.  Lors de cette rencontre, les plaignants non seulement nient avoir consommĂ© de la drogue, mais affirment qu’ils n’ont aucun problème en relation avec la consommation de drogues ou d’alcool.

[92]  Au 15 avril, l’employeur était en possession d’une solide preuve à l’effet que les plaignants avaient consommé de la drogue alors qu’ils étaient en service.  Les plaignants persistent à nier ce qui leur était reproché et réitèrent au surplus n’avoir aucun problème en relation avec la consommation de drogues et d’alcool.  Le PAE n’est donc pas une solution au problème de consommation des plaignants puisqu’ils affirment ne pas en avoir.  L’employeur ne possède aucun indice dans les dossiers des plaignants pouvant laisser entendre qu’un des plaignants, ou les deux, avait un problème d’alcool ou de drogues.

[93]  Le 16 avril, l’employeur, en regard des éléments de preuve recueillis par la filature et des rencontres avec les plaignants ainsi que leur déclaration à l’effet qu’ils n’éprouvent aucun problème de consommation d’alcool ou de drogues, les convoque et leur remet une lettre de congédiement décrivant les motifs au soutien de sa décision.  Cette lettre est reproduite au début de la présente sentence.

(…)

[95]  Vers la fin de l’après-midi du 16 avril, les plaignants communiquent avec le président du syndicat.  Ils sont en état de panique.  Selon les notes manuscrites de M. Carmichael, prises au moment des appels, il ressort qu’il a suggéré aux plaignants de faire appel au PAE et de consulter leur médecin pour obtenir de l’aide.  Selon la preuve, les plaignants n’ont pas fait part au président du syndicat qu’ils vivaient un problème de consommation d’alcool ou de drogues.  D’ailleurs, le président du syndicat était présent lors des rencontres du 15 et 16 avril lorsque les plaignants ont nié avoir fait usage de drogue, le 8 avril, et nié éprouver un problème en regard de leur consommation d’alcool ou de drogues.

[96]  C’est finalement le 18 avril que les plaignants se rendent Ă  la suggestion de M. Carmichael de rencontrer le docteur L’Écuyer, pour obtenir de l’aide et qu’ils soient rĂ©fĂ©rĂ©s au Centre Ubald-Villeneuve. Â»

[3]           Bien que les parties n’aient pas plaidĂ© comme tel le critère applicable dans la prĂ©sente affaire, le Tribunal est d’avis qu’il s’agit de celui de la dĂ©cision raisonnable, l’arbitre agit dans son champs de compĂ©tence.

« [53]  En prĂ©sence d’une question touchant aux faits, au pouvoir discrĂ©tionnaire ou Ă  la politique, la retenue s’impose habituellement d’emblĂ©e (Mossop, p. 599-600; Dr Q, par. 29; Suresh, par. 29-30). Nous sommes d’avis que la mĂŞme norme de contrĂ´le doit s’appliquer lorsque le droit et les faits s’entrelacent et ne peuvent aisĂ©ment ĂŞtre dissociĂ©s.

[54]  (…)  Lorsqu’un Tribunal administratif  interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie, la déférence est habituellement de mise (…).  Elle peut également s’imposer lorsque le tribunal administratif a acquis une expertise dans l’application d’une règle générale de common law ou de droit civil dans son domaine spécialisé.»[1]

Principes de droit applicable

[4]           Ce n’est qu’après leur congĂ©diement que les plaignants ont Ă©tĂ© informĂ©s que leur abus de consommation d’alcool et de drogues Ă©tait reliĂ© Ă  une maladie prĂ©existante et sous-jacente soit le TDAH pour M... C... et des troubles postcommotionnels pour M... T...[2]

[5]           Les plaignants consomment maintenant une mĂ©dication adĂ©quate.  Selon le docteur Vincent, leur pronostic de rĂ©mission totale est excellent.

[6]           Le Syndicat en tire la conclusion que les plaignants Ă©taient malades au jour de leur congĂ©diement, ils Ă©taient affectĂ©s d’un handicap, ils devaient bĂ©nĂ©ficier d’accommodements.

[7]           Que l’abus de substances dĂ©pende d’une cause prĂ©existante ou non ne dĂ©charge en rien les obligations de l’employeur au moment du congĂ©diement.  Le Tribunal doit Ă©valuer la situation en fonction des facteurs connus au moment du congĂ©diement.

[8]           Le seul fait d’être sous le joug de l’alcool et de drogues peut constituer une maladie, partant un handicap au sens de la Charte.

