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Collège des médecins du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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No : |
24-06-00640 |
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DATE : |
26 février 2010 |
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EN PRÉSENCE DE : |
Me Réjean Blais, président |
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Dr Alain Larouche, membre |
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Dr André Larose, membre |
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DR MARIO DESCHÊNES |
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Partie plaignante |
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DR PIERRE MAILLOUX ([...]) |
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Partie intimée |
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DÉCISION |
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En début d’audition, le Conseil a émis les ordonnances suivantes qui demeurent toujours en vigueur : - Ordonnance de non-diffusion, de non-publication et de non-accessibilité du nom des patients mentionnés à la plainte, ainsi que de toute information permettant de les identifier, - Ordonnance de non-diffusion, de non-publication et de non-accessibilité du nom des patients mentionnés dans les documents déposés en preuve, ainsi que de toute information permettant de les identifier, - Ordonnance de non-diffusion, de non-publication et de non-accessibilité du nom de la personne dont il est question au chef 12 de la plainte, ainsi que de toute information permettant de l’identifier.
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[1] Le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec s’est réuni les 6 octobre, 2, 3, 4, 5, 9, 10, 11 et 26 novembre 2009 pour procéder à l’audition de la plainte déposée par le Dr Mario Deschênes, en sa qualité de syndic adjoint du Collège des médecins du Québec, contre l’intimé le Dr Pierre Mailloux;
[2] À chacune de ces audiences, le plaignant est présent et représenté par son procureur Me Jacques Prévost, alors que l’intimé est présent et se représente personnellement;
[3] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir contrevenu, en douze (12) occasions, à plusieurs dispositions du Code de déontologie des médecins, au Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux de médecins ainsi que des autres effets, de même qu’à l’article 59.2 du Code des professions;
[4] Au soutien de sa preuve, le plaignant a rendu témoignage, a fait entendre les Drs David Bloom, Pierre André Michel Beauséjour et Michel Brochu, reconnus experts par le Conseil et a déposé, sous les cotes P-1 à P-38, une preuve documentaire;
[5] En défense, l’intimé a rendu témoignage et fait entendre les Drs Brian Bexton, Pierre Assalian, Yves Robert, ainsi que le Dr Louis Morissette qui a été reconnu expert par le Conseil et il a déposé, sous les cotes I-1 à I-30, une preuve documentaire;
[6] Le 11 novembre 2009, après que la preuve ait été déclarée close de part et d’autre, le Conseil a invité les parties à orienter la présentation de leur plaidoirie, prévue pour le 26 novembre 2009, sur les points suivants :
§ Pour le plaignant : indiquer au Conseil les références aux dispositions du Code de déontologie des médecins, du Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux de médecins ainsi que des autres effets ou du Code des professions qui, en regard de l’ensemble de la preuve soumise, peuvent faire l’objet d’un désistement ou d’une demande de retrait,
§ Pour l’intimé : discute du pouvoir des membres du Conseil, qui ne sont pas experts ni reconnus comme tels, de mettre de côté les conclusions que l’on retrouve dans les quatre (4) rapports d’expertise déposés au dossier;
[7] Les parties ont soumis leurs représentations le 26 novembre 2009 et le Conseil a pris, à cette date, le dossier en délibéré;
[8] Le 26 novembre, le plaignant a indiqué aux membres du Conseil qu’il maintenait tous et chacun des reproches adressés à l’intimé en attirant cependant leur attention sur les chefs d’infraction qu’il jugeait les plus importants et qui, s’ils étaient accueillis, pouvaient entraîner un arrêt des procédures en regard des infractions qui peuvent être considérées comme de moindre gravité;
[9] Pour sa part, l’intimé a demandé au Conseil de reconnaître que le plaignant n’a pas présenté une preuve satisfaisante, en regard des chefs 1, 2, 3, 4 et 5 de la plainte, puisque les expertises produites à l’appui de ces infractions ont été rédigées par des témoins qui n’ont pas respecté, à son avis, un des critères essentiels à la préparation d’une expertise soit : l’impartialité;
[10] L’intimé juge que le défaut par les experts, reconnus par le Conseil, de procéder à une évaluation des patients mentionnés dans ces cinq (5) chefs et leur participation à une réunion avec le procureur du plaignant, à la fin du mois d’octobre 2009, jettent tout discrédit sur leurs expertises qui doivent, par voie de conséquence, être rejetées par le Conseil;
LES EXPERTISES
[11] Une importante partie de la défense de l’intimé, particulièrement sous les chefs 1, 2, 3, 4 et 5, concerne la qualité des expertises déposées devant le Conseil à qui il demande de ne pas les prendre en considération ou de ne leur accorder aucune force probante;
[12] L’intimé appuie son argumentation sur un texte de doctrine publié par le Service de formation continue du Barreau du Québec, en 2008, aux Éditions Yvon Blais : Développements récents en matière d’accident d’automobile 2008, volume 282, Éditions Yvon Blais;
[13] Ce texte contient une section qui porte sur « L’expertise médicolégale en matière d’accident d’automobile » signée par Me André Laporte;
[14] L’intimé attire l’attention du Conseil sur un extrait d’une décision du Tribunal administratif du Québec, citée à la page 203 de ce texte, qui se lit comme suit :
« 18. La troisième condition (à la recevabilité d’une expertise) est l’impartialité. L’expert doit être impartial et son rôle est d’éclairer le tribunal et non d’être partisan ou l’avocat d’une partie. »
[15] Le Conseil souligne que cette référence concerne la « recevabilité d’une expertise », ce qui a été décidé le 6 octobre 2009 lorsque le Conseil a reconnu aux témoins Bloom, Beauséjour, Brochu et Morissette la qualité d’experts;
[16] Qui plus est la qualité d’expert du Dr Bloom a été admise par l’intimé et celle du Dr Morissette, reconnue par le plaignant, a été prononcée par le Conseil à la demande de l’intimé;
[17] Il n’y a donc pas lieu pour le Conseil de revenir sur la recevabilité des expertises qui ont été légalement produites au dossier;
[18] L’intimé déplore la partialité des experts en faveur de la thèse du plaignant;
[19] En raison de cette partialité, invoquée par l’intimé, celui-ci suggère que la crédibilité des experts est très gravement affectée;
[20] L’allégation de partialité soulevée par l’intimé trouve son fondement sur un extrait du témoignage du Dr Morissette qui a déclaré avoir participé, à la fin du mois d’octobre 2009, à une rencontre que l’intimé qualifie de « réunion des experts »;
[21] Aucune question n’a été adressée au Dr Morissette sur le contenu de cette rencontre, ses objectifs, les buts recherchés et les propos alors échangés;
[22] Une simple allégation de partialité ne constitue pas une preuve de partialité, encore faut-il que cette allégation soit soutenue par des faits;
[23] Aucun fait n’a été mis en preuve pour justifier un tel jugement, de la part de l’intimé, à l’endroit de la partialité des experts;
[24] Une rencontre d’une partie avec son procureur et ses témoins, incluant les experts le cas échéant, en vue de la préparation d’une audition ne constitue pas un motif suffisant pour remettre en question l’impartialité des témoins experts qui, par surcroit, avaient déjà rédigé leurs expertises;
[25] Le Conseil rappelle un extrait du texte précité, produit par l’intimé, à la page 231 qui mentionne :
« S’il est question plutôt du témoignage d’un expert, encore là, le demandeur d’expertise a un rôle actif à jouer dans la préparation de ce témoignage. Il aura tout avantage à s’assurer que l’expert a revu, de façon détaillée, son rapport d’expertise, ses notes prises lors de l’anamnèse et de l’examen objectif, de même que toutes les pièces produites au dossier et, plus particulièrement, celles dont il n’a pas eu jusqu’alors connaissance parce que déposées après la préparation de son rapport. »
[26] L’expertise du Dr Beauséjour porte la date du 21 février 2007, celle du Dr Morissette du 7 mars 2007et celle du Dr Bloom du 9 janvier 2008;
[27] Aucun amendement, correction, ajout ou complément n’a été apporté, après le mois d’octobre 2009, à ces expertises qui ont été divulguées à l’intimé dans le cadre de la divulgation de la preuve, avant le 23 mars 2009, date à laquelle une conférence de gestion de l’instance a été tenue par le Conseil;
[28] Les témoignages rendus par ces experts n’ont démontré aucune forme de collusion entre eux;
[29] Pour ces motifs, le Conseil ne retient pas ce grief soulevé par l’intimé à l’endroit des experts entendus lors des auditions et du contenu de leurs expertises;
[30] L’intimé déplore également la démarche suivie par les experts qui ont procédé à des expertises sans avoir rencontré les patients concernés par ces chefs de la plainte;
[31] L’intimé a établi, par son contre-interrogatoire des experts, que ces derniers :
§ N’ont pas rencontré les patients et ne leur ont jamais parlé,
§ N’ont pas communiqué avec les responsables des résidences où ces patients sont hébergés,
§ N’ont pas communiqué avec les autorités médicales du Centre hospitalier Paul-Comtois,
§ N’ont pas communiqué avec lui-même pour avoir quelque information ou renseignement;
[32] De cet état de fait l’intimé conclut, et demande au Conseil de conclure, à l’absence de valeur probante des expertises réalisées par les experts;
[33] L’intimé appuie cette conclusion sur des extraits du texte de doctrine précédemment cité;
[34] Avec respect, le Conseil constate que l’intimé interprète erronément le texte de Me Laporte qui discute des expertises produites auprès de la Société de l’assurance automobile du Québec et du Tribunal administratif du Québec dans des dossiers de réclamation au nom de personnes ayant été victimes d’accidents de la route;
[35] Le mandat confié aux experts par le plaignant était d’une tout autre nature;
[36] Les services des experts n’ont pas été requis pour qu’ils procèdent à des expertises des patients mentionnés aux chefs 1 à 5 de la plainte;
[37] Le mandat confié aux experts, tel qu’expliqué par ces derniers, consistait à analyser, évaluer et donner une opinion, sur la vue et l’étude des dossiers médicaux de ces quatre (4) patients, du travail professionnel effectué par l’intimé;
[38] Pour ce faire, les experts n’avaient pas à procéder à une expertise des patients eux-mêmes;
[39] L’objet des expertises était, ni les patients, ni l’intimé, mais le travail médical effectué par l’intimé tel que décrit dans le dossier des patients;
[40] Le Conseil a lu les expertises des Drs Bloom, Beauséjour et Morissette et a eu l’opportunité de voir ces personnes rendre témoignage;
[41] Ces experts ont clairement identifié, dès le début de leur rapport et de leur témoignage, le mandat qui leur avait été confié;
[42] Au cours de leur témoignage, ces experts ont expliqué au Conseil les données actuelles de la science médicale dans le traitement de schizophrénie réfractaire;
[43] Les experts ont reconnu l’existence du recours, dans certains cas, à des doses de médicaments supérieures au dosage maximum prescrit;
[44] Les experts ont reconnu que le recours à des fortes doses, ou mégadoses, a été utilisé au cours des années 1960 et 1970;
[45] Les experts ont reconnu que le recours à des mégadoses peut être utilisé de nos jours, mais de façon exceptionnelle, notamment en période de crise aiguë, dans un processus bien encadré et limité dans le temps;
[46] Le recours actuellement recommandé lorsque des patients présentent des résistances à des doses combinées d’antipsychotiques et qu’il n’y a pas de contre-indication est l’utilisation de la Clozapine;
[47] L’intimé a affirmé n’avoir jamais utilisé la Clozapine et qu’il ne le fera jamais car il juge que ce médicament est trop dangereux;
[48] Il s’agit de l’opinion de l’intimé à l’endroit de ce médicament;
[49] L’intimé a tenté d’amener le Conseil à considérer qu’il y aurait actuellement deux (2) écoles de pensée dans le traitement de la schizophrénie réfractaire;
[50] Il y aurait, d’une part, l’école illustrée dans les rapports des trois (3) experts retenus par le Collège des médecins et, d’autre part, l’école de pensée telle qu’enseignée à l’Université Mc Gill;
[51] L’intimé affirme avoir appris, pendant son internat unidisciplinaire en psychiatrie à l’Université McGill en 1973 et 1974, à donner des doses d’antipsychotiques plus fortes que les doses maximales recommandées;
[52] Le Dr Bloom a fait sa résidence en psychiatrie à l’Université McGill au cours des années 1977 à 1982;
[53] Le Dr Bloom a reconnu avoir eu recours à des mégadoses, dans les années 1980, mais avoir cessé de les utiliser en raison d’absence de résultats probants et des effets secondaires subis par les patients tels que : somnolence, perte du goût de vivre et retrait social;
[54] Le Dr Morissette indique dans son rapport :
« Durant les années 1960 et 1970, quelques articles sont apparus dans la littérature scientifique psychiatrique décrivant l’utilisation des antipsychotiques de première génération à très haut dosage, c’est-à-dire plus de quatre à six fois le dosage recommandé.
Cependant, la majorité des articles publiés ne recommandent pas une telle pratique et n’y voient aucun avantage, seulement des effets secondaires plus importants et le risque ultime de dyskinésie tardive.
Les Codes de pratique (Association Canadienne de Psychiatrie, Association de Psychiatrie Américaine, Association de Psychiatres de Grande-Bretagne) ne recommandent plus depuis les années 1990 l’utilisation de hauts dosages d’antipsychotiques (première ou deuxième générations) en psychiatrie. Si un patient ne répond pas au dosage usuel, il faut alors revoir le diagnostic, envisager d’autres formes de traitement : le changement de classe d’un antipsychotique ou l’utilisation de médicaments adjuvants ou l’utilisation de thérapies alternatives (autres que psychotropes).
La littérature reconnaît que parfois il peut être utile d’associer deux antipsychotiques pour certains patients qui ne répondent pas à une dose optimale d’un antipsychotique.
La littérature depuis plus de dix ans recommande, si un patient est résistant à l’utilisation d’un dosage optimal de deux antipsychotiques utilisés l’un après l’autre, l’utilisation de Clozapine, médicament antipsychotique de deuxième génération qui est plus efficace que les autres médicaments disponibles sur le marché mais qui nécessite une certaine surveillance biologique et nursing et qui est plus dispendieux que d’autres médicaments (utilisés à des dosages réguliers). »
[55] Le 26 novembre 2009, l’intimé a déposé à l’attention des membres du Conseil deux (2) documents boudinés concernant toutes les pièces qu’il avait déposées lors des audiences;
[56] Dans les documents boudinés l’expertise du Dr Morissette, produite sous la cote I-2, contient des notes manuscrites de l’intimé;
[57] En regard du second paragraphe de la citation ci-devant reproduite de l’expertise du Dr Morissette, l’intimé a inscrit en marge :
« Faux. Moi qui ai l’expertise. Cf. C.V. »
[58] L’intimé qui se qualifie lui-même de « sommité », n’a pas été déclaré expert par le Conseil;
[59] L’intimé réfère le Conseil aux nombreuses conférences qu’il a été invité à présenter dans le domaine de la psychiatrie;
[60] Le Conseil constate que la dernière conférence prononcée par l’intimé remonte à février 1994;
[61] L’intimé a admis n’avoir jamais publié, dans des revues médicales reconnues, le fruit de son travail alors qu’il affirme qu’il est innovateur dans le traitement de la schizophrénie réfractaire;
[62] L’intimé n’a fait entendre aucun témoin, reconnu expert par le Conseil, pour démontrer l’existence d’une seconde école de pensée recommandant l’utilisation d’antipsychotiques à haut dosage pour le traitement de la schizophrénie réfractaire;
[63] Les données de la science médicale actuelle en matière de traitement de la schizophrénie réfractaire ont été présentées par trois (3) experts et le Conseil doit s’en tenir à cette preuve et non au témoignage de l’intimé et aux documents qu’il a produits émanant de tiers, non reconnus experts, ou de firmes pharmaceutiques;
[64] Sur ce dernier point, il est utile de souligner le texte des admissions, déposées sous les cotes I-17 et I-18, quant à l’administration du Seroquel à des doses élevées;
[65] La compagnie pharmaceutique AstraZeneca Canada Inc. a écrit à l’intimé le 24 février 2006 et le 7 juin 2007 que l’utilisation du Seroquel à des doses élevées était bien tolérée et qu’il y avait des cas rapportés relatant des doses de 900 mg à 2 400 mg par jour;
[66] Ces deux (2) lettres comportaient toutefois la mention suivante :
« AstraZeneca Canada Inc. ne recommande pas l’emploi de Seroquel dans une indication autre que celles qui sont présentées dans la monographie. »
[67] La même remarque s’applique aux nombreux textes déposés par l’intimé desquels celui-ci extrait des passages illustrant des cas d’utilisation de mégadoses;
[68] À titre d’exemple, l’intimé a déposé sous la cote I-14, un texte intitulé « Utilisation des antipsychotiques à des doses élevées » publié en 2001;
[69] Ce texte mentionne expressément que :
« Enfin, la Clozapine… est le seul traitement ayant montré son efficacité dans la schizophrénie résistante. »
[70] En août 2007, le programme d’apprentissage autodirigé, élaboré sous la direction de la Faculté de médecine de l’Université Laval, a publié dans sa revue Le clinicien des articles signés par le Dr Philippe Baruch qui, tout en reconnaissant l’existence d’une tendance à l’utilisation de deux (2) ou plus antipsychotiques, conclut qu’il ne semble pas y avoir de preuve suffisante pour cautionner la pratique de prescrire de multiples antipsychotiques de manière courante pour traiter la schizophrénie;
[71] L’intimé a reconnu le 7 décembre 2007, dans une lettre adressée au Dr Brian Bexton, président de l’Association des psychiatres du Québec, qu’il ignorait l’existence d’études probantes soutenant l’utilisation concomitante d’antipsychotiques dans le traitement de la schizophrénie réfractaire :
« Comme tu le sais sans doute, le syndic du Collège des médecins m’a demandé de fournir des études probantes pour soutenir l’utilisation de trois antipsychotiques dans le traitement d’un cas de schizophrénie réfractaire. Je n’ai pas ce genre d’études mais sûrement qu’un savant confrère pourrait en dénicher s’il en existe, ou tout au moins venir convaincre le Comité de discipline de l’utilisation largement répandue dans la psychiatrie québécoise de l’utilisation concomitante de plusieurs antipsychotiques dans le traitement de la schizophrénie. » [Soulignés du Conseil]
[72] Le Conseil juge, en fonction de la preuve qui lui a été présentée, qu’il n’est pas en présence de deux (2) écoles de pensée appuyées par les autorités médicales reconnues.
