Décision

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Blanchette c. Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal

2020 QCCS 1752

 

COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-098720-173

 

DATE :

5 juin 2020

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

BERNARD SYNNOTT, J.C.S.

 

 

MANON BLANCHETTE

Demanderesse/défenderesse reconventionnelle

c.

FABRIQUE DE LA PAROISSE NOTRE DAME DE MONTRÉAL

Et

PIERRE BARIBEAU

Défendeurs/demandeurs reconventionnels

 

 

JUGEMENT

 

 

L’APERÇU

[1]           Après avoir été sollicitée, la demanderesse Manon Blanchette (Blanchette) accepte à 63 ans, l’offre de la fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal (la Fabrique) visant à y occuper la fonction de Présidente directrice générale (PDG). Ce faisant, elle abandonne son emploi de directrice de l’exploitation du Musée Pointe-à-Callière.

[2]           Elle entre en fonction le 31 octobre 2016 et est congédiée moins de 5 mois plus tard, le 22 mars 2017.

[3]           Elle allègue que son congédiement ne procède pas d’une cause juste et suffisante, en plus d’être abusif.

[4]           Soutenant avoir conclu avec la Fabrique un contrat d’emploi d’une durée déterminée de 5 ans, elle réclame le paiement du reliquat de son contrat, déduction faite des sommes gagnées dans le cadre d’un nouvel emploi moins rémunérateur, qu’elle débute le 14 janvier 2018. Le montant du délai-congé réclamé est ainsi réduit à la somme de 210 167 $.

[5]           Elle affirme aussi que tout au long de son emploi, le défendeur Me Pierre Baribeau (Baribeau) adopte envers elle une conduite vexatoire, intimidante, agressive, harcelante et attentatoire à sa réputation. Elle lui réclame en conséquence le paiement de dommages et intérêts.

[6]           Elle considère également que la défense et demande reconventionnelle des défendeurs est abusive et qu’en conséquence de cet abus, elle a droit au remboursement de ses honoraires extrajudiciaires.

[7]           Sa réclamation totale se détaille comme suit :

Ø  indemnité due en vertu du contrat de travail : 

210 167 $

Ø  contre la Fabrique et Baribeau, dommages moraux : 

20 000 $

Ø  contre Baribeau seulement, dommages moraux :

60 000 $

Ø  contre Baribeau seulement, dommages punitifs : 

20 000 $

Ø  contre la Fabrique et Baribeau, honoraires extrajudiciaires :

184 740,46 $

TOTAL :

494 907,46 $

 

[8]           Pour sa part, la Fabrique soutient que le contrat d’emploi de Blanchette est à durée indéterminée, assorti d’une période de probation de 12 mois. De toute façon, la question demeure théorique puisque pour elle, le congédiement procède d’une cause juste et suffisante.

[9]           Par demande reconventionnelle, elle réclame de Blanchette une somme de 165 000 $ pour les dommages que celle-ci lui aurait causés dans le cadre de son emploi.

[10]        À cet égard, elle soutient que Blanchette a signé un contrat avec l’entreprise Moment Factory pour la création et la réalisation d’un spectacle permanent présenté à la Basilique Notre-Dame. Or, certaines clauses de ce contrat seraient contraires aux volontés du Conseil d’administration de la Fabrique (CA), exprimées clairement à Blanchette.

[11]        La Fabrique soutient aussi que Blanchette ne détenait pas l’autorité nécessaire pour signer un tel contrat puisque celui-ci devait être soumis à l’approbation préalable de son CA.

[12]        Au premier jour du procès, la réclamation est abandonnée.

[13]        Quant à Baribeau, il considère que les allégations qui le concernent sont fausses, inexactes et diffamatoires. Il soutient que l’action intentée contre lui est abusive. En demande reconventionnelle, il réclame la somme de 30 000 $ pour atteinte à sa réputation, préjudice moral et abus d’ester en justice.

LES QUESTIONS EN LITIGE

[14]        Les questions que soulève cette affaire sont les suivantes :

1.    La Fabrique a-t-elle procédé au congédiement de Blanchette pour une cause juste et suffisante ?

2.    Le contrat d’emploi est-il à durée déterminée de 5 ans?

3.    Dans la négative, quels montants sont dus à Blanchette?

4.    Baribeau a-t-il droit aux dommages et intérêts réclamés?

[15]        Le Tribunal répond par la négative aux questions 1, 2, 4 et statue que les sommes dues à Blanchette totalisent 158 975 $, payables par la Fabrique uniquement.

LE CONTEXTE

Résumé de la carrière de Blanchette[1]

[16]        Après avoir terminé des études en arts (1976), Blanchette complète une maîtrise en histoire de l’art (1981), un D.E.A. (1984 - Paris X, Nanterre) et plus tard, un doctorat en études pratiques des arts (2003).

[17]        Peu de temps après avoir obtenu son diplôme de maîtrise, elle est nommée conservatrice (Service des expositions) du Musée d’art contemporain de Montréal (MAC), poste qu’elle occupe durant quelques années avant d’être embauchée comme Conservatrice en chef du Walter Philipps Gallery de Banff.

[18]        Un an plus tard, elle retourne au bercail, étant nommée Conservatrice en chef du MAC, poste qu’elle occupe à compter de 1986 jusqu’en 1991. Au cours de cette période, le Musée décide de se relocaliser au centre-ville de Montréal et construit le MAC actuel, situé tout près de la Place des arts.

[19]        Blanchette contribue de façon significative à ce projet d’envergure qui doit répondre aux besoins des artistes, à ceux du public ainsi qu’aux tendances futures de l’art et de la muséologie.

[20]        Une fois les travaux complétés, elle est nommée Diplomate au sein de l’ambassade du Canada à Paris.

[21]        À la tête d’une équipe de 25 personnes représentant toutes les disciplines artistiques, elle y agit comme conseillère culturelle et dirige le Centre culturel canadien, lieu parisien d’art multidisciplinaire, de danse, théâtre, musique et arts visuels.

[22]        De retour à Montréal, elle débute une carrière de 15 ans à titre de responsable des communications du MAC. Elle y instaure la culture de recherche systématique de commanditaires. Parmi ceux-là, le musée compte notamment un constructeur automobile, une grande banque canadienne et Québécor.

[23]        En 2007, Blanchette accède au poste de directrice générale de la Société des directeurs des musées montréalais, position qu’elle occupe jusqu’en 2011. Dans le cadre de ses fonctions de directrice, elle s’implique activement auprès de l’International Council of Museums (ICOM).

[24]        En août 2011, Blanchette accepte le poste de directrice de l’exploitation du Musée Pointe-à-Callière, en vue de prendre la relève éventuelle de la direction générale. Elle y dirige un groupe de 50 personnes dont quatre directeurs de services et gère un budget de 20 millions de dollars. Elle est également chargée d’administrer la Fondation du Musée dont elle gère les fonds estimés à 13 millions de dollars.

[25]        Peu de temps après son entrée en fonction, elle se voit confier la gestion des services au public, de l’éducation et de l’administration, charge qui s’ajoute à celle qu’elle occupe déjà.

[26]        Forte de l’expérience acquise au MAC où elle a notamment négocié la convention collective des professionnels, ses tâches au Musée Pointe-à-Callière l’amènent à y négocier et conclure deux conventions collectives.

[27]        De 2005 à 2008 elle siège au conseil d’administration du Conseil des arts du Canada. De 2012 à 2018 elle est membre du conseil d’administration du conseil des arts de Montréal.

[28]        De 2013 à 2017, elle siège au conseil d’administration de l’Association des musées canadiens dont elle assumera la présidence de 2015 à 2017. Depuis 2014, elle est membre du conseil d’administration de « Montréal en histoire ».

[29]        En août 2016, Blanchette compte plus de 35 ans d’expérience dans le domaine muséal et culturel ainsi qu’en administration publique. Elle a siégé sur plusieurs conseils d’administration.

[30]        Baribeau témoigne qu’au moment de son embauche, les membres du CA la considéraient comme « junior ». Nous y reviendrons.


La Fabrique : la Basilique Notre-Dame et le Cimetière Notre-Dame-des-Neiges

[31]        Au XVIIe siècle, les Sulpiciens fondent la Paroisse Notre-Dame-de-Montréal après avoir fait l’acquisition d’une partie importante du territoire de Montréal. Depuis sa création, le curé de la paroisse est membre de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice.

[32]        À la fin du XVIIe siècle, les Sulpiciens construisent une église sur le site de la Place d’Armes dans le Vieux-Montréal. Plus tard au XIXe siècle, le bâtiment est démoli pour donner place à la construction, de l’autre côté de la rue, d’une nouvelle église : l’église Notre-Dame.

[33]        À la fin du XXe siècle, elle est élevée au rang de Basilique mineure par le pape Jean-Paul II et sera dorénavant connue comme étant la Basilique Notre-Dame. Située dans le Vieux Montréal, elle fait partie des joyaux de l’archevêché et du patrimoine canadien[2]. Elle accueille chaque année plus de 1 million de visiteurs.

[34]        Les Sulpiciens mettent simultanément sur pied le Cimetière Notre-Dame-des-Neiges, devenu plus tard le plus grand au Canada, situé sur le Mont-Royal et bien connu de la communauté montréalaise. Il est désigné lieu historique national par le gouvernement du Canada depuis 1998[3].

[35]        En 1854, les Sulpiciens fondent la Fabrique Notre-Dame-de Montréal (La Fabrique) dont la responsabilité est d’administrer la Paroisse, incluant la Basilique Notre-Dame ainsi que le Cimetière Notre-Dame-des-Neiges, fondés la même année.

[36]        La Fabrique hérite également des archives que la Paroisse conserve depuis sa fondation en 1642 et qui constituent une richesse patrimoniale et historique inestimable.

[37]        De nos jours, la Fabrique est administrée par un conseil d’administration (CA) de 5 administrateurs, incluant Baribeau dont la nomination est récente. Comme il se doit, le président du CA est le curé de la Paroisse, Miguel Castellanos (Castellanos).

L’embauche d’un PDG

[38]        Pendant plus de 20 ans, la Fabrique est dirigée au niveau exécutif par Yoland Tremblay (Tremblay) qui y occupe la fonction de directeur général. Il doit prendre sa retraite le 31 décembre 2016 et doit donc être remplacé.

[39]        Le besoin de renouveau est criant : la Fabrique accuse annuellement un déficit de plusieurs millions de dollars. Elle a besoin d’une nouvelle direction et d’une vision globale à long terme qui permettra de freiner les pertes ainsi que de diversifier les revenus.

[40]        Dans le cadre de ses réflexions sur le remplacement de Tremblay, le CA conclut qu’il est temps pour la Fabrique qu’elle se dote d’un leader exécutif capable de gérer le changement et de prendre les décisions qui l’amèneront à adopter un virage d’affaires. Il devra élaborer des stratégies de développement et de rentabilité nécessaires à la santé financière de la Basilique ainsi que du cimetière[4].

[41]        Pour le CA, il ne suffit plus que la Fabrique soit dirigée par un directeur général. La modernisation de sa gouvernance commande qu’il soit remplacé par un PDG, fonction considérée plus d’actualité, compte tenu des « défis majeurs et des enjeux complexes[5] » qui l’attendent :

 Visionnaire et doté d’une pensée stratégique, le nouveau président-directeur général sera responsable de définir un nouveau modèle économique axé sur la croissance et la diversification des revenus[6].

[42]        Le candidat doit posséder l’envergure nécessaire à la fonction de PDG. Il sera recruté non pas par simple annonce publique, mais bien par l’entremise d’une firme réputée spécialisée dans les recrutements de cette nature.

[43]        C’est ainsi que la Fabrique retient en avril 2016, les services de la firme de recruteurs Odgers Berndtson, définie comme leader mondial dans la recherche de cadres et représentée pour ce mandat par Madame Geneviève Falconetto (Falconetto), l’associée directrice de sa division montréalaise.

[44]        La première rencontre avec Falconetto se tient avec deux membres du CA de la Fabrique, Nicole Ouellet et Baribeau qui lui expliquent son intention d’élever au rang de PDG leur premier gestionnaire. Le candidat retenu devra posséder l’expérience et la capacité nécessaires à la levée de fonds, notamment par la voie de commandites et de subventions.

[45]        Puis au cours d’une rencontre avec le CA, il est convenu que le candidat recherché pour ce nouveau poste de PDG devrait remplir les critères suivants : être un gestionnaire qui a fait ses preuves, détenir une expérience de gestion d’une entreprise syndiquée ainsi qu’une bonne expérience en matière de gouvernance. À ces critères s’ajoutent toujours la capacité de lever des fonds et des habilités au niveau des communications.


[46]        Suivant cette rencontre, un sommaire descriptif du poste est préparé par Falconetto et transmis au CA de la Fabrique[7].

[47]        L’on peut y lire que celle-ci, à la fois organisme civil et religieux, compte à son emploi plus de 225 personnes. Sa vision est de «devenir une institution phare […] reconnue pour la qualité de ses services et la gestion de ses ressources humaines et financières[8]».

[48]        En réponse aux changements sociaux et à l’évolution des mentalités, la Fabrique s’est dotée de huit orientations stratégiques parmi lesquelles se trouvent : l’augmentation et la diversification des revenus, la révision des processus et systèmes internes de gestion ainsi que la révision de son modèle économique, avec comme objectif d’en assurer la rentabilité[9].

[49]        Baribeau insiste pour qu’au chapitre « description générale du poste[10] », y soit ajoutée la phrase : « Instaurer une relation ouverte et transparente avec le conseil d’administration selon les règles de gouvernance. »

[50]        Une fois la documentation approuvée par le CA, l’équipe Falconetto entreprend ses recherches. Elle identifie 235 candidats et suivant un processus d’analyse poussée, en retient onze pour une entrevue formelle.

[51]        En 2016, Blanchette occupe un emploi stable et bien rémunéré à titre de directrice de l’exploitation du musée Pointe-à-Callières.

[52]        Début juin, suivant ses recherches, un membre de l’équipe Falconetto la contacte.

[53]        L’interlocuteur de Blanchette l’informe de sa démarche, du départ à la retraite du directeur-général de la Fabrique, de la création du poste de PDG, du profil recherché et des recherches l’ayant mené à la contacter. Bref, il sollicite sa candidature et l’incite à postuler pour le poste puisque son analyse l’amène à croire qu’elle serait une candidate idéale.

[54]        Blanchette décline l‘invitation.

[55]        Son emploi actuel est stable et lui sied parfaitement d’autant plus qu’il l’amènera selon ses discussions, à occuper les fonctions de directrice générale du musée, poste qu’elle entend conserver jusqu’à sa retraite prévue cinq ans plus tard.

[56]        Dans les jours qui suivent, des membres de l’équipe Falconetto communiquent de nouveau avec elle. Ils tentent de la convaincre de revenir sur sa décision et d’accepter à tout le moins de les rencontrer.

[57]        C’est ainsi qu’entre le 1er juin 2016 et le 22 juin 2016, de multiples démarches de sollicitation sont entreprises à son endroit par l’équipe Falconetto.

[58]        Blanchette finit par accepter de rencontrer Falconetto. Cette première rencontre de nature exploratoire se tient le 22 juin 2016.

[59]        Blanchette y réitère son peu d’intérêt à s’engager dans un processus de recrutement, d’autant plus qu’elle occupe un emploi qui lui convient amplement et qu’elle a l’intention de conserver jusqu’à ses 68 ans.

[60]        Arguments à l’appui, Falconetto la persuade des mérites du nouveau poste. Blanchette finit par accepter de se soumettre à une première entrevue officielle avec des membres de l’équipe Falconetto.

[61]        Le 6 juillet 2016 à la date convenue, l’entrevue se déroule selon les attentes de Falconetto. Puis, conformément au mandat confié par la Fabrique, plusieurs autres candidats sont rencontrés.

[62]        À la fin de l’exercice, elle dresse une courte liste des candidatures retenues, incluant celle de Blanchette[11]. Elle remet au CA une copie de leur curriculum vitae accompagné d’un sommaire exécutif, décrivant leur parcours professionnel et les raisons justifiant leur sélection. Est également joint un rapport sur la recherche des candidats et sur la confection de la liste finale[12].

[63]        Falconetto informe le CA de la proximité de Blanchette avec Québécor, de qui elle a obtenu par le passé de nombreuses commandites.

[64]        Elle les informe d’emblée que celle-ci est la veuve de Pierre Péladeau de qui elle a été la conjointe pendant plusieurs années, jusqu’à son décès et avec lequel elle a eu un fils, Jean Péladeau.

[65]        Ce dernier est à l’emploi de Vidéotron, une filiale de Québécor. Après la messe de Noël 2016, elle le présentera au président du CA de la Fabrique, le curé Miguel Castellanos (Castellanos).

[66]        Le 11 août 2016, Falconetto informe Blanchette que sa candidature est retenue par le CA qui souhaite aussi rencontrer les quatre autres candidats.

[67]        Une première entrevue est tenue le 17 août 2016 au cours de laquelle les membres du CA lui expriment leur volonté de transparence et de collaboration devant prévaloir entre le futur PDG et le CA.

[68]        À la fin de la première entrevue, les membres du CA informent Falconetto qu’ils désirent offrir une deuxième entrevue à deux seuls candidats, tout en exprimant une préférence pour Blanchette.

[69]        Cette dernière doit alors se soumettre à une série de tests psychométriques ainsi qu’à une évaluation dirigée par une psychologue industrielle. Les résultats s’avèrent tous positifs.

[70]        Dans le cadre de la deuxième entrevue, les membres du CA réitèrent les nombreux défis qui attendent le candidat retenu. À ce sujet et tenant compte de l’ampleur de la tâche, Baribeau intervient et pose à Blanchette la question suivante:

« Votre mari va-t-il pouvoir vous aider dans votre travail? ».

[71]        À la fois gênée et surprise de l’interrogation qu’elle juge déplacée, voire sexiste, Blanchette répond :

« Non. Je n’ai pas besoin de lui pour exécuter mon travail, et d’ailleurs il vous connaît. »

[72]        La question de Baribeau est passée sous silence par les autres membres du CA.

[73]        Au procès Baribeau la justifie et offre une version différente : à la première entrevue, Blanchette et lui se rencontrent pour la première fois. Au moment où elle se présente à lui, elle lui dit : « Bonjour Me Baribeau, mon conjoint vous connaît bien ». Pour Baribeau, qui ignore alors l’identité de son conjoint, cette entrée en matière est complètement déplacée et n’a pas sa place dans le contexte d’une entrevue.

[74]        « J’étais estomaqué » par son commentaire qui pouvait « atteindre ma neutralité », affirme-t-il.

[75]        « Elle est arrivée à l’entrevue habillée en robe de soirée » ajoute-t-il. 

[76]         Dans ce contexte, toujours selon lui, la question posée à l’entrevue est suscitée par Blanchette et appropriée. Il s’agissait en fait, dit-il, d’une boutade.

[77]        Falconetto confirme que la question est posée à la deuxième entrevue, qu’elle est déplacée et surprenante. Selon son témoignage, elle n’a pas compris qu’il s’agissait d’une boutade.

