Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

Le 17 juillet 2006

 

Région :

Québec

 

Dossier :

264905-31-0506

 

Dossier CSST :

127702215

 

Commissaire :

Me Geneviève Marquis

 

Membres :

Michel Paré, associations d’employeurs

 

Pierrette Giroux, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Pierre des Aulniers

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ministère de la Culture

et des Communications

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 20 décembre 2005, le ministère de la Culture et des Communications (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande la révision d’une décision rendue par cette instance le 1er décembre 2005.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la contestation de monsieur Pierre des Aulniers (le travailleur), infirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) à la suite d’une révision administrative le 31 mai 2005, déclare que le travailleur a valablement présenté sa réclamation à la CSST et retourne le dossier au greffe du tribunal afin que celui-ci convoque les parties sur le fond du dossier.

[3]                L’employeur est représenté à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision à Québec le 26 juin 2006. Le travailleur est présent mais non représenté à l’audience.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision qu’elle a rendue au motif que celle-ci est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

[5]                Les motifs ainsi que les conclusions de la requête en révision dont le présent tribunal est saisi se lisent comme suit :

[…]

 

13.       Le commissaire Lemire, en statuant que le délai prévu à l’article 272 de la loi n’était pas un délai de rigueur et que l’ignorance de la loi pouvait être valablement invoquée afin d’être relevé du défaut de produire une réclamation à l’intérieur de ce délai, a commis une erreur manifeste de droit.

 

14.       Cette erreur manifeste a eu un effet déterminant sur le sort du litige puisque si le commissaire avait appliqué correctement les règles de droit concernées, la réclamation du travailleur aurait dû être refusée en raison du fait qu’elle n’a pas été produite dans le délai prévu à la loi.

 

Pour ces motifs, plaise à la Commission des lésions professionnelles :

 

ACCUEILLIR la présente requête;

 

RÉVISER la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 1erdécembre 2005;

 

ACCUEILLIR l’objection préliminaire soulevée par l’employeur;

 

CONFIRMER les décisions rendues les 30 mars et 31 mai 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail en regard de la recevabilité de la réclamation du travailleur;

 

DÉCLARER irrecevable la réclamation du travailleur du 7 mars 2005, parce que produite en dehors du délai imparti par l’article 272 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. -A-3.001);

 

REJETER la réclamation du travailleur, monsieur Pierre des Aulniers.

 

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[6]                Les membres issus des associations d’employeurs ainsi que des associations syndicales considèrent que la requête en révision doit être rejetée. La décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 1er décembre 2005 n’est pas entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.

[7]                La détermination du moment où il est porté à la connaissance du travailleur qu’il est atteint d’une maladie professionnelle relève de la compétence stricte du premier commissaire appelé à interpréter la règle de droit à la lumière de l’ensemble de la preuve factuelle qui lui a été soumise et qu’il a appréciée. Le fait qu’il n’ait pas retenu l’interprétation jurisprudentielle majoritaire portant sur la notion de « connaissance » n’est pas assimilable à une erreur de droit.

[8]                L’ignorance de la loi ne constitue certes pas un motif raisonnable permettant de prolonger le délai de réclamation en faveur du travailleur. Une telle erreur de droit n’est toutefois pas déterminante puisque le premier commissaire a conclu que la réclamation a été logée dans le délai légal.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[9]                La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a matière à réviser la décision qu’elle a rendue le 1er décembre 2005.

[10]           L'article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001) (la loi) prévoit qu'une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel.

429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

________

1997, c. 27, a. 24.

 


 

[11]           L'article 429.56 de la loi énonce toutefois qu'une telle décision peut être révisée ou révoquée à certaines conditions qu'il énumère comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3°  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]           La révision d’une décision de la Commission des lésions professionnelles n’est possible que dans les situations prévues à l’article 429.56 de la loi. Une telle procédure ne peut, en aucun cas, constituer un second appel ou un appel déguisé[1].

