Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

RÉGION:

Yamaska

SAINT-HYACINTHE, le 10 janvier 2000

 

DOSSIER:

111657-62B-9903

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Danielle Lampron

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jacques Lesage

 

 

Associations d'employeurs

 

 

 

Noëlla Poulin

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST:

113791859-1

AUDIENCE TENUE LE :

 

DÉLIBÉRÉ AVEC LES MEMBRES TERMINÉ LE :

 

13 septembre 1999

 

 

30 novembre 1999

 

 

 

À :

Saint-Hyacinthe

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

NICOLE BRIEN

12905, Av. Richer

Saint-Hyacinthe  (Québec)  J2T 2P9

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

INTERLAM INC.

1435, Joliot-Currie

Boucherville  (Québec)  J4B 7M4

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


DÉCISION

 

[1.]             Le 5 mars 1999, madame Nicole Brien (la travailleuse) conteste une décision rendue le 3 mars 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), laquelle rejette sa plainte logée en vertu de l’article 32  de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001), ci-après la Loi.

AUDIENCE

[2.]             Les parties et leurs représentants sont présents à l’audience.  L’enquête s’est terminée le 25 octobre 1999, après réception des représentations des parties et confirmation du représentant de la travailleuse qu’il n’avait aucun commentaire additionnel à formuler à la suite des représentations transmises par le représentant de Interlam inc (l’employeur).  Les membres issus des associations ont émis leur avis le 30 novembre 1999.

OBJET DE LA CONTESTATION

[3.]             La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST et d’accueillir sa plainte au motif qu’elle a été victime de mesures discriminatoires.  Elle demande d’ordonner à l’employeur de lui fournir le formulaire requis pour pouvoir bénéficier de l’assurance salaire/invalidité chez l’employeur et, dans l’éventualité d’un refus de l’assureur, de condamner l’employeur à lui payer des dommages-intérêts en compensation de ce dont elle a été privée en raison de la mesure discriminatoire exercée à son endroit, au motif que la clause du contrat d’assurance (être en activité de service) ne respecte pas les dispositions de la Loi, qui est d’ordre public.

 

 

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES

[4.]             L’employeur soumet plusieurs questions préliminaires : l’une concerne le hors-délai de la plainte, une autre concerne la compétence de la Commission des lésions professionnelles en vertu de l’article 257 de la Loi pour rendre une ordonnance quant au paiement de dommages-intérêts.  L’employeur soumet également que le recours exercé par la travailleuse n’est pas dirigé devant la bonne instance, car si les dispositions de la police d’assurance lui sont injustes ou discriminatoires, il lui appartient d’entreprendre une démarche judiciaire contre la compagnie d’assurance mais non contre l’employeur.

[5.]             L’employeur soumet finalement qu’il n’y a pas eu de mesure discriminatoire exercée contre la travailleuse puisqu’il s’agit d’une question d’admissibilité au régime d’assurance, admissibilité qui relève de la compétence exclusive de la compagnie d’assurance et non de l’employeur, de sorte que l’employeur ne peut être tenu responsable pour la faute (non reconnue) d’un tiers.

LES FAITS

[6.]       En début d’audience, les parties admettent les faits suivants, tels qu’ils sont reproduits dans la décision de la CSST du 3 mars 1999, qui fait l’objet de la contestation :

1.             Madame Brien était à l’emploi d’Interlam Inc. depuis septembre 1997 où elle occupait un poste d’opératrice de presse.

2.             Le 21 octobre 1997, la travailleuse a subi une lésion professionnelle.  Sa demande d’indemnisation a été acceptée par la CSST.

3.             Le 15 avril 1998, la CSST a décidé, suite à un avis du bureau médical que Mme Brien était capable d’exercer son emploi à partir du 9 février 1998.

4.             Le 3 juin 1998, M. Richard Beaulieu a contesté cette décision de la CSST qui a été maintenue en révision administrative en date du 29 juillet 1998.

5.             Le 5 août 1998, M. Beaulieu a contesté cette décision de bureau administratif à la CLP et il se désista de cet appel le 3 novembre 1998.

6.             Le 15 avril 1998, suite à la décision de la CSST, Mme Brien n’a pas réintégré son emploi car elle souffrait d’une dépression.  Le 4 octobre 1998, le Dr. Boissonneault a signé une attestation médicale sur laquelle il écrit qu’elle peut retourner au travail le 10 septembre 1998.  Le 10 septembre 1998 elle s’est trouvée du travail ailleurs et elle n’a jamais tenté de retourner chez Interlam Inc.

[7.]             Il est également admis que la police d’assurance groupe Great West a expiré le 1er juin 1998 et que le document T-4 a été transmis par l’employeur (monsieur Jean-Yves Brochu) au représentant de la travailleuse (monsieur Richard Beaulieu).

[8.]             Les notes évolutives du dossier de la CSST du 23 mars 1998 font état que la travailleuse est en dépression et qu’elle a oublié de téléphoner à l’employeur.  Le 24 mars, il est question d’anti-dépresseurs prescrits par son médecin ainsi qu’un arrêt de travail d’un mois en raison de dépression.  La CSST avise la travailleuse qu’elle est considérée capable d’exercer l’emploi proposé par l’employeur, puisque cet emploi respecte les limitations fonctionnelles émises par son médecin quant à sa lésion professionnelle, le diagnostic de dépression n’étant pas en relation avec l’événement de septembre. 

[9.]             Les notes évolutives du 24 mars font également état d’une conversation téléphonique avec le conjoint de la travailleuse qui mentionne qu’elle ne parle plus, pleure et qu’elle n’ira pas travailler le 25 mars. La CSST l’avise de la fin des indemnités de remplacement du revenu à compter du lendemain 25 mars. La CSST rapporte aussi que le conjoint de la travailleuse s’informera si une assurance-salaire ou assurance-chômage pourra défrayer l’arrêt de travail.

[10.]         Les notes évolutives du dossier de la CSST du 26 mars 1998 font état d’une conversation téléphonique avec l’employeur où ce dernier dit avoir été informé que la travailleuse est en arrêt de travail jusqu’au 20 avril pour une dépression.  Il est aussi noté que l’employeur a une assurance-salaire mais qu’il ne sait pas si elle payable ou non et qu’il vérifiera.