[73] La preuve des données de la science médicale actuelle a été établie par le plaignant;
CHEFS 1, 2, 3, 4 ET 5
remarques préliminaires
[74] Le plaignant a retenu les services du Dr Bloom et du Dr Beauséjour aux fins de procéder à l’analyse des dossiers de Mme (…) (chef 1), M. (…) (chefs 2 et 3), M. (…) (chef 4) et M. (…) (chef 5);
[75] Le plaignant avait également retenu les services du Dr Louis Morissette qu’il a décidé de ne pas faire témoigner et de ne pas déposer son rapport d’expertise;
[76] En vertu des règles de la divulgation de la preuve, l’expertise du Dr Louis Morissette avait été transmise à l’intimé, avant le début des auditions;
[77] En défense, l’intimé a décidé de déposer, sous la cote I-2, l’expertise du Dr Morissette;
[78] Au cours de son témoignage, le Dr Bloom a présenté les caractéristiques des médicaments prescrits par l’intimé dans les dossiers des quatre (4) patients concernés par la plainte soit : le Fluanxol, le Seroquel ou Quétiapine, le Kemadrin, le Trilafon, le Modecate, le Risperdal;
[79] Pour sa part, le Dr Beauséjour a expliqué les quatre (4) étapes du traitement pharmacologique à suivre en présence de patients souffrant de schizophrénie réfractaire soit : l’optimisation du médicament, la substitution, l’augmentation et la combinaison de plusieurs médicaments, en respectant cet ordre de priorité;
[80] L’intimé a fait part au Conseil qu’il était d’accord avec cette démarche;
[81] Les experts Bloom et Beauséjour ont réalisé leurs expertises à partir de l’étude des dossiers médicaux des quatre (4) patients auxquels réfère la plainte et appuient leurs conclusions sur les textes suivants qui ont été déposés devant le Conseil :
§ les lignes directrices de l’APC (Canadian Psychiatric Association) sur le traitement de la schizophrénie publiées dans The Canadian Journal of Psychiatry, novembre 2005 (pièce P-21),
§ les lignes directrices de l’Angleterre sur « Consensus statement on high-dose antipsychotic medication » publiées par le Royal College of Psychiatrists of London, octobre 2005 (pièce P-22),
§ les lignes directrices du Collège des médecins du Québec sur le traitement de la schizophrénie, publiées en janvier 1999 (pièce P-19),
§ les lignes directrices de l’APA (American Psychiatric Association) sur le traitement de la schizophrénie, 2e édition, février 2004 (pièce P-20),
§ extrait du CPS (Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques) 2006 de l’Association des pharmaciens du Canada (pièce P-23);
[82] L’intimé a reconnu avoir prescrit des antipsychotiques à dosages plus élevés que les doses maximales recommandées dans ces autorités médicales;
[83] L’intimé n’a déposé, devant le Conseil, aucune autorité médicale scientifique sur laquelle il a fondé ses décisions d’avoir recours à des mégadoses d’antipsychotiques;
[84] À ce sujet, l’intimé a assigné, par voie de subpoena, le Dr Brian Bexton, président de l’Association des médecins psychiatres du Québec, à qui il avait demandé, par écrit, le 7 décembre 2007 :
« … de bien vouloir trouver et mandater un psychiatre qui va pouvoir venir témoigner devant le Comité de discipline du Collège des médecins sur l’utilisation concomitante de trois antipsychotiques dans le traitement de gros cas de schizophrénie.
Comme tu le sais sans doute, le syndic du Collège des médecins m’a demandé de fournir des études probantes pour soutenir l’utilisation de trois antipsychotiques dans le traitement d’un cas de schizophrénie réfractaire. Je n’ai pas ce genre d’études mais sûrement qu’un savant confrère pourrait en dénicher s’il en existe, ou tout au moins venir convaincre le Comité de discipline de l’utilisation largement répandue dans la psychiatrie québécoise de l’utilisation concomitante de plusieurs antipsychotiques dans le traitement de la schizophrénie. »
[85] La présente plainte a été déposée au greffe de discipline du Collège des médecins le 5 décembre 2006;
[86] Le Conseil constate donc qu’en date du 7 décembre 2007, l’intimé ne possédait aucune étude scientifique le justifiant d’avoir recours à l’utilisation de mégadoses d’antipsychotiques;
[87] L’intimé s’est appliqué, en défense, à faire la preuve, par ses témoins et des documents déposés, qu’il fréquente assidûment les ateliers de formation professionnelle et qu’il se maintient, suivant son témoignage, à la fine pointe de la pharmacologie en matière de schizophrénie réfractaire;
[88] L’intimé déclare avoir été initié au recours à des doses d’antipsychotiques plus importantes que la norme prescrite lors de son internat unidisciplinaire en psychiatrie à l’Université McGill au cours des années 1973 et 1974;
[89] L’intimé a référé le Conseil à un texte du Dr Sveng Dencker[1], publié dans le Proceedings of the Royal Society of Medicine, en Suisse, en 1976;
[90] Dans ce texte, le Dr Dencker conclut :
« Used correctly, high-dose treatment gives a rapid control of psychotic symptoms, an earlier discharge from the ward, and (when using long-acting neuroleptics) pharmacological control even during a follow up period. This means a social availability gain of 30-50%. We have not seen any severe somatic effects except those of parkinsonian type which can be treated successfully by the well trained psychiatrist and a skilled staff. »
[91] Le Dr Dencker n’a pas été déclaré expert par le Conseil qui ne peut reconnaître à ce texte, publié en 1976, une actuelle valeur d’autorité médicale reconnue;
[92] Il en est de même en ce qui concerne les autres documents déposés par l’intimé et dont le Conseil a pris connaissance;
[93] L’expert Morissette, témoin entendu à la demande de l’intimé, reconnaît dans son expertise qu’il y a eu, pendant les années 1960 et 1970, des articles parus dans la littérature scientifique psychiatrique décrivant l’utilisation des antipsychotiques de première génération à très hauts dosages;
[94] Cette pratique n’est cependant plus recommandée depuis les années 1990, les antipsychotiques à hautes doses étant remplacés par l’utilisation de la Clozapine qui serait, selon la littérature scientifique, le meilleur antipsychotique actuellement disponible;
[95] L’intimé n’a jamais eu recours à la Clozapine pour traiter ses patients et déclare qu’il ne l’utilisera jamais car il juge ce médicament :
§ dangereux,
§ pas adapté à l’utilisation en milieu rural où les prises de sang régulières et fréquentes sont difficilement réalisables, voire même impossibles pour plusieurs patients,
§ trop onéreux;
chef 1
[96] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir émis :
« intempestivement, à l’endroit de madame (…), née le (…), une patiente qui le consultait à l’hôpital Comtois de Louiseville, depuis le ou vers le 23 octobre 1997, des ordonnances de Fluanxol, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu’à 250 mg aux 2 semaines alors que la dose maximale recommandée est de 80 mg aux 3 - 4 semaines et ajoutant depuis le ou vers le 16 mai 2002 des ordonnances de Seroquel, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu’à 1 200 mg par jour alors que la dose maximale recommandée est de 800 mg par jour, ordonnances médicales qu’il continue d’émettre jusqu’à ce jour à des doses excessives, sans aucune justification médicale et contrairement aux données de la science médicale actuelle, malgré le fait que la patiente présentait de nombreux effets secondaires de cette médication, notamment des troubles importants de la concentration, une fatigue, l’absence d’énergie, des signes de dystonie musculaire, de la difficulté à fonctionner alors qu’elle mentionnait régulièrement qu’elle se sentait affaissée, compromettant ainsi l’état de santé de sa patiente, notamment en entraînant un ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie de la patiente, le tout contrairement aux articles 44 (2.03.15), 47 (2.03.17), 50 (2.03.21), 51 (2.03.36) et 55 (2.03.25) du Code de déontologie des médecins. »
[97] L’intimé conteste que les doses de médicaments prescrites à Mme (…) soient des mégadoses;
[98] L’intimé affirme qu’il s’agit au contraire de doses qu’il utilise régulièrement pour le traitement de la schizophrénie;
[99] L’intimé déclare que 1 200 mg par jour de Seroquel correspond à la moitié des doses maximales qu’il utilise, soit 2 400 mg par jour, ajoutant qu’il a actuellement un patient à qui il administre, avec la collaboration du syndic du Collège des médecins, 3000 mg par jour;
[100] Le 6 octobre 1994, l’intimé reçoit en consultation Mme (…) et émet un diagnostic de schizophrénie résiduelle avec effets antiparkinsoniens notables;
[101] L’intimé prescrit à Mme (…) du Kemadrin 5 mg 3 fois par jour, à prendre après les repas;
[102] Cette patiente est suivie par l’intimé qui lui prescrit différentes doses de Kemadrin et de Trilafon jusqu’au 2 octobre 1997 où une dose de 50 mg intramusculaire une fois par semaine de Fluanxol est ajoutée;
[103] Les doses de Fluanxol sont augmentées comme suit :
§ 100 mg intramusculaire, aux deux semaines, le 23 octobre 1997,
§ 125 mg intramusculaire, aux deux semaines, le 3 décembre 1997,
§ 135 mg intramusculaire, aux deux semaines, le 18 décembre 1997,
§ 145 mg intramusculaire, aux deux semaines, le 10 avril 1998,
§ 155 mg intramusculaire, aux deux semaines, le 21 mai 1998,
§ 160 mg intramusculaire, aux deux semaines, le 14 juillet 1998,
§ 180 mg intramusculaire, aux deux semaines, le 23 décembre 1998;
[104] Le 7 septembre 2000, l’intimé ajoute aux médicaments alors prescrits à Mme (…) 200 mg de Seroquel, à prendre au coucher;
[105] La dose de Seroquel est augmentée graduellement :
§ 300 mg, au coucher, le 29 novembre 2001,
§ 350 mg, au coucher, le 24 janvier 2002,
§ augmentation de 50 mg, au coucher, à chaque 4 jours, à partir du 7 mars, jusqu’à un total de 600 mg, au coucher,
§ 700 mg, au coucher, le 2 avril 2002 pour une semaine, et par la suite à 800 mg au coucher,
§ 900 mg, au coucher, le 16 mai 2002,
§ 1 200 mg, au coucher, le 14 novembre 2002;
[106] Le 5 décembre 2006, jour du dépôt de la plainte, Mme (…) consommait 300 mg de Seroquel au souper et 900 mg au coucher, 250 mg intramusculaire aux 2 semaines de Fluanxol et 10 mg 2 fois par jour de Kemadrin;
[107] Le Fluanxol est un antipsychotique de première génération utilisé couramment au Canada depuis une vingtaine d’années;
[108] La posologie recommandée varie entre 20 et 50 mg aux 2 semaines et la dose maximale recommandée est de 80 mg à 100 mg aux 2 semaines à 3 semaines suivant les expertises des Dr Beauséjour et Dr Bloom;
[109] Le Seroquel est un antipsychotique de deuxième génération utilisé au Canada depuis 1998;
[110] La posologie recommandée est de 300 à 400 mg par jour et la dose maximale recommandée est de 800 mg par jour;
[111] En raison de ce qui précède, le plaignant reproche à l’intimé d’avoir émis des ordonnances à des doses excessives sans aucune justification et contrairement aux données de la science médicale actuelle, contrevenant ainsi aux dispositions des articles 44, 47, 50, 51 et 55 du Code de déontologie des médecins;
[112] Ces articles se lisent comme suit :
Article 44
« Le médecin doit exercer sa profession selon les normes médicales actuelles les plus élevées possibles; à cette fin, il doit notamment développer, parfaire et tenir à jour ses connaissances et habiletés. »
Article 47
« Le médecin doit s’abstenir de faire des omissions, des manœuvres ou des actes intempestifs ou contraires aux données actuelles de la science médicale. »
Article 50
« Le médecin ne doit fournir un soin ou émettre une ordonnance que si ceux-ci sont médicalement nécessaires. »
Article 51
« Le médecin doit s’abstenir de fournir, prescrire ou permettre d’obtenir, en l’absence de pathologie ou sans raison médicale suffisante, des substances psychotropes, incluant l’alcool, ou toute autre substance produisant des effets analogues, de même que toute substance à améliorer la performance. »
Article 55
« Le médecin ne doit pas diminuer les capacités physiques, mentales ou affectives d’un patient, sauf si cette diminution est requise pour des motifs préventifs, diagnostiques ou thérapeutiques. »
[113] Le procureur du plaignant insiste sur le fait que l’intimé a contrevenu à chacune de ces dispositions déontologiques;
[114] Le procureur du plaignant reconnaît toutefois que si le Conseil trouvait l’intimé coupable d’un manquement aux dispositions de l’article 50 du Code de déontologie des médecins, il pourrait être approprié d’ordonner une suspension conditionnelle des procédures en regard des autres infractions reprochées à l’intimé;
[115] La preuve soumise au Conseil démontre clairement que l’intimé a prescrit à Mme (…) des antipsychotiques à des doses très supérieures aux doses maximales recommandées;
[116] Non seulement, l’intimé a excédé la limite maximale recommandée pour un antipsychotique, il en a combiné deux à de très fortes doses;
[117] Les experts Bloom, Beauséjour et Morissette considèrent que l’intimé n’était pas justifié d’utiliser un tel procédé qui est manifestement contraire aux données de la science médicale actuelle;
[118] L’intimé n’est tout simplement pas d’accord avec l’approche actuelle de la science médicale dans le traitement de la schizophrénie réfractaire;
[119] L’intimé glane des écrits, non reconnus comme autorités médicales, dont il retire des extraits pour cautionner son approche thérapeutique;
[120] Cette façon de procéder contrevient directement aux dispositions de l’article 44 du Code de déontologie des médecins qui exigent qu’un médecin exerce sa profession selon les normes médicales actuelles les plus élevées;
[121] En agissant, comme il le fait, l’intimé agit d’une manière intempestive, c’est-à-dire qui n’est pas convenable[2] en regard des données actuelles de la science médicale, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 47 du Code de déontologie des médecins;
[122] Les Drs Bloom, Beauséjour et Morissette sont d’opinion que les deux (2) antipsychotiques prescrits à Mme (…), à très hauts dosages, n’étaient pas médicalement nécessaires;
[123] L’intimé justifie l’utilisation de ces antipsychotiques, et leurs hauts dosages, par son expérience clinique développée au cours des trente (30) dernières années;
[124] Avec égard, l’expérience clinique de l’intimé ne constitue pas les données de la science médicale actuelle;
[125] Le traitement appliqué à Mme (…) a entraîné chez elle une diminution de ses capacités physiques et mentales, ce qui n’était nullement requis pour des motifs préventifs, diagnostiques ou thérapeutiques (article 55 du Code de déontologie des médecins);
[126] Le Conseil est conscient que Mme (…) avait besoin de soins mais la médication, tel que prescrit par l’intimé, n’était pas médicalement nécessaire suivant les données de la science médicale (article 50 du Code de déontologie des médecins);
[127] Pour ces motifs, le Conseil considère que l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 44, 47, 50 et 55 du Code de déontologie des médecins;
[128] En application des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Kienapple[3], le Conseil, afin d’éviter que l’intimé soit condamné plusieurs fois pour une même faute ou conduite, conclut à la culpabilité de l’intimé aux manquements qui lui sont reprochés aux dispositions de l’article 50 du Code de déontologie des médecins et ordonne une suspension conditionnelle en regard des manquements reprochés, à ce chef, aux dispositions des articles 44, 47 et 55 du Code de déontologie des médecins;
[129] Le Conseil juge que les dispositions de l’article 51 du Code de déontologie des médecins ne trouvent pas application dans la présente affaire car des raisons médicales justifiaient la prescription d’antipsychotiques, sous réserve d’en respecter la posologie;
chefs 2 et 3
[130] Au chef 2, le plaignant reproche à l’intimé d’avoir émis :
« intempestivement, à l’endroit de monsieur (…), né le (…), un patient qui le consultait à l’hôpital Comtois de Louiseville, entre le 2 mars 2006 et le ou vers le 29 mai 2006, des ordonnances de Trilafon, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu’à lui prescrire des doses six fois supérieures aux doses maximales recommandées, malgré le fait que ce patient était connu polytoxicomane, alcoolique, manipulateur et qu’il avait déjà présenté dans le passé une crise convulsive alors qu’il est décrit que les antipsychotiques peuvent abaisser le seuil convulsif et qu’il présentait des symptômes évidents de surdosage, tel notamment la somnolence, sans aucune justification médicale et contrairement aux données de la science médicale actuelle, compromettant ainsi l’état de santé de son patient, notamment en masquant les effets secondaires, en entraînant un ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie du patient, le tout contrairement aux articles 44, 47, 50, 51 et 55 du Code de déontologie des médecins. »
[131] L’intimé reçoit en consultation M. (…) le 2 mars 2006 et émet un diagnostic de schizophrénie paranoïde non contrôlée et d’éthylisme chronique bien contrôlé;
[132] À cette occasion, l’intimé prescrit à M. (…) du Trilafon, 32 mg 3 fois par jour, du Kemadrin 10 mg 3 fois par jour et continue le Zyprexa Zydis, 20 mg au coucher;
[133] Le 23 mars 2006, l’intimé augmente le Trilafon 16 mg 5 co. 4 fois par jour et le Zyprexa Zydis à 25 mg au coucher tout en maintenant le Kemadrin à 10 mg 3 fois par jour;
[134] Le 30 mars 2006, l’intimé augmente le Trilafon 16 mg 6 co. 4 fois par jour et maintient le Zyprexa à 25 mg au coucher tout comme le Kemadrin à 10 mg 3 fois par jour;
[135] Le 6 avril 2006 et le 29 mai 2006, les doses de Trilafon et de Kemadrin sont maintenues et le Zyprexa Zydis est diminué à 15 mg au coucher;
[136] Le Trilafon est, tout comme le Fluanxol, un antipsychotique de première génération;
[137] La posologie recommandée pour le Trilafon est de 4 à 8 mg par jour et la dose maximale recommandée est de 32 mg par jour suivant le Dr Beauséjour et de 64 mg suivant le Dr Bloom;
[138] L’intimé a prescrit à M. (…), le 2 mars 2006, 96 mg de Trilafon, qu’il a majoré le 23 mars 2006 à 320 mg puis à 384 mg le 30 mars 2006, soit six (6) à douze (12) fois la dose maximale recommandée;
[139] Le Dr Bloom considère que de telles doses n’étaient pas justifiées et qu’elles étaient non sécuritaires;
[140] Le Dr Beauséjour dénonce l’utilisation par l’intimé de mégadoses à l’endroit de M.(…) en raison notamment de l’incidence d’effets secondaires anticholinergiques, d’hypotension et de dyskinésie tardive qui augmentent avec le dosage;
