Mac's Convenience Stores inc. c. Couche-Tard inc. |
2012 QCCS 2745 |
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JH5181 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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N° : |
540-17-003106-084 |
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DATE : |
19 juin 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
CAROLE HALLÉE, J.C.S. |
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MAC’S CONVENIENCE STORES INC. |
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Demanderesse |
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c. |
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COUCHE-TARD INC. |
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Défenderesse |
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PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA |
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et |
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SOUS-MINISTRE DU REVENU DU QUÉBEC |
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Mis en cause |
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JUGEMENT |
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[1] La demanderesse, Mac’s Convenience Stores inc., ci-après « MAC’S », requiert du Tribunal un jugement déclaratoire recherchant l’annulation ab initio d’un dividende de 136 000 000 $, déclaré et payé le 25 avril 2006 au bénéfice de la défenderesse, Couche-Tard inc., ci-après « CTI », et son remplacement par une réduction de capital du même montant.
[2] De consentement entre les parties, deux (2) organigrammes sont déposés par MAC’S, l’un illustrant une série d’opérations effectuées le 14 avril 2005 et l’autre, le 25 avril 2006, lesquels sont joints au présent jugement[1].
[3] L’historique de certaines transactions s’impose.
[4] Le 14 avril 2005, MAC’S contracte un prêt de 185 000 000 $ auprès de la société américaine Sildel Corporation, ci-après « SILDEL », tel qu’il appert au tableau des transactions du 14 avril 2005[2]. En vertu de ce prêt, MAC’S doit payer des intérêts.
[5] MAC’S doit à SILDEL des intérêts de l’ordre de 911 854 $ en 2006, 11 069 590 $ en 2007 et 10 674 247 $ en 2008. Le prêt est totalement remboursé par MAC’S le 14 avril 2008.
[6] Les intérêts sont déduits dans le calcul du revenu de MAC’S aux fins de l’application des dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, ci-après « LIR »[3].
[7] Le 25 avril 2006, MAC’S intervient à une autre série de transactions impliquant plusieurs entités juridiques lui étant liées, tel que démontré à l’Annexe B[4].
[8] Alors que le prêt de SILDEL envers MAC’S est toujours en vigueur, le 25 avril 2006, cette dernière déclare et paie un dividende de 136 000 000 $ à la défenderesse CTI.
[9] Une résolution du conseil d’administration est signée le même jour[5].
[10] La décision de MAC’S de déclarer un tel dividende résulte de la recommandation de KPMG LLP agissant comme fiscaliste externe pour MAC’S depuis 2001.
[11] La déclaration et le paiement de dividende ont pour effet de réduire de 136 000 000 $ les bénéfices non répartis, ci-après « BNR », de la demanderesse.
[12] Or, à la fin de l’année 2007, lors d’un appel d’offres auprès de firmes comptables, l’une d’entre elles avise MAC’S que la déclaration et le versement du dividende de 136 000 000 $ effectués le 25 avril 2006 peuvent engendrer des conséquences fiscales jusque-là ignorées.
[13] En effet, la déclaration de dividende et le versement y afférent de 136 000 000 $ ont modifié le ratio existant entre les « capitaux empruntés » et les « capitaux propres » de MAC’S.
[14]
Ce ratio « capitaux empruntés/capitaux propres » de MAC’S est
devenu supérieur au ratio maximum de 2:1 prévu au paragraphe
[15]
Ce nouveau ratio empêche MAC’S de déduire, dans le calcul de son revenu,
aux fins de l’application de la LIR, les intérêts payés à SILDEL, une société
non résidente du Canada, suite à l’emprunt du 14 avril 2005 et ce,
conformément aux règles de capitalisation restreinte prévues aux paragraphes
18(4) à
[16]
Le dividende de 136 000 000 $ déclaré et payé par MAC’S à
CTI a une conséquence fiscale pour la demanderesse, à savoir l’application ipso
facto des règles de capitalisation restreinte se retrouvant au paragraphe
[17] Au début de l’année 2008, MAC’S avise alors l’Agence de Revenu du Canada de ce fait.
[18] Cette dernière procède à une vérification fiscale des activités de MAC’S et émet de nouvelles cotisations à l’égard des années d’imposition 2006, 2007 et 2008, refusant les déductions relatives aux intérêts payés à SILDEL.
[19] C’est pourquoi MAC’S intente le présent recours visant l’annulation du dividende de 136 000 000 $ déclaré et payé le 25 avril 2006 afin de le remplacer par une réduction de capital versé du même montant au bénéfice de la même personne, sans faire transiter quelques fonds que ce soit, permettant ainsi la déduction des intérêts payés à SILDEL.
[20] La demanderesse recherche donc une rectification instrumentaire, sans restitution des prestations, c’est-à-dire sans le remboursement du dividende de 136 000 000 $.
[21] QUESTIONS EN LITIGE
A) Quel est le droit applicable en matière d’annulation d’une déclaration de dividende et de jugement déclaratoire en correction d’écrits instrumentaires lorsque la demanderesse est une société par actions régie par la Loi sur les sociétés par actions[7] de l’Ontario, ci-après « LSAO », et dont le siège social est en Ontario?
B) Existe-t-il un écart entre l’intention commune des parties (le negotium) à la série d’opérations du 25 avril 2006 et leur intention couchée par écrit (l’instrumentum)?
C) La demande de rectification est-elle légitime?
D) La demande de rectification est-elle nécessaire?
E) La demande de rectification affecte-t-elle le droit des tiers?
[22] La demanderesse soutient qu’elle a, ainsi que la défenderesse, donné son consentement à la série d’opérations du 25 avril 2006, à la condition que :
a) Les transferts de fonds entre les diverses entités ne génèrent aucun impôt payable pour la demanderesse et la défenderesse; et
b) Les transferts de fonds permettent de maximiser la déduction d’intérêts pour la demanderesse et la défenderesse.
