1. Le 30 mars 1999, monsieur Daniel Blais (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre de la décision rendue le 26 mars 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) en révision administrative. Au moyen de celle-ci, la CSST confirme sa décision initiale du 21 décembre 1998. À cette occasion, l’organisme entérine l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 14 décembre 1998 en décidant que la lésion professionnelle du 22 avril 1996 n’a pas entraîné une augmentation de l’atteinte permanente que présentait déjà le travailleur. De plus, compte tenu de l’existence de limitations fonctionnelles, il est énoncé que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu va se poursuivre jusqu’à ce que la CSST dispose de la question qui touche la capacité de retour au travail.
2. Lors de l'audience, monsieur Daniel Blais est représenté par Me François Fisette. Par ailleurs, tout indique que l’employeur pour lequel travaillait monsieur Blais à l’époque où il a été victime de sa première lésion professionnelle a cessé d’exister.
3. Le 9 août 1999, après que Me Fisette ait complété son plaidoyer, l’affaire est prise en délibéré.
4. Au moyen de sa requête, monsieur Blais demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que sa lésion professionnelle du 22 avril 1996 est responsable d’une augmentation de l’atteinte permanente qu’il présentait avant d’en être victime. À cet égard, il fait valoir que la mobilité de la charnière lombo-sacrée de son rachis est considérablement réduite et que ses limitations fonctionnelles sont plus sévères.
5. En 1983, monsieur Blais est victime d’un accident du travail. En raison de cet événement, il doit se soumettre, l’année suivante, à une discoïdectomie aux niveaux L4-L5 et L5-S1.
6. Dans les années subséquentes, quelques récidives, rechutes ou aggravations sont reconnues. À ce propos, il est opportun de préciser que l’évaluation de la lésion qui précède celle qui nous concerne, soit celle du 19 mai 1995, est effectuée le 16 février 1996 par le Dr Leduc. À ce moment, ce médecin observe un déficit sensitif aux dépens des racines L5 et S1. Incidemment, on peut noter que ces atteintes avaient déjà été signalées auparavant. Quant à la mobilité du rachis lombo-sacré, il précise ceci :
«Flexion latérale droite 30°, flexion latérale gauche 30°, flexion antérieure 45°, flexion postérieure 30°, rotation droite 35°, rotation gauche 30°.»
7. D’ailleurs, à propos des amplitudes, il est utile d’indiquer que les expertises précédentes mentionnent qu’elles sont relativement bien conservées. Par exemple, dans son évaluation du 10 août 1994, le Dr Munger rapporte que les mouvements de la colonne sont, à l’exception de la flexion antérieure, complets dans tous les axes. De même, en 1989, le Dr Bouchard ne fait état que d’un léger déficit de 10 degrés en ce qui a trait aux mouvements d’extension et de flexion latérale droite du tronc.
8. Quant aux limitations fonctionnelles, le Dr Leduc écrit, dans son évaluation du 2 avril 1996, ceci :
«Le travailleur présente un syndrome facettaire multi-étagé entraînant des douleurs lombaires irradiant vers les membres inférieurs, chroniques à bas bruit. Cet état se trouve à être exacerbé par des mouvements en apparence bénins qui entraîneront un épisode de lombalgie aiguë. Malgré l’imprévisibilité des récidives, les bases de la prévention chez ce travailleur nécessitent la limitation fonctionnelle suivante :
- ne pas travailler en position de flexion antérieure du rachis lombaire,
- ne pas soulever, déplacer ou manipuler des charges excédant 10 kilos,
- ne pas exécuter des mouvements de rotation du tronc contre résistances ou nécessitant l’application d’une force excédant 5 kilos,
- ne pas faire des torsions du tronc de façon répétée,
- ne pas faire de rotation du rachis en portant une charge excédant 10 kilos.
(…)»
9. Subséquemment, soit le 22 avril 1996, monsieur Blais est victime de la lésion professionnelle qui nous intéresse. Il est rapporté qu’elle se produit en l’absence de traumatisme. D’ailleurs, au moment d’en reconnaître l’existence, le Bureau de révision écrit ceci :
«Le Bureau de révision conclut que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 22 avril 1996. Il est évident que le travailleur est au prise avec des douleurs chroniques qui deviennent aiguës de façon spontanée. La crise du 21 (sic) avril 1996 est bien documentée et le suivi médical démontre qu’il s’agit bien d’une aggravation objective de l’état du travailleur. Il a donc subi une récidive, rechute ou aggravation.»
