Lévesque et Systèmes intérieurs Mistal 1990 inc. |
2014 QCCLP 7080 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
19 décembre 2014 |
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Région : |
Montréal |
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476956-71-1207 493623-71-1301 507616-71-1303 524447-71-1310 |
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Dossier CSST : |
135638773 |
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Commissaire : |
Lina Crochetière, juge administratif |
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Membres : |
Michel Gauthier, associations d’employeurs |
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Louise Larivée, associations syndicales |
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Partie requérante |
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Systèmes Intérieurs Mistal 1990 inc. |
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Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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Dossier 476956-71-1207
[1] Le 16 juillet 2012, monsieur Tomy-Carl Lévesque (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 11 juillet 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, l’instance de révision confirme, pour d’autres motifs, la décision initiale du 30 mars 2012 et conclut que le travailleur n’a pas droit à une modification de son revenu annuel brut en application de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
Dossier 493623-71-1301
[3] Le 30 janvier 2013, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 21 janvier 2013, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, l’instance de révision confirme la décision initiale datée du 13 décembre 2012 et portant sur l’avis du Bureau d’évaluation médicale rendu le 28 novembre 2012, lequel détermine qu’il n’y a pas de limitation fonctionnelle psychique. L’instance de révision précise que le travailleur présente des limitations fonctionnelles physiques et continuera de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité d’exercer son emploi.
Dossier 507616-71-1303
[5] Le 28 mars 2013, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 13 mars 2013, à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, l’instance de révision confirme en partie la décision initiale du 6 février 2013, confirme la décision en reconsidération du 25 février 2013 et déclare que l’emploi de caissier libre-service est un emploi convenable que le travailleur peut exercer à compter du 5 février 2013 au salaire annuel brut estimé à 20 647,44 $.
Dossier 524447-71-1310
[7] Le 16 octobre 2013, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 9 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative.
[8] Par cette décision, l’instance de révision confirme la décision initiale rendue le 14 août 2013 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 25 juin 2013.
[9] Seul le travailleur est présent à l’audience tenue à Montréal le 11 août 2014. Le travailleur n’est pas représenté, mais le tribunal s’assure que ce dernier est en mesure et consent à procéder seul. Au cours de l’audience, le travailleur allègue, à plusieurs reprises, que des documents sont manquants. Le tribunal lui accorde un délai jusqu’au 3 septembre 2014 pour compléter le dossier. À cette date, le travailleur produit une lettre expliquant les raisons pour lesquelles il ne produit pas d’autre document et demande au tribunal de rendre sa décision. La cause est mise en délibéré le 3 septembre 2014.
L’OBJET DES REQUÊTES
Dossier 476956-71-1207
[10] Le travailleur demande de modifier la base salariale servant au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 493623-71-1301 - question préliminaire
[11] De façon préliminaire, le travailleur demande de déclarer irrégulière la procédure d’évaluation médicale ayant mené à l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 28 novembre 2012.
Dossier 507616-71-1303
[12] Le travailleur demande de déclarer que l’emploi de caissier libre-service n’est pas un emploi convenable.
Dossier 524447-71-1310
[13] Le travailleur demande de reconnaître qu’il a subi, le 25 juin 2013, une récidive, rechute ou aggravation en relation avec la lésion professionnelle du 21 octobre 2009.
LA PREUVE
[14] Le 21 octobre 2009, le travailleur se blesse au membre supérieur gauche dans l’exécution de ses tâches de poseur de systèmes intérieurs. Il travaille chez Systèmes Intérieurs Mistal 1990 inc. (l’employeur) depuis le mois de mai 2009. Il est âgé de 30 ans et est droitier.
[15] L’événement survient lorsqu’il reçoit un colombage métallique de deux pouces sur la face dorsale de la main gauche causant une déchirure tendineuse pour laquelle il subira deux chirurgies.
[16] Le 22 octobre 2009, la première chirurgie consiste en la réparation des tendons de l’extensor carpi radialis longus et brevis ainsi qu’à la ligature de l’artère radiale interosseuse.
[17] Le 1er avril 2010, la seconde chirurgie consiste en une reconstruction du tendon extensor pollicis longus par transfert tendineux de l’index, extensor incidis proprius.
[18] Le 5 octobre 2010, le docteur Mario Luc, chirurgien plasticien, produit un rapport médical final, consolidant la lésion physique avec séquelles.
[19] Le 29 novembre 2010, le docteur Allen Payne pose un diagnostic de trouble d’adaptation sur douleur chronique. La CSST ne se prononcera sur l’existence d’une relation causale concernant ce diagnostic que le 14 novembre 2011.
[20] Entre-temps, en janvier et février 2011, le travailleur bénéficie d’une évaluation et d’un programme de développement de ses capacités fonctionnelles chez ForceMedic.
[21] Le 3 février 2011, le docteur Payne produit un rapport d’évaluation médicale[2] allouant un déficit anatomo-physiologique de 2,5 % pour l’atrophie de l’avant-bras gauche, de 3 % pour l’ankylose à 50 degrés de la dorsiflexion et de la flexion palmaire du poignet gauche ainsi qu’un préjudice esthétique de 0,7 %.
[22] Au niveau des limitations fonctionnelles, le docteur Payne écrit :
9. Limitations fonctionnelles : Monsieur serait limiter à une classe 3 c’est-à-dire par exemple 2 à 5 kilos selon si ceci est répétitif ou moins répétitif, il serait limité en terme de viser ou deviser. Il est clair que les différentes descriptions que Monsieur nous donne, semblent toucher des mouvements répétitifs. Nous notons qu’il n’a pas parlé spécifiquement de serrer et deviser par exemple des bocaux de toute façon ceci serait probablement de peu d’importance dans un travail. [sic]
[23] À la demande de la CSST, le docteur Payne fera des précisions:
DIFFICULTE A GENERER FORCE
DIFFICULTE VS MOUVEMENTS REPETITIFS DE FACON CONTINUE
DIFFICULTÉ VIBRATION
DIFFICULTÉ APPUI SUR POIGNET GAUCHE
[24] Le 4 février 2011, le docteur Charles Guertin, chirurgien plastique, examine le travailleur à la demande de la CSST. Il note une atteinte diffuse des tissus mous du membre supérieur gauche, une ankylose incomplète des premier et deuxième doigts, une atrophie de 1,5 cm de l’avant-bras et de la difficulté à générer de la force.
[25] Le 29 avril 2011, le docteur Luc Fortin, physiatre, effectue une étude électrodiagnostique et électromyographique qu’il interprète dans les limites de la normale pour le membre supérieur gauche. À l’examen subjectif, le travailleur rapporte une douleur au niveau du pouce gauche et une zone de diminution importante de sensations de quelques centimètres carrés à la face dorsale de la main entre l’index et le pouce. À l’examen objectif, le docteur Fortin note que la cicatrice chirurgicale est de bonne qualité. Il note une hypoalgésie dans la zone en question ainsi qu’à la première phalange du pouce en dorsal. Le docteur Fortin conclut :
Interprétation clinique
[...]
La discrète hypoalgésie à la face dorsale de la main est probablement reliée à une légère atteinte de la branche distale sensitive du nerf radial sans répercussion électrophysiologique. Les éléments douloureux ne sont pas reliés à une atteinte neurologique périphérique.
[...]