[23] En effet, MAC’S plaide que l’objectif de la série d’opérations du 25 avril 2006 se résume ainsi :
« (…)
i) Les différentes entités, directement ou indirectement contrôlées par Alimentation Couche-Tard inc., voulaient faire circuler des fonds de façon à maximiser les emprunts au niveau des sociétés opérantes (la demanderesse et la défenderesse), pour maximiser leurs dépenses d’intérêts sur les emprunts et, conséquemment, diminuer leurs impôts;
ii) L’ensemble des mouvements de fonds décrits à l’organigramme du 25 avril 2006 ne devait générer aucun impôt payable pour aucune des entités, plus particulièrement la demanderesse et la défenderesse;
iii) Les revenus d’intérêts payés sur les emprunts ainsi souscrits étaient attribués à une fiducie, ACT Financial Trust; (…) » [8]
[24] La demanderesse et la défenderesse ajoutent qu’aucun de ses représentants n’a manifesté d’intention spécifique de déclarer un dividende de 136 000 000 $ comme condition essentielle à la série d’opérations du 25 avril 2006. Pour elles, que le transfert de fonds de 136 000 000 $ soit fait par le biais d’un dividende, d’une réduction de capital ou autrement était sans importance dans la mesure où les objectifs étaient rencontrés.
[25] Les opérations effectuées le 25 avril 2006 ont été conçues par Me Ghislain Brossard de KPMG LLP. Lui seul a avisé la demanderesse de déclarer et payer le dividende de 136 000 000 $[9].
[26] Les représentants de MAC’S et CTI soutiennent s’être entièrement fiés aux conseils de Me Brossard et qu’il était raisonnable d’agir de cette façon en raison de la complexité des règles fiscales applicables et de l’absence de connaissance fiscale suffisante de leur part.
[27] Ils ajoutent que les conséquences fiscales dues à l’application des règles de capitalisation restreinte sont contraires à l’intention manifestée par eux lors de la mise en oeuvre de la série d’opérations du 25 avril 2006. Par ailleurs, Me Brossard n’aurait jamais avisé les représentants de la demanderesse et de la défenderesse du risque d’application des règles de capitalisation restreinte dans le contexte de la série d’opérations du 25 avril 2006.
[28] De plus, puisque les opérations du 25 avril 2006 concernaient uniquement des entités canadiennes et aucune entité étrangère, il était raisonnable, même pour un fiscaliste prudent et diligent, de ne pas se rendre compte du risque d’application des règles de capitalisation restreinte, affirment-ils.
[29] C’est pourquoi les représentants de la demanderesse et de la défenderesse soutiennent qu’il n’y avait aucune raison d’effectuer le paiement de 136 000 000 $ par le biais d’un dividende plutôt qu’une réduction de capital puisque s’ils avaient procédé par la réduction de capital, les intérêts du prêt contracté auprès de SILDEL en avril 2005 auraient été déductibles d’impôts.
[30] Tant le procureur général du Canada que le sous-ministre du Revenu du Québec soutiennent qu’il n’y a pas d’écart entre le negotium (l’intention de MAC’S de se commettre à l’acte juridique intervenu le 25 avril 2006, soit la déclaration d’un dividende de 136 000 000 $ au bénéfice de son actionnaire CTI) et l’instrumentum y afférent (la résolution des administrateurs datée du 25 avril 2006 déclarant ledit dividende de 136 000 000 $), permettant le changement requis.
[31] Subsidiairement, ils plaident que si le Tribunal concluait à l’existence d’un tel écart, la demande de MAC’S ne serait pas légitime, car elle viserait à réécrire l’histoire fiscale du dossier. En effet, la correction demandée affecterait la nature intrinsèque de l’obligation civile à corriger, en modifiant une obligation civile de nature fructus (pour CTI, un revenu tiré de la détention d’actions de MAC’S) par une obligation civile de nature capital (pour CTI, le remboursement du capital investi dans MAC’S).
[32] Les mis en cause plaident que les conséquences fiscales inattendues pour MAC’S, soit la perte de la déduction dans le calcul de son revenu aux fins de l’application de la LIR et les intérêts payés ou payables à SILDEL suite à l’emprunt du 14 avril 2005, sont ce que la doctrine civile québécoise considère plutôt une erreur « économique », car elle porterait sur la valeur de la prestation relative à l’acte juridique intervenu, c’est-à-dire la déclaration et le versement du dividende de 136 000 000 $.
[33] Cette erreur économique commise par les conseillers de MAC’S ne donnerait pas ouverture à l’annulation demandée, car elle n’est pas engendrée directement par la déclaration de dividende de 136 000 000 $.
[34] En effet, suivant les mis en cause, il n’existe pour MAC’S aucune conséquence fiscale directement reliée à la déclaration et au versement du dividende de 136 000 000 $ dans la LIR.
[35] C’est la non-déductibilité des intérêts payés à SILDEL, suite au prêt effectué en 2005, qui est la cause directe des conséquences fiscales inattendues que sont les cotisations de l’Agence de revenu du Canada, car sans les intérêts payés à SILDEL sur l’emprunt de 185 000 000 $ du 14 avril 2005 il n’y aurait pas eu de cotisations fiscales, même en présence de la déclaration et du versement d’un dividende de 136 000 000 $ le 25 avril 2006.
[36] Les mis en cause affirment que les conséquences fiscales inattendues pour MAC’S ne peuvent avoir été portées au statut d’éléments essentiels ayant vicié son consentement puisqu’elles n’avaient jamais été discutées par MAC’S et ses conseillers de chez KPMG LLP.