[11.]         La travailleuse témoigne qu’à la suite de sa lésion professionnelle subie en octobre 1997, il y a eu arrêt de travail puis elle a effectué des assignations temporaires et connu des difficultés avec son employeur pour faire respecter ses limitations[1].

[12.]         La travailleuse témoigne qu’au moment de sa dépression, elle était alors vraiment « out », vivant dans son monde. Elle dit se souvenir que son conjoint a téléphoné à l’employeur à deux reprises concernant l’assurance-salaire et que l’employeur devait leur donner des nouvelles plus tard.  Elle croit que l’employeur n’en savait pas plus et qu’il tentait d’obtenir l’information.  Elle témoigne ne pas avoir téléphoné à l’employeur puis n’en est plus sûre; elle pense avoir communiqué avec un représentant de l’employeur pour la cessation d’emploi.  La travailleuse ne se rappelle pas si elle s’est présentée pour obtenir sa cessation d’emploi, confondant alors les mois d’avril et de juin-juillet 1997.

[13.]         La travailleuse témoigne avoir repris un peu de mieux vers la fin du mois d’avril puis en juin-juillet, où elle estime en quelque sorte être « sortie de son cocon ». Elle mentionne qu’elle n’avait pas de suivi avec son conjoint sur tout ça. Elle a consulté monsieur Beaulieu en juin ou en juillet et lui a demandé de s’occuper de son dossier, tant du volet de la contestation médicale que de celui de l’assurance-salaire, mais principalement pour sa lésion professionnelle.  Elle affirme qu’elle ne connaissait rien à tout ça et qu’elle lui faisait entièrement confiance.  Elle se rappelle l’avoir consulté à quelques reprises mais n’est pas capable de se souvenir quand, indiquant « ce n’est pas clair, je prenais de pilules ».  Elle a, pour souvenir, que tout se faisait par écrit avec monsieur Beaulieu et qu’il n’avait pas reçu de réponse de l’employeur.

[14.]         La travailleuse affirme qu’elle n’a payé aucune prime d’assurance-collective lorsqu’elle travaillait chez l’employeur.  Elle affirme qu’elle n’a jamais eu de papiers à compléter pour pouvoir bénéficier d’une assurance-collective.  La travailleuse mentionne toutefois qu’elle présumait qu’il devait en avoir une, « comme à toutes les places ».  Elle mentionne qu’il n’y a pas de syndicat chez l’employeur.

[15.]         La travailleuse mentionne qu’elle n’a pas logé de plainte en mars, parce qu’elle faisait confiance aux gens et ne savait pas et qu’elle ne fonctionnait pas.  Elle mentionne qu’en juin ou juillet, c’est monsieur Beaulieu qui s’occupait de son cas, ce dernier connaissant tout ça beaucoup mieux qu’elle.  Elle mentionne avoir logé sa plainte en septembre parce que l’employeur n’a pas répondu aux lettres. 

[16.]         La travailleuse témoigne qu’elle n’a pas travaillé de mars 1998 jusqu’au 10 septembre 1998, date où elle s’est trouvée un nouvel emploi de technicienne en laboratoire, emploi qu’elle occupe encore.  Au jour de l’audience, elle est encore sous traitement et prend une médication en relation avec sa dépression.  Elle n’a pas été suivie en thérapie.

[17.]         Dans une lettre datée le 8 juillet 1998, le Dr Boissonneault émet l’avis que l’état dépressif de la travailleuse était tel que celle-ci ne pouvait alors comprendre ni maîtriser l’importance d’une décision de la CSST.  Le Dr Boissonneault rapporte qu’au 23 avril, la patiente présentait une récidive d’un état dépressif et un ralentissement psychomoteur ainsi qu’une diminution de la concentration, de sorte qu’une médication Paxil a été cessée et du Effexor, débuté.  Le Dr Boissonneault note que la travailleuse a vu un psychiatre le 7 mai (Dr Payeur).

[18.]         Suite à la demande de révision logée le 3 juin 1998, par monsieur Beaulieu, concernant la décision post-BEM du 15 avril 1998, la travailleuse a obtenu de la révision administrative, une demande de prolongation de délai au motif qu’à cette époque, elle n’était pas apte à comprendre l’importance d’une décision.  Le 28 juillet 1998, la révision administrative a, par ailleurs, maintenu la décision du 15 avril. 

[19.]         Le 4 octobre 1998, le Dr Boisonneault indique que la travailleuse est apte à retourner au travail le 10 septembre 1998.

[20.]         Monsieur Claude Vigeant témoigne[2] que sa conjointe n’avait plus toute sa tête lors de sa dépression en mars 1998 et qu’était souvent très perdue.  Il se rappelle avoir communiqué avec l’employeur à deux reprises en mars ou en avril pour obtenir un formulaire d’assurance-salaire et s’être fait répondre qu’on lui en redonnerait des nouvelles.  Il ne se souvient pas si l’employeur lui a alors mentionné que la travailleuse n’était pas inscrite au régime d’assurance-collective.  Monsieur Vigeant affirme qu’il ne s’est plus occupé du dossier par la suite, précisant qu’il lui fallait éviter de parler de tous ces sujets pour ne pas envenimer la situation avec sa conjointe.  Il précise que sa conjointe n’avait jamais eu de dépression auparavant et qu’elle est encore sous traitement.

[21.]         Monsieur Beaulieu, conseiller au Regroupement des accidenté(e)s de la Montérégie et représentant de la travailleuse, témoigne avoir rencontré la travailleuse pour la première fois en juin 1998 et qu’elle lui a parlé des deux volets de son dossier : la lésion professionnelle et l’assurance salaire.  Il a alors demandé le dossier à la CSST et croit l’avoir reçu 15 jours plus tard, comme c’est habituellement le cas. 

[22.]         Les notes du dossier de la CSST du 19 juin font état que la CSST transmet une copie du dossier à monsieur Beaulieu. 

[23.]         Monsieur Beaulieu témoigne avoir écrit à l’employeur le 10 juillet 1998, pour lui demander de faire le suivi aux appels téléphoniques de la travailleuse afin qu’elle puisse bénéficier de la protection offerte par l’assurance-groupe de la compagnie et remplir une réclamation à cet égard, puisqu’elle était encore en convalescence pour une lésion autre que sa lésion professionnelle.  