[26] Le 9 août 2011, le docteur Payne produit un rapport médical final consolidant la lésion psychique avec séquelles. Le 15 septembre 2011, le docteur Payne produit un rapport d’évaluation médicale pour la lésion psychique, un trouble d’adaptation. Il mentionne que le travailleur prend de l’Effexor 225 mg. À l’examen clinique, le docteur Payne note que le travailleur est hyper anxieux, que l’affect est hyper mobilisable, qu’il y a une anhédonie évidente, que le travailleur a peu de contrôle affectif, qu’il présente de la frustration et de la somatisation. Le docteur Payne alloue un déficit anatomo-physiologique de 15 % pour une névrose de type 2 (code 222556) ainsi définie au Règlement sur le barème des dommages corporels[3] (le barème) :
Groupe 2 (modéré)
L'intensité symptomatique de la névrose, quoi que [sic]
d'ordinaire variable, oblige le sujet à un recours
constant à des mesures thérapeutiques soulageantes,
à une modification de ses activités quotidiennes
conduisant à une réduction plus ou moins marquée
de son rendement social et personnel. Le syndrome
peut s'accompagner de désordres psycho-physiologiques
fonctionnels nécessitant un traitement symptomatique
et occasionnant un arrêt intermittent des activités
régulières.
[27] Au niveau des limitations fonctionnelles psychiques, le docteur Payne écrit :
9. Limitations fonctionnelles : Il est certain de la façon que nous le voyons actuellement considérant qu’il a des évaluations à venir, nous recommanderait le rapport pour une réadaptation pour janvier 2012 au minimum, le temps de recevoir les évaluations de Monsieur.
[28] Le 21 septembre 2011, le travailleur est examiné, à la demande de la CSST, par la docteure Ginette Lavoie, psychiatre. À cette époque, le travailleur prend de l’Effexor 37,5 mg. À l’examen mental, elle note de l’agitation, de l’anxiété, de la frustration en raison des limites physiques, une grande dévalorisation par rapport à la perte du métier, des rires malgré l’envie de pleurer, de la dévalorisation, de l’irritabilité. Elle recommande que le dosage de l’Effexor soit augmenté et suggère du Cymbalta.
[29] À l’axe I, la docteure Lavoie retient les diagnostics de trouble douloureux, trouble d’adaptation avec humeur triste, abus de substances, de marijuana, trouble déficitaire de l’attention. À l’axe II, elle ne mentionne pas de trouble de personnalité. À l’axe III, elle note les douleurs occasionnées par les séquelles physiques de la lésion professionnelle. À l’axe IV, elle mentionne comme facteur précipitant l’accident de travail et à l’axe V elle note un fonctionnement à 60 selon l’échelle d’évaluation globale de fonctionnement (l’EGF). La docteure Lavoie alloue le même pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 15 %. Au niveau des limitations fonctionnelles psychiques, elle écrit :
Limitations fonctionnelles:
Actuellement Monsieur a une grande difficulté de concentration en partie occasionnée par la douleur, mais aussi par un trouble déficitaire de l’attention préexistant. Il est découragé, triste, s’isole socialement. Il est irritable et il lui serait ainsi difficile de se retrouver en contact avec d’autres personnes dans un milieu de travail.
[30] Le 14 novembre 2011, la CSST accepte la relation causale entre le diagnostic de trouble d’adaptation et l’événement. Cette décision sera confirmée le 26 janvier 2012 par l’instance de révision dont la décision deviendra finale.
[31] Le 13 janvier 2012, le docteur Jean-Paul Bossé, chirurgien plastique, examine le travailleur à la demande de l’employeur. À l’examen subjectif, le travailleur rapporte une intolérance importante au froid, une perte de sensibilité entre les doigts, de la douleur à la mobilisation, de la difficulté au mouvement de pince. À l’examen objectif, le docteur Bossé note que le pouce est maintenu rétracté en hyperextension. Il note une zone de perte de sensibilité à la face dorsale du poignet qui va de l’index et en interdigital. Il note une diminution de l’amplitude articulaire des premier et deuxième doigts.
[32] Le docteur Bossé émet l’opinion que le travailleur présente un syndrome douloureux qui l’empêche d’utiliser sa main gauche même pour des travaux légers et qu’il a un urgent besoin de traitements psychologiques.
[33] Le 18 janvier 2012, le travailleur est examiné, à la demande de l’employeur, par le docteur Marc Guérin, psychiatre. Le travailleur prend de l’Effexor XR 225 mg et n’a pas encore débuté le Cymbalta prescrit.
[34] À l’examen mental, le docteur Guérin note un sensorium clair et des fonctions mentales supérieures préservées. Au niveau des fonctions cognitives, il note des difficultés de concentration et une mémoire un peu affectée. L’humeur est légèrement triste. L’affect est anxieux et dysphorique avec agitation psychomotrice. Le cours de la pensée est normal, mais dominé par des préoccupations sur la condition actuelle et l’avenir. Le travailleur se sent inutile et se déprécie. Il n’a pas d’idée suicidaire, pas de trouble perceptuel et ne montre pas de signe de pathologie organique sous-jacente.
[35] À l’axe I, le docteur Guérin retient un diagnostic de trouble d’adaptation, abus de cannabis, possibilité de trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité. Il ne note pas de trouble de personnalité à l’axe II. À l’axe III, il note un trouble douloureux chronique. À l’axe IV, les séquelles de l’accident de travail et à l’axe V, il estime l’EGF à 60. Le docteur Guérin alloue le même pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 15 %. Au niveau des limitations fonctionnelles, il écrit :
5. Les limitations fonctionnelles en Iien avec le diagnostic psychique?
Pour ce qui est des limitations fonctionnelles, cet individu présente actuellement des limitations reliées au trouble cognitif et je vois mal comment il pourrait reprendre pour l’instant un emploi rémunérateur.
Je suggère pour l’instant la poursuite, dans la mesure du possible, des études de niveau secondaire.
Peut-être qu’éventuellement il sera possible de trouver un poste convenable.
[36] Le 20 février 2012, monsieur Pierre Noreau, psychologue et neuropsychologue, produit un rapport d’évaluation neuropsychologique effectué à la demande de la CSST. Cette évaluation neuropsychologique est soumise au docteur Payne.
[37] Le 5 juillet 2012, le docteur Payne produit un autre rapport d’évaluation médicale pour la lésion psychique. Il mentionne que le travailleur prend du Cymbalta et du Seroquel. Il maintient le même pourcentage de déficit anatomo-physiologique et écrit au niveau des limitations fonctionnelles psychiques :
9. Limitations fonctionnelles : Idéal va être d’avoir en tenant compte des limitations physique qui I’empêche de rester dans le domaine de la construction, d’avoir un travail ou il pourra déterminer sa propre cadence, son rythme à la fois d’apprentissage et de production, pour l’aider à s’amener valorisé et avoir confiance en lui-même, considérant le jeune âge de Monsieur. [sic]
[38] Le 13 juillet 2012, le travailleur est examiné à la demande de la CSST par la docteure Sophie Rosner, psychiatre, qui produit son rapport le 27 septembre 2012. À cette époque, le travailleur prend du Cymbalta et du Seroquel.
[39] À l’examen mental, la docteure Rosner note un discours sous pression sans euphorie, exaltation ou agitation motrice. Les affects sont déçus, démoralisés, découragés plutôt que tristes. Il n’y a pas de douleur morale, de culpabilité, ni d’auto-accusation. L’estime de soi est très dévalorisée. Il n’y a pas de labilité des affects ni d’irritabilité à l’égard de l’évaluatrice. Le travailleur rapporte de l’impatience et de l’irritabilité. Il manifeste de l’insatisfaction et de la frustration en lien avec les traitements reçus. Le travailleur contient ses affects et répond adéquatement à l’encadrement. Il n’y a pas de discordance. Le jugement est dans les limites acceptables, mais teinté par les éléments de sa personnalité. L’attention et la concentration sont diminuées par la focalisation de sa pensée sur sa condition qu’il n’accepte pas et par les douleurs qu’il tente de calmer par sa consommation. La capacité d’insight est préservée. L’autocritique est bonne sauf quant à sa consommation de cannabis. Il n’y a pas d’élément délirant ou hallucinatoire, mais il a tendance à se méfier.
