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R. c. Varin

2022 QCCQ 442

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

LOCALITÉ DE

MONTRÉAL

« Chambre criminelle et pénale »

 :

500-01-189257-196

 

DATE :

19 janvier 2022

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALEXANDRE DALMAU, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

Poursuivante

c.

 

christian varin

 

Accusé

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

TABLE DES MATIÈRES

 

  1. Aperçu 4

 

  1. Contexte 5
    1. La protection de la propriété intellectuelle 5
    2. Le choix de la Fédération des inventeurs du Québec par les clients 9

 

  1. Analyse 11
    1. Le droit 11
    2. Commentaires généraux sur la crédibilité des témoins présentés par la poursuivante et la fiabilité de leur témoignage              14
    3. Commentaires généraux sur le témoignage de l’accusé 15
    4. L’offre de service en matière de protection de la propriété intellectuelle faite par l’accusé est constituée de supercheries, mensonges et autres moyens dolosifs              16
      1.    La Fédération des inventeurs du Québec n’est pas ce que l’accusé prétend qu’elle est              16
        1.         Une fédération composée d’une seule personne 16
        2.         Il n’y a pas d’ « équipe de professionnels » et d’ « équipe d’experts en gestion de brevet et de propriété intellectuelle » à la Fédération des inventeurs du Québec              19
        3.         La Fédération des inventeurs du Québec n’est pas « sans but lucratif »               22
        4.         La Fédération des inventeurs du Québec n’est pas « associée au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec »               25
        5.         L’accusé diffuse d’autres informations trompeuses au sujet de la Fédération des inventeurs du Québec              27
        6.         Conclusion sur les prétentions de l’accusé au sujet de la Fédération des inventeurs du Québec               31

 

3.4.2      L’accusé n’a pas d’expertise « en gestion de brevet et de marque de commerce » et il n’est pas entouré d’une équipe de « professionnels » et « d’experts en gestion de brevet et de propriété intellectuelle »               32

3.4.2.1            La fondation de la prétendue expertise de l’accusé : son expérience professionnelle              32

3.4.2.2            Le service offert par l’accusé de « rédaction et dépôt de brevet provisoire »               35

3.4.2.3            Le service offert par l’accusé visant l’obtention de ce qu’il appelle un « brevet permanent »               40

3.4.2.4            Le cas de M. BOUDREAU 44

3.4.2.5            Le cas de M. TREMBLAY 46

3.4.2.6            Le cas de la famille BERTRAND 47

3.4.2.7            Le cas de M. GOUIN 48

3.4.2.8            Le cas de M. LEBEL 49

3.4.2.9            Le cas de M. HORTH 51

3.4.2.10       Le service offert par l’accusé en matière de protection d’une marque de commerce              51

3.4.2.11       Le service de « recherche internationale »  52

3.4.2.12       Conclusions sur les prétentions de l’accusé au sujet de son expertise et celle de l’ « équipe de professionnels » de la Fédération des inventeurs du Québec              53

 

  1. Conclusion 54

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. APERÇU

[1]   L’accusé subit son procès sur un chef d’accusation de fraude.

[2]   Pendant la période couverte par le chef d’accusation, l’accusé offre des services à des individus cherchant à protéger leur invention par un brevet ou d’autres de leurs idées par différents mécanismes de protection de la propriété intellectuelle. L’accusé offre également des services de conseils en financement et en commercialisation.

[3]    L’accusé exerce ses activités sous le chapeau d’un organisme, la « Fédération des inventeurs du Québec » (la Fédération).

[4]   Grâce à un placement publicitaire stratégique et du marketing efficace, l’accusé recrute des centaines de clients. Il leur vend pour plus d’un million de dollars de services.

[5]   L’accusé se présente, tant dans ses discussions avec ses clients potentiels que sur le site Web de la Fédération, comme un homme jouissant d’une vaste expérience dans le monde des affaires, ayant œuvré dans des postes de direction au sein d’entreprises technologiques. Il  dit de plus avoir développé une expertise « en gestion de brevet et de marque de commerce ». Il se présente également de cette façon lors de son témoignage dans le présent procès.

[6]   La « mission » de l’accusé et de la Fédération qu’il crée est décrite ainsi sur son site Web : « Afin de protéger leur invention, les inventeurs doivent assumer des coûts faramineux auprès de bureaux d’avocats ou d’agences de brevet. C’est dans cette optique que notre fondateur [l’accusé] a eu l’idée de concevoir un organisme à but non lucratif, qui permet enfin à tous les inventeurs d’obtenir leurs brevets canadiens, américains et internationaux à une fraction des prix chargés par les agences de brevets conventionnelles. C’est ainsi qu’est née la Fédération des Inventeurs du Québec. La Fédération s’est donnée (sic) comme mission, auprès des inventeurs, de fournir des services professionnels, d’offrir les ressources essentielles et de faciliter l’ensemble des étapes nécessaires à la protection et à la promotion de leurs inventions à des coûts très raisonnables. »

[7]   En bref, la théorie de la poursuivante est que la Fédération n’est qu’une coquille vide. La Fédération n’est nul autre que l’accusé. Les clients sont attirés vers elle par une publicité trompeuse présentée sur son site Web, ainsi que par de fausses informations fournies par l’accusé lors de rencontres en personne, dans des appels téléphoniques ou des échanges de courriels. Sur la base de ces fausses informations, les clients décident de faire confiance à l’accusé afin d’obtenir un brevet ou une autre forme de protection pour leur propriété intellectuelle. Ils versent des sommes d’argent à l’accusé dans le but d’obtenir cette protection. Ils n’obtiennent finalement jamais cette protection parce que l’accusé est incapable de l’obtenir. Il n’a pas la compétence au sens de celle reconnue par les autorités gouvernementales responsables de la délivrance des brevets (il n’est pas agent de brevet). Il n'a pas non plus la compétence au sens d’avoir la connaissance approfondie nécessaire à l’accomplissement d’un tel mandat.

[8]   L’accusé réfute ces accusations. Il se dit la victime d’une campagne de salissage menée par l’un de ses « concurrents » et les « médias ». Il se considère un expert « en gestion de brevet et de marque de commerce ». Les services qu’il offre sont de qualité. Les clients obtiennent le service pour lequel ils payent. Tout au plus, il commet quelques erreurs dans l’exécution de certains mandats. Les informations inexactes au sujet de la Fédération qui sont transmises ne le sont pas dans un but malhonnête. Elles reflètent les objectifs qu’il se fixe à la création de la Fédération. Cette dernière n’atteint jamais ces objectifs en raison de la campagne de salissage menée contre lui.

 

2. CONTEXTE

2.1 La protection de la propriété intellectuelle

[9]   En ouverture de procès le Tribunal déclare expert Robert Brouillette, un agent de brevets et de marques de commerce, diplômé en génie et en droit. Il explique au Tribunal les grandes lignes de la protection de la propriété intellectuelle et plus particulièrement le processus d’obtention d’un brevet au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

[10]           Les éléments les plus pertinents de son témoignage pour les fins du présent jugement sont les suivants :

-          L’invention est définie ainsi dans la loi canadienne : « Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matière, ainsi que tout perfectionnement de l’un d’eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité » ;

-          La loi américaine offre une définition semblable ;

-          Les autorités compétentes pour délivrer des brevets examinent plusieurs critères de brevetabilité, dont la nouveauté, l’inventivité et l’utilité ;

-          Le critère de la nouveauté signifie que « l’invention doit être nouvelle », c’est-à-dire, entre autres, qu’elle ne doit pas être une « copie de ce que quelqu’un d’autre a fait » et qu’il n’existe « aucune divulgation publique n’importe où dans le monde avant la date de dépôt de la demande de brevet » (sujet à certaines exceptions) ;

-          Ceci signifie qu’un inventeur qui divulgue publiquement son invention avant le dépôt d’une demande de brevet risque de ne pas satisfaire le critère de la nouveauté ;

-          Le brevet est une espèce d’ « entente » par laquelle « le titulaire du brevet offre une divulgation publique complète de l’invention » et en échange de quoi « le gouvernement octroie au titulaire du brevet des droits exclusifs pendant 20 ans suivant le dépôt de la demande de brevet » ;

-          Les poursuites, pour contrefaçon par exemple, sont possibles « uniquement une fois que le brevet est délivré » par une autorité compétente ;

-          « La protection est limitée aux revendications contenues dans le brevet » ;

-          La liste des « revendications » et leur description se retrouvent habituellement dans les dernières pages d’un brevet, avant l’annexe des schémas le cas échéant ;

-          À la première page d’un brevet se trouvent les informations nominatives, le titre de l’invention et un « abrégé » décrivant l’invention ;

-          « Ce qui n’est pas revendiqué, même si décrit dans le mémoire descriptif, fait partie du domaine public » ;

-          « Chaque élément décrit dans une revendication est en général une limitation » ;

-          Ce sont les revendications qui définissent le « monopole », le choix des mots est donc très important ;

-          En cas de conflit au sujet du monopole d’une invention, la « date de priorité » est accordée à la première personne qui dépose une demande de brevet ;

-          Il existe une procédure aux États-Unis par laquelle on peut déposer une « demande provisoire de brevet » ;

-          Elle offre à un inventeur la possibilité de déposer une demande de brevet rapidement et par la suite de revendiquer la date de dépôt de la demande provisoire comme « date de priorité » ;

-          Pour pouvoir revendiquer cette « date de priorité », une « demande complète » de brevet doit être déposée dans les 12 mois suivant le dépôt « provisoire » et un brevet doit être effectivement délivré par l’autorité compétente ;

-          La demande provisoire de brevet n’est pas examinée par l’autorité compétente américaine (United States Patent and Trademark Office, USPTO) ;

-          Il peut donc y être écrit à peu près n’importe quoi, même dans une langue autre que l’anglais, sans que le USPTO intervienne ;

-          Afin que la date de dépôt de la demande provisoire soit reconnue comme « date de priorité », le concept que l’on vise à protéger doit cependant y être décrit et les revendications qui y sont inscrites ne doivent pas avoir été modifiées de façon substantielle entre ce dépôt « provisoire » et la délivrance du brevet ;

-          Sinon, c’est la date de dépôt de la « demande complète » qui sera reconnue ;

-          Aux États-Unis, si une « demande provisoire de brevet » n’est pas suivie par une « demande complète », le contenu de la demande demeure « secret » et ne sera jamais examiné ;

-          Il est possible de « redéposer » une demande provisoire de brevet, mais on perd la possibilité de revendiquer la date du premier dépôt ;

-          L’expert est au courant que certaines personnes utilisent l’expression « brevet provisoire » pour désigner une demande provisoire de brevet :

-          Il considère cela comme étant « un peu trompeur » puisque ce n’est pas le brevet qui est provisoire, mais seulement la demande ;

-          Une demande provisoire ne mène jamais à l’obtention d’un brevet, et donc n’offre aucune protection de l’invention, si les étapes subséquentes ne sont pas complétées (demande complète, examen et délivrance du brevet) ;

-          « Il n’existe pas de brevets internationaux » ;

-          Il existe cependant la possibilité de déposer une seule demande de brevet pour l’ensemble des pays (153) membres du Traité de coopération en matière de brevet (demande dite « PCT ») ;

-          La demande « PCT » peut être déposée dans le pays de résidence du requérant ou directement à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (dont l’acronyme en anglais est WIPO) ;

-          Ce dépôt offre également la possibilité de revendiquer une « date de priorité » ;

-          Cependant, ce processus ne mène pas à la délivrance d’un « brevet international » ;

-          Pour chaque pays où il veut obtenir la protection, l’inventeur doit demander l’examen de sa demande par l’autorité compétente de ce pays qui décidera si elle délivre le brevet ;

-          Au Canada et aux États-Unis, seuls les inventeurs eux-mêmes ou les agents de brevet reconnus peuvent transiger avec les autorités compétentes pour délivrer un brevet ;

-          Au Canada, quelqu’un d’autre peut déposer une demande brevet au nom de l’inventeur, « poser le geste de déposer », sans être un agent de brevet ;

-          Aux États-Unis, cette possibilité n’existe pas ;

-          Cependant, pour toutes les autres étapes, tant au Canada qu’aux États-Unis, seul un agent de brevet peut agir pour un inventeur, incluant l’étape cruciale des discussions ou négociations avec l’examinateur ;

-          Au Canada, pour devenir agent de brevet, le candidat doit, entre autres, réussir quatre examens autrefois administrés par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC) (depuis peu, il existe un ordre professionnel qui en est responsable) ;

-          Selon l’expert, ces examens sont très difficiles, seulement 15% des candidats réussissent les quatre examens à la première tentative ;

-          Il n’y a pas de « stage formel » à compléter, cependant un candidat voulant devenir agent de brevet doit pratiquer pendant deux ans comme un « apprenti », en utilisant le titre de « conseiller technique » ;

-          Toujours selon l’expert, pour devenir agent de brevet, un candidat doit avoir des connaissances légales et techniques, c’est pourquoi plusieurs agents de brevets sont à la fois avocat et ingénieur ;

-          Les bureaux d’agents de brevet offrent habituellement aux inventeurs un service de « recherche d’antériorité » ;

-          Cette recherche vise à vérifier la brevetabilité d’une invention en évaluant, entre autres, si elle satisfait le critère de la nouveauté, et ce, avant de commencer les démarches couteuses visant l’obtention d’un brevet ;

-          Des moteurs de recherche permettent de vérifier à partir de mots-clés l’existence de brevets à travers le monde décrivant des inventions semblables ;

-          Il existe des dizaines de millions de brevets dans le monde ;

-          Un système de classement des brevets, créant des classes et des sous-classes, facilite la recherche ;

-          Il existe tout de même plus de 10 000 classes et sous-classes de brevet ;

-          Avant de faire la recherche, il faut identifier les éléments potentiellement brevetables et faire une recherche pour chacun des éléments ;

-          Pour s’assurer que le critère de la nouveauté est satisfait, il ne faut pas seulement regarder les brevets en vigueur, mais tout ce qui est dans le domaine public, qui divulgue l’existence d’un élément que l’on souhaite breveter (anciens brevets, innovations commercialisées, articles scientifiques, etc.) ;

-          Le domaine public est tellement vaste qu’il est impossible de garantir les résultats d’une recherche.

 

2.2 Le choix de la Fédération des inventeurs du Québec par les clients

[11]           Pendant le procès, le Tribunal entend 28 personnes faisant affaire avec l’accusé entre le début de l’année 2015 et le milieu de l’année 2019.

[12]           La grande majorité d’entre eux est inexpérimentée en matière de brevet et autres formes de protection de la propriété intellectuelle. Ils font des recherches sur l’Internet en utilisant des mots-clés tels que « brevet », « comment obtenir un brevet », « premier brevet », « agent de brevet ». Le site de la Fédération apparait alors dans les résultats de recherche. Le site de la Fédération se situe bien souvent au sommet de la liste des résultats.

[13]           Le site Web de la Fédération leur fait bonne impression et les met en confiance. Voici le résumé de quelques témoignages entendus à cet effet :

-          Mme BERTRAND et son père sont impressionnés par le professionnalisme du site Web et l’accompagnement qui est offert. Dans leur tête, ce n’est pas l’affaire d’une seule personne;

-          M. THERRIEN croit, en consultant le site Web, que la Fédération donne accès à des subventions. Il trouve cela intéressant pour la commercialisation de son invention;

-          M. BOUDREAU est impressionné par qualité du site, par les concours et les prix à gagner. Il croit qu’il y a plusieurs personnes à la Fédération pour aider les inventeurs ;

-          M. BÉRUBÉ trouve le site Web vraiment complet. La Fédération offre plusieurs services. Elle semble avoir beaucoup de ressources et de moyens pour aider les inventeurs. La Fédération se dit membre d’associations internationales. Des « concours » sont offerts, comme le « fonds d’aide pour les inventeurs »;

-          Mmes SÉVIGNY et DESMARTEAU-CUMMINGS font d’abord affaire avec ROBIC (un cabinet d’avocats et d’agents de brevet) pour une demande provisoire de brevet. Il trouve cela très onéreux. Ils choisissent l’accusé et la Fédération pour réduire les coûts;

-          Pour M. TREMBLAY, en consultant le site Web,  la Fédération semble être un organisme de confiance avec une équipe de professionnels pouvant l’aider. Pour lui, la Fédération est un « organisme large », il croit qu’il y a un conseil d’administration et plusieurs secteurs d’expertise. Il pense que la Fédération est un organisme « paragouvernemental » ;

-          M. HOUDE trouve que le site Web de la Fédération est « présenté de façon professionnelle ». Il retient qu’il y a une équipe, des avocats, de l’aide pour trouver du financement et des concours. La Fédération offre un service complet pour les inventeurs : « C’est la place » ;

-          M. LEBEL cherche sur l'Internet pour un agent de brevet ou une firme pour obtenir un brevet. Le site Web de la Fédération est complet et professionnel. Il pense trouver à la Fédération une équipe qualifiée et un service d’avocats. Il voit sur le site le témoignage d’un client satisfait. La Fédération offre un rabais « mon premier brevet » ;

-          M. LAMOUREUX se cherche un agent de brevet. Il tombe sur le site Web de la Fédération qui lui donne confiance ;

-          Mme CRÈTE trouve le site Web de la Fédération « crédible ». La Fédération semble être un organisme à but non lucratif, ce qui est pour elle un signe de bonne foi. Elle obtient auparavant une estimation d’un cabinet d’agents de brevet. Le prix demandé est trop onéreux pour elle, une étudiante à ce moment. Elle choisit donc la Fédération ;  

-          M. GOUIN trouve le site Web de la  Fédération « professionnel », il pense que c’est « gouvernemental ». Il est convaincu qu’il y a des subventions pour l’aider à le « mettre sur la map » ;

-          M. HORTH comprend, en consultant le site Web, qu’il s’agit d’ « une fédération de personnes qui protège les inventeurs », ce qui le met en confiance ; 

-          Mme VIGNEAULT  et son frère croient, en consultant le site Web de la Fédération, qu’il s’agit d’un organisme « gouvernemental ». Il semble y avoir « beaucoup de monde qui travaille pour cette organisation » ;

-          M. MOREAU, qui témoigne en défense, croit également que la Fédération est un organisme « paragouvernemental », ou à tous le moins « subventionné » pour aider les inventeurs. Il croit également que plusieurs personnes travaillent à la Fédération.

[14]           Pour les témoins entendus, le site Web de la Fédération est la porte d’entrée les menant à un premier rendez-vous avec l’accusé. Lors de ces rencontres, presque toutes tenues à la résidence des clients, à leur commerce ou dans des lieux publics, l’accusé leur fait une offre de service et les met en confiance sur la capacité de la Fédération à accomplir des mandats visant, la plupart du temps, à obtenir un brevet.

[15]           L’accusé fait une admission générale que toutes les factures émises par lui-même, au nom de la Fédération, et déposées en preuve sont payées par les clients.

[16]           Les services retenus par ceux-ci sont décrits habituellement ainsi : « Recherche internationale », « Rédaction et dépôt de brevet provisoire » et dans un cas, « Recherche et dépôt de marque de commerce ». À certains clients, l’accusé offre des services visant l’obtention d’un « brevet permanent » par l’entremise de demandes de « brevet internationale (sic) via un PCT », « Nord-Américaines (Canada et ÉUA) », « PCT International », « Trois pays au choix de l’inventeur » ou encore « USA, Brésil, Japon, Mexique, Allemagne, France, Angleterre, Italie, Canada ».