[37]
Enfin, les mis en cause ajoutent que si le Tribunal devait conclure à un
consentement vicié de MAC’S quant à la déclaration de dividende de
136 000 000 $, ils soutiennent que cette erreur ne peut donner
ouverture qu’à l’annulation de la déclaration de dividende et qu’ainsi, seule
la remise en état des parties conformément aux articles
A) Quel est le droit applicable en matière d’annulation d’une déclaration de dividende et de jugement déclaratoire en correction d’écrits instrumentaires lorsque la demanderesse est une société par actions régie par la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario et dont le siège social est en Ontario?
[38] Les parties en cause reconnaissent la compétence de la Cour supérieure pour trancher ce litige. Il importe cependant de préciser ce qui suit.
[39]
Les faits non contredits, énumérés ci-après, renversent la présomption
de l’article
· MAC’S a la capacité d’exercer ses activités, de conduire ses affaires internes et d’exercer ses pouvoirs à l’extérieur de la province, dans les limites des lois applicables dans ce territoire[11].
· La « conduite des affaires internes » de MAC’S est à Laval.
· Les administrateurs de MAC’S ont décidé de déclarer un dividende à Laval, suivant les conseils reçus à Laval de ses conseillers fiscaux KPMG LLP de Montréal.
· La résolution de MAC’S du 25 avril 2006 fut instrumentée et signée à Laval.
· MAC’S opère un compte bancaire à la succursale de la Banque Nationale du Canada sise au 600 de la Gauchetière Ouest, à Montréal.
[40] Bien que MAC’S soit une société par actions régie par la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario dont le siège social est situé en Ontario, les faits relatifs à la prise de décision des affaires internes de la société, en particulier ceux concernant la déclaration et le versement du dividende de 136 000 000 $ en avril 2006, rendent le droit civil québécois applicable au fond du présent litige.
[41] La Cour supérieure du Québec a donc compétence.
B) Existe-t-il un écart entre l’intention commune des parties (le negotium) à la série d’opérations du 25 avril 2006 et leur intention couchée par écrit (l’instrumentum)?
[42] La Cour d’appel a récemment établi les principes applicables lorsqu’un écart entre l’intention d’un contribuable et celle déclarée par écrit, engendre des conséquences fiscales négatives imprévues. La Cour se prononçant à deux reprises sur cette question.
[43] Dans l’affaire Services environnementaux AES inc.[12], repris quelques semaines plus tard dans l’arrêt Riopel[13], la Cour d’appel émet, aux paragraphes 11 à 21, les principes suivants :
[11] Le pourvoi soulève la question de savoir si la Cour supérieure peut permettre la correction du document porteur d'un contrat en cas de divergence entre l'intention commune des parties et l'intention déclarée à l'acte.
[12] La Cour conclut que oui lorsque, comme en l'espèce, la demande est légitime et nécessaire et que la correction recherchée n'affecte en rien les droits des tiers.
[13] L'argument de l'appelant quant à l'importation en droit civil de la théorie de l'« equitable rectification » propre à la Common Law ne tient pas. Le droit civil québécois compte déjà tous les outils nécessaires pour permettre, à certaines conditions, qu’il soit donné effet selon l’intention commune véritable des parties à un contrat dont la rédaction ne reflète pas cette intention. Il n’est pas nécessaire pour parvenir à ce résultat de faire appel à une théorie propre à un autre système juridique.
[14] Il existe ici deux façons d'analyser l'inexactitude dans le constat du prix de base rajusté des actions dans les documents constatant la transaction du 15 décembre 1998 entre AES et Centre technologique : a) l'erreur qui vicie le consentement, ou 2) une divergence entre l'intention commune des parties et leur intention déclarée au contrat.
[15] Dans la mesure où elle n'est pas
inexcusable, l'erreur portant sur la nature du contrat, sur l'objet de la
prestation ou sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement vicie
celui-ci (art.
[16] L'erreur peut être commune, mais, même commune, elle ne peut déboucher que sur la nullité du contrat et non sur sa correction.
[17] Par ailleurs, lorsqu'il constate non pas une
erreur mais un écart entre l'intention commune des parties (le negotium) et
leur intention déclarée au contrat (l'instrumentum), le juge peut tenir compte
de cet écart en donnant effet au contrat (article
[18] En effet, la règle énoncée à l'article
[19] Le pouvoir accordé au juge de rendre
l’instrumentum conforme au negotium est la conséquence implicite de cette règle
puisqu'il permet de faire concorder le texte du contrat et l'intention
véritable des parties; encore faut-il, cependant, que les droits des tiers
ne soient pas affectés (une analogie est possible ici avec les règles de la
simulation, aux articles
[20] En l'espèce, les parties étaient convenues d'une transaction conforme aux règles fiscales du pays et de la province de façon à ce qu'elle n'entraîne aucun impact fiscal immédiat. Dans les faits, les documents contractuels qu'elles ont signés ne reflétaient pas cette intention puisque, tel que les autorités fiscales devaient le découvrir par la suite, ils entraînaient un impact fiscal immédiat et important. La correction des documents contractuels permettra de refléter l'intention véritable des parties.
[21] La demande des intimées est légitime. En effet, il ne s'agit pas pour elles de réécrire l'histoire fiscale du dossier, il s'agit de leur permettre de corriger les documents afin de rendre ceux-ci conformes à l'histoire conçue et écrite par les parties à partir du scénario proposé par les lois fiscales. Les autorités fiscales n'en subissent aucun préjudice puisque, d'une part, tant la Loi sur l'impôt sur le revenu que la Loi sur les impôts indiquent au contribuable la marche à suivre pour que l'échange d'actions se fasse sans impact fiscal immédiat et, d'autre part, si les parties avaient procédé d'une façon conforme à leur volonté, il n'y aurait eu aucun impact fiscal immédiat pour elles. (…) »
(Le Tribunal souligne)
[44] Il ressort de ces deux arrêts un test en quatre étapes permettant de déterminer si la demande de rectification de la demanderesse devrait être accordée :
Ø Y a-t-il un écart entre l’intention commune des parties (le negotium) à la série d’opérations du 25 avril 2006 et leur intention couchée par écrit (l’instrumentum)?