[24.]         Monsieur Beaulieu affirme qu’il ne savait pas le 10 juillet s’il existait une assurance-groupe chez l’employeur, bien qu’il le présumait, d’où sa demande écrite pour obtenir des renseignements à cet égard.  Monsieur Beaulieu mentionne qu’il a su, lors d’une conversation téléphonique avec monsieur Brochu le 17 juillet qu’il existait une police d’assurance mais que monsieur Brochu était plus ou moins sûr si la travailleuse pouvait en bénéficier ou non.  Monsieur Brochu lui a alors mentionné qu’il allait faire les démarches et obtenir les informations supplémentaires.  Monsieur Beaulieu témoigne être resté sous l’impression que monsieur Brochu n’en savait pas plus que lui-même. 

[25.]         Monsieur Beaulieu mentionne avoir écrit de nouveau à monsieur Brochu le 24 juillet pour obtenir une réponse quant au droit de la travailleuse à produire une réclamation en assurance-groupe (T-2).  Le 28 juillet 1998, il a reçu de monsieur Brochu un envoi par télécopie (T - 4) mentionnant qu’il s’agissait de la réponse de la Great-West, laquelle se référait à la police no. 2000023.  Monsieur Beaulieu mentionne que le document transmis ne contenait pas de lettre de l’employeur ni de la Great-West mais uniquement les pages 6 et 7 de la police où il était indiqué qu’un salarié était admissible à l’expiration d’une période d’attente de trois mois (3) et qu’il devait demander la protection dans les 31 jours suivant la date de son admissibilité, passé ce délai, une preuve d’admissibilité étant requise.  Il était également indiqué que la protection ne prenait effet que si le salarié était en activité de service, sinon elle n’entrait en vigueur qu’au retour au travail.  Il était aussi mentionné que le salarié devait occuper un emploi permanent, non saisonnier, d’au moins 25 heures de travail par semaine pour pouvoir adhérer au régime.

[26.]         Monsieur Beaulieu ne se souvient pas s’il a parlé à monsieur Brochu entre le 28 juillet (T-4) et le 3 août, date à laquelle il lui écrit de nouveau (T ‑3). Sa lettre se lit comme suit :

Dans le but de faire suite à votre envoi par télécopieur du 28 juillet 1998 au sujet de la police d’assurance no 2000023 et d’une partie de la protection que couvre cette police il est à remarquer que la période de latence est de 3 mois.

Si l’on examine le dossier de Mme Brien il est à remarquer qu’elle est à l’emploi de la compagnie depuis septembre 1997 puis le 21 octobre 1997 elle subit une lésion professionnelle.  Le 9 février 1998 le Bureau d'évaluation médicale consolidera la travailleuse, par contre à cette date Mme Brien n’était pas en mesure de reprendre le travail à cause d’un état dépressif.  Depuis cette date, elle est toujours en arrêt de travail pour son état dépressif.

Donc dans les faits et médicalement il était impossible pour la travailleuse de faire les démarches nécessaires pour obtenir la protection de la police d’assurance et de plus elle n’avait pas l’information qu’il existait une telle protection chez l’employeur.  Information qui nous a été retransmis récemment.

Donc en vertu des articles 234 et suivants de la Loi sur les Accidents de travail et Maladie professionnelle nous apprécierions avoir vos commentaires sur l’admissibilité de Mme Brien à la protection actuelle ou précédente.

[27.]         Monsieur Beaulieu témoigne avoir discuté avec monsieur Brochu le 20 août.  Ce dernier lui a alors mentionné que selon les deux polices d’assurance, il n’y avait aucune possibilité que la travailleuse puisse retirer des prestations d’assurance-salaire.  Monsieur Beaulieu affirme que monsieur Brochu lui a dit qu’il lui confirmerait le tout par écrit, de sorte qu’il attendait cet écrit pour loger la plainte de la travailleuse.  Monsieur Beaulieu témoigne qu’il a cru de bonne foi que l’écrit suivrait peu de jours après mais que, comme l’écrit n’arrivait pas, il a logé la plainte le 30 septembre, sachant qu’elle était hors délai.  Il sait aujourd’hui qu’il aurait dû loger la plainte dès le 20 août mais il affirme qu’à l’époque il attendait la lettre de l’employeur, car cette lettre lui aurait précisé les raisons du refus avec des éléments objectifs.  Il ne se rappelle pas qu’il avait été question d’un délai quant à la confirmation écrite de l’employeur.

[28.]         Monsieur Beaulieu précise qu’il avait reçu la réponse de la Great-West (T-4) mais qu’il n’avait rien quant à la police en vigueur après le 1er juin.  Il affirme avoir vu la lettre signée le 19 août 1998 par l’Industrielle Alliance (assureur postérieur au 1er juin) uniquement au moment de l’audience devant la CSST le 24 février 1999.  Cette lettre se lit comme suit :

La présente fait suite à notre entretien téléphonique et à la réception d’une copie du relevé d’emploi de Mme Nicole Brien.

Selon les conditions générales de notre contrat (page TS-01) un participant devient admissible à la date à laquelle il a complété trois (3) mois de service continu avec l’employeur.

De plus, à la page CG-01, notre définition de « effectivement au travail » est : l’état d’un participant qui accomplit ses tâches et fonctions habituelles sur une base permanente et à plein temps selon un horaire d’au moins vingt (20) heures de travail par semaine.

Or, le relevé d’emploi montre que Mme Nicole Brien ne répond pas aux conditions énoncées plus haut.  Elle n’est donc pas admissible au régime d’assurance collective.

[29.]         Monsieur Beaulieu affirme n’avoir obtenu le document T-5 qu’au moment de l’audience devant la CSST.  Il s’agit de la partie de la police Great-West no. 200023 concernant l’activité en service :

Obligation d’être en activité de service

Le salarié est réputé être en activité de service :

1.       s’il est capable d’exécuter toutes ses fonctions habituelles, et

2.       s’il remplit l’une ou l’autre des conditions ci-dessous :

a)       il est effectivement à son poste au lieu de travail habituel de l’employeur ou à tout autre endroit où son travail pour l’employeur l’appelle, ou

b)       il est absent du travail pour l’une des raison suivantes : vacances, fin de semaine, congé légal ou congé entre les périodes de travail par quarts.