[9]           La dĂ©cision prise par l’employeur a Ă©tĂ© dictĂ©e par trois Ă©lĂ©ments :

1.-       Le 8 avril 2009 les plaignants ont consommé de la drogue et de l’alcool.

2.-       Le RTC a une politique de tolérance zéro connue des employés et édictée pour la protection des employés eux-même, de leurs confrères de travail et du public en général.

3.-       Les salariés ont nié avoir consommé de la drogue et de l’alcool et d’avoir quelques problèmes de consommation.

[10]        Pour dĂ©crire l’effet de la consommation abusive d’alcool et de drogues, le Syndicat rĂ©fère l’arbitre au DSM IV :

« [102]  Le procureur du syndicat plaide que le DSM IV catĂ©gorise l’abus d’une substance comme une maladie.  Le procureur cite l’extrait suivant du DSM IV :

«Abus d’une substance

Mode d’utilisation inadĂ©quat d’une substance conduisant Ă  une altĂ©ration du fonctionnement ou Ă  une souffrance cliniquement significative, caractĂ©risĂ©e par la prĂ©sence d’au moins une des manifestations suivantes au cours d’une pĂ©riode de 12 mois :

(1)  utilisation répétée d’une substance conduisant à l’incapacité de remplir des obligations majeures, au travail, à l’école, ou à la maison (par exemple, absences répétées ou mauvaises performance au travail du fait de l’utilisation de la substance, absences, exclusions temporaires ou définitives de l’école, négligence des enfants ou des tâches ménagères);

(2)  utilisation répétée d’une substance dans des situations où cela peut être physiquement dangereux (par exemple, lors de la conduite d’une voiture ou en faisant fonctionner une machine alors qu’on est sous l’influence d’une substance);

(3)  problèmes judiciaires répétés liés à l’utilisation d’une substan-ce (par exemple, arrestations pour comportement anormal en rapport avec l’utilisation de la substance);

(4)  utilisation de la substance malgré des problèmes interperson-nels ou sociaux, persistants ou récurrents causés ou exacerbés par les effets de la substance (par exemple disputes avec le conjoint à propos des conséquences de l’intoxication, bagarres);

Les symptĂ´mes n’ont jamais atteint pour cette classe de substance, les critères de la DĂ©pendance Ă  une substance.» Â»

[11]        Au 8 avril 2009 et le jour du congĂ©diement, l’employeur ne pouvait savoir si les plaignants Ă©taient affectĂ©s par une consommation abusive d’alcool et de drogues et encore moins de maladie sous-jacente ignorĂ©e par les plaignants eux-mĂŞme.

[12]        L’arbitre Ă©crit :

« [109]  Il y a lieu d’examiner ce que l’employeur connaissait ou aurait dĂ» connaĂ®tre de la situation des plaignants au moment de les congĂ©dier.  Comme je l’ai dĂ©jĂ  mentionnĂ©, Messieurs C. et T. travaillent au RTC, respectivement depuis quatre et trois ans.  Ce n’est pas une longue pĂ©riode de temps, mais elle est suffisamment significative pour Ă©valuer leur rendement au travail.  Ce sont des salariĂ©s sans histoire, sauf pour M... T... dont j’ai dĂ©jĂ  traitĂ© de la situation.  Il n’y a aucun Ă©lĂ©ment dans le dossier des plaignants qui laisse entendre un quelconque problème de santĂ© et encore moins un trouble de comportement.  Les deux salariĂ©s sont fonctionnels et rencontrent les attentes de l’employeur dans l’exĂ©cution de leurs tâches mĂŞme si, pendant cette pĂ©riode, M... C... a un TDAH et que M... T... a subi un traumatisme crânien.  Bref, les plaignants fonctionnent au travail comme tous les autres salariĂ©s, sans nĂ©cessiter aucune mesure d’accommodement particulière.  En aucun temps, dans le cours de leur emploi, les plaignants ont entrepris des dĂ©marches au PAE et n’ont jamais fait part Ă  un mĂ©decin de leur problème de consommation de drogue ou d’alcool.  Je souligne que dans le cas de M... T..., son dossier mĂ©dical dĂ©posĂ© en preuve dĂ©montre qu’il a subi près d’une dizaine d’expertises dans le cadre de ses accidents d’automobile et il n’a jamais dĂ©clarĂ© qu’il consommait de la drogue ou qu’il s’adonnait Ă  l’alcool de façon dĂ©mesurĂ©e.  Il a mĂŞme dĂ©clarĂ© lors d’une Ă©valuation psychiatrique au CHUL, le 26 fĂ©vrier 2006, qu’il avait essayĂ© des drogues, mais qu’il n’avait pas aimĂ© l’expĂ©rience.  Ces expertises n’ont aucun lien avec son emploi et ont Ă©tĂ© pratiquĂ©es dans le cadre de son dossier Ă  la SAAQ.  MĂŞme si l’employeur avait eu connaissance du dossier mĂ©dical complet de M... T... lors des Ă©vĂ©nements du moins d’avril 2009, il n’en aurait pas appris davantage de ce qu’il savait dĂ©jĂ .  Le procureur du syndicat soumet que les mĂ©decins qui ont rencontrĂ© M... T... au mois de janvier et fĂ©vrier 2009 auraient dĂ» dĂ©celer un problème de consommation de drogues.  Avec Ă©gards, je ne partage pas ce point de vue.  Il n’y avait aucun Ă©lĂ©ment au dossier de M... T... pouvant  permettre de conclure qu’il consommait des drogues.  Il Ă©tait anxieux et avait des problèmes gastriques.  C’est Ă  M... T... de dĂ©voiler ses habitudes de consommation et les mĂ©decins n’ont pas Ă  deviner s’il prend de la drogue, laquelle et Ă  quelle frĂ©quence.  Les mĂ©decins qui ont rencontrĂ© M... T... se sont fiĂ©s Ă  sa bonne foi  lorsqu’il dĂ©clarait ses habitudes de vie. Â»