Ø La demande de rectification est-elle légitime?
Ø La demande de rectification est-elle nécessaire?
Ø La demande de rectification affecte-t-elle les droits des tiers?
[45] Selon la demanderesse, la preuve a démontré de façon convaincante l’existence d’un écart entre la commune intention des parties à la série d’opérations du 25 avril 2006 (le negotium) et la façon dont cette intention a été couchée par écrit (l’instrumentum).
[46] Pour elle, le negotium est clair et non équivoque : les représentants de la demanderesse et de la défenderesse ont donné leur consentement à la série d’opérations du 25 avril 2006 à la condition que :
a) Les transferts de fonds entre les diverses entités ne génèrent aucun impôt payable pour la demanderesse et la défenderesse; et
b) Les transferts de fonds permettent de maximiser la déduction d’intérêts pour la demanderesse et la défenderesse.
[47] Quant à l’instrumentum, il y a lieu de se référer à la résolution du conseil d’administration de la demanderesse du 25 avril 2006 déclarant le dividende de 136 000 000 $ au bénéfice de la défenderesse[14].
[48] Selon la demanderesse, ladite résolution n’est pas conforme à l’intention commune des parties à la série d’opérations du 25 avril 2006 puisqu’il s’agit d’un transfert de fonds qui a pour impact fiscal négatif direct et immédiat pour elle, soit la négation d’une déduction d’intérêts totalisant 22 655 691 $.
[49]
En effet, selon les paragraphes
a) Tout d’abord, inclus dans le revenu selon 82(1);
b) Puis est déduit selon 112(1);
c) De telle sorte qu’il n’y a pas d’impôt payable pour une société canadienne qui reçoit un dividende « inter-corporatif ».
[50] Aux dires de MAC’S, c’est la raison pour laquelle Me Brossard avait opté pour un dividende afin de faire procéder au transfert de 136 000 000 $ de la demanderesse à la défenderesse[15] .
[51] En ce faisant, la résultante du paiement de dividende sur le calcul des bénéfices non répartis de la demanderesse a engendré une réduction des BNR de 136 000 000 $.
[52] Or, la conséquence fiscale imprévue au coeur des débats devant cette Cour, résulte de cette réduction des BNR de la demanderesse, en raison du paiement du dividende, écrit cette dernière dans ses notes et autorités[16].
« (…)
a) À la fin de l’année 2005, les BNR de la demanderesse étaient de 102 660 000 $ (pièce P-5, p. 15, sous la rubrique « retained earnings »);
b) À la fin de l’année 2006, soit après le paiement du dividende de 136 000 000 $, les BNR étaient passés à un montant négatif de (9 959 000 $) (pièce P-5, p. 15);
c) Pendant cette période, la demanderesse avait une dette de 185 000 000 $ envers Sildel Coproration, une société non résidente du Canada, sur laquelle la demanderesse devait payer des intérêts à un taux de 5,75 % par an (pièce P-11);
d) En vertu de l’alinéa 20(1)(c) de la Loi de l’impôt sur le revenu, les intérêts payables sur ce prêt sont clairement déductibles et les mis en cause ne l’ont jamais contesté;
e) Toutefois, les intérêts étant payables par la demanderesse à un non-résident du Canada, leur déductibilité selon l’alinéa 20(1)(c) est encadrée par le paragraphe 18(4), qui énonce les règles de capitalisation restreinte comme suit :
i. La proportion « capitaux empruntés » par rapport aux « capitaux propres » est limitée à un ratio 2:1;
ii. Aux fins du calcul des capitaux propres de la demanderesse, on ne peut tenir compte que des BNR (et non du capital-actions);
iii. Si le ratio maximum (2:1) n’est pas respecté par la société qui paie les intérêts à un non-résident, cette société ne pourra pas déduire dans le calcul de son revenu les sommes au titre des intérêts payés ou payables sur des dettes impayées envers le non-résident;
f) L’effet direct et immédiat de la déclaration et du paiement du dividende de 136 000 000 $ sur le ratio capitaux empruntés/capitaux propres peut donc être illustré comme suit :
g) Or, cette réduction des BNR de la demanderesse, en raison du paiement du dividende, qu’émane la conséquence fiscale imprévue qui est au coeur des débats devant cette Cour :
Ratio sans le dividende :
Capitaux empruntés : 185 000 000 $
Capitaux propres (BNR) : 126 041 000 $[17]
Ratio : 1,47:1
Le ratio est inférieur à 2:1, la déduction est permise selon le paragraphe 18(4).
Ratio avec le dividende :
Capitaux empruntés : 185 000 000 $
Capitaux propres (BNR) : (9 959 000 $)
Ratio : Supérieur à 2:1
Le ratio est supérieur à 2:1; la déduction n’est pas permise selon le paragraphe 18(4).(…) »
[53] La demanderesse plaide qu’une réduction du capital versé de 136 000 000 $ au lieu d’un dividende au même montant aurait eu pour effet de maintenir les BNR à un seuil acceptable aux fins des règles de capitalisation restreinte, tout en permettant un transfert de fonds libre d’impôts, conformément à l’intention de la demanderesse et défenderesse.
[54] Pour les mis en cause, les transactions et mouvements de fonds du 25 avril 2006 n’avaient comme seul objectif la réduction du fardeau fiscal de CTI représenté par ACT Financial Trust (Alimentation Couche-Tard), ses sociétés et autres entités juridiques lui étant liées.