[141] Le Dr Morissette juge que l’intimé a prescrit une médication à dosage beaucoup trop élevé vu la situation clinique et physique du patient;
[142] En regard du chef 3, le plaignant reproche à l’intimé d’avoir commis l’acte dérogatoire suivant :
« Au cours du mois de mai 2006, et notamment le ou vers le 29 mai 2006, à l’hôpital Comtois de Louiseville, lors de la consultation de monsieur (…), né le (…), un patient connu polytoxicomane, alcoolique, manipulateur qui manifestait des symptômes évidents d’une détérioration de sa condition psychiatrique, en faisant défaut d’élaborer ou de voir à ce que soit élaboré un diagnostic avec la plus grande attention, notamment en négligeant de faire hospitaliser son patient ou de veiller à ce qu’il soit pris en charge adéquatement afin de s’assurer d’une surveillance étroite de sa condition clinique et de sa dangerosité dans un milieu sécuritaire protégé et omettant intempestivement et contrairement aux règles de l’art de réviser le traitement prescrit et ainsi considérer les alternatives thérapeutiques, tel le changement d’antipsychotiques, se limitant plutôt à renouveler la même médication, soit Trilafon 96 mg QID, à une dose excessive soit six fois supérieure aux doses maximales recommandées et malgré le fait que le patient présentait des effets secondaires de ladite médication, le tout contrairement aux articles 46 et 47 du Code de déontologie des médecins. »
[143] L’intimé conteste les infractions qui lui sont reprochées et affirme qu’il était bien fondé d’agir comme il l’a fait en présence d’un patient qui présentait un risque de dangerosité élevée pour lui-même et pour les autres;
[144] L’intimé justifie son augmentation rapide de médication par le fait qu’il connaissait déjà le patient ainsi que sa réaction aux médicaments et à ses effets secondaires;
[145] Le dossier hospitalier de M. (…) indique que celui-ci avait déjà été vu par l’intimé le 5 novembre 1993 pour consultation;
[146] À cette occasion, l’intimé avait prescrit à M. (…), qui présentait une psychose schizophrénique floride, un traitement qu’il qualifie lui-même de « massif » soit :
« Modecate 900 mg intramusculaire, chaque semaine ou aux deux semaines, avec augmentation de Moditen de 600 à 800 mg par jour et du Trilafon 300 mg intramusculaire, P.R.N. pour agitations »
le tout en raison de la sévérité de sa maladie mentale et du risque élevé d’automutilation;
[147] Au moment de cette consultation, M. (…) était hospitalisé au Centre hospitalier Paul-Comtois, y ayant séjourné pendant vingt-six (26) jours soit du 3 au 29 novembre 1993;
[148] L’intimé ne revoit que le 2 mars 2006 ce patient qui lui a été dirigé, en date du 6 décembre 2005, par la Dr M.F. Allard pour « consultation et prise en charge »;
[149] L’intimé constate chez M. (…) la présence des mêmes symptômes que ceux observés le 5 novembre 1993 soit : des hallucinations auditives, visuelles et olfactives, un délire d’influence et risque d’automutilation;
[150] À ces observations s’ajoute, en 2005, un élément d’agressivité envers les autres;
[151] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir négligé :
« … de faire hospitaliser son patient ou de veiller à ce qu’il soit pris en charge adéquatement afin de s’assurer d’une surveillance étroite de sa conduite clinique et de sa dangerosité dans un milieu sécuritaire protégé »;
[152] À ces reproches, l’intimé répond que son objectif, en prescrivant des médicaments à dosages élevés, était de garder son patient vivant et éviter qu’il ne mette ses menaces à exécution;
[153] Le Dr Bloom juge qu’une hospitalisation, afin de mieux observer le patient, aurait été indiquée vu la détérioration de son état de santé et l’absence de résultats satisfaisants malgré les doses élevées d’antipsychotiques prescrits;
[154] Le Dr Morissette ajoute que si l’intimé était convaincu de la dangerosité de son patient, il aurait dû demander une hospitalisation afin de le protéger et protéger son entourage;
[155] L’intimé a opté pour un traitement-choc et le recours à des mégadoses qu’il a augmentées de façon très importante en raison de l’absence d’améliorations chez son patient au lieu de réviser son approche thérapeutique;
[156] L’opinion unanime des Drs Bloom, Beauséjour et Morissette est à l’effet que :
§ l’intimé n’a pas exercé, à l’endroit de M. (…), sa profession selon les normes actuelles les plus élevées (article 44 du Code de déontologie des médecins),
§ n’a pas élaboré son diagnostic en utilisant les méthodes scientifiques appropriées (article 46 du Code de déontologie des médecins),
§ a posé des actes intempestifs et contraires aux données actuelles de la science médicale en combinant deux (2) antipsychotiques à des doses manifestement trop élevées et pas justifiées (article 47 du Code de déontologie des médecins);
[157] En présence d’une telle preuve non contredite, présentée par des experts, et d’une défense de dénégation générale fondée uniquement sur le témoignage de l’intimé, le Conseil conclut que ce dernier a commis les infractions suivantes :
§ au chef 2, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 44 et 47 du Code de déontologie des médecins,
§ au chef 3, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 46 et 47 du Code de déontologie des médecins;
[158] Considérant ces conclusions le Conseil, en application des règles énoncées dans l’arrêt Kienapple déjà cité, déclare l’intimé coupable, au chef 2, d’avoir contrevenu aux dispositions de l’article 47 et ordonne une suspension conditionnelle des procédures en regard des manquements aux articles 44, 50, 51 et 55 du Code de déontologie des médecins qui lui sont reprochés;
[159] Au chef 3, le Conseil déclare l’intimé coupable de deux (2) infractions soit :
§ ne pas avoir élaboré son diagnostic avec la plus grande attention et en utilisant les méthodes scientifiques les plus appropriées, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 46 du Code de déontologie des médecins,
§ avoir posé des actes intempestifs et contraires aux données actuelles de la science médicale en prescrivant une combinaison d’antipsychotiques à des doses manifestement déraisonnables, contrevenant ainsi aux dispositions de l’article 47 du Code de déontologie des médecins;
[160] Le Conseil juge qu’il s’agit de deux (2) infractions distinctes et que par voie de conséquence, il n’y a pas lieu d’appliquer les règles énoncées dans l’arrêt Kienapple;
chef 4
[161] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir commis l’infraction suivante :
« Le ou vers le 12 septembre 2003, alors qu’il était informé par téléphone que monsieur (…), né le (…), un patient qui résidait dans un foyer d’accueil de Louiseville, connu comme porteur d’un diagnostic de schizophrénie paranoïde résiduelle et qui présentait des idées suicidaires importantes, en négligeant intempestivement et contrairement aux règles de l’art notamment d’évaluer adéquatement le risque suicidaire qu’il présentait et de recommander que celui-ci soit amené à son cabinet ou référé à une salle d’urgence pour qu’on puisse procéder à une évaluation adéquate de sa condition psychiatrique, alors qu’il savait que ce patient avait fait une tentative suicidaire sérieuse au mois de juin 2003 qui avait nécessité une intervention neurochirurgicale, se limitant plutôt à recommander que soit donnée au patient une augmentation de la dose de Seroquel, un antipsychotique, sans voir ledit patient, le tout contrairement aux articles 46 et 47 du Code de déontologie des médecins. »
[162] M. (…) a été dirigé pour suivi en clinique externe psychiatrique à l’Hôpital Paul-Comtois par le Dr Heller, psychiatre, le 27 août 2003 à la suite d’une tentative de suicide;
[163] L’intimé reçoit M. (…) en consultation le 10 septembre 2003 et conclut à un diagnostic de schizophrénie paranoïde résiduelle;
[164] Le dossier antérieur de M. (…) ne comporte aucune mention de schizophrénie mais l’intimé observe, lors de sa consultation :
« Début de symptômes psychotiques délirants en SEC III avec épisode schizophrénique évident lors de son dernier séjour en prison »;
[165] L’intimé prescrit à M. (…) du Seroquel, 100 mg, 2 fois par jour et 600 mg au coucher, et cesse les autres médicaments consommés par le patient, soit l’Epival, le Paxil et le Serax;
[166] Le 12 septembre 2003, soit deux (2) jours plus tard, l’intimé augmente à 200 mg la dose de Seroquel au souper et ajoute 10 mg de Kemadrin 3 fois par jour;
[167] Cette modification de la médication par l’intimé, le 12 septembre, fait suite à un appel téléphonique que l’intimé a reçu pour lui faire part que M. (…) présentait des idées suicidaires et dont il est fait mention dans une note de l’infirmière Ginette Berger datée du 16 septembre 2003;
[168] Cette conduite de l’intimé est jugée inappropriée par les experts entendus devant le Conseil;
[169] Le Dr Beauséjour écrit dans son expertise que :
« Il n’est pas possible d’évaluer un potentiel suicidaire sans voir le patient. Le patient aurait dû être dirigé à une salle d’urgence ou à un collègue disponible pour évaluation immédiate. »
[170] Le Dr Bloom souligne pour sa part :
« Il est étonnant également de constater qu’il n’y pas eu d’évaluation par le Docteur Mailloux, ne serait-ce téléphonique, lors de l’appel du propriétaire de la résidence le 16 septembre 2003. Augmenter la médication aurait pu être la conduite à tenir, mais l’absence d’une évaluation de risque suicidaire constitue une erreur grave, étant donné le contexte d’un geste suicidaire important. Docteur Mailloux aurait dû s’assurer de la réévaluation du patient que j’estime nécessaire. »
[171] Pour sa part, le Dr Morissette aurait demandé à ce que le patient rencontre un intervenant psychosocial dans les 24 ou 48 heures ou l’aurait référé en salle d’urgence en raison des antécédents suicidaires de celui-ci;
[172] L’intimé nie avoir fait preuve de quelque forme de négligence que ce soit à l’endroit de M.(…);
[173] L’intimé ajoute que, d’une part, il n’avait pas à le référer à une urgence psychiatrique puisqu’il avait récemment été vu par deux (2) psychiatres de l’urgence et que, d’autre part, son patient était plus en sécurité à sa résidence d’accueil qu’à l’urgence;
[174] Pour cette conduite, le plaignant reproche à l’intimé d’avoir contrevenu aux dispositions des articles 46 et 47 du Code de déontologie des médecins;
[175] Les trois (3) experts entendus concluent unanimement que l’intimé n’a pas, le 12 septembre 2003, élaboré son diagnostic avec la plus grande attention et en utilisant les méthodes scientifiques appropriées;
[176] Le fait que le patient ait été vu par deux (2) psychiatres, le 27 août 2003, ne justifie pas l’intimé de ne pas avoir pris, quinze (15) jours plus tard, les mesures appropriées en présence d’un signalement de menaces de suicide chez ce dernier;
[177] En présence de la preuve par experts présentée par le plaignant, le Conseil, à l’unanimité, déclare que l’intimé s’est rendu coupable des deux (2) infractions qui lui sont reprochées soit les manquements aux articles 46 et 47 du Code de déontologie des médecins;
chef 5
[178] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir commis l’infraction suivante :
« En recommandant et prescrivant intempestivement à l’endroit de monsieur (…) né le (…), un patient qui le consultait à l’hôpital Comtois de Louiseville, entre le 6 septembre 2005 et le 6 juin 2006, la prise concomitante de trois antipsychotiques, à savoir Risperdal, Seroquel et Modecate, dont certains à des doses excessives et malgré le fait que cette association de trois antipsychotiques n’a aucune justification médicale et est contraire aux données de la science médicale actuelle, risquant ainsi de compromettre l’état de santé de son patient, notamment en masquant les effets secondaires, en entraînant un ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie du patient, alors qu’il reconnaissait lors d’une rencontre du 11 octobre 2006 avec le syndic qu’il n’existe pas de littérature médicale reconnue supportant cette pratique, le tout contrairement aux articles 44, 47, 50, 51 et 55 du Code de déontologie des médecins. »
[179] Une note de Mme Ginette Berger, infirmière, datée du 22 août 2005 fait mention d’une injection intramusculaire de 50 mg de Modecate et une seconde note, datée du même jour, fait mention de redonner, tel que convenu avec l’intimé, la même dose de Modecate, du Seroquel 100mg au souper et 300 mg au coucher et de le voir le lendemain à l’urgence; cette seconde note est contresignée par l’intimé;
[180] L’intimé rencontre le 23 août 2005, M. (…) qui est hébergé au Foyer Michaud depuis sa sortie récente de prison;
[181] L’intimé pose un diagnostic de schizophrénie paranoïde et de toxicomanie;
[182] L’intimé hausse le Modecate à 300 mg intramusculaire chaque semaine, le Seroquel à 300 mg au souper et à 900 mg au coucher et ajoute du Kemadrin à raison de 10 mg 2 fois par jour;
[183] Le 6 septembre 2005, l’intimé augmente le Modecate à 400 mg intramusculaire à chaque semaine, maintient la même dose pour le Seroquel et le Kemadrin et ajoute le Risperdal à raison de 3 mg 3 fois par jour qu’il augmente le 20 septembre à 3 mg 4 fois par jour;
[184] En date du 1er novembre 2005, après des modifications de la médication apportées le 20 septembre et le 4 octobre 2005, les antipsychotiques prescrits par l’intimé à M. (…) sont :
§ Seroquel : 300 mg le midi, 600 mg au souper et 600 mg au coucher,
§ Risperdal : 4 mg 4 fois par jour plus 4 mg au besoin,
§ Modecate : 400 mg intramusculaire par semaine,
auxquels s’ajoutent 10 mg 2 fois par jour de Kemadrin;
[185] En date du 11 juillet 2006, M. (…) consomme les antipsychotiques suivants :
§ Seroquel : 300 mg le midi et au souper et 600 mg au coucher,
§ Risperdal : 3 mg 4 fois par jour augmenté à 4 mg 4 fois par jour à compter du 5 août 2006;
auxquels s’ajoutent 10 mg 3 fois par jour de Kemadrin et 50 mg de Nozinan au coucher;
[186] Pour cette conduite, le plaignant reproche à l’intimé d’avoir contrevenu aux dispositions des articles 44, 47, 50, 51 et 55 du Code de déontologie des médecins;
[187] Dans son expertise, le Dr Bloom qualifie d’alarmante l’augmentation initiale du Modecate prescrit au patient, passant de 50 mg intramusculaire aux trois (3) semaines à 300 mg intramusculaire chaque semaine accompagné d’une pharmacothérapie de 1 200 mg de Seroquel;
[188] Le Dr Bloom qualifie cette approche d’intempestive;
[189] Le Dr Bloom déplore également qu’en date du 6 septembre 2005 l’intimé ait ajouté, aux médicaments déjà prescrits au patient, du Risperdal à raison de 3 mg 3 fois par jour majoré à 3 mg 4 fois par jour et finalement haussé à 4 mg 4 fois par jour le 25 octobre 2005;
[190] Bien que reconnaissant que le recours au Risperdal aurait pu être approprié, le Dr Bloom déplore le maintien du Risperdal à des doses trop élevées sans aucune modification aux deux (2) autres antipsychotiques consommés par le patient;
[191] Le Dr Beauséjour dénonce l’utilisation de trois (3) antipsychotiques en combinaison et l’utilisation des dits antipsychotiques à des doses largement supérieures aux dosages maximums recommandés;
[192] Le Dr Morissette écrit que la lecture des documents mis à la disposition de l’intimé, dès la première visite du patient auprès de l’intimé, rend impossible de justifier les raisons médicales et psychiatriques pour lesquelles ce dernier a prescrit du Modecate à raison de 300 mg intramusculaire aux semaines et du Seroquel à raison de 1 200 mg par jour dès la première visite du patient;
[193] L’opinion du Dr Morissette est à l’effet que le traitement offert à ce patient par le Dr Mailloux n’était pas justifiable d’un point de vue clinique;
[194] L’intimé nie catégoriquement les infractions qui lui sont reprochées et manifeste une grande fierté quant aux résultats qu’il a obtenus dans le dossier de ce patient;
[195] L’intimé a fait témoigner M. Alain Houde, technicien en éducation spécialisée en sante mentale depuis plus de trente ans;
[196] Le 2 juillet 2007 l’intimé a inscrit dans les notes évolutives du dossier de M. (…) au Centre de santé et de services sociaux de Maskinongé;
« M. Alain Houde qui connaît (…)… depuis 4 ans affirme : « (…) . . ., c’est un cas de réussite, S’ils veulent savoir pourquoi, prêt à leur dire. » M. Houde accepte de venir témoigner librement devant le Comité de discipline au besoin. »
[197] Lors de son témoignage M. Houde a décliné ses nom, adresse et occupation et a reconnu la note inscrite par l’intimé en date du 2 juillet 2007;
[198] Aucune autre question n’a été adressée par l’intimé à M. Houde qui n’a pas été contre-interrogé par le plaignant;
[199] Les reproches adressés à l’intimé couvrent la période du 6 septembre 2005 jusqu’au 6 juin 2006;
[200] Au cours de cette période il est reproché à l’intimé d’avoir prescrit à ce patient une médication qui dépassait largement les normes maximales acceptées par la science médicale;
[201] Les experts Bloom, Beauséjour et Morissette sont unanimes sur ce point;
[202] Pour ces motifs, le Conseil juge que l’intimé n’a pas exercé sa profession suivant les normes médicales reconnues (art. 44 du Code de déontologie des médecins) et qu’il a posé des actes intempestifs ou inappropriés ( art. 47) en prescrivant, en même temps et au même patient, une combinaison d’antipsychotiques à dosage trop élevée;
[203] La médication prescrite à ce patient n’a pas produit les effets escomptés par l’intimé qui l’a augmentée et ce même après avoir noté au dossier l’absence de résultats positifs et la persistance d’effets négatifs tels que : somnolence, hallucinations auditives et raideur à la mâchoire (art. 55);
[204] L’intimé a reconnu, devant le Conseil avoir fait preuve de complaisance lorsqu’il a, le 28 mars 2006, prescrit à M. (…) du Nozinan parce que celui-ci lui en a demandé, ce qui contrevient directement aux dispositions de l’article 50 du Code de déontologie des médecins;
[205] La preuve présentée par le plaignant démontre que l’ensemble des médicaments prescrits par l’intimé n’était pas médicalement nécessaire (art. 50);