10. À propos des documents auxquels réfère le Bureau de révision, il est pertinent d’indiquer que l’un d’eux émane du Dr Bigonnesse. Suite à son examen du 23 janvier 1997, le médecin qui a charge formule cette observation :
«(…)
À l’examen physique de ce jour on note au niveau des mouvements de la colonne lombo-sacrée une perte de flexion avec raideur importante au niveau lombaire bas. Le Schober est à 12.5/10cm, les latéro-flexions et les rotations sont également douloureuses et limitées particulièrement du côté gauche. (…)»
Dans un autre du 13 février 1997, le Dr Lefrançois mentionne quant à lui que :
«(…)
Les mouvements du rachis lombosacré sont mesurés au goniomètre et se font avec les amplitudes suivantes :
Flexion antérieure : 60°
Extension : 0°
Flexion latérale droite : 0°
Flexion latérale gauche : 0°
Rotation droite : 0°
Rotation gauche : 0°
(…)»
11. Par ailleurs, à cette époque, aucune atteinte neurologique n’est dénoncée par ces deux médecins.
12. Ensuite, le 1er mars 1998, le Dr Lefrançois rédige le rapport d’évaluation des conséquences de la dernière lésion professionnelle. Dans ce document, il signale la présence d’une hypoesthésie dans le territoire de la racine L5 et il expose que les amplitudes du rachis lombo-sacré sont limitées à 50 degrés en ce qui a trait à la flexion antérieure et qu’elles sont nulles dans les autres axes. En somme, au plan de l’ankylose, le tableau qu’il dresse à ce moment est comparable à celui qu’il a décrit dans son expertise du 13 février 1997.
13. Au sujet des limitations fonctionnelles, il propose celles-ci :
Ne pas soulever, porter, pousser, tirer des poids de plus de 15 livres de façon répétitive ou fréquente ;
Éviter de travailler en position penchée ou accroupie ;
Éviter les flexions, extensions, torsions répétées du rachis lombosacré, i.e. plus de 5-6 fois/heure ;
Éviter de marcher sur un terrain accidenté ou inégal ;
Éviter de ramper et de grimper ;
Éviter les appareils causant de la vibration excessive ;
Éviter autant que possible de monter et descendre des escaliers à répétition ;
Éviter de marcher sur de longues distances ;
Éviter de garder la même position, debout ou assis, plus de 30 minutes consécutives.
14. Entre temps, la CSST refuse le 18 février 1998 de considérer que la condition du travailleur s’est altérée le 30 janvier 1998.
15. Le 6 juillet 1998, visiblement insatisfaite de l’évaluation du Dr Lefrançois, la CSST se prévaut du droit que lui accorde l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) en désignant le Dr Des Marchais pour procéder à l’examen du travailleur.
16. Le 10 août 1998, ce médecin communique son avis. Il décrit un examen neurologique normal et l’absence d’atrophie au niveau des membres inférieurs. En ce qui concerne les mouvements du rachis lombo-sacré, il indique qu’ils sont de l’ordre de 70 degrés en flexion antérieure, de 35 degrés en extension et de 30 degrés en flexions latérales et en rotations. Donc, à l’exception de la flexion antérieure, le Dr Des Marchais juge que la charnière lombo-sacrée du travailleur n’offre aucune ankylose. À l’égard des limitations fonctionnelles, le médecin désigné de la CSST écrit ceci :
«(…)
- Compte tenu d’une discoïdectomie à 2 niveaux ;
- Compte tenu des signes radiologiques démontrés par l’examen de la colonne lombaire et par la résonance magnétique en 1998 ;
- Compte tenu de l’examen clinique du malade ;
- Compte tenu de l’arthrose facettaire présente ;
Nous proposons des restrictions modérées classe 2, c’est-à-dire éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de :
- Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 kg ;
- Travailler en position accroupie, ramper, grimper, effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension et éviter d’effectuer des torsions de la colonne lombaire, même de faible amplitude ;
- Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne ;
- Monter fréquemment plusieurs escaliers et marcher en terrain accidenté ou glissant.
(…)
17. Le 15 septembre 1998, en vertu de l’article 205.1 de la LATMP, la CSST adresse ce rapport au Dr Bigonnesse pour obtenir ses commentaires.
18. Le 19 octobre 1998, le Dr Bigonnesse avise la CSST qu’il préfère l’opinion du Dr Lefrançois plutôt que celle du Dr Des Marchais.
