Décision

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Modèle de décision CLP - juillet 2015

Vaval et CUSM - Hôpital Général de Montréal

2016 QCTAT 4321

 

 

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL

(Division de la santé et de la sécurité du travail)

 

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

599792-71-1603

 

Dossier CNESST :

141108829

 

 

Montréal,

le 14 juillet 2016

______________________________________________________________________

 

DEVANT LE JUGE ADMINISTRATIF :

Renée M. Goyette

______________________________________________________________________

 

 

 

Lesly Vaval

 

Partie demanderesse

 

 

 

et

 

 

 

CUSM - Hôpital général de Montréal

 

Partie mise en cause

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 7 mars 2016, monsieur Lesly Vaval (le travailleur) dépose un acte introductif au Tribunal administratif du travail par lequel il conteste une décision rendue le 24 février 2016 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la Commission déclare irrecevable la demande de révision produite le 5 février 2016 par le travailleur puisqu’elle a été produite hors délai et qu’aucun motif raisonnable permettant de relever le travailleur de son défaut n’a été démontré.

[3]           Depuis le 1er janvier 2016, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) assume les compétences autrefois dévolues à la CSST.

[4]           Le 31 mai 2016, CUSM - Hôpital général de Montréal (l’employeur) a produit un avis d’absence à l’audience fixée à Montréal le 1er juin 2016. Pour sa part, le travailleur est présent et représenté par maître Marie-Pier Dupuis-Langis.

[5]           Lors de l’audience, le travailleur s’est engagé, par l’intermédiaire de sa représentante, à produire des documents supplémentaires. Le complément d’enquête s’étant terminé le 17 juin 2016, c’est à cette date que l’affaire est mise en délibéré.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[6]           Le travailleur demande au Tribunal administratif du travail de déclarer recevable sa demande de révision administrative et de déclarer qu’il avait un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d’avoir produit sa demande de révision administrative hors délai.

[7]           Quant au mérite, le travailleur demande au Tribunal de déclarer que la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu du 9 au 16 juillet 2013 n’était pas justifiée et d’ordonner à la Commission de lui rembourser l’indemnité de remplacement du revenu qu’il aurait dû recevoir pour cette période, et ce, avec intérêts.

LES FAITS

[8]           Le travailleur occupe le poste de préposé aux bénéficiaires au département psychiatrique.

[9]           Le 17 avril 2013, le travailleur subit une lésion professionnelle en tentant de maîtriser une bénéficiaire agitée avec l’aide de collègues.

[10]        L’indemnité de remplacement du revenu auquel le travailleur a droit en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) est versée par son employeur et non par la CSST.

[11]        Le 5 juin 2013, la CSST rend une décision acceptant la réclamation du travailleur à l’égard des diagnostics d’entorse dorsale, de contusion aux côtes gauches, d’entorse lombaire, de contusions thoracosternale, dorsolombaire et testiculaire.

[12]        Le 26 juin 2013, l’employeur adresse un avis de convocation au travailleur pour subir une expertise médicale par son médecin désigné, soit la docteure Anne Thériault, le 4 juillet 2013 à 15 h.

[13]        La veille du rendez-vous, l’employeur a laissé un message sur la boîte vocale du travailleur pour lui rappeler le rendez-vous.

[14]        Le travailleur explique les raisons pour lesquelles il ne s’est pas présenté au rendez-vous fixé le 4 juillet 2013 à 15 h avec la docteure Thériault.

[15]        En se dirigeant au bureau de la docteure Thériault, le travailleur a pris le métro dans lequel une panne est survenue. Il a d’abord attendu les premières annonces et lorsqu’il fut annoncé que la panne serait d’une durée indéterminée, le travailleur est descendu. Il était déjà trop tard pour se rendre au bureau du médecin ou encore aviser l’employeur. Il n’avait pas d’argent lui pour prendre un taxi, il avait que sa carte pour prendre le transport en commun. Le travailleur n’a pas non plus de téléphone cellulaire, mais un téléavertisseur.

[16]        La même journée, l’employeur adresse une lettre au travailleur relativement à son absence non autorisée à un rendez-vous médical manqué en lui rappelant les faits relatifs à la convocation de celui-ci ainsi que de son absence; informations qui seront acheminées à la CSST.