[78]        Ceci dit, dans le cadre des deux entrevues, l’on aborde la volonté des membres du CA de retenir les services d’un candidat prêt à s’engager pour une période de temps raisonnable, compte tenu des enjeux de la Fabrique, de la nécessité d’une continuité et des coûts associés au recrutement. Pour le CA, la candidate retenue doit s’engager pour au moins cinq ans.

[79]        Blanchette se veut rassurante puisqu’elle n’entend pas prendre sa retraite avant cinq ans. À la suite de cette deuxième entrevue, le CA décide le même jour de lui proposer le poste et en informe Falconetto.

[80]        Une offre d’emploi conditionnelle à la vérification de ses références lui est plus tard transmise[13].

[81]        Après quelques discussions et modifications, notamment sur la rémunération, l’offre que Blanchette accepte le 13 septembre 2016 comporte neuf items numérotés, tout en étant conditionnelle à la vérification de ses références :

1.    le salaire de base est de 160 000 $;

2.    l’admissibilité à une rémunération incitative de 15 % en fonction d’un bon rendement et de l’atteinte d’objectifs ;

3.    un boni de signature ;

4.    un programme d’avantages sociaux et d’assurances;

5.    un régime de pension à prestations déterminées ;

6.    les vacances ;

7.    les journées de maladie ;

8.    les congés mobiles ;

9.    les frais de dépenses.

[82]        L’offre prévoit également que :

Avant votre entrée en fonction, un contrat d’emploi qui inclut les conditions ci-haut mentionnées et autres clauses afférentes vous sera remis par le conseil d’administration.

[83]        Celle-ci ne réfère d’aucune façon à un terme fixe du contrat d’emploi, ni à une période de probation, ni à une stipulation de non-concurrence.


La période de probation non annoncée

[84]        Blanchette démissionne de son emploi au Musée Pointe-à-Callière le 19 septembre 2016[14], son entrée en fonction auprès de la Fabrique étant fixée au 31 octobre suivant.

[85]        Après avoir démissionné, Blanchette reçoit le 26 septembre 2016, le contrat d’emploi auquel réfère l’offre.

[86]        Elle est surprise d’y lire qu’elle est dorénavant sujette à une période de probation de 12 mois et à un bilan provisoire en mai 2017.

[87]        Irritée, elle questionne l’ajout de ces nouvelles conditions[15]. Elle témoigne qu’ayant su au préalable, elle n’aurait pas démissionné. Une telle clause non annoncée la met dans une situation de précarité.

[88]        Elle considère qu’il s’agit d’une modification significative de l’offre d’emploi qu’elle a acceptée. La Fabrique avait tout le loisir d’en discuter au préalable.

[89]        Pour Blanchette, les « clauses afférentes » à venir, auxquelles l’offre d’emploi fait référence, ne peuvent servir à l’addition de clauses contractuelles non discutées avant sa démission. Le Tribunal note qu’une clause de non-concurrence y est aussi ajoutée.

[90]        Baribeau répond le même jour[16] :

[…]

la période de probation d’un PDG est généralement de 12 mois […]

Dans votre cas, la situation est particulièrement justifiée de convenir d’une période de 12 mois :

-premier emploi comme PDG-

-organisation hybride

-actionnaire particulier

Il est à votre avantage de vivre une probation de 12 mois plutôt que de risquer de faire face à un jugement plus sévère après une période de… 5 mois effectifs

En d’autres termes, il faut vous donner la chance de bien vous implanter dans l’organisation alors que le CA doit aussi tenir compte des coûts très élevés du recrutement et du remboursement si vous ne convenez pas à l’intérieur d’une période de… 12 mois (plutôt que 6 mois)

Le conseil d’administration serait plutôt inconfortable d’être confronté à faire votre évaluation après seulement 5 mois

[…]

[Sic] [Soulignement ajouté]

[91]        Interrogé hors de cour sur les raisons d’un tel ajout, il témoigne comme suit[17] :

La première étape, c’est que lorsque Madame Geneviève Falconetto de la firme de recrutement nous a confirmé qu’elle avait des bonnes conclusions de la part de Madame Blanchette quant à l’intérêt pour l’emploi, on lui a manifesté qu’il faudrait quand même que le contrat qui serait à intervenir ait une période de probation. Ce qu’elle n’a pas fait. Et on lui a rappelé par après.

Le conseil d’administration m’a mandaté pour discuter avec Madame Blanchette, et c’est dans ce contexte là qu’on a expliqué à Madame Blanchette, c’était libre à elle, mais que si elle insistait pour avoir une période de probation de six (6) mois, c’était plus difficile qu’une période de probation de (12) mois. Voilà.

[…]

Q-   Donc j’aimerais… Et vous me dites que vous avez discuté de ça avec le recruteur, le chasseur de têtes ?

R-   J’ai dit que j’ai manifesté que j’étais surpris qu’il n’y ait pas de période de probation, comme les autres administrateurs étaient surpris.

[Soulignement ajouté]

[92]        Au procès, Falconetto contredit catégoriquement Baribeau.

[93]        Dans le cadre de son mandat, il n’a jamais été question d’une période de probation, ni de la part de Baribeau ni de la part des membres du CA. Baribeau ne peut donc pas lui avoir manifesté sa surprise puisqu’un tel sujet n’a jamais été abordé.

[94]        Elle ajoute que les contrats d’emploi de cadres exécutifs ne contiennent pas de clauses probatoires. En plus de vingt ans comme recruteur, elle n’a jamais vu une telle clause. Au contraire, elle a plutôt proposé aux membres du CA une « clause parachute (golden parachute) », ce que ces derniers ont refusé.

[95]        Au procès, Baribeau change sa version antérieure et reconnaît que la question de la période de probation n’a jamais été discutée avec Falconetto.


[96]        De toute façon, pour lui, tous les contrats d’emploi contiennent une période de probation. Cette clause était d’autant plus justifiée ici puisque le CA considérait que Blanchette était « junior[18] » et qu’elle avait toujours œuvré dans des milieux «ouatés»[19].

[97]        Le Tribunal note qu’aucune preuve ne supporte cette affirmation de Baribeau, bien au contraire.

[98]        Au procès, Baribeau témoigne que Blanchette aurait pu négocier le retrait de telles clauses. En interrogatoire au préalable, il affirme le contraire[20] :

[…] il n’y aurait pas eu de contrat, il n’y aurait pas eu d’embauche si elle n’avait pas accepté la période de probation.

[99]        En résumé, Baribeau témoigne que pour le CA, il s’agit d’une clause essentielle au contrat de travail, sans quoi il n’y a pas d’embauche. Il n’est pas contesté que cette clause dite fondamentale n’apparaît pas à l’offre d’emploi acceptée par Blanchette et comportant dix conditions essentielles. Elle n’est présentée à Blanchette qu’après sa démission du Musée Pointe-à-Callière.

[100]     Blanchette se sent piégée et considère que la façon de faire du CA représenté par Baribeau, est inappropriée. Elle n’a d’autre choix que de l’accepter puisqu’elle ne peut faire marche arrière, ayant remis sa démission à son employeur.

Les conseils d’administration : Blanchette sous surveillance

[101]     Le 27 septembre 2016, dans le cadre des échanges sur le projet de contrat de travail, Baribeau écrit à Blanchette[21] :

Il serait important d’obtenir le nombre d’heures/jours approximatifs, par mois que vous anticipez consacrer à ces CA - pour mieux nous aider à cerner une potentielle problématique… 

[102]     Il est en preuve que la question des conseils d’administration sur lesquels Blanchette siège a déjà été discutée en entrevue ainsi qu’au CA par Falconetto. Personne n’a soulevé de questionnement à ce sujet. Au contraire, la Fabrique recherchait un candidat détenant une expérience de cette nature.

[103]     Le même jour Blanchette lui répond[22] :

Au point trois 3, je peux faire la liste des conseils où je siège actuellement :

Conseil des arts de Montréal jusqu’en 2018

Montréal en Histoire (période indéterminée)

Corporation de la mise en valeur de la maison de mère d’Youville

Association des musées canadiens (présidente) jusqu’en 2017

L’association des diplômés de l’UQAM (indéterminée) Il se peut que je me sente obligée de démissionner de la corporation de mise en valeur de la maison de mère d’Youville.

Ensuite, pas de souci pour avoir l’accord écrit du CA.

[104]     Baribeau répond qu’elle doit évaluer son temps hors Fabrique et qu’elle est sous surveillance tant par son équipe de gestion « de gars », que par les employés et le clergé[23] :

bonsoir Manon,

je viens de prendre votre courriel

il est important que vous fassiez votre propre évaluation du temps hors Fabrique

vos nouvelles fonctions seront très exigeantes, à plusieurs égards et vous aurez besoin de toutes vos énergies pour fins d’adaptation, certes, mais surtout d’ingérer beaucoup d’informations non usuelles et à la fois, être constamment consciente que vous êtes sous surveillance tant votre équipe de gestion (de gars ! ! !) que par les employés et le clergé

[Sic]

 [Extrait] [Soulignement ajouté]

[105]     Blanchette se sent agressée. Elle vient à peine de démissionner d’un emploi qui lui convenait qu’on lui transmet un courriel de cette nature. Elle décide qu’il est inutile de répliquer.

[106]     La preuve révèle que Baribeau lui écrit aussi pour faire des suivis de rencontres, pour savoir comment s’est déroulée telle ou telle autre réunion ou rencontre avec le curé ou le comité d’audit[24] parce qu’il est, dit-il, la courroie de transmission entre la PDG et le CA.

[107]     Selon le témoignage de Blanchette, Baribeau lui affirme qu’elle est son employée et qu’elle doit se rapporter à lui, « le curé étant trop occupé par les questions de pastorale ».

La durée du contrat d’emploi

[108]     Le contrat d’emploi préparé par Baribeau stipule ce qui suit[25] :

8. Durée de l’emploi

Vos représentations au conseil d’administration à l’effet que vous avez la ferme intention de ne pas accepter de prendre en considération d’autres offres d’emploi, au moins durant les cinq premières années; le respect de cet  engagement durant les cinq premières années constituent un élément déterminant de la conclusion du présent contrat d’emploi.

[Soulignement ajouté]

[109]     Blanchette reconnaît que cette disposition contractuelle est conforme à ses discussions avec le CA. Ce faisant, elle estime qu’il s’agit d’un contrat à durée déterminée de cinq ans.

La rencontre au restaurant 

[110]     Comme nous l’avons vu, Blanchette remet sa démission du Musée Pointe-à-Callières le 19 septembre 2016.

[111]     Le surlendemain, Baribeau communique avec elle. Il est urgent et impératif qu’ils se rencontrent pour discuter de la suite des choses. Blanchette accepte de le rencontrer pour le déjeuner, dès le lendemain midi.

[112]     À son arrivée au restaurant, Baribeau est présent et déjà assis au comptoir. Elle prend place.

L’agent de liaison

[113]     Baribeau lui explique alors qu’il est « agent de liaison » du CA en vue de son intégration. Blanchette affirme qu’à la même occasion, Baribeau lui fait clairement comprendre que le milieu de la Fabrique composée d’hommes est différent de ce qu’elle a pu connaître par le passé. Il ajoute qu’elle doit le tenir informé de l’avancement de tous les dossiers. Baribeau nie avoir tenu de tels propos.

La famille Péladeau

[114]     Blanchette témoigne aussi, qu’à peine est-elle assise que Baribeau l’apostrophe :

-      On va régler ça tout de suite, toi, tu es l’ex conjointe de Pierre Karl Péladeau.

[115]     Elle est renversée par l’entrée en matière. L’objectif de leur rencontre n’est certainement pas de discuter de sa situation familiale.

[116]     Baribeau persiste : son grand ami possède une propriété à North Hatley. Le hasard veut que le voisin de ce grand ami soit Pierre Karl Péladeau. Or, il est en litige avec lui depuis des années.

[117]     Blanchette ignore tout de ce litige et est doublement renversée. Son étonnement semble paraître. Baribeau lui dit alors qu’il n’a pas dormi de la nuit et qu’il a de la difficulté à se concentrer.

[118]     Baribeau témoigne qu’il n’a jamais tenu ces propos.

[119]     Il affirme avoir plutôt mentionné avoir été membre du conseil d’administration et du comité exécutif du Centre Pierre-Péladeau. Il s’agit, dit-il, de la seule information transmise à ce sujet à Blanchette dans le but de créer un lien positif.

[120]      Questionné sur l’événement en interrogatoire hors de cour, Baribeau témoigne comme suit[26] :

R-   Ça, vraiment, c’est risible. Comment dénaturer les faits ? C’est ce qu’elle a réussi affaire avec votre collaboration, et voici ce qui s’est dit.

Pour tenter d’établir une relation avec Madame, je lui ai dit que j’avais déjà siégé au Centre Pierre-Péladeau. C’est ce que je lui ai dit par ce que, moi, je ne savais même pas que c’était l’épouse de Monsieur Pierre Péladeau, et c’est ce que je lui ai dit.

[Sic][Soulignement ajouté]

[121]     Il faut savoir qu’avant les premières entrevues, Falconetto a remis à chacun des membres du CA une fiche de présentation détaillée de toutes les candidatures retenues. Chacun était libre d’annoter sa copie.

[122]     Au procès, la copie de Baribeau est produite. Dans la marge de la fiche de présentation de Blanchette, il y a inscrit à la main : « Ex-conjointe de Pierre Péladeau ».

[123]     Confronté à sa propre annotation, il affirme au procès qu’il pouvait avoir cru que Blanchette était la conjointe de Pierre Karl Péladeau.

Le plan de communications

[124]     Alors qu’elle n’est toujours pas en fonction, il lui demande de préparer le plan de communication concernant sa nomination parce que « elle connait ça ». La situation est pour lui à ce point urgente que ce plan de communication ne peut attendre son entrée en fonction prévue pour la fin octobre. Il informe Blanchette qu’il est absent du pays pour tout le mois de novembre.

La relation de Blanchette avec le curé Castellanos

[125]     Castellanos est membre de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Colombien de naissance, il émigre au pays en 2003. Après avoir exercé diverses charges au pays, l’archevêché lui confie la cure de la Paroisse.

[126]     À son entrée en fonction, il apprend qu’il doit présider le CA qui administre notamment la Basilique Notre-Dame et le cimetière Notre-Dame-des-neiges.

[127]     Peu préparé à cette fonction, il se préoccupe d’abord et avant tout de la pastorale, laissant aux autres membres les questions d’administration[27].

[128]     La relation entre Blanchette et Castellanos est excellente.

[129]     Depuis son entrée en fonction, elle le tient au courant des développements des dossiers qu’elle traite et n’hésite surtout pas à communiquer avec lui. Ils se rencontrent aux dix jours, en plus d’échanger quotidiennement par textos. Cela leur permet de faire le tour des dossiers.

[130]     Sauf pour la période plus tranquille des Fêtes, Castellanos ne peut compter le nombre de fois où Blanchette et lui se sont rencontrés pour discuter des affaires de la Fabrique et pour la mise à jour des dossiers.

[131]     Castellanos est ravi. Il peut compter sur quelqu’un de confiance, capable de mener avec doigté et efficacité les affaires de la Fabrique, incluant le cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

[132]     Il est d’autant plus enchanté que les relations établies par Blanchette avec les employés cadres et les employés syndiqués ainsi qu’avec les bénévoles sont excellentes. Elle a su asseoir avec adresse et doigté son autorité à laquelle les directeurs de services ont tous adhéré.

[133]     Bref, Blanchette est grandement appréciée de tous et fait l’unanimité auprès de Castellanos, des employés et des bénévoles.

[134]     Quant à Blanchette, elle qualifie d’extraordinaire sa relation avec ce dernier qui possède une écoute attentive. Elle apprécie leurs échanges de visions sur les dossiers dont elle est responsable. Ensemble, ils élaborent la mise en place des stratégies, afin de faire avancer et de régler les dossiers, sauf bien sûr celui de Moment Factory dont, lui répète-t-on à plusieurs reprises, elle n’a pas la charge.

[135]     Le 17 février 2017, Castellanos reçoit un appel de Falconetto. Elle fait un suivi sur l’embauche de Blanchette et désire connaître son niveau de satisfaction à son égard.

[136]     Castellanos confirme: il est enchanté du travail de Blanchette. Il considère qu’elle gère le changement de façon impeccable et qu’elle exerce un grand leadership. Il lui partage sans hésiter son enthousiasme.

[137]     Le même jour, Falconnetto rencontre Blanchette. Celle-ci lui confirme sa grande satisfaction dans ses nouvelles fonctions, quoi qu’elle n’apprécie guère l’attitude et certains commentaires de Baribeau qu’elle juge déplacés. Par surcroît, il s’imagine être son supérieur.

[138]     Suivant ses discussions avec Castellanos et Blanchette, Falconetto écrit à celle-ci[28] :

J’ai discuté avec Miguel après notre rencontre et lui aussi partage votre enthousiasme, il m’a fait part combien il était enchanté de travailler avec vous, que vous aviez une vision claire des changements à apporter et cela le réjouit d’avoir trouvé en vous une personne qui ait cette direction et non un objectif de continuité, que les employés vous aimaient beaucoup, et que vous étiez une grande leader !

Donc, que du positif !

***

Moment factory et le projet Aura : l’échec répété des négociations

[139]     L’un des projets qui permettra de ralentir la chute des surplus accumulés par la Fabrique au cours des années plus fastes, est le projet de mise en valeur de la Basilique Notre-Dame par la création d’un spectacle payant, son et lumière qui sera dirigé par une firme d’envergure internationale : Moment Factory. Cette entreprise compte à son actif de nombreuses réalisations artistiques, incluant la création de spectacles multimédias à travers le monde.

[140]     Il s’agit d’un projet ambitieux qui nécessite des investissements avoisinant les 5 millions de dollars dont 4 millions à court terme. L’idée fait son chemin et le projet se concrétise.

[141]     À ce sujet, alors directeur général de la Fabrique, Yoland Tremblay (Tremblay) présente au CA des scénarios d’ordre financier, incluant les impacts du projet, les sommes à investir à court et moyen terme ainsi que les autres considérations monétaires.

[142]     Bien que craintif sur les risques financiers de la démarche, le CA décide de présenter le projet à l’archevêque. Celui-ci trouve l’idée bonne et en août 2016, y donne son aval. Le projet « À ciel ouvert »est lancé. Le nom du spectacle adopté plus tard sera « Aura »

[143]     Les vis-à-vis de la Fabrique sont Éric Fournier (Fournier), président (CEO) et Jonathan Saint-Onge (Saint-Onge) directeur financier (CFO) de Moment Factory.

[144]     Le 15 juillet 2016, ceux-ci ont présenté le budget de production du spectacle, accompagné des termes de paiement et des clauses contractuelles de base[29]. Le résumé budgétaire se lit comme suit :

Ø  production, éléments scénographiques et équipements :

2 500 000 $

Ø  éléments créatifs :

1 500 000 $

Ø  plan marketing/« first marketing tool box » :

250 000 $

TOTAL:

4 250 000 $

 

[145]     La production du spectacle est financée à hauteur de 3 500 000 $ par la Fabrique et le reliquat de 750 000 $, par Moment Factory.

[146]     Les termes de paiement à Moment Factory sont :

·        1 750 000 $ à la signature de l’offre de service ou du début des travaux;

·        875 000 $ le 1er octobre 2016;

·        525 000 $ le 1er février 2017;

·        350 000 $ à la livraison du spectacle.