[17]           Aucun des témoins entendus n’obtient de brevet ou l’enregistrement d’une marque de commerce grâce au travail de l’accusé ou de la Fédération des inventeurs du Québec.

 

3. ANALYSE

3.1 Le droit

[18]           Lactus reus de l’infraction de fraude est décrit ainsi par la Cour suprême du Canada dans R. c. Théroux [1993] 2 R.C.S. 5 (ci-après Théroux) :

Étant donné que la mens rea d'une infraction est liée à son actus reus, il est utile d'entamer l'analyse par l'étude de l'actus reus de l'infraction de fraude.  Au sujet de l'actus reus de cette infraction, le juge Dickson (plus tard Juge en chef) a énoncé les principes suivants dans l'arrêt Olan:

(i)                  l'infraction compte deux éléments: l'acte malhonnête et une privation; 

(ii)                l'acte malhonnête est établi par la preuve d'une supercherie, d'un mensonge ou d'un «autre moyen dolosif»;

(iii)               l'élément de privation est établi si l'on prouve qu'en raison de l'acte malhonnête, les intérêts pécuniaires de la victime ont subi un dommage ou un préjudice ou qu'il y a risque de préjudice à leur égard.

L'arrêt Olan a marqué un élargissement du droit de la fraude à deux égards.  Il a d'abord renversé la jurisprudence antérieure qui laissait entendre que la supercherie était un élément essentiel de l'infraction.  Il a plutôt énoncé le concept général de la malhonnêteté, qui pourrait se manifester dans la supercherie, le mensonge ou une autre forme de malhonnêteté. Tout comme ce qui constitue un mensonge ou une supercherie pour les fins de l'actus reus est déterminé en fonction des faits objectifs, l'«autre moyen dolosif» de la troisième catégorie est déterminé objectivement, selon ce qu'une personne raisonnable considèrerait comme un acte malhonnête.  L'arrêt Olan a ensuite précisé que la perte économique n'était pas essentielle à l'infraction; la mise en péril d'un intérêt pécuniaire est suffisante, même si aucune perte véritable n'est subie.  En adoptant une interprétation libérale de l'infraction, la Cour a fait de la fraude une infraction de portée générale susceptible d'englober une large gamme d'activités commerciales malhonnêtes.

[19]           Concernant l’acte malhonnête, il est reconnu par la jurisprudence que le mensonge est un mensonge intentionnel et que la supercherie est établie lorsqu’un accusé fait croire à une personne quelque chose qu’il sait être faux.  L’« autre moyen dolosif » couvre tout autre moyen qui peut être objectivement qualifié de malhonnête, c’est-à-dire en se référant à ce qu’une personne raisonnable considèrerait être un acte malhonnête, et ce sans égard à la croyance personnelle de l’accusé à ce sujet (R. c. Leuenberger, 2014 BCCA 156).

[20]           « Le mensonge peut consister en un acte positif, mais aussi parfois en une simple réticence, c’est-à-dire en une situation où, par son silence, un individu cache à l’autre un élément capital et essentiel. C’est ce que Madame la juge Beverley McLachlin appelle, dans l’arrêt Théroux […], « la dissimulation de faits importants » » (R. c. J.E., 1997 CanLII 10605 (QC CA)).

[21]           L’article 380 du Code criminel créant l’infraction de fraude, prévoit spécifiquement que la personne frustrée, ou victime de fraude en d’autres termes, peut être le public en général ou toute personne, déterminée ou non. Dans la présente affaire l’acte d’accusation identifie les personnes frustrées de sommes d’argent ainsi : « Benjamin BÉRUBÉ, Robert BOUDREAU, Robert THÉRRIEN, Kaven LAMOUREUX, Gilles PRUNEAU, Jean-Pierre ROY, Stéphane LEBEL et autres membres du public ».

[22]           Au sujet de l’actus reus, le Tribunal doit donc déterminer si la preuve démontre, hors de tout doute raisonnable :

1-     Que l’accusé commet un acte malhonnête, c’est-à-dire une supercherie, un mensonge ou un autre acte constituant un moyen dolosif ;

2-     Et qu'en raison de cet acte malhonnête, les intérêts pécuniaires de l’une des victimes particularisées au chef d’accusation, leur ensemble ou les membres du public (en général), subissent un dommage ou un préjudice ou qu'il existe un  risque de préjudice à leur égard.

[23]           Au sujet de la mens rea de l’infraction de fraude, toujours dans Théroux, la Cour suprême  explique :

L'acte prohibé est la supercherie, le mensonge ou quelque autre acte malhonnête.  La conséquence prohibée consiste à priver quelqu'un de ce qui est ou devrait être sien, ce qui peut, comme nous l'avons vu, consister simplement à mettre le bien d'autrui en péril.  La mens rea serait alors la conscience subjective que l'on commettait un acte prohibé (la supercherie, le mensonge ou un autre acte malhonnête) qui pouvait causer une privation au sens de priver autrui d'un bien ou de mettre ce bien en péril.  Une fois cela démontré, le crime est complet.  Le fait que l'accusé ait pu espérer qu'il n'y aurait aucune privation ou qu'il ait pu croire qu'il ne faisait rien de mal ne constitue pas un moyen de défense.  En d'autres termes, suivant le principe traditionnel de droit criminel qui veut que l'état d'esprit nécessaire à l'infraction soit déterminé en fonction des actes externes qui constituent l'actus de l'infraction (voir Williams, op. cit., ch. 3), il convient de se demander, lorsqu'on détermine la mens rea de la fraude, si l'accusé a intentionnellement accompli les actes prohibés (supercherie, mensonge ou un autre acte malhonnête) tout en connaissant ou en souhaitant les conséquences visées par l'infraction (soit la privation, y compris le risque de privation).  Le sentiment personnel de l'accusé à l'égard du caractère moral ou honnête de l'acte ou de ses conséquences n'est pas plus pertinent quant à l'analyse que ne l'est la conscience de l'accusé que les actes commis constituent une infraction criminelle.

Cela s'applique autant à la troisième catégorie de fraude, soit un «autre moyen dolosif», qu'aux mensonges et à la supercherie.  Bien que l'expression «autre moyen dolosif» ait été généralement définie comme un moyen «malhonnête», il n'est pas nécessaire qu'un accusé considère personnellement que ce moyen est malhonnête pour être déclaré coupable de fraude pour y avoir eu recours.  Le caractère «malhonnête» du moyen est pertinent pour déterminer si la conduite est du genre de celle visée par l'infraction de fraude; ce qu'une personne raisonnable considère malhonnête aide à déterminer si l'actus reus de l'infraction peut être établi en fonction de certains faits.  Une fois cela établi, il suffit de déterminer qu'un accusé a sciemment commis les actes en question et qu'il était conscient que la privation ou le risque de privation représentait une conséquence probable.

J'ai parlé de la connaissance des conséquences de l'acte frauduleux.  Toutefois, rien ne paraît s'opposer à ce que l'insouciance quant aux conséquences entraîne également la responsabilité criminelle.  L'insouciance présuppose la connaissance de la vraisemblance des conséquences prohibées.  Elle est établie s'il est démontré que l'accusé, fort d'une telle connaissance, accomplit des actes qui risquent d'entraîner ces conséquences prohibées, tout en ne se souciant pas qu'elles s'ensuivent ou non.

[24]           Conséquemment, au sujet de la mens rea, le Tribunal doit  déterminer si la preuve démontre, hors de tout doute raisonnable :

1-     Que l’accusé a la connaissance subjective de commettre l’acte malhonnête (supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif) ;

2-     Que l’accusé a la connaissance subjective que l'acte malhonnête peut causer une privation à autrui (laquelle privation peut consister en la connaissance que les intérêts pécuniaires de la victime sont mis en péril).

[25]           Bref, « si la conduite et la connaissance requises par ces définitions sont établies, l'accusé est coupable peu importe qu'il ait effectivement souhaité la conséquence prohibée ou qu'il lui était indifférent qu'elle se réalise ou non » (Théroux).

[26]           Finalement, il peut être utile de rappeler qu’un accusé ne peut s’échapper de sa responsabilité criminelle en invoquant la négligence de la victime qui ne prend pas toutes les précautions pour éviter la fraude (voir Chagnon c. R., 2005 QCCA 335).

 

3.2 Commentaires généraux sur la crédibilité des témoins présentés par la poursuivante et la fiabilité de leur témoignage

[27]           De façon générale, il peut être dit que la crédibilité des témoins de la poursuivante n’est pas attaquée de façon significative pendant le procès.

[28]           Il est vrai que pour plusieurs témoins, les évènements sont suffisamment éloignés dans le temps pour qu’ils ne se souviennent pas de tous les détails, ce qui peut affecter la fiabilité de leur témoignage. Cependant, pour la plupart, les éléments pertinents de leur témoignage se retrouvent également dans des factures et autres documents reçus de l’accusé, des échanges de courriels avec lui et des enregistrements de conversations avec ce dernier. L’accusé ne nie pas être l’auteur de ces factures, documents, courriels et déclarations contenues dans les enregistrements.

[29]           Par ailleurs, plusieurs de ces témoins font partie d’un recours collectif intenté contre l’accusé. Ils font partie également d’un groupe de discussion sur les réseaux sociaux rassemblant les personnes se croyant lésées par les activités de l’accusé. Ce dernier et la Fédération font l’objet, en 2017 ou 2018, de reportages journalistiques décrivant son modus operandi. Plusieurs reçoivent l’opinion de tiers, dont l’un que l’accusé qualifie de « concurrent », sur la qualité du travail de ce dernier. Certaines de ces opinions proviennent d’avocats ou agents de brevet. Certains témoins ignorent être potentiellement victime de fraude avant même que quelqu’un leur exprime cette opinion.

[30]           Ces opinions et autres influences externes peuvent teinter les témoignages.

[31]           Cependant, le Tribunal doit mettre de côté ces opinions exprimées directement par les témoins ou indirectement parce que ceux-ci sont influencés par des tiers.

[32]           Ces témoins sont ce que l’on appelle des « témoins ordinaires », leurs opinions ne sont pas admissibles en preuve. Seules leurs propres constatations factuelles le sont.

[33]           Et ces constatations factuelles ne sont pas réellement contestées par l’accusé. Comme mentionné, les témoignages sont pour la plupart appuyés par des factures et autres documents reçus de l’accusé, des échanges de courriels et des enregistrements de conversations. L’accusé confirme dans son témoignage faire affaire avec eux, leur offrir des services visant la protection de la propriété intellectuelle, les facturer et être payé. Il reconnait être leur interlocuteur dans les courriels et les conversations enregistrées. Il reconnait être la source des renseignements contenus au site Web de la Fédération et dans les autres documents remis à ces clients.

[34]           L’accusé ne contredit généralement pas ces témoins. Sa défense se trouve ailleurs.

[35]           Lorsqu’un témoignage est réellement contesté ou contredit sur un détail pertinent, le Tribunal en traitera spécifiquement dans son analyse.

 

3.3 Commentaires généraux sur le témoignage de l’accusé

[36]           De façon très générale, la défense de l’accusé peut être résumée en utilisant l’illustration suivante: on l’accuse d’avoir pris un cheval blanc, de lui avoir peinturé des lignes noires et de l’avoir vendu comme étant un zèbre. La preuve démontre aujourd’hui qu’il s’agit bel et bien d’un cheval. Il se défend en continuant de prétendre qu’il s’agit d’un zèbre, malgré la preuve accablante au contraire.

[37]           En d’autres mots, sa défense est de continuer la fraude, tout simplement.

[38]           Le Tribunal a eu la chance d’entendre l’accusé en action, avec des clients, lors de conversations enregistrées subrepticement par certains de ceux-ci. Quand il est sur le point d’être démasqué, laccusé ne répond pas directement aux questions, se met à raconter des anecdotes qui agissent comme des écrans de fumée pour cacher la vérité et déforme le sens des mots. Tout ceci lorsqu’il ne leur ment pas carrément.

[39]           Les mêmes stratégies sont utilisées lors de son témoignage devant le Tribunal. L’accusé n’a pas de crédibilité.

[40]           Lors de son témoignage, il répond difficilement aux questions qui lui sont posées. Le Tribunal doit le ramener à l’ordre. Son témoignage est truffé d’anecdotes peu ou pas pertinents. Tout ceci est stratégique. L’accusé cherche à éloigner les questions aux réponses possiblement incriminantes.

[41]           Quand il se trouve enfin confronté et qu’il est bien obligé de répondre, l’accusé déforme à outrance le sens des mots, au point d’atteindre l’absurde. Un procédé que certains qualifieraient d’insulte à l’intelligence.

[42]           Il est même pris en flagrant délit de mensonge lors de son témoignage. Il ment, sous affirmation solennelle de dire la vérité,  au Tribunal, afin de camoufler la véritable identité de la personne s’occupant de la location du « Pavillon des inventeurs » sur la plateforme Airbnb. Il prétend qu’il s’agit de quelqu’un engagé par la Fédération, car lui-même est trop occupé à la préparation de sa défense. Coincé ensuite, dans la suite du contre-interrogatoire, il admet qu’il s’agit d’un mensonge et qu’il est lui-même le « Robert » en question. La désinvolture de l’accusé et son manque flagrant d’égard pour la vérité démontrés dans ce passage sont tout simplement déroutants. Il est très difficile, voire impossible, d’accorder foi à son témoignage.

[43]           Cela dit, face à une preuve accablante, constituée entre autres de documents provenant de lui-même et d’enregistrements de ses conversations, l’accusé fait plusieurs aveux qui s’avèrent être incriminants.

[44]           Vu le manque de crédibilité de l’accusé, son témoignage n’est pas susceptible de mener à un acquittement. Il n’est pas de nature à soulever un doute raisonnable sur sa culpabilité. Il y a lieu de s’attarder à ce que la preuve révèle réellement.

 

3.4 L’offre de service en matière de protection de la propriété intellectuelle faite par l’accusé est constituée de supercheries, mensonges et autres moyens dolosifs

3.4.1 La Fédération des inventeurs du Québec n’est pas ce que l’accusé prétend qu’elle est

3.4.1.1 Une fédération composée d’une seule personne

[45]           D’emblée, il est utile de rappeler que c’est l’accusé qui crée la Fédération des inventeurs du Québec, organisme constitué en vertu de la Loi canadienne sur les organisations sans but lucratif. Il en est le seul administrateur et le seul membre-votant. Toutes les décisions sont prises par lui. Il déclare n’avoir aucun employé. Une analyse de l’ensemble de la preuve, y compris le témoignage de l’accusé, permet de conclure que la Fédération des inventeurs du Québec et l’accusé ne font qu’un.

[46]           Le nom même de cet organisme porte à confusion. Une « fédération », lorsqu’il n’est pas question d’un État, est un « groupement organique de partis, de clubs, d’associations diverses, de syndicat » (Larousse) ou une « association de sociétés, syndicats, etc., groupés sous une autorité commune. Union. Fédération sportive » (Le Robert).

[47]           L’accusé décrit sur le site Web de la Fédération des inventeurs du Québec que cette dernière « est un regroupement sans but lucratif pour tous les inventeurs du Québec » (nos italiques). S’agit-il donc d’un regroupement d’inventeurs? Ou d’un regroupement de personnes inconnues au service des inventeurs du Québec ? Quelles personnes alors dans les faits se fédèrent, s’associent ? La preuve révèle que ce n’est personne. L’accusé est le seul administrateur et le seul membre-votant dans cette fédération qui n’en est pas une. Il prend toutes les décisions et ne rend de comptes à personne, et ce, sans égard à ceux qui payent des frais pour devenir « membres ».

[48]           Devenir « membre » donne accès à des services (qui ne sont pas exclusifs puisque ceux qui ne payent pas l’adhésion ont accès aux mêmes services) et des tarifs préférentiels (qui ne sont pas réellement préférentiels, si l’on étudie attentivement ce qui est facturé aux « membres » et à ceux qui ne payent pas l’adhésion) ». Les « membres » peuvent recevoir (très peu ne le font, sinon personne), une carte de membre, à toute fin inutile, et un « certificat de reconnaissance », qui est en fait un morceau de papier avec un sceau, tout aussi inutile (malgré que sur le site Web l’accusé prétend que « pour plusieurs inventeurs ce certificat a fait la différence, il leur a permis de trouver des partenaires et du financement plus rapidement et leur a donné un avantage professionnel lors de leur représentation »).

[49]           Finalement, les « membres » auraient accès au « Fond (sic) Inventeur Québec » et autres formes d’« aide financière aux nouveaux inventeurs », si on se fie au site Web de la Fédération. Dans les faits, personne n'obtient réellement d'aide financière de la Fédération.

[50]           En aucun temps, être « membre » ne permet d’avoir une participation dans la prise de décision de la Fédération. Aucun « membre » n’est convoqué à une assemblée générale. Aucun « membre » n’a un droit de vote ou ne participe à des décisions (y compris celle de canaliser la presque totalité des revenus de la Fédération, plus d’un million de dollars, vers la construction d’un bâtiment, que l’accusé appelle « Pavillon des inventeurs »). Les membres n’élisent pas le conseil d’administration.

[51]           Pourtant, dans la « Politique de confidentialité », version 3.0, de la Fédération des inventeurs du Québec, approuvé (sic) par l’assemblée générale du 15 octobre 2014 (P-49, P-64 et D-24 remise à un témoin de la défense, M. PHANEUF), il est écrit dans la section « Mission et valeurs de l’organisme » : « La Fédération des Inventeurs du Québec est un organisme démocratique et à but non lucratif » (notre italique). Un organisme démocratique. Le sens commun de cette expression laisse entendre que les membres de cet organisme ont une voix, qu’ils prennent part aux décisions. De l’aveu même de l’accusé, après un passage de son contre-interrogatoire aux réponses tortueuses, on comprend qu'il est le seul à voter lors des réunions du conseil d’administration et des assemblées générales. Réunions et assemblées où il est le seul administrateur et et le seul membre-votant présent. Il s’agit sans doute d’un système démocratique fort efficace. Il n’en demeure pas moins que de choisir délibérément d’utiliser ces mots laisse entendre, pour une personne raisonnable, autre chose que la réalité.

[52]           En fait, toute cette « Politique de confidentialité », présentée à des clients (P-49, P-64 et D-24), laisse croire que la Fédération des inventeurs du Québec est composée d’un grand nombre de personnes. Le pluriel est abondamment utilisé. On fait mention aux points 7.3 et 8.2 du « conseil d’administration » et des « administrateurs » (il s’agit seulement de l’accusé), de la « direction » (l’accusé seul également) et des « employés » (il n’y en a pas, seulement quelques pigistes). Le point 7.11 précise que l’on doit « s’assurer que les dossiers fermés sont déchiquetés par un membre du conseil d’administration assisté par les autres membres dudit conseil» (cela signifie-t-il que l’accusé s’assiste lui-même?). Le point 7.12 vise spécifiquement « les membres du conseil d’administration ». Le point 3.1 « les bénévoles » (il n’y en a pas, sauf peut-être l’accusé qui ne se verse pas de salaire, dit-il). Finalement, détail très révélateur, le point 8.2 prévoit que « les administrateurs, la direction, les employés et les bénévoles doivent remplir, dès l’entrée en vigueur de cette politique, un formulaire d’engagement à respecter celle-ci » (nos italiques). Le point 9 précise quant à lui : « La présente politique entre en vigueur le 15 octobre 2014 suite à son adoption par l’assemblée générale ». L’accusé est le seul administrateur, il est donc le seul à adopter la « Politique de confidentialité » lors de l’assemblée générale du 15 octobre 2014 où il est le seul membre présent. Il est également la seule personne à qui s’applique cette politique et qui doit remplir le formulaire d’engagement à respecter celle-ci. Le point 8.1 prévoit que c’est la « direction » de la Fédération (l’accusé) qui « est responsable de la mise en œuvre et de l’application » de cette politique de confidentialité. Le point 8.3 stipule quant à lui qu’ « en cas de non-respect de la politique de confidentialité par la direction, c’est le conseil d’administration qui doit intervenir ». L’accusé étant seul à la direction et au conseil d’administration de la Fédération, ceci signifie qu’il est la seule personne compétente pour intervenir auprès de lui-même en cas de violation de la politique. Le point 8.4 énonce quant à lui quen cas de violation « la sanction peut aller de la réprimande à l’exclusion ». Le Tribunal se demande bien ce qui serait survenu de la Fédération des inventeurs du Québec si l’accusé avait dû s’exclure lui-même.