[55] Les mis en cause soutiennent que l’intention réelle de MAC’S était de se créer une obligation civile justifiant le versement d’une somme de 136 000 000 $ à son actionnaire CTI afin de permettre le réacheminement des sommes vers d’autres entités juridiques liées lui permettant de rembourser son prêt initial de 263 000 000 $[18]. Ce prêt représentant la 1re de 11 transactions effectuées le même jour, soit le 25 avril 2006.
[56] La preuve révèle que les administrateurs de MAC’S n’ont jamais eu de discussions spécifiques avec le conseiller Brossard concernant les conséquences fiscales pour MAC’S de la déclaration de dividende.
[57] Les témoignages des différents intervenants confirment qu’ACT Financial Trust, les sociétés lui étant liées dont MAC’S et les autres entités juridiques qui sont intervenues aux transactions du 25 avril 2006, ont exécuté à la lettre les spécifications requises à la planification fiscale proposée par Me Brossard de KPMG LLP.
[58] Messieurs Fortin et Paré, respectivement vice-président exécutif et chef de la direction financière et responsable de la trésorerie au moment des faits en litige ont témoigné voulant que la planification fiscale de KPMG LLP prévoyait la déclaration et le versement d’un dividende de 136 000 000 $ au bénéfice de l’actionnaire CTI. C’est précisément ce qui a été exécuté et instrumenté par MAC’S le 25 avril 2006 et ce, conformément à la résolution signée le même jour.
[59] Il n’y a pas eu non plus échange et/ou discussion entre MAC’S et Me Brossard concernant les différents moyens de verser le 136 000 000 $ de MAC’S à CTI, car seule la rentabilité fiscale globale des transactions du 25 avril 2006 pour l’ensemble du groupe Couche-Tard était importante.
[60] La planification proposée par KPMG LLP et acceptée par ACT, MAC’S et les autres entités juridiques parties aux transactions du 25 avril 2006 prévoyait spécifiquement la déclaration et le versement par MAC’S d’un dividende de 136 000 000 $ à l’un de ses actionnaires, CTI.
[61] D’ailleurs, Me Brossard a reconnu, lors de son témoignage, avoir suggéré le paiement d’un dividende suite au mandat qui lui avait été confié, lequel était de réduire le fardeau fiscal du groupe. Il ajoute qu’il a donc conçu la transaction, se voulant une recirculation de fonds, identique à une série d’opérations qu’il avait lui-même faites en 2001 avec cette cliente. Il réitère avoir simplement répété une nouvelle version de ce qu’il avait fait en 2001, tout en précisant qu’il aurait pu choisir la réduction de capital, mais qu’il a porté son choix sur le versement d’un dividende.
[62] Me Brossard a affirmé qu’il connaissait très bien la nuance entre le paiement d’un dividende et une réduction de capital. Il a par ailleurs reconnu qu’il ne se rappelait pas au moment de sa planification en 2006, avoir fait une recherche pour la réduction de capital lors de la série de transactions exécutées en avril 2005, au moment du prêt à une société américaine.
[63] Il admet ne pas avoir revu les règles de capitalisation des transactions effectuées en avril 2005 relativement audit prêt de la société américaine SILDEL avant de procéder aux transactions du mois d’avril 2006.
[64] De plus, Me Brossard a indiqué que cette série de transactions effectuées le 25 avril 2006 avait procuré une économie d’impôt d’environ 1 000 000 $ à payer au fisc ontarien, et ce, en passant par une loi du Québec.
[65] Le Tribunal retient de la preuve qu’aucune discussion n’a eu lieu entre les parties concernées relativement aux conséquences du versement d’un dividende et de l’allégation de la déduction des intérêts sur le prêt d’une corporation américaine.
[66] Les opérations effectuées le 25 avril 2006 rencontraient l’intention des parties.
[67] Contrairement aux faits ayant donné ouverture à la correction par la Cour d’appel aux décisions AES et Riopel déjà citées, il n’y a dans la présente cause aucune divergence entre le negotium et l’instrumentum. La résolution des administrateurs de MAC’S déclarant un dividende de 136 000 000 $ reflète bien l’intention de MAC’S de se commettre au seul acte juridique proposé par son conseiller.
[68] Dans l’arrêt Services environnementaux AES inc.[19], la Cour d’appel concluait qu’il y avait eu accord entre l’intention commune des parties et leur intention déclarée au contrat puisqu’il y avait eu erreur sur le prix de base rajusté des actions, lesquelles avaient été évaluées à la hausse, alors que dans les faits leurs prix étaient de beaucoup inférieurs, occasionnant ainsi un ajout de gain en capital imposable.
[69] Dans l’affaire Riopel[20], l’avocat avait commis une erreur dans les statuts de fusion, erreur qu’il n’avait pas dévoilée à ses clients, recherchant à remédier au problème avec l’aide du comptable, faisant en sorte que les documents signés par les parties ne représentaient aucunement le mandat confié initialement.
[70] Dans le présent cas, les conséquences fiscales sont survenues en raison de la série de transactions effectuées l’année précédente relativement au prêt à une société américaine occasionnant aujourd’hui la négation d’une déduction d’intérêts payables par la demanderesse sur le prêt de SILDEL.
[71] Le Tribunal conclut que bien que Me Brossard n’était pas de mauvaise foi, personne n’a discuté de cette déduction et c’est le choix du fiscaliste d’avoir voté un dividende plutôt qu’une réduction de capital.
[72] Il n’y a donc aucun écart entre le negotium, soit l’intention réelle de MAC’S de se commettre à la déclaration et au versement d’un dividende de 136 000 000 $, et l’instrumentum, soit l’intention de MAC’S déclarée à l’écrit instrumentaire y afférent, soit la résolution des administrateurs de MAC’S du 25 avril 2006.
C) La demande de rectification est-elle légitime?
[73] Bien que le Tribunal conclut qu’il n’y a pas d’écart entre le negotium et l’instrumentum, il y a tout de même lieu de préciser ce qui suit.