[147]     À compter de la troisième année, Moment Factory procédera annuellement à la mise à jour artistique et technique du spectacle au coût de 150 000 $ par an. Un budget de maintenance des équipements est aussi à prévoir, sans compter les frais de placement marketing d’au moins 300 000 $ par an, ainsi que les frais connexes.

[148]     Moment Factory exige également :

·        des royautés sur les revenus bruts de la billetterie, variant entre 10 % et 15 %, selon le nombre vendu;

·        des royautés de 15 % sur la vente de produits dérivés.

[149]     L’offre prévoit qu’une entente finale doit être signée dans les 90 jours.

[150]     Fort de l’appui de l’archevêché, le CA mandate son directeur général Yoland Tremblay pour négocier le contrat devant lier, sur plus de dix ans, la Fabrique à Moment Factory. Ce dernier est également chargé de la mise en œuvre du projet, jusqu’à son lancement prévu fin février 2017, même s’il prend officiellement sa retraite le 31 décembre 2016.

[151]     Les négociations entre la Fabrique et Moment Factory sont ardues. Malgré des rencontres, échanges écrits et entretiens, les parties ne réussissent pas à s’entendre. Chacune d’elles reste ni plus ni moins sur ses positions. La Fabrique refuse de partager toute forme de revenu découlant des produits dérivés, des subventions gouvernementales ainsi que des commandites. Elle refuse aussi de payer les sommes réclamées pour la mise à niveau du spectacle.

[152]     Pour Moment Factory, bien que les montants et que les pourcentages puissent être négociables, il n’est pas question de renoncer au partage des quelques sources de revenus du spectacle. Il s’agit là de son modèle d’affaires, exposé clairement aux représentants de la Fabrique.

[153]     Tremblay est d’accord pour accorder certains pourcentages mais le CA refuse catégoriquement de concéder quelque somme que ce soit.

[154]     Le 13 septembre 2016, après quelques semaines de discussions, Tremblay fait rapport au CA [30]:

11. SPECTACLE MULTIMÉDIA «À CIEL OUVERT»

Suite à la réunion du 7 septembre, Yoland Tremblay fait rappel des derniers développements […]. Il ajoute qu’il y a eu une réunion avec Moment Factory le 12 septembre et a expliqué au directeur de projet, les enjeux sur lesquels il y a des écarts importants tels que les royautés, le maximum des redevances, la possibilité d’augmenter l’investissement de Moment Factory, le plan détaillé des actions requises et le mode de fonctionnement sur les activités de marketing, promotion.

Il est suggéré une réunion avec les personnes responsables de Moment Factory, le directeur général et deux administrateurs.

[…]

Les membres sont favorables à cette rencontre qui permettra d’atteindre la limite extrême sur les paramètres de l’entente de principe.

Les membres confirment que le directeur général actuel doit poursuivre le dossier à titre de responsable (chargé de projet) auprès des différents intervenants et ce, jusqu’au lancement du spectacle.

Résolution 2016. 15[31]

Sur proposition dûment appuyée, il est unanimement résolu :

D’AUTORISER Messieurs Ted Di Giorgio, Pierre L. Baribeau et Yoland Tremblay à former le comité qui négociera et finalisera les paramètres de l’entente à intervenir entre la Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal et Moment Factory quant au spectacle multimédia « À ciel ouvert ».

D’AUTORISER le directeur général à signer, pour et au nom de la Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal, l’entente de principe qui servira à établir le contrat final.

[Soulignement ajouté]

[155]     Le même jour, le CA adopte une résolution qui confirme l’embauche de Blanchette à titre de présidente-directrice générale, avec effet le 31 octobre 2016.

[156]     Il n’est toutefois pas question de lui déléguer le dossier Moment Factory qui, selon la volonté du CA exprimée le même jour, demeure le projet de Yoland Tremblay jusqu’au lancement du spectacle. Ce dernier est dorénavant appuyé de deux de ses membres pour mener à terme les négociations du contrat avec leurs homologues de Moment Factory.

[157]     Peu de temps avant son entrée en fonction, Blanchette rencontre Castellanos et Tremblay afin de lui présenter les dossiers qui l’attendent. Lorsque le dossier de Moment Factory est abordé, Castellanos et Tremblay l’informent immédiatement que ce dossier n’est pas le sien.

[158]     Tremblay accepte le mandat de mener ce dossier à terme au-delà de sa date de retraite prévue à la fin décembre 2016 et en conséquence d’en être le chargé de projet. Il en informe son comité de direction qui réunit les cinq directeurs de services de la Fabrique. Le compte-rendu de la réunion se lit comme suit[32] :

1.    Direction générale  

·         À ciel ouvert

Une entente de principe a été signée avec Moment Factory pour le spectacle « À ciel ouvert ». Le contrat n’est pas encore finalisé et de nombreuses rencontres sont prévues avant la signature. Le lancement du spectacle est prévu pour février 2017.

Yoland Tremblay s’occupe de ce dossier jusqu’au lancement du spectacle.

Il mentionne qu’un spectacle similaire sera lancé en 2017 dans un autre lieu religieux à Québec.

·         Fondation de la Basilique Notre-Dame de Montréal

L’implantation de la fondation débutera en janvier ou février 2017.

[Extraits] [Soulignement ajouté]

[159]     Baribeau témoigne qu’à compter du 31 décembre 2016, Blanchette doit prendre le relais de Yoland Tremblay qui prend sa retraite[33]. Il affirme que ce mandat lui est confié à la réunion du CA du 5 décembre 2016.

[160]     Le Tribunal note que le procès-verbal de cette assemblée ne contient aucune mention en ce sens[34].

[161]     Tremblay affirme qu’avant de quitter pour sa retraite prévue à la fin 2016, le CA lui demande de transmettre le dossier à la nouvelle PDG afin qu’elle finalise les négociations et qu’elle puisse conclure une entente finale avec Moment Factory. Il comprend que son rôle est de s’occuper du lancement du spectacle, de concert avec cette dernière.

[162]     Il témoigne qu’après le 31 décembre 2016, il cesse ses contacts avec Moment Factory puisque Blanchette prend la relève, sauf pour une rencontre avec Jonathan Saint Onge à laquelle il participe avec Blanchette.

[163]     Il y a alors urgence de conclure un contrat puisque le lancement est prévu en mars, que l’équipement doit être installé, que des sommes importantes ont déjà été versées à Moment Factory et que d’autres versements arrivent à terme.

[164]     Aucune mention à ce sujet ne peut être retracée dans les procès-verbaux des réunions du CA, sauf pour certaines projections financières que le CA demande à Blanchette de préparer.

[165]     Il ajoute qu’à compter du 31 décembre 2016, il n’a plus aucun intérêt pour le dossier, sauf pour le montage technique, le lancement du spectacle, les cartons d’invitation, l’assignation des places, la conférence de presse et le cocktail suivant le lancement. Pour le reste, il affirme : « je m’en foutais. J’avais fait mon bout de chemin ».

La date butoir

[166]     Suivant la résolution du 13 septembre 2016 voulant que deux membres du CA accompagnent Tremblay dans les négociations du contrat jusqu’alors arides, la Fabrique et Moment Factory conviennent d’une date butoir : le 14 octobre 2016.

[167]     Le 1er octobre 2016, Moment Factory transmet à la Fabrique une courte lettre d’offre modifiée[35]. Il s’agit essentiellement d’une réduction de la royauté à verser sur la vente des billets ainsi que d’une exclusivité territoriale sur un spectacle semblable dans un périmètre donné.

[168]      Le 7 octobre Tremblay répond par une contre-offre et réitère la date ultime du 14 octobre 2016, sans quoi le projet est abandonné[36].

[169]     Dans l’intervalle, le 5 octobre 2016, Baribeau écrit à Blanchette pour la mettre en garde sur Fournier et pour lui indiquer comment se comporter si ce dernier la contacte alors qu’elle n’est toujours pas en poste auprès de la Fabrique :

Bonsoir Manon, Il m apparaît important de vous informer que nous entrons dans une phase critique de négociations avec Moment Factory.

Une des hypothèses (non vérifiées) est à l effet qu ERIC FOURNIER est aux aguets et pourraient tenter d influencer le dossier en faisant appel à vous.

Il serait apprécié de lui tenir conversation sans pour autant impliquer qui quoique ce soit Si ce n est que vous êtes informée que le ÇA est déçu de la dernière proposition de Moment.

SVP m informer si cette hypothèse devait se confirmer

Cordialement. Et bonnes vacances

Pierre

[Sic][Soulignement ajouté]

[170]     En après-midi du 13 octobre 2016, les parties se rencontrent de nouveau au bureau de Baribeau qui participe maintenant aux négociations. Le matin même, Fournier écrit à Di Giorgio. Il lui confirme notamment que Moment Factory insiste pour obtenir une royauté sur la vente de billets, tout en étant négociable sur le pourcentage.

[171]     Baribeau soutient que la rencontre permet de dénouer l’impasse et de convenir d’une entente de principe finale. Il ne reste qu’à la coucher sur papier.

[172]     Le 14 octobre 2016, il écrit à Moment Factory pour confirmer les termes convenus, c’est-à-dire les taux des redevances applicables selon le nombre de billets vendus, la territorialité, le budget de mise à niveau du spectacle limité à 500 000 $ sur deux périodes et le droit de résiliation du contrat pour des motifs économiques[37]. La question des redevances sur les produits dérivés ou sur les commandites et subventions n’y apparaît pas.

[173]     Puis Baribeau écrit à Blanchette pour l’informer qu’une entente avec Eric Fournier et Moment Factory a finalement été conclue[38].

[174]     Sur réception de la correspondance de Baribeau, Fournier communique avec lui puisque ce qui semble être réglé pour ce dernier ne l’est pas pour lui. Il lui transmet ses commentaires[39].

[175]     Baribeau lui répond[40] :

SVP Éric

Suite à notre entretien, je comprends que tu n’as pas compris hier que le prix du billet serait de 20 $ taxes incluses et que le montant du budget de créativité ajustée, serait de 500 000 $ incluant les taxes […]

[176]     Des discussions s’ensuivent et Fournier confirme en soirée que Moment Factory accepte la nouvelle version discutée avec Baribeau[41], le montant de 500 000 $ à verser étant majoré des taxes applicables. Baribeau informe le CA et Blanchette qu’une entente est intervenue[42].

[177]     Dès lors, le projet va officiellement de l’avant et des rencontres de suivis se tiennent entre les mêmes représentants de chacune des parties, auxquelles se joignent le producteur du spectacle et l’avocat de l’entreprise[43].

[178]     Dans les semaines qui suivent, il s’avère que la compréhension de Baribeau sur les termes de l’entente n’est pas conforme à celle de Fournier.

[179]     Baribeau est convaincu que Fournier avait renoncé au versement du pourcentage sur la vente de produits dérivés, sur les commandites et sur les dons, ce que Fournier dément. Pour ce dernier, il n’a jamais été question de renoncer à de tels revenus, Moment Factory et la Fabrique étant des partenaires d’affaires dans l’aventure Aura.

[180]     Le 3 novembre 2016, les représentants de chacun d’eux se rencontrent de nouveau afin de dénouer l’impasse. Fournier est cette fois accompagné du producteur du spectacle et de l’avocat interne de l’entreprise[44].

[181]     Tremblay témoigne qu’à la fin de la rencontre, le résultat demeure le même et le constat est clair : les parties ne peuvent s’entendre.

[182]     Dans le cadre de cette rencontre, Moment Factory insiste toujours pour recevoir une redevance de 15 % des revenus bruts découlant de toutes commandites, subventions, ou dons. Elle concède toutefois qu’aucune redevance ne sera versée sur la subvention du Ministère de la culture. Il s’agit du seul élément d’entente.

[183]     Tremblay n’est pas d’accord avec la position ferme du CA. Pour lui, la Fabrique doit accepter le versement d’un pourcentage sur la vente de produits dérivés. Cette question n’est pas nouvelle puisque Moment Factory réclame sa part depuis le tout début.

[184]     Suivant la rencontre du 3 novembre 2016, d’autres discussions se tiennent entre Tremblay et les représentants de Moment Factory [45].

[185]     Le 11 novembre 2016, celle-ci transmet à la Fabrique une nouvelle proposition conforme aux discussions les plus récentes.

[186]     On y prévoit notamment ce qui suit[46] :

Royautés sur les Revenus bruts de billetterie :

i)              9.2 % pour les premiers 398 000 visiteurs ;

ii)             12 % à partir de 398 001 visiteurs.

·         […] Le prix minimum du billet (17.40 $ (taxes en sus) […]

·         Toute commandite, subvention, don ou fond ayant pour effet de diminuer l’investissement lié au Spectacle de la Fabrique, octroyé à la Fabrique (en argent ou en valeur) aura pour effet de réduire le nombre de visiteurs requis pour que soit versée la Royauté de 12 % comme suit : 8.80$ (huit dollars et quatre vingt sous) ainsi octroyé à la Fabrique a pour effet de réduire de 1 (un) le nombre de visiteurs requis pour atteindre la royauté de 12 %. Les parties conviendront des plans de commandite et/ou de visibilité appropriés ensemble.

[…]

·         Budget de mises à jour artistiques : un budget de 500 000 $ pour 2 mises à jour étant entendu que toute mise à jour (incluant toute modification, ajustement ou adaptation au Spectacle et ses composantes) doivent être effectuées par MF et que ces deux mises à jour seront respectivement effectuées au cours de la 3e année d’opération […] et au cours de la sixième année d’opération […].

[Sic] [Soulignement ajouté]

[187]     Bref, Moment Factory réitère sa demande de royauté par billet vendu, ainsi qu’un pourcentage des revenus de toute source. Le budget de mise à jour du spectacle demeure à 500 000 $. À cela, s’ajoute l’obligation par la Fabrique de prévoir un budget annuel pour le marketing de 350 000 $ par année[47].

[188]     Le même jour, ce projet est transmis à Blanchette. Elle écrit alors à Baribeau et le commente négativement[48].

Les échanges entre Baribeau et Blanchette

[189]     Dans l’intervalle, en matinée du 10 novembre 2016, Blanchette écrit à Baribeau et Tremblay afin de vérifier leur disponibilité pour un repas en soirée afin de discuter du dossier Moment Factory[49].

[190]     En poste depuis à peine 10 jours, il lui est demandé de signer des chèques de centaines de milliers de dollars à Moment Factory.

[191]     Informée de l’absence de contrat, elle constate l’urgence de régler ce dossier. Elle fait part de ses inquiétudes à Castellanos qui l’invite à s’enquérir de l’avancement du dossier auprès de Tremblay et Baribeau : « La chose me semble urgente » leur écrit-elle[50]. Elle les invite à un dîner en soirée pour en discuter.

[192]     Le même jour à 8h36, Baribeau l’informe qu’il est à l’étranger et qu’il est disponible par voie téléphonique[51]. Blanchette est alors en réunion et traite d’autres dossiers liés à la Fabrique.

[193]     À 11h53, n’ayant pas encore reçu de réponse, il lui écrit à nouveau [52] :

Avez vous reçu mon courriel précédent ce matin?

Je suis à l’étranger

indiquez-moi à quelle heure nous pouvons se parler et utiliser mon no montréalais

[…]

[194]     À 14h03, il écrit de nouveau[53] :

je viens de recevoir le suivi de mon adjointe, compte tenu que vous aviez indiqué que c était urgent.

Bien que bénévole, j’apprécierais que vous donniez suite lors que je m empresse de communiquer avec vous à plus d une reprise puisqu il y a selon vous urgence mais, sans succès.

en toute courtoisie il eut été préférable de donner suite à mes tentatives de communication courriel

et maintenant il serait approprié de simplement m adresser quelques mots par courriel sur ce qui semblait urgent…

[Sic] [Extrait]

[195]     S’ensuivent sur deux jours, plusieurs échanges polis mais peu conviviaux[54] de reproches, mises au point et justifications. Puis l’on aborde brièvement le dossier de Moment Factory.

[196]     À ce sujet, Baribeau écrit à Blanchette[55] :

[…]

Éric [Fournier] a tenu des propos tout à fait singuliers lors de notre rencontre qui me font douter entre autres de leur bonne foi

alors je suis au aguets, tu en conviendras ! ! !

[…]

À propos, est-ce que Yoland Tremblay a de nouvelles coordonnées ?

Aussi peut-être pourrais-tu tenter d’obtenir un rapport hebdomadaire de Yoland sur Moment… suggestion

[…]

[Sic]

 [Crochets et soulignement ajoutés]

[197]     Dans l’échange, Baribeau reproche à Tremblay de ne pas faire le suivi nécessaire auprès du CA pour l’informer des développements du dossier Moment Factory[56]

[198]     Le lendemain, 11 novembre 2016, il écrit à Di Giorgio. Blanchette et Tremblay sont en copie [57] :


bonjour Ted,

tel que promis, ci après les éléments essentiels de la dernière rencontre avec Eric Fournier, Jonathan et la chef des affaires juridiques -

[…]

Produits dérivés

Éric a voulu renier son accord sur la clause des produits dérivés et lorsque je lui ai rappelé la séquence des discussions et documents ayant mené à son consentement, il m’a répondu :

on aurait pu mettre une clause dans le contrat final et vous n’auriez pas pu vendre de produits dérivés il y a des droits de propriété intellectuelle pour la musique et vous ne pourriez pas la vendre..

je lui ai dit que nous n’étions pas des gens d’expérience comme lui et son équipe dans le domaine-mais que nous respecterions les droits d’auteur-en tout temps- J’ai tenté de refléter notre bonne volonté comme suit :

pourquoi ne pas nous proposer une clause additionnelle, je crois bien que le CA accepterait

Le pot aux roses est alors sorti par ses propos d’Eric Fournier :

nous, on veut nos royautés autant sur les produits dérivés que sur les billets ! ! !

Je lui ai rappelé son accord écrit le 14 octobre qui comprenait les produits dérivés et les revenus qui pourraient en découler, au bénéfice de la FND-

rappel du processus de négociation :

que nous n’étions pas d’accord à lui concéder 12 % mais que comme dans chaque négociation, nous (le CA) avons cherché un équilibre et c’est la raison pour laquelle dès le début octobre, dans notre proposition qui a été reprise dans la proposition d’entente, apparaît la clause visant à ce que les revenus des produits dérivés reviennent a la Fabrique.

Éric a refusé de se rallier à cet énoncé des faits - après lui avoir manifesté non seulement mon étonnement mais surtout ma déception sur le type de relation que cela indiquait- et quelques échanges acerbes, je lui ai proposé de nous faire une proposition qui tiendrait compte des droits d’auteur et autres de même nature pour prise en considération dans le contrat final à intervenir

[…]

[Sic] [Soulignement ajouté]

[199]     Baribeau soutient qu’il y avait entente sur les revenus de vente des produits dérivés qui seraient dévolus entièrement à la Fabrique.

[200]     Fournier affirme qu’il n’en est rien. Il n’a fait aucune concession à ce sujet, comme d’ailleurs dans tous ses autres projets. Il s’agit d’une position clairement exprimée, plus d’une fois exposée.

[201]     Pour Baribeau, Fournier renie sa parole. Bref, ce dernier ment, l’a piégé et est de mauvaise foi.