[53]           À noter que M. CROTEAU témoigne que l’accusé parle à plus d’une occasion d’un « conseil d’administration » qu’il doit consulter. Il fait référence à des réunions du « conseil » se tenant le samedi et le dimanche. Les fausses déclarations au sujet d’un « conseil d’administration » composé de plus d’une personne ne se limitent donc pas à la documentation remise à certains témoins.

[54]           Le site Web de la Fédération laisse entendre également que plusieurs personnes y sont impliquées à différents titres. L’accusé y est présenté comme étant le « fondateur » de la Fédération. Il est dit qu’ « un conseiller en brevet peut se rendre chez vous » (notre italique), sans spécifier qu’il s’agit de l’accusé, seule personne ayant agi à titre de « conseiller en brevet » durant la période couverte par l’accusation. Il se présente même comme « conseiller nior » (carte d’affaires A-3, pourquoi nior, s’il est le seul et qu’en conséquence il n’y a pas de conseiller junior?). Dans la section de prise de rendez-vous en ligne on indique : « Profitez de la visite sans frais d’un conseiller en propriété intellectuelle ». Sur la même page, on trouve la mention suivante : « Si vous souhaitez discuter maintenant avec un représentant de la F.D.I.Q. en particulier, veuillez composer le 1-855-398-9583 » (nos italiques). La mention « en particulier » laisse entendre un choix entre plusieurs représentants. Or, l’accusé est le seul représentant de la Fédération.

[55]           La preuve révèle que lorsque quelqu’un appelle à ce numéro, une voix préenregistrée de femme répond et propose un répertoire de chiffres à composer pour rejoindre différents services de la Fédération. Toutes ces options mènent à la boîte vocale ou au téléphone portable de l’accusé. Il n’y a pas différents services à la Fédération ni différents employés. Il n’y a que l’accusé à la Fédération.

[56]           La Fédération n’a pas non plus ses propres locaux. L’accusé sous-loue un local à l’intérieur d’une agence immobilière. Il a accès également à la salle de conférence de cette agence lorsqu’elle est libre.

[57]           Quelques témoins qui se rendent à l’adresse de la Fédération sont surpris en découvrant le local d’une agence immobilière. Ils craignent une arnaque. La photo des lieux prise par l’un de ceux-ci (P-77) montre en effet un endroit différent des attentes créées par le site Web de la Fédération. Le petit logo de la Fédération collé dans la vitre ne change rien à ce constat.

[58]           Dans la section « Fond (sic) d’aide inventeur Québec » du site Web, il est mentionné que l’octroi de bourses par la Fédération est recommandé par des « évaluateurs » et entériné par « un comité d’attribution ». Il n’y a pas et il n’y a jamais eu d’ « évaluateurs » ni de « comité » attribuant une aide financière à des inventeurs grâce à un fonds administré par la Fédération des inventeurs du Québec. On fait mention, dans la même section, qu’en cas d’octroi d’une bourse, « un des coordonnateurs de la Fédération » communiquera avec le bénéficiaire. L’accusé est seul à la Fédération, il est fondateur, administrateur, directeur, expert en gestion de brevet et de marque de commerce, représentant, conseiller en brevet, conseiller sénior et ici, semble-t-il, coordonnateur. Il convient en contre-interrogatoire qu’il n’y a pas plusieurs coordonnateurs à la Fédération et qu’il est le seul qui pourrait être qualifié de la sorte.

 

3.4.1.2 Il n’y a pas d’ « équipe de professionnels » et d’ « équipe d’experts en gestion de brevet et de propriété intellectuelle » à la Fédération des inventeurs du Québec

[59]           Le site Web de la Fédération indique également : « Après notre première rencontre, nous établirons avec vous la meilleure stratégie à prendre pour la protection de votre idée et invention. Notre équipe de professionnels se mettra à l’œuvre avec toutes les ressources nécessaires et cela en toute confidentialité selon les plans et les objectifs que vous aurez fixés » (nos italiques).

[60]           Dans la section « services conseils » du site Web, il est écrit : « plus de 50 ans d’expérience cumulée en propriété intellectuelle, la Fédération des Inventeurs du Québec met à votre disposition une équipe d’experts en gestion de brevet & de propriété intellectuelle ».

[61]           La preuve révèle qu’il n’y a pas d’ « équipe de professionnels » ni d’ « équipe d’experts en gestion de brevet & de propriété intellectuelle » à la Fédération des inventeurs du Québec.

[62]           Le témoin Mme CRÊTE croit sincèrement de sa consultation du site Web de la Fédération et des représentations de l’accusé qu’elle fait affaire avec une « équipe », incluant des agents de brevets, avec qui l’accusé travaille depuis plusieurs années. Le Tribunal n’a aucune raison de ne pas croire cette personne manifestement  perspicace et consciencieuse. Elle mentionne même l« équipe » de l’accusé dans un courriel qu’elle lui envoie. Jamais l’accusé ne la contredit dans ses réponses. Elle offre même de rencontrer son équipe pour, entre autres, améliorer le processus de rédaction. L’accusé ne donne jamais suite à cette invitation (D-2).

[63]           M. MOREAU, qui témoigne en défense, à la demande l’accusé, un individu manifestement intelligent, ayant une formation en génie, détenteur de diplômes de deuxième cycle et inventeur d’un nouveau type d’avion, se fait également berner par le site Web de la Fédération et les représentations de l’accusé au moment où il fait affaire avec lui en 2017. Il croit toujours au moment de témoigner au procès, en 2021, que la Fédération des inventeurs du Québec est un organisme « gouvernemental, ou peut-être pas, mais en tous les cas, subventionné pour aider au démarrage » des entreprises, un organisme « pour aider les inventeurs ». Lorsqu’il fait une recherche sur Google, il trouve le site Web de la Fédération qu’il trouve « très crédible ». Il décrit le rôle de l’accusé comme étant un « agent de liaison » entre lui et la Fédération (alors que l’accusé et la Fédération ne font qu’un). Le rôle de l’accusé est de lui faire parvenir les factures, de lui faire part de la progression des démarches et de répondre à ses questions. M. MOREAU spécifie : « Lorsqu’ils ont fait la recherche internationale » (notre italique), l’accusé lui transmet les résultats. Lorsque le Tribunal demande à M. MOREAU qui sont les personnes qui forment le « ils » dont il est question, il répond : « Aucune idée, j’ai toujours eu la perception que la Fédération contenait un certain nombre de personnes, avec des gens en charge de la rédaction, des gens en charge de la recherche internationale, des gens qui font l’administration ». Manifestement, au moment de témoigner, M. MOREAU est toujours dupé par la publicité trompeuse et les fausses déclarations de l’accusé au sujet de la Fédération. Ce n’est pas parce qu’il est satisfait du travail accompli que M. MOREAU ne peut pas tout de même être une victime des supercheries, mensonges et autres actes malhonnêtes de l’accusé.

[64]           L’accusé, dans son témoignage, prétend que tout ceci est ce qu’il souhaite atteindre comme objectifs lorsque la Fédération prendra de la maturité et qu’il n’a pas de mauvaises intentions lorsqu’il met ces informations sur l’Internet ou dans la documentation qu’il remet à ses futurs clients.

[65]           Cette défense ne tient pas la route, principalement pour deux raisons.

[66]           Premièrement, au moment où elles sont transmises ces informations sont fausses et ce sont celles-ci qui attirent les clients vers la Fédération. Plusieurs témoins entendus croient sincèrement faire affaire avec une équipe, lorsqu’ils achètent des services de la Fédération. Jamais, l’accusé ne rectifie auprès d’eux les fausses informations transmises sur le site Web ou dans la documentation remises. Son prétendu objectif de se doter d’une équipe, incluant des agents de brevet, ne se réalise jamais entre 2014 et 2019. Au lieu de monter cette équipe de « professionnels » et « d’experts en gestion de brevet et de propriété intellectuelle », l’accusé choisit de diriger tous les profits réalisés vers la construction du «  Pavillon des inventeurs » (plus d’un million de dollars), aujourd’hui transformé en « chalet ». L’analyse de l’ensemble de la preuve permet même de tirer l’inférence qu’il n’a jamais la réelle intention de former une telle équipe.

[67]           Deuxièmement, les conversations entre l’accusé et le témoin M. BÉRUBÉ, enregistrées subrepticement par ce dernier, le contredisent et démontrent indubitablement que son intention est de tromper en mentant sur l’existence d’autres personnes agissant au sein de la Fédération et sur leur compétence.

[68]           Dans la première conversation enregistrée par M. BÉRUBÉ, l’accusé parle d’une « réunion » qu’il a la veille. Il parle plus tard d’une proposition à faire au « conseil d’administration ». M. BÉRUBÉ lui pose des questions sur le « concours inventeur Québec ». L’accusé lui répond qu’il s’agit de remises en argent et qu’il faut être membre pour participer. Il ajoute que « faire une demande de brevet permanent avec la Fédération donne des points ». L’accusé dit ne pas avoir de contrôle sur ces remises en argent, les décisions sont prises par « des jurés ».

[69]           Dans cette même conversation, l’accusé indique que la rédaction de la demande de brevet « permanent » de M. BÉRUBÉ sera faite par « Carole ». L’accusé précise que « Carole a 25 ans d’expérience dans le domaine du brevet ».

[70]           Dans la seconde conversation enregistrée par M. BÉRUBÉ, l’accusé lui dit que c’est « Carole » qui a rédigé son « provisoire ». Cette information est fausse, la demande provisoire de brevet de M. BÉRUBÉ est rédigée par M. GAGNON (témoignage de ce dernier et P-92). M. GAGNON n’est pas un expert dans « le domaine du brevet », son témoignage le prouve. Quand l’accusé lui donne cette information au sujet de « Carole » qui a rédigé le « provisoire », M. BÉRUBÉ répond : « Carole, 25 ans d’expérience comme agent de brevet ». L’accusé ne le reprend pas pour lui préciser que « Carole » n’est pas une agente de brevet.

[71]           Dans la troisième conversation enregistrée par M. BÉRUBÉ, l’accusé mentionne un « appel conférence avec le conseil d’administration » tenu « vendredi en fin de journée » afin d’approuver un tarif pour la rédaction et le dépôt de demandes de brevets pour M. BÉRUBÉ dans différents pays. Dans la neuvième conversation, l’accusé dit vouloir parler « aux gens de la Fédération » pour offrir à M. BÉRUBÉ les mêmes conditions de paiement qu’un concurrent que ce dernier consulte.

[72]           Dans la huitième conversation enregistrée par M. BÉRUBÉ, ce dernier dit à l’accusé que « son associé veut savoir qui est l’agent de brevet qui s’occupe de la rédaction officielle du dossier ». Il « veut savoir le nom de votre agent de brevet qui s’occuperait du brevet officiel ». La réponse de l’accusé à cette question est : « Ça va être Carole qui va s’en occuper ». M. BÉRUBÉ demande « Carole qui? ». L’accusé répond : « TAHAN ».

[73]           Il est important de noter que la preuve révèle qu’une certaine « Carole TAHAN » participe, pour certains témoins, à la rédaction de demandes de brevet. Aucune « Carole TAHAN » ne témoigne au procès. Le Tribunal doit se fier uniquement à la parole de l’accusé pour conclure quoi que ce soit au sujet de l’expérience de celle-ci « dans le domaine du brevet ». L’accusé convient cependant, lors de son témoignage, qu’elle n’est pas une agente de brevet. La preuve révèle que ni l’accusé ni les quelques pigistes qu’il engage pour certaines rédactions ne sont des agents de brevet. Le Tribunal conclut donc que l’accusé ment à M. BÉRUBÉ en laissant entendre que « Carole TAHAN » est une agente de brevet ou qu’à tout le moins, « par son silence », il « cache à l’autre en élément capital et essentiel ». Il ne reprend pas M. BÉRUBÉ lorsque celui-ci réfère à elle en indiquant qu’elle a « 25 ans d’expérience comme agent de brevet ». À la question visant à connaitre l’identité de l’agent de brevet qui s’occupera de son dossier, l’accusé répond que c’est « Carole TAHAN ».

[74]           Dans ces conversations, il est également clair que l’accusé ment à M. BÉRUBÉ en laissant entendre qu’il consulte le « conseil d’administration » de la Fédération au sujet des tarifs pour la rédaction et le dépôt de demandes de brevet dans différents pays. Comme préalablement mentionné, l’accusé est le seul membre du conseil d’administration de la Fédération des inventeurs du Québec. Dans ces circonstances, nul besoin d’une « réunion » ou d’un « appel conférence » pour se consulter soi-même.

[75]           D’ailleurs, l’accusé lors de son témoignage admet être le seul administrateur de la Fédération. Il explique cependant que pour lui, « consulter le conseil d’administration » signifie prendre un pas de recul, prendre du temps pour réfléchir et consulter des ressources internes et externes afin d’offrir le meilleur prix possible à M. BÉRUBÉ. Seule une personne dénuée de raison et de bon sens accepterait d’accorder une telle signification aux paroles prononcées par l’accusé lors de ces conversations enregistrées par M. BÉRUBÉ où il fait référence à une « réunion » du « conseil d’administration » et à un « appel conférence avec le conseil d’administration ».

 

3.4.1.3 La Fédération des inventeurs du Québec n’est pas « sans but lucratif »

[76]           Prétendre, comme le fait l’accusé, que la Fédération est un organisme ou regroupement sans but lucratif est ce qu'une personne raisonnable considèrerait comme un acte malhonnête lorsqu’elle apprendrait ce qu’il advient des importants profits tirés de ses activités.

[77]           L’accusé se présente sur le site Web de la Fédération ainsi qu’à ses clients, comme une espèce de philanthrope, une personne qui a réussi dans la vie et qui fait maintenant don de son expérience afin d’aider des inventeurs aux ressources limitées. Il crée un organisme sans but lucratif dont la mission  est « de fournir des services professionnels, d’offrir les ressources essentielles et de faciliter l’ensemble des étapes nécessaires à la protection et à la promotion de leurs inventions à des coûts très raisonnables » (P-41, P-121a et P-151) (nos italiques).

[78]           Or, de l’aveu même de l’accusé, plusieurs mesures sont mises en place, pour maximiser l’apport de client et par le fait même les profits.

[79]           En fait, tout le langage de l’accusé est axé sur le marketing, son domaine de formation universitaire. Le principal enjeu, pour lui, est de se démarquer de la concurrence afin d’attirer le maximum de client. D’abord en offrant des prix compétitifs, ensuite en mettant en place une stratégie de marketing reconnue, l’ « unique selling proposition », dans ce cas-ci, se déplacer à domicile pour rencontrer les inventeurs.

[80]           L’ensemble des témoignages démontre que le site Web de la Fédération est le principal moyen d’attirer des clients. Plusieurs témoins entendus racontent avoir consulté le site de la Fédération parce que celui est le premier ou l’un des premiers sur la liste des résultats obtenus par le moteur de recherche en entrant des mots-clés relatifs au brevet.

[81]           L’accusé admet que le site Web de la Fédération est délibérément conçu pour optimiser sa présence dans les résultats de recherche en multipliant les mots-clés dans celui-ci. L’accusé va même jusqu’à payer 127 000$ à Google entre le 1er janvier 2017 et le 1er février 2018 afin de s’assurer un placement élevé dans les résultats de recherche.

[82]           De plus, tout indique que la marge de profit sur les services offerts est importante. Ce qui est surprenant pour un  organisme, soi-disant, à but non lucratif, visant à aider les inventeurs à protéger leur invention « à des coûts très raisonnables ».

[83]           La preuve indique que l’accusé facture entre 695$ et 2400$ avant les taxes pour le service de « recherche internationale ». L’accusé effectue ces recherches lui-même, sans se verser de salaire, selon lui. Son rapport d’analyse fourni aux clients est très sommaire (dans la plupart des cas, les conclusions reposent sur une phrase qui semble être un « copié-collé » puisque la même erreur grammaticale est reproduite à plus d’une reprise). Dans la preuve produite, les recherches sont par ailleurs faites sur un moteur de recherche gratuit. Même si certaines recherches étaient faites grâce à un abonnement à Questel, par exemple, la marge de profit serait tout de même importante, vu les montants facturés.

[84]           Pour le service que l’accusé désigne comme étant « rédaction et dépôt d’un brevet provisoire », celui facture entre 1565$ et 2495$ avant les taxes. Il facture parfois en surplus des « taxes américaines » (100$ ou 200$). La preuve révèle que déposer une demande provisoire de brevet, comme l’accusé le fait, entraine des frais avoisinant 65$ américain payable à l’autorité compétente, auquel il faut ajouter les frais de courrier (méthode d’envoi privilégié par l’accusé). La seule preuve obtenue d’un « rédacteur » (M. GAGNON) démontre que celui-ci est payé entre 60$ et 200$ par demande de brevet (il en rédige plus de 400). L’accusé témoigne que dans certains cas, il fait la traduction vers l’anglais lui-même, dans d’autres cas il fait affaire avec des « traducteurs » qu’il paye 0,20$ ou 0,30$ le mot (au sujet des « traducteurs », il faut se fier uniquement à la parole de l’accusé qui est incapable d’en nommer un seul). Aucuns autres frais ne semblent requis pour livrer le service « rédaction et dépôt de brevet provisoire ». Il existe donc une marge de profit importante également.

[85]           Mais l’évaluation précise de ces marges de profit importe peu pour les fins du présent jugement puisque l’accusé admet en quelque sorte que la Fédération en fait et que ceux-ci servent à la construction  d’un bâtiment, le « Pavillon des inventeurs » au coût d’environ 1,3 million de dollars (alors que la Fédération déclare en fournitures de produits et services (chiffre d’affaires), entre le 1er avril 2016 et le 31 mars 2018, 1 488 605$, selon les déclarations  de TPS/TVQ produites par l’accusé D-36).

[86]           En étant unique administrateur et seul membre-votant de la Fédération, l’accusé décide unilatéralement de canaliser une très importante proportion de ces revenus vers la construction de ce bâtiment, qu’il présente comme étant un « Pavillon des inventeurs », dans la région de Shefford, un « lieu de discussion et d’échange, situé en pleine nature », « une magnifique vitrine pour les inventeurs » (P-150). Dans les faits, ce bâtiment, conçu par un architecte et un ingénieur, peut être qualifié de « maison ». Dès sa conception, il est prévu qu’il y aura trois chambres à coucher et des commodités telle une piscine intérieure. Ce bâtiment n’est jamais au service des « inventeurs ». L’accusé admet qu’il est aujourd’hui offert en location sur la plateforme Airbnb. Ce bâtiment n’y serait pas présenté comme étant un lieu de réunion ou de formation, mais plutôt comme une maison ou un « chalet ». L’accusé, lors de son témoignage indique qu’il est forcé de le transformer en « chalet » et l’offrir en location en raison de la mauvaise presse qui fait baisser les activités de la Fédération. Le Tribunal comprend cependant que peu importe l’usage précis que l’on en fait, ce bâtiment a depuis toujours certaines caractéristiques d’une maison d’habitation (chambres à coucher, salles de bain, etc.)