[17]        Selon la note d’intervention du 10 juillet 2013, le travailleur a communiqué avec la CSST afin d’expliquer les motifs de son absence au rendez-vous fixé avec la docteure Thériault le 4 juillet 2013. Le travailleur mentionne qu’il était le métro lorsqu’est survenue une panne électrique.

[18]        Le travailleur confirme qu’il a reçu la décision rendue le 9 juillet 2013 par la CSST l’informant de la suspension de son indemnité de remplacement du revenu à compter du 9 juillet 2013, et ce, conformément à l’article 142 de la loi au motif qu’il a omis ou refusé de se soumettre à un examen médical demandé par l’employeur sans raison valable.

[19]        Environ une semaine ou une semaine et demie après sa réception, le travailleur s’est rendu au bureau de son syndicat où il a rencontré son délégué. Ce dernier l’aurait informé, à ce moment, qu’un grief serait déposé. Il a alors complété le formulaire nécessaire avec le délégué.

[20]        Le grief MG13-S115 daté du 9 août 2013 qui se lit comme suit est déposé chez l’employeur :

DESCRIPTION DU GRIEF ET RÉCLAMATION

 

Pursuant to this Collective Agreement, I grieve the decision taken by the employer to stop my CSST payments of July 09, 10, 12, 15 and 16 2013. I therefore demand to be repaid any amount of money that has been or may be lost including the accumulation of seniority. All without any loss of my rights & privileges. I/We demand to have my/our rights respected and to be compensated for this prejudice, including damages, as well as exemplary damages and fiscal prejudice, to be applied retroactively, with legal interest according to Labour Code and without prejudice to other acquired.

 

 

[21]        Le délégué syndical a informé le travailleur que le délai de traitement des griefs pouvait atteindre jusqu’à deux ans.

[22]        Le travailleur confirme qu’il a fait des appels de suivi pour connaître l’issu de son grief.

[23]        Entre le mois de janvier et février 2016, le travailleur a communiqué avec le syndicat pour connaître les raisons du long délai à l’égard de la contestation de la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu.

[24]        Le 5 février 2016, le travailleur s’est rendu par la suite au syndicat où il a complété une demande de révision administrative avec la représentante syndicale.

Le témoignage de monsieur Manuel Fernandes

[25]        Monsieur Fernandes occupe le poste de vice-président de la santé et sécurité au travail au sein du syndicat accrédité chez l’employeur où il traite principalement des dossiers de prévention, de harcèlement, d’assurance-salaire, d’accommodement raisonnable ainsi que de santé et sécurité au travail.

[26]        Monsieur Fernandes confirme qu’un grief a été déposé le 9 août 2013 par erreur. Il explique également qu’un volume important de griefs est en retard, soit environ 4 000 griefs.

[27]        Le 14 août 2013, monsieur Fernandes a laissé un message téléphonique sur la boîte vocale de l’agente d’indemnisation afin de lui expliquer que le travailleur n’a pu se rendre au rendez-vous en raison d’une panne de métro, que ce dernier ne recevait plus d’indemnité de remplacement du revenu et souhaitait qu’on le rappelle. Un peu plus tard dans la journée, l’agente d’indemnisation communique avec monsieur Fernandez et rapporte ce qui suit aux notes évolutives :

- ASPECT LÉGAL :

Retour d’appel du réprésentante de E soit Manuel Fernandes

 

Il explique que T a râté le RV avec le md désigné de E car il y a une panne de métro la journée du 4 juillet 2013. Il dit que ce n’est donc pas la faute du T.

 

J’explique avoir effectué une recherche sur Internet. J’explique que la panne de métro a eu lieu le mercredi 3 juillet 2013 et non le 4 juillet 2013. J’explique que la panne a durée 1/2 heure. Je l’invite à vérifier cette information sur Internet. Il dit comprendre et que T s’est sûrement trompé de journée.

 

Il dit qu’il a fait un grief à E à ce sujet.

 

J’explique que T peut contester la lettre de décision du 2013/07/09 concernant cette suspension du versement des IRR. J’explique qu’il a 30 jours pour contester. Il explique qu’il va contester la décision. [sic]

 

[notre soulignement]

 

 

[28]        L’audience de grief devait se tenir le 14 mai 2015 devant un premier arbitre qui s’est par la suite désisté.