[202]     La confiance est à son plus bas. Il conseille à Blanchette de se méfier. Puis, il quitte le pays pour quelques semaines.

[203]     Malgré tout, le projet est maintenu et avance sans contrat.

[204]     Une firme de marketing est retenue en vue de la création de l’image et du nom du spectacle[58] et le 7 décembre 2016 Blanchette entreprend les démarches visant à contracter un prêt avec la BNC[59], conformément au mandat que lui confie le CA le 5 décembre 2016[60].

[205]     Des rencontres supplémentaires sont tenues avec Moment Factory[61]. Celle-ci accepterait de mettre de côté pour le moment son droit de percevoir des royautés sur les produits dérivés et de remettre à plus tard la négociation de cette exigence[62].

[206]     Tremblay fait préparer plusieurs scénarios financiers par le directeur des finances de la Fabrique[63], conformément à la volonté du CA[64] qui continue à débourser des centaines de milliers de dollars sans contrat. La date butoir n’est plus d’actualité.

[207]     Fin décembre, les paiements effectués par la Fabrique à Moment Factory  dépassent les 2 millions de dollars et d’autres déboursés avoisinant le million de dollars sont à verser, sans compter les frais connexes.

[208]     Le 28 décembre 2016, Baribeau jette le blâme sur Tremblay après lui avoir demandé de lui faire un rapport verbal.

[209]     Il lui adresse un courriel de reproches et met en copie les membres du CA ainsi que Blanchette[65]. Aux fins d’une bonne compréhension de la manière et du ton, il convient de citer des extraits de ce courriel :

1-    La FND continue a payer Moment, sans qu’il n’y ait d’entente signée avec Moment, le montant excédant maintenant 2 millions $- sans aucune entente…

[…]

1-    À chaque assemblée du CA de la FND, il a été réitéré que les argents avancés par la FND devait faire l’objet d’une entente écrite avec Moment, le plus tôt possible :

Constat                                                                                                                         -aucun texte depuis deux mois… et l’argent continu d’être versé sans contrepartie écrite…

2-    à la dernière assemblée du CA, il a été reconnu que le financement du projet devait être lié à une commandite de la BNC -aucune mention qu une entente serait intervenue avec le président de la BNC - objectif 1 million$ sur 10 ans ou mieux ;

3-     La modification du prix d’entrée, à nouveau, ne faisait pas partie du mandat du CA […]

4-    Lors de la dernière séance du CA, il y avait unanimité sur la conservation de la clause de produits dérivés, quitte à négocier une modification au bénéfice de FND et Moment - au surplus, j’ai échange avec toi pour te suggérer une avenue conforme aux autres clauses financières du projet, à savoir négocier un % d’un maximum identique à celui des redevances, soit 12 %

Conclusions

Gouvernance                                                                                                      le mandat provient du CA et devrait être réalisé en conséquence-

- les fonds continuent de couler et aucun texte de contrat; […]                   - Il n’y a jamais eu de mandat de d’abandonner les revenus des produits dérivés-bien que ton explication est à l’effet que tu ne vois pas d’intérêt dans l’immédiat.

Dans tes rôles et responsabilités de D.G., tu as demandé l’intervention du CA en octobre dernier ; nous t’avons écouté, le CA a mandaté deux de ses membres pour le représenter dans les discussions avec Moment et ton rapport d’étape du 5 décembre a été reçu par le CA

Cependant il faut donner suite au mandat du CA                                        à titre d’illustration, la partie du mandat relié aux produits dérivés n’est pas d’abandonner ! […]

-à ce stade, soit à quelque deux mois de la soirée d’ouverture, tout ceci place la FND dans une situation difficile-

Finalement en termes de gouvernance,

il a été clairement convenu au CA du 5 décembre, en matière contractuelle, que

a) tu me transmettais le plus tôt possible dernier texte contractuel comme à chaque membre du conseil;                                                                     b) dès que j’aurais terminé de l’analyse, je transmettrais mes commentaires au CA

Depuis les trois dernières semaines, je n’ai pas reçu de texte et tu n’en as pas fait mention fans ton rapport sommaire- svp me transmettre la dernière version sous forme de texte modifié, en word.

quant au suivi immédiat, je transmets copie du présent courriel à tous les membres du CA et à la PDG-

entretemps, je te recommande de donner suite immédiatement en matière de clause de produits dérivés.

[…]

[Sic] [Soulignement ajouté]

[210]     Bref, Baribeau reproche à Tremblay d’avoir autorisé des paiements sans entente avec Moment Factory.

[211]     Il le blâme également d’avoir modifié le prix d’entrée du spectacle sans mandat, d’avoir négocié sans l’aval du CA un pourcentage sur les produits dérivés, d’avoir mis la Fabrique dans une situation difficile, de ne pas avoir respecté les règles de gouvernance et de ne pas avoir soumis de rapport de ses activités.

[212]     Blanchette témoigne que sur réception de ce courriel, Tremblay vient la voir en larmes. Au procès, ce dernier nie une telle réaction, ajoutant qu’il «s’en foutait».

[213]     Fin décembre, Baribeau quitte à l’extérieur du pays.

[214]     À son retour, le 26 janvier 2017, il communique avec Blanchette qui est à Toronto pour assister à une séance d’un conseil d’administration. Cette dernière témoigne n’avoir jamais eu une conversation aussi désagréable.

[215]     Pour lui, rien ne va plus. Il reproche à Tremblay de « ne pas livrer la marchandise[66] » et de ne pas informer suffisamment le CA sur l’avancement du dossier Moment Factory, ce que l’on sait déjà.

[216]     Il l’informe que Tremblay a communiqué le même jour avec lui pour discuter d’une nouvelle proposition de Moment Factory, sur laquelle il a échangé avec Blanchette[67]. Rageur, il demande à Blanchette de prendre la relève de Tremblay. Elle témoigne qu’elle ne peut placer un mot.

[217]     Baribeau lui réitère qu’elle est son employée, qu’elle a obtenu son emploi grâce à lui et que si le dossier de Moment Factory ne se conclut pas de façon satisfaisante, elle en sera la seule blâmée et pourrait aisément être congédiée. Il ajoute qu’étant de la même décennie que lui, elle aurait alors du mal à se trouver un nouvel emploi.

[218]     Blanchette est assommée. Elle doit s’asseoir pour récupérer. Elle se sent menacée.

[219]     Ce dernier nie avoir fait de telles affirmations.

[220]     Il affirme n’avoir posé qu’une question à Blanchette[68] :

…Pensez-vous que vous êtes en mesure d’assumer en plus la négociation de [du contrat] …en rentrant dans les souliers de Monsieur Tremblay ?

[221]     Le lendemain matin, 27 janvier 2017, il écrit à Blanchette :

bonjour Manon,

Suite à votre demande d’approbation d’une nouvelle clause contractuelle impliquant un engagement financier de 500 000 $ par la FND vis-à-vis Moment Factory et sa technologie du spectacle À ciel ouvert, je vous ai fait part de ma réaction initiale à l’effet que je n’étais bien que membre délégué par le CA dans le dossier de Moment Factory, je trouve plus approprié pour ma part, en termes de mandat et de gouvernance que mon devoir est d’informer des membres du CA disponibles en vue de préciser une démarche appropriée, dans les circonstances et dans les meilleurs délais

[…] -je transmets copie de la présente communication à tous les membres du CA pour valoir à titre de convocation à une assemblée spéciale du CA : […]

[Soulignement ajouté]

[222]     Blanchette est perplexe. Elle n’a formulé à Baribeau aucune demande d’approbation de quelques clauses contractuelles que ce soit. Le dossier Moment Factory est mené par Tremblay et deux membres du CA, dont Baribeau et elle n’a aucune raison de faire une telle demande.


La réunion du CA du 30 janvier 2017

[223]     L’assemblée spéciale convoquée par le courriel de Baribeau se tient le 30 janvier 2017, moment où Castellanos est à l’extérieur du pays et qu’il lui est impossible de se rendre disponible.

[224]     D’emblée, Baribeau s’adresse à Blanchette et affirme qu’elle a tenté de lui faire approuver une dépense de 500 000 $ sans l’accord du CA. Puis la réunion débute.

[225]     L’on impute à Tremblay la mauvaise gestion du dossier Moment Factory et un membre du CA affirme que sa responsabilité civile personnelle est en cause.

[226]     Blanchette affirme catégoriquement qu’au cours de cette assemblée spéciale, le CA révoque le mandat confié à Tremblay de mener à terme les négociations du dossier Moment Factory. Toujours selon Blanchette, vu l’urgence de la situation, le CA lui expose sa vision du dossier ainsi que le cadre des négociations futures. Suivant les discussions, le CA lui donne mandat de conclure une entente avec Moment Factory et de la signer conformément à la volonté des membres présents du CA.

[227]     Une fois la réunion terminée, le CA fixe la date de la prochaine réunion au 30 mars 2017.

[228]     Chargée de rédiger le procès-verbal de la réunion, Blanchette écrit à son adjointe:

Bonjour Lise,

Il va falloir faire le procès verbal car c’est là où le conseil m’a donné l’autorité pour signer le contrat avec Moment. Le contrat devrait être signé d’ici la fin de la semaine. J’aimerais donc que tout soit clair. […]

[Sic] [Soulignement ajouté]

[229]     Un projet de procès-verbal est préparé selon la compréhension non équivoque de Blanchette[69] :

2.    ÉTAT DES NÉGOCIATIONS AVEC MOMENT FACTORY

Mme Manon Blanchette, PDG, explique que le contrat avec Moment Factory n’est pas encore signé dû à un problème avec le prêt de la banque. […] Le membre ajoute que nous ne devrions pas partager notre subvention. Nous devrions aller chercher une redevance. La PDG confirme le fait que Moment Factory facture les frais de mise à jour du spectacle Aura et que cela nous assure qu’il demeure « au goût du jour ».

[…] Un membre répond que s’il faut faire des améliorations, c’est Moment Factory qui devrait en faire les frais en diminuant les royautés.

Un membre s’interroge sur la responsabilité de M. Roland Tremblay dans le projet et il est confirmé que M. Tremblay n’a plus d’implication à ce sujet.

Il est donc adopté par les membres que la PDG, Mme Manon Blanchette, doit entreprendre les dernières négociations avec Moment Factory et signer l’entente.

Il faudra discuter d’une stratégie visant les profits que généreraient des objets dérivés du spectacle, lors de la prochaine réunion du C.A.

[Soulignement ajouté]

[230]     Puis un projet de procès-verbal succinct mais complet est finalisé par Blanchette. On peut notamment y lire[70] :

[…] la PDG reçoit alors le mandat de signer le contrat si ce remboursement est obtenu. […]

Il est donc adopté par les membres que la PDG, Mme Manon Blanchette, entreprenne les dernières négociations avec Moment Factory et signe l’entente. […]

[231]     Le 30 janvier 2017 Blanchette écrit à Moment Factory pour l’obtention de son offre de contrat corrigée[71].

[232]     Blanchette entreprend alors des négociations avec celle-ci, conformément au mandat confié par le CA et entretient plusieurs échanges avec ses représentants[72]. Elle s’adjoint les services de son directeur des finances pour analyser les scénarios financiers.

[233]     Le 16 et le 20 février, Moment Factory transmet à Blanchette des  projets de contrats modifiés selon leurs discussions et selon les scénarios financiers analysés de part et d’autres[73].

[234]     Puis, le 21 février 2017, la version finale du contrat modifié de nouveau est transmise à Blanchette[74].


[235]     De légères modifications sont apportées et finalement, le 23 février 2017 Blanchette signe l’entente finale[75]. Parallèlement, elle consacre ses journées et soirées entières à la Basilique pour la finalisation du spectacle.

[236]     Le 24 février 2017, Blanchette avise Castellanos de la signature du contrat. Puis ensemble, ils discutent de la conférence de presse qui a lieu dans 4 jours.

[237]     Ils révisent la liste des journalistes invités, conviennent que Blanchette sera la porte-parole lors de l’événement et que les membres du CA n’ont pas à être présents puisqu’il s’agit d’une conférence de presse.

[238]     Blanchette lui soumet un scénario[76] qu’ils révisent ensemble.

[239]     Dans le cadre de ce scénario, Sylvie Cordeau, la vice-présidente de Québécor est l’une des personnes qui sera appelée à prendre la parole.

[240]     Le 27 février 2017, Fournier lui transmet le contrat qu’il a signé le même jour[77].

[241]     Le lendemain 28 février 2017, jour de la conférence de presse, Blanchette consacre sa journée à finaliser les derniers détails de l’événement.

[242]     Le soir venu, elle rencontre Castellanos. Elle l’informe qu’elle a reçu le contrat dûment signé par Moment Factory.

[243]     Le 1er mars, Blanchette écrit à son directeur des finances et l’informe que l’on peut dorénavant procéder au paiement de la facture de Moment Factory, au montant de 574 875 $, montant qui avait jusque-là été retenu par la Fabrique.

La conférence de presse

[244]     La conférence de presse du 28 février 2017 se déroule à merveille, et tant Blanchette que Castellanos en sont satisfaits.

[245]     À l’occasion de celle-ci, Québécor y est présentée comme commanditaire majeur de l’événement. Une de ses représentantes est appelée à prendre la parole.

[246]     Blanchette apprendra plus tard que Baribeau est offusqué de ne pas avoir été invité à cette conférence. Sauf pour Castellanos, aucun des membres du CA n’y est présent, n’ayant reçu aucune invitation ni de ce dernier, ni de Blanchette.

[247]     Il s’agit pour Baribeau d’un manque de considération pour le CA, attribuable à Blanchette qui n’en respecte pas les membres, tout comme elle ne respecte pas les règles de gouvernance, selon lui.

[248]     Il faut savoir qu’une liste des journalistes invités a été préparée par l’équipe de Blanchette. S’agissant d’une conférence de presse, elle n’a invité que le président du CA puisque les autres membres seront présents au lancement prévu pour le mois de mars.

[249]     Au courant de la date de la conférence de presse, aucun d’entre eux ne communique avec Blanchette ou Castellanos pour souligner sa volonté d’y être présent ou pour suggérer un possible oubli.

Rencontre du 7 février 2017 entre Baribeau et Castellanos

[250]     Dans l’intervalle, le 7 février 2017, Baribeau rencontre Castellanos pour lui résumer la teneur des discussions qui ont eu lieu à la réunion du CA du 31 janvier 2017.

[251]     À cette occasion, Baribeau en profite pour lui faire part de ses inquiétudes au niveau du non-respect des règles de gouvernance et des règles internes. Tout comme pour Tremblay, il se plaint que Blanchette fait défaut de l’informer convenablement du dossier Moment Factory[78]

[252]     Interrogé sur les propos de Baribeau, Castellanos, témoigne que le CA avait désigné Baribeau et Ted Di Giorgio, pour le représenter [79] :

[…] on avait formalisé d’une façon très claire le 5 décembre, à la réunion du 5 décembre, que Monsieur Pierre Baribeau et Monsieur Ted étaient les responsables de la part du conseil du projet Aura. Comme ça que, moi, je suis responsable de tous les aspects de la pastorale, on avait délégué des personne à qui on devait consulter et à qui on devait rendre compte de ce projet-là. Et il se sentait qu’il n’était pas assez informé de la part du PDG.

[(Sic) Soulignement ajouté]

[253]     Le Tribunal note que le procès-verbal de la réunion du 5 décembre 2016 est silencieux sur la question de la délégation. Celle-ci a lieu à la séance du 13 septembre 2016, un mois et demi avant l’entrée en fonction de Blanchette. Le mandat est d’appuyer Tremblay pour la négociation et la finalisation du contrat[80].

[254]     Le CA confirme à cette même séance que Tremblay conserve la charge du dossier Moment Factory, à titre de responsable auprès des différents intervenants et ce, jusqu’au lancement du spectacle.

[255]     Le 5 janvier 2017, devant la stagnation des négociations, Blanchette écrit aux membres du CA pour lui offrir ses services afin de dénouer l’impasse prévalant avec Moment Factory[81].

[256]     Ce n’est que le 30 janvier 2017, en l’absence de Castellanos, que la décision du 13 septembre 2016 est modifiée et que Blanchette est mandatée pour négocier avec Moment Factory.

[257]     En résumé, Castellanos témoigne que dès le 7 février 2007, Baribeau se plaint notamment du manque d’information de la part de la PDG[82], alors qu’elle n’est mandatée que depuis une semaine.

[258]     Il n’existe aucune preuve voulant que suivant cette rencontre, Castellanos ait communiqué avec Blanchette pour lui faire part des attentes de Baribeau. La preuve est absente également sur les démarches que Baribeau aurait pu faire pour obtenir l’information qu’il considère manquante.

[259]     Au 31 décembre 2016, la Fabrique a déjà versé 2 225 000 $ à Moment Factory. Questionné sur le sujet, Castellanos répond que ce n’était pas pour lui une préoccupation personnelle puisque le CA avait mandaté deux de ses membres pour prendre charge ce dossier.

L’Institut du patrimoine funéraire

[260]     Dans le cadre de ses fonctions, Blanchette constate qu’un prêt a été consenti à l’Institut du patrimoine funéraire. Bien qu’il ne s’agisse que d’une somme de 20 000 $, il n’existe aucune résolution l’autorisant, ni aucun contrat de prêt.

[261]     Trouvant cette situation anormale, Blanchette refuse le déboursé. Avant de l’autoriser, elle doit tout d’abord avoir en main une résolution du CA et un contrat de prêt en bonne et due forme.

[262]     La Fabrique ne voit pas les choses du même œil. Il s’agit d’un reproche qui sera fait à Blanchette au moment de son congédiement. Elle considère que son attitude à ce sujet a mis sa réputation en cause face à l’Institut. Il s’agit pour elle d’insubordination.


Le dîner : soirée du 1er mars 2017

[263]     Le 1er mars 2017, suivant sa rencontre avec Baribeau [83], Castellanos convoque Blanchette en soirée à un dîner au Club 357C pour discuter informellement des dossiers de la Fabrique.

[264]     En réalité, à la suite de ses communications avec Baribeau, il désire un entretien sur les règles de gouvernance de la Fabrique[84] que Blanchette transgresse, selon Baribeau[85], ainsi que sur les dossiers de Moment Factory et Québécor.

[265]     Il s’agit aussi de discuter de la gestion de Blanchette et de sa présumée insubordination liée au prêt consenti à l’Institut du patrimoine funéraire[86] que Blanchette refuse de débourser sans avoir en main une résolution du CA et un contrat de prêt en bonne et due forme.

[266]     Affairée avec son équipe à la mise au point du spectacle, elle arrive avec un peu de retard. Avant le repas, tous prennent l’apéritif dans une salle du rez-de-chaussée. On l’invite à s’asseoir à côté de Baribeau.

[267]     En peu de temps, la discussion s’anime et le ton monte. Baribeau la confronte sur sa connaissance des politiques du CA et des règles de gouvernance. Il lui demande de confirmer qu’elle a lu les procès-verbaux des années passées et qu’elle s’est familiarisée avec les façons de faire de la Fabrique. Il lui reproche de faire fi de ses politiques et instructions ainsi que de la régie interne. Le ton monte.

[268]     Blanchette tente de faire bifurquer la conversation. Elle réitère ce qu’elle considère être une bonne nouvelle : le contrat avec Moment Factory est signé.