[87]           Mais ceci importe peu également, car ce bâtiment est construit sur un terrain appartenant au conjoint de l’accusé. En vertu d’une cession en emphytéose signée le 3 mai 2016 devant une notaire (P-153), le conjoint de l’accusé cède en emphytéose ce terrain à la Fédération (représentée par l’accusé, « son président et seul administrateur ») pour une durée de 20 ans. La Fédération s’engage, quant à elle, à « améliorer l’immeuble à un coût de réalisation qui ne devra pas être moindre que » 100 000$. Les améliorations dont il est question sont décrites ainsi : « les constructions, les ouvrages à caractère permanent détaillés aux plans ci-annexés» d’un architecte et d’un ingénieur. Il s’agit en fait du bâtiment que l’accusé appelle « Pavillon des inventeurs ». Or, la même cession en emphytéose prévoit que la Fédération devra remettre au conjoint de l’accusé, « à la fin de l’emphytéose et sans compensation aucune, l’ensemble immobilier en bon état et libre tous baux, de toute charge et de toute hypothèque ainsi que toute autre amélioration à l’immeuble qui aurait pu être réalisée par » la Fédération.

[88]           Autrement dit, la Fédération des inventeurs du Québec, entièrement et uniquement contrôlée par l’accusé, construit, avec une bonne partie des revenus générés, au coût d’environ 1,3 million de dollars, un bâtiment qui a les caractéristiques d’une maison sur le terrain de son conjoint. Pendant, la durée de l’emphytéose, la Fédération, donc l’accusé puisqu’il est seul dans cet organisme, dispose et jouit « de tous les droits attachés à la qualité de propriétaire » de l’immeuble (terrain et bâtiment). À l’expiration de l’emphytéose (le ou vers le 3 mai 2036), le conjoint de l’accusé se voit remettre l’ensemble immobilier (terrain et bâtiment) et en demeure propriétaire.

[89]           En langage encore plus clair, ceci signifie que pendant la durée de l’emphytéose, l’accusé dispose et jouit d’un terrain et d’un bâtiment construit au coût de 1.3 million de dollars, payé à même les sommes qu’il perçoit personnellement auprès des clients qui achètent ses services. À l’expiration de l’emphytéose, c’est son conjoint qui récupère tous les droits attachés à la qualité de propriétaire de l’immeuble (terrain et bâtiment).

[90]           Dans ce contexte, prétendre, comme le fait l’accusé, que la Fédération des inventeurs du Québec est un « organisme » ou un « regroupement » sans but lucratif est, objectivement, un acte malhonnête.

 

3.4.1.4 La Fédération des inventeurs du Québec n’est pas « associée au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec »

[91]           Dans la section du site Web décrivant les services offerts par la Fédération des inventeurs du Québec, il y a une section « services juridiques ». On y précise : « Afin de vous conseiller, la Fédération s’est associée au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec ». Cette association entre la Fédération et un réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec n’existe pas.

[92]           Les explications de l’accusé à ce sujet sont également un exemple de la façon dont il déforme le sens des mots jusqu’à atteindre l’absurde. Selon lui, il ne fait pas de fausse publicité au sujet des « services juridiques ». Pour lui, l’ « association » au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec se concrétise par le fait qu’il a accès à la liste des avocats exerçant dans le domaine de la propriété intellectuelle offerte sur le site Web accessible au public de l’OPIC, un organisme gouvernemental. C’est donc dire, si on suit sa logique, que tous les membres du public ayant accès à l’Internet sont de facto (pour reprendre une expression chère à l’accusé) associés au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec.

[93]           Cette explication est la même que l’accusé fournit lorsqu’il est questionné sur le même sujet lors d’un interrogatoire au préalable tenu dans le cadre d’une action collective le 20 février 2020.

[94]           Dans le présent procès, il ajoute une seconde explication, omise lors de l’interrogatoire au préalable, mais au résultat tout aussi absurde : il considère que la Fédération est associée au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec par le fait qu’il est personnellement membre de la National Association of Patent Practitioners (NAPP). Il produit des reçus de paiement de frais d’adhésion à cette association faits au nom de William Varin (le Tribunal reviendra ultérieurement sur cette utilisation du prénom William par l’accusé) (D-33). La NAPP est une association basée aux États-Unis qui réunit, son nom l’indique, des « patent practitioners », ce que l’accusé n’est pas. La pièce D-33, semble indiquer que le site Web de la NAPP donne accès à une liste de « patent practitioners » basés aux États-Unis. Dans la même pièce (D-33), l’accusé dépose ce qui semble être un répertoire d’agents de brevet dont les bureaux sont situés au Québec. Ce répertoire provient du site Web de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada (IPIC).

[95]           La seule conclusion logique est que l’information contenue sur le site Web de la Fédération voulant que cette dernière « s’est associée au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec » est tout simplement fausse. Une telle association n’existe pas. Une personne raisonnable viendrait à la conclusion que les explications fournies par l’accusé à ce sujet sont une telle déformation du sens des mots qu’elles deviennent malhonnêtes.

[96]           Mais le site Web de la Fédération, dans la section « services juridiques », va plus loin. Immédiatement après avoir vanté cette association avec le meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec, il est indiqué que les « membres bénéficient de nombreux avantages sur les services juridiques, tels que : Consultation gratuite de 30 minutes par dossier, lettres de mises en demeure gratuites, 30% de rabais sur les honoraires d’avocats en droit de la propriété intellectuelle, 15% de rabais sur les honoraires en droit fiscal et droit des affaires, préparation de dossiers juridiques, des contrats types et documents légaux pour les inventeurs, et plus encore… »

[97]           Toute personne raisonnable peut croire, dans la suite logique du déroulement du texte, que c’est grâce à cette « association » entre la Fédération et le meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec  que les membres pourront profiter de ces gratuités et rabais.

[98]           Et même si aucun lien n’est fait avec l’association à un réseau d’avocats, il n’en demeure pas moins que la Fédération offre des services juridiques gratuits ou des rabais sur les honoraires d’avocats.

[99]           L’accusé témoigne que de telles situations ne se présentent jamais. Il ne recommande aucun avocat à des clients. Il préfère qu’ils les choisissent eux-mêmes (il a pourtant accès au meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec, selon ses prétentions). Ce qu’il aurait fait, si la situation s’était présentée, c’est de rembourser les frais d’une mise en demeure ou offrir des remboursements équivalents à 30% ou 15% des honoraires facturés par un avocat choisi par le client. Encore une fois, l’accusé déforme le sens des mots, ce que le site de la Fédération offre ce sont des « services juridiques » fournis grâce à une « association » avec le meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec, des consultations et des lettres de mise en demeure gratuites et des rabais sur les honoraires. Gratuité et rabais n’ont pas le même sens que remboursement. Nulle part, il n’est inscrit sur le site qu’un remboursement des honoraires de l’avocat choisi par le « membre » est offert. Ce n’est pas du tout le sens des mots choisis dans la rédaction du site Web de la Fédération. Il serait par ailleurs surprenant qu’en échange d’une adhésion au coût de 95$, un « membre » puisse bénéficier du remboursement d’une consultation de 30 minutes avec l’avocat de son choix, de la rédaction de lettres (au pluriel) de mise en demeure en plus d’un remboursement de 30% des honoraires facturés en droit de la propriété intellectuelle et 15% en droit fiscal et des affaires par les avocats de son choix, et ce, sans limite. Il s’agirait d’une excellente affaire pour le « membre », une beaucoup moins bonne pour la Fédération. Il n’est donc pas surprenant que cette possibilité ne soit jamais réellement offerte par l’accusé.

[100]       Malgré l’offre faite sur son site Web, la Fédération, c’est-à-dire l’accusé, ne livre jamais de « services juridiques », que ce soit en recommandant un avocat provenant du meilleur réseau d’avocats spécialisés en propriété intellectuelle au Québec, en offrant des consultations gratuites, des rédactions de mise en demeure gratuite, des rabais sur les honoraires ou même des remboursements d’honoraires.

[101]       Pourtant l’accusé, qui n’est pas avocat, ne se gêne pas pour donner lui-même des conseils à des clients sur la protection de leur propriété intellectuelle. Conseils, bien souvent mal avisés, qui ont des conséquences juridiques bien réelles pour certaines de ces personnes, le Tribunal y reviendra.

 

3.4.1.5 L’accusé diffuse d’autres informations trompeuses au sujet de la Fédération des inventeurs du Québec

[102]       Il doit être aussi noté que plusieurs autres renseignements contenus sur le site Web de la Fédération sont trompeurs ou faux. Ces faussetés démontrent également que la Fédération n’est pas ce que l’accusé prétend qu’elle est.

[103]       Le site Web de la Fédération affiche une section « Reconnaissance & Partenaires ». D’abord, malgré le titre, aucune « reconnaissance » que la Fédération aurait reçue n’est décrite dans cette section.

[104]       Restent donc les partenariats. Le site Web fait d’abord état de ceci : « La Fédération des Inventeurs du Québec est membre d’importantes organisations internationales […] qui ont pour mission la défense des droits de la propriété intellectuelle ». Deux logos sont ensuite reproduits sur le site. Le premier de la NAPP. Comme mentionné, l’accusé produit des reçus de paiement de frais d’adhésion à cette association faits au nom de William Varin (D-33). Les reçus indiquent des frais annuels d’adhésion. William Varin paye pour une adhésion annuelle le 14 octobre 2014, le 7 mai 2017, le 29 mai 2018 et le 17 juin 2019. Le second logo est celui de la « International Property Owners Association » (IPO). L’accusé produit des courriels (D-35) démontrant, semble-t-il, une adhésion à cette association datant du 30 décembre 2014 au nom de « William ». Aucune période de validité de l’adhésion n’est par ailleurs indiquée.

[105]       À noter que ce n’est pas la Fédération des inventeurs du Québec qui est membre de ces organisations, contrairement à ce qui est indiqué sur le site Web. Au mieux, le Tribunal peut conclure que c’est l’accusé qui en est membre sous le nom « William Varin ». Aucune preuve n’indique qu’il est membre de ces associations à la date de capture du site Web (8 février 2017, P-121 et P-121a).

[106]       Le site Web fait également état dans la section «  Reconnaissance et Partenariats » d’une « entente avec Questel », un outil de recherche donnant « accès à plus de 100 bases de données de bureaux de brevets dans le monde ». Il est de plus indiqué que ces bases de données sont « essentielle (sic) pour vérifier si votre invention ou idée est unique » (notre italique).

[107]       L’accusé dépose, afin de démontrer que ce « partenariat » existe vraiment, un contrat d’abonnement entre Questel et la Fédération des Inventeurs du Québec, représenté par Christian Varin, « managing director » (D-34). La date du début de l’abonnement est le 1er juin 2017 et la période de validité est de 6 mois. Contrairement à ce qui y est indiqué sur le site Web de la Fédération, un tel abonnement n’existe donc pas à la date de sa capture (8 février 2017, P-121 et P-121a). L’accusé témoigne qu’il a accès aux banques de données de Questel avant le 1er juin 2017, en vertu d’une entente verbale lui permettant d’avoir une période d’essai gratuite convenue avec un certain Benjamin Dez. Étrangement, les courriels produits par l’accusé, accompagnant le contrat d’abonnement (D-34), entre lui et des représentants de Questel, dont Benjamin Dez, ne font aucunement état d’une période d’essai gratuite en 2017. Au contraire, l’un des représentants de Questel réfère à une première offre payante faite à l’accusé en 2015 par Benjamin. Il offre à l’accusé de conclure en mai 2017 un contrat aux mêmes conditions que l’offre de 2015 (2000$ pour les 6 premiers mois et 1750$ pour les 6 mois suivants, si l’accusé souhaite renouveler).

[108]       Étrangement également, l’ensemble des résultats de recherche de brevets effectuée par l’accusé déposés en preuve démontre qu’il les obtient sur la base de donnée « Worldwide » dont l’accès est gratuit, et ce, entre juin 2015 et juin 2018 (P-116 28 juin 2015, P-63 9 octobre 2015, P-104 27 novembre 2015, P-79 22 décembre 2015, P-67 18 avril 2017, P-76 18 décembre 2017 et P-109 4 juin 2018).

[109]       Vu l’absence totale de crédibilité de l’accusé, la seule inférence raisonnable qui peut être tirée de la preuve est qu’un « partenariat » avec Questel n’existe pas à la date de capture du site Web (8 février 2017, P-121 et P-121a).

[110]       Finalement, toujours dans la section « Reconnaissance & Partenaires », on retrouve le logo de la Fondation canadienne de l’innovation et une description de cet organisme. L’accusé convient qu’il n’existe, en aucun moment, un partenariat entre cette fondation et la Fédération des inventeurs du Québec. D’ailleurs, cette fondation somme la Fédération à un certain moment de cesser l’utilisation de son logo sur son site. L’accusé retire par la suite la mention de cette fondation et son logo du site Web de la Fédération. Il explique que ses intentions sont, à l’époque de la conception du site, de recommander cette fondation aux inventeurs. Le logo et la description de la Fondation canadienne de l’innovation sont cependant bel et bien dans la section « Reconnaissance & Partenaires » du site Web. Leur présence à cet endroit est trompeuse, puisqu’il n’existe pas de partenariat entre la Fédération des inventeurs du Québec et la Fondation canadienne de l’innovation.

[111]       Le site Web de la Fédération, à un certain moment, l’accusé l’admet, présente le témoigne d’un certain Simon Bédard « entrepreneur & inventeur » ayant fait affaire avec la Fédération des inventeurs du Québec (P-155). Son témoignage se lit ainsi : « J’ai reçues (sic) à la fédération un appui (sic) pour me permettre de protéger mon invention. Ils ont pris le temps pour (sic) me donner une foule de conseils sur les brevets ». Le texte est accompagné d’une capsule vidéo. Simon Bédard est en fait Simon Bédard Varin, le fils de l’accusé. Il n’est jamais fait mention qu’il s’agit du fils de l’accusé, la seule personne ouvrant à la Fédération des inventeurs du Québec, son fondateur, administrateur, directeur, expert en gestion de brevet et de marque de commerce, représentant, conseiller en brevet et coordonnateur. La troisième personne du pluriel est utilisée pour désigner les personnes à la Fédération qui lui fournissent des conseils.

[112]       Le témoin M. CROTEAU explique également qu’hésitant à faire affaire avec la Fédération, l’accusé lui suggère de parler avec un ancien client satisfait de ses services. Simon Bédard Varin le contacte en se présentant comme étant « Simon Bédard ». Il lui dit que l’accusé est un « bon monsieur », qu’il lui a donné « un bon service ». Jamais « Simon Bédard » ne lui mentionne être le fils de l’accusé. Jamais l’accusé ne dit à M. CROTEAU que « Simon Bédard » est son fils. M. CROTEAU décide par la suite de retenir les services de l’accusé pour obtenir un brevet. Ce n’est que plus tard qu’il apprend que « Simon Bédard » est le fils de l’accusé. Ce dernier se défend en disant que « Simon Bédard » est le nom habituellement utilisé par son fils qui choisit d’abandonner le nom « Varin ».

[113]       Comme préalablement indiqué, le site Web de la Fédération contient une section « Fond (sic) d’aide inventeur Québec ». La preuve révèle que les inventeurs ne bénéficient pas d’une véritable aide financière de la part de la Fédération, les revenus engendrés par la vente de service ou de frais d’adhésion sont plutôt canalisés vers la construction du « Pavillon des inventeurs ».

[114]       Pourtant, la version du site Web de la Fédération capturée le 8 février 2017 (P-121a) indique que la « Fédération remet dans le fond un pourcentage de 5% sur l’ensemble de ses revenus de cotisations et de service. Déjà 15 700$ en bourse sont disponibles pour la prochaine année ». Les critères d’admissibilité y sont détaillés. Étrangement, en février 2017, le site Web indique que la date limite pour déposer son dossier de candidature est « le 18 novembre 2016 avant 16h ». Encore une fois, l’outil de marketing est efficace pour attirer la clientèle, il ne se base cependant sur rien de réel.

[115]       La version du site Web datée du 5 novembre 2017 (P-151), reconnue par l’accusé, montre des changements à la section « Fond (sic) d’aide inventeur Québec ». L’accusé n’indique plus les montants en bourse disponibles pour la prochaine année. Cependant, l’accusé y présente maintenant les « derniers inventeurs à avoir reçu le fond (sic) d’aide ». Il cite : « Paul Tscahappat (sic), 11 497,50$, avril 2017 », « Jean-François Horth, 3219,30$, mars 2017 » et « Edouard Fugier, 1380,12$, mars 2017 ». Il s’agit de fausses informations. Au moins deux de ces personnes ne sont pas les bénéficiaires d’une bourse ou d’une autre forme d’aide financière. Ils concluent plutôt avec l’accusé des contrats de vente et d’installation de matériels destinés au « Pavillon des inventeurs ».

[116]       M. Paul TSCHAPPAT témoigne que jamais il ne dépose sa candidature auprès de la Fédération afin de recevoir une bourse ou bénéficier d’un fonds d’aide. Jamais, on ne lui indique qu’il est le bénéficiaire d’une telle aide financière. En fait, il ignore tout d’un fonds d’aide tel que celui décrit sur le site Web. Son seul lien avec le montant de 11 497,50$ indiqué comme étant le montant qu’il reçoit à titre de « fond (sic) d’aide » sur le site Web est qu’il facture ce montant à l’accusé, en mai 2017, pour la conception, la construction et l’installation d’une plateforme pliable servant à recouvrir la piscine intérieure du « Pavillon des inventeurs » à Shefford, afin d’en faire un plancher pour une salle de conférence (P-95). Il ne livre finalement jamais cette plateforme. Le contrat est résilié en août 2018 à la demande de l’accusé.

[117]       M. Jean-François HORTH témoigne qu’il fait affaire avec l’accusé pour une demande de brevet pour son invention, une toilette « sans odeur ». Quand on lui montre, la capture du site Web de la Fédération indiquant qu’il est bénéficiaire d’ « un fond (sic) d’aide » de 3219,30$, il indique de ne pas avoir connaissance de cela. Il ne dépose jamais sa candidature à la Fédération pour obtenir une aide financière. Son seul lien avec un montant de 3219,30$  est qu’il facture la Fédération des inventeurs du Québec de ce montant en avril 2017 pour la vente de quatre toilettes « sans odeur » qu’il installe dans le « Pavillon des inventeurs » à Shefford à la demande l’accusé.

[118]       « Edouard Fugier » ne témoigne pas.

[119]       L’accusé témoigne que les montants accumulés (5% des revenus de la Fédération) pour le « Fond (sic) d’aide » sont plutôt dirigés, à un certain moment, vers des « projets spéciaux ». Il cite le « Pavillon des inventeurs » comme un « projet spécial ». Il explique ainsi la présence des personnes devant fournir du matériel pour le « Pavillon des inventeurs » dans la section des bénéficiaires du « Fond (sic) d’aide ». Encore une fois, ces explications sont une telle déformation du sens des mots qu’elles atteignent l'absurde.

