Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Modèle de décision CLP - avril 2013

Rosemont—Petite-Patrie (Arrondissement)

2014 QCCLP 1317

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

28 février 2014

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

487147-63-1211      505392-63-1303

 

Dossier CSST :

136216454

 

Commissaire :

Luce Morissette, juge administratif

______________________________________________________________________

 

 

 

Arrondissement Rosemont/Petite-Patrie

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 487147-63-1211

 

[1]         Le 12 novembre 2012, Arrondissement Rosemont/Petite-Patrie (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 17 octobre 2012 à la suite d’une révision administrative.

[2]         Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 14 septembre 2012. Elle déclare que la totalité du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi le 19 avril 2010 par l’un des travailleurs de l’employeur doit lui être imputée.

Dossier 505392-63-1303

[3]         Le 15 mars 2013 (l’employeur) dépose au tribunal une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 février 2013 à la suite d’une révision administrative.

[4]         Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 novembre 2012. Elle déclare que la totalité du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail subi le 19 avril 2010 par l’un de ses travailleurs doit lui être imputée. Il s’agit d’une période distincte de celle invoquée dans le dossier 487147.

[5]         L’audience était prévue le 17 décembre 2013 à Joliette, mais la représentante de l’employeur a informé le tribunal de son absence à l’audience et a produit une argumentation écrite le 19 décembre 2013 avec la permission du tribunal. L’affaire a été mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]         L’employeur demande de déclarer que le coût des prestations pour la période entre le 1er novembre 2011 et le 11 mai 2012 et celui pour la période du 15 mai 2012 au 17 mai 2013 dues en raison de l’accident du travail survenu le 19 avril 2010 doivent être imputés aux employeurs de toutes les unités. Le tout, en application de l’article 326 deuxième alinéa de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[7]           Le tribunal constate que la représentante de l’employeur ne présente aucun commentaire ou demande concernant un partage en vertu de l’article 329 de la loi.

LA PREUVE

[8]           Le travailleur est journalier chez l’employeur depuis de nombreuses années. Il subit un accident du travail le 19 avril 2010 en soulevant un meuble alors qu’il est âgé de 59 ans. Au départ, la CSST accepte les diagnostics d’entorse du poignet droit et de ténosynovite de De Quervain droite. Par la suite, la CSST en révision administrative acceptera également celui de canal carpien droit. Enfin, le 7 septembre 2011, la CSST refuse le diagnostic de premier et troisième doigts à gâchette droit.

[9]           Entretemps, le 10 décembre 2010, le travailleur subit une chirurgie pour le canal carpien droit et un doigt à gâchette par le docteur Harris, chirurgien plasticien.

[10]        Le 24 janvier 2011, le docteur Caron médecin traitant, souligne dans un rapport médical un problème au troisième doigt droit et dirige le travailleur à nouveau au docteur Harris.

[11]        À la suite de la première chirurgie, l’employeur souhaite assigner temporairement le travailleur, et ce, à plusieurs reprises, mais ces demandes sont refusées par le docteur Caron, jusqu’au 15 septembre 2011, date à laquelle l’assignation est acceptée. Cette assignation sera dans les faits occupée par le travailleur à compter du 19 septembre 2011[2] à titre de surveillant de chalet.

[12]        Le 1er novembre 2011, l’assignation cesse. Le docteur Caron indique que le chalet n’est pas chauffé.

[13]        Le 28 novembre 2011, à la demande de la CSST, le docteur J.M. Hyacinthe, chirurgien plasticien, rédige une expertise médicale dans laquelle il consolide à cette date l’entorse du poignet droit, la ténosynovite de De Quervain droite et le canal carpien droit. Le médecin octroie un déficit anatomophysiologique de 2 % sans limitations fonctionnelles.

[14]        Le 13 décembre suivant, l’employeur propose une assignation temporaire comme surveillant de chalet dans un local chauffé. Le docteur Caron refuse en indiquant que le travailleur est en attente d’une chirurgie et qu’il sera en convalescence jusqu’au 10 janvier 2012.

[15]        Le 16 décembre 2011, le travailleur est opéré par le docteur Harris pour un doigt à gâchette à la main droite.

[16]        Le 13 janvier 2012, une nouvelle assignation temporaire est présentée. Le docteur Caron la refuse en indiquant que le travailleur doit revoir le docteur Harris, pour un doigt à gâchette, et qu’il a toujours une plaie à la paume de la main.

[17]        Le 18 janvier 2012, les notes évolutives de la CSST rapportent que le travailleur a rencontré le docteur Harris la veille et que la guérison pour le doigt à gâchette prendra deux à trois mois. Le travailleur se plaint d’un problème de préhension important. Le 20 janvier suivant, le conseiller en réadaptation communique avec le travailleur pour l’informer de la réadaptation à venir et qu’il souhaite le rencontrer à ce propos.

[18]        Le 13 février 2012, un rapport final est rédigé par le docteur Caron qui consolide la lésion professionnelle au 28 novembre 2011. La décompression du tendon fléchisseur du majeur droit est en voie de consolidation.