[206] En application des enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Kienapple[4], le Conseil, afin d’éviter que l’intimé soit condamné plusieurs fois pour une même faute ou conduite, conclut à la culpabilité de l’intimé aux manquements qui lui sont reprochés aux dispositions de l’article 50 du Code de déontologie des médecins et ordonne une suspension conditionnelle en regard des manquements reprochés, à ce chef, aux dispositions des articles 44, 47 et 55 du Code de déontologie des médecins;
[207] Le Conseil juge que les dispositions de l’article 51 du Code de déontologie des médecins ne trouvent pas application dans la présente affaire car des raisons médicales justifiaient la prescription d’antipsychotiques, sous réserve d’en respecter la posologie;
CHEFS 6, 7, 8 ET 9
[208] Ces chefs concernent des infractions qui auraient été commises par l’intimé au cours de sa participation à des émissions radiophoniques sur les ondes de CKAC 730;
[209] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir tenu des propos indignes d’un médecin et d’avoir agi de manière intempestive et contraire aux données de la science médicale en élaborant des commentaires diagnostiques sans avoir préalablement recueilli tous les renseignements pertinents;
[210] Dans le cadre de sa preuve, le plaignant a témoigné et a fait entendre le Dr Michel Brochu, reconnu expert par le Conseil;
[211] Le plaignant a déposé les enregistrements sonores des émissions des 8 juin et 2 octobre 2006, la transcription de ces émissions ainsi qu’une expertise effectuée par le Dr Brochu;
[212] En défense, l’intimé s’est fait entendre et a nié avoir commis les infractions qui lui sont reprochées tout en reconnaissant qu’il a pu à l’occasion tenir un « langage cru » (chef 6), qui « peut choquer » (chef 7), qui est destiné à provoquer une réaction chez son interlocuteur ou interlocutrice (chef 8) et qui peut même contenir des propos vulgaires (chef 9);
[213] Étant lui-même d’origine humble, l’intimé déclare que les propos qui lui sont reprochés sont pour lui d’utilisation courante et normale;
[214] L’intimé reconnaît qu’on peut aimer ou ne pas aimer sa façon de s’exprimer et les termes qu’il utilise, mais ajoute que cela ne crée pas pour autant un acte dérogatoire;
[215] L’intimé a affirmé devant le Conseil, le 6 octobre 2009, que son émission radiophonique était un « show » et qu’il n’exerçait pas la psychiatrie lorsqu’il donnait des conseils à ses interlocuteurs;
[216] Dans son témoignage, le Dr Brochu émet l’opinion que l’intimé a, dans le cadre d’une émission radiophonique où il est clairement identifié comme psychiatre, fait des commentaires à la suite de renseignements obtenus d’auditeurs ou d’auditrices et tiré des conclusions;
[217] En réponse à une question de l’intimé, le Dr Brochu a défini, comme suit, la notion d’interprétation psychodynamique :
« un commentaire ou opinion donné à une personne à qui on explique notre compréhension de sa condition psychologique »
[218] L’intimé a acquiescé à cette définition donnée par le Dr Brochu mais déclare n’avoir jamais essayé de faire de commentaires diagnostiques à la radio, comme cela lui est reproché et ajoute qu’il ignore ce qu’est un commentaire diagnostique;
[219] Pour sa part, le Conseil comprend qu’un commentaire diagnostique est un commentaire qui identifie la nature d’un dysfonctionnement ou d’une difficulté;
[220] Le Conseil est d’opinion que l’intimé a émis de tels commentaires;
[221] Plus précisément, le 2 octobre 2006, l’intimé a partiellement permis à une auditrice de lui faire part d’un problème d’infertilité qu’elle avait connu pendant plusieurs années (chef 6);
[222] Après moins d’une minute, l’intimé émet une opinion sur les parents de l’auditrice :
« Est-ce qu’il est possible que vos deux gerlots de parents, immatures, vous aient privée de votre féminité avec la complicité de leur entourage à la con? »
[223] L’intimé peut rétorquer qu’il ne s’agit que d’une simple question adressée à une auditrice;
[224] Le Conseil juge que cette question porte, en elle-même, un jugement de valeur sur les parents de l’auditrice;
[225] Mais qui plus est, l’intimé ajoute, sans avoir préalablement obtenu de l’auditrice aucune information supplémentaire :
« Ça nous dit gros de ce que les crétins de parents que vous avez eus ont fait avec vous. »
pour conclure :
« Ces deux maudits gerlots immatures, vos parents, pis tenez-vous-en loin, s’il vous plaît, tenez votre enfant loin de cet… de ce genre d’humanité là surtout.
(…)
… C’est impardonnable, et je vous dis et je vous répète méfiez-vous de ces deux gerlots là, ce sont deux suprêmes immatures : c’est malsain, malsain pour vos enfants. »
[226] En regard de ces paroles, l’intimé affirme n’avoir donné que des conseils à son auditrice;
[227] L’intimé ne prend pas en considération que ce « conseil » a été donné par un psychiatre à qui une auditrice confiait avoir eu un problème d’infertilité;
[228] Le Conseil juge être en présence d’un diagnostic posé par l’intimé à l’effet que l’infertilité de son interlocutrice avait été causée par ses parents;
[229] Lorsque l’intimé se prononce sur le lien familial ayant existé entre son auditrice et ses parents, il ne soulève pas une possibilité parmi d’autres pour expliquer son infertilité… il affirme et conclut;
[230] Le Conseil juge que l’intimé a eu un comportement, par les propos qu’il a utilisés, qui se situe en dessous d’un comportement acceptable pour un professionnel de la santé[5];
[231] Le Conseil juge que l’intimé a contrevenu à la disposition générale du Code des professions qui interdit à tout professionnel d’avoir une conduite qui porte atteinte à l’honneur et à la dignité de sa profession;
[232] Considérant cette conclusion, le Conseil ordonne une suspension conditionnelle des procédures en regard des manquements reprochés à l’intimé sous ce chef aux articles 3, 46, 47, 88 et 89 du Code de déontologie des médecins que l’intimé a, par sa conduite, tous transgressés à différents degrés;
[233] Le Conseil retient la même conclusion en regard du chef 7 de la plainte alors que l’intimé, après avoir qualifié de « guenille » le père de son interlocutrice dit :
« … ce père aimant-là, ça lui a pas tenté d’y maudire une claque sur la gueule? »
Et, sous un faux prétexte de légitime défense, incite à la violence :
« Non, non, une… une gonzesse qui dit ça à une jeune, à une adolescente, c’est une claque sur la gueule instantanément, parce que c’est un crime contre la personne. »
[234] Les chefs 8 et 9 concernent des propos tenus par l’intimé lors de son émission radiophonique « Doc Mailloux » du 8 juin 2006;
[235] À cette occasion, l’intimé a reçu un appel d’une auditrice qui lui confiait avoir été victime d’attouchements sexuels de la part de son grand-père paternel ce qui avait engendré chez elle un sentiment de haine dirigé contre elle-même;
[236] Après avoir énoncé, en début d’émission, que le sentiment de haine pouvait possiblement découler d’une mauvaise résolution du conflit œdipien, l’intimé sans aucune espèce de raison qualifie la grand-mère de son interlocutrice de « vieille salope, de vieille truie »;
[237] L’intimé tient alors les propos suivants :
« La vieille truie faisait des biscuits pendant que le bonhomme il allait la chercher, il lui poignait les fesses puis là après, il était tout excité. La bonne femme, elle le savait. Elle voyait bien dans sa face, le bonhomme, hey il bandait simonac.
(…)
Bien oui, vous serviez de bougie d’allumage. Parce que là, il venait tout excité puis là, il allait fourrer la bonne femme après… »
[238] L’intimé conclut son étude du cas de son interlocutrice en ces mots :
« C’est que le cercle est pas mal plus large qu’il paraissait au début. On est parti avec le vieux cochon. Là, on se ramasse avec une truie complice… Possiblement, le père le savait, s’en doutait, était complice, et là, on découvre derrière ça une mère qui n’a pas su établir un bon lien maternel avec sa fille. »
[239] La solution est toute tracée d’après l’intimé :
« Méfiez-vous de ce cœur vide et froid qu’est votre mère. »
[240] L’intimé banalise les propos qu’il a tenus à son interlocutrice ainsi que les termes utilisés;
[241] L’intimé tente de justifier en partie sa conduite par le fait qu’il était en direct, sur les ondes radiophoniques;
[242] À savoir si les mots utilisés étaient vulgaires, l’intimé répond : « effectivement »;
[243] Quant à savoir si les mots utilisés étaient irrespectueux et abusifs, l’intimé répond qu’il s’agit d’une opinion personnelle mais il convient qu’il s’agit de « termes crus et durs, qu’il voulait percutants »;
[244] Le Conseil est unanimement d’avis que l’intimé a eu une conduite qui porte outrageusement atteinte à l’honneur et à la dignité de la profession de médecin et jette un discrédit sur l’ensemble des membres de cette profession;
[245] L’intimé s’est servi d’une interlocutrice pour faire valoir ce qu’il appelle lui-même son « délire de la journée » à l’effet que :
« L’attitude haineuse de certains adultes pourrait être possiblement consécutive à une mauvaise résolution du conflit œdipien. »
[246] L’intimé se saisit du cas de son interlocutrice et, sans aucune information quant à la relation de cette dernière avec sa mère, conclut à une absence de liens significatifs entre ces personnes;
[247] Sans aucune justification ni assise thérapeutique, l’intimé enjoint son interlocutrice à couper les liens avec ses parents qu’il qualifie de « vermines » en utilisant des termes grossiers et irrespectueux;
[248] Le Conseil juge que la conduite de l’intimé constitue un manquement très grave aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions et porte sérieusement atteinte à l’honneur et à l’intégrité de la profession de médecin;
[249] Le Conseil ne croit pas nécessaire d’examiner plus spécifiquement cette conduite en rapport avec les articles 3, 4, 14, 17, 46, 47, 88 et 89 du Code de déontologie des médecins;
[250] Pour ces motifs, le Conseil déclare l’intimé coupable, sous les chefs 8 et 9 d’avoir contrevenu aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions et ordonne, sous chacun de ces chefs, une suspension conditionnelle des procédures en regard des manquements reprochés aux dispositions des articles 3, 4, 14, 17, 46, 47, 88 et 89 du Code de déontologie des médecins;
CHEF 10
[251] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir fait défaut de constituer, tenir, détenir et maintenir un dossier médical pour M. (…), un patient qui l’a consulté à son cabinet à Trois-Rivières;
[252] Ce défaut de l’intimé s’est continué pendant le temps de l’enquête du syndic du Collège des médecins malgré les demandes de ce dernier visant à corriger cette situation et pour avoir accès à ce dossier;
[253] Cette conduite de l’intimé contrevient, selon le plaignant, aux dispositions du Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux de médecins ainsi que des autres effets;
[254] Ce règlement prévoit, à son article 4 que le médecin :
« … doit constituer, tenir, détenir et maintenir un dossier médical :
i) pour toute personne qui le consulte, qu’elle s’adresse directement à lui, lui soit dirigée ou soit rejointe par lui, peu importe l’endroit de la consultation;
ii) …
iii) … »
[255] Le plaignant soumet également que cette conduite de l’intimé constitue une entrave au travail du syndic du Collège, ce qui est une infraction aux dispositions des articles 59.2 et 114 du Code des professions;
[256] En défense, l’intimé plaide qu’il a pris lui-même la décision de laisser à son patient la possession physique de son dossier médical;
[257] Suivant le témoignage de l’intimé, c’est le seul cas au cours de toute sa carrière où une telle situation s’est produite;
[258] L’intimé considère que le patient avait de bonnes raisons pour demeurer en possession de son dossier médical;
[259] L’intimé demande au Conseil de déduire que le patient lui a confié des choses dont il veut que personne ne soit informé;
[260] Le Conseil ne fera pas une telle déduction;
[261] La preuve présentée au Conseil est, d’une part, l’existence d’une réglementation quant à la conservation par un professionnel de la santé des dossiers des patients rencontrés et, d’autre part, l’absence entre les mains de l’intimé du dossier de M. (…), un patient qui l’a consulté à son cabinet;
[262] Le témoignage de l’intimé est sans équivoque : il a pris la décision de ne pas respecter ce règlement;
[263] Le Conseil n’est pas en présence d’un cas où un dossier aurait été détruit par erreur ou serait demeuré introuvable, pour cas de force majeure, malgré des recherches diligentes et sérieuses entreprises par un professionnel;
[264] M. (…), comme toutes les autres personnes ayant eu recours aux services d’un professionnel, ne peut libérer ce professionnel des obligations qui lui sont imposées par la loi médicale, son Code de déontologie et ses Règlements;
[265] Le Conseil conclut que l’intimé a contrevenu :
§ aux dispositions de l’article 4 du Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux de médecins ainsi que des autres effets en omettant de conserver la possession du dossier médical de M. (…),
§ aux dispositions de l’article 114 du Code des professions en omettant de s’enquérir auprès de M. (…) de la possibilité de récupérer son dossier médical et en ne collaborant pas avec le plaignant pour lui permettre d’avoir accès à ce dossier, se contentant de diriger le plaignant à M. (…), sans aucune autre forme d’assistance, entravant ainsi le travail de ce dernier;
CHEF 11
[266] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir véhiculé sur les ondes d’une station de radio un message à l’effet que les jeunes femmes atteintes de mongolisme n’ont pas la même valeur qu’une « belle jeune femme universitaire »;
[267] Textuellement, l’intimé a déclaré sur les ondes radiophoniques :
« … Jamais vous me ferez accroire qu’une jeune femme qui est atteinte de mongolisme à la même valeur que trois belles jeunes femmes universitaires. »
[268] Après avoir émis son opinion sur les personnes atteintes de mongolisme, l’intimé porte un jugement sur la valeur de ces personnes :
« Si tu es rendu à valoriser les personnes atteintes de mongolisme en faisant accroire qu’elles ont la même valeur que des belles jeunes femmes avec degré universitaire, là, là, t’as un problème en quelque part. »
[269] L’intimé établit ainsi une hiérarchie dans la valeur des personnes humaines : une belle jeune femme universitaire vaut plus qu’une autre personne, et plus particulièrement que d’une personne atteinte de mongolisme;
[270] Il appuie cette affirmation sur son expérience personnelle :
« J’en ai de ça dans mon bureau. Robert. Je sais ce dont je parle. »
[271] Devant le Conseil, l’intimé réitère que ses propos n’ont pas dépassé sa pensée mais qu’il aurait néanmoins dû dire « des cas comme ça » au lieu d’utiliser le mot « ça » en parlant des personnes atteintes de mongolisme;
[272] L’intimé maintient que son manque d’élégance langagière ne constitue pas une faute déontologique et qu’il n’a transgressé aucune disposition du Code de déontologie des médecins;
[273] Avec égard, le Conseil ne partage pas l’interprétation des faits proposée par l’intimé;
[274] Le Conseil n’est pas appelé à décider si l’intimé a fait un mauvais choix de mots en parlant de « mongolisme » au lieu de « trisomie »;
[275] Les reproches dirigés à l’endroit de l’intimé concernent le jugement qu’il a porté sur la valeur d’un groupe de personnes par rapport à un autre groupe;
[276] Dans le cadre de l’exercice de sa profession, ou à l’occasion de l’exercice de sa profession, un médecin a :
« … le devoir primordial de protéger et de promouvoir la santé et le bienêtre des individus qu’il sert, tant sur le plan individuel que collectif » (article 3 du Code de déontologie des médecins);
[277] Ce devoir est fondamental et existe depuis les origines de la médecine;
[278] Lorsque l’intimé, en sa qualité de psychiatre, tient des propos sur les ondes radiophoniques, il s’adresse collectivement à des individus à qui il présente des opinions ou des solutions à des problématiques qui lui sont soumises;
[279] Lorsque l’intimé énonce, sur les ondes publiques, que les personnes atteintes de mongolisme ont moins de valeur que d’autres, il jette un discrédit sur l’ensemble de ces personnes;
[280] Ces propos, prononcés par un psychiatre, sont de nature à amener une partie de la population à considérer les gens atteints de mongolisme comme des citoyens de seconde classe, des gens de moindre valeur;
[281] En agissant ainsi, l’intimé pose un geste qui est de nature à affecter la santé mentale des gens ainsi dépréciés alors qu’il doit promouvoir en tout temps la santé et le bien-être des individus, tant sur le plan individuel que collectif;
[282] L’intimé bafoue l’amour-propre et la fierté des personnes atteintes de mongolisme qui se considèrent, à juste titre, des personnes de qualité égale aux autres;
[283] Le Conseil juge que l’intimé n’a pas respecté l’article 3 du Code de déontologie des médecins;
[284] Considérant cette conclusion, le Conseil ordonne la suspension conditionnelle des procédures en regard des reproches adressés à l’intimé aux articles 14 et 16 du Code de déontologie des médecins et 59.2 du Code des professions;
CHEF 12
[285] Le plaignant reproche à l’intimé d’avoir dénigré sur les ondes radiophoniques une autre professionnelle, soit une psychologue;
[286] Le 2 mai 2006, l’intimé accuse publiquement une psychologue d’avoir illégalement pratiqué la médecine et d’avoir posé un diagnostic psychiatrique;
[287] L’intimé a déclaré sur les ondes :
« Si tu n’as pas la formation, ferme ta gueule. »
Avant d’ajouter :
« Puis moi, j’ai fait un cours de médecine puis une spécialisation en psychiatrie pour pouvoir porter des diagnostics psychiatriques. Ça fait que là, trois ans versus, dans mon cas, j’ai été dix ans. Ça m’a pris dix ans pour devenir psychiatre, dix ans d’études, puis tu vas me faire accroire qu’une gonzesse arrive puis elle a trois ans d’université, Monsieur, puis elle va être sur la même égalité que moi. Non, non, non, non, non, non. Fais tes études comme il faut, acquiers le diplôme puis viens glousser après. »
[288] L’intimé a reconnu devant le Conseil, en référant à ses propos, qu’il « s’est soulagé et aurait pu se soulager un peu moins »;
[289] L’intimé prétend toutefois avoir quand même fait preuve de retenue à l’endroit de cette personne et s’en explique comme suit :
« “Gonzesse” est un synonyme de femme.