[120]       D’abord, Paul Tschappat et Jean-François Horth sont présentés tout simplement comme des bénéficiaires de l'aide financière : « Voici les derniers inventeurs à avoir reçu le fond (sic) d’aide ». Ils ne sont aucunement présentés comme des contributeurs au « projet spécial » que serait le « Pavillon des inventeurs ».

[121]       Ensuite, si on suit la logique de l’accusé, le véritable bénéficiaire des sommes accumulés pour le « Fonds (sic) d’aide » est le « Pavillon des inventeurs », mais il convient par ailleurs que la vaste majorité des revenus générés par la Fédération est allée dans la construction du « Pavillon des inventeurs », pas seulement 5% mais quelque 1,3 million de dollars sur les 1 488 605$ de chiffre d’affaires déclaré. Si les sommes accumulées pour le fonds d’aide sont plutôt dirigées vers le « projet spécial » qu’est le « Pavillon des inventeurs », ceci signifie que l’accusé et son conjoint sont les ultimes bénéficiaires de ces montants.

 

3.4.1.6 Conclusion sur les prétentions de l’accusé au sujet de la Fédération des inventeurs du Québec

[122]       Le Tribunal conclut, hors de tout doute raisonnable, que toute cette publicité et toutes ces informations transmises par l’accusé au sujet de la Fédération des inventeurs du Québec, dans le but d’attirer des clients, sont constituées de supercheries, mensonges et autres moyens dolosifs.

[123]       L’offre de service de l’accusé, faite sous le couvert de la Fédération qui ne cache que lui, est en compétition directe avec ce qui offert par les bureaux d’avocats et agents de brevet. Le site Web de la Fédération l’indique sans détour : « Nous offrons les services de recherche internationale, de rédaction et le dépôt de brevet », « Afin de protéger leur invention, les inventeurs doivent assumer des coûts faramineux auprès de bureaux d’avocats ou d’agences de brevet », « notre fondateur a eu l’idée de concevoir un organisme sans but lucratif, qui permet enfin à tous les inventeurs d’obtenir leurs brevets canadiens, américains et internationaux à une fraction des prix chargés par les agences de brevet conventionnelles. » (nos italiques)

[124]       C’est l’essence de ce qui est offert également par l’accusé aux inventeurs lors de leur première rencontre lorsqu’il leur présente ses cartons explicatifs « Mon premier brevet » (D-1).

[125]       L’accusé n’est pas un agent de brevet. Il n’y a pas d’agent de brevet à la Fédération. Ainsi, ni l’accusé ni sa Fédération ne permet à un inventeur d’obtenir un brevet. Selon la preuve entendue, cela ne s’est jamais réalisé d’ailleurs. Seuls les agents de brevet ou les inventeurs eux-mêmes peuvent transiger avec les autorités compétentes canadiennes et américaines dans le but d’obtenir la délivrance d’un brevet. Tout ce que fait l’accusé, c’est de déposer des demandes de brevet (presque exclusivement des demandes provisoires) au nom des inventeurs. Selon l’expert, au Canada, un tiers peut « poser le geste » de déposer une demande de brevet. Aux États-Unis, même cette action est réservée aux agents de brevet.

[126]       Même en acceptant que l’accusé puisse « accompagner » les inventeurs dans le dépôt de leur demande de brevet en les conseillant, en participant à la rédaction de la demande et en remplissant les formulaires pour eux, encore faut-il qu’il ait la compétence qu’il prétend avoir pour accomplir de tels actes. Sinon, il s’agit encore de manœuvres frauduleuses visant à obtenir la confiance de clients qui lui confieront un mandat de rédiger et déposer pour eux une demande de brevet.

[127]       L’accusé prétend sur le site Web de la Fédération avoir une expertise « en gestion de brevet et de marque de commerce », il agit comme si c’est le cas dans ses interactions avec les témoins entendus, il se présente comme « conseiller en brevet ». Il prétend mettre à la disposition des inventeurs « une équipe d’experts en gestion de brevet & de propriété intellectuelle ». Lors de son témoignage, il s’efforce de convaincre le Tribunal de son expertise en protection de la propriété intellectuelle.

[128]       Qu’en est-il ? Est-ce vrai ? Ou s’agit-il encore de déclarations trompeuses servant à attirer des clients et leur soutirer de l’argent ?

 

3.4.2 L’accusé n’a pas d’expertise « en gestion de brevet et de marque de commerce » et il n’est pas entouré d’une équipe de « professionnels » et « d’experts en gestion de brevet et de propriété intellectuelle »

3.4.2.1 La fondation de la prétendue expertise de l’accusé : son expérience professionnelle

[129]       D’abord, l’accusé se présente sur le site Web de la Fédération comme une personne « œuvrant, depuis plus de 34 ans comme Chef des Opérations (COO) dans plusieurs entreprises du secteur de l’innovation technologique ». Lorsque son parcours professionnel est détaillé lors de son témoignage, on s’aperçoit rapidement que cette affirmation est au mieux une exagération de la réalité. Il ne possède pas réellement le titre de « chef des opérations » pendant plus de 34 ans. Dans la plupart des cas, il se confère « de facto » lui-même ce titre, car il croit que les tâches qu’il accomplit au sein de ces différentes entreprises sont celles d’un « chef des opérations ». Cet embellissement des faits n’est pas en soi déterminant pour établir que sa prétendue expertise est une information trompeuse.

[130]       Ce qui est beaucoup plus pertinent pour les fins du présent jugement, c’est d’analyser la façon dont l’accusé décrit lui-même l’expérience professionnelle l’ayant mené à développer une expertise « en gestion de brevet et de marque de commerce »

[131]       L’accusé, dans la portion du site Web de la Fédération où il se présente comme en étant son fondateur, fournit en partie la source de son expertise : « Par son expérience Christian Varin reconnait l’importance et l’avantage de protéger une invention. En 2005, alors qu’il était le cofondateur de Voxlib Inc, il a financé le dépôt de son brevet dans un grand bureau d’avocat au coût de 22,000 dollars. Ce brevet lui a permis de remporter des financements de capital de risque de 15 million (sic) de dollars ». (nos italiques)

[132]       Dans cet extrait, il est d’abord intéressant de noter que l’accusé utilise la première personne du singulier : « il a financé, son brevet, ce brevet lui a permis » d’obtenir du financement de 15 millions de dollars, alors que lorsqu’il témoigne dans le présent procès, l’accusé utilise plutôt abondamment le pluriel pour parler des activités de la Fédération alors qu’il s’y trouve seul.

[133]       Ensuite, lorsque cette expérience en matière de brevet est revisitée en contre-interrogatoire, le Tribunal apprend plutôt que l’accusé n’est pas seul dans cette aventure d’obtention de brevet et il ne remporte pas personnellement un financement de 15 millions de dollars. Mais surtout, ce n’est pas son brevet. L’accusé n’est propriétaire d’aucun brevet, il l’admet aujourd’hui. Sa seule implication serait de travailler, autour de 2005, sur une seule demande de brevet, de plusieurs qu’auraient obtenus Voxlib inc. ou d’autres personnes associées à cette compagnie. Il n’est jamais désigné comme « inventeur » ou « propriétaire » du brevet.

[134]       Lorsque le procureur de la poursuivante lui présente un document intitulé « Pétition pour l’octroi d’un brevet » provenant de l’OPIC (P-152), l’accusé reconnait son écriture et donc que ce formulaire est complété par lui. Il semble qu’il s’agit bien d'une demande pour le brevet en question. Voxlib inc. est désigné par l’accusé comme étant le demandeur et l’inventeur. Le titre de l’invention est «  Method and apparatus for dynamically establishing links between communication channels ». Le demandeur revendique une date de priorité en se rapportant à une demande antérieure présentée aux États-Unis portant le numéro 11,145,957. Une demande américaine portant le même numéro est reconnue par l’accusé (P-154), l’invention porte le même titre, mais les inventeurs sont désignés comme étant David Ménard et Éric Reiher. Selon l’accusé, ils sont associés dans la compagnie Voxlib inc. et il s’agirait des réels propriétaires du brevet.

[135]       Le fait le plus pertinent pour les fins du présent jugement contenu dans ces documents est que dans le formulaire soumis aux autorités canadiennes rempli par l’accusé (P-152), il se désigne personnellement pour représenter le demandeur au Canada « conformément à l’article 29 de la Loi sur les brevets ». Il fournit son adresse résidentielle. Aucun agent de brevet n’est par ailleurs nommé par le demandeur. Fait intéressant, l’accusé n’a pas réellement de rôle dans cette demande. Il n’y a aucun endroit dans le formulaire où il peut inscrire son nom est son adresse. Il choisit donc de le faire à cet endroit.

[136]       Or, l’article 29 de la Loi sur les brevets, en vigueur à l’époque où cette demande est présentée, prévoit :

Demandeur non-résident

  • 29 (1) Le demandeur de brevet qui ne semble pas résider ou faire des opérations à une adresse spécifiée au Canada désigne, à la date de dépôt de sa demande, une personne ou une maison d’affaires résidant ou faisant des opérations à une adresse spécifiée au Canada pour le représenter.

[137]       L’adresse du demandeur Voxlib inc. est au Canada, il n’a donc pas à désigner une personne résidant au Canada. Le fait que l’accusé inscrit son nom et son adresse à cet endroit dans le formulaire démontre qu’il ne connait ni la Loi sur les brevets ni la véritable procédure applicable pour demander un brevet. Faut-il rappeler que l’accusé appuie sur cette expérience une grande partie de sa prétention qu’il a une expertise « en gestion de brevet » ? De plus, cette volonté affichée par l’accusé de mettre son nom à tout prix sur une demande de brevet, alors qu’aucun espace n’est prévu pour une personne qui n’est ni le demandeur ni un agent de brevet, se répète dans plusieurs formulaires de demande provisoire de brevet complétés par lui et déposés en preuve dans le présent procès. Elle démontre tout autant l’incompétence de l’accusé en « gestion de brevet »,  le Tribunal y reviendra.

[138]       Cette histoire de l’obtention de son brevet qui lui a permis d’avoir 15 millions de dollars de financement, qui est en fait une distorsion de la réalité, est présentée directement par l’accusé à de futurs clients pour les mettre en confiance.

[139]       L’accusé remet à M. BOUDREAU, lors de leur première rencontre, un document intitulé « Mission du fondateur » (P-41) qui reprend cette histoire.

[140]       Il est intéressant également de noter comment cette histoire semble se transformer et quelle impression elle laisse chez  certains clients.

[141]       M. MOREAU, un témoin, faut-il le répéter, présenté par l’accusé en défense, se rappelle que ce dernier lui raconte son histoire. Son souvenir est que l’accusé est quelqu’un qui a réussi dans la vie. Il est propriétaire, à un certain moment, d’une entreprise qu’il vend pour quelques millions de dollars (l’accusé prétend plutôt lors de son témoignage être en mesure de travailler bénévolement pour la Fédération grâce à un héritage). Il explique ses difficultés à obtenir son premier brevet quand il se lance en affaire. Il paye 20 ou 30 000$ de sa poche pour ce brevet. De là lui vient l’idée de fonder la Fédération. Ce n’est pas tout à fait l’histoire racontée sur le site, encore moins celle qui se dessine lorsque l’accusé témoigne.

[142]       Lors d’une rencontre dans un restaurant avec Mmes SÉVIGNY et DESMARTEAU-CUMMINGS,  l’accusé leur dit avoir fait des inventions avec son frère William, une affaire de télécommunication, et que c’est à partir de cela qu’il a l’idée de fonder la Fédération pour aider les autres inventeurs. Sur un enregistrement subreptice fait par ces témoins (P-101), Mme SÉVIGNY lui demande si son frère William est à la Fédération. L’accusé répond : « Non, il n’est pas à la Fédération ». L’accusé n’a pas de frère William. L’accusé est William VARIN. Il s’agit de son deuxième prénom, qu’il utilise parfois en remplacement de Christian. Cet extrait est très révélateur. Il confirme que l’accusé mentionne bel et bien avoir un frère nommé William dans une rencontre antérieure avec ces témoins. Quand Mme SÉVIGNY lui demande si son frère William est à la Fédération, l’accusé ne la corrige pas, il continue de prétendre qu’il a un frère nommé William lorsqu’il répond qu’il n’est pas à la Fédération.

[143]       Vu le manque flagrant de crédibilité de l’accusé, il est impossible de s’appuyer sur sa parole au sujet de ses expériences professionnelles pour déterminer s’il est oui ou non un expert « en gestion de brevet et marque de commerce » comme il le prétend. Il faut donc se tourner vers ses résultats pour le déterminer.

[144]       Aucun témoin habilité à fournir une opinion sur la qualité du travail effectué par l’accusé et les quelques pigistes engagés par lui n’est entendu lors du présent procès. L’expert entendu rend un témoignage général sur le processus et le droit applicable en matière de brevet.

[145]       Comme mentionné, certains témoins entendus lors du procès émettent de telles opinions, basées sur leur propre expérience acquise subséquemment ou sur des commentaires reçus d’un avocat, agent de brevet ou autre personne versée dans ce domaine. Ces portions de témoignage, où de telles opinions sont exprimées, ne sont pas admissibles en preuve.

[146]       Le Tribunal peut cependant analyser la preuve entendue, la preuve factuelle, pour arriver à la conclusion que l’accusé fait de fausses affirmations sur sa propre expertise et celle de son « équipe ».

[147]       En fait, la preuve établie hors de tout doute raisonnable que l’accusé soit ne sait pas ce qu’il fait, soit qu’il le sait, mais qu’il ment à ses clients sur les réels effets juridiques de ses actions, lorsqu’il dépose des demandes provisoires de brevet. La situation est encore plus problématique lorsqu’il reçoit le mandat de déposer des demandes de brevet qui ne sont pas provisoires (ce qu’il appelle des « brevets permanents » et ce que l’expert entendu décrit comme étant une « demande complète »), il est tout simplement incapable d’obtenir des brevets et l’analyse de l'ensemble de la preuve permet de tirer l’inférence qu’il n’a jamais réellement l’intention d’obtenir des brevets pour ses clients.

 

3.4.2.2 Le service offert par l’accusé de « rédaction et dépôt de brevet provisoire »

[148]       D’abord, il doit être noté que l’accusé désigne toujours la demande provisoire de brevet comme étant un « brevet provisoire ». Une telle chose n’existe pas. Les autorités compétentes ne délivrent pas de « brevet provisoire ». Ces demandes ne sont pas examinées.

[149]       Comme expliqué par l’expert, tout ce que le dépôt d’une demande provisoire permet éventuellement d’obtenir, c’est une date de priorité qui pourra être revendiquée après la délivrance du brevet. Encore faut-il faire suivre la demande provisoire par une demande complète dans les 12 mois de la date de réception par le bureau américain des brevets et que le brevet soit effectivement un jour délivré par l’autorité compétente. Sans la présentation d’une demande complète et la délivrance d’un brevet par une autorité compétente, la demande provisoire est inutile.

[150]       Il est vrai, l’expert en convient, que plusieurs personnes désignent à tort, la demande provisoire de brevet comme étant un « brevet provisoire ».

[151]       La même erreur commise par l’accusé pourrait être sans conséquence, mais ce n’est pas le cas.

[152]       Ce que facture l’accusé pour le dépôt d’une demande provisoire de brevet est désigné : « Rédaction et dépôt du brevet provisoire » ou « Traduction et dépôt du brevet provisoire. Il demande entre 1565$ et 2495$ avant les taxes (P-8, P-22, P-43, P-80, P-98, P-105, P-110, P-117, P-126, P-149, D-26). Il facture quelquefois une « taxe de brevet », « une taxe de brevet américain » ou « une taxe américaine » (P-8, P-80, P-98, P-105, P-117).

[153]       Il présente ensuite aux clients l’accusé de réception de la demande provisoire reçu des autorités américaines comme étant leur « brevet provisoire » (P-20, P-24, P-28, P-85, P-89, D-16). Or ce document n’est rien de plus qu’un accusé de réception (« filing receipt »).

[154]       Après, certains clients croient sincèrement que leur invention est maintenant protégée par un brevet délivré par une autorité compétente. Les exemples suivants démontrent que ce sont les affirmations de l’accusé qui les amènent à croire cela ou à tout le moins son silence lorsque ceux-ci sont manifestement dans l’erreur.

[155]       Le témoin M. TREMBLAY, qui après avoir payé et terminé la rédaction de la demande provisoire de brevet, écrit à l’accusé dans un courriel : « J’aimerais savoir si vous avez eu des nouvelles du bureau américain concernant la demande de brevet que nous avons déposé à la fin du mois de janvier (ou au début du mois de février?). Aucune nouvelle depuis… Dans le cas où vous attendez toujours le verdict, j’aimerais savoir si vous comptez me contacter pour me confirmer lorsque le brevet sera accordé » (nos soulignements). Il est clair que la compréhension du processus par le témoin TREMBLAY à ce moment est que le bureau américain va délivrer un brevet, qu’il peut accepter ou refuser de le faire. L’accusé ne le corrige pas. Au contraire, il répond le lendemain : « Voici enfin ton brevet provisoire pour ton invention ». Il joint la pièce P-133 qui est seulement un accusé de réception établissant la date officielle de réception  filing date ») de la demande provisoire de brevet.

[156]       Le témoin M. LEBEL (P-7) mandate l’accusé pour déposer une demande provisoire de brevet le 23 février 2016. Il n’a pas de nouvelles par la suite. Il relance l’accusé le 22 mars 2016, puis le 28 mars 2016. Ce jour-là, l’accusé répond que « la première version du brevet » doit être envoyée cette semaine. Le 4 avril 2016, l’accusé écrit à LEBEL : « voici la rédaction de votre brevet. Me confirmer que cela représente bien votre invention ». Il envoie la rédaction d’une demande pour une autre invention (ne respectant pas la confidentialité de l’autre dossier). Il envoie le bon fichier le 6 avril 2016. M. LEBEL fait des modifications qu’il envoie le jour même. M. LEBEL demande ensuite où en sont les démarches pour le « brevet provisoire ». Il en a besoin cette semaine (20 avril 2016). Il relance l’accusé le 26 mai 2016, puis le 9 juin 2016. M. LEBEL trouve que les délais sont anormalement longs. L’accusé répond le 10 juin 2016 : «  je vérifie cela et te reviens lundi là-dessus » (alors qu’il n’a toujours pas déposé la demande, voir P-10b). Il ne répond pas le lundi suivant. Le 21 juin 2016, M. LEBEL s’impatiente. Il écrit qu’il a besoin de façon urgente de « l’original de notre brevet ». L’accusé lui envoie une lettre de confirmation pour qu’il l’utilise avec des partenaires potentiels et une agence de marketing. La lettre, signée par l’accusé et datée du 4 juillet 2016, contient des faussetés (P-9) : « La présente est pour vous confirmer que Monsieur Stéphane Lebel est en processus finale (sic) pour l’obtention d’un brevet provisoire Américain (sic) pour son invention. Nous recevrons bientôt  du « United States Patents Office » un numéro de brevet confirmant la délivrance du brevet provisoire par le gouvernement Américain (sic)» (nos italiques). Dans cette lettre, l’accusé ment ou démontre son incompétence la plus complète dans la « gestion des brevets ». Il n’y a pas de processus final. On dépose simplement une demande provisoire. On n’obtient pas de brevet provisoire et le USPTO ne délivre pas de brevet provisoire ni de numéro de brevet en confirmant la délivrance. Un numéro figure en effet sur l’avis de réception (« filing receipt »). Il s’agit d’un numéro attribué simplement pour identifier la demande provisoire (« application number ») et peut être utile pour référence future. Mais le pire dans cette lettre est qu’au moment où l’accusé la rédige et qu’il l’envoie à M. LEBEL pour son utilisation auprès de partenaires éventuels, la demande provisoire de brevet n’est pas encore déposé auprès de l’autorité américaine (P-10b démontre que l’accusé signe le formulaire de demande provisoire de brevet seulement le 11 août 2016, la date de dépôt de la demande (« filing date ») reconnu par le USPTO est le 15 août 2016). Ceci signifie que l’invention de M. LEBEL n’est aucunement protégée lorsque l’accusé lui rédige une lettre à utiliser avec des partenaires potentiels. Si M. LEBEL dévoile publiquement son invention avant le dépôt de la demande provisoire, il court le risque de ne plus répondre au critère de la nouveauté nécessaire à l’obtention d’un brevet. Il peut perdre également toute possibilité de recours contre un concurrent copiant son invention. Le 1er septembre 2016, M. LEBEL écrit à l’accusé pour lui dire qu’ils vont mettre en ligne leur boutique et qu’ils ont des présentations planifiées la semaine suivante. Il a besoin de son « brevet officiel », car il est bloqué avec certains partenaires. L’accusé répond le 2 septembre 2016, « dès que votre brevet arrive, je vous en informe ». Le 16 septembre 2016, l’accusé écrit : « voici votre brevet provisoire ». Il joint à son message l’accusé de réception de la demande provisoire de brevet (P-10a). La suite est encore plus catastrophique pour la protection de l’invention de M. LEBEL, ce sujet sera traité ultérieurement.