[40] Au moment de l’entrevue, le travailleur ne présente pas d’idée suicidaire ou homicidaire, mais la docteure Rosner est d’opinion que le découragement de ce dernier face à sa situation et l’absence d’amélioration de sa condition physique, associée aux symptômes douloureux toujours présents, créent une dangerosité d’acting out plus ou moins chronique.
[41] À l’axe I, la docteure Rosner retient les diagnostics de trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive secondaire à la condition physique (douleur chronique), trouble de l’humeur induit par la consommation, abus THC. À l’axe II, elle mentionne des éléments de personnalité non décompensés. À l’axe III, des douleurs physiques générées par les séquelles de l’accident du travail. À l’axe IV, l’accident du travail et ses conséquences financières et relationnelles. À l’axe V, elle évalue l’EGF à 60.
[42] La docteure Rosner émet le même pourcentage de déficit anatomo-physiologique de 15 %. Voici ses conclusions au niveau des limitations fonctionnelles :
EXISTENCE DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES RÉSULTANT DE LA LÉSION PROFESSIONNELLE
Monsieur Tomy-Carl Lévesque présente des limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle subie le 21/10/2009. En effet, un trouble de l’adaptation avec humeur anxiodépressive secondaire à la symptomatologie douloureuse s’est développé. Cette même condition douloureuse a causé l’utilisation du THC à des doses plus importantes et régulières qu’antérieurement (dans une visée d’automédication).
Cette condition psychologique a été considérée consolidée en date du 21/09/2011. Une tentative de réintégration professionnelle suite à des traitements en ergothérapie a été un échec (juin 2010). Sa condition a stagné par la suite malgré divers traitements dont la physiothérapie, l’ergothérapie et l’approche en réadaptation multidisciplinaire. Suite à cela, Monsieur Tomy-Carl Lévesque a été dirigé vers la reprise de sa scolarisation en vue de le réorienter professionnellement (dont la formation en conception de jeux vidéo). Compte tenu des piètres résultats académiques obtenus en français, mathématiques et dû aux troubles cognitifs ce projet a pour l’instant été interrompu.
Monsieur a finalement été rencontré en février 2012 par Monsieur Pierre Moreau, neuropsychologue qui confirmait dans son rapport les difficultés attentionnelles et de mémoire de Monsieur. Un manque d’organisation était également souligné. Les causes de ces déficits ont été mises en lien avec le trouble d’adaptation, des effets secondaires de ta médication (Monsieur se plaint notamment de ralentissement et d’apathie depuis la prise du Séroquel, cf histoire de la maladie) et la consommation chronique et à long terme de cannabis. Un TDAH n’a pas été confirmé lors de celte évaluation. La consommation excessive en caféine a également été soulignée comme facteur contributif possible.
ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES RÉSULTANT DE LA LÉSION
PROFESSIONNELLE
Les limitations fonctionnelles sont directement reliées à l’intensité et la chronicité de la symptomatologie douloureuse. Elles causent une intolérance chez Monsieur Tomy-Carl Lévesque à des stresseurs même minimes générant dans ses relations (avec sa copine notamment) impatience et irritabilité; il y a une diminution de ses capacités d’attention, de concentration et de mémoire. Les limitations physiques générées par la blessure l’empêchent de se servir de sa main gauche de façon efficace. La douleur causée tant par la mobilisation que la blessure elle-même oblige Monsieur à s’arrêter dans ses tâches, tout en occasionnant frustration, exacerbation, de perception d’échecs répétés et de dévalorisation. Ces limitations sont reliées à la douleur elle-même causée par l’accident du 21/10/2009.
[...]
[43] Le 27 septembre 2012, le médecin-conseil de la CSST émet l’opinion que les limitations fonctionnelles émises par la docteure Rosner sont imprécises et inapplicables. La CSST entreprend donc de nouvelles démarches pour faire examiner le travailleur par un autre psychiatre, le docteur Michel Gil.
[44] Puis, la CSST change d’avis et dirige le dossier au Bureau d’évaluation médicale, concernant les limitations fonctionnelles de la lésion psychique, sans avoir obtenu un rapport complémentaire du docteur Payne qui, selon les renseignements au dossier, fait face à des difficultés au plan professionnel. Les notes évolutives du 12 octobre 2012 résument la situation :
- ASPECT MÉDICAL:
Appel fait à T:
T est informé que nous avons reçu le rapport d’expertise du Dr Rosner et qu’il en recevra copie. Il est également informé qu’après avoir discuté de son dossier en équipe, le seul point qui n’est pas conforme dans toutes les expertises est le point 5. Compte tenu que le Dr Payne est radié jusqu’en janvier 2013 et que le T nous confirme qu’il n’a pas de nouveau md, il est informé que son dossier sera transmis au BEM pour évaluation des LF. De plus, nous lui précisons qu’il n’a plus à se présenter à la convocation en expertise avec Dr Gil. [sic]
[45] La CSST écrit au formulaire de transmission au Bureau d’évaluation médicale :
Nous n’avons pu transmettre un rapport complémentaire au médecin traitant, le Dr Payne puisqu’il est radié jusqu’en janvier 2013. Le travailleur n’a pas un autre mdt pour le moment. [sic]
[46] Le 21 novembre 2012, la docteure Suzanne Benoit, psychiatre, examine le travailleur, à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale, et rend son avis le 28 novembre 2012. À cette époque, le travailleur prend du Cymbalta 90 mg et du Seroquel XR 150 mg.
[47] À l’examen mental, le travailleur se montre cordial, mais agité avec tendance à la tangentialité et à la circonstancialité. Elle note que le travailleur a tendance à s’étendre sur les mauvais traitements qu’il considère avoir reçus, sur la colère face à ses limitations et les changements significatifs dans sa vie, mais accepte d’être recadré. L’humeur est dysphorique, mais, à certains moments, le travailleur peut sourire et plaisanter. L’affect est très expressif et caractérisé par une colère importante que le travailleur sait stérile, non constructive, drainant ses énergies, mais c’est plus fort que lui, il n’accepte pas la situation et demeure de façon rigide sur cette position. La docteure Benoit ne détecte pas d’anxiété, mais de la dévalorisation, de l’intolérance à la frustration. Lors de la rencontre, elle note que le travailleur est ouvert, n’est pas interprétatif ni méfiant. Il n’est pas psychotique et n’est pas dangereux pour lui-même et pour les autres.
[48] La membre du Bureau d’évaluation médicale émet l’avis que le travailleur ne conserve pas de limitations fonctionnelles psychiques :
DISCUSSION:
Il s’agit d’un jeune individu qui s’est blessé dans le cadre de son travail au niveau du poignet gauche, le 21 octobre 2009. Je constate que ce jeune homme, du moins c’est sa version, version qu’il a maintenue chez tous les intervenants qui l’ont rencontré, avait réussi, malgré certaines difficultés au niveau interpersonnel, à avoir un travail, à performer dans ce travail malgré certaines lacunes au niveau de ses stratégies d’adaptation.
Je constate également que monsieur a eu un problème de consommation de cannabis à partir de l’âge de 15 ans, âge auquel il a commencé à consommer, régulièrement, plusieurs joints de cannabis par jour.
D’avoir commencé une consommation si tôt a très certainement empêché le travailleur de développer des stratégies d’adaptation et des capacités à développer une tolérance à la frustration et à l’adversité. Bref, ses lacunes au niveau de ses stratégies d’adaptation, l’instabilité affective secondaire à la prise de cannabis, les problèmes cognitifs et la méfiance suite au problème d’abus de cannabis ont été mis en évidence après l’événement survenu le 21 octobre 2009. Tout cela a fait apparaître une souffrance caractérisée principalement par un sentiment de colère, de non-acceptation chez ce travailleur.