“Aller se rhabiller” est une façon de parler.
“Glousser” est ce que cette psychologue a fait, selon lui, dans son rapport d’expertise. »
[290] L’intimé ajoute qu’en aucun moment il n’a donné quelque information nominative permettant d’identifier la professionnelle concernée;
[291] Le Conseil désire rappeler qu’il n’est pas un tribunal de droit commun auprès de qui un recours en dommages-intérêts a été dirigé;
[292] Le Conseil a uniquement compétence dans le domaine du droit disciplinaire;
[293] Dans ce domaine, il est clairement établi par la jurisprudence qu’il n’est pas nécessaire qu’une victime ait été lésée par un professionnel pour que ce dernier ait à venir expliquer sa conduite devant ses pairs;
[294] Que la professionnelle visée par les propos de l’intimé n’ait pas été nommément identifiée, ou identifiable, n’affecte en rien la conduite de l’intimé;
[295] La question sur laquelle le Conseil doit se prononcer est la suivante : l’intimé a-t-il, par ses propos, contrevenu à une ou plusieurs dispositions du Code de déontologie des médecins?
[296] L’article 110 du Code de déontologie des médecins mentionne que :
« Le médecin ne doit pas, à l’égard de quiconque est en relation avec lui dans l’exercice de sa profession, notamment un confrère ou un membre d’un autre ordre professionnel, le dénigrer, abuser de sa confiance, l’induire volontairement en erreur, surprendre sa bonne foi ou utiliser des procédés déloyaux. »
[297] L’origine des propos tenus par l’intimé à l’endroit de cette psychologue est leur participation professionnelle, à titre d’experts, dans un litige matrimonial mû devant la Cour supérieure;
[298] L’intimé était en relation professionnelle avec cette psychologue, dans le cadre de l’exercice de leur profession respective;
[299] L’intimé a déposé auprès du Collège des médecins une plainte disciplinaire contre la psychologue;
[300] Le Collège des médecins a dirigé cette plainte à l’Ordre des psychologues qui a refusé d’entamer des procédures disciplinaires contre la psychologue devant le Conseil de discipline de cet ordre professionnel;
[301] L’intimé, dans une contre-expertise déposée devant la Cour supérieure, avait sévèrement critiqué le travail de la psychologue, ce qui lui a valu une peine disciplinaire et une condamnation prononcée le 9 septembre 2009 par une autre division du Conseil de discipline du Collège des médecins dans le dossier portant le numéro 24-06-00624;
[302] Est-ce que l’intimé a dénigré, le 2 mai 2006, sur les ondes radiophoniques, cette psychologue?
[303] La transcription d’un entretien téléphonique entre l’animateur, M. Louis Champagne, et l’intimé, tenu sur les ondes du poste de radio CKRS, le 2 mai 2006, donne quelques éléments de réponse à cette question;
[304] On peut y lire que l’intimé rabaisse la psychologue qu’il qualifie de « gonzesse », qu’il invite à « aller se rhabiller » et « aller faire des études avant de pouvoir venir “glousser” à son égalité »;
[305] L’écoute de la cassette audio de cet entretien téléphonique ne laisse place à aucune ambiguïté;
[306] Le ton méprisant et hautain que l’intimé utilise lorsqu’il parle de cette professionnelle, ainsi que des psychologues en général, porte, suivant l’opinion unanime des membres du Conseil, atteinte à la réputation de cette psychologue et à l’ensemble des membres de cette profession;
[307] Il n’est pas nécessaire qu’il y ait preuve de préjudice pour qu’il y ait un manquement déontologique;
[308] Le fait pour un médecin de dénigrer un professionnel avec qui il est en relation dans l’exercice de sa profession est une faute déontologique;
[309] Cette faute a été commise par l’intimé qui a spécifiquement contrevenu aux dispositions de l’article 110 du Code de déontologie des médecins;
[310] Considérant cette conclusion, le Conseil ordonne une suspension conditionnelle des procédures en regard des manquements reprochés, sous ce chef, aux articles 3 et 110 du Code de déontologie des médecins et à l’article 59.2 du Code des professions;
Pour ces motifs, le Conseil :
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
1. En émettant intempestivement, à l’endroit de madame (…), née le (…), une patiente qui le consultait à l’hôpital Comtois de Louiseville, depuis le ou vers le 23 octobre 1997, des ordonnances de Fluanxol, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu’à 250 mg aux 2 semaines alors que la dose maximale recommandée est de 80 mg aux 3 - 4 semaines et ajoutant depuis le ou vers le 16 mai 2002 des ordonnances de Seroquel, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu’à 1 200 mg par jour alors que la dose maximale recommandée est de 800 mg par jour, ordonnances médicales qu’il continue d’émettre jusqu’à ce jour à des doses excessives, sans aucune justification médicale et contrairement aux données de la science médicale actuelle, malgré le fait que la patiente présentait de nombreux effets secondaires de cette médication, notamment des troubles importants de la concentration, une fatigue, l’absence d’énergie, des signes de dystonie musculaire, de la difficulté à fonctionner alors qu’elle mentionnait régulièrement qu’elle se sentait affaissée, compromettant ainsi l’état de santé de sa patiente, notamment en entraînant un ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie de la patiente, le tout contrairement à l’article 50 du Code de déontologie des médecins.
- ORDONNE, à l’égard du chef 1 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures, quant aux manquements reprochés aux dispositions des articles 44, 47 et 55 du Code de déontologie des médecins;
- REJETTE, à l’égard du chef 1 de la plainte, les manquements reprochés aux dispositions de l’article 51 du Code de déontologie des médecins;
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
2. En émettant intempestivement, à l’endroit de monsieur (…), né le (…), un patient qui le consultait à l’hôpital Comtois de Louiseville, entre le 2 mars 2006 et le ou vers le 29 mai 2006, des ordonnances de Trilafon, un antipsychotique, à des doses excessives allant jusqu’à lui prescrire des doses six fois supérieures aux doses maximales recommandées, malgré le fait que ce patient était connu polytoxicomane, alcoolique, manipulateur et qu’il avait déjà présenté dans le passé une crise convulsive alors qu’il est décrit que les antipsychotiques peuvent abaisser le seuil convulsif et qu’il présentait des symptômes évidents de surdosage, tel notamment la somnolence, sans aucune justification médicale et contrairement aux données de la science médicale actuelle, compromettant ainsi l’état de santé de son patient, notamment en masquant les effets secondaires, en entraînant un ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie du patient, le tout contrairement à l’article 47 du Code de déontologie des médecins;
- ORDONNE, à l’égard du chef 2 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions des articles 44, 50, 51 et 55 du Code de déontologie des médecins;
- DÉCLARE l’intimé coupable des infractions suivantes :
3. Au cours du mois de mai 2006, et notamment le ou vers le 29 mai 2006, à l’hôpital Comtois de Louiseville, lors de la consultation de monsieur (…), né le 30 avril 1958, un patient connu polytoxicomane, alcoolique, manipulateur qui manifestait des symptômes évidents d’une détérioration de sa condition psychiatrique, en faisant défaut d’élaborer ou de voir à ce que soit élaboré un diagnostic avec la plus grande attention, notamment en négligeant de faire hospitaliser son patient ou de veiller à ce qu’il soit pris en charge adéquatement afin de s’assurer d’une surveillance étroite de sa condition clinique et de sa dangerosité dans un milieu sécuritaire protégé et omettant intempestivement et contrairement aux règles de l’art de réviser le traitement prescrit et ainsi considérer les alternatives thérapeutiques, tel le changement d’antipsychotiques, se limitant plutôt à renouveler la même médication, soit Trilafon 96 mg QID, à une dose excessive soit six fois supérieure aux doses maximales recommandées et malgré le fait que le patient présentait des effets secondaires de ladite médication, le tout contrairement aux articles 46 et 47 du Code de déontologie des médecins.
- DÉCLARE l’intimé coupable des infractions suivantes :
4. Le ou vers le 12 septembre 2003, alors qu’il était informé par téléphone que monsieur (…), né le (…), un patient qui résidait dans un foyer d’accueil de Louiseville, connu comme porteur d’un diagnostic de schizophrénie paranoïde résiduelle et qui présentait des idées suicidaires importantes, en négligeant intempestivement et contrairement aux règles de l’art notamment d’évaluer adéquatement le risque suicidaire qu’il présentait et de recommander que celui-ci soit amené à son cabinet ou référé à une salle d’urgence pour qu’on puisse procéder à une évaluation adéquate de sa condition psychiatrique, alors qu’il savait que ce patient avait fait une tentative suicidaire sérieuse au mois de juin 2003 qui avait nécessité une intervention neurochirurgicale, se limitant plutôt à recommander que soit donnée au patient une augmentation de la dose de Seroquel, un antipsychotique, sans voir ledit patient, le tout contrairement aux articles 46 et 47 du Code de déontologie des médecins.
DÉCLARE l’intimé coupable des infractions suivantes :
5. En recommandant et prescrivant intempestivement à l’endroit de monsieur (…), né le 7 avril 1984, un patient qui le consultait à l’hôpital Comtois de Louiseville, entre le 6 septembre 2005 et le 6 juin 2006, la prise concomitante de trois antipsychotiques, à savoir Risperdal, Seroquel et Modecate, dont certains à des doses excessives et malgré le fait que cette association de trois antipsychotiques n’a aucune justification médicale et est contraire aux données de la science médicale actuelle, risquant ainsi de compromettre l’état de santé de son patient, notamment en masquant les effets secondaires, en entraînant un ralentissement psychomoteur et diminuant sérieusement la qualité de vie du patient, alors qu’il reconnaissait lors d’une rencontre du 11 octobre 2006 avec le syndic qu’il n’existe pas de littérature médicale reconnue supportant cette pratique, le tout contrairement aux articles 50 du Code de déontologie des médecins.
- ORDONNE une suspension conditionnelle des procédures, à l’égard du chef 5 de la plainte, quant au manquement reproché aux dispositions des articles 44, 47 et 55 du Code de déontologie des médecins;
- REJETTE, à l’égard du chef 5 de la plainte, les manquements reprochés aux dispositions de l’article 51 du Code de déontologie des médecins;
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
6. Lors de l’émission radiophonique « Doc Mailloux » diffusée le 2 octobre 2006 sur les ondes de CKAC 730, en agissant de manière intempestive et contraire aux données de la science médicale actuelle, en négligeant d’élaborer ses commentaires diagnostiques avec la plus grande attention, omettant de recueillir tous les renseignements pertinents, émettant des interprétations psychodynamiques sans nuance, gratuites, exposant le public et principalement l’interlocutrice prénommée Caroline à des opinions médicales sans fondement, potentiellement préjudiciables à sa santé et à son bienêtre, et allant jusqu’à lui recommander de se méfier de ses parents, commettant des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession contrairement à l’article 59.2 du Code des professions.
- ORDONNE, à l’égard du chef 6 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions des articles 3, 46, 47, 88 et 89 du Code de déontologie des médecins;
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
7. En émettant publiquement des propos indignes d’un médecin, lors de l’émission radiophonique « Doc Mailloux », diffusée le 2 octobre 2006 sur les ondes de CKAC 730, adoptant à l’égard de l’interlocutrice prénommée Caroline, du public et de sa profession, une attitude répréhensible et inacceptable, et négligeant de conserver une conduite irréprochable, allant jusqu’à évoquer le recours à la violence :
« … ce père aimant-là, ça lui a pas tenté d’y maudire une claque sur la gueule? »
« Une… une gonzesse qui dit ça à une jeune, à une adolescente, c’est une claque sur la gueule instantanément, parce que c’est un crime contre la personne. »,
commettant un acte dérogatoire à l’honneur et la dignité de la profession contrairement à l’article 59.2 du Code des professions.
- ORDONNE, à l’égard du chef 7 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions des articles 3, 4, 14 et 17 du Code de déontologie des médecins;
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
8. Lors de l’émission radiophonique « Doc Mailloux » diffusée le 8 juin 2006 sur les ondes de CKAC 730, en agissant de manière intempestive et contraire aux données de la science médicale actuelle, en négligeant d’élaborer ses commentaires diagnostiques avec la plus grande attention, omettant de recueillir tous les renseignements pertinents, émettant des interprétations psychodynamiques sans nuance, gratuites, exposant le public et principalement l’interlocutrice prénommée Isabelle, qui rapportait avoir été victime d’attouchements de son grand-père, à des opinions médicales sans fondement, potentiellement préjudiciables à sa santé et à son bienêtre, et allant jusqu’à lui recommander de se méfier « de ce cœur vide et froid qu’est votre mère », alors que son interlocutrice n’avait pas exprimé de problème relationnel avec sa mère, commettant des actes dérogatoires à l’honneur et à la dignité de la profession contrairement à l’article 59.2 du Code des professions.