[157]       Le témoin M. CAISSE mandate l’accusé pour un « brevet provisoire ». Il reçoit plus tard de l’accusé l’avis de réception d’une demande provisoire de brevet fait en son nom (P-128). L’accusé lui dit que le numéro US62/601,910 qui y figure est son numéro de brevet. Il étampe ce numéro sur les pièces qu’il fabrique. Il se sent en confiance avec ce numéro. Il a l’impression que son invention est protégée. Dans son témoignage, l’accusé nie avoir dit à M. CAISSE d’utiliser ce numéro, il prétend plutôt lui indiquer d’étamper l’expression « patent pending » sur ces pièces. Le contenu de la lettre rédigé par l’accusé pour M. LEBEL (P-9) dans laquelle il écrit notamment « nous recevrons bientôt  du « United States Patents Office » un numéro de brevet confirmant la délivrance du brevet provisoire par le gouvernement Américain (sic) » laisse plutôt croire qu’il conseille bel et bien à M. CAISSE d’utiliser ce numéro pour prouver que son invention est brevetée alors que cela est faux.

[158]       Le père de Mme BERTRAND mandate l’accusé pour la rédaction et le « dépôt d’un brevet provisoire ». Le 25 juillet 2015, l’accusé envoie un avis de réception d’une demande provisoire de brevet (la date dépôt reconnue par l’autorité américaine, « filing date », est le 26 juin 2015) L’accusé présente ce document comme ceci : « Voici votre brevet provisoire » (P-20). Le 3 août 2015, M. BERTRAND demande si cela le protège en Europe et aux États-Unis. Le 4 août 2015, l’accusé répond « oui Europe et USA ». (P-21). Il ne dit pas que des demandes de brevet doivent être par la suite déposées dans ces régions du monde et que les autorités compétentes de chacun des pays concernés doivent délivrer des brevets pour que cette protection qu’il promet soit réellement effective. D’ailleurs, l’accusé laisse par la suite le délai de 12 mois suivant ce dépôt provisoire expiré, faisant perdre à M. BERTRAND la possibilité de revendiquer la date du 26 juin 2015. La protection promise par l’accusé dans son courriel du 4 août 2015 ne se matérialise jamais. Toujours concernant l’invention de M. BERTRAND, l’accusé facture pour un deuxième « dépôt du brevet provisoire » le 16 mars 2016 (P-22). Le 26 octobre 2016, il envoie un courriel indiquant « voici votre brevet provisoire » (P-24). La date reconnue de dépôt, « filing date », est maintenant le  29 septembre 2016 alors que l’accusé reçoit le mandat le 16 mars 2016. Le 8 novembre 2016, Mme BERTRAND, par l’entremise de son adjointe,  demande à l’accusé si le « brevet qu’on a actuellement est assez ferme pour qu’on puisse le sortir en ligne ». L’accusé répond « oui » puisque le « brevet provisoire vous donne une priorité internationale » (P-25). Encore une fois, il n’explique pas que pour que cette date de priorité soit reconnue, une demande de brevet doit être déposée et un brevet délivré par l’autorité compétente de chaque pays où l’on souhaite voir son invention protégé. Tout comme pour M. LEBEL, la suite du mandat donné à l’accusé par la famille BERTRAND ne permettra pas plus de protéger l’invention du père.

[159]       Lorsque le Tribunal examine les formulaires accompagnant les demandes provisoires de brevet que l’accusé transmet à l’autorité américaine, il constate soit que celui-ci ne sait pas ce qu’il fait, donc qu’il est incompétent en matière de « gestion de brevet », soit que son objectif est de faire n’importe quoi pour obtenir un avis de réception qu’il présentera faussement à l’inventeur comme étant un « brevet provisoire » protégeant réellement son invention.

[160]       Comme mentionné, l’accusé ne peut pas légalement représenter un inventeur auprès des bureaux américains ou canadiens des brevets. Il n’est pas un agent de brevet ou « patent practitioner ». Aux yeux de ces autorités, il n’est qu’une adresse de correspondance. En fait, n’ayant pas de réel rôle à jouer dans les demandes de brevets, il n’existe pas d’endroits où l’accusé peut s’inscrire sur les formulaires.

[161]       En examinant les formulaires transmis pour une demande provisoire de brevet (P-10b, P-112, P-119, P-140), le Tribunal observe d’abord que les réels inventeurs sont désignés comme demandeurs (« applicant information »). Cependant, la demande est signée par l’accusé, dans un espace portant le titre « signature » et indiquant « a signature of the applicant or representative is required in accordance with 37 CFR 1.33 and 10.18. ». Par ailleurs, la section « representative information » prévoit « Representative information should be provided for all practitioners having a power of attorney ». On demande ensuite d’entrer un « customer number » ou de remplir une section « representative name ». Dans les formulaires P-10b, P-119 et P-140, ces informations au sujet du représentant (« representative ») ne sont pas fournies. Ce n’est pas surprenant, l’accusé n’est pas un « practitioner having a power of attorney ». Il n’est pas habileté à déposer une telle demande de brevet aux États-Unis. Il n’est ni l’inventeur ni une personne pouvant légalement représenter l’inventeur. Dans ces trois formulaires, l’accusé se désigne plutôt dans la section « assignee ». Cette désignation signifie que l’inventeur aurait cédé ses droits dans l’invention à l’accusé. L’expert entendu décrit une telle cession comme étant « une entente contractuelle par laquelle la propriété de la demande brevet a changé de personne ». Ce type de cession a le même effet au Canada et aux États-Unis. Le cessionnaire doit absolument être représenté par un agent de brevet. Les inventeurs M. LEBEL, M. DUMOUCHEL et M. THERRIEN ignorent tout de ces cessions de droits relatives à leur invention opérées par l’accusé. Ce dernier l’admet. Il dit cependant qu’il s’agit d’erreurs facilement corrigibles. Tout ceci démontre plutôt sa plus complète incompétence en matière de « gestion de brevet ». Compétence ayant ici ses deux significations, soit la connaissance approfondie d’une matière et l’aptitude reconnue par une autorité.

[162]       Dans le cas de M. DUMOUCHEL, la situation est encore pire, le USPTO, sur l’avis de réception de la demande provisoire de brevet, désigne celui-ci comme inventeur, mais inscrit le nom de l’accusé comme étant le demandeur (applicant). Cette erreur provient probablement du fait que l’accusé se désigne comme cessionnaire dans le formulaire de la demande. M. DUMOUCHEL consulte un avocat et exige par la suite que l’accusé corrige la situation auprès de l’autorité américaine. L’accusé le fait en rayant son nom pour le remplacer par celui de M. DUMOUCHEL, toujours dans la section désignant le cessionnaire (assignee) (le document apportant la correction est reçu au USPTO le 9 août 2018). Ceci démontre qu’il ne comprend pas plus les conséquences de ce qu’il fait : M. DUMOUCHEL est maintenant désigné comme étant cessionnaire des droits concernant sa propre invention. Il se cède ses droits à lui-même.

[163]       Fort de cet avertissement reçu de M. DUMOUCHEL, l’accusé change sa façon de faire. Dans le formulaire de demande provisoire de brevet concernant l’invention de Mme VIGNEAULT (P-112) signé par l’accusé le 15 août 2018, il s’inscrit dans la section concernant la correspondance. Il désigne cependant comme cessionnaire (« assignee ») Nancy Vigneault et Jacques Vigneault tout en les désignant comme demandeurs (« applicant »). L’accusé commet la même erreur qui démontre qu’il ne comprend rien aux procédures relatives aux demandes de brevet : il désigne les inventeurs cessionnaires des droits relatifs à leur propre invention. Fait pertinent également, ce formulaire de demande provisoire de brevet est signé par l’accusé six jours après qu’il soit rencontré par la sergente-détective Gauthier qui enquête sur lui. L’accusé dans ce formulaire n’utilise pas le nom Christian Varin, mais plutôt William Varin.

[164]       L’accusé justifie à la Cour son utilisation du nom William Varin aux États-Unis en expliquant que le prénom Christian porte à confusion en anglais puisque ce mot réfère aux pratiquants de la religion chrétienne. Pourtant, plusieurs personnalités connues provenant de pays anglophones portent ce prénom. Cette explication est peu crédible également puisqu’il utilise, entre juin 2015  et janvier 2018, le nom Christian Varin à au moins 21 reprises auprès du USPTO (P-10, P-20, P-24, P-28, P-40, P-44, P-47, P-51, P-56, P-70, P-85, P-89, P-106, P-112, P-119, P-128, P-133, P-140, D-8, D-11, D-14). Il utilise également le nom William Varin pour une demande provisoire de brevet concernant l’invention de M. ROY (D-16, date de dépôt le 30 janvier 2019). À ce moment, en plus de la rencontre avec la sergente-détective Gauthier le 9 août 2018, il est arrêté, puis relâché par le sergent-détective Lapointe le 20 décembre 2018.

 

3.4.2.3 Le service offert par l’accusé visant l’obtention de ce qu’il appelle un « brevet permanent »

[165]       Comme mentionné, l’accusé se défend en plaidant qu’il livre le travail pour lequel il est payé. Il faut cependant rappeler que ce n’est pas d’avoir mal fait le travail qui constitue la fraude. Pour la présente portion, c’est d’avoir faussement prétendu détenir les compétences pour le faire. C’est ce qui amène les clients à acheter les services de l’accusé et à lui remettre des sommes d’argent.

[166]       Il ne faut pas oublier que la mission de l’accusé, tel qu’il la décrit lui-même sur son site Web est de permettre « enfin à tous les inventeurs d’obtenir leurs brevets canadiens, américains et internationaux à une fraction du prix chargé par les agences de brevets conventionnelles ». Pour ce faire, il promet de faire bénéficier les inventeurs de sa propre expertise et de celles d’une équipe de professionnels.

[167]       Selon l’accusé, environ 500 inventeurs lui confient des mandats entre la création de la Fédération et aujourd’hui. Selon toute vraisemblance,  il n’obtient jamais de brevet pour ces inventeurs. Aucun de ceux entendus n’obtient de brevet grâce au travail de l’accusé ou d’une prétendue équipe de professionnels à la Fédération. La raison est simple, il n’a ni la compétence au sens de celle reconnue par les autorités (agent de brevet), ni celle au sens d’avoir les connaissances approfondies pour le faire.

[168]       Encore une fois, le témoignage de M. MOREAU, présenté en défense, est fort éloquent. Il est aujourd’hui détenteur d’un véritable brevet canadien pour son invention (D-22). Il ne fait pas affaire avec l’accusé ou la Fédération pour l’obtenir. Il mandate un ou des agents de brevets de la firme d’avocats LAVERY. Il n’envisage jamais d’utiliser la Fédération pour la « rédaction » finale de son brevet. La raison qu’il invoque : il voulait des « professionnels » pour le faire, « ça prend des pros ». À son avis, Carole TAHAN, qui s’occupe de la rédaction de sa demande provisoire de brevet à sa satisfaction,  ne peut pas rédiger une demande de « brevet permanent ».

[169]       Pourtant, c’est bien ce que l’accusé offre, la rédaction et le dépôt de  demande de « brevet permanent ». Il remet à des inventeurs des offres de service pour une demande de « brevet internationale (sic) via un PCT » ou des demandes « Nord-Américaines (Canada et ÉUA) », « PCT International », « Trois pays au choix de l’inventeur » et « USA, Brésil, Japon, Mexique, Allemagne, France, Angleterre, Italie, Canada » (P-11, P-18, P-37 et P- 59). Jamais, il n’est mentionné dans ces documents qu’un agent de brevet sera impliqué, malgré le fait que seuls un inventeur lui-même ou un agent de brevet peuvent transiger avec les bureaux canadiens et américains des brevets.

[170]       L’accusé accepte même de tels mandats qu’il n’a pas la compétence de livrer.

[171]       Le 8 novembre 2016, il facture 6800$ à M. BÉRUBÉ pour un « Brevet permanent* Canada-USA-Allemagne-Chine et Japon » (P-60).

[172]       Malheureusement pour M. TREMBLAY, un mois plus tard, le 5 décembre 2016, l’accusé lui réclame le même prix pour seulement « Brevet permanent* Canada-USA » (P-134). Il est difficile de comprendre pourquoi il n’a pas droit à « Allemagne-Chine et Japon » à ce prix.

[173]       Dans les deux cas l’astérisque à côté de « brevet permanent » amène à cette spécification : « * Ce qui inclus pour chaque pays un complément de rédaction, le dépôt des brevets, la traduction, le suivis (sic) du dépôt de brevets, les taxes et le suivis (sic) du dossier auprès de chacune des offices de brevet ».

[174]       Le 9 août 2017, l’accusé facture à « C’est ma place inc. » (M. LEBEL) 8600$ pour « Dépôt d’un PCT International » (P-12).

[175]       Le 18 août 2017, l’accusé facture 14 600$ à « 9321-7032 Québec inc. » (la famille BETRAND) pour « Dépôt du brevet internationale (sic) PCT ». En 9 jours, le prix de ce qui semble être le même service augmente de 6000$.

[176]       Le 11 décembre 2017, l’accusé facture maintenant à M. HORTH 9300$ pour « Demande Canadienne & Américaine + Dépôt d’un PCT internationale (sic) pour le brevet permanent ». Il ajoute 4200$ pour une « Taxe Enregistrement ». Surplus qu’il ne facture pas aux autres.

[177]       La rédaction d’une demande provisoire de brevet ne demande aucune compétence si elle n’est jamais suivie d’une demande complète à l’intérieur de 12 mois. Elle ne sera jamais examinée. Personne ne revendiquera la date du dépôt de la demande provisoire. L’importance de bien décrire l’invention et d’y ajouter des dessins techniques expliquée par l’expert disparait donc. En fait, on peut rédiger n’importe quoi et même mettre des photographies qui ne sont pas réellement une illustration ou un dessin technique de l’invention et un accusé de réception sera tout de même émis par le USPTO.

[178]       Un accusé de réception est tout ce que la majorité des témoins entendus obtient grâce au travail de l’accusé, puisque la demande provisoire n’est pas suivie par l’obtention d’un véritable brevet.

[179]       Le témoignage de M. GAGNON, le seul « rédacteur », pigiste, entendu lors du procès, est d’ailleurs fort éloquent pour démontrer l’absence d’expertise à la Fédération. À la lumière de son témoignage, juxtaposé à celui de l’expert, il est indéniable qu’il n’a pas la formation, les connaissances et l’expérience nécessaire pour rédiger des demandes de brevet. Il le dit lui-même qu’il écrit à peu près n’importe quoi. L’accusé lui fournit tellement peu de renseignements sur les inventions, qu’il puise une bonne partie des informations qu’il rédige dans son imagination. Au total, il rédige un peu plus de 400 demandes de brevet pour l’accusé.

[180]       Un exemple patent de ceci se trouve dans la demande provisoire de brevet concernant l’invention nommée « le salon funéraire 2.0 » rédigée par M. GAGNON (P-69 et P-92). Celle-ci comporte des photographies tirées de l’Internet montrant des appareils électroniques déjà disponibles sur le marché et des revendications afin d’obtenir un monopole pour des idées telles qu’« un service de valet accueille les membres de la famille et les amis du défunt », « en entrant dans le centre, un conseiller prend en charge les clients » et « le salon funéraire possède un service de gardiennage, possédant des activités pouvant convenir autant aux enfants qu’aux adolescents ». L’autorité américaine (USPTO) fournit un accusé de réception pour une telle demande (P-70)

[181]       À l’étape suivante, celle de présenter une demande complète qui sera éventuellement examinée par une autorité compétente qui prendra la décision de délivrer un brevet ou pas, l’accusé et ses quelques pigistes sont absolument incapables de livrer la marchandise. Tout simplement parce qu’ils ne sont pas compétents pour le faire.

[182]       Les paroles et les gestes de l’accusé lorsqu’il accepte des mandats de rédiger et de déposer des demandes de brevet qui ne sont pas des demandes provisoires (ce qu’il appelle des « brevets permanents ») démontrent hors de tout doute raisonnable qu’il n’a pas d’expertise en « gestion de brevet » et qu’il n’est pas entouré d’ « une équipe d’experts en gestion de brevet » comme il le prétend pour attirer des clients et leur soutirer de l’argent. La preuve permet même d’inférer qu’il n’a jamais l’intention de travailler véritablement dans le but d’obtenir un brevet pour ces personnes.

[183]       D’abord, soit qu’il ne comprend pas le processus d’obtention d’un brevet, soit qu’il induit volontairement les inventeurs en erreur lorsqu’il leur explique ce qu’est un « brevet provisoire » et un « brevet permanent ». Un brevet est un brevet et il deviendra seulement un brevet que lorsqu’une autorité compétente le délivrera.

[184]       Une preuve à cet égard est lorsqu’il écrit dans un courriel à Mme BERTRAND : « Votre brevet provisoire est en processus de transformation pour un brevet permanent de type PCT » (P-28). Il s’agit d’une explication qui ne fait aucun sens lorsqu’on connait le processus d’obtention de brevet et la vraie signification d’une demande provisoire de brevet.

[185]       L’accusé continue d’alimenter la même confusion en 2019, alors qu’il se sait l’objet d’une enquête policière et qu’il est placé en état d’arrestation, puis relâché, en décembre 2018.  Il joint un document explicatif à l’accusé de réception d’une demande provisoire de brevet qu’il envoie à M. ROY (D-16). Ce document explicatif  ne semble jamais avoir été remis à l’un de ses clients avant son arrestation, il y est écrit : « Vous devez avant la fin de votre brevet provisoire de 12 mois qui est indiqué « sous filing date » communiquer avec la Fédération des Inventeurs du Québec si vous désirez convertir votre brevet provisoire en brevet permanent de 20 ans » (notre italique).