[13]        Il n’y a aucune concordance entre la description du DSM IV citĂ©e par le Syndicat et le comportement de M... C... et  M... T... sur les lieux de leur travail.

[14]        L’employeur ne pouvait, au jour du congĂ©diement, offrir un accommodement raisonnable.  D’une part, il reproche aux plaignants leur consommation le 8 avril 2009 en contravention Ă  la politique de tolĂ©rance zĂ©ro et les plaignants nient tout tant devant l’employeur que devant leurs reprĂ©sentants syndicaux.

[15]        Faute de reconnaĂ®tre une problĂ©matique, il est impossible d’apporter ou de mettre en place des accommodations de quelle que nature que ce soit.

[16]        Le Syndicat reproche Ă  l’employeur de ne pas avoir tenu compte des dĂ©nonciations servies Ă  madame Boudreau et Ă  monsieur Vitrano.

[17]        L’article 2902 de la convention collective Ă©dicte :

« Dans le cas oĂą le RTC impose une suspension ou un congĂ©diement, il communique par Ă©crit au salariĂ© concernĂ© avec copie au Syndicat un avis spĂ©cifiant la nature de l’infraction, les faits et les motifs ainsi que la sanction imposĂ©e relativement Ă  cette mesure au moins quarante-huit (48) heures ouvrables Ă  l’avance. Â»

[18]        Le 16 avril 2009 le RTC Ă©crit aux plaignants :

« En consĂ©quence, nous n’avons d’autre choix que de rompre votre lien d’emploi avec le RTC et ce, en date du 21 avril 2009.  Vous demeurez relevĂ© de vos fonctions avec solde jusqu’à la date effective de votre congĂ©diement. Â»

[19]        Madame Boudreau a assistĂ© aux rencontres employeur-employĂ©s-Syndicat.  Dans la soirĂ©e du 16 avril 2009, elle reçoit un appel tĂ©lĂ©phonique du prĂ©sident du Syndicat, monsieur Carmichael, Ă  l’effet que le RTC est tenu Ă  une obligation d’accommodement, que ces salariĂ©s ne mĂ©ritent pas le congĂ©diement.

[20]        Selon la dĂ©cision, elle a rĂ©pondu :

« Madame Boudreau lui a alors rappelĂ© que les plaignants ont toujours niĂ©, depuis le 8 avril, avoir quelque problème que ce soit en regard de leur consommation de drogues ou d’alcool et qu’elle ne peut prendre des mesures d’accommodement si les salariĂ©s dĂ©clarent ne pas avoir de problèmes.  M. Carmichael n’a jamais fait Ă©tat, lors de cette conversation, que les plaignants lui avaient confiĂ© avoir un problème de dĂ©pendance aux drogues ou Ă  l’alcool.» (paragraphe 18)

[21]        Le mĂŞme jour, monsieur Carmichael fait la mĂŞme dĂ©marche auprès de monsieur Vitrano :

« [31]  En contre-interrogatoire, M. Carmichael tĂ©moigne Ă  l’effet qu’il a communiquĂ© avec M. Daniel Vitrano, un cadre de l’entreprise, le 16 avril, tel que consignĂ© Ă  ses notes.  Il lui reprochait de ne pas avoir offert d’aide aux plaignants avant de les avoir congĂ©diĂ©s car ils pouvaient avoir des problèmes de toxicomanie.  M. Carmichael admet que lorsqu’il a parlĂ© avec M. Vitrano, il ignorait si les plaignants Ă©taient toxicomanes.  Lorsque les plaignants ont communiquĂ© avec lui le 16 avril, il ne leur a pas posĂ© de questions sur leur consommation de drogues. Â»

[22]        Faut-il rappeler que M... T... et M... C... ont tenu le mĂŞme discours tant devant l’employeur que devant leur Syndicat.