On a offert au travailleur la possibilité de se réadapter, de terminer son secondaire et de s’inscrire à un cours de développeur de jeux vidéo, mais les problèmes au niveau cognitif semblent avoir entravé beaucoup la capacité d’apprentissage du travailleur.
Une évaluation neuropsychologique mentionnait le rôle prépondérant de la prise de cannabis et de la médication dans la genèse de ses problèmes cognitifs.
Aujourd’hui, j’avais à me prononcer sur des limitations fonctionnelles en lien avec le diagnostic de trouble d’adaptation, diagnostic retenu par la CSST.
Je suis d’accord que le travailleur a développé une forme de trouble de l’adaptation, qu’en relation avec ce diagnostic de trouble d’adaptation [sic]. Mais la prise de cannabis a un rôle majeur dans l’instabilité affective, la méfiance et l’atteinte cognitive.
D’un point de vue strictement psychiatrique, le travailleur n’a pas développé de limitation fonctionnelle. Bien au contraire, ce serait un élément thérapeutique majeur si monsieur pouvait être intégré dans un processus de réadaptation et de réinsertion sociale. Plusieurs intervenants au dossier militaient en faveur d’une réinsertion sociale et d’aider monsieur à sortir de son déconditionnement au niveau psychologique.
Cependant, monsieur démontre une problématique au niveau cognitif secondaire à la prise de substances, soit le cannabis. Ces difficultés cognitives pourraient être réversibles si monsieur cessait toute consommation de substances. Aujourd’hui, j’ai évalué cela avec le travailleur et il considère qu’il n’a pas de problème de consommation, qu’il a toujours pu fonctionner avec sa consommation et qu’il n’est pas question qu’il cesse de consommer.
Nous sommes donc aux prises avec un individu qui, d’un point de vue cognitif, démontre certaines difficultés causées par une substance bien précise, ses difficultés sont réversibles mais il n’y a pas de motivation de la part du travailleur à remédier cette problématique.
CONCLUSION :
5- EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES :
D’un point de vue strictement psychiatrique, le travailleur n’a aucune limitation fonctionnelle. Bien au contraire, de pouvoir s’investir dans un projet de réinsertion et de réadaptation aurait un effet thérapeutique majeur.
[49] Le 6 février 2013, à l’issue du processus de réadaptation, la CSST détermine l’emploi convenable de caissier de station libre-service et déclare que le travailleur est capable d’exercer cet emploi à compter du 5 février 2013.
[50] Le travailleur formule une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation en date du 25 juin 2013. Il écrit au formulaire « Réclamation du travailleur » :
RRA La sensibilité de ma main a augmenté douleur extrême changement de température entre mes deux mains aigue. Je suis très très anxieux difficulter à dormir. Je ne sais plus quoi faire. [sic]
[51] Il témoigne avoir logé cette réclamation en raison de la recrudescence de sa symptomatologie tant physique que psychique. Au niveau physique, il mentionne de la raideur dans le cou, des blocages au coude gauche, des craquements à la main gauche et une sensation de froid, une diminution de la mobilité et de la force de la main gauche, des démangeaisons sur le dessus du poignet gauche, les douleurs sont plus constantes. Au niveau psychique, il se sent stressé, fait de l’insomnie, dort de façon irrégulière, se sent incapable de travailler. Il exprime que son cas se dégrade tranquillement. Il prend la médication prescrite par le docteur Yee ainsi que de la marijuana.
[52] À l’appui de cette réclamation, le dossier contient un rapport médical CSST ainsi que les notes cliniques du nouveau médecin qui a charge du travailleur, le docteur Gordon Yee, en date du 25 juin 2013.
[53] Au niveau physique, le docteur Yee écrit que le travailleur rapporte de la douleur au poignet et à la main gauches avec sensation de froid à la main, hypersensibilité au tiers proximal et paresthésie entre l’index et le deuxième et le troisième doigt gauches. À l’examen objectif, le docteur Yee note que le travailleur semble souffrant. Il ne présente pas d’œdème au poignet ni de douleur à la palpation. Le docteur Yee note la sensation de froid, la paresthésie et l’hypersensibilité. Il remarque une atrophie musculaire au niveau de l’avant-bras.
[54] Au niveau psychique, le travailleur lui mentionne de l’insomnie, une diminution de l’appétit, un état dépressif, de la fatigue, mais pas d’idée suicidaire. À l’examen objectif, il est possible de lire que l’activité psychomotrice est ralentie, qu’il n’y a pas d’idée suicidaire, que la mémoire et l’insight sont adéquats.
[55] Dans son rapport médical, le docteur Yee écrit qu’il s’agit d’un status post-opératoire pour déchirure tendineuse et artérielle au poignet gauche compliquée par une algodystrophie réflexe[4] et demande une scintigraphie osseuse ainsi qu’une résonance magnétique. Il mentionne aussi le diagnostic de trouble de l’adaptation.
[56] Le 17 juillet 2013, la résonance magnétique du poignet gauche révèle :
IRM POIGNET GAUCHE
Renseignements cliniques :
Post-opération déchirure tendineuse. ÉIiminer algodystrophie.
[...]
Constatations :
1 - Les ligaments scapho-lunaire et luno-pyramidal sont dans les limites de la normale. Aspect aminci du versant radial du complexe fibro-cartilagineux triangulaire (TFCC) avec hyperintensité focale sur les images en densité de protons, compatible avec une petite déchirure transfixiante d’environ 3 mm.
2 - Le tendon extenseur carpi radialis brevis est augmenté de volume et hétérogène, accompagné d’artefacts métalliques au pourtour, compatible avec des modifications cicatricielles post-réparation chirurgicale. Les autres tendons extenseurs sont sans particularité. Les tendons fléchisseurs sont normaux.
3 - De petits kystes mucoïdes intra-osseux sont identifiés au niveau de l’os semi-lunaire, l’os pyramidal, le grand os ainsi que l’os trapézoïde, sans importance clinique. Pas d’arthrose, pas d’épanchement. Aspect discrètement hétérogène, par ailleurs, de la moelle osseuse des os du carpe attribuable à une légère déminéralisation.
4 - Pas d’anomalie à signaler au niveau du tunnel carpien ni du canal de Guyon.
5 - Artefact métallique sur le versant palmaire de l’éminence thénar attribuable à des séquelles d’un ancien traumatisme pénétrant ou à la présence d’un petit corps étranger métallique dans les tissus mous.
Opinion:
Status post-réparation tendineuse de l’extenseur carpi radialis brevis.
Déchirure du TFCC
Aspect légèrement hétérogène des os du carpe compatible avec une légère déminéralisation.
Cette hétérogénéité plutôt discrète pourrait être secondaire à une légère déminéralisation dans un contexte d’usage réduit de l’extrémité. L’aspect n’est pas spécifique d’une algodystrophie réflexe. Une corrélation avec la scintigraphie osseuse triple phase pourrait être considérée. [sic]
[57] Le 14 août 2013, la CSST refuse cette réclamation en tenant compte notamment de l’opinion émise par son médecin-conseil :
Titre: BM Admissibilité
- ASPECT MÉDICAL:
Dossier complètement revu.
T ayant une lacération du poignet gauche en octobre 2009. Il était opéré le lendemain et subissait: une réparation des tendons de l’extensor carpi radialis longus et brevis et ligature de l’artère radiale interosseuse. En avril 2010 il était opéré de nouveau pour lacération de l’extensor pollicis longus et reconstruction avec l’extenseur de l’index (extensor indicis proprius). L’évolution fut satisfaisante et le T était consolidé avec séquelles et LF. en septembre 2010. Les différentes évaluation faites lors de la consolidation notait :
- des douleurs résiduelles lors de la mobilisation du pouce
- une faiblesse résiduelle de la pince 2 et 3 et aussi du poignet
- des légères ankyloses du pouce en flexion, extension et surtout abduction
- des troubles d’hypoesthésie et hypoalgésie locales
- une intolérance au froid.