[186]       Parler de transformation ou de conversion d’un « brevet provisoire » en « brevet permanent » perpétue l’information trompeuse laissant croire que l’autorité compétente a délivré un brevet valable pour une période de 12 mois et que la propriété intellectuelle de l’inventeur est ainsi protégée de façon autonome.

[187]       Le témoignage de M. BOUCHER est également très révélateur. Ce dernier est un inventeur présentant lui-même ses demandes de brevet. Il est aidé par un avocat. Il contacte l’accusé, après avoir consulté le site de la Fédération, non pas pour obtenir un brevet, mais pour avoir des conseils pour obtenir du financement. Au moment de contacter la Fédération, son processus d’obtention de brevet est enclenché. Des demandes sont déposées, ce qu’il appelle sa « demande de date prioritaire » (ce que le Tribunal comprend être une demande provisoire) ainsi qu’une demande « PCT ». L’accusé est au courant de cela. Lors d’une rencontre avec un partenaire potentiel, il est surpris d’entendre l’accusé dire que lui, M. BOUCHER, a un brevet pour son invention. Il trouve cela « étrange » puisqu’au moment de ses interactions avec l’accusé, son brevet n’est pas « accordé ». Il n’a pas encore son brevet. Il a seulement déposé des demandes. Avant cette rencontre, l’accusé lui demande d’avoir une discussion avec lui parce qu’il a un client voulant faire une demande « PCT ». L’accusé lui téléphone par la suite pour discuter de la façon de déposer une demande de brevet à l’international. Ils se donnent rendez-vous pour une rencontre dans un restaurant. M. BOUCHER trouve cela « bizarre », car il considère l’accusé comme étant un « professionnel » et voilà qu’il lui demande des conseils sur des « démarches juridiques importantes ». M. BOUCHER décide de ne pas se présenter au rendez-vous. Il lui écrit plutôt un courriel, daté du 2 mars 2017, dans lequel il explique à l’accusé la façon de déposer une demande à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (WIPO, acronyme anglais).

[188]       L’accusé nie avoir demandé de tels conseils à M. BOUCHER. Le Tribunal ne le croit pas. La preuve révèle amplement qu’il ne sait pas, à ce moment, comment déposer une telle demande.

[189]       Les différentes versions de ses offres de service pour une « demande de brevet permanent » (P-11, P-18, P-37 et P- 59) démontrent qu’il ne comprend pas la façon de déposer des demandes de brevet dans plusieurs pays. Ce qui est offert ne correspond pas à la véritable procédure à respecter pour obtenir des brevets ayant effets dans plusieurs pays, selon ce qui est expliqué par l’expert. Le plus important à retenir est qu’un « brevet international » n’existe pas.

[190]       D’abord, il y a une évolution dans le contenu de celles-ci. P-11 et P- 37 sont des versions 2.2 datées d’octobre 2015, P-18, une version 2.2 datée celle-ci de mai 2017, tandis que P-59 est une version 1.0 datée d’octobre 2016. 

[191]       Dans P-59, l’accusé n’offre pas de passer par le traité (PCT) pour une demande dans plusieurs pays. Il offre de déposer des demandes au Canada, aux États-Unis et dans « trois pays au choix de l’inventeur ». Ceci est un peu surprenant parce qu’un dépôt dans des pays « au choix de l’inventeur » peut entrainer des coûts fort différents en fonction du pays sélectionné (nécessité d’une traduction, de recourir à un agent de brevet dans le pays en question, les coûts afférents à ces nécessités, taxes et frais applicables).

[192]       L’offre faite dans P-18, est ce qui ressemble le plus à la véritable procédure si la demande est déposée via le traité (PCT) bien qu’un « brevet internationale (sic) » n’existe pas.

[193]       P-11 et P-37 offrent 3 options. La première est un dépôt de demandes de brevet au Canada et aux États-Unis uniquement. La deuxième est un « Dépôt d’un PCT international ». L’explication qui l’accompagne semble adéquate. Cependant, il n’y a rien prévu pour l’étape à laquelle des demandes dans chaque pays doivent être examinées. Ce qui est offert ne mène pas à la délivrance de brevets dans différents pays. La portion « PCT International » de la troisième option souffre du même problème.

[194]       La démonstration la plus éloquente de l’incompétence de l’accusé se fait cependant en analysant ce qu’il dit et fait dans les dossiers des clients qui payent ou manifestent l’intention de payer pour obtenir ce qu’il leur est vendu comme étant un « brevet permanent ».

 

3.4.2.4 Le cas de M. BOUDREAU

[195]       M. BOUDREAU est l’un des témoins qui enregistrent certaines de ses conversations avec l’accusé, à son insu. Il mandate et paye l’accusé 2095$ plus taxes pour la « rédaction et le dépôt d’un brevet provisoire ». L’accusé se désigne cessionnaire (« assignee ») et met comme adresse de correspondance l’adresse de la Fédération (P-36). M. BOUDREAU ne reçoit pas les informations. Le délai de 12 mois expire et il perd la possibilité de revendiquer cette date de priorité. L’accusé met la faute sur M. BOUDREAU (alors qu’il est prétendument « l’expert » et que la correspondance du USPTO est envoyée à son adresse) (P-39, conversation du 16 décembre 2016). La solution de l’accusé est de déposer en « procédure express », une demande de « brevet permanent Canada – US ». M. BOUDREAU répond en parlant de son invention : « Je ne peux pas me permettre de perdre cela, j’ai mis 35,000$ là-dedans ». L’accusé lui répond : « Pas de souci, ça va continuer ». Cet avis donné par l’accusé est mal fondé. Il n’explique pas à M. BOUDREAU qu’il a perdu la possibilité de revendiquer la date de dépôt de la demande provisoire comme « date de priorité » en plus de risquer de ne pas satisfaire au critère de la nouveauté s’il a dévoilé son invention publiquement.

[196]       M. BOUDREAU reçoit par la suite de l’accusé une offre de service « demande de brevet permanent » (P-37).

[197]       Lors du deuxième appel enregistré, l’accusé lui ment ou est complètement incompétent en lui disant que la date de priorité sera la date du dépôt de la demande provisoire alors que le délai de 12 mois est expiré. L’accusé lui dit que ce ne sera pas tout à fait la même rédaction dans la demande de « brevet permanent ». Il doit y avoir des modifications. L’accusé explique que le montant (6800$) est élevé parce qu’il y a « beaucoup de suivi de dossier » pour deux demandes de « brevet permanent ». Quand M. BOUDREAU lui dit que BCF peut faire les demandes de  « brevet permanent » pour 5000$, l’accusé baisse son prix de 1000$ en disant que 6800$ est le « prix régulier », alors qu’il est écrit dans l’offre de service (P-37) que c’est la tarification « mon premier brevet ». Il est important de noter que l’accusé se place en concurrence directe avec un cabinet d’avocats offrant les services d’agents de brevet.

[198]       Lors du quatrième appel (janvier 2017), l’accusé dit qu’il va déposer les demandes de « brevet permanent » cette semaine. Il dit à M. BOUDREAU qu’il peut continuer les démarches de son côté alors que l’invention n’est pas protégée. M. BOUDREAU lui rappelle qu’il veut la priorité à partir de la date précédente.

[199]       Le 11 janvier 2017, lors du sixième appel, l’accusé lui dit que les demandes de brevet au Canada et aux États-Unis sont déposées, ce qui est faux. L’accusé l’admet lors de son témoignage. Il ment ou est complètement incompétent lors de cet appel en réitérant à M. BOUDREAU que la date de priorité sera la date de dépôt de la demande provisoire en 2015.

[200]       Le 20 janvier 2017, l’accusé rédige un faux document (P-38) attestant que les demandes de brevet sont déposées afin que M. BOUDREAU la présente à ses partenaires commerciales.

[201]       Le 23 janvier 2017, lors des septième et huitième appels, l’accusé répète les mensonges voulant que les demandes de brevet sont déposées et que la date de priorité sera la date de dépôt de la demande provisoire.

[202]       Lors du neuvième appel, M. BOUDREAU demande à l’accusé d’envoyer les numéros de brevets à son avocat qui incorpore sa compagnie pour que la propriété de ceux-ci soit transférée à cette dernière. L’accusé répond : « oui, oui pas de trouble », alors qu’il n’y a pas de brevets.

[203]       Le 22 mars 2017, l’accusé dépose finalement une deuxième demande provisoire de brevet. Jamais, il ne dépose de demandes complètes de brevet au Canada et aux États-Unis.

[204]       Cet épisode, en plus de démontrer l’incompétence de l’accusé, permet de tirer l’inférence qu’il n’a jamais réellement l’intention de fournir le service demandé par le client (l’obtention de brevets au Canada et aux États-Unis) parce qu’il est tout simplement incapable de le faire.

[205]       M. BOUDREAU témoigne qu’il perd tous ces partenaires parce que son invention n’est pas brevetée. Il perd les dizaines de milliers de dollars investis.

 

3.4.2.5 Le cas de M. TREMBLAY

[206]       M. TREMBLAY, dont il est question précédemment, croit que le délai de 12 mois suivant la date du dépôt d’une demande provisoire expire en avril 2017 (il s’agit du mois lors duquel l’accusé lui envoie l’accusé de réception, alors que la date de dépôt reconnue par le USPTO est en février). L’accusé ne le reprend pas pour lui dire qu’il fait erreur sur la date. Jamais par la suite, dans les courriels, il ne corrige cette erreur.

[207]       M. TREMBLAY relance l’accusé le 30 novembre 2016. Il veut amorcer la demande de « brevet permanent » puisqu’il part en voyage de janvier à avril. Ils se parlent au téléphone et commencent la rédaction de la demande. M. TREMBLAY veut partir de la version finale de la demande provisoire pour la rédaction. L’accusé lui envoie une version antérieure le 5 décembre 2016, en plus de la facture pour le « brevet permanent » (P-134) : « Brevet permanent Canada & USA : 6800$). Suivent des échanges qui incluent Carole TAHAN sur la rédaction. Le 18 février 2016, M.  TREMBLAY paye la facture pour le « brevet permanent ». Le même jour, il envoie ses derniers commentaires et demande de recevoir la version finale de la rédaction qu’il validera dans les 48h « pour que cela puisse être envoyé au bureau américain ». Le 20 février 2016, TAHAN lui envoie la version finale.  M. TREMBLAY l’approuve le 24 février 2016.

[208]       Le 11 avril 2016, M. TREMBLAY demande à l’accusé une confirmation du dépôt de sa demande de brevet. Il n’a pas de nouvelle depuis le courriel précédent du 24 février 2016. Il veut une copie des documents exacts envoyés au bureau américain des brevets. Il le relance le 30 avril 2016. L’accusé lui dit le lendemain, le 1er mai 2016, qu’il n’a jamais déposé de demande de brevet, il dit plutôt avoir reconduit le « brevet provisoire » (la reconduction d’une demande provisoire n’existe pas). Il n’existe aucune preuve de ce second dépôt d’une demande provisoire. L’accusé accepte de rembourser M. TREMBLAY. À noter que ce dernier a commercialisé l’invention la croyant protégée par un brevet, ce qui n’est pas le cas. L’accusé, dans son témoignage, au sujet du cas de TREMBLAY, dit qu’il fait son « mea culpa ».

[209]       En plus de démontrer que l’accusé n’est pas un expert en « gestion de brevet », cet épisode permet également de tirer l’inférence que l’accusé n’a jamais réellement l’intention de fournir le service pour lequel il est payé (obtenir des brevets au Canada et aux États-Unis) parce qu’il est tout simplement incapable de le faire.

3.4.2.6 Le cas de la famille BERTRAND

[210]       Comme mentionné, Mme BERTRAND témoigne avoir accompagné son père dans ses démarches pour obtenir un brevet. Dans le but de poursuivre les démarches, après deux dépôts de demandes provisoires de brevet, l’accusé offre un « brevet international » alors que cela n’existe pas (P-18 et P-26).

[211]       Dans ce cas, il est important de rappeler que le délai de 12 mois associé à la deuxième demande provisoire expire le ou vers le 29 septembre 2017. Le 18 août 2017, l’accusé facture les BERTRAND pour un « Dépôt du brevet internationale (sic) PCT ». 14,600$ plus les taxes. Une facture qu’ils payent.

[212]       Le 2 mai 2018, ils relancent l’accusé parce que leur banque demande l’ensemble des documents relatifs aux brevets (P-27).

[213]       En réponse, le 7 mai 2018, l’accusé renvoie l’accusé de réception de la deuxième demande provisoire de brevet (date de dépôt, « filing date »,  29 septembre 2016), en fournissant une explication incompréhensible, mais fausse que le « brevet provisoire est en processus de transformation pour un brevet permanent de type « PCT » ou le Traité de coopération en matière de brevets » (P-28). La preuve révèle qu’à cette date, aucune demande  de brevet  en vertu du traité (« PCT ») n’est déposée. Le délai de 12 mois suivant la date de dépôt de la demande provisoire de brevet est alors expiré. L’invention n’est plus protégée. Il ne sera plus possible de revendiquer la date du 29 septembre 2016. Il faut rappeler que l’accusé a, le 8 novembre 2016, donné un avis  aux BERTRAND précisant que le brevet « est assez ferme » pour qu’ils puissent dévoiler publiquement l’invention puisque le « brevet provisoire » « donne une priorité internationale ». L’incompétence de l’accusé en « gestion de brevet » est la cause de la perte de cette « priorité internationale ».

[214]       M. BERTRAND répond le même jour en demandant le numéro du « PCT » puisqu’elle a déjà reçu la demande provisoire. Elle rappelle qu’ils ont payé plus de 16,000$ (taxes incluses) pour le « PCT ». L’accusé répond que le numéro du « PCT » est le « même que celui du brevet provisoire », alors qu’aucune demande « PCT » n’est déposée à ce moment (P-29).

[215]       L’accusé envoie finalement un courriel au père de Mme BERTRAND le 29 mai 2018 à 7h28. Il s’agit du reçu électronique d’une demande internationale (A-1). La date de réception de la demande est le 29 mai 2018 à 7h08. Il est clair qu’il dépose cette demande après coup, une fois confronté par Mme BERTRAND, plus de 9 mois après être payé plus de 14 000$ pour présenter une telle demande et effectuer toutes les démarches nécessaires à l’obtention d’un « brevet internationale (sic) PCT », alors qu’un tel brevet n’existe tout simplement pas. Encore une fois, l’accusé présente un accusé de réception pour démontrer qu’il accomplit son mandat. Or, il n’obtient jamais de brevet pour M. BERTRAND. Pire, il laisse écouler le délai de 12 mois permettant de revendiquer la date de priorité offerte par le dépôt d'une demande provisoire.  Cet accusé de réception d’une demande internationale (A-1) démontre également que l’accusé ne sait pas ce qu’il fait. Une demande internationale doit être déposée à l’autorité compétente pour délivrer des brevets dans le pays de résidence du demandeur (qui est le Canada dans le cas de M. BERTRAND) ou directement à l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. Dans ce cas-ci, l’accusé dépose aux États-Unis.

[216]       En plus de démontrer son incompétence, cet épisode permet également de tirer l’inférence que l’accusé n’a jamais réellement l’intention de fournir le service pour lequel il est payé (obtenir un « brevet international ») parce qu’il est tout simplement incapable de le faire.

 

3.4.2.7 Le cas de M. GOUIN

[217]       Quand M. GOUIN apprend de quelqu’un d’autre que son brevet est « provisoire », il confronte l’accusé qui lui répond qu’il faut effectivement faire une demande de brevet pour la suite.

[218]       M. GOUIN débourse environ 17,000$ pour un « brevet international ». Il dit qu’il veut un brevet pour les pays où le hockey se pratique. Il comprend de l’accusé que son brevet sera bon dans tous les pays du monde. Son coach d’affaires voit sur les réseaux sociaux que l’accusé serait impliqué dans des fraudes. Il confronte l’accusé qui lui dit : « non, non, ton brevet est en route ».

[219]       M. GOUIN présente son invention à l’émission « Dans l’œil du dragon », les producteurs lui disent que leurs recherches ne permettent pas de trouver ses brevets. Il confronte l’accusé qui lui dit que c’est normal.

[220]       Finalement, après avoir consulté des avocats, il exige un remboursement. Il enregistre un appel avec l’accusé, à son insu, le 15 août 2018 (P-136). L’accusé dit d’emblée que les demandes sont déjà faites pour un « brevet international ». Cette information est fausse, l’accusé l’admet aujourd’hui. Il dit qu’il se trompe à ce moment de Kevin (le témoin se nomme Kevin GOUIN, un autre témoin Kaven LAMOUREUX). Cette explication est dérisoire : un « brevet international » n’existe tout simplement pas, l’accusé ne fait en aucun temps une demande pour un « brevet international », ni pour Kevin GOUIN ni pour un autre Kevin ou Kaven.

[221]       Dans cette même conversation, l’accusé parle d’une facture de 15 000$ qu’il a retrouvé pour un « brevet international plus la Chine ». L’accusé dit n’importe quoi : si un « brevet international » existe, quelle nécessité il y a d’ajouter la Chine. L’accusé admet par la suite que M. GOUIN a payé 5000$ pour un « brevet provisoire ». M. GOUIN dit qu’il a perdu un monopole de 20 ans parce que son invention n’est pas brevetée. L’accusé rétorque qu’une « demande de brevet international » est déjà déposée (c’est faux). M. GOUIN lui dit qu’un « brevet international » n’existe pas. L’accusé lui dit que oui, cela existe, mais il s’agit d’une « demande PCT ». GOUIN répond qu’une « demande PCT » donne un délai supplémentaire de 18 mois, mais que ce n’est pas un brevet (il a raison). L’accusé commence une explication du « PCT », puis se ravise, il préfère parler en personne à M. GOUIN

[222]       L’accusé ne dépose jamais de « demande PCT » et le délai de 12 mois associé à la demande provisoire est expiré. M. GOUIN semble donc avoir raison lorsqu’il dit qu’il « a perdu le monopole », car il a présenté son invention publiquement sans avoir de brevet.

[223]       Cet extrait démontre sans l’ombre d’un doute que l’accusé utilise abondamment le mensonge en plus d’être incompétent dans la « gestion de brevet ».

[224]       Cet épisode permet également de tirer l’inférence qu’il n’a jamais réellement l’intention de fournir le service pour lequel il est payé parce qu’il est tout simplement incapable de le faire.

 

3.4.2.8 Le cas de M. LEBEL

[225]       M. LEBEL, à qui l’accusé fournit une lettre contenant des faussetés au sujet d’un « brevet provisoire » pour qu’il la présente à des partenaires, demande à l’accusé, le 24 avril 2017, comment et quand il doit demander son « brevet permanent » (P-7). Il dit qu’il veut un brevet pour toute l’Amérique du Nord, l’Europe (Portugal, Espagne, France, Italie) et l’Australie. Il est important de rappeler que le délai de 12 mois associé à sa demande provisoire de brevet expire le ou vers le 15 août 2017. 