[23]        Le 15 avril 2009, monsieur Lecours, madame Boudreau et monsieur Carmichael rencontrent dans un premier temps M... T... qui «a admis avoir consommĂ© une demie(sic) grosse bière sur l’heure du souper, mais a niĂ© avoir pris de la drogue Ă  cette mĂŞme occasion dans le vĂ©hicule de M... C...   (…) Il a affirmĂ© n’avoir aucun problème en relation avec sa consommation d’alcool ou de drogues et il a reconnu qu’il aurait dĂ» ne pas consommer d’alcool sur l’heure du souper.  Il a aussi admis connaĂ®tre la politique du RTC Ă  ce sujet.»[3]

[24]        Pour sa part M... C... «a tenu la mĂŞme version que M... T... sur les Ă©vĂ©nements du 8 avril.  Il a affirmĂ© ne pas consommer de drogues, qu’il n’en consommait pas sur les heures de travail et il n’a pas voulu rĂ©pondre Ă  la question Ă  savoir s’il lui arrivait parfois de consommer de la drogue.»[4]

[25]        Suite Ă  leur congĂ©diement, les plaignants, en Ă©tat de panique, communiquent avec leur Syndicat qui leur recommande de consulter un mĂ©decin.

[26]        Le 18 avril 2009, ils obtiennent une  prescription pour une consultation au Centre Ubald-Villeneuve.

[27]        Ă€ cette Ă©poque, l’employeur a la preuve que le 8 avril 2009, les plaignants ont consommĂ© de la boisson alcoolique et de la drogue, mais ils le nient.  Ils affirment mĂŞme ne pas consommer de drogues.

[28]        Il s’agit de deux employĂ©s sans histoire, qui fournissent leur prestation de travail, qui n’ont pas de problème d’absentĂ©isme (sauf pour M... T... et tel qu’expliquĂ© plus haut) et qui nient tant Ă  l’employeur qu’au Syndicat leur consommation abusive.

[29]        Après s’est rĂ©fĂ©rĂ© Ă  l’affaire QuĂ©bec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. MontrĂ©al (Ville de)[5], l’arbitre Ă©crit :

« [106]  Il ne s’agit pas seulement d’être atteint d’un handicap pour que naisse l’obligation de l’employeur Ă  convenir des mesures d’accommodement.  Un salariĂ© peut ĂŞtre atteint d’un handicap et ĂŞtre en mesure d’effectuer sa prestation de travail et rencontrer toutes les obligations dĂ©coulant de son contrat de travail sans nĂ©cessiter aucune mesure d’accommodement.  Le devoir d’accommodement de l’employeur ne naĂ®t que lorsque le handicap constitue un empĂŞchement Ă  fournir une prestation de travail normalement accomplie par des personnes qui n’ont aucun handicap.  Si l’employeur n’accorde aucun accommodement pour adapter les conditions de travail de la personne handicapĂ©e, il devra alors dĂ©montrer que cette obligation constitue une contrainte excessive.  Le principe Ă  la base du devoir d’accommodement est l’inclusion plutĂ´t que l’exclusion Ă  moins de prouver que l’inclusion constituerait une contrainte excessive.

[107]  Or, dans la prĂ©sente affaire, mĂŞme en prĂ©sumant que les plaignants soient handicapĂ©s au sens oĂą l’entend la Charte, faut-il encore qu’ils dĂ©montrent que le handicap dont ils prĂ©tendent ĂŞtre affectĂ©s ne leur a pas permis de fournir une prestation normale de travail et qu’ils doivent bĂ©nĂ©ficier de mesures d’accommodement.  C’est l’essence mĂŞme de l’obligation d’accommodement.  Je juge Ă  propos de reproduire les propos de l’arbitre Me Denis Gagnon, Ă  ce sujet dans l’affaire Syndicat des Fonctionnaires municipaux (FISA) c. Ville de QuĂ©bec :

«[44]  Le salariĂ© qui ne souffre d’aucun handicap doit rencontrer toutes les obligations qui dĂ©coulent de son contrat de travail, qu’il s’agisse d’obligations reliĂ©es Ă  la prestation de travail : l’assiduitĂ© au travail, la qualitĂ© du travail exĂ©cutĂ©, ou qu’il s’agisse d’obligations reliĂ©es au comportement :  la loyautĂ©, la civilitĂ©, l’honnĂŞtetĂ©, etc.  Le salariĂ© souffrant d’un handicap peut ĂŞtre empĂŞchĂ©, en raison de ce handicap, de rencontrer toutes ces obligations.

