Chaouch c. Lawadessa inc. |
2015 QCCQ 262 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
LAVAL |
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LOCALITÉ DE |
LAVAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
540-32-026286-136 |
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DATE : |
Le 14 janvier 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
BENOIT SABOURIN, J.C.Q. |
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Mourad CHAOUCH |
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Demandeur |
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c. |
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LAWADESSA INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Mourad Chaouch réclame 7 000 $ à Lawadessa Inc. (ci-après nommée « Lawadessa »), une société par actions œuvrant dans le domaine de l’inspection préachat. Il reproche au dirigeant de Lawadessa, Nizar Nofal, de ne pas lui avoir recommandé, lors de l’inspection préachat du duplex qu’il a acheté au cours de l’automne 2012, de procéder à un examen plus approfondi des causes pouvant expliquer les fissures du revêtement de céramique du plancher, le dénivellement des planchers de parqueterie, le décadrage de certaines portes et les fissures dans le revêtement des murs en placoplâtre. La somme réclamée correspond à la valeur des travaux correctifs recommandés par l’expert du demandeur, Stéphane Bossus[1].
[2] Lawadessa conteste la demande. Elle plaide qu’elle a rempli ses obligations découlant du contrat de service conclu avec le demandeur et qu’elle n’avait pas à en dire plus dans son rapport d’inspection préachat. Elle se porte demanderesse reconventionnelle pour la somme de 3 000 $ parce qu’elle considère que la réclamation du demandeur est frivole et abusive. Elle réclame le remboursement de ses frais d’experts et une compensation financière pour le temps passé à la gestion de ce dossier.
A) Le demandeur a-t-il droit, en tout ou en partie, à la somme de 7 000 $ qu’il réclame à la défenderesse?
B) La défenderesse a-t-elle droit, en tout ou en partie, à la somme de 3 000 $ qu’elle réclame au demandeur?
[3] Le 6 octobre 2012, le demandeur retient les services de Lawadessa pour procéder à une inspection préachat d’un duplex jumelé construit en 1980 qui est situé sur le boulevard du Souvenir à Laval et pour lequel il a déposé une promesse d’achat.
[4] L’inspection a lieu le jour même et est réalisée par Nizar Nofal qui est le dirigeant de Lawadessa. Ce dernier a une formation d’ingénieur et œuvre dans ce domaine depuis 2001. Le demandeur accompagne Nizar Nofal lors de l’inspection qui dure deux heures trente minutes. Tout au long de l’inspection, Nizar Nofal transmet verbalement au demandeur ses commentaires et ses observations concernant le duplex.
[5] Le 8 octobre 2012, Lawadessa transmet au demandeur, par courriel, le rapport d’inspection préachat qui contient 34 pages.
[6] Dans la section « STRUCTURE » de son rapport, le représentant de Lawadessa mentionne ce qui suit, en page 8 :
« Les éléments structurels du toit, des murs, des planchers, du premier et du deuxième étage ne sont pas visibles à cause des finitions intérieures et extérieures. Cependant, nous n’avons observé aucun signe visible qui laisserait supposer des défauts de structures. »
[notre soulignement]
[7] Dans la section « INTÉRIEUR » de son rapport, le représentant de Lawadessa mentionne ce qui suit, en page 20 :
« Seul l’état général des parties visibles des planchers est inclus dans cette inspection. En règle générale, les carences cosmétiques sont considérées comme une usure normale et ne sont pas signalées. »
[notre soulignement]
[8] Dans la même section de son rapport, le représentant de Lawadessa mentionne ce qui suit, en page 22 :
« Des légers dénivellements ont été observés sur les planchers des appartements. Cependant, nous n’avons trouvé aucun indice nous laisser (sic) soupçonner de déficiences structurelles. Certaines tuiles en céramique du plancher de l’appartement 387 sont cassées.
