Leduc c. Panasonic Canada inc. |
2016 QCCQ 10017 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-148222-153 |
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DATE : |
14 septembre 2016 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE HENRI RICHARD |
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ANDRÉ LEDUC |
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Demandeur |
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c. |
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PANASONIC CANADA INC. |
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LOUIS FILLION ÉLECTRONIQUE INC. |
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Défenderesses |
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JUGEMENT |
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[1] En juillet 2013, André Leduc achète un téléviseur de marque Panasonic chez Louis Fillion Électronique inc. (Fillion). En novembre 2014, ce téléviseur cesse de fonctionner, si bien que M. Leduc demande l’annulation du contrat de vente et le remboursement du prix payé. M. Leduc poursuit Fillion et le fabricant du téléviseur, Panasonic Canada inc. (Panasonic).
[2] Fillion ne produit aucune contestation au dossier de la Cour alors que Panasonic plaide que l’entreprise qui effectue l’inspection de l’appareil, à sa demande, constate qu’il y a eu un impact sur l’écran causé par une force extérieure, ce qui exclut la garantie du manufacturier.
Question en litige
[3] Le téléviseur en cause cesse-t-il de fonctionner après avoir reçu un impact sur l’écran ou en raison d’un vice l’affectant ?
Contexte et analyse
[4] André Leduc paie 4 193,34 $ pour l’achat du téléviseur en cause et son installation par des représentants de Fillion.
[5] M. Leduc et son fils témoignent qu’en aucun temps le téléviseur reçoit un impact sur l’écran.
[6] À compter de novembre 2014, M. Leduc constate que l’appareil cesse soudainement de fonctionner, si bien qu’il avise Fillion et Panasonic qui dépêchent sur les lieux un technicien afin de vérifier les causes de cet arrêt de fonctionnement.
[7] Tel qu’indiqué à sa contestation, Panasonic plaide qu’une « force extérieure » cause un impact sur l’écran, ce qui a pour conséquence d’endommager l’appareil et l’empêcher de fonctionner. Puisque ces « dommages physiques » ne sont pas couverts par la garantie du manufacturier, Panasonic refuse de réparer ou de reprendre l’appareil et de rembourser à M. Leduc le prix d’achat.
[8] Cependant, au procès, le technicien qui est dépêché par Panasonic et Fillion témoigne qu’un composant électronique, nommé « pixel », est la cause la plus probable et vraisemblable du bris de ce téléviseur qui cause un court-circuit à l’intérieur de l’appareil, ce qui l’endommage de façon définitive.
[9] De plus, ce technicien témoigne que les appareils de type « plasma », comme celui que M. Leduc achète, sont fréquemment endommagés par des problèmes du composant électronique concerné.
[10] Finalement, le technicien établit que s’il y avait eu un impact sur l’écran, un cercle se serait formé, alors qu’il n’en détecte aucun. Il conclut donc qu’il n’y a aucun impact et que la cause la plus probable est un vice de fabrication d’origine, soit la défectuosité d’un composant électronique qu’il identifie comme un « pixel ».
[11] Devant cette preuve, le Tribunal n’a d’autre choix que de donner raison à M. Leduc et de tenir solidairement responsables le vendeur professionnel spécialisé de l’appareil, Fillion, et son fabricant, Panasonic.
[12] Il en est ainsi puisque cet appareil est affecté d’un vice caché, au sens des articles 1726 et 1729 du Code civil du Québec et 53 de la Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c. P-40.1 (LPC) :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.
Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
[13] Selon l’auteur Jeffrey Edwards, aussi juge à la Cour du Québec, l’obligation entre un vendeur professionnel et un fabricant est solidaire en relation avec la garantie de qualité[1].
[14] En plus d’être affecté d’un vice caché, M. Leduc a raison d’invoquer la garantie de durabilité prévue à l’article 38 LPC :
38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.
[15] Puisque M. Leduc demande l’annulation du contrat de vente et le remboursement du prix payé, il offre à Fillion et à Panasonic de reprendre le bien qui est toujours en sa possession.
[16] Finalement, puisque Fillion et Panasonic ne demandent pas de réduire le montant réclamé en conséquence de l’annulation de la vente, le Tribunal ne peut se prononcer sur une quelconque réduction du prix d’achat, même si M. Leduc utilise le téléviseur pendant plusieurs mois avant le bris.
PAR CES MOTIFS, le Tribunal:
ACCUEILLE la demande d’André Leduc contre Louis Fillion Électronique inc. et Panasonic Canada inc.;
ANNULE, à toutes fins que de droit, le contrat de vente intervenu entre André Leduc et Louis Fillion Électronique inc. le 23 juillet 2013 (pièce P-1) portant sur le téléviseur en cause de marque Panasonic;
CONDAMNE solidairement Louis Fillion Électronique inc. et Panasonic Canada inc. à payer à André Leduc 4 193,34 $ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 7 août 2015, date de l’assignation;
PREND ACTE et DÉCLARE EXÉCUTOIRE l’offre d’André Leduc de remettre à Louis Fillion Électronique inc. et à Panasonic Canada inc. le téléviseur en cause;
ORDONNE solidairement à Louis Fillion Électronique inc. et à Panasonic Canada inc. de prendre possession de ce téléviseur, à leurs frais, au domicile d’André Leduc, et ce, dans les 30 jours du présent jugement, à défaut de quoi André Leduc pourra conserver ce téléviseur, sans affecter les condamnations monétaires solidaires prévues au présent jugement contre Louis Fillion Électronique inc. et Panasonic Canada inc.;
CONDAMNE solidairement Louis Fillion Électronique inc. et Panasonic Canada inc. à payer à André Leduc 138 $ à titre de frais de justice.
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__________________________________ Henri Richard, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
30 août 2016 |
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[1] Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e édition, Wilson & Lafleur, 2008, par. 196 et s.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.