[45]  L’obligation d’accommodement à l’égard d’un salarié souffrant d’un handicap implique de faire l’évaluation des possibilités d’assouplir les obligations qui découlent du contrat de travail afin de lui permettre de conserver son emploi malgré l’incapacité qui résulte de son handicap, en fait, malgré qu’il manque à l’une ou l’autre de ses obligations.

[46]  L’étendue de l’obligation d’accommodement de l’employeur, et les mesures d’accommodement qui pourront ĂŞtre envisagĂ©es, varieront selon la nature du handicap du salariĂ© et selon la nature des manquements aux obligations dĂ©coulant du contrat de travail.  Il est reconnu en effet que les parties doivent envisager des mesures d’accommodement qui sont adaptĂ©es aux caractĂ©ristiques de la situation. Â»

[30]        Un contremaĂ®tre remplaçant a un doute du comportement des plaignants, il en fait part Ă  son supĂ©rieur qui autorise une filature pendant les heures de travail.  La preuve de consommation de drogues et d’alcool est Ă©tablie.

[31]        Le RTC applique sa politique de la tolĂ©rance zĂ©ro.

La preuve d’événements postérieurs

[32]        Dans les semaines et les mois qui ont suivi le congĂ©diement, tant l’employeur que le Syndicat ont appris que les plaignants Ă©taient des consommateurs abusifs d’alcool et de drogues.

[33]        M... C... aurait dĂ©butĂ© sa consommation de marijuana vers l’âge de 13-14 ans presque tous les jours[6].

[34]        En 2005, il fait usage de cannabis occasionnellement.  Il dĂ©bute la cocaĂŻne vers l’âge de 19-20 ans[7].

[35]        En 2008, M... C... consomme un peu plus rĂ©gulièrement de la cocaĂŻne.  Après le travail, il buvait entre six et sept bières et fumait environ sept joints de cannabis «pour se calmer».  «M... C... affirme avoir conservĂ© ce rythme de consommation pendant environ un an avant son congĂ©diement».  Il aurait investi environ 50 000 $ pour sa consommation de drogues[8].

[36]        Me Provençal Ă©crit que pendant la pĂ©riode d’un an avant son congĂ©diement, M... C... consommait cinq soirs par semaine[9].

[37]        Pour sa part, M... T... aurait rĂ©alisĂ© son problème de toxicomanie suite Ă  son congĂ©diement le 16 avril 2009.

[38]        Entre le 16 avril et le dĂ©but de sa thĂ©rapie, il a continuĂ© Ă  consommer cocaĂŻne, amphĂ©tamines, alcool et mĂ©dicaments prescrits par son mĂ©decin, du CĂ©lexa, pour traiter son anxiĂ©tĂ©[10].

[39]        L’arbitre Ă©crit «au cours des derniers mois de son emploi, M... T... consommait de plus en plus et il lui fallait sa dose de drogue pour fonctionner normalement.  Lorsqu’il Ă©tait au travail, il consommait de la cocaĂŻne Ă  tous les jours avec M. C., Ă  l’heure du souper et lors des pauses.»[11]

[40]        Enfin, l’arbitre rapporte que le docteur Pierre Vincent prĂ©cise «que ce n’est pas son congĂ©diement qui a fait en sorte que M... C... a cessĂ© de consommer mais le «bad trip» qu’il a fait quelques jours après.  M... C... et M... T... n’ont pas eu de symptĂ´mes significatifs de sevrage.  (…)  Le fait de consommer ne rendait pas les plaignants dysfonctionnels au travail car leur environnement de travail s’en serait aperçu.»[12]

[41]        L’arbitre dispose du rapport mĂ©dical du docteur Vincent en ces termes :

« [110]  La consommation d’alcool et de drogues des plaignants est irrĂ©gulière et il est admis qu’ils n’ont aucun problème de dĂ©pendance Ă  ces substances.  Dans le cas de M... T..., lors de l’audition du 30 septembre 2009, le docteur Vincent a par ailleurs modifiĂ© son diagnostic de dĂ©pendance aux psychostimulants en celui d’abus comme celui qu’il a attribuĂ© Ă  M... C...  Il n’a pas Ă©tĂ© observĂ© non plus un problème de sevrage chez les plaignants lors de leur traitement au Centre  Ubald-Villeneuve.