[19]        Ce même jour, une assignation temporaire est présentée au docteur Caron pour une durée indéterminée. Elle est refusée, le médecin indiquant que la lésion professionnelle est consolidée avec une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles et que le dossier est dirigé au service de réadaptation de la CSST.

[20]        À la demande de la CSST, l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale (le BEM) est requis sur les questions de l’atteinte permanente à l'intégrité physique et les limitations fonctionnelles.

[21]        C’est dans ce contexte que le 22 février 2012, le docteur A. Léveillé, plasticien, examine le travailleur. À sa discussion, le médecin observe des ankyloses au majeur de la main droite qui sont consécutives à la chirurgie, mais il note que ce diagnostic n’ayant pas été retenu par la CSST, il ne se prononcera pas sur l’existence d’un déficit anatomophysiologique en regard de cette condition. Il ajoute qu’il existe toutefois une atteinte permanente à l'intégrité physique de 4 % pour une perte en flexion du poignet droit et un syndrome du canal carpien droit opéré, sans séquelle.

[22]        Concernant les limitations fonctionnelles, le docteur Léveillé les accorde uniquement pour le canal carpien alors qu’il observe une douleur lors de l’échange rapide au niveau du ligament transverse annulaire antérieur du carpe avec un léger abaissement de la force.

[23]        La CSST a entériné cet avis par une décision rendue le 14 mars 2012 et le 26 mars suivant elle déclare que le travailleur a droit à la réadaptation. L’employeur a contesté en révision administrative ces décisions, mais elles ont été maintenues sans autres contestations.

[24]        Aux notes évolutives de la CSST datées du 12 avril 2012, le conseiller en réadaptation s’entretient avec une représentante de l’employeur. Celle-ci se dit ouverte à assigner une nouvelle fois le travailleur. Le conseiller lui répond que le processus de réadaptation est enclenché et qu’une «solution permanente» est recherchée. L’employeur affirme qu’il n’a pas d’emploi convenable à offrir au travailleur et selon les notes évolutives[3], il est réticent à participer au processus de détermination de la capacité du travailleur à refaire son emploi, processus qui se poursuit néanmoins.

[25]        Le 1er mai 2012, le médecin ayant procédé à la chirurgie au mois de décembre 2011 pour le doigt à gâchette rédige un rapport final consolidant cette lésion à cette date avec un déficit anatomophysiologique et des limitations fonctionnelles.

[26]        Le 11 mai 2012, le docteur M. Liberman, chirurgien thoracique, prescrit un arrêt de travail parce que le travailleur est atteint d’un cancer de l’œsophage, tel qu’il appert du rapport produit par la représentante de l’employeur à cet effet.

[27]        Le 15 mai 2012, le docteur Caron rédige un rapport médical dans lequel il indique entre autres que le travailleur est en attente d’une chirurgie pour son cancer. Il demande la suspension du processus de réadaptation.

[28]        Le 17 mai 2012, le travailleur informe le conseiller en réadaptation qu’il est atteint d’un cancer de l’œsophage. Celui-ci répond qu’il s’agit d’une condition personnelle et qu’il poursuivra quand même les démarches de réadaptation avec son représentant syndical. Le 31 mai 2012, l’employeur demande de suspendre la réadaptation. Le conseiller en réadaptation refuse en indiquant qu’il s’agit d’une condition intercurrente qui n’empêche pas la poursuite de l’analyse de la capacité du travailleur à refaire son emploi.

[29]        Une rencontre a lieu le 13 juin 2012 en l’absence du travailleur qui est représenté par son syndicat afin d’évaluer sa capacité. Différentes solutions de retour au travail sont entrevues, mais le travailleur doit passer des tests d’aptitude avant que la CSST se prononce définitivement sur un emploi convenable.

[30]        Le 25 juin 2012, le docteur DesRosiers, médecin-conseil chez l’employeur, rédige une « argumentation justifiant l’attribution d’un partage d’imputation des coûts ». Il souligne que la lésion de doigt à gâchette a nécessité des soins additionnels (dont deux chirurgies) et a laissé une ankylose au majeur droit. Celle-ci est favorisée par l’arthrose carpométacarpienne observée aux tests d’imagerie médicale. Le docteur DesRosiers est d’avis que les limitations fonctionnelles octroyées ont trait au doigt à gâchette plus qu’à toute autre lésion. Il est ainsi d’avis qu’un partage d’imputation doit être accordé en regard de l’existence d’un doigt à gâchette et d’une arthrose carpométacarpienne droite.

[31]        Le 6 juillet 2012, les notes évolutives de la CSST rapportent que le travailleur a commencé ses traitements de radiothérapie et de chimiothérapie depuis le 25 juin 2012. Il est opéré pour son cancer le 28 août suivant et il est en convalescence par la suite.

[32]        Le 31 août 2012, la conjointe du travailleur informe le conseiller en réadaptation que le travailleur doit être alimenté par gavage pour au moins six mois. La dernière note évolutive au dossier du conseiller en réadaptation est celle du 15 octobre 2012. Elle indique que le travailleur est souffrant et qu’il est suivi pour son cancer. Le travailleur en décède le 16 février 2013.