[30.]         Monsieur Beaulieu témoigne que monsieur Brochu ne lui a pas mentionné le 3 août l’obligation d’être en activité de service.  Il savait que la police de la Great-West était échue mais comme elle était en vigueur au moment où la travailleuse avait fait sa demande, il estimait que la travailleuse devait être couverte.  Monsieur Beaulieu affirme de plus qu’il ne savait pas lors de la conversation avec monsieur Brochu le 20 août si c’était l’interprétation de monsieur Brochu ou celle de la compagnie d’assurance, ce que l’écrit aurait clarifié.

[31.]         La preuve au dossier révèle que monsieur Beaulieu a contesté le 17 août la décision de la révision administrative du 29 juillet 1998 et qu’il a demandé le 19 août, une copie du rapport d’évaluation médicale du Dr Dubuc de juillet 1998.

[32.]         Monsieur Jean-Yves Brochu, comptable agréé et vice-président finances de Bélanger (Interlam étant une filiale de Bélanger) témoigne avoir été mis au courant des démarches de la travailleuse ou de son conjoint en mars 1998 concernant l’assurance collective.  Il mentionne que tous les employés qui ont trois (3) mois de services sont admissibles mais qu’ils doivent avoir fait trois (3) mois à leur poste régulier de travail.

[33.]         Monsieur Brochu a d’abord conclu que la travailleuse n’était pas éligible puisqu’elle n’avait pas cotisé au régime d’assurance collective mais, comme il y avait en plus la question de la CSST, il se rappelle qu’il devait vérifier plus à fond le cas de la travailleuse et convient qu’il se peut que son personnel ait donné des réponses évasives à la travailleuse ou son conjoint.

[34.]         Monsieur Brochu explique qu’il vivait alors un contexte de travail assez particulier : il y eut d’abord le verglas en janvier 1998 et fermeture d’usine pendant deux semaines et demie puis un feu le 11 février qui requit la reconstruction d’une très grande partie de l’usine.  Il précise que les opérations avaient repris un peu par la suite mais qu’elles ne sont redevenues normales qu’en août ou septembre 1998.  Il affirme qu’il tentait alors de sauver la compagnie d’une fermeture éventuelle de sorte qu’il n’a pas mis la priorité au cas de la travailleuse, estimant même qu’il s’était réglé par la remise du papier de cessation d’emploi, qui a été complété le 1er avril 1998. 

[35.]         Monsieur Brochu se rappelle avoir conclu que la travailleuse n’était pas admissible et s’être fait confirmer le tout par l’assureur.  Il dépose le document E-2 qui fait état des heures travaillées par la travailleuse depuis son embauche le 2 septembre 1997 jusqu’à la fin de l’assignation temporaire le 7 mars 1998 et précise qu’il s’agit des données qu’il a transmises  aux assureurs.

[36.]         Pour septembre 1997, il est noté  33,5; 43,5; 42,5 et 42,25 heures.  Pour octobre, 44,5; 42; 49,75 et 17 heures.  Pour novembre, il est inscrit 44,75; 42; 37,5; 37,5 et 8 heures.  Pour décembre, il est noté 20,5; 37,5 et 14 heures.  Pour janvier 1998, il est noté 5,5 heures avec mention verglas.  Pour février, il est noté 32,25; 37,5 et 27,5 heures, avec mention feu. 

[37.]         Monsieur Brochu mentionne que lorsqu’il a reçu la lettre de monsieur Beaulieu en juillet 1998, il a téléphoné à la Great-West à Winnipeg à plusieurs reprises pour étoffer ses motifs et voir si son interprétation de la clause était exacte.  Il a transmis l’information à Monsieur Beaulieu le 28 juillet en le référant aux points majeurs de la police Great West.  Monsieur Brochu se rappelle avoir dit à monsieur Beaulieu, lors de leur conversation téléphonique subséquente, qu’il n’y avait plus rien à faire avec la Great West.  Monsieur Brochu mentionne qu’il a tenté de voir si la compagnie actuelle, l’Industrielle Alliance, pouvait couvrir le cas de la travailleuse et qu’il a reçu une confirmation écrite concluant que la travailleuse n’était pas admissible puisqu’il fallait être en activité régulière de services pendant trois mois. 

[38.]         Monsieur Brochu se rappelle avoir donné toutes ces informations à monsieur Beaulieu le 20 août mais il ne se rappelle pas s’il s’était engagé à lui transmettre une confirmation écrite.  Compte tenu de la date d’estampille, il croit qu’il avait alors en mains la réponse de l’Industrielle Alliance mais il ne se rappelle pas l’avoir lue à monsieur Beaulieu.  Il se rappelle qu’il avait communiqué avec monsieur Leblanc, courtier d’assurance, et que ce dernier lui avait dit qu’il n’y avait plus rien à faire et que c’est ce qu’il a dit à monsieur Beaulieu, qui n’était pas satisfait de la réponse, car il soutenait une autre interprétation quant aux heures travaillées, interprétation que ne retenaient pas les compagnies d’assurance.

[39.]         Monsieur Brochu témoigne que normalement, lors de l’embauche, les employés sont informés de l’existence d’une police d’assurance collective.  Il ne sait pas si la travailleuse a été informée mais le présume puisqu’elle était amie avec madame Brouillard, qui elle, cotisait.

[40.]         Questionné sur la procédure chez l’employeur lorsqu’un employé est admissible, monsieur Brochu mentionne que madame Veillette, qui connaît très bien et suit les dates d’embauche, va faire remplir le formulaire aux personnes qui sont admissibles.

[41.]         Questionné si madame Veillette était allée rencontrée la travailleuse après son trois (3) mois de date d’embauche, monsieur Brochu répond qu’elle n’a pas été rencontrée.

[42.]         Questionné pourquoi il n’avait pas remis le formulaire à la travailleuse lorsque son conjoint en a fait la demande en mars 1998, monsieur Brochu indique que la travailleuse ne cotisant pas, elle était de fait non admissible.  Il mentionne aussi qu’elle n’a pas cotisé parce qu’elle ne répondait pas aux critères d’admissibilité.  Il précise qu’il remet le formulaire aux personnes qui sont membres du contrat d’assurance et qu’il ne voulait pas donner de faux espoirs à la travailleuse.

[43.]         Monsieur Brochu affirme que c’est la compagnie d’assurance qui prend la décision sur l’admissibilité mais que l’employeur a le contrôle des formulaires et les remet lorsqu’il voit que la personne est admissible en fonction des heures travaillées comptabilisées.