[111]  En regard de la preuve dĂ©posĂ©e au dossier, il y a lieu de douter du diagnostic d’abus posĂ© par le docteur Vincent.  Les plaignants ne rencontrent aucun des critères mentionnĂ©s au DSM IV dĂ©finissant une situation d’abus d’une substance.  MĂŞme si je concluais Ă  l’abus de substance en regard des critères Ă©noncĂ©s au DSM IV, les plaignants accomplissaient leur prestation de travail.  Eu Ă©gard Ă  l’ensemble de la preuve, je prĂ©fère retenir l’opinion de l’expert produit par le RTC, le docteur Fournier dont je crois utile de reproduire une partie de ses conclusions :

«RAPPORT D’EXPERTISE SUR DOSSIER ET SUITE  DES AUDITIONS DE GRIEF :

M. C. - GRIEF 09-03-22-01

M. T. - GRIEF 09-04-22-02

Date du rapport : Le 21 septembre 2011

…

Il apparaît pertinent de souligner que la problématique d’abus de substances n’a jamais empêché messieurs C. et T. de travailler à temps plein au RTC avant leur congédiement et il appert selon leur témoignage que ni l’un ni l’autre n’aurait été considéré comme ayant eu un comportement inadéquat au travail ou ayant eu une prestation de travail problématique dans les années précédant leur congédiement ce qui survient souvent chez les personnes présentant des problèmes de dépendance aux substances ou des problèmes d’abus aux substances sévères.  Ajoutons que tant dans le témoignage de messieurs C. et T., qu’à la lecture du dossier ou dans l’ensemble des évidences dont nous avons pu avoir connaissance, il n’y a pas eu chez messieurs C. et T. de retards récurrents au travail ni d’absences répétitives comme on retrouve souvent chez les gens souffrant de dépendance ou d’une problématique d’abus sévère aux substances.

Mentionnons par ailleurs que dans la documentation contemporaine Ă  son embauche, monsieur C. mentionnait tout au plus une consommation occasionnelle de cannabis alors que monsieur T. avait toujours niĂ© des problèmes de drogues depuis 2002 dans les diffĂ©rents documents mĂ©dicaux et psychologiques existants (docteure HĂ©lène Beaulieu et neuropsychologue Jean-François Cantin le 16 dĂ©cembre 2004, docteur Michel Brochu le 25 mars 2004, docteure Isabelle CĂ´tĂ© le 20 janvier 2005, docteur Denis Jobidon le 13 septembre 2006, docteure Suzie LĂ©vesque le 26 fĂ©vrier 2007, moi-mĂŞme le 12 mars 2008, docteur Line Thiffeault, psychiatre-conseil, le 5 fĂ©vrier 2009).

Ajoutons que dans le rapport d’expertise du docteur Pierre Vincent, monsieur C. rapportait avoir cessé de lui-même les drogues suite à un »bad trip» et il n’était alors pas question de l’interdiction de ses parents à cet égard alors qu’il a insisté en témoignage à l’effet qu’il a dû cesser sa consommation de drogues en raison de l’interdiction formelle de ses parents.

En ce qui a trait à l’affirmation du docteur Vincent à l’effet que le trouble de déficit attentionnel amène un risque plus élevé de développement de problèmes d’abus de substances notons que, dans une étude prospective récente sur dix ans, on a constaté un taux deux fois plus élevé d’usage de drogues et un taux légèrement plus élevé d’abus d’alcool chez des adolescents souffrant d’un trouble de déficit attentionnel comparé à un groupe contrôle apparié.

En conclusion, même s’il y avait un problème d’abus de substances (et non pas de dépendance), même si cette condition chez messieurs C. et T. pouvait jusqu’à un certain point être associée à un trouble de déficit attentionnel ou à un trouble post-commotionnel chez les deux travailleurs, le problème d’abus de substances chez messieurs C. et T. n’avait jamais amené de problèmes significatifs de fonctionnement au travail ni d’absences ou de retards récurrents et il n’entraînait pas une utilisation quotidienne de drogues au travail (les deux travailleurs ont témoigné à l’effet que bien qu’il consommait fréquemment au travail dans les années précédant leur congédiement, il ne le faisait pas à tous les jours).