[13]           Les motifs de révision invoqués par l’employeur se fondent sur le troisième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi, à savoir un vice de fond de nature à invalider la décision. La jurisprudence a établi qu’il faut entendre par cette expression une erreur manifeste de fait ou de droit qui est déterminante sur le sort de la contestation[2].

[14]           Il y a erreur manifeste si la décision attaquée méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[3].

[15]           Les faits et les motifs de la décision dont on demande la révision se lisent comme suit :

[…]

 

[10]      Le 7 mars 2005, le travailleur, agent de recherche et de planification socio-économique pour l'employeur, présente une réclamation à la CSST dans laquelle il prétend avoir subi une lésion professionnelle en janvier 2003.

 

[11]      Le même jour, le travailleur consulte le docteur Paul Houde qui pose le diagnostic de sciatalgie gauche.  Il est indiqué que la lésion professionnelle serait survenue le 16 octobre 2003.

 

[12]      La preuve révèle que le travailleur a commencé à consulter en 2003 en raison d’un problème de sciatalgie.

 

[13]      Durant la période précédant sa réclamation, le travailleur a reçu des soins, pris des médicaments et fait des réclamations à l’assurance de l’entreprise pour différents frais.

 

[14]      Le travailleur a indiqué qu’il croyait que c’était son emploi qui était responsable de sa lésion à cause de la mauvaise qualité des chaises. Il ajoute que son médecin soupçonne aussi cette raison. Toutefois, il a dû attendre les examens complémentaires avant que le médecin lui confirme qu’il y avait une relation entre son travail et ses symptômes. Le travailleur précise qu’il ne savait pas qu’il pouvait présenter une réclamation à la CSST.

 

[15]      Dans un premier temps, le tribunal tient à préciser que le délai prévu à l’article 272 de la loi n’est pas un délai de rigueur, car il ne serait pas possible d’être relevé du défaut de ne pas l’avoir respecté. Le premier rapport médical au dossier est daté du 7 mars 2005; c’est donc à compter de cette date que le travailleur fut informé que ses symptômes étaient reliés à son travail. Les impressions et les possibilités à elles seules ne sont pas suffisantes pour que le délai pour présenter une réclamation débute. Nous sommes donc en présence d’une symptomatologie qui pourrait correspondre à une maladie professionnelle.  Pour présenter une réclamation pour une maladie professionnelle, la jurisprudence a reconnu qu’un travailleur est justifié d’attendre d’avoir une confirmation par un professionnel de la santé et la seule possibilité n’est pas suffisante pour justifier une réclamation.

 

[16]      Concernant l’argument sur l’ignorance de la loi, le tribunal est d’avis qu’il s’agit d’un argument significatif. 

 

[17]      D’ailleurs, dans une décision rendue le 2 juillet 2003 dans Hamel et Produits Chanteclerc inc. Extra , le soussigné indique :

 

 

[19]  […]  De plus, le vieil adage voulant que personne n’est sensé ignorer la loi n’a plus sa raison d’être de nos jours, puisque même les bureaux d’avocats doivent se spécialiser, car il leur est impossible de connaître l’ensemble des dispositions législatives entourant leur profession.  Il est donc inconcevable de croire que le simple citoyen soit à même de connaître chacune des dispositions des lois qui puissent exister.  Il faudrait donc accorder une importance tout à fait relative à cet axiome disant que nul n’est sensé ignoré la loi, car, si ceci était valable au début du siècle, il n’a plus sa raison d’être aujourd’hui, compte tenu de la complexité et du grand nombre de législations qui sont maintenant en vigueur.

 

 

[18]      Cette décision a fait l’objet d’une requête en révision qui fut rejetée par le commissaire Lacroix  en date du 20 août 2003 et, dans sa décision, celui-ci indique :

 

[14]  La procureure de l’employeur soumet également que les prétentions de la Commission des lésions professionnelles à l’effet que le vieil adage que « personne n’est censé ignorer la loi » n’a plus sa raison d’être, constitue une erreur manifeste et déterminante.  […]

 

[…]

 

[34]  […] les commentaires de la Commission des lésions professionnelles, au paragraphe 19, sur le fait que le vieil adage voulant que « personne n’est censé ignorer la loi » n’a plus sa raison d’être, ne sont aucunement déterminants dans le présent litige.  Il s’agit là d’un commentaire qui n’apparaît d’ailleurs pas nécessaire pour la solution du présent litige.