[74] Selon la demanderesse, sa demande de rectification est tout à fait légitime.
[75] Elle précise qu’il ne s’agit pas de réécrire l’histoire fiscale du dossier, mais simplement lui permettre de corriger certains documents afin de rendre ceux-ci conformes à l’histoire conçue et écrite par les parties à partir du scénario proposé par leur professionnel conformément aux lois fiscales.
[76] La demanderesse soutient que sa rectification vise à maintenir le statu quo fiscal et non à créer un avantage fiscal[21], à savoir :
a) Que le transfert de 136 000 000 $ entre la demanderesse et la défenderesse demeure neutre sur le plan fiscal; et
b) Que les intérêts payables par la demanderesse à SILDEL Corporation demeurent déductibles.
[77] Pour la demanderesse, la rectification recherchée est tout à fait conforme à la LSAO qui permet une réduction de capital versé.
[78] La preuve documentaire démontre qu’en date du 25 avril 2006, le capital versé de la demanderesse était ventilé comme suit[22] :
Actions ordinaires détenues par Couche-Tard inc. : 49 569 000 $
Actions privilégiées détenues par
Alimentation Couche-Tard inc. : 115 000 000 $
164 569 000 $
[79] Pour MAC’S, réduire son capital versé de 136 000 000 $ implique donc de réduire le capital versé d’un montant de 49 569 000 $ relativement aux actions ordinaires et d’un montant minimum de 86 431 000 $ relativement aux actions privilégiées.
[80] Pour ce faire, la demanderesse propose de procéder en trois étapes distinctes[23] :
« (…)
a) Premièrement, le compte de capital versé des actions privilégiées est soustrait d’un montant de 87 000 000 $ conformément à la clause 34(1)(b)(ii)(B) de la LSAO;
b) Deuxièmement, le montant de la soustraction du compte de capital versé des actions privilégiées - 87 000 000 $ - est ajouté au compte de capital versé des actions ordinaires conformément au sous-alinéa 24(6)(a)(ii) de la LIR ;
c) Finalement, le compte de capital versé des actions ordinaires est réduit d’un montant de 136 000 000 $ et versé à la défenderesse conformément à l’alinéa 34(b)(i) de la LSAO. (…) »
[81] Trois résolutions distinctes seront nécessaires à cette réduction de capital versé[24] :
« (…)
a) Special resolution of the Shareholders authorizing a reduction of stated capital from the stated capital account maintained in respect of the Preferred Shares;
b) Special resolution of the Shareholders authorizing the addition of stated capital received by the Corporation from the reduction of stated capital account maintained in respect of the Preferred Shares to the stated capital account maintained in respect of the Common Shares; et
c) Special resolution of the Common Shareholders authorizing the reduction of the stated capital from the stated capital account maintained in respect of the Common Shares. (…) »
[82]
Pour la demanderesse, l’impact fiscal de la réduction de capital versé
résultant de ces trois résolutions est neutre, en ce sens qu’aucun impôt n’en
résulte, conformément à l’article
« (…)
a) En vertu du paragraphe 84(4), la réduction du capital versé des actions privilégiées n’impliquerait aucune conséquence fiscale puisqu’aucune somme n’est payée pour la réduction en excédent du montant qui est soustrait du capital versé;
b)
En vertu du paragraphe
84(1), l’augmentation du capital versé des actions ordinaires n’impliquerait
aucune conséquence fiscale défavorable puisque le montant de l’augmentation du
capital versé des actions ordinaires est un dividende réputé qui est par
ailleurs déductible en vertu du paragraphe
c) En vertu du paragraphe 84(4), la réduction du capital versé des actions ordinaires n’impliquerait aucune conséquence fiscale puisqu’aucune somme n’est payée en excédent du montant qui est soustrait du capital versé. (…) »[25]
[83] Selon la demanderesse, cette opération est une méthode reconnue et tout à fait acceptable de transfert de capital versé sans incidence fiscale.
[84] Par ailleurs, la demanderesse ajoute qu’aux fins des états financiers, la réduction de capital versé serait enregistrée comme une réduction du compte de capital-actions de la demanderesse et aucun montant ne serait enregistré au compte des BNR.
[85] Pour les mis en cause, la demande n’est pas légitime, car d’un point de vue comptable, un dividende est considéré comme étant du revenu alors qu’un versement résultant d’une réduction de capital est considéré comme étant de nature capital[26].
[86] C’est d’ailleurs ce qu’a reconnu, lors de son témoignage, madame Couture, fiscaliste, ayant joint les rangs de CTI en 2008, affirmant que « le mouvement de fonds est le même mais la nature n’est pas la même ».
[87] Or, même s’il y avait écart entre le negotium et l’instrumentum, ce que le Tribunal a rejeté, la demande de MAC’S vise plus qu’une simple modification d’un écrit instrumentaire.
[88] MAC’S demande plutôt de remplacer un acte juridique (une déclaration de dividende) par d’autres actes juridiques (réduction de capital) de nature fort différente afin d’obtenir un traitement fiscal plus favorable[27] et c’est ce qui s’appelle réécrire l’histoire fiscale[28] de la transaction, contrevenant ainsi au critère de légitimité.
[89] Au surplus et avec égards, les conclusions recherchées par MAC’S, telles que modifiées en date du 26 octobre 2011[29], ne seraient pas légitimes, car elles impliqueraient la création de trois nouveaux écrits instrumentaires auxquels ACT Financial Trust, qui n’est pas à ce jour intervenue au litige, doit donner son consentement rétroactivement au 25 avril 2006.
[90] En effet, la déclaration du dividende de 136 000 000 $ relève de la régie interne de MAC’S qui appartient aux seuls administrateurs[30], alors que la réduction[31] et l’augmentation[32] du capital de MAC’S appartiennent aux actionnaires.