[226]       Sans nouvelles, il relance l’accusé le 9 juin 2017 et le 13 juin 2017 afin d’obtenir les coûts pour une demande de « brevet permanent ».  L’accusé lui envoie l’offre de service « Demande de brevet permanent » (P-11) le 14 juin 2017. Le 8 août 2017, M.LEBEL demande si un « PCT » couvre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Le 9 aout 2017, l’accusé répond : « Parfait, je vais débuter le dépôt du PCT. Oui le PCT inclus (sic) les Canada, USA et le Mexique ». Il envoie la facture (P-12). Cette réponse de l’accusé est surprenante. Pourquoi, dans l’offre de service (P-11), il y a une option C « Demande Canadienne & Américaines + Dépôt d’un PCT International » si un « PCT » inclus le Canada et les États-Unis ?  Autre élément important, il dit qu’il débute « le dépôt du PCT » le 9 août 2017. Comme mentionné, le délai associé à la demande provisoire expire le ou vers le 15 août 2017 (M. LEBEL en contre-interrogatoire admet qu’il sait à ce moment que le délai expire le 15 août 2017, mais dit qu’aucune alarme n’est sonnée du côté de l’accusé, alors que « c’est lui le professionnel »). La facture émise par l’accusé indique : « Dépôt d’un PCT international : 8600$ » plus les taxes (P-12). M. LEBEL paye par chèque le 15 août 2017 (P-13). Le 18 août 2017, l’accusé demande si le chèque est envoyé par la poste. M. LEBEL répond oui le même jour. Le 19 et le 26 août 2017, M. LEBEL écrit à l’accusé parce qu’il veut s’assurer que certains détails seront inscrits à la demande de brevet.

[227]       Plusieurs mois plus tard, le 28 janvier 2018, M. LEBEL écrit pour demander conseil à l’accusé. Une entreprise offre un produit semblable à son invention. Il demande sil peut recommander à cette entreprise de ne plus fournir ce produit. L’accusé répond; « Je peut (sic) communiquer avec cette agence de voyage (sic) pour leur mentionner que l’invention est breveté (sic)». C’est faux, aucun brevet n’est délivré à ce moment. Aucune autorité compétente n’a examiné une demande de brevet relative à l’invention de M. LEBEL. Pire, le dépôt de la demande provisoire de brevet date de plus de 12 mois, donc M. LEBEL ne pourra plus revendiquer cette date de priorité. Aucune « demande de PCT » n’est encore soumise à ce moment, alors que l’accusé est payé en août 2017 pour le faire. M. LEBEL accepte l’offre de l’accusé. L’accusé confirme le 22 février 2018 avoir communiqué avec l’agence de voyages.

[228]       Le 23 février 2018, M. LEBEL demande quand il recevra son « brevet officiel ». Le 2 mai 2018, il demande à recevoir son « brevet original ». Le 8 mai 2018, il  relance l’accusé. Il précise qu’il a des « ententes à régler qui sont conditionnelles à la validation du brevet ». L’accusé répond : « Les documents ont été envoyés hier par express post » (alors que le dépôt se fait électroniquement). Le 11 juin 2018, l’accusé envoie à M. LEBEL un document intitulé « Patent electronic filling » qui est un accusé de réception  acknowledgement receipt ») d’un dépôt électronique d’une demande internationale déposée au bureau américain des brevets : « International application (PCT) for filing in the US receiving office » (P-15). Ce document indique que le bureau américain (USPTO) reçoit la demande le 7 juin 2018, presque un an après que M. LEBEL paye 8600$ pour recevoir de l’accusé un service lui permettant d’obtenir un brevet valide dans tous les pays où il souhaite commercialiser son produit. Dans les semaines précédant cet envoi, il réclame «  son brevet ». Ce qu’il reçoit de l’accusé n’est qu’une confirmation qu’une demande est déposée électroniquement, après cette relance. Les frais de ce dépôt sont de seulement 60$ américain. L’accusé n’a donc rien fait entre la réception du paiement en août 2017 et ce dépôt en juin 2018. En plus, la demande est déposée dans le mauvais bureau de brevet (M. LEBEL est résident canadien). Le délai associé à la demande provisoire est expiré depuis très longtemps. M. LEBEL a publicisé son produit, croyant être protégé. M. LEBEL exprime son mécontentement et le 4 juillet 2018, l’accusé lui écrit «  le processus du PCT est bien enclenché, tu noteras ton numéro de PCT qui est PCT/US2018 036368 ». Il joint un document (P-16). Au contraire de ce que dit l'accusé, ce document démontre que le processus est plutôt mal enclenché. La pièce P-16 est un avis que la demande n’est pas envoyée au bon bureau de brevet, vu le pays de résidence du demandeur The applicant is hereby notified that : this receiving office is not competent, on account of the nationality and residence of the applicant »). L’avis prévoit que la demande sera envoyée au bureau international « International Bureau as receiving office ». Pour effectuer ce transfert, des frais de 180$ sont cependant exigés et doivent être payés dans les 15 jours suivants le 21 juin 2018. En cas de non-paiement, la demande ne sera pas transférée  Failure to pay may result in the international application not being transmitted).

[229]       Encore une fois, tout ceci démontre l’incompétence de l’accusé et qu’il n’est pas, comme il le prétend, un expert en « gestion de brevet ». Cet épisode permet également de tirer l’inférence qu’il n’a jamais réellement l’intention de fournir le service pour lequel il est payé parce qu’il est tout simplement incapable de le faire. M. LEBEL investit des dizaines de milliers de dollars en produisant et commercialisant son produit, croyant pouvoir, en raison des affirmations de l’accusé, revendiquer un monopole grâce à un brevet.

 

3.4.2.9 Le cas de M. HORTH

[230]       M. HORTH mandate d’abord l’accusé pour déposer une demande provisoire de brevet. Une telle demande est déposée le 23 novembre 2016 et un accusé de réception est obtenu (D-14). L’accusé facture ensuite M. HORTH et son partenaire pour une « Demande Canadienne & Américaine + Dépôt d’un PCT internationale (sic) pour le brevet permanent » le 11 décembre 2017 (P-145).  Ce contrat intervient alors que le délai de 12 mois associé à la demande provisoire est expiré. Selon M. HORTH, en contre-interrogatoire, il n’y a pas de discussion avec l’accusé sur le délai. Il dit : « Moi je pensais qu’on était encore correct avec le délai ». Il ne reçoit jamais de « brevet permanent ».  Autour de mars 2018, il perd confiance et contacte l’accusé qui lui dit : « on a des problèmes avec le PCT ». M. HORTH voit ensuite un reportage de l’émission « La facture » au sujet de l’accusé, il croit possiblement à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin 2018. Il appelle par la suite l’accusé qui lui dit qu’il continue à travailler pour l’obtention d’un brevet pour le Canada et les États-Unis. Il ne demande jamais de remboursement à l’accusé parce qu’au dernier appel, il a encore espoir qu’il allait travailler sur son dossier. Il ne reçoit tout de même jamais de documents concernant une demande de « brevet permanent ».

[231]       Dans ce cas, puisque l’accusé ne livre jamais le service pour lequel il est payé, il est également possible de tirer l’inférence qu’il n’a jamais réellement l’intention de le faire.

 

3.4.2.10 Le service offert par l’accusé en matière de protection d’une marque de commerce

[232]       Non seulement l’accusé prétend détenir une expertise en « gestion de brevet », il ajoute la détenir également en « marque de commerce ».

[233]       Dans la preuve entendue, il existe un seul cas où il accepte un mandat en matière de protection d’une marque de commerce. Le résultat est aussi catastrophique que lorsqu’il accepte des mandats visant l’obtention de brevet.

[234]       Le père de Mme BERTRAND souhaite non seulement protéger son invention par un brevet, il veut protéger une ou des marques de commerce qui y sont associées.

[235]       L’accusé facture 2500$ le 26 avril 2016 pour « recherche et dépôt de marque de commerce ». Il ajoute 225$ de droit canadien et 450$ de droit américain pour un total de 3650,46$ (P-23).

[236]       Le 8 novembre 2016 (5 mois et demi plus tard), Mme BERTRAND demande à l’accusé, dans le même courriel où elle demande si le brevet est « assez ferme » pour dévoiler publiquement l’invention, s’ils peuvent utiliser la marque de commerce. L’accusé répond le 9 novembre 2016 : « oui, vous pouvez utiliser la marque de commerce, je recevrai bientôt des documents de confirmation » (P-25). Dans les faits, l’accusé ne présente jamais de demande d’enregistrement d’une marque de commerce pour les BERTRAND. Il ment donc lorsqu’il leur dit qu’il recevra « bientôt des documents de confirmation ».

[237]       Lors de son témoignage, il prétend que ce qu’il veut dire dans ce courriel c’est qu’il « enverra » bientôt la demande d’enregistrement à l’OPIC. Il s’agit encore d’une déformation du sens des mots menant à l’absurde. Il fournit un avis, voulant que la marque de commerce peut être utilisée publiquement parce qu’elle est, à ce moment, protégée. Tout ce qu’il attend, ce sont des documents de confirmation. Voici le sens des mots qu’il utilise. S’il est dans l’attente d’envoyer la demande, comme il le prétend aujourd’hui, comment peut-il fournir une opinion indiquant qu'il n'y a pas de risque à utiliser publiquement la marque de commerce?  Depuis quand une marque de commerce est-elle protégée avant même le dépôt d’une demande?

[238]       Ce conseil, mal avisé, fourni à ses clients, s’appuyant sur un mensonge, peut avoir des conséquences désastreuses sur la protection éventuelle de cette marque de commerce.

[239]       Toute la preuve de ce procès peut être résumée par ce court extrait, incluant le témoignage de l’accusé, au sujet de la protection d’une marque de commerce. Non seulement l’accusé, contrairement à ce qu’il prétend, est incapable et incompétent en matière de brevet et de protection de marque de commerce, il ment à profusion à ces clients et leur fournit des avis mal fondés mettant en péril la protection de leur propriété intellectuelle.

 

3.4.2.11 Le service de « recherche internationale »

[240]       Une partie de la défense de l’accusé est de dire que dans la plupart des cas, il fait le travail pour lequel il est payé. Cet argument est déjà rejeté lorsqu'il est démontré que la fraude se situe, entre autres, dans le choix par les inventeurs de l’accusé et de la Fédération alors qu’ils croient faire affaire à un expert ou une équipe d’experts leur permettant d’obtenir un brevet pour leur invention alors que ces prétentions sont fausses.

[241]       Au sujet des « recherches internationales », il est vrai qu’il fournit un résultat d’une recherche : quelques mots placés dans un moteur de recherche (selon toute vraisemblance gratuit) qui fournit une liste de brevets, dont certains en langue étrangère ou portant sur des inventions n’ayant aucun lien avec celle pour laquelle l’inventeur souhaite obtenir un brevet (par exemple, des inventions concernant des jeux de billard « pool » alors que l’on cherche à breveter un dispositif pour une piscine « pool »). Il ne fournit que la première page des brevets, alors que les « revendications » se retrouvent généralement à la fin des brevets et que ce sont celles-ci que l’on doit analyser pour déterminer si l’invention est « brevetable ». Ce que recherchent les inventeurs, c’est l’opinion d’un expert qui leur dira si leur invention est « brevetable ». La preuve démontre amplement que l’accusé n’est pas un expert « en brevet », son opinion ne vaut donc pas grand-chose. De toute façon, son opinion se résume bien souvent qu’à une phrase : « Après révision de chacun des brevets, il me sembles (sic) qu’aucun brevet est (sic) semblable à votre invention ». Ensuite, il transfère la responsabilité à l’inventeur de déterminer si l’analyse des brevets répertoriés doit être plus poussée. Pourtant, c’est lui l’expert. Faut-il rappeler qu’il facture entre 695$ et 2400$ pour ce service?

[242]       Mais, encore une fois, ce n’est pas dans la qualité des résultats que réside la fraude dans le présent cas. La fraude se situe dans le choix de l’accusé ou de la Fédération pour effectuer cette recherche qui mènera à une opinion sur la « brevetabilité » de leur invention. Les inventeurs choisissent l’accusé et la Fédération pour effectuer cette recherche, car ils croient faire affaire avec des experts. Même M. MOREAU, témoin de la défense, croit que la recherche est faite non pas par l’accusé, mais par d’autres personnes à la Fédération dont le rôle spécifique est de faire ce type de recherche.

 

3.4.2.12 Conclusions sur les prétentions de l’accusé au sujet de son expertise et celle de l’ « équipe de professionnels » de la Fédération des inventeurs du Québec

[243]       Tous ces exemples, où l’accusé accepte des mandats visant le dépôt de demandes provisoires de brevet ou l’obtention de « brevets permanents » ainsi que la protection d’une marque de commerce, démontrent hors de tout doute raisonnable que, non seulement il n’a pas l’expertise qu’il prétend avoir, mais également qu’il n’existe pas à la Fédération des inventeurs du Québec d’équipe de « professionnels » ou « d’experts en gestion de brevet et de propriété intellectuelle » permettant d’accomplir de tels mandats. Les « rédacteurs » pigistes embauchés par l’accusé ne permettent pas d’accomplir ces mandats. Leur présence dans l’entourage de l’accusé n’a pas permis aux inventeurs d’obtenir des brevets ou autres protections de leur propriété intellectuelle. Ils ne sont pas plus capables ou compétents que l’accusé pour remplir ces mandats et ils n’empêchent pas l’accusé de commettre des erreurs et dire des faussetés.

[244]       Concernant les mandats reçus visant l’obtention d’un véritable brevet, l’explication de l’accusé est que lorsque serait venu le temps de discuter ou de négocier avec l’examinateur de chacune des autorités nationales, il aurait engagé un agent de brevet pour le faire. Jamais une telle éventualité n’est mentionnée aux témoins. Aucune question soumettant cette possibilité aux témoins n’est posée en contre-interrogatoire. Aucune offre de service remise par l’accusé visant l’obtention d’un « brevet permanent » ne fait mention de l'intervention d'un agent de brevet à l'une des étapes. Les factures pour de tels mandats non plus.

[245]       L’accusé parle pour la première fois de cette volonté d'engager un agent brevet dans son témoignage. Le Tribunal ne le croit pas, il s’agit visiblement d’une explication concoctée après coup. La preuve le contredit. Pour tous les mandats qu’il reçoit visant l’obtention d’un « brevet permanent », il ne fait à peu près aucun travail, ment à ce sujet et n’obtient finalement jamais de brevet. Il ne fait jamais intervenir un agent de brevet. Il n'en discute pas dans ces courriels ou dans les conversations enregistrées. Il ment même à M. BÉRUBÉ en laissant croire que Carole TAHAN est agente de brevet. Il n’embauche jamais d’agent de brevet. Il préfère diriger la presque totalité des fonds reçus des clients vers la construction du « Pavillon des inventeurs ».

[246]       Il existe même une preuve qu’il cache volontairement le rôle d’un agent de brevet à ses clients. En effet, M. TREMBLAY reçoit de l’accusé un document explicatif sur la rédaction des brevets par courriel (P-131). Ce document est plagié d’un document se trouvant sur le site Web de ROBIC, un cabinet d’avocats et d’agents de brevet (P-139). L’accusé plagie ce document presque entièrement en prenant bien soin, cependant, d’enlever toute référence à un « agent de brevet ». Il remplace même les termes « agent de brevet » par « conseiller en brevet » à un endroit. Rappelons que « conseiller en brevet » est l’un des nombreux titres qu’il s’attribue. Bien sûr, toute référence au cabinet ROBIC dans le document est également soustraite.

 

4. CONCLUSION

[247]       En bref, l’accusé est un « imposteur qui exploite la crédulité publique », définition moderne du terme « charlatan » (Le Robert).  Au lieu de le faire comme autrefois, sur les places publiques, il le fait, entre autres, par le biais de l’Internet. Il agit donc comme un charlatan du 21e siècle.

[248]       La preuve démontre hors de tout doute raisonnable que l’accusé, pendant la période couverte par le chef d’accusation, commet une série d’actes malhonnêtes en offrant des services relatifs à la protection de la propriété intellectuelle sous le chapeau de la Fédération des inventeurs du Québec. En fait, l’offre de service elle-même et la grande majorité des arguments de vente servant à attirer des clients sont constitués de supercheries, mensonges et autres moyens dolosifs. La Fédération n’est pas ce que l’accusé prétend qu’elle est. Il n’est pas celui qu’il prétend être. Les fausses prétentions de l’accusé, servant à attirer et mettre en confiance les potentiels clients, puis éventuellement obtenir d’eux des sommes d’argent, se retrouvent sur le site Web de la Fédération, dans les documents qu’il leur remet en main propre ou électroniquement et dans ses propres déclarations faites verbalement ou par écrit à ceux-ci.

[249]       La preuve démontre hors de tout doute raisonnable qu'en raison de ces actes malhonnêtes, les intérêts pécuniaires des victimes particularisées au chef d’accusation et des membres du public (en général) subissent un dommage ou un préjudice ou qu'il y a un  risque de préjudice à leur égard. En effet, l’ensemble des témoins entendus achetant des services de l’accusé ou de ce qu’il croit être une Fédération des inventeurs sont trompés par les actes malhonnêtes commis par l’accusé dans le but de les mettre en confiance et de leur vendre des services. Ils acceptent de lui remettre des sommes d’argent pour obtenir ces services. Il y a un risque de préjudice pour les intérêts pécuniaires des membres du public puisque l’offre de service en matière de protection de la propriété intellectuelle basée sur les actes malhonnêtes de l’accusé est accessible à tous via le site Web de la Fédération.

[250]       La preuve démontre hors de tout doute raisonnable que l’accusé à la connaissance subjective de commettre les actes malhonnêtes (supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif) décrient préalablement. Pour certains, il l’admet. Pour d’autres, il fournit des explications que le Tribunal rejette. Il sait que les informations qu’il fournit pour attirer des clients et les mettre en confiance sont fausses au moment où il les transmet. L’analyse de l’ensemble de la preuve permet de conclure que les supercheries, mensonges et autres actes malhonnêtes de l’accusé sont commis intentionnellement. Le Tribunal ne le croit pas lorsqu’il dit que son intention n’est pas malhonnête et qu’il a réellement l’intention de livrer le service pour lequel il est payé. Par ailleurs, ceci importe peu, puisque le «  sentiment personnel de l'accusé à l'égard du caractère moral ou honnête de l'acte ou de ses conséquences n'est pas plus pertinent quant à l'analyse que ne l'est la conscience de l'accusé que les actes commis constituent une infraction criminelle. »

[251]       La preuve démontre hors de tout doute raisonnable que l’accusé a la connaissance subjective que les actes malhonnêtes peuvent causer une privation à autrui. Il accepte les sommes d’argent que les clients lui remettent après les avoir mis en confiance et leur avoir vendu des services en utilisant une série d’actes malhonnête. Il a la même connaissance subjective à l’égard du public en général puisqu’il est la personne qui publie sur l’Internet le site Web de la Fédération contenant une série de fausses prétentions servant à attirer des clients et leur vendre des « services de recherche internationale, de rédaction et le (sic) dépôt de brevet » à des prix compétitifs.

[252]       La preuve démontre donc, hors de tout doute raisonnable, la culpabilité de l’accusé à l’infraction de fraude, telle qu’elle est décrite à l’acte d’accusation.

 

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

DÉCLARE l’accusé coupable

 

 

 

__________________________________

ALEXANDRE DALMAU, J.C.Q.

 

Me Nicolas Ammerlaan

Procureur de la poursuivante

 

Me Normand Haché

Procureur de l’accusé

 

 

 

Dates d’audience :

4, 5, 6, 7, 12, 13, 14, 15, 18, 19, 20, 21, 22, 25, 26, 27, 28 et 29 octobre 2021

1, 2, 3, 5 et 11 novembre 2021

 

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