19. Le 20 octobre 1998, la CSST entreprend une démarche similaire auprès du Dr Lefrançois et le 28 suivant, celui-ci formule les observations suivantes :
«(…)
Je constate avec surprise que ce patient qui était très souffrant et dont la mobilité était très limitée lors de sa visite à mon bureau le 16 mars 1998 pouvait réussir à faire les mouvements du rachis lombosacré avec des amplitudes quasi normales lors de l’examen du Dr Desmarchais 5 mois plus tard. On note en particulier que la flexion antérieure qui était déjà limitée à 45° à peine en 1996 se fait à 70° chez le Dr Desmarchais.
Enfin, quant aux limitations fonctionnelles que j’ai recommandées, elles correspondent à l’état clinique que j’ai constaté chez ce patient le 16 mars 1998.»
20. Au mois de novembre 1998, il s’ensuit que la CSST dirige le dossier vers le Bureau d’évaluation médicale pour que les points qui concernent le déficit anatomo-physiologique et les limitations fonctionnelles qui découlent de la récidive, de la rechute ou de l’aggravation du 22 avril 1996 soient tranchés.
21. Le 14 décembre 1998, en qualité de membres du Bureau d’évaluation médicale, l’orthopédiste Jean-Pierre Lacoursière et le neurologue Pierre Bourgeau expriment leur avis. Dans ce rapport, ils dressent un résumé complet du dossier et ils rapportent les plaintes que formule le travailleur. Au niveau de l’examen objectif, il est mentionné au sujet de la mobilité du rachis, ceci :
«(…)
En position debout, les mouvements au niveau de la charnière lombo-sacrée sont les suivants : flexion antérieure à 70° avec distance doigts-sol à 49 cm et un indice de Schoeber de 17/15, extension 30°, flexions latérales droite et gauche à 30° et rotations droite et gauche à 20°.
Cependant, lorsqu’on prend la position assise, les rotations droite et gauche atteignent facilement 30°.»
22. Ces constats conduisent le Bureau d’évaluation médicale à formuler les commentaires suivants :
«Suite à la récidive du 22 avril 1996, monsieur Blais a accusé une augmentation des douleurs au niveau lombaire ainsi qu’au niveau des membres inférieurs.
Un examen en résonance magnétique passé le 22 mai 1998 n’a pu mettre en évidence de signe de fibrose périneurale ou de pachyméningite. Il n’y a pas de sténose du canal lombaire.
Dans l’examen objectif d’aujourd’hui, nous avons trouvé une ankylose de la flexion antérieure du rachis lombaire, surtout en position debout. Cette ankylose est surtout provoquée par l’instabilité clinique que présente monsieur Blais suite à une intervention chirurgicale à deux niveaux. Cette instabilité clinique l’empêche de rester debout ou assis pendant de longues périodes et l’empêche de se pencher vers l’avant au-delà d’un certain degré de flexion.
Par des moyens détournés, nous avons réussi à obtenir des mouvements complets au niveau du rachis lombaire sauf pour la flexion antérieure où on ne peut éliminer définitivement une ankylose à ce niveau.
L’examen neurologique des membres inférieurs a montré des réflexes normaux, une motricité normale, un tonus musculaire normal, une sensibilité normale et une absence de trouble sphinctérien.»
23. En guise de conclusion, il estime que le déficit anatomo-physiologique que présente le travailleur est inférieur à celui qu’avait identifié le Dr Leduc en 1996 et il suggère ceci au sujet des limitations fonctionnelles :
«Considérant l’ensemble du dossier ;
Considérant notre examen objectif d’aujourd’hui ;
Considérant notre examen au chapitre des ankyloses, très différent de celui qu’a fait le docteur Lefrançois dans son évaluation du 16 mars 1998 ;
Considérant que notre examen d’aujourd’hui se rapproche beaucoup plus de celui qu’a fait le docteur DesMarchais le 10 août 1998 ;
Suite à la récidive du 22 avril 1996, monsieur Blais présente les limitations fonctionnelles suivantes, ceci de façon permanente :
- éviter de soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 15 kilos ;
- éviter de travailler en position accroupie, ramper, grimper ou effectuer des mouvements même de faible amplitude, que ce soit en flexion, en extension ou en rotation au niveau de la colonne lombaire ;
- éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne ;
- éviter de circuler de façon répétitive dans les escaliers ou de marcher sur un terrain accidenté ou glissant.»
24. Au sujet des examens pratiqués par le Dr Des Marchais et par les membres du Bureau d’évaluation médicale, monsieur Blais explique que ces derniers l’ont aidé à se mobiliser en le tenant par les hanches et par les épaules. Par contre, il souligne que le Dr Lefrançois n’a pas agi de la sorte. Il dit qu’il l’a plutôt laissé bouger seul. Or, à son avis, cette dernière technique permet d’obtenir un portrait plus conforme de la réalité qu’il vit quotidiennement.