Mentionnons aussi que messieurs C. et T. n’avaient jamais sollicité de leur employeur un support en regard de leur problème de consommation d’alcool ou de drogues, qu’ils ont reconnu en audition avoir d’abord nié cette consommation et qu’ils ne l’ont rapportée à l’employeur qu’après le congédiement.  En l’absence d’indices de disfonctionnement(sic) au travail, de retards ou d’absences et compte tenu que messieurs C. et T. n’avaient jamais sollicité d’aide de l’employeur et qu’ils avaient même nié un problème d’abus de substances après avoir été pris à consommer de la cocaïne sur les lieux du travail à la pause du souper, il était impossible pour l’employeur de proposer un traitement s’adressant à cette problématique.

/s/ Jean-Pierre Fournier, MD, LMCC, CSPQ, FRCPC

MĂ©decin psychiatre Â»

Le rapport du docteur Pierre Vincent

[42]        Le docteur Vincent confirme que lorsque M... C... a dĂ©butĂ© son traitement au Centre Ubald-Villeneuve, il Ă©tait dĂ©jĂ  abstinent.  Il avait cessĂ© de consommer suite Ă  son «bad trip».

[43]        Il conclut son rapport sur M... C... en ces termes (21 octobre 2010) :

« Donc pour rĂ©pondre Ă  vos questions, le diagnostic de psychotoxicomane Ă©mis en avril 2009 m’apparaĂ®t ĂŞtre fondĂ©.  Il est cependant maintenant en rĂ©mission complète, ce qui est d’un bon pronostic.  Le diagnostic de TDAH est fondĂ©. Il est connu que le TDAH est souvent compliquĂ© Ă  partir de l’adolescence par une problĂ©matique de toxicomanie, particulièrement avec des agents psychostimulants comme la cocaĂŻne et les amphĂ©tamines.   L’excellente rĂ©ponse que le patient a prĂ©sentĂ©(sic) avec le Concerta m’amène Ă  croire qu’il y a un pronostic de rĂ©mission de longue durĂ©e.  Ă€ mon avis, monsieur   peut occuper un emploi de mĂ©canicien au RTC.  Il travaille effectivement d’ailleurs dans ce mĂ©tier dans une entreprise de camionnage actuellement.  Pour rĂ©pondre Ă  votre dernière question, il est frĂ©quent pour un toxicomane de nier ou surtout de cacher sa problĂ©matique. Â»

[44]        Pour M... T..., le docteur Vincent Ă©crit (26 octobre 2010) :

« Sur un plan diagnostic, en Axe I, on peut certes parler chez ce patient d’une problĂ©matique d’abus de substances en rĂ©mission depuis maintenant plus d’un an.  Cette rĂ©mission reprĂ©sente un bon pronostic.  Notons chez ce patient des sĂ©quelles d’une commotion cĂ©rĂ©brale post-traumatique.  Le docteur Fournier a dĂ©jĂ  reconnu cette problĂ©matique dans le passĂ© et il est persuadĂ© que cette problĂ©matique de sĂ©quelles de trouble commotionnel ait gĂ©nĂ©rĂ© la problĂ©matique d’abus de substances psychostimulantes comme la cocaĂŻne ou les amphĂ©tamines.  Monsieur a prĂ©sentĂ© une problĂ©matique de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse qui apparaĂ®t en rĂ©mission actuellement.  Il convient cependant de noter que monsieur prend une mĂ©dication assez significative au niveau du suivi, soit 40 mg de CĂ©lexa dont la prescription devrait ĂŞtre maintenue sur une longue pĂ©riode.  En Axe II, il n’y a pas d’évidence de trouble de personnalitĂ©.  En Axe III, les sĂ©quelles de traumatisme crânio-cĂ©rĂ©bral post-traumatique.  En Axe IV, le niveau des stresseurs s’est amoindri malgrĂ© l’avis du congĂ©diement, le patient a cependant trouvĂ© un autre emploi mĂŞme s’il est moins rĂ©munĂ©rateur.  En Axe V, le niveau de fonctionnement actuel m’apparaĂ®t entre 65 et 70, le rendant apte Ă  son travail de mĂ©canicien.

Il convient de noter qu’il est de connaissance commune que le toxicomane a toujours tendance de nier ou cacher ou refuser d’admettre sa problĂ©matique. Â»

[45]        De ces rapports, le Tribunal retient deux Ă©lĂ©ments.  Le docteur Vincent tente d’expliquer la consommation des plaignants et l’absence d’effets nĂ©gatifs par une problĂ©matique sous-jacente, ce qui pourrait expliquer qu’ils pouvaient continuer Ă  vaquer normalement Ă  leur occupation.  Une automĂ©dication en quelque sorte.