- ORDONNE, à l’égard du chef 8 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions des articles 3, 46, 47, 88 et 89 du Code de déontologie des médecins;
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
9. En émettant publiquement des propos indignes d’un médecin utilisant des termes irrespectueux et abusifs, lors de l’émission radiophonique « Doc Mailloux », diffusée le 8 juin 2006 sur les ondes de CKAC 730, adoptant une attitude répréhensible et inacceptable à l’égard de l’interlocutrice prénommée Isabelle, du public et de sa profession, négligeant de conserver une conduite irréprochable, notamment lorsqu’il décrit les grands-parents de ladite interlocutrice, utilisant entre autres les termes « vieille truie », « vieux cochon » et « vermine », commettant un acte dérogatoire à l’honneur et à la dignité de la profession contrairement à l’article 59.2 du Code des professions.
- ORDONNE, à l’égard du chef 9 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions des articles 3, 4, 14 et 17 du Code de déontologie des médecins;
- DÉCLARE l’intimé coupable des infractions suivantes :
10. En faisant défaut de constituer, tenir, détenir et maintenir un dossier médical pour monsieur (…)., une personne qui l’a consulté à son cabinet de Trois-Rivières, négligeant notamment de conserver la liste de documents ainsi que les documents ou copies des documents pertinents ayant permis la rédaction de(s) rapport(s) d’expertise concernant ce patient, allant jusqu’à maintenir un tel défaut durant l’enquête du syndic concernant ce patient, malgré les demandes de corriger la situation et les demandes répétées d’accès au dossier des docteurs Jacques Deblois et Mario Deschênes agissant ès qualités de syndics adjoints, et ce depuis le 9 mai 2006, le tout contrairement au Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux des médecins ainsi que des autres effets, commettant en outre une entrave à l’enquête du syndic, contrairement à l’article 114 du Code des professions.
- ORDONNE, à l’égard du chef 10 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions de l’article 59.2 du Code des professions;
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
11. Le ou vers le 11 mai 2006, sur les ondes des stations CHLT-AM et CHLN-AM, en véhiculant le message que les jeunes femmes atteintes de mongolisme, n’ont pas la même valeur qu’une belle jeune femme universitaire et qu’il y a un problème à valoriser les personnes atteintes de mongolisme en faisant croire qu’elles auraient la même valeur, allant jusqu’à préciser qu’il en aurait « de ça » dans son bureau, à propos de certains de ses patients, le tout portant atteinte collectivement à la dignité des personnes atteintes de trisomie 21 ainsi qu’à l’honneur et à la dignité de sa profession, contrairement à l’article 3 du Code de déontologie des médecins.
- ORDONNE, à l’égard du chef 11 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions des articles 14 et 116 du Code de déontologie des médecins et à l’article 59.2 du Code des professions;
- DÉCLARE l’intimé coupable de l’infraction suivante :
12. Les ou vers les 1er et 2 mai 2006, sur les ondes de la station CHLT-AM et/ou CKRS-AM en dénigrant, tant sur le plan personnel que professionnel, un membre d’un autre ordre professionnel, à savoir une psychologue agissant comme témoin expert dans une instance familiale dans laquelle il agissait lui-même à ce titre pour la partie opposée, notamment en disant qu’elle devait aller se « rhabiller », la traitant de « gonzesse », et indiquant qu’elle devrait acquérir le diplôme puis « glousser », tenant des propos méprisants tant envers cette professionnelle qu’envers sa profession, contrevenant à l’article 110 du Code de déontologie des médecins.
- ORDONNE, à l’égard du chef 12 de la plainte, une suspension conditionnelle des procédures quant au manquement reproché aux dispositions des articles 3 et 17 du Code de déontologie des médecins et à l’article 59.2 du Code des professions;
CONVOQUE les parties à une date à être fixée par le secrétaire du Conseil de discipline pour procéder à l’audition des représentations sur sanction.
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Me Réjean Blais, président |
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Me Jacques Prévost |
Dr Alain Larouche, membre |
Procureur de la partie plaignante |
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Dr Pierre Mailloux |
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Partie intimée |
Dr André Larose, membre |
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Dates de l’audience : |
Les 6 octobre, 2, 3, 4, 5, 9, 10, 11 et 26 novembre 2009 |
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Collège des médecins du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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No : |
24-06-00640 |
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DATE : |
30 mars 2011 |
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EN PRÉSENCE DE : |
Me Réjean Blais, président |
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Dr Alain Larouche, membre |
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Dr André Larose, membre |
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DR MARIO DESCHÊNES |
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Partie plaignante |
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DR PIERRE MAILLOUX [...] |
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Partie intimée |
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SANCTION |
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En début d’audition, le Conseil a émis les ordonnances suivantes qui demeurent toujours en vigueur : - Ordonnance de non-diffusion, de non-publication et de non-accessibilité du nom des patients mentionnés à la plainte, ainsi que de toute information permettant de les identifier, - Ordonnance de non-diffusion, de non-publication et de non-accessibilité du nom des patients mentionnés dans les documents déposés en preuve, ainsi que de toute information permettant de les identifier, - Ordonnance de non-diffusion, de non-publication et de non-accessibilité du nom de la personne dont il est question au chef 12 de la plainte, ainsi que de toute information permettant de l’identifier. |
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[1] Le Conseil de discipline du Collège des médecins du Québec s’est réuni les 12, 13, 14 et 18 octobre 2010 pour procéder à l’audition des représentations sur sanction soumises par les parties pour faire suite à la déclaration de culpabilité prononcée contre l’intimé le 26 février 2010;
[2] Le plaignant est présent devant le Conseil et représenté par son procureur Me Jacques Prévost;
[3] L’intimé est présent et se représente personnellement;
[4] Dans le cadre de sa preuve sur sanction, le plaignant soumet une preuve documentaire soit :
§ SP-1 : un cahier contenant, à l’onglet 1 les antécédents disciplinaires de l’intimé, à l’onglet 2 des lettres d’avertissement reçues par l’intimé en provenance du Bureau du syndic, sous l’onglet 3 des recommandations émises à l’intimé par le Comité de l’inspection professionnelle et sous l’onglet 4 quelques articles parus dans les journaux,
§ SP-2 a) : lettre du plaignant adressée à l’intimé le 22 septembre 2010,
§ SP-2 b) : lettre du plaignant adressée à l’intimé le 29 janvier 2010;
[5] Après le témoignage de l’intimé le plaignant a déposé, lors du contre-interrogatoire de ce dernier, trois (3) autres documents sous les cotes SP-3, SP-4 et SP-5;
[6] Pour sa part l’intimé a déposé une volumineuse preuve documentaire sous les cotes SI-1 à SI-132, a rendu témoignage et a fait entendre le plaignant, le Dr Jean-Claude Fortin, le Dr Yves Robert, le Dr François Gauthier, le Dr Daniel Bloom, le Dr Yves Lamontagne et M. Louis Lebeau;
[7] L’intimé a également versé au dossier la transcription des notes sténographiques de la preuve sur sanction qu’il a présentée devant une autre division du Conseil de discipline du Collège des médecins, soit dans le dossier portant le numéro 24-08-00675;
[8] Ces notes sténographiques contiennent :
§ sous la cote SI-101, le témoignage de l’intimé, rendu le 28 avril 2010,
§ sous la cote SI-104, le témoignage de l’intimé, rendu le 6 mai 2010,
§ sous la cote SI-105, les témoignages du Dr Yves Robert et de l’intimé, rendus le 7 mai 2010,
§ sous la cote SI-106, le témoignage de l’intimé, rendu le 7 juin 2010,
§ sous la cote SI-107, le témoignage de l’intimé, rendu le 16 août 2010,
§ sous la cote SI-108, le témoignage du Dr François Gauthier;
[9] Le présent dossier a été pris en délibéré le 18 octobre 2010;
[10] À la demande de l’intimé, le Conseil s’est réuni le 9 février 2011 pour procéder à l’audition d’une requête en réouverture des débats;
[11] Par cette requête, l’intimé désirait être autorisé à assigner à nouveau le Dr Bloom, qui a témoigné en qualité d’expert pour la partie plaignante et comme témoin, appelé par l’intimé, le 14 octobre 2010, pour l’interroger concernant les traitements qu’il administre à l’une de ses patientes, soit Mme (…);
[12] L’intimé désirait également produire une lettre, datée du 9 novembre 2010, pour établir que les neurologues de Trois-Rivières ne reçoivent que les cas urgents;
[13] Le but recherché par l’intimé par la production de cette requête était d’affecter :
« … sérieusement la crédibilité du syndic dans ses demandes farfelues de sanctions nombreuses et extrêmement sévères, voire même ruineuses »;
[14] L’intimé a amendé sa requête pour y ajouter une liste de documents qu’il voulait pouvoir déposer et le nom de témoins qu’il voulait interroger;
[15] Le Conseil a rejeté, dans une décision écrite, la demande de réouverture d’enquête présentée par l’intimé;
CORRECTION AU PARAGRAPHE 146 DE LA DÉCISION SUR CULPABILITÉ
[16] L’intimé a souligné aux membres du Conseil qu’il n’a jamais administré ni prescrit à aucun patient 300 mg intramusculaire de Trilafon contrairement à ce qui est mentionné au paragraphe 146 de la décision du Conseil portant la date du 26 février 2010;
[17] Après vérification, le Conseil constate qu’il y a eu une erreur dans la retranscription d’un extrait du dossier médical de M. (…);
[18] Le paragraphe 146 de la décision réfère à l’extrait suivant du dossier médical de M. (…) soit :
« Modecate 900 mg intramusculaire, chaque semaine ou aux deux semaines, avec augmentation de Moditen de 600 à 800 mg par jour et du Trilafon 300 mg intramusculaire, P.R.N. pour agitations »;
[19] Cette citation devrait se lire comme suit :
« Modecate 900 mg intramusculaire, chaque semaine ou aux deux semaines, avec augmentation de Moditen de 600 à 800 mg par jour et du Trilafon 30 mg intramusculaire, P.R.N. pour agitations »;
RECOMMANDATIONS DE SANCTIONS SUGGÉRÉES PAR LE PLAIGNANT
[20] Le plaignant suggère au Conseil d’imposer à l’intimé les sanctions suivantes :
§ pour les chefs 1, 2, 3, 4 et 5, des radiations temporaires de deux (2) ans à être purgées concurremment, et une limitation permanente de prescrire des neuroleptiques typiques ou atypiques à ses patients qui dépassent les doses maximales recommandées par les fabricants, telles qu’approuvées par Santé Canada et répertoriées dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS) et de prescrire de façon concomitante plusieurs neuroleptiques à la fois chez un même patient,
§ concernant les chefs 6, 7, 8 et 9, l’imposition d’une amende de 5 000 $ pour chacun de ces chefs,
§ au chef 10, une amende de 3 000 $,
§ au chef 11, une amende de 5 000 $,
§ sous le chef 12, une période de radiation de trois (3) mois,
§ l’imposition d’un stage portant sur l’élaboration de diagnostics psychiatriques selon les critères multiaxiaux du DSM ainsi qu’un stage en psychopharmacologie,
§ une publication des sanctions imposées,
§ une condamnation au paiement des débours;
[21] À l’appui de ces recommandations, le procureur du syndic remet au Conseil les sanctions imposées dans les dossiers suivants :
§ Lapointe c. Legros, 500-07-000050-959,
§ Chevalier c. Tremblay, 500-07-000445-050,
§ Blanchette c. Hivon, 700-07-000003-949,
§ North c. West Virginia Board of Regents, 332 South Eastern Reporter 2d Series,
§ Mercure c. Bernier, 24-06-000639,
§ Rocket c. Collège royal des chirurgiens dentistes d’Ontario, [1990], 2 R.C.S., 232,
§ Paquet c. Corporation professionnelle des médecins du Québec, 500-09-000060-913,
§ Avocats c. Parizeau, [2000], DDOP, 22,
§ Bachand c. Mercure, 450-07-000001-877,
§ Coulombe c. Richer, 150-07-000001-964,
§ Richer c. Beaubien, 24-91-00265,
§ Rémi H. Lair c. Brosseau, 24-86-00211,
§ Léveillée c. Houle, [1993], CanLII, 6918 (Qc CDCM), Comité-médecins-6, [1982], DDCP, 63,
§ Normand c. Legros, 400-07-000008-943,
§ Latulippe c. Léveillée, 415-07-000003-975,
§ Fortin c. Boutet, 24-03-00578,
§ Richard c. Roy Jr, 06-02-1727, Tribunal-avocats-2, [1980], DDCP, 266;
SUGGESTIONS DE SANCTIONS PAR L’INTIMÉ
[22] Dans un premier temps, l’intimé commente les décisions déposées par le plaignant dont il nie toute pertinence au regard de la nature des infractions auxquelles elles réfèrent et qui n’ont aucune commune mesure avec les infractions pour lesquelles le Conseil a retenu sa culpabilité;
[23] À la question à savoir quelles sanctions devraient lui être imposées pour les infractions pour lesquelles il a été déclaré coupable, l’intimé invite le Conseil à « innover » et à ne lui imposer aucune sanction relativement aux chefs 1, 2, 3, 4, 5 et 10, et la sanction la moins sévère en ce qui concerne les chefs 6, 7, 8, 9, 11 et 12;
OBSERVATIONS DU CONSEIL
[24] Le Conseil juge approprié de commenter brièvement la preuve sur sanction soumise par l’intimé;
[25] Dans le cadre de sa preuve, l’intimé a déposé une volumineuse preuve documentaire, a rendu lui-même témoignage et a fait entendre six (6) témoins dont cinq (5) médecins;
[26] Pour éviter tout quiproquo, le Conseil juge nécessaire de préciser qu’aucun document n’a été déposé sous les cotes SI-25, SI-27, SI-29, SI-35, SI-40, SI-42, SI-43, SI-44, SI-49, SI-50, SI-53, SI-54, SI-55, SI-56, SI-57, SI-63, SI-64, SI-73, SI-74, SI-75, SI-84, SI-85, SI-86 et SI-88;
[27] L’explication à l’origine de cette situation vient du fait que l’intimé a déposé, avec le consentement du plaignant, l’ensemble des pièces qu’il avait auparavant déposées dans le dossier portant le numéro 24-08-00675 du greffe de discipline du Collège des médecins;
[28] Certaines pièces n’ont pas fait l’objet de consentement à production de la part du plaignant et ont été présentées au Conseil qui en a refusé la production ou en a permis la production sous de nouvelles cotes;
[29] Le plaignant, appelé à la barre par l’intimé, a confirmé qu’il était encore inquiet devant l’attitude et le comportement de l’intimé et il a expliqué les motifs qui l’amènent à recommander au Conseil l’imposition des sanctions qu’il suggère;
[30] Le Conseil souligne que dans la lettre adressée à l’intimé, produite sous la cote SP-2a, le procureur du plaignant indiquait à l’intimé qu’il entendait réclamer des périodes de radiation de deux (2) années mais qu’il était possible, suivant la preuve qui sera présentée lors des représentations sur sanction, de réduire cette période de radiation;
[31] Devant le Conseil, le plaignant maintient sa demande initiale pour des périodes de radiation de deux (2) années;
[32] Le Dr Jean-Claude Fortin, syndic adjoint, a fait part des inquiétudes qui l’ont amené à procéder à la nomination d’un enquêteur spécial, le Dr Théodore Kolivakis, après avoir reçu une liste (SI-116) contenant le nom de quarante-trois (43) patients de l’intimé traités avec des mégadoses de neuroleptiques (SI-115);
[33] Le Dr Yves Robert, secrétaire du Collège des médecins, confirme qu’en juin 2008, le Collège des médecins a procédé à la nomination de l’enquêteur spécial, le Dr Kolivakis, qui a déposé son rapport d’enquête au printemps 2009;
[34] Le Dr Robert ajoute qu’à la suite de ce rapport il a rencontré, le 2 juin 2009, les autorités médicales du CSSS de Maskinongé qui ont adopté, le 20 mai 2010, une « Résolution relative à l’adoption du protocole de surveillance lors du traitement aux antipsychotiques à l’intention des médecins ayant des patients à hautes doses d’antipsychotiques »;
[35] Le Dr François Gauthier a corroboré le témoignage du Dr Robert à l’effet que le « protocole de surveillance du traitement aux antipsychotiques » adopté par le CMDP du CSSS de Maskinongé ne constitue pas un « protocole » soit une procédure à suivre, en trois (3) étapes, qui amène à prendre une décision;
[36] Le Dr Gauthier affirme que le document adopté par le CMDP du CSSS de Maskinongé est un document qui n’a pas à être approuvé par le Collège des médecins et n’est ni plus ni moins qu’un document utile à intégrer dans les dossiers des patients;
[37] Le Dr Yves Lamontagne a reconnu la correspondance échangée entre lui et l’intimé et a affirmé ne pas être informé des sanctions réclamées par le plaignant à l’endroit de l’intimé et ne pas s’être ingéré, de quelque façon que ce soit, dans le dossier disciplinaire de ce dernier;
[38] M. Louis Lebeau est propriétaire d’une résidence d’accueil à Louiseville où il loge neuf (9) patients souffrant de schizophrénie;
[39] M. Lebeau explique ses relations avec Mme (…), patiente visée au chef 1 de la plainte, qui demeure à sa résidence d’accueil depuis 1999;
[40] M. Lebeau connaît l’intimé depuis vingt-quatre (24) ans et témoigne du suivi effectué par ce dernier auprès de ses patients;