(…)
Les portes de l’intérieur sont fonctionnelles, et elles paraissent dans un état satisfaisant è l’exception de deux portes qui sont légèrement endommagées et le cadre d’une porte de l’appartement 385 est déformé. (…) (sic) »
[nos soulignés]
[9] Le demandeur est rassuré par le rapport d’inspection préachat de Lawadessa. Sur la base de ce rapport, il achète le duplex quelques jours plus tard.
[10] Au cours du mois d’avril 2013, le demandeur retient les services d’un peintre pour repeindre certains murs du duplex. Dès son arrivée sur les lieux, le peintre constate la présence de fissures en cisaillement sur le revêtement de placoplâtre de certains murs.
[11] Il explique alors au demandeur que de telles fissures sont généralement causées par un mouvement du mur, ce qui est symptomatique d’un problème de structure de l’immeuble. Il suggère au demandeur de ne pas faire repeindre les murs, et ce, tant que la cause des fissures n’aura pas été découverte.
[12] Le demandeur est aussi inquiété par la présence de fissures dans le revêtement de céramique du plancher du rez-de-chaussée. Les fissures affectent plusieurs tuiles et suivent un tracé linéaire d’une tuile à l’autre. De plus, le plancher en parqueterie de bois est dénivelé à plusieurs endroits et les portes intérieures ferment mal.
[13] Il décide alors de faire vérifier le duplex par un expert afin de comprendre ce qui se passe. Il mandate Stéphane Bossus, un inspecteur en bâtiments qui travaille pour la société CELB.
[14] Le 17 juin 2013, Stéphane Bossus inspecte le duplex du demandeur. Le 16 juillet 2013, il transmet au demandeur un rapport écrit de 17 pages auquel il joint 95 photos qui sont toutes commentées dans son rapport.
[15] L’expert Bossus témoigne à l’audience. Il a une formation d’ingénieur, mais a quitté cet ordre professionnel en 2005 après en avoir fait partie pendant cinq ans. Il œuvre dans le domaine de l’expertise en bâtiments depuis 1999. Selon son curriculum vitae, il a rédigé plus de 3 600 expertises et précise qu’il a témoigné devant les tribunaux comme expert en bâtiments à près de 700 reprises depuis le début de sa carrière. Le Tribunal l’a reconnu comme témoin expert en bâtiments.
[16] Après avoir décrit ce qu’il a constaté lors de son inspection et commenté les 95 photos produites, l’expert Bossus conclut ce qui suit dans son rapport, aux pages 15 à 18 :
« (…)
Nous avons constaté visuellement la présence d’un très grand nombre de fissures fracturant de façon linéaire les tuiles de céramique des aires de la cuisine, de la salle à manger et d’une section du corridor.
La nature même desdites fissures ainsi que leur alignement et les décrochements verticaux des lèvres constatés témoignent du fait qu’un désordre structurel affecte ces surfaces des planchers.
L’étude des structures en place nous a permis de constater que la section arrière du bâtiment est supportée par des solives transposant les charges du plancher sur une poutre.
Or, la section frontale du plancher repose, quant à elle, sur un mur de blocs de béton sur lequel nous retrouvons également des briques liées par des joints de mortier, appui beaucoup plus stable que la poutre et les éléments de bois retrouvés à l’arrière.
Ce type de structure mixte provoque les désordres constatés de façon prépondérante.
Effectivement, les éléments de structure de bois se déforment plus facilement créant ainsi des différences de niveau non négligeables dans les surfaces de plancher.
À cet effet, nous avons également constaté de nombreux gondolements et des ondulations affectant le plancher du rez-de-chaussée.
Au jour de sa visite, l’inspecteur de notre mandant a constaté lesdits désordres.
Plus particulièrement, celui-ci a noté de légers dénivellements qui ont été observés sur les planchers des appartements.
Celui-ci ajoute que cependant qu’il n’a trouvé aucun indice laissant soupçonner des déficiences structurelles.