[46]        En second lieu, le docteur Vincent Ă©met l’opinion que les plaignants peuvent maintenant reprendre leur travail au RTC.

[47]        Il s’agit d’une preuve postĂ©rieure qui met en lumière des faits inconnus de l’employeur et des plaignants au moment des Ă©vĂ©nements et du congĂ©diement.

[48]        Dans l’affaire QuĂ©bec Cartier Mining[13], madame la juge Claire L’Heureux-DubĂ© Ă©crit :

« 11  (…)  L’arbitre doit, notamment, dĂ©terminer si la compagnie avait une cause juste et suffisante pour congĂ©dier l’employĂ© au moment oĂą elle l’a fait.»

[49]        Nous avons dĂ©jĂ  rĂ©pondu que le RTC avait la preuve que les plaignants avaient consommĂ© le 8 avril 2009 et qu’ils connaissaient la politique de tolĂ©rance zĂ©ro pour la protection des employĂ©s, de leurs confrères et du public en gĂ©nĂ©ral.  Elle a appliquĂ© sa politique.

[50]        Madame la juge Claire L’Heureux-DubĂ© de poursuivre :

« 13  Ceci m’amène Ă  la question que j’ai soulevĂ©e plus tĂ´t Ă  savoir si un arbitre peut prendre en considĂ©ration la preuve d’évĂ©nements subsĂ©quents lorsqu’il statue sur un grief relatif au congĂ©diement d’un employĂ© par la compagnie.  Ă€ mon avis, un arbitre peut se fonder sur une telle preuve, mais seulement lorsqu’elle est pertinente relativement Ă  la question dont il est saisi.  En d’autres termes, une telle preuve ne sera admissible que si elle aide Ă  clarifier si le congĂ©diement en question Ă©tait raisonnable et appropriĂ© au moment oĂą il a Ă©tĂ© ordonnĂ©.  Par consĂ©quent, dès qu’un arbitre conclut que la dĂ©cision de la compagnie de congĂ©dier un employĂ© Ă©tait justifiĂ©e au moment oĂą elle a Ă©tĂ© prise, il ne peut plus annuler le congĂ©diement pour le seul motif que des Ă©vĂ©nements subsĂ©quents rendent, Ă  son avis, cette annulation juste et Ă©quitable.  Dans ces circonstances, un arbitre excèderait sa compĂ©tence s’il se fondait sur une preuve d’évĂ©nements subsĂ©quents pour annuler le congĂ©diement.  Conclure le contraire reviendrait Ă  accepter que l’issue d’un grief relatif au congĂ©diement d’un employĂ© puisse dĂ©pendre du moment oĂą il a Ă©tĂ© dĂ©posĂ© et du dĂ©lai Ă©coulĂ© entre le dĂ©pĂ´t initial et la dernière audience de l’arbitre.  En outre, cela mènerait Ă  la conclusion absurde que la dĂ©cision de la compagnie de congĂ©dier un employĂ© alcoolique peut ĂŞtre infirmĂ©e dès que cet employĂ©, sous le choc de son congĂ©diement, dĂ©cide de se rĂ©habiliter mĂŞme si une telle rĂ©habilitation n’aurait jamais eu lieu en l’absence de la dĂ©cision de le congĂ©dier. Â»

[51]        La justification a posteriori d’une maladie sous-jacente, non connue des plaignants au moment du congĂ©diement, et une rĂ©mission quasi certaine ne peut avoir de pertinence dans la prĂ©sente affaire.

[52]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[53]        REJETTE la requĂŞte en rĂ©vision judiciaire;

[54]        AVEC DÉPENS.

 

 

__________________________________

CLAUDE HENRI GENDREAU, j.c.s.

 

Me Marius Ménard

Ménard Millard Caux (casier 107)

Procureurs du demandeur

 

Me François Baribeau

JoliCoeur Lacasse (casier 6)

Procureurs du défendeur

 

Date d’audience :

17 mai 2012

 



[1] Dunsmuir c. Nouveau Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190

[2] Sentence arbitrale du 25 janvier 2012, paragraphe 101

[3] Sentence arbitrale du 25 janvier 2012, paragraphe 15

[4] Id.

[5] [2000] 1 R.C.S. 665

[6] Sentence arbitrale du 25 janvier 2012, paragraphe 39

[7] Id.

[8] Id., paragraphe 40

[9] Id, paragraphe 43

[10] Id., paragraphe 45

[11] Id., paragraphe 48

[12] Id., paragraphe 55

[13] Compagnie minière Québec Cartier c. Métallurgiste Unis d’Amérique, section 6869 et René Lippé, [1995] 2 R.C.S. 1095

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