[29]        Le 17 novembre 2014, le greffe des tribunaux d’arbitrage du secteur - Santé et Services Sociaux procéda à la nomination d’un autre arbitre pour entendre ce grief lequel devait procéder le 31 mai ou le 7 juin 2016.

[30]        Selon monsieur Fernandes, c’est au mois de janvier ou février 2016 que le délégué a réalisé son erreur quant au pro quo pour contester la décision rendue le 9 juillet 2013 par la CSST et a déposé une demande de révision administrative à la CSST le 5 février 2016.

LES MOTIFS

[31]        Le Tribunal doit déterminer si la demande de révision administrative déposée le 5 février 2016 par le travailleur à l’encontre de la décision rendue le 9 juillet 2013 est recevable.

[32]        Le cas échéant, le Tribunal doit déterminer si le travailleur avait un motif valable de ne pas se présenter au rendez-vous médical fixé le 4 juillet 2013 par l’employeur et que l’indemnité de remplacement du revenu n’aurait pas dû être suspendue. Ainsi, il demande au Tribunal d’ordonner à la CSST de lui verser l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 9 au 16 juillet 2013, et ce, avec intérêts.

[33]        Dans la décision rendue le 24 février 2016 faisant l’objet de la présente contestation, la Commission la déclare irrecevable parce que le travailleur n’a pas déposé sa demande de révision administrative dans le délai prescrit par la loi et n’a pas démontré de motif raisonnable permettant de le relever de son défaut.

[34]        En vertu de l’article 358 de la loi, une demande de révision doit être déposée dans les 30 jours de la notification de la décision rendue par la Commission.

358.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d’une question d’ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l’article 224 ou d’une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l’article 365.

 

Une personne ne peut demander la révision de l’acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l’article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d’annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l’article 323.1.

 

Une personne ne peut demander la révision du taux provisoire fixé par la Commission en vertu de l’article 315.2.

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

 

[35]        L’article 358.1 de la loi exige que la demande de révision soit faite par écrit.

358.1. La demande de révision doit être faite par écrit. Celle-ci expose brièvement les principaux motifs sur lesquels elle s’appuie ainsi que l’objet de la décision sur laquelle elle porte.

__________

1997, c. 27, a. 15.

 

 

[36]        Par ailleurs, l’article 358.2 de la loi prévoit que ce délai de 30 jours peut être prolongé ou une personne peut être relevée de son défaut de respecter ledit délai si elle démontre qu’elle n’a pu faire sa demande de révision dans le délai prévu par la loi pour un motif raisonnable.

358.2.  La Commission peut prolonger le délai prévu à l’article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s’il est démontré que la demande de révision n’a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.

__________

1997, c. 27, a. 15.

 

[37]        La notion de « motif raisonnable » a fait l’objet de nombreuses décisions par la Commission des lésions professionnelles. À cet effet, le Tribunal se réfère à l’interprétation de la notion de « motif raisonnable » retenue dans l’affaire Roy et CUM[2] par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles qui définit cette notion de la manière suivante :

La notion de motif raisonnable, est selon la Commission d’appel, une notion large permettant de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion.

 

 

[38]        La Commission des lésions professionnelles a décidé que l’analyse de l’existence d’un « motif raisonnable » doit être réalisée en regard de la diligence démontrée par la partie qui exerce le recours par opposition à une négligence qui lui demeure imputable[3].

[39]        Dans la décision Turmel et Transport Robert 1973 ltée[4], la Commission des lésions professionnelles résume de la façon suivante la jurisprudence relative à la notion de « motif raisonnable » :

[17]      La notion de « motif raisonnable » énoncée notamment à l’article 429.19, mais également aux articles 352 et 358.2 de la loi, est vaste et, de ce fait, sujette à beaucoup d’interprétation ainsi qu’à l’exercice d’une discrétion importante de la part du décideur, lequel doit examiner toutes les circonstances du cas particulier qui lui est soumis4. Le motif raisonnable a par ailleurs déjà été décrit par la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles comme étant « un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion » 5.

 

[18]      Ont ainsi déjà été retenus comme constituant un motif raisonnable :

 

  §   a négligence d’un représentant, alors que la partie avait quant à elle fait preuve de diligence6;

§  Le fait d’avoir été induit significativement en erreur par un représentant de l’employeur ou de la CSST7;

§  L’incapacité ou de sérieuses difficultés, médicalement démontrées, découlant de l’état psychologique ou de la prise de médicaments8;

§  Un imbroglio administratif ou juridique sérieux9.