[33]        Le 17 octobre 2012, la CSST en révision administrative confirme les décisions rendues par la CSST les 16 août et 14 septembre 2012. Par ces décisions, elle refusait les demandes de transfert en vertu de l’article 326 de la loi et une demande de partage en vertu de l’article 329 de la loi.

[34]        En révision administrative, la CSST reconnaît d’une part qu’une maladie intercurrente est survenue en cours de consolidation (1er et 3e doigts à gâchette droit), mais elle retient que cette maladie n’a pas causé une interruption des traitements en lien avec la lésion professionnelle. L’employeur n’a pas démontré non plus que l’arrêt de l’assignation temporaire était étranger à la lésion professionnelle. Enfin, le médecin du travailleur a refusé l’assignation en raison d’un local non chauffé.

[35]        D’autre part, concernant la demande de transfert de l’employeur dans laquelle il allègue que les ankyloses mentionnées par le membre du BEM sont consécutives à la chirurgie des doigts à gâchette, la CSST en révision administrative refuse aussi cette demande en indiquant ce qui suit :

L’employeur invoque que les ankyloses sont consécutives à la chirurgie liée au diagnostic de doigts gâchette. Or, la Révision administrative estime que les motifs invoqués par l’employeur ne permettent pas de conclure qu’il est obéré injustement par l’imputation du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle du travailleur puisqu’il n’invoque aucune des situations citées précédemment donnant droit à un transfert d’imputation. En effet, l’employeur ne soumet aucun élément démontrant l’interruption d’une assignation temporaire, ou l’existence d’une maladie intercurrente ayant pour effet d’altérer l’évolution de la lésion professionnelle, d’en avoir retardé le plan de traitement et ainsi la consolidation, et d’avoir entraîné des coûts additionnels significatifs. De plus, la Révision administrative constate que la notion de négligence grossière et volontaire du travailleur n’a pas été retenue par la Commission lors de l’admissibilité de la réclamation.

 

Par conséquent, bien que la Révision administrative constate que l’accident du travail subi par le travailleur puisse causer un certain impact sur le dossier de l’employeur, ce dernier n’a pas démontré être obéré injustement par l’imputation du coût des prestations liées à l’accident du travail subi par le travailleur.

 

 

[36]        Enfin, le 20 février 2013, la CSST en révision administrative rend une décision par laquelle elle refuse la demande de transfert de l’employeur pour une maladie intercurrente, soit le cancer du travailleur. L’employeur prétend que les démarches de réadaptation ont été suspendues pour cette maladie sans lien avec la lésion professionnelle et que l’indemnité de remplacement du revenu versée durant la convalescence l’obère injustement.

[37]        La CSST refuse cette demande en révision administrative en indiquant ce qui suit :

[…]

 

Cependant, l’employeur peut bénéficier d’un transfert d’imputation en vertu de certaines règles particulières d’imputation qui sont prévues dans la loi. Lorsque l’employeur est obéré injustement, le coût des prestations peut être imputé aux employeurs d’une, de plusieurs ou de toutes les unités.

 

Pour se prévaloir de cette exception, l’employeur doit démontrer des situations précises répondant aux deux critères suivants : soit une situation d’injustice, c’est-à-dire une situation étrangère aux risques que l’employeur doit supporter et que la proportion des coûts attribuables à cette situation d’injustice est significative par rapport aux coûts découlant de l’accident en cause.

 

Une situation étrangère aux risques que l’employeur doit supporter est une situation qui peut être fortuite, inusitée, inhabituelle ou exceptionnelle. Pour la Commission, ces circonstances réfèrent à trois situations qui peuvent donner droit à un transfert d’imputation, soit : une maladie intercurrente, l’interruption de l’assignation temporaire ou bien encore la lésion causée par une négligence grossière et volontaire du travailleur.

 

La Commission, en révision, estime que les éléments soumis par l’employeur ne permettent pas de conclure à une situation étrangère aux risques qu’ il doit supporter, puisqu’ il n’ invoque aucune circonstances ou situations citées précédemment et donnant droit à un transfert d’imputation.

 

La Commission, en révision, estime que les éléments soumis par l’employeur ne permettent pas de conclure à une situation étrangère aux risques qu’il doit supporter, puisqu’il n’ invoque aucune circonstances ou situations citées précédemment et donnant droit à un transfert d’imputation.

 

En effet, l’employeur estime qu’il est obéré injustement, depuis le 15 mai 2012, du fait que le travailleur n’a pu poursuivre la démarche de réadaptation entreprise par la Commission, suite à la reconnaissance de limitations fonctionnelles en lien avec sa lésion professionnelle du 19 avril 2010. Or, au stade de l’imputation des coûts d’une lésion, cette situation ne saurait constituer une situation d’injustice, puisque la Commission n’a fait qu’appliquer la loi et imputé au dossier de l’employeur le coût de l’IRR à laquelle avait droit le travailleur selon les paramètres légaux alors établis.

 

Par conséquent, bien que la Commission, en révision, constate que l’accident du travail subi par le travailleur puisse causer un certain impact sur le dossier de l’employeur, ce dernier n’a pas démontré être obéré injustement par l’imputation du coût des prestations liées à l’accident du travail subi par le travailleur.