[269]     Toujours selon Blanchette, Baribeau s’offusque de ne pas en avoir été informé. Elle lui répond que Castellanos est au courant. Il soutient alors qu’il devait en être informé. Elle lui répond qu’elle est l’employée de la Fabrique et qu’elle se rapporte au CA. Il réplique que Castellanos s’occupe du clergé et que lui s’occupe du reste.

[270]     Exaspérée et jugeant inconvenante l’attitude de Baribeau, Blanchette se lève, décidée à quitter. Castellanos la rejoint à la porte et la convainc de rester.

[271]     Au souper, Blanchette confirme la signature du contrat avec Moment Factory. Elle annonce aussi avec fierté qu’elle s’est entendue avec Québécor pour une commandite majeure.

[272]     Baribeau se dit stupéfait. Il ne peut comprendre qu’elle ait pu signer une entente avec Moment Factory sans l’accord du CA.

[273]     Il ne comprend pas plus qu’une entente ait été conclue avec Québécor sans approbation préalable. Pressée de questions sur les termes d’une telle entente, Blanchette les expose.

[274]     À la fin du repas, elle quitte. Elle doit retourner à la Basilique pour continuer à travailler avec Moment Factory.

[275]     Après son départ, Baribeau et Nicole Ouellet exposent à Castellanos leur grand désarroi devant la signature du contrat de Moment Factory et de la négociation d’une commandite avec Québécor, d’autant plus que les termes d’une telle commandite ne sont pas à l’avantage de la Fabrique et que Blanchette lui a consenti une exclusivité.

[276]     Ils tentent de convaincre Castellanos que le lien de confiance avec Blanchette est brisé. Castellanos est ébranlé.

Commanditaires

[277]     Moins de deux semaines précédant le lancement du spectacle, aucun commanditaire n’a encore été trouvé. Seuls le Ministère de la culture et du tourisme ainsi que Tourisme Montréal ont été approchés par Tremblay[87]. Une seule rencontre a eu lieu avec la BNC.

[278]      Or, le projet Aura a un besoin urgent de commanditaires. Le dossier suscite en Blanchette de l’inquiétude.

[279]     Des membres du conseil d’administration devaient approcher des commanditaires potentiels majeurs. Les discussions tournent autour de la BNC et de Power Corporation.

[280]     Elle est surprise que personne ne l’ait consultée pour l’obtention de ces commandites alors que tous connaissent son expérience passée en la matière. Cela s’est d’ailleurs avéré un atout important pour son embauche.

[281]     Dans l’intervalle, le CA met de l’avant le projet de créer la « Fondation de la Basilique Notre-Dame de Montréal » Aux fins de son implantation, Yoland Tremblay en est nommé le directeur général. Trois membres du CA de la Fabrique sont nommés provisoirement membres du conseil de cette nouvelle fondation, dont Baribeau qui en est le président[88].

[282]     Le même jour, le CA décide d’évaluer la pertinence de créer une fondation pour le cimetière Notre-Dame des neiges qui serait indépendante de celle de la Basilique[89].

[283]     Malgré son expérience passée des fondations de musées, Blanchette n’est pas plus consultée sur les enjeux de la création de telles fondations. Elle s’en déclare également surprise, ce qu’elle réitère au CA[90].

[284]     Baribeau affirme au procès que personne ne parle à Blanchette d’une commandite de la BNC en vue du projet Aura, parce qu’il n’a jamais été question d’approcher cette banque pour le spectacle. Il témoigne que les discussions concernaient plutôt une commandite potentielle à la Fondation en devenir, n’ayant aucun lien avec le spectacle.

[285]     La preuve ne fait voir aucun procès-verbal rapportant des discussions du CA en vue d’une commandite de la BNC à une Fondation à être créée.

[286]     Le procès-verbal de la réunion du CA du 5 décembre 2016, indique ce qui suit[91] :

g) Moment Factory-spectacle « À Ciel Ouvert »

Il est décidé d’étudier les avantages d’un emprunt couvrant l’investissement de La Fabrique pour le spectacle « À Ciel Ouvert ». La PDG se charge de communiquer avec la Banque Nationale. Il est suggéré de s’enquérir d’un emprunt de 4 millions étalé sur cinq ans et renouvelable. Ce choix est stratégique dans le contexte de recherche de commandites.

La démarche d’emprunt doit s’inscrire dans la réalisation de la volonté du CA de négocier simultanément avec le président de la Banque Nationale, une commandite de 1 million (1 000 000 $), à titre de partenaire principal de l’événement ainsi qu’un emprunt privilégié de 4 millions (4 000 000 $).

[…]

L’ex-DG continue d’avoir la responsabilité, avec le comité délégué du CA, de poursuivre les discussions en suspens, suite aux demandes additionnelles de MF.

[Soulignement ajouté]


 

[287]     Le procès-verbal de la réunion du CA du 21 mars 2017 confirme que la commandite espérée de la Banque Nationale est « en relation avec l’emprunt bancaire pour financer le contrat Aura[92] ».

[288]     La preuve révèle aussi que Baribeau a rencontré le numéro deux de la BNC avec le président de Moment Factory.

[289]     De son côté, Blanchette communique avec son contact chez Québécor pour négocier une commandite. Il s’agit de Sylvie Cordeau, une vice-présidente de Québécor[93] qu’elle connait depuis un certain temps, pour avoir négocié par le passé des commandites avec celle-ci. Un contrat devra plus tard être signé.

[290]     Selon l’entente convenue, Québécor verse à la Fabrique une somme de  150 000 $, payable en tranches de 30 000 $ sur 5 ans (2017-2021).

[291]     Chaque année durant 10 ans, elle accorde aussi gratuitement de l’espace publicitaire d’une valeur minimale de 120 000 $ dans tous ses médias[94]. Québécor pourra même offrir gratuitement à la Fabrique un nombre important de trous publicitaires invendus.

[292]     Blanchette considère que la contribution totale de Québécor est de 1 350 000 $.

[293]     Il s’agit pour elle d’une entente avantageuse puisque la Fabrique s’est de toute façon engagée contractuellement à débourser annuellement une somme d’environ 350 000 $ en marketing et communications, pour la visibilité du spectacle[95].

[294]     En incluant les gratuités de Québécor, la visibilité passerait à 470 000 $. De plus, la Fabrique n’aurait pas à verser 15 % à Moment Factory sur les gratuités offertes par Québecor.

[295]     En contrepartie, la Fabrique considère Québécor comme un partenaire majeur.

[296]     Elle s’engage à faire des achats publicitaires dans les médias de Québécor de 165 000 $ par année pendant 10 ans[96], soit un total de 1 650 000 $.

[297]     Au surplus, la Fabrique confère l’exclusivité de sa publicité à Québécor dans tous ses secteurs d’activités, soit les médias, les télécommunications le divertissement et le sport[97].

[298]     Plus précisément, la Fabrique s’engage à n’acheter aucune publicité au journal La Presse ou aux médias détenus par Bell. Seuls les médias suivants pourront faire l’objet d’achat de visibilité : Télé Québec, Radio-Canada radio et Le Devoir.

[299]     Pour le CA, l’entente monétaire est à l’avantage de Québécor et n’est clairement pas acceptable.

[300]     De plus, la Fabrique n’a par le passé jamais accordé d’exclusivité à un média et elle a régulièrement conclu des ententes de visibilité avec le journal La Presse.

[301]     Aucune entente n’est finalement signée avec Québécor. En mars 2017, la Fabrique l’informe qu’elle n’entend pas donner suite à cet accord verbal, ce que Québécor accepte, sans autres formalités.

Castellanos « sous le charme » de Blanchette

[302]     Le 6 mars 2017, Baribeau écrit à Nicole Ouellet[98]. Il veut faire une étude détaillée du contrat signé par Blanchette. Il désire évaluer les impacts du contrat sur la Fabrique. Dans ce même courriel, il tire des extraits du contrat qu’il expose à Ouellet, comme si de telles clauses apparaissaient pour la première fois. Le Tribunal note que le contrat diffère peu de celui qui servait de base au moment où Tremblay et Baribeau négociaient avec Moment Factory.

[303]     Le même jour, Ouellet lui répond. Elle a l’intention de parler à Tremblay à qui elle a laissé un message. Elle compte également appeler Castellanos dès le lendemain[99].

[304]     Dans les minutes qui suivent Baribeau réplique. Il se dit stressé par la situation. Il a même songé à démissionner pour ne plus revivre de telles tensions, écrit-il. Après avoir critiqué certaines clauses du contrat Moment Factory et la commandite de Québécor il écrit :

Quant à Miguel [Castellanos],

je crois qu’il est sous l’influence sinon le charme de mme Blanchette

c’est pourquoi un entretien téléphonique n’est pas recommandé

mais bien plutôt une séance de travail, dans le calme, mais aussi dans la clarté… documentée […]

[Soulignement et crochets ajoutés]

Le lancement du spectacle

[305]     Le 20 mars 2017 est le lancement officiel du spectacle Aura.

[306]     Au préalable, une courte rencontre des membres du CA a lieu dans le bureau de Castellanos. Puis, vient l’heure du lancement.

[307]     Plus de 400 convives émanant des sphères financières, politiques, sociales, publics ou privés ainsi que culturelles y assistent.

[308]     La soirée est un vif succès.

La décision de congédier

[309]     Le lendemain 21 mars 2017, le CA tient une réunion spéciale à laquelle tous ses membres assistent. Seul sujet à l’ordre du jour : Blanchette.

[310]     La réunion est convoquée le 19 mars par Castellanos à la demande de Baribeau qui, affirme Castellanos avec réticence[100], l’avait « mis devant certains faits[101] ».

[311]     Les discussions en vue du congédiement réfèrent notamment à la signature du contrat avec Moment Factory et à ses modalités, ainsi qu’à l’entente négociée avec Québécor.

[312]     L’on réfère également au procès-verbal du 5 décembre 2016 et du fait que le CA n’a reçu aucun plan d’affaires ni documents de plans de commandite.

[313]     Le CA reproche aussi à la PDG d’avoir fait défaut de respecter et même d’avoir annulé en pratique la contribution de 10 000 $ à verser à l’Institut du patrimoine funéraire.

[314]     Suivant les discussions, l’on conclut à la perte de confiance « dans la capacité de la PDG à respecter les orientations et les décisions du CA »[102].

[315]     Suivant les constats du CA, il est résolu de retenir les services d’un cabinet d’avocats pour le conseiller. Il est également résolu de mandater Castellanos et le président du comité d’audit pour rencontrer Blanchette et lui faire part du constat de ses membres.

Le congédiement du 22 mars 2017

[316]     Le lendemain, Castellanos convoque Blanchette à une rencontre en fin de journée[103]. À son arrivée vers 17h30, ce dernier est accompagné de Di Giorgio.

[317]     Ils ont en main un devis d’entrevue de 15 pages, empreintes de caractères gras, souvent surdimensionnés et contenant plusieurs points d’exclamation[104].

[318]     On y parle abondamment de règles de gouvernance, sujet abordé avec constance et répétition par Baribeau, dans le cadre de la preuve.

[319]     On lui reproche en caractères gras de ne pas les avoir respectées.

[320]     On lui reproche aussi d’avoir créé un climat et un malaise parmi les trois administrateurs présents lors du dîner du 1er mars 2017, lorsqu’elle avait décidé de quitter, devant le ton de Baribeau qu’elle considérait inapproprié.

[321]     On y ajoute : « Vous nous avez informé (sic), tout bonnement, que le contrat de Moment Factory était signé ! ». « Pourtant », continue-t-on, « vous aviez le rôle de tenter de compléter les négociations de ce que vous avez appelé quelques clauses en suspens[105] ».

[322]     On lui reproche aussi d’avoir signé ce contrat sans l’accord du CA et on la questionne sur la signature de cet accord, les termes du même accord, sa conduite ayant mené à sa conclusion, ses consultations préalables, pour ne nommer que ceux-là.

[323]     Puis le devis aborde le sujet de la commandite de Québécor. La façon de faire de Blanchette y est critiquée et plusieurs questions sont soulevées dont celle du conflit d’intérêts :

Est-ce que la notion de conflit d’intérêts, ça vous dit quelque chose ? Qu’est-ce que vous en comprenez ?

Est-ce que selon vous lorsqu’un dirigeant est placé dans la situation de négocier un contrat avec une entreprise qui appartient à un ou à des membres de sa famille, il y a un problème d’éthique ?

Et si le dirigeant doit négocier un contrat avec une entreprise ou travail son fils, est-ce qu’il y a un problème ?

Est-ce que vous aviez dévoilé aux membres du CA que votre fils travaille dans l’une des entreprises du groupe Québécor ?

Est-ce que vous êtes consciente que la Fabrique peut être exposée, que sa réputation peut être exposée si des mesures de base ne sont pas prises pour éviter la présence de conflit d’intérêts de la PDG dans la Fabrique ?

Est-ce que vous reconnaissez avoir voulu exclure des compétiteurs de Québécor, pour la réalisation des contrats médias et autres ?

Est-ce que vous reconnaissez que vous n’apparaissez pas avoir l’indépendance voulue pour négocier avec Québécor ?

[Soulignement ajouté]

[324]     Une fois le sujet vidé, l’on passe à une étape suivante :

La deuxième constatation générale du conseil d’administration, c’est ce que nous sommes en présence de difficultés reliées à l’exercice de votre rôle et de vos responsabilités de Présidente-directrice générale :

Absence de plan d’affaires et de plan de commandites

[…]

Alors devant les membres du CA, Le Conseil n’a pas reçu de plan d’affaires et n’a pas reçu de plan de commandite de votre part.

Nous nous retrouvons avec un contrat de 5 millions $, signé par la PDG sans approbation, ni du CA.

[…]

et compte tenu des impacts de

                         -vos manques de respect des règles de gouvernance

                         -vos manques de respect de vos responsabilités

dans le meilleur intérêt de la Fabrique, au nom de la Fabrique et de son conseil d’administration, nous devons mettre fin à votre période de probation et à votre emploi, en date d’aujourd’hui.

[325]     Après lui avoir indiqué qu’ils sont à évaluer les centaines de milliers de dollars que l’administration de Blanchette coûte par sa faute à la Fabrique, on l’informe qu’aucune indemnité de « fin de probation » ne lui sera versée et qu’un congédiement pour cause ne justifie pas de verser un montant d’argent.

[326]     Après lui avoir affirmé qu’elle possédait une grande compétence, Castellanos et Di Giorgio offrent à Blanchette de démissionner, ce qu’elle refuse.

[327]     Castellanos accompagne Blanchette à la sortie. Il lui dit : « ce n’est pas votre compétence professionnelle qui est mise en jeu ici. C’était entre vous ou moi ».

L’après congédiement

[328]     Suivant le congédiement, Blanchette est grandement affectée et sa confiance en elle est à son plus bas. Le fait d’avoir été congédiée le lendemain du lancement du spectacle, ajoute à sa blessure.

[329]     Le 15 janvier 2018, elle débute un nouvel emploi à titre de directrice générale du Cinéma Impérial. Son salaire annuel est de 140 000 $, sujet à une bonification de 20 % basée sur des objectifs établis en début d’année[106].

[330]     De son côté, la Fabrique informe Moment Factory du congédiement de Madame Blanchette et surtout du fait qu’elle considère d’une part que cette dernière n’avait pas l’autorité pour signer le contrat et que d’autre part il ne s’agit que d’un projet d’entente sujet à l’approbation du CA[107].

[331]     Malgré diverses propositions faites par la Fabrique à Moment Factory, aucune entente postérieure n’est conclue.

[332]     À ce jour, cette dernière n’a rien réclamé à la Fabrique ni au niveau d’un pourcentage sur les montants des commandites, ni au niveau des produits dérivés.

L’ANALYSE

Remarques préliminaires

[333]     L’analyse de la cause juste et suffisante d’un congédiement, question mixte de faits et de droit, doit être entreprise selon le contexte propre à chaque affaire. Celle sous étude laisse songeur.

[334]     L’avocat de Blanchette plaide que le comportement de Baribeau est inacceptable et que sans cela, cette affaire n’aurait pas pris une telle tournure.

[335]     D’une part, le Tribunal n’accorde pas de valeur probante au témoignage décousu de Baribeau, empreint de nombreuses contradictions ou d’affirmations qui défient le sens commun.

[336]     D’autre part, ses attitudes et comportements agressants, rétrogrades et humiliants sont blâmables et constituent du harcèlement ainsi que de l’abus d’autorité à l’égard de Blanchette.

[337]     Il mitraille autrui avec fureur, de blâmes et de reproches.

[338]     Son attitude et son ton irrévérencieux employés face à ceux qu’il considère ses subalternes, colorent inéluctablement ce dossier dont plusieurs aspects sont contraires aux exigences de la bonne foi.

[339]     Il attribue faussement à Blanchette une demande de déboursé de 500 000 $, résultat de la gestion déplorable du dossier Moment Factory par le CA.

[340]     Ayant annoncé erronément une entente avec Moment Factory, il accuse Fournier d’être revenu sur sa parole et d’avoir négocié de mauvaise foi. Il s’agit d’un énième blâme qui lui permet cette fois, de dissimuler sa propre incurie et son incapacité à trouver le moindre consensus.

[341]     À peine ce dossier en est-il à ses premiers balbutiements qu’il réussit à faire mal paraître le CA en posant à l’entrevue d’embauche une question rétrograde. Il prétendra plus tard, de façon peu, voire non convaincante, qu’il s’agissait d’une boutade en enchaînant, sans aucune logique ni aucun incitatif que Blanchette s’était présentée à son entrevue en « robe de soirée ». Entendu dans le contexte de son témoignage, le Tribunal y voit là l’expression superfétatoire de son absence d’estime pour Blanchette à qui il s’adresse avec condescendance.

[342]     Son obsession pour le respect des règles de gouvernance se retrouve dans la large majorité de ses écrits. Pourtant, de façon souvent arrogante, il les transgresse avec régularité et constance, souvent dans le cadre de démonstrations de force inutiles et déplacées, tels le courriel du 28 décembre adressé à Tremblay ou la réunion du 1er mars 2017 ou encore les propos inconvenants et inappropriés tenus à Blanchette.

[343]     Il se comporte comme l’employeur et le supérieur de Blanchette (et de Tremblay) à qui il demande de rendre compte et court-circuite le rôle du président, tout en s’improvisant PDG de la PDG.

[344]     Au restaurant, son manque de jugement l’amène à parler du litige de l’un de ses amis avec Pierre Karl Péladeau, propos qu’il nie lors de son témoignage. Il y affirme qu’il ne connaissait pas les liens entre Blanchette et Pierre Péladeau. Ses notes d’entrevue révèlent exactement le contraire.

[345]     Il est illogique de penser que Blanchette ait pu inventer une telle histoire, alors qu’il lui est impossible de savoir qu’une connaissance de Baribeau soit en litige avec un tiers à North-Hatley, sauf si bien sûr ce dernier en informe Blanchette.

[346]     Contre interrogé à ce sujet, il affirme qu’il pouvait avoir cru que Pierre Karl Péladeau était l’ancien conjoint de Blanchette. Il ne réalise pas que si tel est le cas, les remarques à son endroit et la divulgation d’un litige privé ne pouvaient être que source de malaise. Le Tribunal croit sans hésiter la version de cette dernière à cet égard.

