Décision

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Gabarit EDJ

Droit de la famille — 162193

2016 QCCS 4108

 

JD 2364

 
 COUR SUPÉRIEURE

(Chambre familiale)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

SAINT-FRANÇOIS

 

N° :

450-04-013036-131

 

 

 

DATE :

30 août 2016

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

GAÉTAN DUMAS, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

E... D...

Demandeur

c.

K... DE...

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           En date du 23 septembre 2014, notre collègue, l’honorable Martin Bureau, confie aux parties la garde partagée de leur enfant X en alternance de semaine en semaine. Dans son jugement, il mentionnait :

« [11] En raison de l’éloignement de leurs résidences respectives et si rien ne change d’ici deux ans, la garde partagée ne sera plus possible parce que l’enfant fréquentera alors l’école à temps plein.

(…)

[14] Il apparaît préférable, en fonction des capacités des parties, de l’âge de l’enfant, de leurs disponibilités respectives et de toutes les circonstances, de favoriser la présence la plus importante possible des deux parents dans la vie de l’enfant d’autant que cela risque d’être impossible, comme déjà mentionné, d’ici deux ans. »

[2]           Puisque X débutera l’école sous peu, la garde partagée est rendue impossible vu l’éloignement des parties. Le demandeur habite la région d’Asbestos alors que la défenderesse habite Ville A.

[3]           Le tribunal doit donc rendre jugement dans l’intérêt de l’enfant et en tentant de favoriser la présence la plus importante possible des deux parents dans la vie de l’enfant.

[4]           La Cour d'appel[1] nous enseigne les critères que doit utiliser les tribunaux lorsqu’un changement significatif oblige une révision de la garde accordée :

«   [19]        Dès lors, toujours selon Gordon c. Goertz, le juge de première instance aurait dû évaluer la situation de novo, en fonction du seul critère usuel en ces matières, à savoir l'intérêt de l'enfant, selon les termes exprès de l'article 33 C.c.Q. et en tenant compte des facteurs qu'énonce ainsi cet arrêt :

                            [49]    Le droit peut se résumer ainsi :

                […]

                                      7.    Plus particulièrement, le juge devrait tenir compte notamment des éléments suivants :

a)    l'entente de garde déjà conclue et la relation actuelle entre l'enfant et le parent gardien;

b)    l'entente déjà conclue sur le droit d'accès et la relation actuelle entre l'enfant et le parent qui exerce ce droit;

c)    l'avantage de maximiser les contacts entre l'enfant et les deux parents;

d)    l'opinion de l'enfant;

e)    la raison pour laquelle le parent gardien déménage, uniquement dans le cas exceptionnel où celle-ci a un rapport avec la capacité du parent de pourvoir aux besoins de l'enfant;

f)     la perturbation que peut causer chez l'enfant une modification de la garde;

g)    la perturbation que peut causer chez l'enfant l'éloignement de sa famille, des écoles et du milieu auxquels il s'est habitué. »

[5]           Aussi, comme le mentionnait la Cour d'appel dans l'arrêt A. c. B.[2] :

«   [11]      La juge de première instance rappelle les principes applicables en la matière, soit la recherche du meilleur intérêt de l’enfant (article 33 C.c.Q., défini par la Cour suprême dans Young c. Young) à partir de facteurs jurisprudentiels énumérés par Suzanne Gillet, soit :

-   les besoins de l'enfant;

-   la capacité parentale de répondre aux besoins de l'enfant;

-   la relation affective entre l'enfant et les parents;

-   la relation affective entre l'enfant et les membres de la famille;

-   la stabilité de l'enfant;

-   l'environnement psychosocial de l'enfant;

-   la santé physique et mentale de l'enfant et de celui qui en revendique la garde;

-   la disponibilité réelle des parents;

-   les habitudes de vie des parents, si celles-ci ont une incidence directe sur l'enfant;

-   la non-séparation de la fratrie;

-   le désir de l'enfant;

-   la disposition à favoriser la relation avec l'autre parent. »

[6]           Chaque cas est un cas d’espèce qui doit être analysé selon les faits propres au dossier.