 

 

[38]        L’employeur a contesté les décisions rendues en révision administrative. Il s’agit des litiges dont le tribunal est saisi. Il faut souligner que dans tous les litiges, la CSST a prolongé le délai prévu pour demander un transfert d’imputation et a décidé de la recevabilité des demandes.

[39]        La représentante de l’employeur a déposé quelques documents accompagnant son argumentation, dont deux déclarations sous serment signées par Sylvie Whittom, conseillère en relations de travail chez l’employeur. Ces documents ont trait à des simulations des coûts versés en indemnité de remplacement du revenu et des coûts engendrés pour les périodes concernées.

[40]        Pour le dossier 487147, entre le 2 novembre 2011 et le 11 mai 2012 soit la période durant laquelle le travailleur a été absent pour sa chirurgie (doigt à gâchette) cette durée correspond à 190 jours.

[41]        Dans le dossier 505392, soit l’arrêt du processus de réadaptation pour le cancer du travailleur, du 11 mai 2012 au décès le 16 février 2013, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 17 mai 2013 représente plus de 372 jours, soit près de 35 % des indemnités de remplacement du revenu versées au total, soit 1 077 jours.

[42]        Le tribunal note que dans ces déclarations sous serment, la conseillère indique que le 17 mai 2013 correspond à l’arrêt du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, versement qui a été fait en vertu de l’article 58 de la loi.

[43]        Des documents provenant de la CSST et établissant les coûts imputés au dossier de l’employeur ont aussi été produits. Nous y lisons que le dernier jour payé en indemnité de remplacement du revenu est le 17 mai 2013 et qu’une somme de 4 862,31 $ a été imputée au dossier de l’employeur pour le décès survenu d’une cause étrangère à la lésion professionnelle.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[44]        La représentante de l’employeur prétend ce qui suit :

·        Le deuxième alinéa de l’article 326 de la loi s’applique en l’espèce;

·        Les diagnostics acceptés par la CSST sont ceux d’entorse du poignet droit, syndrome du canal carpien droit et ténosynovite de De Quervain; ces lésions professionnelles ont été consolidées le 28 novembre 2011;

·        La chirurgie du 16 décembre 2011 est en lien avec un diagnostic non reconnu par la CSST, soit un doigt à gâchette; il en va de même des soins et traitements à compter de cette date; il s’agit d’une maladie intercurrente;

·        L’assignation temporaire commencée le 20 septembre 2011 a été interrompue le 1er novembre suivant en prévision de la chirurgie pour le doigt à gâchette;

·        Les tentatives d’assigner le travailleur par la suite ont été vaines, notamment parce que le travailleur a été dirigé au service de la réadaptation de la CSST, mais la représentante de l’employeur souligne que la consolidation du doigt à gâchette n’était pas atteinte à ce moment-là[4] ;

·        Sans cette maladie intercurrente, le travailleur aurait été en mesure d’occuper une assignation temporaire et aucune indemnité de remplacement du revenu n’aurait été versée;

·        Elle ajoute ce qui suit dans son argumentation à propos des coûts engendrés par la situation :

Cette situation est injuste et obère l’employeur puisque la manifestation d’une maladie personnelle, plus particulièrement entre le 15 mai 201 2 et le 16 février 2013 (décès), et le versement des IRR jusqu’au 17 mai 2013, est une situation totalement étrangère à l’accident du travail et correspondra à 372 jours d’IRR versés par l’employeur sans lien avec l’accident du 19 avril 2010;

 

Les deux déclarations solennelles de madame Sylvie Wbittom ayant fait une simulation des coûts versés en IRR ainsi que les coûts engendrés sont déposés en Pièce P-5 pour le dossier numéro 487147. Jusqu’au processus de réadaptation entre le 2 novembre 2011 et 11 mai 2012 correspondant à la période de l’absence pour sa chirurgie de la main droite pour la décompression du tendon fléchisseur majeur droit. Cette période correspondra à une durée de 190 jours.

 

Pour le dossier numéro 505392 Dans le cas de la cessation de la réadaptation pour cause de son néo de l’oesophage, le calcul démontre qu’à partir du versement de I’IRR du 11 mai 2011 au décès le 16 février 2013, le versement des IRR jusqu’au 17 mai 2013 représente une période de plus de 372 jours imputés au dossier de l’employeur, soit près de 35 % des IRR versées sur 1077 jours. Il s’agit d’un coût significatif par rapport aux coûts découlant de sa lésion professionnelle, soit plus de 286 786,70 5; Pièce P-6, Pièce P-7

·        Une simulation des coûts versés en indemnité de remplacement du revenu et les coûts engendrés est déposée concernant les périodes réclamées;

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[45]        La Commission des lésions professionnelles décide d’analyser de manière conjointe les deux litiges puisqu’il s’agit d’un seul événement, soit celui survenu le 19 avril 2010.