[347]     Toujours au restaurant, il exige de Blanchette un plan de communication urgent pour annoncer sa nomination, alors qu’elle est toujours à l’emploi du Musée Pointe-à-Callière. L’urgence de la situation relève plutôt du fait que Baribeau quitte le pays pour un mois.

[348]     L’ajout au contrat de travail d’une période de probation non discutée au préalable est contraire aux exigences de la bonne foi. Ce faisant, il sait pertinemment qu’il met Blanchette à risque et surtout, devant un fait accompli, sachant également qu’elle a remis sa démission du musée, qu’elle est devenue vulnérable et qu’elle ne peut plus faire marche arrière. Il n’y voit rien d’anormal.

[349]     Il affirme que la période de probation a été clairement discutée avec Falconetto, qui nie. Il revient plus tard sur son témoignage pour contredire sa première affirmation.

[350]     De toute façon cela a peu d’importance, dans la mesure où pour lui, tous les contrats de travail de PDG contiennent de telles clauses. Cette affirmation est clairement contredite par Falconetto, une experte en la matière et dont la crédibilité n’est nullement en cause ici.

[351]      Il justifie à Blanchette l’ajout d’une telle clause par une explication surprenante, c’est-à-dire par le coût du recrutement.

[352]     Se décrivant comme la courroie de transmission entre Blanchette et le CA (le président étant selon lui trop occupé par la pastorale), il ajoute de façon rétrograde qu’elle est sous surveillance par un groupe d’hommes ainsi que par le clergé.

[353]     Avant même que Blanchette n’entre en fonction, il communique avec cette dernière pour la prier de se méfier de Fournier qui pourrait vouloir entrer en contact  avec elle. Il lui suggère alors d’un ton paternaliste « de lui tenir conversation, sans pour autant impliquer quoique ce soit ». Une telle communication va de soi, puisqu’il écrit à une subalterne qu’il considère « junior » et qui n’aura sans doute pas l’intelligence suffisante de répondre convenablement à Fournier, dans l’éventualité plus qu’improbable que ce dernier ne communique avec elle.

[354]     Le Tribunal retient de la preuve que cette qualification faite par Baribeau est le reflet du peu de considération qu’il a à l’endroit de Blanchette.

[355]     Devant un parcours professionnel aussi remarquable que celui de Blanchette, le Tribunal peine à s’imaginer quelles qualifications sont nécessaires pour considérer Blanchette de « senior ». Non seulement possède-t-elle une expérience hors du commun mais au surplus, elle possède toutes les compétences et toutes les qualifications d’une PDG triée sur le volet, selon un processus sophistiqué.

[356]     Baribeau ne se soucie guère des dommages qu’il cause autour de lui et de l’exaspération de Blanchette face à ses nombreuses interventions contraires aux règles de la gouvernance qui lui sont pourtant si chères.

[357]     C’est cette exaspération qui culmine au dîner du 1er mars 2017. Il s’offusque plus tard qu’elle se soit levée pour quitter la rencontre et ajoute l’insulte à l’injure en considérant qu’un tel geste constitue de l’insubordination, ce qui est reproché plus tard à Blanchette, à l’entrevue de fin d’emploi.

[358]     Cela va de soi, puisqu’elle est son employée et qu’il peut adopter à son endroit des comportements acérés reflétés dans plusieurs de ses écrits.

[359]     Il pousse la démesure en faisant grand cas du fait que les membres du CA n’aient pas été invités à la conférence de presse annonçant le spectacle. Il s’agit pour lui d’une preuve évidente que Blanchette n’a aucun respect pour eux. Il oublie que la liste des invités est revue par le président du CA à qui il appartient de faire ajouter leurs noms, si cela est son désir.

[360]     Les blâmes fusent tous azimuts, devant un CA qui choisit de laisser aller.

[361]     Le 28 décembre 2016, d’un ton méprisant, il blâme Tremblay sur sa gestion du dossier Moment Factory, suggérant que ce dernier ne respecte pas le mandat confié par le CA à qui il ne se rapporte pas suffisamment. Il impute à Tremblay la mauvaise gestion de ce dossier et le débours de sommes dépassant les 2 millions de dollars.

[362]     Ce faisant, Baribeau omet volontairement de relever sa propre incapacité à régler le dossier Moment Factory avec Fournier. Afin d’éluder son incurie, il blâme Fournier. De façon peu crédible il suggère que ce dernier a renié sa parole et qu’il agit de mauvaise foi.

[363]     Il oublie qu’il n’a pas lui-même respecté le mandat confié par le CA de mettre fin aux négociations au plus tard le 14 octobre 2017.

[364]     Au contraire, malgré cette échéance claire, il endosse la continuité des négociations. Il accepte plus tard, conjointement avec les membres du CA, que des sommes considérables soient versées à Moment Factory, sans qu’aucune entente n’ait été conclue au préalable avec celle-ci.

[365]     Après le 28 décembre 2016, il adresse des reproches semblables à Blanchette, du déjà-vu : le défaut de respecter les directives du CA, sa mauvaise gestion du dossier Moment Factory, l’absence d’entente avec cette dernière, le non-respect des règles de gouvernance et le défaut d’informer convenablement le CA.

[366]     Il suggère que le dossier Moment Factory est celui de Blanchette depuis au moins le 31 décembre 2016 alors que la preuve révèle le contraire, ce qu’il ne peut ignorer.

[367]     Le procès-verbal de la réunion du CA du 30 janvier 2017 est celui par lequel Blanchette se voit confier pour la première fois les rênes de ce dossier. Sept jours se sont à peine écoulés depuis cette réunion que Baribeau se plaint déjà au président du manque de suivi de Blanchette.

[368]     Le procès-verbal de cette même réunion permet de constater que, tout comme pour Blanchette, la responsabilité civile de Tremblay dans la gestion de ce dossier est en cause. Ce faisant, l’on oublie que deux membres du CA sont chargés d’appuyer Tremblay depuis le mois de septembre précédent.

[369]     La poursuite de 165 000 $ contre Blanchette est la suite logique de ces accusations factices menées dans la continuité de la conduite abusive et vexatoire dont Blanchette est l’objet.

[370]     Baribeau affirme que la BNC n’est pas approchée pour commanditer le spectacle Aura mais plutôt pour un don à la fondation de la Fabrique. La preuve non équivoque fait voir le contraire : une rencontre avec cette institution financière a été tenue à ce sujet avec un représentant de Moment Factory et de la Fabrique.

[371]     En résumé, le Tribunal ne retient pas le témoignage de Baribeau et considère que celui de Blanchette est crédible. Baribeau se voyait comme son supérieur et elle a été la victime de son intimidation et de sa conduite vexatoire.  

1.    La Fabrique a-t-elle procédé au congédiement de Blanchette pour une cause juste et suffisante ?

[372]     L’article 2085 du C.c.Q. se lit comme suit :

2085.    Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s’oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d’une autre personne, l’employeur.

[373]     Étant un cadre supérieur, donc non syndiquée, Blanchette est une salariée au sens du Code civil du Québec et son contrat d’emploi, y compris sa résiliation, est régi par celui-ci.

[374]     À ce sujet, les principes en matière de fin d’emploi sont bien connus et notamment codifiés par les articles 2091 et 2094 C.c.Q. qui se lisent comme suit :

2091.    Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l’autre un délai de congé.

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail.

2094.    Une partie peut, pour un motif sérieux, résilier unilatéralement et sans préavis le contrat de travail.

[375]     Le motif sérieux de résiliation peut résulter d’un seul geste ou de l’accumulation de gestes distincts ayant miné la confiance devant prévaloir entre un employeur et son employé.

[376]     De façon générale, à moins d’un comportement qui justifie le congédiement immédiat, celui-ci sera précédé de mesures telles une mise en garde, un avertissement, une suspension ou toute autre mesure disciplinaire plus sévère.

[377]     Bref, avant de conclure au congédiement, on appliquera la gradation des sanctions, sauf bien sûr, si un seul geste, ou une seule insubordination, indiscipline ou malhonnêteté grave justifie la fin d’emploi immédiate.

[378]     La question de la gradation des sanctions est souvent moins pertinente lorsque l’on traite avec un cadre supérieur, mais chaque dossier doit tout de même être évalué selon les circonstances qui lui sont propres.

[379]     Cela étant, il n’est pas rare de voir l’employeur mettre fin à l’emploi d’un PDG, moyennant une indemnité de départ, même lorsque ce dernier ne rencontre pas les attentes et en l’absence notamment de malversation, fraude, malhonnêteté.

[380]     Comme l’expliquait Falconettto, il est courant de retrouver dans les contrats de travail de cadres, des dispositions qui prévoient à l’avance les modalités d’une fin d’emploi. Il s’agit de clauses contractuelles que le jargon des affaires appelle la clause parachute ou parachute doré et qui fixent les modalités de départ, en prévision d’une possible éviction.

[381]     Falconetto a proposé au CA d’inclure une telle clause à l’offre d’emploi de Blanchette, mais celui-ci a jugé bon de décliner la proposition.

[382]     Il est reconnu que le fardeau de démontrer l’existence de motifs sérieux de congédiement repose sur les épaules de l’employeur[108]. À ce sujet, la Cour d’appel écrit[109] :

L’existence d’un motif sérieux de congédiement constitue une question de fait dont la charge de preuve repose sur les épaules de l’employeurhttps://www.canlii.org/fr/qc/qcca/doc/2019/2019qcca128/2019qcca128.html?resultIndex=6 - _ftn5.

Le Tribunal appelé à se prononcer sur la justesse d’un congédiement doit examiner (1) la nature de l’inconduite reprochée, (2) le contexte de l’inconduite et (3) la proportionnalité de la sanction imposée.

[53]        Le juge retient de la preuve que le comportement de Jean et Leclerc n’est pas sans reproche et qu’ils ont contrevenu à leurs obligations contractuelles et réglementaires. Il devait dès lors déterminer si ces inconduites constituaient dans les circonstances de l’affaire un motif sérieux de congédiement.

[Soulignement ajouté]

[383]     Pour se décharger de son fardeau, l’employeur doit démontrer qu’il a franchi au préalable certaines étapes :

non seulement que le salarié a été averti de ses lacunes, mais également faire la preuve du niveau de rendement raisonnable exigé du salarié, et établir que celui-ci était au courant des objectifs à atteindre, que des instructions adéquates lui avaient été données à ce sujet et au sujet de son travail, et que ce salarié n’atteignait pas ses objectifs. L’employeur devra également donner au salarié le support et le temps nécessaire pour combler ses lacunes.[110].

[384]     La notion de « motifs sérieux » a fait l’objet de nombreuses décisions. La juge Sophie Picard en résume ainsi le contenu[111] :

[55]       L'expression « motif sérieux » utilisée à l'article 2094 C.c.Q. équivaut à la notion de « cause juste et suffisante » définie par la jurisprudence. Il s'agit d'un motif grave et suffisant, tel qu'analysé selon les circonstances de l'espèce.

[56]            L'on considère généralement que constitue un « motif sérieux » une violation par l'employé d'une ou de plusieurs conditions essentielles de son contrat de travail ou encore une conduite répréhensible de sa part dans l'exécution de son travail.

[57]            Les circonstances à considérer dans l'analyse des motifs du congédiement incluent notamment l'importance du poste occupé par l'employé, la nature de l'emploi ainsi que la gravité des fautes commises.

[58]            De plus, si le contexte s'y prête, l'employeur doit donner à son employé la chance de modifier la conduite qui lui est reprochée et l'aviser clairement des conséquences qui pourraient découler de l'absence d'amélioration.

[Soulignement ajouté]

[59]            Soulignons qu'en principe, les sanctions imposées à l'employé doivent être progressives. Cette progression des sanctions ne s'applique toutefois pas au cadre dans la même mesure qu'aux autres employés, compte tenu de la nature particulière de son travail. En effet, l'on s'attend généralement de la personne qui est engagée comme cadre qu'elle possède les qualités requises afin d'accomplir les fonctions lui étant assignées (notamment le sens du leadership), à défaut de quoi, elle pourra être congédiée pour motif sérieux.

[60]            Il n'en demeure pas moins que le congédiement sommaire du cadre n'est pas justifié. Le cadre, comme les autres employés, a le droit d'être confronté à ses lacunes et, sauf circonstances exceptionnelles, l'employeur devra lui fournir l'occasion de se corriger.

[61]            Selon les circonstances, la négligence dans l'exercice des fonctions, le manque d'autodiscipline et le rendement inférieur à celui sur lequel le cadre s'était entendu avec son employeur, constituent des exemples de motifs sérieux justifiant un congédiement sans délai de congé ou indemnité en tenant lieu.

[62]            Enfin, le fardeau de démontrer que l'employé a été congédié pour un motif sérieux repose sur l'employeur.

[385]     Traitant de l’analyse, la Cour d’appel écrit[112]:

Le salarié doit connaître les politiques de l'entreprise et les attentes fixées par l'employeur à son égard;

-         Ses lacunes lui ont été signalées;

-         Il a obtenu le support nécessaire pour se corriger et atteindre ses objectifs;

-         Il a bénéficié d'un délai raisonnable pour s'ajuster;

-         Il a été prévenu du risque de congédiement à défaut d'amélioration de sa part.

[386]     À la lumière de ces principes, il s’agit de vérifier si la Fabrique s’est déchargée de son fardeau de démontrer l’existence d’un motif sérieux qui justifiait le congédiement. Au cas contraire, la durée du délai de congé menant à une indemnité de départ, devra être examinée.

[387]     En l’espèce, aucun des critères établis par la Cour d’appel n’est rencontré. Il s’agit plutôt d’une chasse aux sorcières menée dans le contexte duquel le Tribunal a déjà traité.

[388]     L’on blâme la PDG, comme l’on blâmait Tremblay, ce qui s’avère fort utile pour éluder une gestion pitoyable par le CA du dossier Moment Factory.

[389]     L’on jette sur Blanchette le fait d’avoir signé un contrat sans l’autorisation du CA. Le contexte permet de soutenir qu’elle était autorisée à négocier, à conclure une entente et à la signer.

[390]     L’échec lamentable des négociations avec Moment Factory, couplé avec des accusations par Baribeau, de mensonges et de négociation de mauvaise foi fort utiles pour sauver la face, justifiait que le CA donne mandat à Blanchette pour négocier les derniers termes du contrat et le signer.

[391]     À ce sujet, le Tribunal n’entretient aucun doute sur la compréhension de Blanchette. Son témoignage est crédible et la preuve matérielle corrobore sa compréhension.

[392]     De toute façon, les nombreuses décisions contradictoires du CA dans cette affaire et l’attitude ainsi que le comportement de Baribeau envers Blanchette ne pouvaient qu’annoncer une fin désastreuse. Le Tribunal croit Blanchette lorsqu’elle affirme qu’après son congédiement, Castellanos lui dit que ses compétences ne sont pas en cause, mais que c’était elle ou lui.

[393]     Castellanos est enchanté du travail de Blanchette et n’a rien à lui reprocher. Il vante même ses mérites à Falconetto. Il lui revenait d’exercer son leadership et de mettre les choses en perspective.

[394]     La preuve plus que convaincante veut que Blanchette n’ait pas été avisée en temps utile d’une quelconque lacune précédant son congédiement, pas plus qu’elle n’ait été informée de quelque objectif non rencontré, ni du non-respect de quelque règle que ce soit.

[395]     Soutenir qu’elle faisait défaut de rendre compte est particulièrement intrigant lorsque l’on sait qu’à la réunion du CA du 5 décembre 2016, alors qu’elle était préparée à dresser un premier bilan, l’on a préféré déférer un tel rapport à une date ultérieure. En d’autres mots, pour le CA les rapports d’activités et de gestion de Blanchette pouvaient attendre.

[396]     De plus, soutenir au moment du congédiement qu’elle a fait défaut de présenter son plan d’affaires dans les délais ou encore toute forme de document de projections financières laisse dubitatif.

[397]     Il est surprenant de lire un tel reproche dans un contexte où à la dernière minute on oblige Blanchette à se saisir d’un dossier grandement miné par une gestion déficiente, voire inexistante, amenant le débours de sommes importantes, alors que les espoirs de conclure une entente avec Moment Factory fondaient comme neige au soleil.

[398]     L’on forçait ainsi Blanchette à se saisir d’un dossier qui l’amenait à se consacrer corps et âme à sa livraison selon des échéances qu’elle n’avait pas choisies et qui nécessitaient des prouesses hors du commun en vue de sa réalisation.

[399]     Il est facile d’élaborer de tels reproches en s’aveuglant volontairement mais il est impossible d’éviter cette réalité lorsque la vision est le moindrement claire.

[400]     Au surplus, si lacunes il y a, Blanchette ne se fait nullement donner l’occasion de les corriger, d’autant plus qu’elle n’en est pas avisée.

[401]     Le dîner du 1er mars ne peut être considéré comme l’expression de lacunes. Celles-ci doivent être exprimées, selon les règles de gouvernance par le président du CA ou par le CA lui-même et non pas par le biais d’une confrontation exacerbée par les comportements arrogants passés de Baribeau.

[402]     Suggérer plus tard au moment du congédiement que la réaction de Blanchette face aux attaques répétées de Baribeau était inappropriée et qu’elle constituait de l’insubordination revêt un caractère peu sérieux.

[403]     Personne ne réalise l’exaspération de Blanchette face à l’attitude de Baribeau qui pousse l’audace jusqu’à suggérer que le curé Castellanos est sous le charme de Blanchette.

[404]     En conclusion, le Tribunal n’a aucune hésitation à conclure qu’en février 2017, au moment où le sentiment d’urgence était au rendez-vous, Blanchette avait la conviction ferme qu’elle détenait un mandat de finaliser cette entente avec Moment Factory et de la signer.

Québecor

[405]     Le CA réfère à un conflit d’intérêts de Blanchette dans sa relation avec Québecor. On lui reproche d’avoir manqué de transparence en ne divulguant pas ses liens avec l’actionnaire majoritaire de cette entreprise.

[406]     À ce sujet, tant Baribeau que la Fabrique accusent Blanchette de conflit d’intérêts de façon telle que l’on a l’impression qu’elle n’a jamais divulgué ses liens avec Québecor.

[407]     Comme nous l’avons vu, la preuve révèle le contraire. Les notes manuscrites de Baribeau en début de processus à ce sujet parlent d’elles-mêmes.

[408]     Il s’agit d’une charge surprenante à l’endroit de Blanchette menée par Baribeau à la rencontre du 1er mars 2017.

[409]     Pourtant, cette question est vidée avant même la première entrevue de Blanchette avec le CA. Falconetto divulgue à ce dernier qu’elle est la veuve de Pierre Péladeau et que son fils travaille pour l’une des filiales de Québecor.

[410]     Il est clairement établi que par le passé, Blanchette a obtenu des commandites de Québecor, même majeures, dans le cadre de son emploi au MAC.

[411]     Il est vrai que l’on pourrait reprocher à Blanchette d’avoir négocié un contrat pour le moins questionnable, dans la mesure où l’entente de commandite semble plutôt favoriser Québecor et qu’elle lui accorde une exclusivité mais là n’est pas l’essence du reproche.