[44.]         Monsieur Brochu mentionne que le formulaire peut être fait de façon rétroactive, après une période de quatre mois par exemple.  Il ne lui est pas venu à l’idée d’en remettre un à la travailleuse, estimant que cela ne l’aidait pas, puisqu’elle n’était pas admissible.

[45.]         Quant au fond, monsieur Brochu mentionne avoir consulté un conseiller à la suite de la lettre du 3 août 1998 qui identifiait des articles de la Loi et qu’il s’est fait dire par monsieur Filion que c’était l’assureur qui décidait et mettait en force le contrat d’assurance.

[46.]         Monsieur Brochu explique que madame Veillette est préposée aux commandes et qu’elle voit à faire remplir les formulaires dès que la personne peut faire partie de l’assurance collective.  Il indique que madame Veillette connaissait très bien les dates d’embauche et qu’elle suivait bien ses affaires. 

[47.]         Monsieur Brochu mentionne que la travailleuse continuait à accumuler son ancienneté et son service continu pendant son accident de travail comme le démontre sa cessation d’emploi au motif de maladie mais que cela n’en faisait pas pour autant des heures travaillées à son poste de travail régulier, comme le requérait le contrat d’assurance pour être admissible. 

[48.]         Comme la travailleuse était encore sous la CSST au moment où le conjoint de la travailleuse a demandé le formulaire d’assurance collective, monsieur Brochu mentionne que madame Veillette n’a tout simplement pas fait remplir les documents à la travailleuse, puisqu’elle n’avait pas cotisé ni complété le nombre requis d’heures travaillées.

[49.]         Monsieur Brochu ne sait pas si la police s’applique obligatoirement à tous les employés ou si un employé peut s’en dégager.

[50.]         Quant au fond, la travailleuse témoigne qu’elle n’a pas discuté d’assurance-salaire avec madame Brouillard ni avec madame Veillette.  La travailleuse précise qu’elle a bénéficié de l’assurance médicaments de son conjoint après mars 1998 mais qu’elle n’a pas fait de réclamation pour des médicaments de la date de son embauche au jour de son accident de travail.

AVIS DES MEMBRES

[51.]         Quant au hors délai, le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d’avis d’accueillir la demande de prolongation de délai au motif que la travailleuse a justifié son retard à produire sa plainte par un motif raisonnable au sens de la Loi.  D’abord, parce que la preuve, tant factuelle que médicale, est prépondérante pour conclure à une incapacité de la travailleuse à l’époque concernée et ensuite, parce qu’elle n’a pas à subir de préjudice du fait de son représentant et de la confusion ou négligence de celui-ci face à l’employeur.

[52.]         Quant au fond, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de maintenir la décision de la CSST au motif que bien que l’adhésion au régime d’assurance-collective se fasse après trois (3) mois de service continu, la preuve démontre que la travailleuse n’a pas demandé son adhésion au régime alors qu’elle connaissait l’existence d’une assurance-collective chez l’employeur.  Le membre est d’avis que l’employeur n’avait pas à fournir à la travailleuse un formulaire de réclamation puisque celle-ci n’était pas assurée. 

[53.]         La membre issue des associations syndicales est d’avis que la travailleuse a été victime des mesures discriminatoires de l’employeur en raison de sa lésion professionnelle puisque l’employeur n’a pas rempli ses obligations concernant l’assurance collective (lui offrir de cotiser et de compléter les documents requis pour l’admissibilité) au motif que la travailleuse était en assignation temporaire sous le régime de la CSST et qu’elle n’effectuait pas son travail régulier pendant la période d’admissibilité de trois mois, ce qui a causé un préjudice à la travailleuse puisqu’elle n’a pu bénéficier des mêmes avantages que si elle n’avait pas subi une lésion professionnelle. 

[54.]         La membre issue des associations syndicales est d’avis que l’employeur doit verser à la travailleuse l’équivalent du salaire et des avantages dont elle a été privée en raison de la mesure discriminatoire de l’employeur, recours qui n’en est pas un en dommages-intérêts mais qui relève de la compétence de la Commission des lésions professionnelles en vertu de l’article 257 de la Loi.

MOTIFS DE LA DÉCISION

[55.]         La Commission des lésions professionnelles doit décider si la plainte de la travailleuse est bien fondée.

[56.]         La Commission des lésions professionnelles doit d’abord disposer des questions préliminaires soulevées par l’employeur à l’audience.

[57.]         La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si la plainte logée par la travailleuse respecte le délai prescrit par l’article 253 de la Loi et dans l’éventualité d’un hors délai, si la travailleuse a un motif raisonnable en vertu de l’article 352 de la Loi pour justifier son retard et être relevée de son défaut.

[58.]         L’article 253 de la Loi stipule qu’une plainte en vertu de l’article 32 doit être faite par écrit « dans les 30 jours de la connaissance de l’acte, de la sanction ou de la mesure dont le travailleur se plaint ».

[59.]         Comme la preuve démontre que la mesure dont se plaint la travailleuse est survenue en mars 1998, soit au moment où son conjoint a demandé le formulaire d’assurance-salaire à l’employeur et qu’il a été porté à la connaissance du représentant de la travailleuse, au plus tard le 20 août, que l’employeur ne fournirait pas le formulaire demandé car cette dernière n’était pas admissible au régime d’assurance collective en vertu des deux polices, la Commission des lésions professionnelles considère que la plainte logée le 30 septembre est logée en dehors du délai de 30 jours prescrits par la Loi.

[60.]         L’article 352 de la Loi stipule que :

La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

 

 

[61.]         L’article 377 de la Loi donne à la Commission des lésions professionnelles le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu:

La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence.

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l’ordre ou l’ordonnance contesté, et s’il y a lieu, rendre la décision, l’ordre ou l’ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu..

 

 

[62.]         La Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse a démontré, par une preuve prépondérante, tant au plan factuel que médical, qu’elle était incapable de fonctionner normalement au plan psychique pendant la période où elle a pris des médicaments en mars et avril 1998, comme l’ont corroborés son conjoint et le Dr Boisonneault d’ailleurs.  