[46]        Par ailleurs, le tribunal doit décider si l’employeur est justifié de demander que son dossier ne soit pas imputé du coût des prestations versées à l’un de ses travailleurs pour deux périodes distinctes. La première correspond à celle du 1er novembre 2011 au 11 mai 2012 alors que le travailleur n’aurait pu être assigné en raison d’une maladie intercurrente. L’autre correspond à celle du 15 mai 2012 au 17 mai 2013 alors que le travailleur a reçu un diagnostic de cancer.

[47]        Comme il a été mentionné, l’employeur n’a soumis aucun commentaire ni argument concernant une demande de partage en vertu de l’article 329 de la loi. La soussignée n’entend donc pas se prononcer sur cette question.

[48]      L’article 326 de la loi prévoit la règle générale en matière d’imputation, soit que la CSST impute à l’employeur le coût des prestations qui résulte d’un accident du travail survenu alors que le travailleur était à son emploi. Il se lit ainsi :

326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[49]      Le premier alinéa établit le principe général selon lequel les coûts engendrés par un accident du travail sont imputés au dossier de l’employeur au service duquel le travailleur se trouvait au moment de l’accident. Par ailleurs, le deuxième alinéa prévoit les situations dans lesquelles ce principe peut être écarté alors que le troisième alinéa indique les modalités entourant la demande de transfert d’imputation.

[50]      En l’espèce, la question du délai pour présenter une demande de transfert a été traitée en révision administrative quand celle-ci elle a déclaré recevables les demandes de l’employeur. Après avoir révisé le dossier, il n’y a pas lieu de modifier cette conclusion. Il reste à examiner le fond des litiges.

[51]        Dans son argumentation écrite, la représentante rappelle que si un travailleur est incapable d’exécuter son assignation temporaire en raison d’une condition intercurrente, l’employeur est obéré injustement des indemnités qui sont associées à cet arrêt. Il convient donc d’examiner plus attentivement cette notion « d’obérer injustement ».

[52]        La jurisprudence du tribunal a évolué avec le temps concernant l’interprétation des termes « obéré injustement ». Cette évolution est rapportée dans la décision Compagnie A et F…L[5]. Il convient d’en citer les passages suivants :

[9] Les termes « obérer injustement » ont fait l’objet de plusieurs interprétations depuis l’introduction de ce concept dans la loi.

 

[10] Ainsi, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles préconise d’abord une interprétation restrictive de ceux-ci. Elle exige alors une preuve de situation financière précaire ou de lourde charge financière pour que l’employeur puisse bénéficier du transfert des coûts prévu au second alinéa de l’article 326 de la loi3.

 

[11] Toutefois, cette notion évolue vers une interprétation plus libérale où, dorénavant, « toute somme qui ne doit pas pour une question de justice être imputée à l’employeur, l’obère injustement »4

 

[12] Cependant, cette interprétation ne fait pas l’unanimité. Entre autres, dans l’affaire Cegelec Entreprises (1991) ltée et la CSST5, le Tribunal, sans exiger une preuve de faillite ou de situation financière précaire, juge tout de même que l’article 326 de la loi « doit être lu dans son ensemble et que le mot « injustement » doit être lu en corrélation avec le terme « obéré » qui comporte une signification financière ». Il exige donc une preuve de nature financière pour appliquer cet article.

 

[13] Enfin, dans l’affaire Location Pro-Cam inc. et CSST et Ministère des transports du Québec6, la Commission des lésions professionnelles tente de réconcilier ces courants en proposant une troisième avenue. Elle détermine que, pour obtenir un transfert des coûts au motif qu’il est obéré injustement, « l’employeur a le fardeau de démontrer une situation d’injustice, c’est-à-dire une situation étrangère aux risques qu’il doit supporter » et « une proportion des coûts attribuables à la situation d’injustice qui est significative par rapport aux coûts découlant de l’accident du travail en cause ».

_______________

3           Voir à ce sujet : Standard Paper Box Canada inc. et Picard, C.A.L.P. 01364-60-              8611, le 14 août 1987, M.-C. Lévesque; Howard Bienvenu inc. et Fournier, C.A.L.P. 07209-08-8804, le 27 février 1990, R. Brassard; Transport Cabano Expéditex et Lessard [1991] C.A.L.P. 459; CSST et Société canadienne de métaux Reynolds, C.A.L.P. 41245-09-9206, le 25 mars 1994, M. Renaud; Thiro ltée et Succession Clermont Girard [1994] C.A.L.P. 204; Protection Viking ltée et Prairie, C.A.L.P. 51128-60-9305, le 2 février 1995, J.-C. Danis, (révision rejetée le 15 novembre 1995, N. Lacroix).

4               C. S. Brooks Canada inc., C.L.P. 87679-05-9704, le 26 mai 1998, M. Cuddihy; Corporation d’urgences santé de la région de Montréal-Métropolitain, C.L.P. 89582-64-9706, le 19 novembre 1998, M. Montplaisir.