[412]     Ce qui est reproché à Blanchette, c’est le conflit d’intérêts. On laisse entendre qu’elle n’a jamais divulgué ses liens avec Québecor tout en laissant croire que ce conflit d’intérêts l’a amené à favoriser cette dernière au détriment de ses concurrents.

[413]     La preuve ne permet d’aucune façon de conclure que Blanchette était animée de ce désir de favoritisme, bien au contraire. Peut-être a-t-elle été malhabile dans sa démarche. Sûrement. Mais là n’est pas la question. Il existe une différence importante entre l’inhabilité de la démarche et les accusations à peines voilées de malhonnêteté ou de négligence. À ce sujet, la preuve est manifestement silencieuse. Elle supporte au contraire la grande probité de Blanchette.

[414]     La négociation d’un contrat de commandite avec Québecor non conforme avec les pratiques passées de la Fabrique était sans doute contraire aux attentes du CA mais dans le contexte de ce dossier, cette erreur ne mérite pas la peine capitale.

[415]     Ceci dit, au moment où l’entente avec Québecor est conclue, ni Tremblay ni aucun des membres du conseil n’a trouvé de commandites pour l’événement qui arrive à grands pas.

[416]     Baribeau témoigne que le désir de la Fabrique était de solliciter une commandite majeure de Power Corporation ou de la Banque Nationale. La question était urgente mais pas la moindre approche n’est faite à l’endroit de Power Corporation.

[417]     Baribeau soutient que l’approche de la BNC visait plutôt la recherche d’un don à la fondation de la Fabrique, notamment pour la préservation des archives. La preuve non équivoque est à l’effet contraire. De plus, il est admis que Fournier rencontre un cadre supérieur de la Banque Nationale avec un représentant de la Fabrique justement pour le convaincre de commanditer l’événement.

[418]     Le Tribunal conclut de la preuve que la question des commandites n’est que le reflet de la continuité d’une mauvaise gestion non imputable entièrement à Blanchette qui hérite de ce dossier à la dernière minute alors que, sans contrat, le bateau est déjà à la dérive et qu’aucun commanditaire majeur n’est en voie de s’engager envers la Fabrique.

Conseils externes

[419]     Baribeau questionne la présence de Blanchette « sur ses heures de travail » à des conseils d’administration externes, tels ceux du Conseil des arts de Montréal ou de l’Association des musées canadiens.

[420]     Il s’interroge sur qui lui a donné la permission de s’absenter du travail pour y siéger. À cet égard, le manque de transparence de Blanchette est soulevé.

[421]     La preuve révèle que les conseils d’administration auxquels Blanchette participe ont fait l’objet d’une divulgation auprès du conseil par Falconetto et plus tard, par Blanchette. Personne n’a soulevé une quelconque problématique à cet égard.

[422]     Ce sujet est soulevé proprio motu par Baribeau, puis discuté à l’entrevue de congédiement avec l’aval du CA.

[423]     Un tel questionnement démontre une absence de compréhension du rôle d’une PDG que l’on veut pourtant rayonnante.

[424]     L’on ne réalise pas que l’implication externe fait partie d’un tel rayonnement, partie intégrante de son mandat.

[425]     Soulever à l’entrevue de congédiement le fait que Blanchette n’ait pas obtenu d’autorisation préalable avant de s’absenter durant ses heures normales de travail constitue du micro management exagéré, voire déraisonnable, auquel la PDG n’a pas à être astreinte.

Contrat à faiseur d’image

[426]     L’on reproche également à Blanchette d’avoir donné un contrat d’une valeur de 2 800 $ sans l’approbation du CA à un faiseur d’images.

[427]     Il s’agissait de faire le montage d’une présentation en vue de l’obtention d’un prix de reconnaissance qui pouvait donner de la visibilité à la Fabrique et à sa PDG [113].

[428]     La Fabrique plaide le manque de transparence de Blanchette puisqu’elle n’en a pas discuté au préalable avec le CA.

[429]     Le Tribunal peine à croire qu’une initiative de cette nature puisse faire l’objet d’un reproche et qu’elle doive passer par une approbation du CA.

[430]     Ce reproche est non fondé.

L’Institut du patrimoine funéraire

[431]     On reproche à Blanchette d’avoir refusé d’autoriser le paiement d’une somme de 20 000 $ à l’Institut du patrimoine funéraire parce qu’il n’existait aucune résolution autorisant le prêt, ni de contrat de prêt.

[432]     Un tel reproche apparaît plutôt surprenant dans la mesure où, un nombre incalculable d’écrits met l’accent sur le respect des règles de gouvernance.

[433]     Pour la Fabrique, l’attitude de Blanchette va même jusqu’à ternir sa réputation face à l’Institut et ses membres puisqu’elle cause une incertitude sur l’engagement de la Fabrique envers celui-ci.

[434]     En d’autres mots, on reproche à Blanchette d’exécuter convenablement ses fonctions en s’assurant qu’un prêt à un organisme, si minime soit-il, soit documenté par un procès-verbal et plus tard par un contrat signé, ainsi que par des modalités de remboursement clairement énoncées.

[435]     Ce reproche est frivole.

CONCLUSIONS

[436]     Le Tribunal conclut que le congédiement de Blanchette est injustifié puisqu’il n’est pas fondé sur des motifs sérieux de congédiement.

[437]     Au surplus, Blanchette n’a fait l’objet d’aucune mise au point préalable. Au contraire, elle avait développé une relation hors du commun avec Castellanos qui s’en disait enchanté et qui n’avait rien à lui reprocher. Le Tribunal est convaincu que Castellanos avait raison d’exprimer sa satisfaction sur la gestion de Blanchette qui était d’ailleurs appréciée de tous les employés.

2.    Le contrat d’emploi est-il à durée déterminée de 5 ans?

[438]     À moins de termes contractuels clairs, aux fins de la qualification du contrat de travail, c’est-à-dire de déterminer s’il est à durée déterminée ou indéterminée, il convient de s’en remettre à l’intention des parties. Voici comment la Cour d’appel s’exprime à ce sujet[114] :

[28]       Bref, l'exercice de qualification de la nature de la relation employeur-salarié est parfois problématique. La démarche est pourtant essentielle, puisque, en ce qui concerne sa terminaison ainsi que les droits et recours rattachés à celle-ci, le contrat à durée déterminée obéit à un régime qui n'est pas celui du contrat à durée indéterminée. Il faut donc pouvoir les distinguer et savoir à quel type de contrat l'on a affaire, dans chaque cas.

[29]        La règle cardinale en la matière est bien connue : sans négliger l'encadrement formel de la relation employeur-salarié ou l'étiquette qui lui est ostensiblement donnée, c'est la réalité de l'intention des parties, comme en toute matière contractuelle du reste, qui se révèle l'indicateur le plus probant de la nature du contrat. C'est ce que rappelle la Cour dans Thibodeau c. Ste-Julienne (Corp. municipale de) :

            Même si chaque cas reste un cas d'espèce, il n'en demeure pas moins que la fixation d'un terme ne fait pas automatiquement d'un contrat d'emploi un contrat à durée déterminée lorsque les deux parties (comme c'est le cas ici) se réservent un droit de résiliation moyennant avis [renvoi omis].

            Il convient, au-delà des mots utilisés, de retrouver la véritable intention des parties et de donner un sens général à l'ensemble des dispositions contractuelles.

[30]        La recherche de l'intention des parties et la volonté de donner un sens utile à l'ensemble des dispositions contractuelles sont tout aussi nécessaires lorsqu'il s'agit de qualifier un contrat en vue de l'application de la Loi sur les normes du travail, loi d'ordre public que l'on ne peut contourner ni éluder et à laquelle on ne peut contrevenir, que ce soit directement ou indirectement et même, je le précise, en toute bonne foi.

[31]        Par ailleurs, j'estime que, dans le cadre de cette recherche de l'intention véritable des parties, les tribunaux québécois, dans l'ensemble, et notre cour très certainement, adoptent une attitude qui coïncide avec celle que décrit ainsi la Cour d'appel de l'Ontario dans Ceccol v. Ontario Gymnastic Federation:

[24]      I conclude with this observation. Fixed-term contracts of employment are, of course, legal. If their terms are clear, they will be enforced: see Chambly and Lambert, supra.

[25]      However, the consequences for an employee of finding that an employment contract is for a fixed term are serious: the protections of the ESA and of the common law principle of reasonable notice do not apply when the fixed term expires. That is why, as Professor Geoffrey England points out in his text Individual Employment Law (Toronto: Irwin Law, 2000), “the courts require unequivocal and explicit language to establish such a contract, and will interpret any ambiguities strictly against the employer's interests” (p. 222).

[26]      It seems to me that a court should be particularly vigilant when an employee works for several years under a series of allegedly fixed term contracts. Employers should not be able to evade the traditional protections of the ESA and the common law by resorting to the label of “fixed term contract” when the underlying reality of the employment relationship is something quite different, namely, continuous service by the employee for many years coupled with verbal representations and conduct on the part of the employer that clearly signal an indefinite term relationship.

[Je souligne.]

[32]        Cette attitude n'est pas nouvelle et caractérise déjà les motifs des juges majoritaires, sous la plume du juge Rinfret, dans Asbestos Corporation Ltd. c. Cook, où l'on constate une réticence à conclure au contrat à durée déterminée à moins que l'intention commune des parties ne soit claire et sans équivoque. Elle explique aussi pourquoi, ainsi que l'écrivent certains auteurs, « [s]elon la jurisprudence et la doctrine, un contrat de travail est cependant présumé d'une durée indéterminée, sauf preuve à l'effet contraire […] ». C'est à celui qui allègue le contrat à durée déterminée d'en faire la preuve.

[Sauf pour les paragraphes [24] et [25], soulignement ajouté]

[439]     En l’espèce, ni la preuve matérielle, ni la preuve testimoniale ne permettent de conclure que le contrat de travail de Blanchette soit à durée déterminée. Au contraire, la preuve révèle que l’intention des parties était de conclure un contrat à durée indéterminée.

[440]     L’offre d’emploi acceptée par Blanchette ne réfère à aucune durée déterminée[115] et le contrat d’emploi[116] signé par cette dernière ne comporte aucun terme.

[441]     Le huitième paragraphe[117] du contrat confirme plutôt les discussions intervenues avec les membres du CA. Ceux-ci voulaient s’assurer que le candidat retenu occuperait ses fonctions pour une certaine période, afin d’éviter de devoir recommencer la démarche à court terme. Blanchette les a rassurés en les informant qu’elle s’engageait pour un minimum de cinq ans.

[442]     Cette durée minimale recherchée repose sur l’ampleur du processus de recrutement, les coûts d’un tel recrutement et la volonté de continuité dans la mise en œuvre d’une nouvelle vision plus moderne et orientée vers les affaires. Le CA a entrepris le processus de recrutement en vue d’une embauche à long terme et Blanchette s’engageait minimalement pour cinq ans. Il s’agissait bien pour tous d’un minimum et non d’un maximum, c’est-à-dire d’un terme fixe.

[443]     Le projet de contrat est conforme à ces discussions et à l’intention des parties. Il n’est donc pas possible de conclure qu’il se terminait selon un terme donné, c’est-à-dire à l’expiration de cinq ans.

[444]     En conclusion, le contrat d’emploi est à durée indéterminée.

3.    Quels montants sont dus à Blanchette ?

Période de probation

[445]     L’on a fait grand état de l’ajout sans préavis d’une période de probation de 12 mois à l’intérieur du contrat de travail. À cet égard, Blanchette plaide la nullité d’une telle clause, ajoutant que le contrat de travail est devenu un contrat d’adhésion à compter du moment où l’employeur a ajouté unilatéralement des clauses externes[118].


[446]     De son côté, la Fabrique plaide que Blanchette n’a droit qu’à:

« une indemnité de fin d’emploi pour la période de probation, soit le 31 octobre 2017 (7 mois), parce qu’elle savait qu’elle pouvait se faire congédier à la fin de la période de probation »[119].

[447]     Elle fonde l’argument sur le jugement Newman c. Stokes[120], rendu par cette Cour en 1993 qui indique ce qui suit:

But, if the employer dismisses the probationary employee, before the date of termination [of the employment contract], he must, either show case for dismissal prior to the date of termination, or pay the employee the salary he would have received until the end of probation period is expired.

[Crochets et soulignement ajoutés]

[448]     En d’autres termes, plus le congédiement s’approche de la fin de la période de probation, plus le délai de congé est réduit. Une telle assertion tient du fait que l’employeur puisse mettre fin à l’emploi sans verser d’indemnité de départ, dès la fin de la période de probation.

[449]     Certes, le contexte de l’addition d’une clause de probation contrevenait aux exigences de la bonne foi mais aux fins de la détermination du délai de congé, l’existence ou non d’une période de probation revêt un caractère peu ou pas d’important.

[450]     En effet, l’entrée en vigueur en 1994 de l’article 2092 C.c.Q., disposition d’ordre public de protection[121], fait échec à l’argument avancé par la Fabrique :

2092.    Le salarié ne peut renoncer au droit qu’il a d’obtenir une indemnité en réparation du préjudice qu’il subit, lorsque le délai de congé est insuffisant ou que la résiliation est faite de manière abusive.

[451]     La période de probation ne peut servir comme fondement pour justifier un délai de congé insuffisant lorsque le contrat de travail est à durée indéterminée, puisque l’article 2091C.c.Q. traite spécifiquement du contrat à durée indéterminée :

2091.    Chacune des parties à un contrat à durée indéterminée peut y mettre fin en donnant à l’autre un délai de congé.

Le délai de congé doit être raisonnable et tenir compte, notamment, de la nature de l’emploi, des circonstances particulières dans lesquelles il s’exerce et de la durée de la prestation de travail.

[Soulignement ajouté]

[452]     S’il fallait que la période de probation imposée par l’employeur fasse échec à des dispositions d’ordre public de protection, comme c’est le cas en l’espèce, le Tribunal voit facilement les incongruités qui pourraient résulter du raisonnement suggéré par la Fabrique.

[453]     Ainsi, l’on pourrait dorénavant, inciter un cadre supérieur à quitter un emploi rémunérateur, l’assujettir à une période de probation donnée, variant par exemple entre 3 et 12 mois, et mettre fin à son emploi après quelques semaines en ne lui versant que  le salaire qu’il aurait gagné jusqu’à la fin de la période de probation.

[454]     Donc, par le truchement d’une période de probation, il deviendrait possible de faire échec au 2e alinéa de l’article 2091 C.c.Q et à l’article 2092 du même Code. L’employé serait ainsi à la merci de l’employeur et d’une fin d’emploi abrupte.

[455]     L’argument est non seulement contraire à la loi mais également à son esprit.

[456]     À ce sujet, la juge Danielle Mayrand  de cette Cour analyse la question comme suit [122]:

[24]       Tout en s'abstenant de se prononcer sur l'effet d'un congédiement pendant la période d'essai, le juge Wery réfère à des auteurs qui auraient néanmoins appliqué l'article 2092 C.c.Q. dans une telle circonstance[8].

[25]            Voici les commentaires de ces auteurs sur le sujet :

L'article 2092 C.c.Q. empêche en effet le salarié de renoncer à son droit d'obtenir une indemnité en réparation du préjudice subi conséquemment à un délai de congé insuffisant ou à une résiliation abusive de son contrat de travail. Le cas échéant, une telle renonciation serait donc inopposable au salarié. Cette donnée affecte une pratique courante du milieu du travail, même selon les conventions collectives, soit celle de l'établissement d'une période d'essai pour le salarié au début de son emploi, période pendant laquelle l'employeur se réserve le droit de mettre fin à l'emploi en tout temps, sans préavis ni indemnité. L'impact concret de l'invalidation de ce type de période d'essai reste par ailleurs marginal, sauf contexte exceptionnel, en raison de la courte durée des services du salarié au moment de la terminaison de son emploi et de l'évaluation conséquente du délai de congé auquel il a droit[9].

(Le Tribunal souligne)

[26]            Bref, selon ces auteurs,  l'article 2092 C.c.Q. s'applique, mais sa portée est marginale dans la plupart des cas.

[27]            Dans l'affaire Duffield c. Alubec Industries Inc[10], l'employeur a mis fin au contrat d'emploi avant l'expiration de la période d'essai. Selon la juge Claudette Picard de notre Cour, la période d'essai prévue à un contrat à durée indéterminée n'exonère pas l'employeur de devoir donner un délai-congé en l'absence d'un motif sérieux de résiliation de l'emploi :

The representation of Mr. Goldman led him properly to believe that he would have long term employment with Alubec. There was an implied term of reasonable job security, a factor which is to be especially considered when the employee has been employed for a short duration before being dismissed.

            []

            The Court finds that the contract was for an indeterminate period with a six months probation. The term is indeterminate as there is no clear and precise expiration thereof. The probation period does not in itself permit an employer to terminate without notice. Employment on probation cannot be terminated unless termination is made in good faith and on proof of serious reason or on payment in lieu of notice 

(Le Tribunal souligne)

[28]            La juge Picard octroie ainsi à l'employé une compensation qui correspond au délai à courir entre la fin de l'emploi et l'expiration de la période d'essai.

[29]            Le Tribunal abonde dans le même sens que les auteurs précités et fait sien le raisonnement de la juge Picard.

[30]            Un contrat d'emploi à durée indéterminée assorti d'une période de probation n'exclut pas l'application de l'article 2092 C.c.Q. qui est d'ordre public. Toutefois, l'appréciation des motifs sérieux de fin d'emploi et le délai-congé se font en prenant en considération cet élément particulier du contrat d'emploi à savoir que l'employé est à l'essai et la courte durée de celui-ci.

[Soulignement ajouté]

[457]     Ces jugements sont conformes au principe édicté par la Cour suprême voulant que l’employé visé par les articles 2091 et 2092 C.c.Q. peut renoncer validement à la protection qui lui est accordée, mais uniquement lorsque le droit à la mesure est acquis, c’est-à-dire après la rupture du lien d’emploi[123].


Les critères servant à évaluer le délai de congé

[458]     Ces commentaires étant émis, la période de probation peut être considérée parmi l’un des éléments à soupeser aux fins de la détermination de la durée du délai de congé, conformément au deuxième alinéa de l’article 2091 C.c.Q.

[459]     En l’espèce, le Tribunal accordera peu de poids à cet élément, puisqu’il a été imposé à Blanchette après sa démission du Musée Pointe-à-Callière.

[460]     Parmi les facteurs dont le Tribunal tiendra compte pour apprécier la période du délai de congé, nous retrouvons :

i)      La sollicitation de Blanchette alors qu’elle occupait un emploi rémunérateur stable[124] ;

ii)     la volonté initiale des parties de se lier pour plusieurs années ;

iii)    L’âge de Blanchette au moment du congédiement;

iv)   la nature du poste occupé;

v)    l’importance du poste occupé ;

vi)   la difficulté de se trouver un emploi comparable;

[461]     Comme l’exprime la Cour d’appel [125]:

 [54]      Chose fondamentale à ne pas oublier, aucun de ces critères ne doit être examiné isolément. C’est dans une perspective globale qu’ils doivent être prise en compte, ce qui constitue un délai-congé raisonnable étant « essentiellement une question de fait qui varie avec les circonstances propres à chaque espèce ».