[91] Dans les circonstances, le Tribunal conclut que la demande de rectification ne serait pas légitime.
[92] Pour ces motifs, il n’y a pas lieu de se prononcer quant à la nécessité de la rectification et si cette dernière affecte le droit des tiers. Cependant, il y a lieu d’aborder la question de l’erreur.
L’erreur
[93] La Cour d’appel dans Services environnementaux AES inc. cité précédemment écrivait :
« (…)
[15] Dans
la mesure où elle n'est pas inexcusable, l'erreur portant sur la nature du
contrat, sur l'objet de la prestation ou sur tout élément essentiel qui a
déterminé le consentement vicie celui-ci (art.
[94]
Les conseillers de KPMG LLP ignoraient et n’avaient pas prévu que les
règles de capitalisation restreinte (
[95] Le Tribunal fait siens les commentaires du procureur général du Canada dans ses notes et autorités[33] :
« (…)
86. Bien qu’en principe « L’erreur économique, ou erreur sur la valeur de l’objet d’une prestation, n’est généralement pas considérée comme un motif de nullité », la Cour d’appel a décidé « qu’il y a matière à nullité en présence d’une erreur sur la valeur même de l’objet quand elle se situe « au centre même de la décision » et qu’elle « s’élève au rang de considération principale et de condition même de l’engagement » ».
« Le test est cependant très exigeant »
87. Les règles spécifiques de capitalisation restreinte n’ont pas été spécifiquement envisagées lors de la décision de déclarer et de verser un dividende et n’ont ainsi pu être extériorisées au point d’en faire une condition, au sens obligationnel du terme,[34] lui permettant d’être au centre de la décision de déclarer un dividende.
88. Il ne faut pas confondre une conséquence inattendue avec une condition dont dépend une obligation.
89. De plus, ce n’est pas la valeur de l’objet de la prestation spécifique qu’est la déclaration de dividende qui est erronée, mais plutôt la conséquence fiscale d’une autre transaction, soit le paiement des intérêts du prêt de 185 M$ contracté auprès de SILDEL au mois d’avril 2005.
90. MAC’S ignorait que sa déclaration et le versement d’un dividende de 136 M$ engendreraient les règles de capitalisation restreinte l’empêchant de déduire de ses revenus les intérêts payés et payables sur l’emprunt de 185 M$ du 14 avril 2005.
91. Cette erreur de coût relative à la déductibilité des intérêts reliés à un emprunt effectué plus d’un an auparavant, soit le 14 avril 2005, n’a donc pas pu être un élément essentiel se situant au « centre même de la décision » relative à l’objet de la prestation du 25 avril 2006, soit la déclaration et le versement d’un dividende le 25 avril 2006.[35] . (…) »
[96] Ces conséquences fiscales inattendues pour MAC’S induites par la planification fiscale de Me Brossard de la firme KPMG LLP, sont une erreur « économique » puisqu’elles portent sur la valeur de l’objet de la prestation, soit le coût fiscal engendré par la non-déductibilité des intérêts payés par MAC’S sur son emprunt de 185 000 000 $ effectué le 14 avril 2005.
[97] Cette erreur est qualifiée d’économique par la jurisprudence et la doctrine[36].
[98] Mais il y a plus, même si cette Cour concluait à une erreur viciant le consentement de la demanderesse, la conséquence juridique constitue l’annulation de la déclaration de dividende, laquelle entraînerait la restitution des prestations.
[99] Pour ce faire, le Tribunal ne pourrait prononcer la nullité ab initio de l’acte juridique de la déclaration de dividende sans ordonner la remise en état des parties, et ce n’est pas ce que la demanderesse recherche dans la présente instance.
[100] En effet, une des conclusions recherchées par la demanderesse dans ses notes et autorités du 26 octobre 2011[37] demande de: « Déclarer que le dividende au montant de 136 000 000 $ déclaré par MAC’S Convenience Store inc., le 25 avril 2006, est nul ab initio et est réputé n’avoir jamais été déclaré et payé ».
[101] Or, le jugement Services environnementaux AES de la Cour d’appel précité précise que :
« (…)
[16] L'erreur peut être commune, mais, même commune, elle ne peut déboucher que sur la nullité du contrat et non sur sa correction. (…) »
[102] L’erreur « vice de consentement » engendre la nullité de l’acte juridique et suivant les enseignements de la Cour d’appel, exclut la correction de l’écrit instrumentaire y afférent.
[103] Or, si une erreur a vicié le consentement de la demanderesse, cette erreur commande la remise en état des parties, ce que la demanderesse refuse.
[104] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[105] REJETTE la Requête introductive d’instance pour l’annulation d’un dividende et pour jugement déclaratoire amendée;
[106] LE TOUT, avec dépens.
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__________________________________ CAROLE HALLÉE, J.C.S. |
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Me Wilfrid Lefebvre et Me Dominic C. Belley |
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NORTON ROSE OR SENCRL |
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Procureurs de la demanderesse |
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Me Marielle Thériault et Me Grégoire Cadieux |
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Ministère de la Justice Canada |
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Procureur général du Canada |
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Me Pierre Zemaitis |
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LARIVIÈRE, MEUNIER |
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Procureur du Sous-ministre du Revenu |
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Dates d’audience : Délibéré : |
21, 22 et 23 septembre 2011 16 décembre 2011 |
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ANNEXE C
ANNEXE C (suite)
ANNEXE D
CONCLUSIONS RECHERCHÉES PAR LA DEMANDERESSE
« POUR CES MOTIFS, plaise à la Cour :
ACCUEILLIR la requête de la demanderesse;
ANNULER ab initio la partie de la résolution du conseil d’administration de Mac’s Convenience Stores Inc. datée du 25 avril 2006 (pièce P-2) déclarant un dividende au montant de 136 000 000 $ au bénéfice de Couche-Tard Inc.;
DÉCLARER que le dividende au montant de 136 000 000 $ déclaré par Mac’s Convenience Stores Inc. le 25 avril 2006 est nul ab initio et est réputé n’avoir jamais été déclaré et payé;
AMENDER la résolution du conseil d’administration de Mac’s Convenience Stores Inc. en date du 25 avril 2006 afin qu’elle se lise comme suit : (…) »
ANNEXE D (suite)
Mac’s Convenience Stores Inc.