 

[19]      N’ont cependant pas été considérés comme étant un motif raisonnable, notamment :

 

§  La simple allégation d’un état dépressif10;

§  Le désir de compléter le dossier médical avant de contester11;

§  L’attente d’un diagnostic précis et complet12;

§  Le fait que les médecins consultés n’aient pas conseillé de produire une réclamation13;

§  L’ignorance de la loi14;

§  Une incertitude quant au désir de contester, l’attente de la suite des événements et de l’évolution de la lésion, la tentative de règlement, la négligence, etc.1

 

[notes omises]

 

 

[40]        Qu’en est-il dans la présente affaire?

[41]        Le Tribunal constate que le grief déposé par le syndicat est daté du 9 août 2013, ce qui démontre l’intention du travailleur de contester la décision rendue par la CSST et la suspension de son indemnité de remplacement du revenu. De plus, le travailleur recevant son indemnité de remplacement du revenu de son employeur pouvait croire qu’il avait eu une suspension de salaire.

[42]        Certes, il est vrai que le représentant syndical a erronément déposé un grief au lieu et place d’une demande de révision administrative à la CSST. Ce même délégué syndical avait d’ailleurs mentionné au travailleur que les délais étaient longs en raison du volume important de griefs.

[43]        Par ailleurs, le travailleur a fait plusieurs suivis auprès de son délégué syndical et à chaque fois, on lui disait que cela pouvait être long. À cet effet, monsieur Fernandes a confirmé qu’il y avait une accumulation d’environ 4 000 griefs en attente d’une audience.

[44]        Le travailleur invoque l’affaire Laverdure et Foyer Sacré Cœur[5] dans laquelle la Commission des lésions professionnelles décida que l’erreur du représentant qui a déposé un grief plutôt qu’une demande de révision administrative constituait un motif raisonnable de relever la travailleuse de son défaut d’avoir contesté dans les délais prescrits par la loi compte tenu de la situation particulière de la travailleuse dont l’indemnité de remplacement du revenu était versé directement par son employeur, l’ignorance de la loi ainsi que l’erreur et l’inexpérience de son représentant.

[45]        De manière analogue, la Commission des lésions professionnelles décida dans l’affaire Gauthier et Boisvert Pontiac Buick Ltée[6], qu’une erreur portant sur le lieu de dépôt de la contestation constitue un motif raisonnable justifiant la prolongation du délai.

[46]        En déposant un grief le 9 août 2013 visant à contester la coupure de l’indemnité de remplacement du revenu versée par l’employeur en lieu et place de la CSST démontre que le travailleur avait l’intention de contester la décision, rendue le 9 juillet 2013, l’informant de la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 142 de la loi parce qu’il avait omis de se soumettre à un examen médical par son employeur.

[47]        Ainsi, ce grief a été déposé à l’intérieur du délai de 30 jours prévu à l’article 358 de la loi, le travailleur confirmait son intention de contester cette décision rendue à la suite d’une révision administrative.

[48]        Le Tribunal considère que cette erreur du représentant du travailleur ne peut être imputable au travailleur d’autant plus, que son délégué syndical l’avait informé que les délais étaient longs et pouvaient prendre plus de deux ans; raison pour laquelle le travailleur a fait que quelques suivis avec le syndicat.

[49]        Le Tribunal conclut que le travailleur a démontré un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut d’avoir déposé une demande de révision administrative dans le délai prévu à l’article 358 de la loi et conséquemment, que sa demande de révision administrative est recevable.

[50]        Reste à déterminer si la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 9 au 16 juillet 2013 est justifiée.

[51]        En vertu de l’article 142 de la loi ci-après reproduit, la Commission peut réduire ou suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu lorsque sans raison valable lorsque le travailleur omet de se soumettre à un examen prévu par la loi.

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a) fournit des renseignements inexacts;

 

b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu’elle requiert ou de donner l’autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s’il s’agit d’un examen qui, de l’avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s’il y a contestation, selon un membre du Bureau d’évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu’une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s’il y a contestation, un membre du Bureau d’évaluation médicale, estime nécessaire dans l’intérêt du travailleur;

 

d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu’il est tenu de faire conformément à l’article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l’article 180;

 

f) omet ou refuse d’informer son employeur conformément à l’article 274.