[7]           Ainsi, certains critères jurisprudentiels peuvent avoir plus d’importance dans un dossier que dans un autre et certains peuvent n’avoir aucune influence.

[8]           À titre d’exemple, dans le présent dossier, le désir de l’enfant est un facteur neutre, vu son jeune âge.

[9]           Deux jugements ont été rendus après audition dans le présent dossier. L’un par notre collègue Martin Bureau et un autre par le soussigné le 13 août 2015.

[10]        Il s’agit de la troisième occasion où le tribunal peut constater qu’il est face à deux bons parents, dont les capacités parentales de répondre aux besoins de l’enfant ne peuvent être remises en question.

[11]        Comme l’avait fait le juge Bureau dans son jugement en 2014, le tribunal constate que ni l’une ni l’autre des parties ne conteste, pour l’essentiel, les capacités parentales de l’autre parent. Les récriminations qu’elles peuvent se faire n’atteignent pas la capacité parentale des parties.

[12]        De l’avis du tribunal, les critères suivants sont des facteurs neutres puisque les besoins et les capacités sont égaux pour les deux parents, à savoir :

-               les besoins de l’enfant;

-               la capacité parentale de répondre aux besoins de l’enfant;

-               la relation affective entre l’enfant et ses parents;

-               la stabilité de l’enfant;

-               la santé physique et mentale de l’enfant et de celui qui en revendique la garde;

-               la disponibilité réelle des parents;

-               les habitudes de vie des parents, si celles-ci ont une incidence directe sur l’enfant;

-               la non-séparation de la fratrie;

-               le désir de l’enfant.

[13]        Il reste donc à décider :

-               la relation affective entre l’enfant et les membres de la famille;

-               l’environnement psychosocial de l’enfant;

-               la disposition à favoriser la relation avec l’autre parent.

LA RELATION AFFECTIVE ENTRE L’ENFANT ET LES MEMBRES DE LA FAMILLE

[14]        Ce critère semble favoriser le père puisque la famille paternelle habite les environs dans la municipalité A, près d’Asbestos, et X prendra l’autobus scolaire avec ses jeunes cousins avec lesquels elle a une bonne relation.

[15]        De plus, Y, la sœur du demandeur, voit X tous les dimanches.

L’environnement psychosocial de l’enfant

[16]        Comme déjà mentionné, X a trois cousins qu’elle semble fréquenter régulièrement. Deux de ses cousins, Z et A, devraient prendre le même autobus scolaire qu’elle.

[17]        Pour ce qui est de la défenderesse, elle a une sœur qui habite Ville A et qui est mère de cinq enfants, mais la preuve ne démontre pas une relation particulière entre X et ses cousins du côté maternel.

LA DISPOSITION À FAVORISER LA RELATION AVEC L’AUTRE PARENT

[18]        Malgré les allégués des procédures et les affidavits produits par la défenderesse, le tribunal croit que ce facteur favorise le demandeur.

[19]        En effet, la défenderesse plaide qu’elle veut favoriser la relation entre l’enfant et le demandeur, mais ses agissements sont tout autres.

[20]        Depuis le début des procédures, la défenderesse a toujours demandé une garde exclusive alors que le demandeur favorisait une garde partagée.

[21]        En 2015, le demandeur avait inscrit l’enfant au programme Passe-Partout offert par l’école A de la Commission scolaire A. La défenderesse avait fait parvenir à la Commission scolaire une lettre dans laquelle elle refusait l’inscription de l’enfant au programme Passe-Partout. Après la production des procédures par le demandeur, mais avant l’audition devant le tribunal, la défenderesse avait inscrit l’enfant à la Commission scolaire B sans le consentement du demandeur.

[22]        Malgré ses paroles, la défenderesse a toujours agi de façon à obtenir une garde exclusive de l’enfant.

[23]        La défenderesse témoigne qu’elle aurait même été prête à déménager près de la résidence du demandeur pour favoriser une garde partagée. Elle déclare avoir fait les efforts nécessaires pour son déménagement, mais que son projet ne peut se réaliser vu le peu de logements disponibles dans la municipalité du demandeur.