[41] M. Lebeau déclare que l’intimé est le seul psychiatre, dans la région, qui offre un service rapide et direct alors que pour avoir accès aux autres psychiatres il faut emprunter la seule porte d’accès disponible, soit l’urgence hospitalière;
[42] L’intimé prétend avoir soumis une preuve qui, à son avis, démontre qu’il ne constitue pas un danger pour la protection du public;
[43] L’intimé a directement adressé au Conseil la question suivante :
« Avez-vous devant vous une preuve convaincante et probante à l’effet que Pierre Mailloux est un danger pour le public? »
[44] Après avoir pris connaissance des notes sténographiques du témoignage de l’intimé rendu les 28 avril, 6 et 7 mai, 7 juin et 16 août, avoir entendu son témoignage rendu les 12, 13 et 14 octobre 2010, avoir révisé le témoignage de ses témoins et revu les documents qu’il soumet dans le cadre de sa preuve sur sanction, le Conseil apporte, dans les pages qui suivent, une réponse à cette question;
ANALYSE ET SANCTION
[45] Le Conseil indique dans sa décision sur culpabilité rendue le 26 février 2010 que l’intimé glane dans des textbooks des informations partielles qu’il interprète hors contexte;
[46] L’intimé a fait, lors de son témoignage devant le Conseil, les 12, 13 et 14 octobre 2010, le même exercice;
[47] Le Conseil a pu constater que l’intimé agit de la même façon en ce qui concerne les différents textes qu’il a déposés;
[48] L’intimé recherche dans ces documents un passage sur lequel il attire l’attention des membres du Conseil mais il ignore l’ensemble du contenu de ces différents textes et leurs conclusions;
[49] L’intimé produit des documents sur lesquels il affirme fonder son approche thérapeutique qui démontrent, à son avis, l’existence d’une controverse dans le domaine de la santé mentale concernant l’usage de mégadoses d’antipsychotiques;
[50] Le texte de référence privilégié de l’intimé est « La polypharmacie dans la schizophrénie et le trouble bipolaire » publié par le Dr Christoph U. Correll dans Le Clinicien d’août 2007 (pièce SI-130);
[51] L’intimé attire l’attention du Conseil sur l’affirmation du Dr Correll à l’effet que :
« On note une tendance croissante à en combiner deux ou plus (dans des associations atypiques-typiques ou atypiques-atypiques). Selon des rapports antérieurs et d’autres plus récents, la polypharmacie antipsychotique est utilisée chez près des deux tiers des patients. »
[52] Ce texte mentionne toutefois :
« Jusqu’à ce qu’il y ait plus de données d’essais cliniques robustes à partir desquelles se faire une opinion de la polypharmacie antipsychotique, cette stratégie doit être considérée comme expérimentale pour les sous-groupes de patients les plus gravement atteints et réfractaires au traitement, et non comme une pratique courante chez les patients atteints de schizophrénie ou de trouble bipolaire. »
[53] L’intimé réfère les membres du Conseil au « Consensus statement on high-doses antipsychotic medication » publié par le Royal College of Psychiatrists of London, en 2008;
[54] Ce document a initialement été déposé par le plaignant le 2 novembre 2009 (pièce P-22) et déposé par l’intimé, sous la cote SI-121, le 13 octobre 2010;
[55] L’intimé attire l’attention des membres du Conseil sur le passage suivant :
« Combined antipsychotics are commonly administered to tackle treatment-resistant psychotic illness »;
[56] L’intimé omet cependant de prendre en considération l’ensemble de ce texte et des recommandations concernant l’utilisation de plusieurs antipsychotiques ou de mégadoses à l’effet que :
§ les mégadoses sont parfois applicables en présence de crise aigue,
§ les mégadoses ne doivent pas être utilisées sur une base régulière,
§ les mégadoses ne doivent être utilisées que dans les cas où la médication usuelle a échoué et être accompagnées d’un suivi thérapeutique monitorisé;
[57] L’intimé a, lors des auditions sur culpabilité, rappelé à plusieurs reprises qu’il a appris, lors de ses études en médecine psychiatrique à l’Université McGill, le recours à des mégadoses d’antipsychotiques;
[58] Cette approche thérapeutique, qui existait dans les années 70 et 80 a été confirmée par les experts qui ont toutefois souligné qu’elle ne rencontrait plus, depuis le début des années 90, les données actuelles de la science médicale;
[59] Exceptionnellement les experts entendus, et les auteurs dont des articles ont été produits par l’intimé, reconnaissent qu’il peut y avoir des cas exceptionnels où l’usage combiné de mégadoses d’antipsychotiques peut être envisagé;
[60] Il s’agit cependant de cas exceptionnels où des mégadoses d’antipsychotiques ne doivent être prescrites à des patients qu’en phase aigue et après avoir eu recours à des doses augmentées graduellement et être accompagnées d’un suivi médical approprié;
[61] La preuve soumise au Conseil démontre que l’intimé a recours à des mégadoses auprès de quarante-trois (43) patients souffrant de schizophrénie sur un total d’environ trois cents (300) patients qu’il a sous ses soins;
[62] Le recours par l’intimé aux prescriptions de mégadoses fait partie de la médication qu’il administre sur une base régulière;
[63] La preuve démontre clairement que l’intimé a recours à des mégadoses non pas de façon exceptionnelle et uniquement en présence de crise aigue mais comme traitement régulier;
[64] Les lignes directrices[6] du Collège des médecins en matière de traitement de la schizophrénie, publiées en janvier 1999, sont très explicites :
« 11. Utilisation de hautes doses ou de mégadoses d’antipsychotiques
L’utilisation de hautes doses ou de mégadoses d’antipsychotiques (> 80 mg d’halopéridol ou > 4000 mg de chlorpromazine) peut être bénéfique chez certains patients résistants aux traitements habituels mais elle n’est pas recommandée pour la vaste majorité des patients et ne doit pas être envisagée sur une base régulière.
L’utilisation à long terme de hautes doses d’antipsychotiques est associée à une augmentation des effets secondaires, à des troubles de comportement accrus, à une aggravation de symptômes négatifs secondaires et à une atteinte du fonctionnement social. »
[65] Ces lignes directrices du Collège des médecins concluent que l’utilisation de hautes doses ou de mégadoses n’est pas recommandée;
[66] Le 26 février 2010, le Conseil a déclaré l’intimé coupable d’avoir prescrit des mégadoses dans le dossier de M. (…);
[67] La plainte, au chef numéro 5, fait état de reproches adressé à l’intimé pour avoir prescrit :
« … entre le 6 septembre 2005 et le 6 juin 2006, la prise concomitante de trois antipsychotiques, à savoir Risperdal, Seroquel et Modecate, dont certains à des doses excessives et malgré le fait que cette association de trois antipsychotiques n’a aucune justification médicale et est contraire aux données de la science médicale actuelle… »
[68] Le 12 octobre 2010, l’intimé a affirmé, devant le Conseil, avoir augmenté l’administration de Seroquel à M. (…), son patient, de 900 mg par jour à 1 600 mg à raison de 400 mg quatre (4) fois par jour à compter du 10 juin 2010 et à 2 400 mg, à raison de 600 mg quatre (4) fois par jour à compter du 13 août 2010;
[69] Non seulement l’intimé ne prend pas en considération la décision rendue par le Conseil, il l’ignore comme il le fait avec les passages des autorités qu’il soumet et qui ne sont pas favorables à son opinion;
[70] L’intimé affirme fermement que ce n’est pas le plaignant, ni les experts qui n’ont pas examiné ses patients, qui vont lui dire quelle médication administrer à ses patients;
[71] L’intimé argue qu’aucune littérature médicale invite les professionnels de la santé à faire abstraction de leur « jugement clinique »;
[72] L’intimé insiste pour dire que ce n’est qu’après avoir exercé un « jugement clinique », appuyé de ses trente (30) années d’expérience, qu’il pose un diagnostic et prescrit à ses patients la médication la plus appropriée compte tenu de leur état de santé;
[73] Le Dr Beauséjour, expert reconnu par le Conseil, a eu l’occasion d’exposer, le 5 novembre 2009, les différentes étapes à suivre dans les stratégies pharmacologiques pour le traitement de la schizophrénie résistante soit :
§ l’optimisation,
§ la substitution,
§ l’augmentation,
§ la combinaison;
[74] Dans son expertise, déposée au dossier sous la cote P-6, le Dr Beauséjour écrit :
« Si la stratégie d’optimisation ne donne pas les résultats attendus, la stratégie de substitution, c’est-à-dire des essais de monothérapie séquentielle de différents médicaments antipsychotiques, sera utilisée afin d’obtenir une meilleure réponse au traitement. On considérera en dernier recours un essai de la clozapine à la phase d’optimisation. Si la stratégie de substitution ne donne pas les résultats attendus, des stratégies d’augmentation pourront inclure, par exemple, l’ajout du lithium, d’anticonvulsants ou de sismothérapie pourraient être utilisées. Si les stratégies d’augmentation ne donnent pas les résultats attendus, la stratégie de combinaison d’antipsychotiques sera utilisée en dernier recours. Cependant, il n’y a pas d’évidence supportant son efficacité, mais des inquiétudes significatives concernant sa sécurité et son potentiel d’effets secondaires. »
[75] L’intimé a déclaré, lors de son témoignage, être en accord avec les quatre (4) étapes à suivre présentées par le Dr Beauséjour;
[76] Le Conseil a conclu à la culpabilité de l’intimé aux chefs 1, 2, 3, 4 et 5, où il lui était reproché d’avoir prescrit à des patients une combinaison d’antipsychotiques à des doses nettement supérieures à la dose maximale requise;
[77] Même après avoir pris connaissance de la décision sur culpabilité prononcée le 26 février 2010, l’intimé ne réalise pas que le Conseil l’a déclaré coupable non pas d’avoir prescrit une mégadose d’antipsychotiques à un patient, mais bien d’avoir prescrit en combinaison des antipsychotiques à des doses nettement supérieures à la dose maximale recommandée;
[78] Relativement aux chefs d’infraction concernant son langage, l’intimé semble considérer qu’il ne s’agit que de simples peccadilles;
[79] Au moment de l’audition de la preuve sur sanction les parties ont eu l’opportunité de faire valoir les facteurs atténuants ou aggravants sur lesquels elles désirent que les membres du Conseil se penchent afin de déterminer les sanctions qui doivent être justes et raisonnables en fonction de la gravité des fautes commises et de la personnalité du professionnel reconnu coupable;
[80] Tout au long des journées consacrées à la présentation de sa preuve sur sanction, l’intimé s’est évertué à tenter de démontrer aux membres du Conseil qu’ils avaient rendu une décision sur culpabilité erronée;
[81] L’intimé a procédé à une étude minutieuse des témoignages rendus par chacun des témoins entendus, à la demande de la partie plaignante, lors des auditions sur le bien-fondé des actes qui lui sont reprochés ainsi que des différents paragraphes de la décision rendue le 26 février 2010[7];
[82] Le Conseil a indiqué à l’intimé, en plusieurs occasions, que la ligne des questions adressées aux témoins et que son propre témoignage n’étaient pas appropriés, à cette étape du dossier;
[83] Ces mises en garde n’ont reçu aucune écoute de la part de l’intimé;
[84] Le Conseil reconnaît qu’une partie du témoignage de M. Lebeau est pertinente et présente un élément favorable à l’intimé, notamment au niveau de sa grande disponibilité auprès de ses patients;
[85] Le Conseil prend également en considération, à titre de facteur atténuant, la déclaration de l’intimé lorsqu’il affirme aimer sa profession et vouloir continuer à l’exercer;
[86] Malheureusement, il s’agit des deux (2) seuls points positifs que l’intimé a présentés au Conseil pendant les onze (11) jours qu’a duré sa preuve sur sanction;
[87] En regard des chefs 6, 7, 8 et 9, qui concernent des propos tenus par l’intimé dans le cadre de son émission radiophonique « Doc Mailloux » et du chef 11 concernant des propos tenus par l’intimé dans le cadre d’une autre émission radiophonique, le plaignant suggère l’imposition d’une amende de 5 000 $ pour chacun de ces chefs;
[88] Le plaignant souligne la gravité des propos tenus par l’intimé, en sa qualité de psychiatre, sur des ondes radiophoniques;
[89] L’intimé minimise ses écarts de langage qu’il impute, en partie, à ses origines modestes;
[90] Le Conseil ne considère pas que les « origines modestes » de l’intimé, suivant ses dires, constituent un facteur atténuant;
[91] Ses écarts de langage et ses prises de position tranchantes et non suffisamment documentées ont permis à l’intimé de présenter un « show » à la radio, suivant ses propres mots, qui lui a rapporté jusqu’à 325 000 $ par année;
[92] Les propos tenus par l’intimé ont été écoutés par le Conseil qui a conclu qu’ils étaient indignes d’un médecin et dérogatoires à l’honneur et à la dignité de cette profession;
[93] Les propos tenus par l’intimé, sur les ondes radiophoniques, ont permis à ce dernier de percevoir des revenus très intéressants;
[94] Dans les circonstances, le Conseil considère qu’il est approprié d’imposer à l’intimé une sanction à caractère économique, soit l’imposition d’amendes;
[95] Dans la fixation du montant des amendes à être imposées à l’intimé, le Conseil doit également prendre en considération que ce dernier a un antécédent disciplinaire en semblable matière;
[96] Le 25 avril 2002 l’intimé a, dans le dossier du Conseil de discipline du Collège des médecins portant le numéro 24-99-00487, reconnu sa culpabilité à cinq (5) chefs d’infraction où il lui était reproché d’avoir tenu, sur les ondes radiophoniques, des propos semblables à ceux pour lesquels le Conseil a conclu à sa culpabilité dans le présent dossier;
[97] Le 17 septembre 2002, l’intimé s’est vu imposer des réprimandes accompagnées d’amendes de 2 500 $, 2 500 $, 1 500 $ et de 3 500 $, de même qu’une radiation d’une période de sept (7) jours;
[98] Le 8 septembre 2003, le Tribunal des professions[8] a rejeté, avec dépens, l’appel logé par l’intimé à l’encontre de cette décision du Conseil de discipline;
[99] Le Conseil juge nécessaire d’imposer des amendes sévères afin d’énoncer un message clair à l’effet que des propos, tels que ceux tenus par l’intimé, sont inacceptables dans la bouche d’un médecin;
[100] Le Conseil prend également en considération le fait que l’intimé n’a manifesté aucun remords ni repentir;
[101] Pour l’ensemble de ces motifs, le Conseil fixe à 5 000 $ le montant des amendes imposées à l’intimé aux chefs 6, 7, 8, 9 et 11 de la plainte;
[102] Le Conseil impose la même sanction en ce qui concerne les propos dénigrants prononcés par l’intimé, les 1er et 2 mai 2006 sur les ondes radiophoniques, à l’endroit d’un membre d’un autre ordre professionnel et par ricochet sur l’ensemble des membres de cette profession (chef 12);
[103] Le plaignant suggérait au Conseil d’imposer à l’intimé une radiation d’une période de trente (30) jours pour ce manquement déontologique;
[104] Bien que cette suggestion de sanction ne soit pas déraisonnable, les membres du Conseil, après réflexion, jugent approprié de ne pas faire de distinction entre les différentes personnes qui ont subi les affres de l’humiliation provoquées par les propos publics tenus par l’intimé;
[105] Pour ces motifs, le Conseil impose à l’intimé, sous le chef 12, une amende de 5 000 $;
[106] Au chef 10, le Conseil a déclaré l’intimé coupable de ne pas avoir constitué et conservé le dossier médical d’un patient qui l’a consulté;
[107] Invoquant son devoir de secret professionnel, l’intimé a négligé de conserver le dossier médical d’un client à qui il lui en a remis la possession;
[108] Lorsque requis par le plaignant de lui remettre ledit dossier, l’intimé ne s’est pas exécuté et n’a effectué aucune démarche sérieuse auprès de son patient pour récupérer son dossier, n’offrant d’ailleurs aucune collaboration au plaignant;
[109] Dans les dossiers Bissonnette[9], Pelletier[10], Issed[11] et Arcelin[12], le Conseil de discipline du Collège des médecins a imposé des amendes de 1 500 $ à des médecins reconnus coupables de ne pas avoir inscrit des informations pertinentes dans le dossier d’un patient;
[110] Dans le présent dossier, le Conseil ignore si l’intimé a inscrit, dans le dossier de son patient, toutes les inscriptions qui doivent y apparaître;
[111] Le Conseil, tout comme le plaignant, n’a pas eu le loisir de consulter ledit dossier que l’intimé a remis à son patient malgré les prescriptions très précises que l’on retrouve à l’article 4 du Règlement sur la tenue des dossiers, des cabinets ou bureaux de médecins;
[112] Après avoir commis cette infraction, l’intimé a refusé ou négligé d’apporter toute forme de collaboration au plaignant dans sa démarche afin de récupérer ce dossier, commettant ainsi une entrave à l’endroit du travail du syndic;
[113] Qui plus est, l’intimé a affirmé catégoriquement que, si une situation analogue à celle qu’il a connue avec son patient M. (…) se présentait à nouveau à lui, il agirait exactement de la même façon;
[114] Le Conseil a été à même de constater le peu, pour ne pas dire l’absence totale de respect et de considération que porte l’intimé à l’endroit du plaignant qui occupe la fonction de syndic adjoint au Collège des médecins du Québec;
[115] Le Conseil juge nécessaire de rappeler que le syndic et ses adjoints d’un Ordre professionnel sont la pierre d’assises de toutes les mesures destinées à assurer la protection du public, ce qui est la première mission d’un Ordre professionnel;
[116] Refuser ou négliger, par acte ou omission, de collaborer avec le syndic de son Ordre professionnel, qui requiert des explications, constitue pour un professionnel une entrave grave à la mission de protection du public;