[63.]         La travailleuse indique être sortie « de son cocon » en juin-juillet, mais son témoignage démontre qu’elle n’était pas encore revenue tout à fait capable de fonctionner normalement à cette période, ses idées n’étant pas claires dues aux médicaments qu’elle prenait. La travailleuse a livré un témoignage empreint de bonne foi évidente et d’une grande crédibilité, ne cherchant pas à bonifier les événements, étant au contraire gênée (même si elle n’a aucune raison de l’être) de son comportement durant cette période où elle a vécu sa dépression. Et, comme le témoignage de la travailleuse démontre qu’elle était encore dans un état de confusion tel, durant la période qui a suivi, jusqu’en juin-juillet, qu’elle ne se rappelle ni des dates ni de ce qui s’est passé puisque tout n’était pas encore clair en raison de sa médication, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il s’agit d’un motif raisonnable au sens de la Loi.

[64.]         Reste maintenant à décider si la travailleuse a un motif raisonnable au sens de la loi pour n’avoir pas logé une plainte dans les 30 jours qui ont suivi sa rencontre avec monsieur Beaulieu.

[65.]         Contrairement au représentant de l’employeur, la Commission des lésions professionnelles considère que la preuve n’est pas prépondérante pour conclure au rejet de la plainte au motif d’ignorance de la Loi.  La travailleuse a bien expliqué que ne connaissant rien dans les cas de CSST, elle a consulté monsieur Beaulieu pour gérer son dossier.

[66.]         La Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse a agi de façon prudente en consultant une personne qui s’identifiait comme conseiller pour les accidentés, sachant qu’elle ne connaissait pas ce domaine.  La preuve démontre que la travailleuse a demandé à monsieur Beaulieu, dès leur première rencontre, de s’occuper des deux volets de son dossier et, comme elle était encore fragile et sortait à peine « de son cocon » et qu’elle n’a été déclarée capable de retourner au travail que le 10 septembre, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il est raisonnable de croire que le comportement de la travailleuse ne constitue pas de la négligence. 

[67.]         Il est certes fort surprenant que monsieur Beaulieu n’ait pas transmis une plainte dès le 3 juin 1998, soit au même moment où il a contesté, hors délai, la décision de la CSST du 15 avril.  Il est aussi fort surprenant que monsieur Beaulieu, un représentant qui s’identifie comme un spécialiste des cas CSST, ait entrepris un si long échange de lettres avec l’employeur.  Il est tout aussi surprenant que devant la réponse pourtant claire de l’employeur le 28 juillet, que monsieur Beaulieu lui ait à nouveau écrit le 3 août au lieu de loger une plainte en vertu de l’article 32 de la Loi.  Il est même incompréhensible que monsieur Beaulieu n’ait pas logé sa plainte dès le 20 août, lorsqu’il a été avisé du refus non équivoque de l’employeur. 

[68.]         La Commission des lésions professionnelles ne remet pas en cause la bonne foi de monsieur Beaulieu, monsieur Brochu ne se rappellant d’ailleurs pas s’il devait lui confirmer sa réponse par écrit.  La Commission des lésions professionnelles considère par ailleurs que le représentant de la travailleuse a été insouciant dans le suivi du dossier de la travailleuse. Reste maintenant à décider si la travailleuse doit en être pénalisée ou si elle a un motif raisonnable au sens de la Loi pour ne pas avoir logé sa plainte plus tôt.

[69.]         Rappelons que la contestation du 3 juin a été acceptée par la révision administrative quant au motif du hors délai et qu’il est fort probable que si monsieur Beaulieu avait logé la plainte en vertu de l’article 32 de la Loi à cette date, ce motif aurait été tout autant accepté.

[70.]         Comme la travailleuse n’avait pas demandé le formulaire d’adhésion au régime par écrit à l’employeur et comme elle n’avait aucun écrit émanant de l’employeur, la Commission des lésions professionnelles considère plausible que la travailleuse se soit sentie en confiance et rassurée du fait que monsieur Beaulieu procédait toujours par des écrits. Rappelons que la travailleuse n’était pas encore déclarée apte à retourner travailler et qu’elle prenait encore des médicaments.

[71.]         Et, comme la travailleuse n’a été déclarée apte à retourner au travail par son médecin que le 10 septembre 1998 et qu’avant cette date, elle était encore fragile, la Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse n’a pas à être pénalisée du fait que monsieur Beaulieu n’a pas logé sa plainte en vertu de l’article 32 dès le 3 juin, ni du fait qu’il ait entrepris un échange de correspondance avec l’employeur au lieu de loger tout de suite sa plainte et qu’il ait attendu au 30 septembre.

[72.]         La Commission des lésions professionnelles considère qu’il serait injuste et inéquitable de refuser à la travailleuse, qui se remettait d’un premier épisode de dépression, le droit d’être entendue sur le mérite de sa plainte au motif que son représentant, qui connaissait fort bien les lois régies par la CSST, a tardé d’agir, puisqu’il espérait, de jour en jour, un écrit qui n’arrivait pas. 

[73.]         Monsieur Brochu reconnaît que son personnel a pu donner des réponses évasives et que lui-même était davantage préoccupé par la situation difficile de la compagnie, situation qui est redevenue à la normale en août ou en septembre 1998, soit dans la même période où il a donné une réponse claire et définitive à monsieur Beaulieu, à savoir le 20 août. Le représentant de la travailleuse reconnaît lui-même qu’il aurait dû agir plus tôt (à tout le moins le 20 août). 

[74.]         Considérant que la travailleuse n’a pas à subir préjudice de l’insouciance et/ou de la négligence de son représentant, vu l’état de sa condition personnelle psychique dans laquelle elle se trouvait pendant cette période, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il y a lieu de prolonger le délai et de relever la travailleuse de son défaut d’avoir logé sa plainte à l’intérieur du délai de 30 jours prescrit par la Loi.

[75.]         Quant à la question préliminaire portant sur la compétence de la Commission des lésions professionnelles d’ordonner le paiement de « dommages-intérêts », la Commission des lésions professionnelles considère qu’effectivement elle n’a pas cette compétence en vertu de la Loi.

[76.]         La Commission des lésions professionnelles comprend par ailleurs de l’ensemble des représentations faites par le représentant de la travailleuse, que ce dernier recherche une ordonnance en vertu de l’article 257 de la loi, puisqu’il tente de démontrer que l’employeur a exercé une mesure discriminatoire ou des représailles envers la travailleuse et qu’il demande que cesse cette mesure et que la Commission des lésions professionnelles ordonne à l’employeur de verser à la travailleuse l’équivalent du salaire et des avantages dont elle a été privée en raison de cette mesure ou de ces représailles.