[24]        Or, le tribunal ne retient pas le témoignage de la défenderesse sur cette question.

[25]        Le témoignage de la défenderesse est rempli de réticences et de contradictions empêchant le tribunal de lui accorder la crédibilité nécessaire pour que son témoignage soit retenu sur ce point.

[26]        La défenderesse minimise tout. Elle répond aux questions par des questions.

[27]        Tous ses problèmes sont causés par la faute de tiers. Son électricité est coupée, il s’agit d’une erreur informatique de la compagnie d’électricité.

[28]        Elle se plaint dans d’autres procédures que le demandeur ne favorise pas les contacts téléphoniques alors qu’elle change fréquemment de numéro de téléphone. En contre-interrogatoire, elle finit par admettre que le service téléphonique a été coupé pour des problèmes de paiement. Elle a fait faillite en 2015. Nous l’apprenons en contre-interrogatoire.

[29]        Elle n’était pas au courant que son conjoint a été accusé de vol et 2016. Elle témoigne que les accusations d’attouchements sexuels portées contre son père ne seraient que de fausses accusations pour lesquelles il aurait été acquitté, alors que le plumitif démontre qu’il a été déclaré coupable.

[30]        En conséquence, et puisque la garde partagée n’est plus possible, le tribunal ordonnera une garde exclusive en faveur du demandeur, mais avec des droits d’accès élargis.

[31]        Puisque les parties ne travaillent pas, aucune pension alimentaire ne sera ordonnée.

[32]        Un rapport d’évaluation en orthophonie a été déposé[3]. Cette évaluation confirme que X est à risque de présenter un trouble primaire de langage (dysphasie). Également, X aurait une atteinte modérément sévère de la compréhension, dans un contexte d’attention auditive plus faible et souffrirait d’une atteinte modérément sévère de l’expression. Bien que ce rapport date du 15 août 2014, rien ne permet de le mettre de côté du revers de la main comme le fait la défenderesse. De même, il n’y a pas lieu de mettre de côté la lettre du Centre de réadaptation de l’Estrie datée du 18 janvier 2016[4] dans laquelle la chef du programme-enfant mentionne que le Centre de réadaptation de l’Estrie souhaite informer la Commission scolaire que l’enfant est connue du CRE de même que le type de besoins auxquels ils estiment qu’ils devront répondre dans le cadre de son intégration à la maternelle si nécessaire.

[33]        La défenderesse veut ignorer ces rapports alors que le demandeur veut y donner suite. Il s’agit d’un élément de plus qui favorise la garde de l’enfant par le demandeur.

[34]        POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[35]        ACCUEILLE la requête pour garde d’enfant du demandeur;

[36]        CONFIE au demandeur la garde de l’enfant X;

[37]        ACCORDE à la défenderesse des droits d’accès auprès de son enfant X :

- une fin de semaine sur deux, du vendredi 16 heures au dimanche 19 heures. Si le jour précédent ou suivant cette fin de semaine est un congé scolaire ou pédagogique, la défenderesse pourra aller chercher l’enfant le jeudi et aller la reconduire le lundi, suivant le cas;

- une semaine durant les vacances des Fêtes incluant alternativement le jour de Noël ou le Jour de l’An. Cette année, les enfants seront avec la défenderesse à Noël;

- une semaine pendant la semaine de relâche scolaire;

- deux semaines sur quatre pendant la période de vacances d’été;

- et à tout autre moment convenu entre les parties.

[38]        LE TOUT SANS FRAIS VU LA NATURE DU LITIGE.

 

 

__________________________________

GAÉTAN DUMAS, J.C.S.

 

Me Denis Beaubien

Procureur du demandeur

 

Me Marie-Pier Trépanier

Procureure de la défenderesse

 

Date d’audience :

25 août 2016

 



[1]          Droit de la famille - 071207 (C.A., 2007-05-16), 2007 QCCA 710.

[2]          EYB 2007-119693.

[3] Voir pièce PD-2.

[4] Pièce PD-2.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.