Or les notes récentes du Dr. Yee (juin 2013) rapportent les mêmes Dx et la même problématique résiduelle sur le plan physique, tant subjective qu’objective. L’imagerie de juillet 2013 montre des changements post-opératoires, normalement attendus, une certaine déminéralisation de non usage et elle est non contributive par ailleurs. Finalement sur le plan psy le tableau clinique est également superposable à celui décrit par les Drs. Rosner et Benoit au BEM, en juillet et novembre 2012 respectivement.
Considérant ces données il n’y a pas d’évidence de RRA. [sic]
[58] Aux notes évolutives du 13 août 2013, l’agente de la CSST écrit qu’en juin 2013, le docteur Yee rapporte la même problématique résiduelle au plan physique et au plan psychique sans preuve de détérioration objective de l’état de santé du travailleur en lien avec la lésion professionnelle initiale.
[59] À l’audience, le travailleur produit des documents médicaux (pièce T-1 en liasse) :
o le 21 août 2013, le docteur Yee demande une scintigraphie osseuse;
o le 8 janvier 2014, le docteur Yee écrit que l’algodystrophie réflexe n’est pas confirmée par scintigraphie et réfère le travailleur au docteur Gilbert Alfred Blaise, anesthésiologue;
o le 27 janvier 2014, le docteur Blaise écrit : « Consultation diagnostic CRPS ou douleurs neuropatique [sic] »;
o le 11 mars 2014, le docteur Yee écrit que l’algodystrophie réflexe n’est pas confirmée par scintigraphie;
o aucun rapport de scintigraphie n’est déposé en preuve;
o dans les rapports précités, le docteur Yee note le diagnostic de trouble d’adaptation sans autre mention.
[60] À l’audience, le travailleur dépose une évaluation psychiatrique effectuée le 15 avril 2014, à la demande du docteur Yee, par le docteur Yves Chaput, psychiatre (pièce T-3) :
MALADIE ACTUELLE
Monsieur Lévesque se présente à l’heure pour son rendez-vous et il collabore bien. C’est un homme de 33 ans qui est sans antécédents formels en santé mental pré datant la maladie actuelle. De sorte, autre que pour une consommation soutenue de THC il ne rapporte pas de problèmes de toxicomanie/alcoolisme, souffrir d’un trouble panique avec ou sans agoraphobie, de phobie sociale, de TOC ou de TAG. Il ne rapporte pas la présence d’un inconfort saisonnier en automne chaque année. Il ne rapporte pas non plus de périodes franches de plus d’une semaine marquées par une activité frénétique physique et psychique, d’une insomnie, d’une désinhibition sociale, sexuelle et/ou financière, de propos expansifs, voire grandiose. Aucun élément d’allure psychotique au tableau clinique. Monsieur ne rapporte pas avoir souffert d’un trouble de l’apprentissage jeune bien qu’il admet avoir démontré un léger trouble du comportement de sorte qu’il a laissé l’école en secondaire III, pour aller sur le marché du travail. En effet, Monsieur a une très bonne histoire longitudinale de travail pré datant son accident en 2009.
Monsieur a subi des lacérations sévères au poignet gauche en 2009 nécessitant deux interventions chirurgicales (la première en 2009, immédiatement post accident et la deuxième en 2010). Depuis, il souffre de douleurs chroniques qu’il juge handicapantes. Depuis, force, motricité et flexibilité manquante il n’a jamais vraiment pu reprendre le travail. Cela malgré une panoplie de traitements physiques et pharmacologiques.
En parallèle, Monsieur note l’installation graduelle de symptômes anxieux et dépressifs. Par exemple, il se sent tendu et énervé, proie à l’inquiétude, il est incapable de se détendre ou de se mettre à l’aise, il est fatigué pendant la journée, déconcentré, il lui est plus difficile de prendre ses décisions, il est souvent triste et dysphorique, son appétit est beaucoup moindre et il perd du poids son sommeil est perturbé et, il a délaissé la plus grande partie de ses activités et de ses loisirs. Cela dit, Monsieur ne possède aucune idée hétéro agressive ou suicidaire.
Facteur de stress évident est la relation conflictuelle avec ses intervenants à la CSST. Monsieur se voit souvent obligé de contester les baisses de prestations, malgré plusieurs évaluations faites (à la demande de la CSST) qui, tout au contraire, supportent la contention du patient qu’il est toujours handicapé par ses symptômes physiques et, psychiatriques (conséquences du syndrome douloureux).
Quant aux échelles d’auto évaluation je note un HADS (Hospital Anxiety and Depression Rating Scale) de 34. Le HADS n’est pas une échelle terriblement spécifique mais plutôt, reflète le niveau de détresse du patient. Ici, c’est sévère. Le Carroll, une échelle plus spécifique pour un syndrome dépressif est de 34, soit un syndrome dépressif sévère. À cela s’ajoute des échelles cliniques de l’anxiété et de dépression de Hamilton (HAM-A et HAM-D), remplis par moi. Le HAM-A donne un score de 25 et le HAM-D de 24, ce qui concorde assez bien avec les échelles d’auto évaluation.
CLINIQUEMENT
À l’examen clinique il est un peu fébrile au niveau moteur et au niveau psychique. II est un peu agité, clairement anxieux. Il bouge souvent sur sa chaise. Non désorganisé. Pas de logorrhée. Pas de pression du discours. Pas de contenu expansif, grandiose ou mégalomane. L’affect est à la fois triste et anxieux, bien que toujours approprié pour le contenu de la pensée et, à la limite, mobilisable.
Aucune labilité affective pendant l’entrevue. Apparence compatible avec l’âge. Non cachectique. L’habillement et l’hygiène sont dans les limites. Aucun trouble formel du mouvement. Absence de méfiance (ou hyper vigilance) et il n’est pas interprétatif. Pas de trouble formel de la pensée. Pas de contenu bizarre, inapproprié ou autistique. Pas de réponses tangentielles. Pas d’auto culpabilité ou d’auto dépréciation. Pas de désespoir. La cognition me semble difficile au niveau de la concentration. L’auto critique et le jugement sont préservés.
IMPRESSION DIAGNOSTIQUE
Dans l’absence de pathologie organique pouvant être partiellement responsable de ce tableau clinique (comme par exemple un problème thyroïdien) le diagnostic le plus probant à l’axe I est un de, au minimum, trouble de l’adaptation sévère à une condition médicale handicapante. En différentiel, bien que moins probable, une dépression majeure unipolaire sans éléments saisonniers ou psychotiques.
Pas évidence de MAB.
Consommation de THC chronique.
Antécédent de troubles de l’apprentissage?
En ce qui concerne l’axe II il ne semble pas y avoir présence de pathologie évidente.
Quant à l’axe III il y a évidemment une contribution médicale spécifique ici.
Quant à l’axe IV il y a un stress existentiel important ici (financier).
Quant à l’axe V, je préconise (aujourd’hui), un GAF de 50.
SUGGESTION PHARMACOLOGIQUE ET RECOMMANDATIONS
Évidemment, une conclusion satisfaisante de ses difficultés avec la CSST serait souhaitable, afin de diminuer sa tension et sa fébrilité.
En parallèle, une référence en relation d’aide serait pertinente, surtout une avec un volet de type cognitif comportemental (TCC). Les TCC sont d’habitude court terme (de 12 à 16 sessions) et l’objectif est d’outiller le patient quant à la maitrise des symptômes de « stress » (peu importe la nature) et de l’anxiété, autant au niveau psychique que somatique. C’est un mélange de thérapie, d’enseignement et de pratiques. Notez que la TCC est, en général, aussi efficace que la médication pour le traitement d’un trouble formel de l’anxiété ou encore, d’une dépression majeure non compliquée d’éléments psychotiques. Certaines études suggèrent que le taux de rechute est moindre que chez ceux uniquement traités avec de la médication, moyennant l’adhésion à un programme de maintenance. Ici par contre l’expérience du thérapeute compte pour beaucoup afin d’atteindre les échéances typiquement décrites dans la littérature.