 

[35]   La procureure de l’employeur a référé à un discours du 30 janvier 2003 du Ministre de la justice lors de l’ouverture de la maison « Justice du Québec », où le Ministre de la Justice écrivait :

 

un des premiers postulats d’une société de droit veut que « nul n’est censé ignorer la loi ».  La procureure de l’employeur estime donc qu’on ne peut mettre de côté de vieil adage.

 

[36]   Toutefois, le Ministre de la Justice ajoutait :

 

Cette prémisse ne signifie pas que l’on doit attendre de chacun qu’il ait une connaissance adéquate de toutes les règles de droit qui régissent la vie en société tant celles-ci sont nombreuses et souvent complexes.  Mais les professionnels de la justice et du droit ont une connaissance approfondie.  C’est pourquoi les services de la Maison de la justice seront par des professionnels recrutés dans les secteurs publics, privés et communautaires.

 

[37]   On constate donc ici que même le Ministre de la Justice apporte un certain tempérament à ce vieil adage.

 

 

[19]      Le soussigné adhère complètement à cette analyse.

 

[20]      Il y a donc lieu d’accueillir la requête du travailleur et de déclarer que le travailleur a présenté sa réclamation dans le délai prévu à la loi.

 

 

[16]           L’employeur soutient que la Commission des lésions professionnelles a commis une première erreur de droit manifeste en concluant que le délai prévu en ces termes à l’article 272 de la loi n’est pas un délai de rigueur.

272. Le travailleur atteint d'une maladie professionnelle ou, s'il en décède, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la date où il est porté à la connaissance du travailleur ou du bénéficiaire que le travailleur est atteint d'une maladie professionnelle ou qu'il en est décédé, selon le cas.

 

[…]

________

1985, c. 6, a. 272.

 

 

[17]           Ce motif doit être écarté. Il n’y a aucune disposition dans la loi qui qualifie le délai de réclamation comme étant de rigueur. C’est la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles qui a déclaré qu’il s’agissait d’un délai de rigueur, voire même de déchéance, devant être soulevé d’office par le tribunal puisqu’il s’agit d’une question de compétence[4]. Il existe toutefois un courant jurisprudentiel contraire suivant lequel le délai de réclamation n’a pas à être soulevé d’office alors que cette question n’est pas préliminaire à l’exercice de la compétence mais un argument de droit parmi d’autres arguments susceptibles d’être soulevés par une partie à l’encontre de l’admissibilité de la réclamation[5].

[18]           La doctrine en matière de preuve et de procédure civile qu’invoque l’employeur enseigne que la prorogation des délais est la règle et que la non-prorogation ou la déchéance est l’exception. Ce n’est qu’exceptionnellement, de surcroît, que le législateur a prévu la prorogation de certains délais dits de rigueur, et ce, à certaines conditions expressément énoncées dans la loi, dans des cas d’impossibilité d’agir.

[19]           Or, l’article 352 de la loi prévoit expressément la prolongation du délai accordé pour l’exercice d’un droit, dont celui de produire une réclamation à la CSST, si la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard et non pas une impossibilité d’agir.

352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

__________

1985, c. 6, a. 352.

 

 

[20]           Le premier commissaire n’a donc pas commis d’erreur manifeste en considérant qu’il n’était pas en présence d’un délai de rigueur ou de déchéance. Qui plus est, il n’a pas été établi en quoi la qualification du délai de réclamation était susceptible d’être déterminante sur l’issue du litige.