ARGUMENTATION
25. Dans son plaidoyer, le procureur du travailleur signale que l’article 217 de la LATMP impose à la CSST l’obligation de soumettre «sans délai» au Bureau d’évaluation médicale les contestations qui doivent y être tranchées. Ici, Me Fisette note que la CSST a obtenu le rapport du Dr Des Marchais à la mi-août 1998 et qu’elle n’a dirigé le dossier vers cet organisme que le 3 novembre 1998. Dès lors, quoiqu’il note que quelques décisions sont à l’effet contraire[1], il estime que ce retard entache le processus qui conduit à l’avis du Bureau d’évaluation médicale. Conséquemment, il plaide que l’opinion du 16 mars 1998 du Dr Lefrançois devrait être retenue.
26. D’autre part, s’il admet que la composante neurologique de la lésion est demeurée stable en 1996, Me Fisette expose qu’il n’en est pas de même pour l’ankylose du rachis. À cet égard, il demande à la Commission des lésions professionnelles de souscrire aux opinions du Dr Lefrançois. Incidemment, il signale que le Bureau de révision s’est notamment appuyé sur celle que ce médecin a exprimée en 1997 pour reconnaître l’existence de la récidive, de la rechute ou de l’aggravation qui nous occupe.
27. Pour ces raisons, il croit que l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 14 décembre 1998 est erroné au plan de l’importance du déficit anatomo-physiologique et de la nature des limitations fonctionnelles.
AVIS DES MEMBRES
28. Le membre issu des associations des employeurs estime que les éléments disponibles supportent les conclusions du Bureau d’évaluation médicale. Pour sa part, le membre issu des associations syndicales est d’avis que l’opinion des médecins qui soignent monsieur Blais devrait prévaloir.
MOTIFS DE LA DÉCISION
29. Pour débuter, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le processus de contestation qui conduit à l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 14 décembre 1998 est entaché d’un vice qui en compromet la légalité. Cette question met en cause le délai que prévoit l’article 217 de la LATMP en ces termes :
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
30. Même si cette disposition traduit la volonté du législateur pour que la CSST agisse avec célérité lorsqu’une contestation semblable prend naissance, il faut observer que la LATMP ne fixe explicitement aucune sanction si le délai qui y est énoncé n’est pas respecté. Dans ces circonstances, comme il s’agit d’une disposition procédurale, l’irrespect de cette règle ne devrait pas être interprété de façon à faire perdre l’exercice du droit qu’elle encadre. Conséquemment, la Commission des lésions professionnelles doit se garder d’intervenir en cette matière à moins qu’il lui soit démontré qu’elle est confrontée à un délai injustifiable qui devient la source d’une injustice[2].
31. En l’espèce, on observe que la CSST a obtenu l’opinion de son médecin désigné au milieu du mois d’août 1998 et qu’elle s’est inspirée de l’article 205.1 de la LATMP[3] pour la soumettre le 15 septembre 1998 au Dr Bigonnesse. Un mois plus tard, ce médecin qui a charge du travailleur, a répondu à cette demande en indiquant qu’il préférait l’avis du Dr Lefrançois à celui du Dr Des Marchais et la CSST s’est alors tournée vers le premier pour obtenir ses observations. Conséquemment, le dossier a finalement pu être dirigé au Bureau d’évaluation médicale au mois de novembre 1998 et ce dernier a exprimé son avis le 14 décembre 1998.
32. Il est vrai qu’il aurait été facile d’écourter de quelques semaines toute cette démarche. En effet, il aurait suffi que la CSST enclenche ce processus dès le dépôt du rapport de son médecin désigné et qu’elle se limite à en transmettre copie au Dr Lefrançois. En effet, ce sont les conclusions de ce dernier qu’infirmait le rapport du Dr Des Marchais et non celles du Dr Bigonnesse. Par contre, en l’absence de la procédure de consultation que prévoit l’article 205.1 de la LATMP depuis le 1er avril 1998, ce délai n’aurait jamais été contracté. Or, l’objectif que poursuit cette disposition ne devrait pas faire en sorte que la procédure de contestation médicale puisse être contrecarrée simplement parce que la CSST a légèrement tardé à agir ou parce qu’elle a sollicité l’opinion d’un médecin qu’elle n’était pas tenue de consulter. En outre, il faut signaler que monsieur Blais n’a pas démontré que cette situation lui a causé un préjudice. Pour ces raisons, le premier moyen qu’invoque son procureur doit être écarté.