5               C.L.P. 85003-09-9701, le 11 juin 1998, C. Bérubé.

6               C.L.P. 114354-32-9904, le 18 octobre 2002, M.-A. Jobidon.

 

 

[53]        Après avoir ainsi analysé l’évolution de la jurisprudence, la juge administrative conclut ainsi :

[14] Après avoir considéré les différents courants jurisprudentiels, la soussignée est d’avis qu’imposer à l’employeur une preuve de situation financière précaire ou de lourde charge financière, pour conclure qu’il est obéré injustement au sens de l’article 326 de la loi, a pour effet de rendre cet article inapplicable à la majorité de ceux-ci. En effet, plusieurs employeurs prospères auront peine à prétendre que l’imputation de coûts à leur dossier, même exorbitants, les conduit à une situation financière précaire ou leur impose une lourde charge. Or, une loi doit être interprétée de façon à favoriser son application. C’est pourquoi la soussignée ne peut retenir une interprétation aussi restrictive.

 

[15] Il faut toutefois se garder de généraliser et prétendre que toute lésion professionnelle générant des coûts élevés obère injustement l’employeur. L’imputation au dossier d’expérience de ce dernier doit également être injuste. Dans un tel contexte, l’employeur doit non seulement démontrer qu’il assume certains coûts, mais il doit également démontrer qu’il est injuste qu’il les assume dans les circonstances. La soussignée ne retient donc pas les critères plus restrictifs ou l’encadrement proposé dans l’affaire Location Pro-Cam. Elle préfère laisser ouvertes ces questions d’injustice et de coûts afin de les adapter aux faits particuliers de chaque espèce. Cette interprétation est certes imparfaite; elle n’impose pas de recette miracle, mais elle permet d’apprécier chaque cas à son mérite.

 

[Nos soulignements]

 

 

[54]        La soussignée ajoute que si le législateur avait souhaité prévoir la seule notion d’injustice en matière d’imputation au deuxième alinéa de l’article 326, il l’aurait rédigé autrement. En indiquant que l’employeur doit être obéré et qu’il l’est injustement, il y a lieu de conclure que cela implique la démonstration de deux éléments.

[55]        À cet égard, le tribunal partage les propos suivants tirés de la décision Le Groupe Jean Coutu PJC inc.[6], et qui résument bien le fardeau de preuve qui doit être rencontré par l’employeur qui souhaite un transfert des coûts pour le motif qu’il serait obéré injustement :

[23] De l'avis du tribunal, autant il est erroné d'appliquer la notion d'être accablé de dettes ou de provoquer la faillite d'un employeur, autant il est erroné que tout montant doit être transféré du seul fait qu'il subsiste une situation d'injustice.

 

[24] Il faut rappeler que le législateur utilise spécifiquement à l'article 326 de la loi l'expression « obérer injustement un employeur » et que celle-ci doit trouver un contexte d'application qui tient compte de l'entité complète de cette expression.

 

[25] Le soussigné ne croit pas que le transfert devrait être un automatisme dès qu'apparaît une situation d'injustice comme le plaide la procureure de l'employeur. Le tribunal juge qu'une analyse des coûts engendrés par cette lésion doit être présente pour tenir compte de la notion d'obérer utilisée à l'article 326 de la loi. Le tribunal devrait ainsi retrouver une preuve concernant l'aspect financier du dossier qui se situe au centre de ces deux extrêmes, soit entre une situation de faillite et celle où le transfert de tout montant est accordé, quel qu'il soit.

 

[26] Le tribunal rejoint la pensée exprimée dans la récente affaire Transformation B.F.L.13, dans laquelle le tribunal reprend plutôt la notion de charge financière importante qui correspond également, à un degré moindre, à la notion retenue dans certaines autres décisions du tribunal d’un fardeau financier onéreux pour l'employeur.

 

[27] Quoi qu'il en soit, l'employeur doit faire la démonstration d'un certain fardeau financier et non simplement plaider qu’un transfert d'imputation doit être accordé dès qu'une situation d'injustice apparaît, ce que ne prévoit pas l'article 326 de la loi.

 

[28] Dans la présente affaire, cette démonstration d’une charge financière lourde ou importante n'est pas faite. Le tribunal constate que, tout au plus, le travailleur s'est absenté sur une période de deux semaines totalisant un coût de 1 142,36 $, sans autre conséquence financière pour l'employeur. Cette somme n'est mise dans aucun contexte qui ferait en sorte qu'elle constitue une charge lourde ou serait onéreuse pour l'employeur.

 

[29] Dans ces circonstances, le transfert d'imputation est refusé

 

[Référence omise]

 

 

[56]        Qu’en est-il du présent dossier?

[57]        Commençons par la première période, soit celle pour laquelle l’employeur prétend qu’il n’a pu assigner le travailleur pour une maladie intercurrente, soit la lésion au doigt de la main droite. Rappelons que l’employeur demande que les sommes imputées à son dossier soient soustraites pour la période du 1er novembre 2011 au 11 mai 2012.

[58]      La preuve montre qu’une première assignation temporaire a été acceptée par le médecin traitant à compter du 19 septembre 2011 et qu’elle aurait été occupée par le travailleur. Toutefois, quand le médecin du travailleur refuse celle du 1er novembre suivant, il y a absence de preuve que ce refus est en lien avec la chirurgie pour le doigt à gâchette, soit un diagnostic qui n’a pas été reconnu par la CSST. Le refus a trait à l’occupation d’un local non chauffé. Il est ainsi impossible de déclarer que l’assignation temporaire n’a pu être occupée en raison d’une condition personnelle ou d’une maladie intercurrente.