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

[nos soulignements]

 

 

[52]        L’article 142 de la loi crée donc un incitatif pour le travailleur qui, sans motif valable, notamment entrave, omet ou refuse de se soumettre à un examen médical ou à un traitement médical prévu par la loi. Un tel manquement de la part du travailleur se traduit par une réduction ou une suspension de son indemnité de remplacement du revenu afin de l’inciter à collaborer.

[53]        La notion d’entrave n’est pas définie dans la loi. Aussi, faut-il s’en remettre à son interprétation jurisprudentielle.

[54]        Dans l’affaire Prévost Car inc. et Chouinard[7], le Tribunal retient la définition du terme entrave contenu au dictionnaire, indiquant que ce terme implique l’existence d’une action ou d’une manœuvre volontaire ayant pour effet d’entacher le résultat. À ce titre, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et la Commission des lésions professionnelles ont reconnu que les situations ci-après décrites comme étant de l’entrave au sens de l’article 142 de la loi :

·        s’absenter pour aller se reposer à son chalet[8];

·        recevoir une infiltration avant la tenue d’un examen par un membre du Bureau d’évaluation médicale[9];

·        exiger la présence d’un tiers malgré le refus du médecin examinateur[10];

·        refuser ou manquer de collaboration[11].

[55]        En argumentation, le travailleur soutient qu’il était dans l’impossibilité de se rendre à l’examen médical fixé par l’employeur avec la docteure Thériault en raison d’une panne d’une demi-heure qui est survenue dans le métro pendant son trajet. À cet effet, il a produit de la jurisprudence[12] reconnaissant que l’impossibilité de se rendre à un examen médical en raison d’une panne de moyen de transport constitue un motif valable de ne pas se présenter à l’examen médical fixé par son employeur. Toutefois, précisons que chacune de ces affaires concerne un cas d’espèce bien distinct de celui dont le Tribunal est saisi. 

[56]        Rappelons que la veille de l’examen, soit le 3 juillet 2013, l’employeur a laissé un message téléphonique sur sa boîte vocale du travailleur afin de lui rappeler le rendez-vous fixé le 4 juillet 2013 à 15 h conformément à l’avis de convocation adressé le 26 juin 2013.

[57]        Le travailleur a expliqué qu’il était dans l’impossibilité de se rendre à l’examen médical fixé par son employeur en raison d’une panne qui est survenue dans le métro durant le trajet pour s’y rendre, qu’il n’avait pas d’argent pour prendre un taxi et qu’il n’avait pas de téléphone cellulaire pour aviser de son absence à cet examen.

[58]        Le Tribunal retient la note évolutive rapportée le 14 août 2013 par l’agente d’indemnisation résumant la teneur d’une conversation téléphonique avec monsieur Fernandes lors de laquelle elle lui a expliqué qu’elle avait fait une recherche sur Internet et que la panne de métro d’une demi-heure avait eu lieu le 3 juillet 2013 et non le 4 juillet 2013.

[59]        Le travailleur n’a pas produit d’éléments de preuve tels qu’une lettre émanant de la Société de transport de Montréal attestant qu’une panne de métro est survenue le 4 juillet 2013 en après-midi, ni articles de journaux rapportant cette nouvelle parmi les faits divers.

[60]        Bien que monsieur Fernandes ait affirmé que le travailleur n’avait pu se rendre à l’examen médical fixé par l’employeur en raison d’une panne de métro survenu le 4 juillet 2013, c’est sur la base de ce que le travailleur lui avait expliqué qu’il a témoigné à cet effet, et ce, sans en avoir une connaissance personnelle. Monsieur Fernandes, n’a pas non plus commenté cette note de l’agente d’indemnisation et ne l’a pas rappelée après avoir fait des vérifications à cet effet.

[61]        Ceci étant, le travailleur n’a pas convaincu le Tribunal de manière prépondérante que la panne de métro est survenue le 4 juillet 2013 et non le 3 juillet 2013 et qu’il était dans l’impossibilité de se rendre à l’examen médical auquel il avait été convoqué.

[62]        Après examen et considération de l’ensemble de la preuve, le Tribunal considère qu’en ne se présentant pas au rendez-vous fixé, le travailleur a entravé, omis, refusé de se soumettre à l’examen médical auquel il a été convoqué par l’employeur.

