Lépine c. Centre Hi-Fi (Lachenaie)
JL-3256 |
2015 QCCQ 1268 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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LOCALITÉ DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
705-32-013772-147 |
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DATE : |
24 mars 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
RICHARD LANDRY, J.C.Q. |
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ISABELLE LÉPINE et JOËL FORGET |
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Partie demanderesse |
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c. |
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CENTRE HI-FI (Lachenaie) |
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SAMSUNG ELECTRONICS CANADA INC. Parties défenderesses |
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JUGEMENT CORRIGÉ [1] (article 475 C.p.c.) |
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[1] Les demandeurs réclament des parties défenderesses la somme de 4 999 $ suite à l’achat d’un téléviseur Samsung qu’ils considèrent être un « citron ».
[2] Centre Hi-Fi n’a pas comparu et quant à Samsung Electronics Canada inc. (« Samsung »), la compagnie plaide qu’elle a déjà offert de bonne foi une réparation malgré l’existence d’une garantie prolongée vendue par le détaillant Centre Hi-Fi et qu’elle considère la réclamation « trop excessive ».
LA QUESTION EN LITIGE
[3] La question en litige est la suivante :
1) À quelle compensation les demandeurs ont-ils droit en raison du mauvais état de leur téléviseur et des problèmes encourus?
LES FAITS
[4] Le 2 mai 2010, madame Lépine et monsieur Forget achètent une télévision Samsung LCD 55 pouces au Centre Hi-Fi de la Montée des Pionniers à Lachenaie pour le prix de 2 370,38 $.
[5] À cette occasion, on leur vend une garantie prolongée d’une durée de deux ans au prix de 337,35 $ [2].
[6] Le 22 août 2011, un premier problème survient, soit un scintillement de l’image (« back light scintille ») [3].
[7] En vertu de la garantie prolongée, l’appareil est confié à BG Électronique de Joliette qui répare les téléviseurs défectueux pour le compte de Centre Hi-Fi et Samsung.
[8] Cet appel de service est le premier de cinq sur une période d’une année et demie.
[9] Ainsi, d’autres appels de service ont eu lieu le 23 août 2011, le 24 juillet 2012, le 10 octobre 2012, le 11 janvier 2013 et le 14 mars 2013 [4]. Selon ces documents, l’appel de service du 10 octobre a fait en sorte que le téléviseur est demeuré plus de deux mois chez BG Électronique. On note sur la facture que le téléviseur fait des lignes, soit horizontales, soit verticales, ce qui entraine un premier remplacement du panneau défectueux.
[10] Pendant cette période, les demandeurs se sont adressés à Centre Hi-Fi pour obtenir le prêt d’un téléviseur en attendant la réparation, ce qui a été refusé par le représentant de Centre Hi-Fi, cela n’étant pas semble-t-il dans les « politiques » du magasin.
[11] L’appel de service du 24 juillet 2012 a duré plus d’un mois. Celui du 11 janvier 2013 a duré 18 jours et celui du 14 mars 2013, 11 jours.
[12] Selon la preuve, il y aurait eu remplacement à trois reprises du panneau défectueux, sans résultat concret.
[13] À la date de l’audition, le 20 février 2015, les demandeurs utilisaient encore ce téléviseur qui fait toujours des lignes vu qu’ils n’ont pas les moyens de le remplacer. Une disquette audio vidéo démontre qu’ils continuent de subir l’apparition de lignes dans l’image, ce qui est inacceptable. Leur espoir repose sur la décision du Tribunal.
[14] La preuve contient également des photographies montrant clairement le problème des lignes horizontales ou verticales [5].
[15] Ils ne l’envoient plus réparer parce qu’ils savent que cela ne donne rien. Ils sont privés du téléviseur pendant ce temps et le même problème recommence peu après.
[16] Le 8 octobre 2013, les demandeurs transmettent à Centre Hi-Fi et Samsung une mise en demeure décrivant les problèmes relatés ci-dessus [6]. Ils demandent que le téléviseur soit remplacé ou d’être remboursés du montant payé.
[17] On réclamait alors 2 997,73 $ soit le coût d’achat du téléviseur (2 370,38 $), celui de la garantie prolongée (337,75 $), la privation du téléviseur pendant une durée cumulative de 2 mois (200 $) et le remboursement des frais du câblodistributeur de 70 $ par mois pendant la période de privation.
[18] Cette mise en demeure est demeurée lettre morte.
[19] Le 12 août 2014, les demandeurs déposent une demande à la Division des petites créances au montant de 4 999 $ comprenant les chefs de réclamation mentionnés ci-dessus mais pour une durée prolongée.
LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES
[20] L’achat du téléviseur et de la garantie prolongée sont assujettis des dispositions de la Loi sur la protection du consommateur [7].
[21] La présente affaire fait appel à un certain nombre de dispositions de cette Loi dont les suivantes :
37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
43. Une garantie relative à un bien ou à un service, mentionnée dans une déclaration ou un message publicitaire d'un commerçant ou d'un fabricant, lie ce commerçant ou ce fabricant. Il en est de même d'une garantie écrite du commerçant ou du fabricant non reproduite dans le contrat.
50. La durée de validité d'une garantie prévue par la présente loi ou d'une garantie conventionnelle est prolongée d'un délai égal au temps pendant lequel le commerçant ou le fabricant a eu le bien ou une partie du bien en sa possession aux fins d'exécution de la garantie ou à la suite d'un rappel du bien ou d'une partie du bien par le fabricant.
[22] Les recours du consommateur sont prévus aux articles 53, 54 et 272 de la Loi sur la protection du consommateur :
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l'article 37, 38 ou 39.
Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l'article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l'article 314 ou dont l'application a été étendue par un décret pris en vertu de l'article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l'exécution de l'obligation;
b) l'autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs.
ANALYSE ET DÉCISION
[23] La preuve entendue révèle de façon indéniable que les demandeurs ont acheté un téléviseur affecté d’un vice grave de fabrication car il a été impossible de le réparer malgré les nombreux appels de service. Il y a longtemps que cet appareil aurait dû être remplacé soit par Centre Hi-Fi, soit par Samsung.
[24] Il est totalement inacceptable qu’on impose à des consommateurs l’obligation de subir des réparations inefficaces et le plus souvent inutiles pendant si longtemps.
[25] Le Tribunal ne blâme pas ici le réparateur BG Électronique qui semble avoir tout tenté pour réparer l’appareil mais, qui, en fin de compte, a mentionné aux demandeurs que le téléviseur devait être remplacé.
[26] Les demandeurs ne sont pas riches; ils ont même dû emprunter pour acheter ce téléviseur en 2010. Cela explique pourquoi ils n’avaient pas les moyens d’acheter un autre téléviseur en attendant que le Tribunal ne dispose de leur réclamation.
[27] À cet égard, les demandeurs ont droit à la résolution de leur contrat d’achat et au remboursement de la somme de 2 370,38 $.
[28] Sur ce point, le représentant de Samsung prétend que les demandeurs devraient n’avoir droit qu’à 1 083 $ en tenant compte qu’ils auraient obtenu 60 % du temps d’utilisation du téléviseur et 40 % de privation.
[29] Le soussigné n’est pas d’accord. Ce téléviseur a constamment mal fonctionné, privant continuellement les demandeurs de la jouissance de leur appareil. Ils l’utilisent même depuis les deux dernières années alors qu’il fait défaut constamment.
[30] Par conséquent, la valeur du temps où le téléviseur a bien fonctionné est annulée par tous les troubles et inconvénients que les demandeurs ont encourus de la privation de leur appareil et des innombrables démarches faites pour le faire réparer.
[31] Dès le départ, ils auraient dû obtenir un appareil en bon état de fonctionnement, ce qui est loin d’être le cas. Cet appareil ne respecte par les garanties d’usage et de durabilité prescrites aux articles 37 et 38 de la Loi [8].
[32] Le Tribunal leur accorde également le remboursement de la garantie prolongée de 337,35 $ car cette garantie s’est révélée totalement inefficace à leur procurer un téléviseur fonctionnel. Quant à ce montant, Samsung n’est pas responsable du remboursement car c’est Centre Hi-Fi qui en a encaissé le produit et qu’elle n’a donc rien à voir avec cette garantie prolongée.
[33] Le Tribunal alloue également une somme de 375 $ en remboursement des frais de câblodistribution payés en pure perte lors des privations du téléviseur.
[34] Enfin, le Tribunal condamne Centre Hi-Fi à payer un montant de 750 $ en dommages-intérêts punitifs car il considère la conduite de celle-ci particulièrement blâmable dans la présente affaire [9]. Un commerçant devrait mettre autant d’énergies à garantir le service après-vente d’un téléviseur qu’à en vanter les mérites au moment de la vente.
[35] Il est clair ici que les demandeurs ont été laissés à eux-mêmes malgré leurs demandes de support vu les problèmes encourus.
[36] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[37] DÉCLARE résolue la vente du téléviseur Samsung LM55C630 LCD 55 pouces;
[38] CONDAMNE solidairement Centre Hi-Fi inc. (Lachenaie) et Samsung Électronics Canada inc. à payer conjointement aux demandeurs la somme de 2 370,38 $, avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure du 8 octobre 2013, plus les frais judiciaires au montant de 137 $;
[39] CONDAMNE également Centre Hi-Fi inc. (Lachenaie) à payer en surplus conjointement aux demandeurs une somme de 712,35 $ en remboursement de la garantie prolongée et des frais de câblodistribution inutiles, avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure du 8 octobre 2013;
[40] CONDAMNE également Centre Hi-Fi inc. (Lachenaie) à payer conjointement aux demandeurs un montant de 750 $ à titre de dommages-intérêts punitifs, avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec payables dans un délai de 30 jours du présent jugement advenant que les condamnations ci-dessus n’aient pas été acquittées dans ce délai de 30 jours;
[41] PERMET aux défenderesses Centre Hi-Fi inc. (Lachenaie) et/ou Samsung Electronics Canada inc. et/ou de reprendre possession du téléviseur concerné dans un délai de 30 jours du paiement des sommes ci-dessus mentionnées, moyennant un préavis de 3 jours aux demandeurs de la date et de l’heure à être convenues pour la reprise de possession; passé ce délai, les demandeurs pourront disposer du téléviseur à leur guise.
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__________________________________ RICHARD LANDRY, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
20 février 2015 |
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[1] Les modifications sont pour soustraire de la condamnation le montant de la garantie prolongée qui a été comptée en double (voir par. 27 et 38) et le montant des frais judiciaires qui s’élève à 137 $ et non à 70 $.
[2] Pièce D-1 : factures de vente et de garantie « en liasse »
[3] Pièce P-2 « en liasse » attestations d’appels de service
[4] Pièce P-2
[5] Pièce P-3 « en liasse »
[6] Pièce P-4
[7] L.R.Q. c. P-40.1
[8] Lire à ce sujet Cheung c. Magasin Best Buy ltée 2009 QCCQ 527; Busque c. Meubles Jacques Veilleux inc. J.E. 84-970 (C.Q.)
[9] Richard c. Time inc. 2012 1 RCS 265, au par. 180
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.