De plus, l’inspecteur a constaté certaines tuiles en céramique de la cuisine de l’appartement 387 comme étant cassées.
Ces énoncés de la part de l’inspecteur laissent le soussigné fort perplexe.
Effectivement, tous les indices notés par ledit inspecteur militaient plutôt en faveur de désordres structurels non négligeables.
L’inspecteur, malgré tous ces indices, s’est plutôt montré fort rassurant envers l’acheteur à cet égard.
À ce titre, avec égard, nous sommes d’opinion que l’inspecteur a erré.
Effectivement, de tels gondolements, des ondulations, des fissures rectilignes fracturant la céramique, des dénivellations des planchers des décadrements des portes ainsi que la présence de fissures structurelles dans les surfaces de gypse murales témoignaient plutôt d’un problème qui origine des structures du plancher, et donc de support.
Devant de tels indices, l’inspecteur se devait plutôt que de rassurer l’acheteur, diriger ce dernier vers une recherche plus exhaustive des causes créant lesdits désordres observables.
À ce titre, nous avons procédé à un trou exploratoire visant l’identification des structures de pontage du plancher du rez-de-chaussée.
Nous avons constaté, suite à la perforation de la céramique et du pontage, que celui-ci est de trop faible épaisseur soit à peine 3/4 de pouce alors que la règle de l’art exige un minimum de 1 1/2 pouce pour de telles tuiles.
Il sera donc nécessaire de procéder aux travaux tels que plus amplement décrits à l’item 6.2 du présent rapport d’expertise visant des consolidations structurelles soit l’ajout de solives en interstices de celles existantes en plus d’ajout de poteaux de support (colonnes) et le doublage du pontage de contreplaqué du rez-de-chaussée partout là où de la céramique est retrouvée à l’exception de la salle de bain.
Pour ce faire, la céramique se devra d’être retirée en entier puis, refaite.
Le soussigné est d’opinion que l’inspecteur préachat en présence de signes apparents pouvant révéler un vice caché potentiel devait non seulement les noter, mais également formuler des réserves et fournir des explications.
Dans tous les cas, celui-ci ne doit pas uniquement se contenter d’énumérer les quelques désordres observables. Il devait en plus établir le vice potentiel et diriger les acheteurs vers un expert.
Devant de tels désordres, l’inspecteur se devait d’émettre un signal d’alarme clair à notre avis.
Effectivement, ces désordres représentaient, à notre avis, des drapeaux rouges, lesquels se devaient de piquer fortement la curiosité dudit inspecteur en termes de désordres structurels.
À notre avis, l’inspecteur a sous-évalué l’ampleur du problème pour lesquels des désordres observables étaient révélateurs. »
[nos soulignés]
[17] Le 4 juillet 2013, après avoir reçu les conclusions préliminaires de l’expert Bossus, le demandeur transmet une mise en demeure à Lawadessa dans laquelle il reproche à cette dernière de ne pas lui avoir fait de recommandations en lien avec le dénivellement prononcé des planchers et des portes du duplex. Il demande au représentant de Lawadessa de communiquer avec lui, dans les dix jours de la réception de sa mise en demeure, pour discuter des problèmes soulevés dans sa lettre.
[18] Le 16 juillet 2013, Nizar Nofal se rend chez le demandeur en compagnie de M. Ghasoub Samaan, un collègue inspecteur en bâtiments, pour vérifier les allégations du demandeur. Ce dernier lui montre une copie électronique du rapport de l’inspecteur Bossus, sans les photos, car il n’a pas encore reçu sa copie papier du rapport de l’inspecteur Bossus.
[19] Le 28 septembre 2013, Nizar Nofal retourne sur les lieux en compagnie de M. Mounir Zakhour, un ingénieur en structure. Ce dernier n’est pas en mesure de faire son inspection, car les éléments structuraux du duplex sont toujours recouverts par le revêtement du plafond et des murs.