[77.]         Or, l’article 257 de la Loi accorde expressément cette compétence à la Commission des lésions professionnelles :

257. Lorsque la Commission dispose d'une plainte soumise en vertu de l'article 32, elle peut ordonner à l'employeur de réintégrer le travailleur dans son emploi avec tous ses droits et privilèges, d'annuler une sanction ou de cesser d'exercer des mesures discriminatoires ou de représailles à l'endroit du travailleur et de verser à celui‑ci l'équivalent du salaire et des avantages dont il a été prive.

 

 

[78.]         La Commission des lésions professionnelles doit donc maintenant décider du bien fondé de la plainte logée par la travailleuse en vertu de l’article 32 de la Loi.  Cet article se lit comme suit :

L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.

 

Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.

 

 

[79.]         Comme la preuve démontre que la travailleuse n’a pas eu recours à une procédure de grief, vu l’absence de syndicat et de convention collective chez l’employeur et comme la question du délai est réglée, la Commission des lésions professionnelles considère que les conditions minimales d’ouverture à l’analyse de la plainte sont remplies.

[80.]         Pour réussir dans l’exercice de son recours, la travailleuse doit démontrer, par une preuve prépondérante, d’abord, qu’une mesure ou une sanction visée à l’article 32 de la Loi a été prise par l’employeur à son égard et ensuite, qu’il y a une relation de cause à effet entre cette mesure ou cette sanction prohibée et la survenance de sa lésion professionnelle ou l’exercice d’un droit prévu à la Loi.

[81.]         Pour faciliter la preuve des travailleurs, le législateur a établi une présomption en leur faveur.  Elle se retrouve à l’article 255 de la Loi et se lit comme suit :

S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.

 

Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

 

 

[82.]         Pour pouvoir bénéficier de l’application de cette présomption, la travailleuse doit démontrer, par une preuve prépondérante, qu’elle a fait l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée à l’article 32 de la Loi et ce, dans les six (6) mois de la date de sa lésion professionnelle.

[83.]         Une fois cette preuve faite, la travailleuse est déchargée de son fardeau d’établir la relation de cause à effet entre la mesure ou la sanction prohibée et la lésion professionnelle ou l’exercice d’un droit prévu à la Loi, car la mesure ou la sanction prise contre elle est présumée avoir été prise parce qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle ou parce qu’elle a exercé un droit prévu par la Loi.

[84.]         Donc, si la travailleuse réussit à démontrer qu’elle peut bénéficier de la présomption de l’article 255 de la Loi, c’est alors à l’employeur, qu’incombe le fardeau de renverser cette présomption, soit en démontrant, par une preuve prépondérante, qu’il a pris cette mesure ou cette sanction à l’encontre de la travailleuse pour une autre cause juste et suffisante.

[85.]         Le représentant de la travailleuse soumet que la travailleuse pouvait bénéficier de la police d’assurance salaire en vigueur chez l’employeur en mars 1998 et que la travailleuse a été victime d’une sanction ou d’une mesure prohibée à l’article 32 de la Loi car elle n’a pu adhérer au régime d’assurance collectif chez l’employeur en raison du fait qu’elle a eu un accident de travail (avec arrêt de travail, puis assignation temporaire). 

[86.]         Le représentant de la travailleuse soumet de plus que la clause (être en activité de service) ne peut s’appliquer au cas de la travailleuse puisque cette clause est inférieure à la protection offerte par la Loi.  Il soumet qu’en mars, la travailleuse avait trois (3) mois d’ancienneté et qu’il faut considérer comme une période réelle de travail celle pendant laquelle la travailleuse s’est absentée de son travail et celle pendant laquelle elle a effectué une assignation temporaire. 

[87.]         Au soutien de ses prétentions, il réfère aux articles 180, 235 et 242 de la Loi, qui se lisent comme suit :

180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.

 

 

235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle:

  1  continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N‑1.1);

  2  continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.

 

  Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1  ou 2 , selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.

 

242.       Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s’il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.

 

Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l’ancienneté et du service continu qu’il a accumulés.

 

 

[88.]         Le représentant de la travailleuse soumet aussi que l’article 1 de la Loi doit recevoir une interprétation large et libérale et qu’il vise la réparation des conséquences qu’entraîne une lésion professionnelle, de sorte que la travailleuse n’a pas à être pénalisée si le contrat d’assurance nie son droit en vertu de la Loi, puisque l’article 4 de la Loi stipule que la Loi est d’ordre public[3].  Il est d’avis que la travailleuse continue d’accumuler ses heures travaillées lorsqu’elle est en arrêt de travail et/ou en assignation temporaire.

[89.]         Le procureur de l’employeur prétend, au contraire, que l’employeur a respecté le principe de l’ancienneté et du service continu au sens de la Loi sur les Normes du travail, tel qu’en fait foi le témoignage de monsieur Brochu, et que l’article 235 de la Loi n’a pas pour effet de transformer des heures de service continu, en heures effectivement travaillées au poste régulier de travail, comme le requiert le contrat d’assurance.

[90.]         Il soumet que la travailleuse ne peut « continuer » de participer au régime d’assurance puisse qu’elle n’a jamais participé initialement avant sa lésion professionnelle ni ne cotisait au régime au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.  Le procureur de l’employeur soumet aussi que la travailleuse ne répondait pas à la fin mars 1998 aux conditions d’admissibilité édictées par l’assureur, alors que l’admissibilité relève de l’assureur et non de l’employeur.  Comme la travailleuse n’avait pas complété une période de trois (3) mois de service continu en activité de service dans l’exercice de ses fonctions habituelles, il s’ensuit qu’elle ne répondait pas aux critères de l’assureur, de sorte que l’employeur n’a pas exercé aucune sanction ou mesure discriminatoire à l’encontre de la travailleuse.

[91.]         La Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse n’a pas démontré, par une preuve prépondérante, que l’employeur a exercé à son endroit une sanction ou une mesure prohibée à l’article 32 de la Loi, puisque le geste posé par l’employeur n’est pas contraire aux dispositions de la Loi.