[21]           À la lecture de la décision dont la révision est demandée, il appert que c’est plutôt la détermination par le premier commissaire de la date où il était porté à la connaissance du travailleur qu’il était atteint d’une maladie professionnelle qui  a été déterminante sur l’issue du litige. Suivant la teneur des paragraphes 15 et 20 de cette décision, c’est à compter du premier rapport médical produit au dossier de la CSST et daté du 7 mars 2005 que le travailleur a été informé que ses symptômes étaient reliés au travail de sorte que sa réclamation a été produite dans le délai légal.

 

[22]           L’employeur soutient que le premier commissaire a erré alors qu’il n’a pas tenu compte d’éléments importants de la preuve qui établissaient la date de la connaissance par le travailleur du caractère professionnel de sa maladie dès le 16 octobre 2003 et non le 7 mars 2005. En outre, le travailleur avait un intérêt à produire sa réclamation entre-temps alors qu’il avait encouru des frais pour des traitements reliés à sa maladie. L’employeur considère qu’une telle erreur était déterminante sur le sort du litige puisque la réclamation du travailleur logée à la CSST en mars 2005 ne respectait pas le délai légal et qu’il n’y avait pas de motif raisonnable permettant de prolonger ce délai.

[23]           L’employeur invoque, à même la preuve soumise au premier commissaire, la teneur des déclarations écrites du travailleur qui reconnaît avoir établi un lien entre ses conditions de travail et sa maladie dès l’automne 2003. À cette admission s’ajoute le constat par le médecin du travailleur à l’époque d’une sciatalgie gauche associée à des conditions de travail.

[24]           Suivant la teneur des notes sténographiques de l’audience du 7 novembre 2005 que dépose l’employeur en l’instance, le travailleur déclarait alors à la Commission des lésions professionnelles qu’il ignorait, avant les aménagements ergonomiques effectués, s’il s’agissait d’une condition personnelle ou professionnelle. Il ne savait pas à quoi attribuer la douleur. Celle-ci se manifestait n’importe où, à la position assise ou par après. Ce n’est que le 7 mars 2005 que son médecin a produit une attestation médicale sur un formulaire de la CSST. Selon le travailleur, « le médecin ne savait pas quoi faire avec ça ».

[25]           Le premier commissaire a conclu que ce n’est qu’à compter de ce premier rapport médical daté du 7 mars 2005 que le travailleur fut informé que ses symptômes étaient reliés au travail et que débutait alors le délai pour produire la réclamation.

[26]           Une telle conclusion ne découle pas d’une erreur de fait et/ou de l’ignorance d’éléments importants de la preuve mais d’une interprétation des faits et du droit que ne partage pas l’employeur en l’espèce.

[27]           Il appartenait au premier commissaire d’interpréter l’article 272 de la loi en ce qui a trait à la « date où il est porté à la connaissance du travailleur » qu’il est atteint d’une maladie professionnelle afin d’établir le point de départ du délai de six mois pour produire à la CSST la réclamation pour une telle lésion.

[28]           C’est à la suite d’une analyse de l’ensemble des faits et des informations portées à la connaissance du travailleur que le premier commissaire a établi au 7 mars 2005 la date où le travailleur avait acquis l’intime conviction que sa maladie pouvait être reliée au travail après confirmation de la relation causale par son médecin sans que celui-ci ait émis pour autant une certitude médicale[6]. En fixant au 7 mars 2005  le point de départ du délai de six mois prévu à l’article 272 de la loi, le premier commissaire a déterminé que le travailleur avait alors acquis une connaissance suffisante pour déposer à la CSST une réclamation pour une maladie professionnelle[7].

[29]           Bien que le travailleur ait déclaré qu’il établissait déjà un lien entre sa maladie et son travail à l’automne 2003, une telle admission ne saurait en soi démontrer qu’il avait alors la connaissance requise suivant la loi. Si le législateur avait voulu faire débuter le délai de six mois pour produire une réclamation pour une maladie professionnelle à partir de la connaissance propre du travailleur, il l’aurait spécifié à cet article plutôt que d’indiquer « la date où il est porté à la connaissance du travailleur » qu’il est atteint d’une maladie professionnelle »[8].