[20] Le représentant de Lawadessa, Nizar Nofal, conteste vigoureusement les conclusions de l’expert Bossus. Selon lui, le duplex n’est affecté d’aucun vice structural. Les fissures de la céramique et le dénivellement des planchers de parqueterie ont été causés par un mouvement du plancher en lien avec le séchage du bois de charpente lors des premières années suivant la livraison de l’immeuble. Ce mouvement a cessé depuis longtemps. Il a vérifié toutes les portes et seule la porte de la salle de bain du sous-sol se ferme mal en raison de la variation du taux d’humidité durant la saison estivale.
[21] Les vices allégués par le demandeur ne sont qu’esthétiques et étaient tous visibles lors de son inspection du 6 octobre 2012. Il ajoute que le demandeur n’a pas prouvé qu’un vice de structure affecte le duplex. De plus, l’expert Bossus utilise la version du Code national du bâtiment en vigueur en 1995, alors que le duplex a été construit en 1980.
[22] Le Tribunal note que le représentant de Lawadessa ne commente pas les conclusions de l’expert Bossus selon lesquelles le revêtement de céramique est affecté d’un vice de construction[2].
[23] Selon Lawadessa, le recours du demandeur est frivole et mal fondé. Elle lui réclame 3 000 $ pour compenser les dommages qu’elle a subis. Elle produit des factures en lien avec les déboursés qu’elle a encourus, lesquels totalisent 1 592,43 $. Ces déboursés comprennent une facture d’honoraires d’avocats de 339,18 $. La balance de 1 407,57 $ correspond au salaire versé à son dirigeant pour la gestion du présent litige.
[24] Pour avoir gain de cause dans son recours, le demandeur doit démontrer que Lawadessa n’a pas respecté ses obligations envers lui et a commis une faute contractuelle[3]. Il doit aussi démontrer qu’il a subi des dommages qui sont en lien direct avec la faute commise[4].
[25] Il convient d’abord de définir le cadre juridique dans lequel opère un inspecteur préachat lorsqu’il inspecte un immeuble au bénéfice de son client.
[26] Dans l’affaire Roy c. Tétreault[5], la juge Line Samoisette, J.C.S., circonscrit le cadre juridique de la responsabilité de l’inspecteur préachat en ces termes :
« [61] Avant de débuter l'analyse des divers problèmes soulevés par les demandeurs, il importe de circonscrire le rôle de l’inspecteur préachat et la portée de son inspection. Ces sujets ont été traités tant dans la doctrine que dans la jurisprudence.
[62] Dans le volume Droit immobilier, Me Geneviève Cotnam s'est penchée sur la portée de l'inspection préachat. Elle écrit[6] :
« 2.1.4 La portée de l'inspection pré-achat
L’inspecteur pré-achat a, à l'égard de son client, une obligation de moyens et non de résultat. À ce titre, il doit agir avec prudence et diligence. L'inspection pré-achat est une inspection générale et non une expertise. L'objectif d'une inspection n'est pas de découvrir et d'identifier des indices susceptibles d'indiquer un problème potentiel affectant le bien acheté et qui pourrait avoir une influence sur son prix. Tout au plus l'inspection a-t-elle pour but d'aviser le futur acheteur des problèmes potentiels du bâtiment et il appartiendra alors à l'acheteur de pousser plus loin sa démarche s'il désire procéder néanmoins à l'acquisition, le jeu des négociations entre le vendeur et l'acheteur étant alors enclenché. L’inspecteur pré-achat n'a pas, contrairement à l'expert, le mandat d'identifier la cause du vice et les solutions potentielles. De la même façon, il se contentera d'une inspection visuelle, c'est-à-dire d'un « examen attentif et sérieux quoique plutôt rapide et non approfondi. En l'absence d'un indice révélateur, l'acheteur ou L’inspecteur n'a pas à ouvrir les murs ou à creuser autour des fondations. »
L'inspection doit cependant couvrir les composantes visibles d'un immeuble à l'intérieur et à l'extérieur, l'objectif poursuivi étant d'identifier les vices apparents majeurs ou ceux susceptibles de diminuer l'usage ou la valeur de l'immeuble. Cela implique que le rapport devrait indiquer également les vices apparents qui, au premier abord, ne semblent pas très sérieux mais pourraient révéler la présence possible d'un vice caché.
