Décision

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Ganotec inc. et Charette

2010 QCCLP 2292

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saguenay :

Le 18 mars 2010

 

Région :

Saguenay-Lac-Saint-Jean

 

Dossier :

395370-02-0911      395374-02-0911

 

Dossier CSST :

134968114

 

Commissaire :

Me Michel Sansfaçon, juge administratif

 

Membres :

Suzanne Julien, associations d’employeurs

 

Louise Gauthier, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Ganotec inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Jean-Guy Charette

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 395370-02-0911

 

[1]                Le 30 novembre 2009, la compagnie Ganotec inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 20 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 17 septembre 2009 et déclare que monsieur Jean-Guy Charrette (le travailleur) a subi une lésion professionnelle le 14 février 2008, dont les diagnostics sont une intoxication à la fumée et une bronchite chimique.


Dossier 395374-02-0911

[3]                Le 30 novembre 2009, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme celle rendue le 5 juin 2009 et déclare que le coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par le travailleur le 14 février 2008 doit être imputé au dossier de l’employeur.

[5]                Une audience devait avoir lieu le 9 février 2010 à Chicoutimi. Le travailleur et l’employeur étaient absents bien que dûment convoqués. Le tribunal rend une décision sur dossier comme le permet l’article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

L’OBJET DE LA CONTESTATION

Dossier 395370-02-0911

 

[6]                L’employeur conteste la reconnaissance par la CSST d’un accident du travail survenu au travailleur le 14 février 2008.

Dossier 395374-02-0911

[7]                L’employeur conteste l’imputation à son dossier du coût des prestations reliées à l’accident du travail qui serait survenu au travailleur le 14 février 2008.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier  395370-02-0911

 

[8]                La membre issue des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales considèrent que la requête de l’employeur doit être accueillie. Elles sont d’accord avec les motifs du soussigné.


LES FAITS ET LES MOTIFS

Dossier  395370-02-0911

[9]                Étant donné l’absence des parties à l’audience, le tribunal s’en remet aux quelques documents qui sont au dossier pour reconstituer les faits de la façon suivante.

[10]           Un document daté du 2 mai 2008 et intitulé Liste des comptes d’établissements de santé contient des informations à l’effet que le travailleur a bénéficié de traitements d’inhalothérapie le 14 février 2008, en raison d’une intoxication à la fumée et d’une bronchite chimique. Ce document informatisé ne donne pas le nom du médecin qui a posé ces diagnostics.

[11]           Le 2 juin 2009, une agente d’indemnisation remplit un document intitulé Déclaration d’accident du travail ou non suite à la réception de comptes d’établissement de santé de plus de 300 $ relativement à un événement survenu le 14 février 2008.

[12]           Ce document mentionne un appel fait au travailleur le 1er juin 2009. Celui-ci aurait déclaré avoir respiré du gaz au travail alors qu’il se trouvait dans une tour. Il y avait une cheminée, plus bas, et les vapeurs l’ont intoxiqué. Il a dû être transporté à l’hôpital. L’agente écrit qu’une représentante de l’employeur confirme l’événement déclaré par le travailleur.

[13]           La CSST rend une décision, le 5 juin 2009, imputant à l’employeur le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail survenu le 14 février 2008. L’employeur conteste en précisant que la CSST n’a pas rendu au préalable une décision reconnaissant la lésion professionnelle.

[14]           Dans une note évolutive datée du 17 septembre 2009, la même agente mentionne devoir rendre une décision d’admissibilité à la demande de la réviseure. Elle explique que ce dossier a été ouvert non pas à la suite d’une réclamation du travailleur ou d’un avis de l’employeur, mais lors de la réception d’un compte d’établissement. Elle ajoute avoir communiqué avec une représentante de l’employeur qui a décrit le fait accidentel et l’a informée qu’il n’y a pas eu d’arrêt de travail ni d’assignation temporaire.

[15]           La CSST rend une décision, le 18 septembre 2009, mentionnant qu’elle accepte la réclamation du travailleur et reconnaît qu’il a subi un accident du travail le 14 février 2008. L’employeur conteste cette décision.

[16]           Dans la décision qu’elle rend, le 20 novembre 2009, la réviseure précise que l’employeur remet en cause la reconnaissance de la lésion car il doute des circonstances entourant l’événement. Le travailleur n’était pas seul dans la tour, mais il est le seul à avoir été intoxiqué. Il soumet également que les symptômes présentés par le travailleur s’apparentent à des malaises cardiaques et non à une intoxication.