La posologie de la Duloxétine pourrait être légèrement augmentée à 120 mg die, soit la posologie maximale recommandée pour le traitement de la douleur et de la dépression. [sic]
L’AVIS DES MEMBRES
Dossier 476956-71-1207
[61] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête au motif que les prétentions du travailleur ne permettent pas de modifier l’entente intervenue entre les parties concernant la base salariale, le 28 juillet 2010, entente que ce dernier a signée alors qu’il était représenté.
Dossier 493623-71-1301
[62] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête au motif qu’aucune preuve n’a été présentée permettant d’écarter l’avis du Bureau d’évaluation médicale et de modifier la décision.
Dossier 507616-71-1303
[63] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête au motif que le travailleur n’a fourni aucune preuve permettant de renverser la décision. À elles seules, les affirmations du travailleur ne permettent pas de lui donner gain de cause et de déclarer que l’emploi n’est pas convenable.
Dossier 524447-71-1310
[64] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête au motif que le travailleur ne présente aucune preuve médicale démontrant la détérioration de son état de santé.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 476956-71-1207
[65] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de modifier le revenu annuel brut servant de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu.
[66] La date du début de l’incapacité d’exercer l’emploi coïncide ici avec la date de l’événement, soit le 21 octobre 2009.
[67] Aux fins de déterminer le revenu annuel brut servant de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, la CSST utilise le taux horaire, l’annualise et retient le maximum annuel assurable de 62 000,00 $ pour l’année 2009.
[68] L’employeur conteste cette décision qui est confirmée par l’instance de révision. L’employeur conteste de nouveau.
[69] Le 28 juillet 2010, la Commission des lésions professionnelles rend une décision entérinant un accord de conciliation intervenu entre les parties (397435-71-0912). Voici la teneur de cette entente :
LES PARTIES CONVIENNENT DE CE QUI SUIT:
[5] Le travailleur occupe, depuis mai 2009, un poste d’ouvrier spécialisé chez l’employeur lorsque survient un accident de travail le 21 octobre 2009.
[6] Aux notes évolutives, nous pouvons lire, à la suite d’un appel à l’employeur, que le travailleur est engagé selon un contrat à l’heure, au taux horaire de 32,15 $ par heure.
[7] Il est indiqué au dossier que le travailleur est embauché à l’heure selon les contrats disponibles. La CSST retient donc le taux horaire et annualise le revenu pour en arriver au salaire maximum assurable de 62 000,00 $ pour l’année 2009.
[8] L’employeur conteste ce calcul en indiquant qu’il ne reflète pas la situation réelle du travailleur. Il indique que l’indemnité doit être déterminée sur la base du revenu réellement gagné durant les douze derniers mois précédant la lésion professionnelle.
[9] Selon les déclarations de revenus du travailleur pour l’année 2008 et 2009, le revenu brut gagné pour l’année 2008 est de 41 231 $ et le revenu brut pour l’année 2009 est de 45 633 $. Ces sommes représentent le salaire réellement gagné par le travailleur. Les parties considèrent que pour refléter la situation réelle du travailleur il y a lieu de prendre le salaire gagné lors des 12 derniers mois précédant la lésion.
[10] Les parties considèrent que le travailleur est de bonne foi dans ses déclarations auprès de la CSST et qu’il a également reçu de bonne foi les indemnités de remplacement du revenu.
[11] Les parties considèrent que le revenu brut se rapprochant le plus de la situation réelle du travailleur serait 44 899 $ calculé comme suit :
2008 : (41 231$ /12 mois) x 2 mois = 6 872$
2009 : (45 633$ /12 mois) x 10 mois = 38 027$
38 027$ + 6 872$ = 44 899 $
[70] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que le revenu annuel brut servant de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu est de 44 899,00 $.
[71] Le 10 mars 2012, le représentant du travailleur demande à la CSST d’appliquer l’article 76 de la loi :
[...]
Nous avons reçu mandat de monsieur Lévesque de procéder à l’étude de son dossier CSST en vue de lui conseiller les démarches appropriées.
À cet effet, nous vous demandons de faire l’application de l’article 76 pour la raison suivante :
La preuve établit que le travailleur exerce le métier de poseur de systèmes intérieur dans le secteur industriel compagnon, régi par le Décret de la construction, lequel détermine dans ce cas un taux horaire de 32,15$ pour l’année correspondante.
Pour transformer le revenu brut horaire du travailleur en revenu brut annuel, la Commission effectue un calcul qui correspondrait pour ce travailleur à un revenu de 68 091,86$.
Or, le revenu brut maximum assurable pour l’année 2009 est fixé à 62 000$.
Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de retenir le revenu brut annuel de 62 000$ pour déterminer l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur, suite à la lésion professionnelle subie le 21 octobre 2009
À cet effet nous voudrions que vous preniez les démarches nécessaires pour corriger les préjudices subis par notre client. En rendant une décision par écrite concernant l’application de l’article 76 sur la loi des accidents de travail et des maladies professionnelle. [sic]
[...]
[72] L’article 76 de la loi se lit comme suit :
76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous-section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.
Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.
__________
1985, c. 6, a. 76.
[73] Dans cette demande, le représentant du travailleur invoque l’article 76 de la loi, mais ne soumet aucune preuve non plus qu’aucun argument permettant l’application de cette disposition.
[74] Il semble requérir de la CSST qu’elle modifie la base salariale de 2009 en utilisant les mêmes données de l’époque et sans tenir compte de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 28 juillet 2010. Or, cette décision est finale et exécutoire et le présent tribunal doit en respecter les effets juridiques.
[75] Quant à l’application de l’article 76 de la loi, bien que le travailleur soit incapable d’exercer son emploi en raison de la lésion professionnelle depuis plus de deux ans, aucune preuve ne démontre qu’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur, lorsque s’est manifestée cette lésion professionnelle, n’eut été de circonstances particulières au sens de cette disposition et de son interprétation jurisprudentielle.
[76] Cette requête est rejetée.
Dossier 493623-71-1301 - question préliminaire
[77] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur conserve des limitations fonctionnelles d’ordre psychique.
[78] La CSST a reconnu que le diagnostic de trouble d’adaptation, posé par le docteur Payne le 29 novembre 2010, est en relation avec la lésion professionnelle subie au membre supérieur gauche.
[79] Le docteur Payne consolide la lésion psychique le 9 août 2011 et produit un premier rapport d’évaluation médicale le 15 septembre 2011 allouant un déficit anatomo-physiologique de 15 % (névrose type 2). Il réserve alors son opinion concernant les limitations fonctionnelles psychiques dans l’attente de lire le rapport d’évaluation neuropsychologique. Le 5 juillet 2012, après avoir pris connaissance de ce rapport, le docteur Payne émet une opinion sous la rubrique des limitations fonctionnelles dans un second rapport d’évaluation médicale portant sur la lésion psychique.
[80] En vertu de l’article 204 de la loi, la CSST fait examiner le travailleur par la docteure Rosner. Le 27 septembre 2012, cette dernière émet aussi une opinion sous la rubrique des limitations fonctionnelles que le médecin-conseil de la CSST juge inapplicable.