Resolution in writing of
the board of directors
April 25, 2006
DIVIDEND
WHEREAS the Corporation wishes to declare and pay a dividend (…).
WHEREAS all accrued dividends on all issued and outstanding class A preferred shares of the Corporation for all past quarterly dividend periods have been paid in full and it is necessary that a dividend be declared and set aside for payment for the current quarterly dividend period in compliance with the Articles of incorporation of the Corporation; and
WHEREAS the Directors of the Corporation that there are no reasonable grounds for believing that the Corporation is, or, after the payment, would be unable to pay its liabilities as they become due or that the realizable value of the Corporation’s assets would thereby be less than the aggregate of its liabilities and stated capital of all classes.
THEREFORE, BE IT RESOLVED:
THAT the Corporation be and is hereby authorized to declare and pay a dividend in the aggregate amount of $1,791,952 (“Privileged Dividend”) on all of its issued and outstanding Class A Preferred shares as at the close of business on April 30, 2006;
THAT the Privileged Dividend be set aside for payment, in compliance with the Corporation’s Articles of incorporation, at a date to be determined by the Corporation’s management which shall be within 45 days following the end of the current quarter;
(…)
THAT any director or officer of the Corporation, is hereby authorized to do, or cause to be done, all such acts and things and to make, execute and deliver, or cause to be made, executed and delivered, all such documents, instruments, orders and certificate, in the name and on behalf of the Corporation or otherwise as he or she may deem necessary, advisable or appropriate to carry out the purpose an intent of the foregoing resolutions.
THE FOREGOING RESOLUTION IS HEREBY CONSENTED TO AND SIGNED BY ALL THE DIRECTORS OF THE CORPORATION, PURSUANT TO THE BUSINESS CORPORATIONS ACT (ONTARIO).
ALAIN BOUCHARD RICHARD FORTIN
JACQUES D’AMOURS RÉAL PLOURDE
ANNEXE D (suite)
PERMETTRE à la demanderesse de rectifier ses livres et registres conformément aux résolutions figurant aux ANNEXES A, B et C des présentes afin de remplacer le dividende de 136 000 000 $ déclaré et payé le 25 avril 2006 par la demanderesse à la défenderesse par une réduction de capital versé du même montant;
DÉCLARER que les résolutions figurant aux ANNEXES A, B et C des présentes, lorsqu’elles seront signées par les signataires autorisés, auront une application rétroactive au 25 avril 2006 et seront opposables à tous, y compris les mis en cause;
ORDONNER à la demanderesse et à la défenderesse de mettre à jour leurs livres et registres, y compris leurs états financiers, conformément au jugement à rendre afin de lui donner plein effet;
LE TOUT avec dépens en faveur de la demanderesse et à l’encontre des mis en cause;
LE TOUT respectueusement soumis.
[1] Annexe A pour les transactions du 14 avril 2005 et Annexe B pour celles du 25 avril 2006.
[2] Id. Annexe A.
[3] L.R.C. c.1 (5e supplément).
[4] Préc., note 1.
[5] Pièce P-2.
[6] Pièce P-14.
[7] LRO 1990, c. B.16.
[8] Notes et autorités de la demanderesse, paragr. 7c) i à iii.
[9] Pièces P-2 et P4.
[10] Art.
[11] Art.16 LSAO.
[12]
Québec (Sous-ministre du Revenu du Québec) c. Services
environnementaux AES inc.,
[13]
Riopel c. Agence du revenu du Canada,
[14] Pièce P-2, Annexe C.
[15] Pièces P-3 et P-4.
[16] Notes et autorités de la demanderesse, préc., note 8, paragr. 23.
[17] 136 000 000 $ - 9 959 000 $ = 126 041 000 $.
[18] Annexe B, préc., note 1.
[19] Québec (Sous-ministre du Revenu du Québec) c. Services environnementaux AES inc., préc., note 12.
[20] Riopel c. Agence du revenu du Canada, préc., note 13.
[21] Remer Holdings Inc. c.
Registraire des entreprises du Québec,
[22] Défense du Procureur général du Canada, paragr. 26; Réponse à la défense du Procureur général du Canada, paragr. 8 et Pièce MC-26, p. 94.
[23] Notes et autorités de la demanderesse, préc., note 8, paragr. 33
[24] Id., paragraphe 34.
[25] Id., paragraphe 35.
[26] Paul MARTEL, Entreprises, sociétés et compagnies, Barreau du Québec, Collection de droit 2010-2011, vol. 9, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010.
[27] Carpanzano c. 3660524 Canada Inc., 2005 CanLII 7316 (QC C.Q.).
[28] Id.
[29] Annexe D.
[30] Art. 38 LSAO.
[31] Art. 34 LSAO.
[32] Art. 24, paragr. 6 et 7 LSAO.
[33] Notes et autorités du mis en cause, procureur général du Canada, paragr. 86 et suivants.
[34] Art.
[35] Carpanzano c. 3660524 Canada Inc., préc., note 26, paragr. 45 à 47.
[36] Id. et Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 6e éd., Éditions Yvon Blais, 2005, p. 49 à 51 (Acte juridique), p. 276 à 293 (L’erreur).
[37] Notes et autorités de la demanderesse, préc., note 8, p.15.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.