[59]      La situation est différente pour la tentative d’assignation du 13 décembre 2011 quand le médecin indique clairement que le travailleur ne peut l’occuper pour une seule raison, soit parce qu’il attend d’être opéré pour une condition sans lien avec la lésion professionnelle. Le fait que le diagnostic de cette condition personnelle soit apparu au mois de janvier 2011 ne change rien au fait que le seul motif pour lequel le travailleur n’a pas occupé l’assignation proposée par l’employeur est l’attente de la chirurgie en question. Il y a donc lieu de conclure, qu’une telle situation crée une injustice pour l’employeur. En effet, pourquoi devrait-il assumer par le biais de l’imputation à son dossier, l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur dans de telles circonstances alors que le local qu’il proposait était chauffé et qu’il avait une assignation à lui proposer comme la preuve le montre? Examinons maintenant jusqu’à quel moment la représentante de l’employeur souhaite le transfert des sommes.

[60]        À ce titre, elle demande que les sommes versées soient transférées jusqu’au 1er mai 2012. soit à la date de consolidation de la lésion au doigt[7].

[61]        Or, le tribunal rappelle que durant cette période, le travailleur a été admis en réadaptation le 26 mars 2012 et il n’y a pas de preuve que sa lésion au doigt l’empêchait d’y participer. Par ailleurs, en vertu de l’article 179 de la loi, durant ce processus de réadaptation, l’employeur pouvait tenter d’assigner le travailleur. Cet article prévoit en effet, ce qui suit :

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S - 2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[62]        La preuve révèle qu’en l’espèce, la dernière tentative en ce sens date du 13 février 2012 et qu’il n’y en a plus eu d’autres par la suite. Peut-on refuser la demande de transfert en alléguant qu’aucune demande d’assignation temporaire n’avait été présentée après le 13 février 2012? Le tribunal est d’avis que non puisqu’il y a lieu de remettre les faits dans leur juste perspective et donner un sens aux dispositions de la loi.

[63]        Ainsi, quand l’employeur tente ultimement d’assigner le travailleur le 13 février 2012 et qu’il indique que c’est pour une durée indéterminée, il se fait répondre par le médecin traitant dans un premier temps et par le conseiller en réadaptation dans un deuxième temps que le processus de réadaptation empêche toute assignation. Et ce, malgré le libellé de l’article 179 de la loi qui prévoit le contraire. Peut-on dans de telles circonstances reprocher à l’employeur d’avoir cessé de présenter des assignations temporaires et se servir d’un tel motif pour refuser le transfert demandé? Le tribunal ne le croit pas.

[64]        Donc, la soussignée est d’avis que la notion d’injustice a été démontrée pour la période du 13 décembre 2011 au 1er mai 2012, soit 135 jours quand le travailleur n’a pu être assigné en vertu de l’article 179 de la loi. Il convient de procéder immédiatement à l’analyse de l’injustice alléguée pour l’autre période, soit celle du 15 mai 2012 au 17 mai 2013 et pour laquelle le cancer du travailleur est en cause.

[65]        D’emblée, la soussignée rappelle que le travailleur est décédé le 16 février 2013 d’une cause étrangère à sa lésion professionnelle. L’indemnité de remplacement du revenu a alors été versée à sa conjointe comme il est prévu à l’article 58 de la loi[8] :

58. Malgré le paragraphe 2° de l'article 57, lorsqu'un travailleur qui reçoit une indemnité de remplacement du revenu décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle, cette indemnité continue d'être versée à son conjoint pendant les trois mois qui suivent le décès.

__________

1985, c. 6, a. 58.

 

 

[66]        Dans la décision Bombardier Aéronautique[9], la Commission des lésions professionnelles déclare que l’application d’une disposition législative ne peut être interprétée comme obérant injustement un employeur. Également, dans la décision Équipement Sanitaire Cherbourg 1977[10], la même interprétation est retenue, en soulignant que l’article 58 et le droit qu’il emporte est un choix législatif qui s’apparente à une «mesure de nature sociale». La soussignée ajoute que le législateur n’a prévu aucune exception permettant de transférer les indemnités de remplacement du revenu versées en vertu de l’article 58 de la loi du dossier de l’employeur chez qui la lésion professionnelle est survenue.

[67]        Ainsi, la période de trois mois durant laquelle l’indemnité de remplacement du revenu est versée à la conjointe du travailleur doit demeurer imputée au dossier de l’employeur.