[81] Plutôt que de demander des précisions à ce médecin ou de demander l’opinion d’un autre psychiatre, la CSST décide de diriger le dossier directement au Bureau d’évaluation médicale, et ce, sans obtenir au préalable un rapport complémentaire du médecin qui a charge du travailleur. La motivation de cette façon de procéder est succinctement rapportée aux notes évolutives précitées. La CSST y invoque que le docteur Payne est radié et que le travailleur n’a pas de nouveau médecin. Or, à l’audience, le travailleur témoigne qu’il aurait pu demander à un autre médecin, déjà consulté, de produire ce rapport. Il soulève la question préliminaire de l’irrégularité de cette procédure.
[82] Les dispositions pertinentes de la loi sont les articles 204, 205.1, 212, 215 et 217. L’article 212 énumère les cinq questions d’ordre médical au sujet desquelles le médecin qui a charge doit se prononcer, la cinquième étant les limitations fonctionnelles. L’article 204 de la loi permet à la CSST de faire examiner le travailleur et d’obtenir un rapport écrit sur toute question relative à la lésion. En vertu de l’article 215 de la loi, la CSST doit faire parvenir une copie du rapport obtenu au médecin qui a charge du travailleur. En vertu de l’article 205.1 de la loi, si ce rapport infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur, la CSST doit donner à ce dernier l’opportunité d’émettre, dans les 30 jours, un rapport complémentaire en vue d’étayer ses conclusions. La CSST peut ensuite diriger le dossier au Bureau d’évaluation médicale en vertu de l’article 217 de la loi :
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
__________
1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.
__________
1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
215. L'employeur et la Commission transmettent, sur réception, au travailleur et au médecin qui en a charge, copies des rapports qu'ils obtiennent en vertu de la présente section.
La Commission transmet sans délai au professionnel de la santé désigné par l'employeur copies des rapports médicaux qu'elle obtient en vertu de la présente section et qui concernent le travailleur de cet employeur.
__________
1985, c. 6, a. 215; 1992, c. 11, a. 17.
205.1. Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 3.
217. La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.
__________
1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.
[83] La jurisprudence[5] établit que l’article 205.1 de la loi crée une obligation pour la CSST de permettre au médecin qui a charge d’étayer son opinion avant que le dossier ne soit transmis au Bureau d’évaluation médicale, qu’il s’agit d’une étape préalable et que son omission entache la validité même de la procédure d’évaluation médicale.
[84] Le fait que le médecin qui avait charge du travailleur, le docteur Payne, était radié à l’époque pertinente au litige ne dispense pas la CSST de son obligation de soumettre le rapport obtenu de la docteure Rosner à un autre médecin du choix du travailleur.
[85] Les notes évolutives mentionnent simplement que le docteur Payne est radié, que le travailleur confirme qu’il n’a pas de nouveau médecin et que le dossier sera transmis au Bureau d’évaluation médicale. Ces notes ne mentionnent pas que la CSST a donné des explications au travailleur concernant les étapes de la procédure d’évaluation médicale. Devant le tribunal, le travailleur témoigne qu’il aurait pu demander à un autre médecin déjà consulté de produire le rapport visé par l’article 205.1 de la loi.
[86] La radiation du médecin qui a charge du travailleur est une circonstance exceptionnelle qui ne doit pas priver ce dernier de ses droits dans l’application de la présente loi. En pareil cas, il y a lieu de suppléer de façon à respecter l’esprit de la loi qui est de permettre au médecin qui a charge du travailleur d’étayer son opinion avant que le dossier ne soit soumis au Bureau d’évaluation médicale.
[87] La CSST aurait pu octroyer un délai raisonnable au travailleur pour qu’il se trouve un nouveau médecin qui prendrait charge de lui, si tel était son choix. Dans cette éventualité, la CSST aurait pu fournir au médecin une copie du dossier et du rapport obtenu de la docteure Rosner et offrir à ce médecin la possibilité de produire un rapport complémentaire au sens de l’article 205.1 de la loi afin d’étayer, le cas échéant, des conclusions portant sur les limitations fonctionnelles psychiques.
[88] Compte tenu des prescriptions de l’article 205.1 de la loi et de la jurisprudence en la matière, le tribunal constate l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale ayant mené à l’obtention de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 28 novembre 2012 et annule la décision initiale du 13 décembre 2012 ainsi que celle de l’instance de révision du 21 janvier 2013.
Dossier 507616-71-1303
[89] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi de caissier de station libre-service constitue un emploi convenable pour le travailleur.
[90] Compte tenu de la décision précédemment énoncée invalidant la procédure d’évaluation médicale concernant l’existence et la détermination de limitations fonctionnelles psychiques, la décision déterminant un emploi convenable et la capacité du travailleur de l’exercer devient prématurée.
[91] L’article 2 de la loi prévoit la définition suivante de la notion d’emploi convenable :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[92] La détermination de l’existence et l’évaluation des limitations fonctionnelles pour chaque lésion légalement reconnue doit précéder la décision qui déclare que tel emploi constitue un emploi convenable que le travailleur est capable d’occuper. Un des principaux critères permettant de conclure à un emploi convenable est le respect des limitations fonctionnelles légalement reconnues.
[93] Les décisions initiales des 6 février 2013 et 25 février 2013 ainsi que la décision de l’instance de révision du 13 mars 2013 doivent être annulées.
Dossier 524447-71-1310
[94] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 25 juin 2013.
[95] La notion de récidive, rechute ou aggravation est comprise dans la définition de lésion professionnelle prévue à l’article 2 de la loi, mais n’est pas elle-même définie dans celle-ci. La jurisprudence établit qu’il s’agit de la reprise évolutive, de la réapparition ou de la recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes, ce qui implique une modification de l’état de santé du travailleur. La démonstration de l’existence d’une relation causale entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion initiale doit être faite par preuve prépondérante. À cette fin, certains paramètres non exhaustifs et non cumulatifs sont étudiés : la gravité de la lésion initiale, la continuité de la symptomatologie, la compatibilité de la symptomatologie de la récidive, rechute ou aggravation alléguée avec celle de la lésion initiale, le délai écoulé entre les deux épisodes, l’existence d’un suivi médical, l’existence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles, la présence de conditions personnelles, le retour au travail.
La lésion physique
[96] Le 21 octobre 2009, alors qu’il est âgé de 30 ans, le travailleur subit une blessure à la main et au poignet gauches qui nécessite deux chirurgies, la première pour réparation tendineuse et ligature artérielle et la seconde pour reconstruction tendineuse. Cette lésion professionnelle laisse des séquelles rendant le travailleur incapable d’exercer son emploi de poseur de systèmes intérieurs.
[97] Le médecin qui a charge du travailleur à l’époque de la lésion initiale, le docteur Payne, consolide la lésion et évalue les séquelles en février 2011. Le travailleur réclame pour une récidive, rechute ou aggravation en date du 25 juin 2013, alors que le docteur Yee soulève l’hypothèse d’une algodystrophie réflexe.
[98] Au moment de l’évaluation de la lésion initiale, effectuée en février 2011, soit seize mois après sa survenance, le docteur Payne ne mentionne pas d’algodystrophie. Le docteur Guertin, plasticien, et le docteur Fortin, physiatre, qui examinent le travailleur en février 2011 et avril 2011 ne font pas état de signes et symptômes spécifiques à cette entité clinique et ne posent pas ce diagnostic.
[99] Le docteur Payne mentionnera d’éliminer un CRPS au membre supérieur gauche, dans un rapport du 5 mars 2012, mais ses notes cliniques ne sont pas déposées en preuve. Entre-temps, en janvier 2012, le docteur Bossé, plasticien, examine le travailleur et ne pose pas un tel diagnostic.
[100] Les signes cliniques que rapportent ces médecins, lesquels sont résumés par le médecin-conseil de la CSST dans la note précitée du 14 août 2013, apparaissent, de prime abord, découler de la lésion tendineuse et des chirurgies effectuées et non d’une algodystrophie réflexe.