[30]           À la lecture du paragraphe 14 de la décision dont on demande la révision, il ressort que le premier commissaire a bel et bien considéré le fait que le travailleur croyait que son emploi était responsable de sa lésion, ce que soupçonnait également son propre médecin dès l’automne 2003. Le travailleur a dû toutefois attendre les examens complémentaires avant que son médecin ne lui confirme la relation entre son travail et ses symptômes. Au paragraphe 15, le premier commissaire ajoute que les impressions et possibilités sont insuffisantes pour que débute le délai de réclamation pour une maladie professionnelle. Le travailleur était donc justifié d’avoir attendu la confirmation de la relation par un professionnel de la santé.

[31]           L’appréciation de la preuve permettant de conclure à une connaissance suffisante de la part du travailleur du caractère professionnel de sa maladie relève strictement de la compétence du premier commissaire qui a été à même d’entendre toute la preuve et d’évaluer le cas à son mérite[9].

[32]           Le recours en révision ne permet pas au présent tribunal de substituer son opinion à celle du premier commissaire au seul motif que la preuve peut s’apprécier autrement. Un commissaire siégeant en révision qui substituerait son appréciation de la preuve à celle du premier commissaire serait susceptible d’être lui-même révisé alors qu’il aurait outrepassé sa compétence en agissant comme tribunal d’appel[10].

[33]           L’employeur soulève une dernière erreur manifeste de droit lorsque le premier commissaire conclut, au paragraphe 16 et suivants de la décision attaquée, que l’ignorance de la loi constitue un motif raisonnable expliquant la réclamation tardive. L’erreur s’infère non seulement de l’ensemble de la jurisprudence mais aussi du libellé des articles 1 et 39 de la Loi d’interprétation (L.R.Q., C. !-16), qui stipulent ce qui suit :

1. Cette loi s’applique à toute loi du Parlement du Québec, à moins que l’objet, le contexte ou quelque disposition de cette loi ne s’y oppose.

 

S.R. 1964, c.1, a. 1; 1982, c. 62, a. 148.

 

 

39. Une loi est publique, à moins qu’elle n’ait été déclarée privée.

 

Toute personne est tenue de prendre connaissance des lois publiques, mais les lois privées doivent être plaidées.

 

S.R. 1964, c. 1, a. 39.

 

 

[34]           Le premier commissaire ayant conclu que la réclamation du travailleur avait été produite dans le délai légal, son analyse portant sur l’ignorance de la loi en tant que motif raisonnable pour expliquer une réclamation tardive comporte certes une erreur manifeste de droit mais qui n’est aucunement déterminante sur l’issue du litige. Ce dernier motif doit donc être écarté.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision du ministère de la Culture et des Communications (l’employeur).

 

 

__________________________________

 

Geneviève Marquis

 

Commissaire

 

 

Me Monique Tremblay

CREVIER, ROYER (SECRÉTARIAT DU CONSEIL DU TRÉSOR)

Représentante de l’employeur

 

 

 



[1]           Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 ; Moschin et Communauté urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860

[2]           Produits Forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 .

[3]           Desjardins et Réno-Dépôt inc., [1999] C.L.P. 898 .

[4]           Morin  et Hydro-Québec, 122022-03B-9908, 02-02-22, C. Lessard (décision sur requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Québec, 200-05-016709-029, 02-07-02, J. Babin.

[5]           Côté et Bombardier Prod. récréatifs inc., [2005] C.L.P. 958 ; Couture et Boless inc., C.L.P. 197352-03B-0301, 03-12-16, P. Brazeau, révision rejetée, 04-08-30, J.-L. Rivard.  

[6]           Ducharme et Hôtel Motel Sigma, [2003] C.L.P. 1144 .

[7]           Viger et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu), [2003] C.L.P. 1669 .

[8]           Chabot et Shermag inc., C.L.P. 116061-04B-9905, 03-21-24, J.-F. Clément.

[9]           C.S.S.T. c. Fontaine, [2005] C.L.P. 626 (C.A.).

[10]         Gaumond et Centre d’hébergement St-Rédempteur inc., [2000] C.L.P. 346 .

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