[68]        Par ailleurs, la preuve montre que dès le 15 mai 2012, soit au moment où le diagnostic de cancer apparaît, le travailleur était incapable ou non disponible pour participer à son processus de réadaptation ce qui aboutira à une prolongation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu. Et ce, malgré les tentatives tenaces du conseiller en réadaptation de le poursuivre notamment par le biais du représentant syndical. Or, de l’avis de la soussignée, un processus de réadaptation requiert au premier chef la collaboration d’un travailleur et non celle de son représentant. L’analyse de la capacité d’un travailleur à refaire son emploi par exemple exige un minimum de disponibilité de sa part, soit une chose que le travailleur ne pouvait offrir en l’espèce pour un seul motif, soit qu’il était atteint d’un cancer et qu’il recevait des traitements pour cette maladie. Dans les circonstances du présent dossier, le tribunal voit mal comment l’objectif recherché par le processus de réadaptation pouvait être atteint.

[69]      Rappelons également que le diagnostic de cancer n’était pas bénin et que dès le 25 juin 2012, les traitements de chimiothérapie et de radiothérapie ont été entrepris alors que le docteur Caron évalue que le travailleur ne peut plus participer à son processus de réadaptation. Il est difficile de concilier de tels faits avec la décision du conseiller en réadaptation de poursuivre ses démarches. D’autant que la suite du dossier montre que la condition physique du travailleur n’a fait que se détériorer pour aboutir à son décès quelque neuf mois après le début des traitements pour son cancer. Or, c’est uniquement à la date du décès que la CSST a cessé d’imputer au dossier de l’employeur les indemnités en lien avec le processus de réadaptation. Une telle situation apparaît injuste à sa face même.

[70]        Il reste à décider si l’employeur est obéré. En effet, comme il a été dit plus haut, la soussignée est d’avis qu’il n’est pas suffisant de prouver l’injustice pour qu’un transfert d’imputation en vertu de l’article 326 de la loi s’opère. Il faut également prouver l’existence d’un fardeau financier.

[71]        À ce titre, la preuve faite en l’instance montre une estimation des coûts établie pour des périodes différentes à celles retenues. Il est ainsi difficile d’établir de manière précise les montants en cause. De plus, compte tenu du déroulement du dossier il est aussi difficile de départager ce qu’il en est. 

[72]      Néanmoins, en cumulant les deux périodes, le tribunal constate qu’elles représentent une durée équivalant à 35 % du coût total du versement de l’indemnité de remplacement du revenu, ce qui est non négligeable. Cela suffit à déclarer que ce coût représente une charge financière significative permettant que le dossier financier de l’employeur ne soit pas imputé des sommes suivantes :

Ø  L’indemnité de remplacement du revenu versée du 13 décembre 2011 au 1er mai 2012 ainsi que les coûts liés aux soins et traitements pour la chirurgie du 16 décembre 2011.

Ø  Du coût des prestations versées du 15 mai 2012 au 16 février 2013.

[73]        Les coûts liés au processus d’évaluation médicale au BEM demeurent imputés au dossier de l’employeur puisqu’ils sont en lien avec la lésion professionnelle. À ce titre, le tribunal ne retient pas les commentaires du docteur DesRosiers selon lesquels le déficit anatomophysiologique et les limitations fonctionnelles auraient été octroyés pour des conditions autres que celles reconnues par la CSST comme résultant de l’accident du travail. La lecture de l’avis du membre du BEM ne laisse aucun doute à ce sujet, soit que les séquelles octroyées résultent des seuls diagnostics retenus par la CSST. Cet avis a été entériné par une décision qui est maintenant finale et elle ne peut être remise en cause par le biais des demandes formulées en vertu de l’article 326 de la loi.

[74]        Les requêtes de l’employeur sont ainsi accueillies en partie.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 487147-63-1211

ACCUEILLE en partie la requête de Arrondissement Rosemont/Petite-Patrie, l’employeur;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 octobre 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’indemnité de remplacement du revenu versée du 13 décembre 2011 au 1er mai 2012 ainsi que les coûts liés à la chirurgie du 16 décembre 2011 doivent être imputés aux employeurs de toutes les unités.

Dossier 505392-63-1303

ACCUEILLE en partie la requête de Arrondissement Rosemont/Petite-Patrie, l’employeur;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 février 2013, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le coût des prestations versées du 15 mai 2012 au 16 février 2013 doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.

 

 

 

 

 

Luce Morissette

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Cette information apparaît aux notes évolutives du 21 septembre 2011.

[3]           Voir notamment la note évolutive du 18 avril 2012.

[4]           La représentante de l’employeur indique que la consolidation au doigt a été fixée au 11 mai 2012; le tribunal se réfère plutôt au rapport final à la page 196 du dossier du tribunal et qui indique plutôt celle du 1er mai 2012.

[5]           Compagnie A et FL…, C.L.P. 318053-71-0705, 6 mars 2009, C. Racine.

[6]           C.L.P. 353645-62-0807, le 14 octobre 2009, R. Daniel.

[7]           Le tribunal a déjà décidé que c’était plutôt la date du 1er mai 2012 qui était celle de la consolidation.

[8]           Le tribunal retient à ce sujet, la mention faite à l’affidavit de Sylvie Whittom selon laquelle une telle indemnité a été versée et aussi celle apparaissant au document «Portrait du travailleur» produit par l’employeur.

[9]           C.L.P. 374974-64-0904, 18 août 2010, M. Montplaisir.

[10]         2011 QCCLP 2602.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.