[92.]         En effet, la Commission des lésions professionnelles considère que l’attitude de l’employeur, dans toute cette affaire, n’est pas reliée au fait que la travailleuse ait été victime d’une lésion professionnelle mais plutôt au fait que la travailleuse n’avait pas déjà effectué son trois (3) mois de service continu au moment de la survenance de sa lésion professionnelle.  La preuve démontre, en effet, que madame Veillette n’a pas rencontré la travailleuse pour lui faire compléter les formulaires d’assurance au motif que la travailleuse ne répondait pas aux conditions requises au contrat d’assurance.

[93.]         Pour qu’il y ait sanction ou mesure prohibée au sens de l’article 32 de la Loi, il faut que la décision de l’employeur soit motivée par le fait de la lésion professionnelle ou de l’exercice d’un droit reconnu à la Loi.  Si la décision de l’employeur est reliée aux exigences de la police d’assurance, bien fondées ou non, cette décision n’est pas pour autant reliée à la lésion professionnelle ou l’exercice d’un droit.

[94.]         Quelle était la situation de la travailleuse au moment de la survenance de sa lésion professionnelle? Elle ne répondait pas aux critères d’éligibilité de l’assureur.  Tous le conviennent.  La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’article 32 de la Loi ne peut avoir pour effet de rendre la travailleuse éligible au contrat d’assurance même si l’on combinait l’effet de l’article 180 de la Loi. 

[95.]         Pour conclure à l’existence d’une « mesure discriminatoire » il faut se livrer à un exercice comparatif. Or, la preuve ne permet pas de conclure que la travailleuse a été traitée différemment du cas des autres travailleurs qui ont dû s’absenter pour une cause de maladie personnelle avant d’avoir complété leur période de trois (3) mois d’activité continue à leur poste régulier.  Dès lors, il est bien difficile de parler de mesure discriminatoire de la part de l’employeur, d’autant plus que l’employeur s’est fait confirmer le tout par l’assureur lui-même, démontrant aucune intention de discriminer la travailleuse.  

[96.]         Il est vrai que l’article 4 de la Loi stipule que la présente est « d’ordre public » et qu’une convention peut prévoir pour un travailleur des dispositions « plus avantageuses » que celles que prévoit la Loi.  La Commission des lésions professionnelles considère toutefois que le présent cas, qui implique un tiers à la relation employeur-employé, diffère de ceux impliquant une convention collective, soit un contexte employeur-employé, que vise plutôt l’article 4 de la Loi.  La Commission des lésions professionnelles n’a pas compétence pour statuer sur le caractère discriminatoire ou non des clauses contenues au contrat d’assurance ni pour conclure, comme le voudrait le représentant de la travailleuse, que la clause quant à l’éligibilité est contraire à la Loi. 

[97.]         La Commission des lésions professionnelles considère que si la travailleuse n’a pu produire sa demande d’adhésion à l’assurance-collective, c’est en raison du fait qu’elle ne répondait pas aux critères requis au contrat d’assurance, tout comme ces critères seraient demeurés les mêmes si l’absence de travail avait résulté d’une condition purement personnelle et non d’une lésion professionnelle.

[98.]         La Commission des lésions professionnelles considère donc que la preuve est prépondérante pour conclure que l’employeur a traité la travailleuse de la même façon que les autres employés qui n’auraient pas subi une lésion professionnelle mais auraient été en absence pour une maladie personnelle, de sorte qu’il n’a pas exercé une mesure discriminatoire ou une sanction prohibée à l’article 32 de la Loi en ne remettant pas à la travailleuse le formulaire d’assurance. 

[99.]         De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, l’employeur a clairement justifié son geste par le fait que la police Great West réfère à une notion d’activité de service qui est définie au contrat d’assurance comme nécessitant que le salarié exécute toutes ses fonctions habituelles et qu’il soit à son poste habituel et qu’il ait effectué au moins 25 heures par semaine pendant trois (3) mois.  Il a expliqué que c’est la même chose en vertu de la police l’Industrielle Alliance, qui requiert que l’employé ait complété trois (3) mois de service continu alors qu’il accomplit ses tâches et fonctions habituelles selon un horaire d’au moins 20 heures par semaine.  Ainsi, comme la travailleuse ne répondait à ces critères, l’employeur était justifié de ne pas remettre le formulaire à la travailleuse, ce qui lui fut d’ailleurs confirmé par les deux assureurs.

[100.]     En l’absence d’une sanction ou d’une mesure prohibée au sens de l’article 32 de la Loi, la plainte de la travailleuse est non fondée.

[101.]     PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DÉCLARE que la travailleuse, madame Nicole Brien, a un motif raisonnable pour justifier le hors délai de sa plainte sous l’article 32 de la Loi;

REJETTE la contestation de la travailleuse, madame Nicole Brien;

CONFIRME la décision rendue par la CSST le 3 mars 1999 quant au rejet de la plainte de la travailleuse;

CONFIRME que la travailleuse n’a pas été victime d’une sanction ou d’une mesure prohibée au sens de l’article 32 de la Loi.

 

 

 

Danielle Lampron

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

REGROUPEMENT DES ACCIDENTÉ(E)S DE LA MONTÉRÉGIE

(M. Richard Beaulieu)

900, St-Antoine

Saint-Hyacinthe  (Québec)  J2S 3K1

 

 

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

DUFRESNE HÉBERT COMEAU

(Me Jean-François Martin)

3333, Place Cavendish #600

Saint-Laurent  (Québec)  H4M 2X6

 

 

 

Représentant de la partie intéressée

 

 



[1] Dans son rapport final, le médecin de la travailleuse (Dr Boissonneault) consolide la lésion professionnelle au 24 février sans atteinte permanente mais avec des limitations fonctionnelles.  Elle autorise une assignation temporaire 4 jours semaine et un jour de travail régulier puis autorise un retour au travail régulier le 23 mars.  Le Dr Boissonneault indique que le Dr Dubuc complètera le rapport d’évaluation médicale. Le 5 mars, le Dr Dagenais autorise un arrêt de travail.  Dans son rapport d’évaluation du 18 mars 1998, le Dr Dubuc conclut à une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles pour 3mois, à réévaluer par la suite.  En avril, le membre du BEM consolide la lésion au 9 février 1998.

[2] Monsieur Vigeant n’a pas assisté au témoignage de la travailleuse, une exclusion des témoins ayant été ordonnée.

[3] L’article 4 de la Loi se lit comme suit : « La présente loi est d’ordre public.  Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la loi. »

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