[117] L’entrave au travail du syndic empêche celui-ci de mener à terme une enquête, de recueillir des informations qu’il croit, à l’étape de son enquête, pertinentes et de citer, le cas échéant, les professionnels ayant commis un manquement déontologique devant le Conseil de discipline de leur Ordre professionnel;
[118] Considérant la gravité objective de l’infraction commise par l’intimé, son absence totale de repentir et le risque très élevé de récidive, le Conseil juge approprié de faire droit à la suggestion de sanction formulée par le plaignant, soit l’imposition d’une amende de 3 000 $, sanction qu’il juge dans les circonstances particulièrement clémente;
[119] Le Conseil est conscient que les amendes imposées à l’intimé totalisent 33 000 $;
[120] Ce montant de 33 000 $ peut paraître élevé mais doit être apprécié en prenant en considération que le 17 septembre 2002 l’intimé a été condamné à payer des amendes totalisant 10 000 $ et s’est vu imposer une période de radiation de sept (7) jours pour des infractions de semblable nature;
[121] Considérant cet antécédent, le Conseil ne juge pas approprié de pondérer le montant global des sanctions imposées à l’intimé;
[122] Considérant les chefs 1, 2, 3, 4 et 5, le plaignant recommande au Conseil l’imposition de périodes de radiation de deux (2) années à être purgées concurremment et une limitation permanente du droit de l’intimé de prescrire des neuroleptiques typiques et atypiques aux adultes dépassant les doses maximales recommandées par les fabricants telles qu’approuvées par Santé Canada et répertoriées dans le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS) et de prescrire de façon concomitante plusieurs neuroleptiques à la fois à un même patient;
[123] L’intimé a argumenté que ces suggestions de sanction étaient déraisonnables et ne s’appuyaient sur aucun précédent dans les sanctions déjà imposées par le Conseil de discipline du Collège des médecins;
[124] Cette démonstration a été simplifiée par l’admission du plaignant à l’effet que les sanctions suggérées, notamment en ce qui concerne la limitation de prescrire des neuroleptiques ne se retrouvaient pas dans la jurisprudence antérieure du Conseil de discipline du Collège des médecins;
[125] Comme l’a souvent répété le Tribunal des professions, ce n’est pas parce qu’une sanction est nouvelle ou qu’elle dépasse les normes antérieurement établies qu’elle ne peut, dans un dossier en particulier, être juste et raisonnable;
[126] Le Conseil est invité à imposer une radiation de deux (2) années à un professionnel qui est membre du Collège des médecins depuis 1979;
[127] Les infractions pour lesquelles ce professionnel a été déclaré coupable sont jugées très graves par les membres du Conseil car elles se situent au cœur même de la profession des médecins et de leur relation patient-médecin;
[128] Avant le dépôt de la présente plainte, l’intimé avait fait l’objet de plusieurs mises en garde de la part du Collège des médecins concernant ses prescriptions de mégadoses;
[129] Le 12 août 1991, le Dr Guy Legros, syndic adjoint, écrivait à l’intimé relativement à l’administration à deux (2) patients de doses excessives de médicaments et le prévenait que toute nouvelle plainte, identique à celles étudiées, entraînerait le dépôt d’une citation devant le Conseil de discipline;
[130] Le 23 juin 1995, le Dr Jacques Martin, syndic adjoint, écrivait à l’intimé que ses inscriptions dans le dossier de son patient (…) étaient trop succinctes et ne pouvaient justifier l’utilisation de mégadoses de neuroleptiques;
[131] Le 30 novembre 1995, le Dr Michel Léveillée, syndic adjoint, écrit à l’intimé ce qui suit :
« La littérature médicale récente ne supporte pas l’utilisation de mégadoses de neuroleptiques dans le traitement de la schizophrénie. »
[132] Dans une lettre qu’il adressait au Dr Legros le 26 août 1991, et qui faisait suite à celle de ce dernier portant la date du 12 août 1991, l’intimé écrit :
« D’ailleurs, pour ce qui est de l’utilisation de neuroleptiques à hautes doses dans le traitement de la schizophrénie et de la dyskinésie tardive, j’ai été invité à prononcer des conférences sur ces sujets à des confrères médecins ou psychiatres à plus de 20 reprises, que ce soit au Québec, en Nouvelle-Écosse et en Saskatchewan. En octobre prochain, j’ai été invité à prononcer une conférence, toujours sur ces mêmes sujets au Clark Institute de Toronto de même qu’au Queen Street Mental Health Center. »
[133] L’intimé a souligné à plusieurs reprises, devant le Conseil, avoir prononcé de nombreuses conférences au Québec ainsi que dans d’autres provinces canadiennes;
[134] Le Conseil constate toutefois, à la lecture du CV de l’intimé déposé sous la cote I-3, que les dernières conférences prononcées par l’intimé datent des mois d’octobre et novembre 1991 à l’exception de deux (2) conférences prononcées à Québec le 6 février 1992 et à Ottawa le 9 février 1994;
[135] L’intimé affirme haut et fort qu’il est une « sommité », en psychiatrie;
[136] Malheureusement pour l’intimé, le Conseil n’a pas la compétence pour décréter qu’il est, comme il le prétend, une « sommité » et que tous les experts entendus, ainsi que les données actuelles de la science médicale auxquelles ces derniers réfèrent, sont dépassés;
[137] Le Conseil peut, et doit, tirer des conclusions de cet état de fait;
[138] L’intimé a appris, pendant ses études en médecine à l’Université McGill le recours à l’utilisation de mégadoses d’antipsychotiques;
[139] Depuis les années 1990, cette approche thérapeutique n’est plus recommandée, bien qu’elle puisse être utilisée, à l’occasion, dans le cadre d’un protocole bien encadré;
[140] Malgré cette contre-indication, l’intimé continue à administrer des mégadoses d’antipsychotiques à des patients;
[141] L’utilisation de ces mégadoses est, suivant le témoignage de l’intimé, une pratique courante chez lui;
[142] Un facteur aggravant se greffe à la pratique déviante de l’intimé qui ne se limite pas à administrer à des patients des mégadoses d’un antipsychotique, il fait l’usage combiné de plus d’un antipsychotique à doses excessives à un même patient;
[143] Qui plus est, nonobstant la décision du Conseil qui l’a déclaré coupable d’avoir, en agissant ainsi, contrevenu aux normes actuelles de la science médicale, l’intimé continue et, envers et contre tous, augmente même de 1 600 mg à 2 400 mg la dose de Seroquel qu’il administre à son patient (…);
[144] Le Conseil ne peut que constater que l’intimé est convaincu qu’il a raison et que personne ne viendra lui dire, experts, Collège des médecins ou Conseil de discipline, comment traiter ses patients;
[145] L’intimé n’exprime aucun repentir, ni même remise en question de ses façons de procéder;
[146] Le Conseil est, de toute évidence, en présence non pas d’un cas de risque de récidive mais bien d’un cas de récidive probable;
[147] Le Conseil dont la mission, à l’étape de l’imposition de la sanction, est d’assurer la protection du public ne peut laisser perdurer une telle situation;
[148] En réponse à la question que l’intimé lui a directement adressée, le Conseil juge que l’intimé constitue actuellement, par son utilisation combinée de plus d’un antipsychotique à dose excessive à un même patient, un danger pour la protection du public;
[149] La Clozapine est actuellement considérée comme le seul traitement ayant démontré son efficacité pour le traitement de la schizophrénie résistante;
[150] L’intimé affirme catégoriquement qu’il n’a jamais prescrit de Clozapine et qu’il n’en prescrira jamais;
[151] Le Conseil ne nie pas ce droit à l’intimé;
[152] Cependant, afin de protéger les patients atteints de cette maladie, il y a lieu que ces derniers soient dirigés vers un autre médecin;
[153] Le Conseil juge, dans les circonstances, que la suggestion de sanction soumise par la plaignant est appropriée;
[154] Le Conseil impose donc à l’intimé, sous chacun des chefs 1, 2, 3, 4 et 5, une période de radiation de deux (2) années;
[155] Le Conseil ose espérer, sans toutefois être naïf, que cette période permettra à l’intimé de prendre un recul en regard de sa pratique médicale;
[156] En limitant à deux (2) ans la période de radiation imposée à l’intimé, le Conseil respecte le droit de l’intimé de pouvoir à nouveau gagner sa vie en exerçant la profession qu’il a choisie;
[157] Le plaignant demande au Conseil d’émettre une ordonnance interdisant à l’intimé de dépasser, dans ses prescriptions de neuroleptiques, typiques et atypiques, les doses maximales recommandées par les fabricants telles qu’approuvées par Santé Canada et répertoriées dans le CPS et de prescrire de façon concomitante plusieurs neuroleptiques à la fois à un même patient;
[158] Le plaignant reconnaît le caractère exceptionnel de cette demande qui se justifie, à son avis, par la conduite elle-même exceptionnelle de l’intimé;
[159] L’intimé a administré des mégadoses combinées d’antipsychotiques à des patients;
[160] L’intimé était avisé depuis plusieurs années que les données actuelles de la science médicale ne permettent pas l’utilisation combinée de mégadoses d’antipsychotiques;
[161] Le Conseil a rendu une décision qui a été signifiée à l’intimé où il déclare que ce dernier n’a pas respecté les données actuelles de la science médicale en prescrivant, de façon concomitante, des mégadoses d’antipsychotiques à des patients;
[162] L’intimé continue, depuis le prononcé de la décision du Conseil, d’administrer des mégadoses combinées d’antipsychotiques à des patients à qui il a même, dans le cas du patient (…), augmenté les doses qui étaient déjà excessives;
[163] Le Conseil doit intervenir auprès de l’intimé afin que celui-ci respecte les données actuelles de la science médicale;
[164] Pendant une période de deux (2) ans, soit pendant la radiation qui lui est imposée, l’intimé ne pourra prescrire ni administrer aucun médicament à des patients;
[165] À son retour à l’exercice de sa profession de médecin, à l’expiration de sa radiation, l’intimé pourra prescrire à nouveau des médicaments;
[166] Considérant l’attitude actuelle de l’intimé, et ses propos, il est plus que probable que celui-ci reprendra l’exercice de sa profession dans les mêmes conditions que celles dans lesquelles il a œuvré jusqu’à présent, c’est-à-dire en faisant fi de toute opinion, directive ou expertise qui diffère de la sienne, incluant le recours à l’administration, en combinaison, de mégadoses d’antipsychotiques pour traiter des patients souffrant de schizophrénie;
[167] Dans les circonstances, le Conseil juge essentiel de faire droit à la demande formulée par le plaignant et de limiter le droit de l’intimé de dépasser les doses maximales recommandées par les fabricants, telles qu’approuvées par Santé Canada et répertoriées dans le CPS, dans ses prescriptions de neuroleptiques typiques et atypiques et de lui interdire de prescrire de façon concomitante plusieurs neuroleptiques à la fois chez un même patient;
[168] Cette limitation demeurera en vigueur tant et aussi longtemps que le Collège des médecins, appuyé sur les données de la science médicale, ne recommandera le recours à l’administration de mégadoses de neuroleptiques typiques et atypiques;
[169] Le plaignant suggère également au Conseil d’imposer à l’intimé de faire un stage portant sur l’élaboration de diagnostics psychiatriques selon les critères multiaxiaux du DSM ainsi qu’un stage en psychopharmacologie;
[170] La preuve a démontré que l’intimé participe de façon assidue aux conférences de formation et de mise à jour dans les domaines de la psychiatrie et de la pharmacologie;
[171] Aucune preuve ne tend à démontrer que l’intimé néglige cet aspect de sa profession, au contraire;
[172] Le problème n’est pas la non-participation de l’intimé à des sessions de formation professionnelle mais plutôt ce qu’il en retient et met en application;
[173] Il n’y a pas lieu pour le Conseil de faire droit à cette demande formulée par le plaignant;
[174] Le plaignant demande au Conseil d’ordonner l’exécution provisoire, nonobstant appel, des sanctions imposées à l’intimé, dès signification à ce dernier;
[175] Après avoir analysé l’ensemble de la preuve présentée et pris en considération que :
§ l’intimé a manifestement démontré qu’il n’a pas l’intention d’amender sa conduite,
§ que l’intimé a continué à prescrire de façon concomitante des mégadoses à des patients, allant même jusqu’à augmenter, dans un cas qu’il a lui-même mis en preuve, l’utilisation de telles mégadoses,
le Conseil juge approprié de faire droit à cette demande;
[176] Conformément aux dispositions de l’article 156 du Code des professions, le Conseil doit décider si un avis de la présente décision, où des périodes de radiation sont imposées à l’intimé, doit être publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel;
[177] Il est maintenant de jurisprudence constante que la publication d’un tel avis est la règle et que la non-publication est une exception qui doit être justifiée par des circonstances exceptionnelles;
[178] Dans le présent dossier, aucune représentation n’a été faite à l’effet que cette règle ne devrait pas être appliquée;
[179] Il y aura donc lieu que le secrétaire du Conseil de discipline procède à la publication d’un avis dans les journaux;
[180] Le Conseil condamne le plaignant au paiement des débours prévus à l’article 151 du Code des professions incluant la taxation des experts David Bloom, Pierre-André-Michel Beauséjour, Michel Brochu, pour leur présence devant le Conseil et la production de leur expertise, ainsi que le coût de transcription des notes sténographiques des auditions tenues les 28 avril, 6 et 7 mai, 7 juin et 16 août 2010 dans le dossier portant le numéro 24-08-00675 du greffe de discipline du Collège des médecins du Québec qui ont été déposées comme preuve dans le présent dossier sous les cotes SI-101 à SI-108;
Pour ces motifs, le Conseil :
- Sous le chef 1, IMPOSE à l’intimé une radiation d’une période de deux (2) années;
- Sous le chef 2, IMPOSE à l’intimé une radiation d’une période de deux (2) années;
- Sous le chef 3, IMPOSE à l’intimé une radiation d’une période de deux (2) années;
- Sous le chef 4, IMPOSE à l’intimé une radiation d’une période de deux (2) années;
- Sous le chef 5, IMPOSE à l’intimé une radiation d’une période de deux (2) années;
-
- ORDONNE que toutes ces périodes de radiation soient purgées concurremment;
-
- Sous le chef 6, IMPOSE à l’intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 7, IMPOSE à l’intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 8, IMPOSE à l’intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 9, IMPOSE à l’intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 10, IMPOSE à l’intimé une amende de 3 000 $;
- Sous le chef 11, IMPOSE à l’intimé une amende de 5 000 $;
- Sous le chef 12, IMPOSE à l’intimé une amende de 5 000 $;
- ÉMET une ordonnance interdisant à l’intimé de dépasser, dans ses prescriptions de neuroleptiques typiques et atypiques, les doses maximales recommandées par les fabricants telles qu’approuvées par Santé Canada et répertoriées par le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS) et de prescrire de façon concomitante plusieurs neuroleptiques à la fois chez un même patient;
- DÉCLARE que la limitation imposée à l’intimé, au paragraphe précédent, demeurera valide tant et aussi longtemps que le Collège des médecins ne recommandera pas le recours à la prescription de mégadoses de neuroleptiques typiques et atypiques aux adultes dans le traitement de la schizophrénie;
- ORDONNE au secrétaire du Conseil de discipline de faire publier, aux frais de l’intimé, dans un journal circulant dans la localité où ce dernier avait son domicile professionnel, un avis des sanctions imposées à l’intimé;
- ORDONNE l’exécution provisoire de la présente décision nonobstant appel, dès sa signification à l’intimé;
- CONDAMNE l’intimé au paiement des débours prévus à l’article 151 du Code des professions incluant les frais de taxation des experts pour leur présence devant le Conseil et la rédaction de leur expertise ainsi que le coût de la transcription des notes sténographiques des auditions tenues dans le dossier du Conseil de discipline du Collège des médecins portant le numéro 24-08-00675 et qui ont été déposées sous les cotes SI-103 à SI-108 inclusivement.
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Me Réjean Blais, président |
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Me Jacques Prévost |
Dr Alain Larouche, membre |
Procureur de la partie plaignante |
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Dr Pierre Mailloux |
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Partie intimée |
Dr André Larose, membre |
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Dates de l’audience : |
Les 12, 13, 14 et 18 octobre 2010 |
[1] Pièce I-13C, p. 34
[2] Béchard c. Roy, 09-000051-74 C.A.
[3] Kienapple c. R., [1975], 1 R.C.S., 303
[4] Kienapple c. R., [1975], 1 R.C.S., 303
[5] Architectes c. Duval, [2003], Q.C.T.P., 144
[6] Chapitre 11, p. 10
[7] Cette étude exhaustive par l’intimé de chacun des paragraphes de la décision sur culpabilité lui a permis de déceler une erreur au paragraphe 146 que le Conseil a corrigée au paragraphe 19 de la présente.
[8] Mailloux c. Deschênes, 400-07-000006-020
[9] Bissonnette c. Ordre professionnel des médecins, AZ-50391676
[10] Fortin c. Pelletier, 24-99-00494
[11] Médecins c. Issed, AZ-50445147
[12] Médecins c. Arcelin, AZ-50273153
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