[63]        Après examen et analyse de l’ensemble de la preuve, le Tribunal conclut que le travailleur n’a pas démontré de manière prépondérante qu’il était avait un motif raisonnable de ne pas se présenter le 4 juillet 2013 à l’examen médical auquel il avait été convoqué par l’employeur parce qu’il lui était impossible de s’y rendre en raison d’une panne de transport.

[64]        Ce faisant, le Tribunal conclut qu’il y a lieu de suspendre l’indemnité de remplacement de revenu du travailleur pour la période du 9 au 16 juillet 2013.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU TRAVAIL :

ACCUEILLE EN PARTIE la requête du travailleur, monsieur Lesly Vaval;

INFIRME la décision rendue le 24 février 2016 par la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la demande de révision du travailleur, monsieur Lesly Vaval;

DÉCLARE quant au fond qu’il y a lieu de réduire ou suspendre l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur, monsieur Lesly Vaval, pour la période du 9 au 16 juillet 2013.

 

 

 

__________________________________

 

Renée M. Goyette

 

 

 

Me Marie-Pier Dupuis-Langis

C.S.N.

Pour la partie demanderesse

 

Date de l’audience :             1er juin 2016

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           C.A.L.P. 04342-61-8708, 18 juillet 1990, M. Cuddihy; Voir aussi : Gagné et CSST, C.L.P. 89623-03B-9707, 28 mai 1998, M. Renaud; Bolduc et Centre hospitalier régional de Lanaudière, C.L.P. 114856-63-9904, 27 mars 2000, J.-M. Charette; Chrétien et Société canadienne des postes, C.L.P. 232023-01B-0403, 4 mai 2005, L. Desbois; G.P. Lalande et F. Poupart, à la page 18; citée dans Genest et Aur Louvicourt inc., C.L.P. 234512-08-0405, 11 janvier 2005, M. Langlois, révision rejetée, 10 juin 2005, M. Carignan.

[3]           Beaumont et Groupe Qualinet inc., C.L.P. 258489-32-0503, 16 juin 2005, C. Lessard.

[4]           C.L.P. 361506-07-0810, 23 septembre 2010, L. Desbois.

[5]           C.L.P. 270985-05-0509, 19 janvier 2006, L. Boudreault.

[6]           C.L.P. 137882-64-0004, 24 mai 2001, D. Martin; Léveillé et Brasseurs Gmt inc., C.L.P. 356338-71-0808, 15 avril 2010, R. M. Goyette.

[7]           C.L.P. 155520-03B-0102, 4 juin 2001, M. Cusson, (01LP-21), révision rejetée, 17 décembre 2001, P. Simard.

[8]           Gilbert et Ville de St-Jean-sur Richelieu, C.A.L.P. 58437-62-9404, 15 mars 1996, G. Perreault.

[9]           Fleury et Turkhot Tech inc., C.L.P. 115851-62-9905, 14 juillet 1999, Y. Lemire, 31 août 2000, M. Bélanger.

[10]          Boucher-Brisebois et General Motors du Canada Ltée, [1995] C.A.L.P. 109; Foyer de Val-d’Or inc. et St-Pierre, [1998] C.L.P. 963; Promotions sociales Taylor-Thibodeau et Friedman, [1999] C.L.P. 135, révision rejetée, C.L.P. 104662-71-9807, 14 janvier 2000, Anne Vaillancourt; Imbeault et A.F.G. Industries Ltée (Glaverbec), [2001] C.L.P. 585, révision rejetée, C.L.P. 160947-03B-0105, 25 février 2003, P. Simard; Hôtel Loews Le Concorde et Belleau, C.L.P. 239509-31-0407, 22 février 2005, M. Beaudoin; Raymond et Papetière Donnacona, [2006] C.L.P. 1480.

[11]          General Motors du Canada Ltée et Delangis, [1987] C.A.L.P. 314; Boucher-Brisebois et General Motors du Canada Ltée, [1995] C.A.L.P. 109; Fodil et International Clothiers inc., C.L.P. 312867-31-0703, 21 juin 2007, G. Tardif.

[12]       Turcot et Ville de Montréal-Est, C.L.P. 164342-71-0106, 10 avril 2002, L. Turcot; Gagnon, et A. & D. Prévost inc., 2007 QCCLP 473; Dupont et Via Rail Canada inc., 2011 QCCLP 6801.

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