33. Dès lors, il convient de se demander si l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 14 décembre 1998 est bien fondé lorsqu’il est jugé que la lésion du 22 avril 1996 n’est pas responsable d’une augmentation du déficit anatomo-physiologique ou des limitations fonctionnelles que présente le travailleur.
34. À cette fin, il faut signaler qu’il est admis que toute la composante neurologique des problèmes que vit monsieur Blais est, malgré la lésion du 22 avril 1996, demeurée stable. D’ailleurs, l’examen de divers rapports qui figurent au dossier confirme cette réalité. Malgré tout, le travailleur prétend que son déficit anatomo-physiologique est en hausse car l’ankylose qu’il présente affecte maintenant l’ensemble des mouvements de sa colonne lombo-sacrée et que ceci justifie de restreindre davantage ses limitations fonctionnelles. À cette fin, il réfère la Commission des lésions professionnelles aux expertises du Dr Lefrançois quand ce médecin expose que les flexions latérales, les rotations et l’extension de son rachis sont nulles.
35. D’une part, on constate que la première expertise du Dr Lefrançois est réalisée moins d’un mois après le bilan que dresse le 23 janvier 1997 le Dr Bigonnesse. Or, à cette occasion, ce dernier expose que les mouvements de la colonne sont simplement limités. Ainsi, en l’absence de toute explication, il est ardu de retenir que cette mobilité puisse s’être détériorée à ce point dans un si court laps de temps. De même, un an plus tard, le Dr Lefrançois indique que cette situation est pratiquement demeurée identique et ceci apparaît également étonnant si on considère l’importance du phénomène par rapport à la nature de la pathologie que présente le travailleur.
36. D’autre part, on observe que le Dr Des Marchais et les membres du Bureau d’évaluation médicale ont exprimé l’avis que cette ankylose est bien inférieure à celle que décrit le Dr Lefrançois. En fait, ils sont d’opinion que cette problématique se compare avantageusement à celle qui existait avant la lésion du 22 avril 1996. Or, ceci s’inscrit dans la normalité des choses car la dernière lésion n’est pas le résultat d’un fait accidentel précis mais bien, selon la décision du Bureau de révision, la conséquence d’une exacerbation de douleurs chroniques.
37. Par ailleurs, il y a lieu d’observer que le rapport du Bureau d’évaluation médicale comporte un examen très minutieux et que les deux experts qui l’ont exécuté se sont donné la peine d’utiliser des moyens détournés pour obtenir le meilleur portrait possible de la situation du travailleur.
38. Enfin, contrairement au Dr Lefrançois qui n’explique pas comment il se fait que le rachis de monsieur peut maintenant souffrir d’une ankylose presque complète dans tous les axes, les membres du Bureau d’évaluation médicale justifient leur conclusion en référant au phénomène d’instabilité clinique qu’ils ont décrit.
39. Compte tenu de tous ces éléments, l’avis du Bureau d’évaluation médicale doit donc se voir accorder une force prépondérante et être maintenue dans son intégralité.
40. POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête du 30 mars 1999 de monsieur Daniel Blais ;
CONFIRME la décision du 25 mars 1999 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail ;
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 22 avril 1996 n’entraîne aucune augmentation du déficit anatomo-physiologique que présentait déjà monsieur Daniel Blais ;
DÉCLARE que monsieur Daniel Blais n’a pas droit en relation avec ladite lésion professionnelle à une indemnité pour dommages corporels ;
DÉCLARE que monsieur Daniel Blais doit, en raison de la lésion professionnelle du 22 avril 1996 :
- éviter de soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 15 kilos ;
- éviter de travailler en position accroupie, ramper, grimper ou effectuer des mouvements même de faible amplitude, que ce soit en flexion, en extension ou en rotation au niveau de la colonne lombaire ;
- éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne ;
- éviter de circuler de façon répétitive dans les escaliers ou de marcher sur un terrain accidenté ou glissant.»
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Commissaire |
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PARENTEAU, ARCHAMBAULT, FISETTE (Me François Fisette) 268, rue St-Patrice Ouest Magog (Québec) J1X 1W3 |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] Ruiz ET Plastexpert inc. CALP no : 69967-60-9505, monsieur le commissaire Réal Brassard, 17 juillet 1996 ; Tremblay ET Les coffrages C.C.C. ltée, CALP no : 78853-03-9604, monsieur le commissaire Jean-Guy Roy, 5 septembre 1997.
[2] Provencher ET CLSC Longueuil Ouest, CALP no : 04445-62-8708, monsieur le commissaire Réginald Boucher, 30 juillet 1990.
[3]205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 10 à 50 du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui - ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.