[101] Le docteur Yee soulève cette hypothèse le 25 juin 2013, mais les signes qu’il rapporte dans ses notes sont peu spécifiques. Le ou les rapports de scintigraphie osseuse ne sont pas déposés en preuve. Les notes cliniques du docteur Blaise ne sont pas déposées en preuve. Tel que l’explique le médecin-conseil de la CSST, les résultats de la résonance magnétique du 17 juillet 2013 sont compatibles avec les changements post-opératoires.
[102] Enfin, la preuve ne contient aucune opinion médicale étayée démontrant l’existence d’une relation causale entre le diagnostic d’algodystrophie réflexe posé par le docteur Yee le 25 juin 2013 et la lésion professionnelle du 21 octobre 2009.
[103] En conséquence, la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation d’ordre physique n’est pas acceptable.
La lésion psychique
[104] La CSST reconnaît, dans une décision du 14 novembre 2011, l’existence d’une relation causale entre le diagnostic de trouble d’adaptation posé pour la première fois par le docteur Payne, le 29 novembre 2010, et la lésion professionnelle du 21 octobre 2009.
[105] La preuve démontre, de façon prépondérante, que le travailleur ne peut s’adapter à la situation et accepte difficilement les conséquences de cette lésion, les séquelles physiques et les douleurs qu’il allègue ressentir depuis.
[106] Un déficit anatomo-physiologique de 15 % pour une névrose de type modéré est reconnu, selon l’évaluation du docteur Payne, non contestée sur cet aspect. D’ailleurs, les docteurs Lavoie, Guérin et Rosner suggèrent le même pourcentage.
[107] Considérant la décision précédemment rendue dans le dossier 493623-71-1301, la question de l’existence et de la détermination de limitations fonctionnelles psychiques devra faire l’objet d’une nouvelle décision de la CSST. Ce qui n’est pas un empêchement à la détermination de l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation puisqu’il ne s’agit que d’un des éléments à considérer.
[108] L’analyse des différentes opinions psychiatriques versées au dossier permet de constater que la condition psychique du travailleur s’est graduellement détériorée avec le temps, accusant des symptômes plus marqués et nécessitant une médication plus importante. Alors que les docteurs Lavoie, Guérin et Rosner fixent l’EGF à 60, le docteur Chaput la fixe à 50. De plus, ce dernier appuie les éléments de son examen clinique avec les résultats de tests qui démontrent un syndrome dépressif et une anxiété sévères.
[109] La preuve révèle que le travailleur présentait, vraisemblablement avant l’événement, un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité, lequel interfère.
[110] La preuve révèle aussi que le travailleur consommait du cannabis avant l’événement et qu’il continue d’en consommer. Tous les psychiatres qui l’ont examiné, de même que le neuropsychologue, monsieur Moreau, soulignent les conséquences néfastes de la consommation de cannabis au plan psychique. Malgré tout, le travailleur demeure convaincu des bienfaits et il démontre une certaine rigidité à cet égard.
[111] Le tribunal doit prendre la personne dans l’état où elle se trouve au moment de la lésion professionnelle[6] et doit soupeser l’importance des éléments personnels versus ceux qui résultent de la lésion professionnelle. La psyché humaine est complexe et différents éléments peuvent interagir.
[112] Sauf quant à la docteure Benoit, qui met l’emphase sur la consommation de cannabis[7], le tribunal remarque que, de 2011 à 2014, les docteurs Lavoie, Guérin, Rosner et Chaput accordent une importance première au trouble d’adaptation qu’ils relient aux séquelles de l’accident du travail. Les opinions émises par ceux-ci sont plus nuancées.
[113] La lésion professionnelle d’ordre psychique s’est détériorée au fil des ans et la preuve ne démontre pas, de façon prépondérante, que la condition du travailleur au moment de sa réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 25 juin 2013, évaluée par un psychiatre en avril 2014, serait davantage attribuable à des éléments personnels ou à sa seule consommation de cannabis.
[114] Le tribunal reconnaît donc que le travailleur a subi, le 25 juin 2013, une récidive, rechute ou aggravation d’ordre psychique.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 476956-71-1207
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Tomy-Carl Lévesque;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 juillet 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le revenu annuel brut servant de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu demeure inchangé.
Dossier 493623-71-1301
ACCUEILLE la question préliminaire soulevée par le travailleur, monsieur Tomy-Carl Lévesque;
DÉCLARE irrégulière la procédure d’évaluation médicale menant à l’obtention de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 28 novembre 2012;
ANNULE en conséquence la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 décembre 2012 ainsi que celle rendue à la suite d’une révision administrative du 21 janvier 2013;
DÉCLARE que le travailleur a droit de continuer de recevoir son indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 507616-71-1303
ACCUEILLE pour d’autres motifs la requête du travailleur, monsieur Tomy-Carl Lévesque;
ANNULE les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail les 6 février 2013 et 25 février 2013 ainsi que celle rendue à la suite d’une révision administrative du 13 mars 2013;
DÉCLARE que le travailleur a droit de continuer de recevoir son indemnité de remplacement du revenu.
Dossier 524447-71-1310
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Tomy-Carl Lévesque;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 9 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi, le 25 juin 2013, de récidive, rechute ou aggravation d’ordre physique reliée à la lésion professionnelle du 21 octobre 2009, et n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à cet égard;
DÉCLARE que le travailleur a subi, le 25 juin 2013, une récidive, rechute ou aggravation d’ordre psychique, reliée à la lésion professionnelle du 21 octobre 2009, et a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles à cet égard.
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Lina Crochetière |
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[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Cette évaluation sera retenue pour la détermination du pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.
[3] RLRQ, c. A-3.001, r.2.
[4] Syndrome douloureux régional complexe ou, en anglais, complex regional pain syndrome (CRPS).
[5] Domond et Alcatel Cable (Mtl-Est), C.L.P. 156808-61-0103, 29 janvier 2002, L. Nadeau; Castonguay et Ministère des Anciens Combattants et CSST, C.L.P. 188243-62C-0207, 20 mai 2003, R. Hudon; Laverdière et Hôpital de Montréal pour Enfants, [2003] C.L.P. 1130; Tremblay et Blanchard-Ness et CSST, C.L.P. 193609-62-0211, 23 juin 2004, É. Ouellet; Umanzor-Flores et DHL International Express ltd, [2005] C.L.P. 581; Salman et Provigo Division Loblaws Québec, C.L.P. 218414-64-0310, 26 octobre 2005, R. Daniel; Potvin et Avantec Métal inc., C.L.P. 257468-64-0502, 8 juin 2006, G. Robichaud; Bélanger et Parquet Mosaïques Excel inc., C.L.P. 298888-04-0609, 13 février 2008, A. Gauthier; Roy et Action-Démolition HL inc., C.L.P. 323712-62A-0707, 2 juin 2009, S. Arcand; Lazarevic et Brasserie Daniel Lapointe II et CSST, C.L.P. 355093-05-0808, 16 novembre 2009, F. Ranger; McDermott et Century Mining Corporation, C.L.P. 323224-08-0707, 3 septembre 2010, P. Champagne; J.J. et Compagnie A, 2011 QCCLP 7820; Bartoul et Sécurité publique Canada, 2013 QCCLP 1428; El Korjie et AJM Promo sportives internationales ltée, 2013 QCCLP 3210.
[6] Chaput c. Société de Transport de la communauté urbaine de Montréal, [1992] R.J.Q. 1774.
[7] Il est important de souligner que même si la procédure d’évaluation médicale est déclarée irrégulière, l’opinion de la docteure Benoit demeure au dossier et est une preuve médicale pertinente. À l’époque, la docteure Benoit était saisie de la question des limitations fonctionnelles et ne s’est pas prononcée sur le diagnostic selon les cinq axes.
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