[462]     Aux fins de déterminer la durée du délai de congé, le Tribunal fait siens les propos de la juge Catherine La Rosa de cette Cour[126]:

[72]       Un délai-congé de douze mois est fréquent pour le personnel-cadre. En présence d’un membre de la haute-direction, une durée de dix-huit mois peut s’avérer adéquate. Puis, une période de vingt-quatre mois, bien que moins fréquente, est également possible. Elle se situe au maximum de la fourchette.

[463]     Appliquant ces principes au dossier sous étude, le Tribunal considère qu’un délai de congé raisonnable dans les circonstances est de 12 mois. Le Tribunal prend notamment, en considération les circonstances de l’embauche, le poste occupé, les responsabilités liées à l’emploi, les conditions de travail, la durée de l’emploi et les circonstances de la résiliation du contrat de travail, l’âge de l’employée ainsi que le temps requis pour se trouver un nouvel emploi.

[464]     En l’espèce, le contrat d’emploi de Blanchette prévoyait un salaire de 160 000 $ à compter du 31 octobre 2016.

[465]     Bien que cette dernière ait été admissible à une rémunération incitative de 15 %, le Tribunal n’en tient pas compte dans le calcul de l’indemnité et ce, conformément à l’enseignement de la Cour d’appel dans l’affaire Structures Lamerin inc.[127] puisque le versement du boni dépendait d’un rendement et de l’atteinte d’objectifs. Il ne s’agissait donc pas d’un boni garanti, mais plutôt de la possibilité non certaine du versement d’un tel boni.

[466]     Le 15 janvier 2018, Blanchette débute un nouvel emploi à titre de directrice générale du cinéma Impérial pour lequel elle touche un salaire de 140 000 $ par année. Elle est également éligible à une bonification cible de 20 % basée sur des objectifs à établir avec l’employeur. Encore une fois, la bonification ne peut être prise en considération pour les mêmes raisons que celles invoquées plus haut.

[467]     Le montant dû à Blanchette à titre de délai de congé est donc de  133 975 $ établi comme suit:

12 mois d’un salaire annuel de 160 000 $ (22 mars 2017 au 22 mars 2018) 

160 000 $

 

Moins le salaire gagné durant la durée du délai de congé, soit du 15 janvier 2018 au 22 mars 2018, ou 2 mois (23 333 $) et une semaine (2 692 $) 

26 025 $

 

Montant du délai de congé :

133 975 $

Les dommages moraux

[468]     Il va de soi qu’un congédiement n’est jamais facile. Comme l’exprimait le juge Gendreau dans l’arrêt Hoeckner[128] :

[4]           Ceci dit, tout congédiement, même celui réalisé dans les meilleures conditions, provoque chez celui qui en est éprouvé un véritable effet traumatisant souvent marqué par l'inquiétude, l'anxiété et le stress. Ce préjudice moral dérive de la cessation d'emploi elle-même. Il ne sera pas indemnisé comme tel parce qu'il découle nécessairement de l'exercice d'un droit. Au surplus, dans les faits, ce dommage est, tout au moins partiellement, indemnisé par l'avis-congé puisque sa durée est fonction d'une multitude de facteurs, dont l'ancienneté chez l'employeur et le temps nécessaire à retrouver une situation comparable.

[5]           Toutefois, l'exercice du droit de congédier peut s'accompagner d'un comportement vexatoire, malicieux, empreint de mauvaise foi ou simplement d'une conduite abusive. Cet abus constitue alors une faute de l'employeur et sa commission donnera évidemment ouverture à réparation pour l'employé qui en est victime.

[Soulignement ajouté]

[469]     Blanchette réclame de la Fabrique une somme de 20 000 $ pour les dommages moraux « en raison des circonstances abusives de son congédiement et de l’atteinte qui a été portée à sa réputation en la congédiant ainsi le surlendemain de la soirée d’ouverture Aura ».

[470]     Il n’existe pas de preuve convaincante qui permette de conclure que la réputation de Blanchette ait été atteinte du fait de son congédiement, même si celui-ci survient le surlendemain du lancement du spectacle.

[471]     La preuve permet toutefois de conclure que les circonstances du congédiement sont abusives. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les notes préparatoires qui ont servi à la rencontre du congédiement pour s’en convaincre.

[472]     Il ne suffit pas de plaider que cette rencontre se soit déroulée calmement et civilement pour écarter l’âpreté des propos où l’on tire tous azimuts, souvent en caractère gras et en majuscules, pour s’assurer de ne pas rater sa cible. Ces notes d’entrevue s’apparentant plutôt à un devis de contre-interrogatoire acerbe, sont fidèles à l’expression d’intensité démesurée et déplacée constatée plus d’une fois dans cette affaire.

[473]     Le Tribunal ne peut que croire Blanchette lorsqu’elle affirme qu’après l’entrevue elle était démolie et avait perdu son estime de soi. En fait, ce n’est pas l’entrevue elle-même qui était destructrice, mais plutôt les sujets abordés ainsi que les sous-entendus ou voire même, les accusations non fondées et vexatoires qui y étaient abordées.

[474]     Il est vrai que toute entrevue de congédiement amène une certaine forme de conséquence destructrice mais ici, la limite de l’acceptable a été dépassée.

[475]     Dans les circonstances, le Tribunal n’a aucune hésitation à accorder des dommages moraux de 20 000 $. Cette somme sera imputable à la Fabrique uniquement, l’employeur de Blanchette. Il n’y a pas lieu en l’espèce de soulever le voile corporatif et de condamner Baribeau puisque les gestes posés l’ont tous étés au nom de la Fabrique qui a laissé faire.

[476]     Blanchette réclame de Baribeau personnellement la somme de 60 000 $ pour dommages moraux et 20 000 $ pour dommages punitifs. Elle allègue son comportement harcelant, déconsidérant et intimidant.

[477]     La somme de 20 000 $ déjà octroyée contre la Fabrique, inclut le comportement inconvenant de Baribeau. Il n’y a pas lieu de faire double emploi.

[478]     De toute façon, la preuve ne permet pas de conclure à l’octroi de dommages punitifs, le Tribunal ne pouvant conclure malgré tout à une atteinte intentionnelle aux droits de Blanchette garantis par la Charte ou par toute autre loi.

Les honoraires extrajudiciaires

[479]     Blanchette demande le remboursement des honoraires extrajudiciaires qu’elle a dû ou devra verser à ses avocats pour mener ce dossier.

[480]     Selon elle, la demande reconventionnelle des défendeurs est abusive et constitue une manœuvre d’intimidation. De façon plus particulière, elle plaide que la réclamation de 165 000 $ était factice, hypothétique, d’autant plus que ce montant n’a jamais été réclamé par Moment Factory. Le Tribunal rappelle que la Fabrique s’est désistée de cette réclamation au procès.

[481]     Le Tribunal est d’avis que cette réclamation est abusive et que le désistement tardif, sachant depuis longtemps que Moment Factory ne réclamait pas ce montant, fait partie de cet abus. Toutefois, cette réclamation a causé peu de dommages, puisque plutôt subsidiaire par rapport à l’ensemble du dossier, aux procédures judiciaires et aux questions posées lors des interrogatoires au préalable.

[482]     Le reste de la défense des défendeurs demeure raisonnable, même si le Tribunal ne la retient pas. Bref, la forte majorité des honoraires extrajudiciaires ne découle pas de cet abus et aurait été engendrée même en l’absence de cette réclamation

[483]     Dans un tel contexte, le Tribunal arbitrera la somme due à cet égard à un montant de 5000 $, somme maximale à laquelle Blanchette a droit dans les circonstances. Les intérêts ne courront que depuis la date de la demande-reconventionnelle, source du dommage.

4.    Baribeau a-t-il droit aux des dommages et intérêts réclamés?

[484]     Baribeau soutient que la poursuite contre lui et que les allégations à son endroit portent atteinte à sa réputation, en plus d’être abusives.

[485]     Au surplus, plaide-t-il, il a dû dénoncer la poursuite à ses associés ainsi qu’à ses assureurs, ce qui accentue les dommages subis qu’il estime à la somme de 30 000 $.

[486]     Il n’existe aucune preuve que sa réputation ait été entachée par les allégations de la demande, tout comme il n’existe aucune preuve des dommages réclamés.

[487]     Le Tribunal ne peut pas plus conclure à abus de Blanchette dans la présente affaire, bien au contraire. La conduite blâmable et inappropriée de Baribeau ne supporte nullement une telle demande.

Ordonnance de confidentialité

[488]     Les parties demandent de rendre une ordonnance de confidentialité à l’égard de nombreuses pièces. Les raisons de la demande sont générales et peu convaincantes.

[489]     En matière civile, le principe de la publicité des débats est la règle[129]. Le Code de procédure civile la confirme tout en permettant d’y faire exception, selon l’évaluation faite par le Tribunal :

11.        La justice civile administrée par les tribunaux de l’ordre judiciaire est publique. Tous peuvent assister aux audiences des tribunaux où qu’elles se tiennent et prendre connaissance des dossiers et des inscriptions aux registres des tribunaux.

Il est fait exception à ce principe lorsque la loi prévoit le huis clos ou restreint l’accès aux dossiers ou à certains documents versés à un dossier.

Les exceptions à la règle de la publicité prévues au présent chapitre s’appliquent malgré l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12).

12.       Le tribunal peut faire exception au principe de la publicité s’il considère que l’ordre public, notamment la protection de la dignité des personnes concernées par une demande, ou la protection d’intérêts légitimes importants exige que l’audience se tienne à huis clos, que soit interdit ou restreint l’accès à un document ou la divulgation ou la diffusion des renseignements et des documents qu’il indique ou que soit assuré l’anonymat des personnes concernées.

[Soulignement ajouté]

[490]     Sauf pour le contrat d’emploi de Blanchette intervenu avec le Cinéma Impérial qui est externe au présent débat et sauf pour le contrat signé avec Moment Factory qui peut nécessiter une protection commerciale, aucune des pièces produites ne rencontre les critères non limitatifs de l’article 12 C.p.c. qui permettraient de justifier une ordonnance de confidentialité.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[491]     CONDAMNE la défenderesse, Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal à verser à la demanderesse la somme de 133 975 $, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue par la loi, à compter du 5 mai 2017;

[492]     CONDAMNE la défenderesse, Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal à verser à la demanderesse la somme de 20 000 $ à titre de dommages moraux, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à la loi, à compter du 5 mai 2017;

[493]     CONDAMNE la défenderesse, Fabrique de la paroisse Notre-Dame de Montréal à verser à la demanderesse la somme de 5 000 $ en remboursement d’une partie de ses honoraires extra-judiciaires, avec intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à la loi, à compter de la date de la demande-reconventionnelle du 24 juillet 2017;

[494]     LE TOUT avec frais de justice.

[495]     REJETTE la demande reconventionnelle du défendeur Pierre Baribeau ;

[496]     LE TOUT avec frais de justice.

[497]     ORDONNE la mise sous scellés des pièces P-25 et P-28.

 

 

 

____________________________________

BERNARD SYNNOTT, j.c.s.

 

 

 

 

Me Jacques Jeansonne

Me Virginie Dionne-Dostie

Me Léanne Nagy-Bureau

JEANSONNE AVOCATS INC.

Pour la demanderesse/défenderesse reconventionnelle

 

Me Douglas Mitchell

IMK SENCRL/LLP

Pour les défendeurs/demandeurs reconventionnels

 

Dates d’audience :

17-18-19-20 septembre 2019

 



[1]     Pièce P-2, bilan professionnel.

[2]     Pièce P-49, référant notamment au site www.Basiliquenotredame.ca.

[3]     Idem.

[4]     Voir notamment la pièce P-49, « description générale du poste ».

[5]     Pièce P-49, p.8.

[6]     Idem.

[7]     Pièce P-49.

[8]     Idem, p.4.

[9]     Idem.

[10]    Pièce P-40, p.8.

[11]    Pièce P-29.

[12]    Idem.

[13]    Pièce P-13.

[14]    Pièce P-6.

[15]    Pièce P-30.

[16]    Pièce P-9.

[17]    Interrogatoire au préalable du 1er septembre 2017, pp. 18 à 20.

[18]    Voir aussi interrogatoire au préalable du 1er septembre, p.38.

[19]    Idem.

[20]    Idem, p. 25.

[21]    Pièce P-30, p.1.

[22]    Idem, p.2.

[23]    Idem, p. 3.

[24]    Notamment, pièce P-30, p. 2.

[25]    Pièce P-8.

[26]    Interrogatoire au préalable du 1er septembre 2017, p.41.

[27]    Voir l'interrogatoire au préalable de Pierre Baribeau du 1er septembre 2017, pp. 40, 41, 122 et 123.

[28]    Pièce P-53.

[29]    Pièce P-22.

[30]    Pièce P-14.

[31]    Pièces D-37 et P-14.

[32]    Pièce D-2.

[33]    Voir aussi l'interrogatoire au préalable du 1er septembre 2017, p. 52.

[34]    Pièce P-32.

[35]    Pièce P-23.

[36]    Idem. p. 2.

[37]    Idem. p. 7.

[38]    Pièce P-23.

[39]    Idem. p. 12.

[40]    Idem. p. 11.

[41]    Idem. p. 14.

[42]    Idem.

[43]    Pièce P-24.

[44]    Idem.

[45]    Pièce P-24.

[46]    Idem.

[47]    Pièce P-24, p.3.

[48]    Pièce P-52.

[49]    Pièce D-3.

[50]    Idem.

[51]    Pièce D-4.

[52]    Idem.

[53]    Pièce D-6.

[54]    Pièces D-7 à D-13.

[55]    Pièce D-13.

[56]    Interrogatoire au préalable, pp. 53 et 54.

[57]    Pièce D-14.

[58]    Pièce D-26.

[59]    Pièce D-31.

[60]    Pièces P-19, P-32, D-44.

[61]    Voir notamment la pièce D-39.

[62]    Pièce D-43 : courriel de Baribeau.

[63]    Voir notamment la correspondance, pièces D-38, D-40 et D-42.

[64]    Procès-verbal, pièce P-32.

[65]    Pièce D-43.

[66]    Interrogatoire au préalable du 1er septembre 2017, p. 54.

[67]    Pièces D-61 et D-62.

[68]    Idem.

[69]    Pièces P-33 ou D-99.

[70]    Pièce P-19, engagement 22, onglet 4.

[71]    Pièce D-64.

[72]    Voir notamment les pièces P-24, P-38, D-73, D-76, D-83, D-87, D-93.

[73]    Pièces P-24 ou D-102.

[74]    Pièces P-24 ou D-108.

[75]    Pièce D -19.

[76]    Pièce D-124.

[77]    Pièce P-24.

[78]    Interrogatoire au préalable de Castellanos du 1er septembre 2017, pp. 58-59.

[79]    Idem, pp.59-60.

[80]    Pièce P-14.

[81]    Pièces P-24 ou D-50.

[82]    Interrogatoire au préalable du 1er septembre 2017, p.73.

[83]    Interrogatoire au préalable de Castellanos du 1er septembre 2017, pp. 31-32 et 45 à 47.

[84]    Idem, p.36.

[85]    Idem, p. 41.

[86]    Idem, pp. 36 à 40.

[87]    Idem.

[88]    Pièce P-14, item 10 du procès-verbal de la réunion du conseil d'administration du 13 septembre 2016.

[89]    Idem, p 11.

[90]    Pièce P-32.

[91]    Pièce P-15, p. 4. Ce procès-verbal signé le 31 mars 2017 diffère du projet que cette dernière soumet au CA le 29 décembre 2016.

[92]    Pièce P-17.

[93]    À ce sujet, les nombreux courriels échangés sont produits, notamment : D-82-85-86-89-90-96-101-104-105-106-107-112-115-117-118-120-121-125-126-129-130-133-134-136-138. 

[94]    Pièces P-20 ou D-135.

[95]    Pièce P-25.

[96]    Pièces P-20 ou D-138.

[97]    Idem.

[98]    Pièce P-39.

[99]    Idem.

[100]   Idem, pp. 29-30.

[101]   Interrogatoire au préalable de Castellanos du 1er septembre 2017, pp. 30-31.

[102]  Procès-verbal de la réunion du CA du 21 mars 2017, pièce P-17.

[103]   Pièce P-54.

[104]   Pièce P-18.

[105]   Idem, page 4.

[106]   Pièce P-28.

[107]   Pièce P-26.

[108]    Blais c. Aéroport de Québec, 2016 QCCS 1563, par. 49. Voir aussi : Bouasse c. Gemme canadienne PA inc., 2016 QCCS 1263, par. 45, Corporatek inc. c. Khonzam, 2015 QCCA 170, par. 17,  Premier Tech Ltée c. Dallo, 2015 QCCA 1159, par. 75, citant Sirois c. O'Neill, 1999 CanLII 13187 (QCCA), J.E. 99-1343, p. 26 (C.A.).

[109]    Valeurs mobilières Desjardins c. Jean, 2019 QCCA 128 (CanLII), par. 51.

[110]   G. AUDET, R. BONHOMME, C. GASCON et M. LE FRANÇOIS, Le congédiement en droit québécois, 3e éd. Yvon Blais, p. 4-2.

[111]  Van Den Bulcke c. Far-Wic Systèmes ltée, 2010 QCCS 6654 (CanLII).

 

[112]   Costco Wholesale Canada Ltd c. Laplante, 2005 QCCA 788, par 13.

[113]   Pièce P-12.

[114]   Commission des normes du travail c. IEC Holden, 2014 QCCA 1538.

[115]   Pièce P-13.

[116]   Pièce P-8.

[117]   Op.cit. note 27.

[118]   Prescott c. Merrill lynch Canada inc., 2009 QCCQ 5316.

[119]   Plan d'argumentation des défendeurs, par. 39 et représentations orales.

[120]   J.E. 93-948.

[121]  Isidore Garon ltée c. Tremblay; Fillion et Frères (1976) inc. c. Syndicat national des employés de garage du Québec inc., 2006 CSC 2 (CanLII), [2006] 1 RCS 27.

[122]   Hill c. Iperceptions inc.,2011 QCCS 2692. Voir aussi :Merlitti c. Excel Cargo inc., 2002 QCCS 41011, par. 48, 49 et 96.

[123]  Garcia Transport inc. c. Cie Trust Royal, [1992] 2 R.C.S. 499. Voir aussi : Betanzos c. Premium Sound ‘N’ Picture inc., 2007 QCCA 1629.

[124]   Wallace c. United grauns growers ltd. [1997] 3 R.C.S. 701, par. 83.

[125]   Transforce inc. c. Baillargeon, 2012 QCCA 1495. Voir aussi : Standard Broadcastinc Corp. Ltd. c. Stewart, [1994] R.J.Q. 1751 (C.A.).

[126]   Blais c. Aéroport de Québec inc., 2016 QCCS 1563, par. 72. Voir aussi : Ciampaneli c. Syndicat du vêtement, du textile et autres industries, 2004 QCCS 5396, par. 187-190.

[127]   Structures Lamerain inc. c. Meloche, 2015 QCCA 476.

[128] Société hôtelière Canadien pacifique c. Hoeckner, 1988 QCCA 775.

[129]   Lac d’Amiante du Québec Ltée c. 2858-0702 Québec Inc., [2001] 2 R.C.S. 743, 2001 CSC 51

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