[17]           La réviseure considère qu’elle est liée par les diagnostics retenus par le médecin qui a charge, soit une intoxication à la fumée et une bronchite chimique. Elle conclut que le travailleur a subi un accident du travail.

[18]           Selon le tribunal, cette décision doit être infirmée car elle contient une erreur fatale. En effet, le dossier ne contient aucune attestation ou rapport médical identifiant le médecin qui a retenu les diagnostics en cause.

[19]           La loi, à son chapitre VI, contient 28 articles relatifs à la procédure d’évaluation médicale. Ces dispositions ne sont pas de simples règles de procédure. Elles constituent le cadre juridique détaillé à l’intérieur duquel le médecin qui a charge fait d’abord connaitre le diagnostic et les autres conclusions qu’il retient après avoir examiné un travailleur.

[20]           L’article 199 de la loi oblige le premier médecin qui prend charge d’un travailleur à produire une attestation précisant le diagnostic qu’il retient ainsi que son opinion sur la période prévisible de consolidation de la lésion :

199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et:

 

1° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

 

2° s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

 

1985, c. 6, a. 199.

 

 

[21]           Ce n’est pas sans raisons si le document exigé par l’article 199 est qualifié d’attestation par le législateur. C’est parce qu’il a pour but d’attester du fait qu’un médecin a examiné le travailleur et qu’une blessure ou une maladie a été diagnostiquée. Pour ce faire, il est essentiel que le document existe et qu’il contienne le nom et la signature du médecin qui le produit.

[22]           Le tribunal est d’accord avec le juge administratif Jean-François Martel qui écrit, dans l’affaire Beaucaire et Municipalité de St-Joseph-du-Lac[2] :

« Le dépôt d’une attestation médicale émanant du médecin qui a charge du travailleur blessé est un élément nécessaire à la prise en considération initiale de toute demande en vue d’obtenir les avantages prévus à la loi, selon la procédure de réclamation instaurée au chapitre VIII de la loi, tout comme à la détermination subséquente des droits des parties impliquées est tributaire des autres rapports médicaux souscrits par le ou les médecins ayant pris le travailleur en charge ».

[23]           Il n’est pas nécessaire de décider si l’utilisation du formulaire prescrit par la CSST est une condition de validité de l’attestation médicale. La Commission des lésions professionnelles a déjà décidé qu’un document manuscrit, produit par le médecin qui a charge, peut être valide s’il est, par ailleurs, conforme aux exigences de l’article 199 et qu’il est transmis à l’employeur[3].

[24]           Il est toutefois contraire à la loi de reconnaître une lésion professionnelle en l’absence de tout document produit par un médecin et contenant les informations requises par l’article 199 de la loi.

[25]           En agissant de la sorte, la CSST ne respecte pas les droits de l’employeur en matière de contestation médicale. Les articles 204 à 225 de la loi prévoient une procédure de contestation qui permet à la CSST et à l’employeur de remettre en cause les conclusions du médecin qui a charge en ayant recours au Bureau d’évaluation médicale. Or, l’exercice du droit de contestation implique l’existence d’au moins un rapport médical produit par le médecin qui a charge et transmis aux personnes concernées. Ces dispositions ne permettent pas de contester un compte d’établissement.

[26]           En l’absence d’une attestation ou d’un rapport médical produit par le médecin qui a charge, le tribunal considère que la CSST ne pouvait reconnaître une lésion professionnelle le 14 février 2008.

Dossier  395374-02-0911

[27]           Considérant que le tribunal arrive à la conclusion que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 14 février 2008, il s’ensuit que la décision qui impute le coût des prestations à l’employeur devient nulle et sans effet.

 


PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier  395370-02-0911

ACCUEILLE la requête de la compagnie Ganotec inc., l’employeur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 20 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Jean-Guy Charrette, le travailleur, n’a pas subi une lésion professionnelle le 14 février 2008.

Dossier  395374-02-0911

DÉCLARE sans objet la requête de l’employeur;

DÉCLARE que la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative est devenue sans effet.

 

 

 

 

 

Michel Sansfaçon

 

 

 

 

Me Éric Thibaudeau

GOWLING LAFLEUR HENDERSON S.R. 1.

Représentant de la partie requérante

 

M. Michel Trépanier

FRATERNITÉ INT. CHAUDRONNIERS

Représentant de la partie intéressée

 



[1] L.R.Q., c.A-3.001

[2] - C.L.P. 166237-64-0107, 195115-64-0211, 26 mai 2004

[3] - Poirier et Macco Organiques et CSST, C.L.P. 238408-62C-0407, 22 juin 2006, N. Tremblay

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