(…)
En effet, si l'inspection révèle la présence de signes annonciateurs d'un vice potentiel, l’inspecteur a l'obligation de faire un examen plus approfondi. S'il ne le fait pas et qu'un vice est mis au jour, la conclusion que le vice n'était pas caché s'imposera alors. L'acheteur devra supporter les conséquences de l'examen négligent par son expert. Ironiquement, le vice qui aurait possiblement été occulte pour l'acheteur devient apparent du fait de la faute de l’inspecteur. L'acheteur disposera alors d'un recours en responsabilité contractuelle contre l’inspecteur.
[63] Dans le livre, La Responsabilité de l’inspecteur préachat, les auteurs ont fait une revue de jurisprudence traitant des limites de l'inspection préachat et en ont fait un résumé:[7]
~ L’inspecteur préachat est un généraliste;
~ L'inspection préachat n'est pas une expertise et n'a donc pas la même rigueur;
~ L'inspection préachat est une inspection visuelle seulement, mais approfondie;
~ L'inspection préachat ne comporte aucune mesure ou méthode destructive pour permettre de voir à l'intérieur des murs, des plafonds, des conduits mécaniques, des systèmes mécaniques ou dans tout autre espace inaccessible, caché ou non vérifiable;
~ En l'absence d'un indice révélateur, l’inspecteur n'a pas à ouvrir les murs ou à creuser autour des fondations;
~ L'inspection préachat ne garantit pas l'absence de vices cachés;
~ L'inspection préachat n'est pas une garantie d'identification de certaines conditions latentes;
~ L’inspecteur préachat n'a pas à tout sonder ou tout découvrir;
~ Le test de l'article 1726 C.c.Q. est celui de l'acheteur prudent et diligent et non pas celui de l'expert tatillon sur qui repose une sorte d'obligation de résultat;
~ Le but de l'expertise préachat n'est pas de procéder à une analyse en profondeur de la structure de l'immeuble;
~ L'inspection préachat n'est pas une inspection de conformité aux divers codes ou normes;
~ L’inspecteur préachat n'est pas tenu de proposer des correctifs efficaces aux défectuosités décelées, il peut choisir de référer son client à un expert en la matière;
~ Le rapport d'inspection préachat ne constitue pas une garantie ou une police d'assurance de quelque nature que ce soit;
~ Lorsque l’inspecteur préachat commet une faute, l'acheteur en subit les conséquences juridiques. La non-prudence et la non-diligence de l’inspecteur préachat sont assumées par l'acheteur qui perd son recours contre son vendeur.»
[64] Ces mêmes auteurs proposent également un résumé des grands principes entourant les obligations de l’inspecteur préachat[8]:
~ Les obligations de l’inspecteur préachat sont les mêmes que celles de l'acheteur au sens de l'article 1726 C.c.Q. ;
~ L’inspecteur doit agir avec prudence et diligence;
~ L'inspection préachat est une inspection des composantes visibles d'un immeuble visant à déterminer les défauts apparents majeurs qui affectent l'immeuble ou qui en diminuent l'usage ou la valeur;
~ Lorsque l’inspecteur doit noter des vices apparents qui peuvent ne pas sembler sérieux, mais qui pourraient indiquer la présence possible d'un vice caché plus sérieux, l’inspecteur se doit d'attirer l'attention de son client sur cette possibilité et le référer à un expert en la matière ou proposer des correctifs efficaces aux défectuosités décelées;
~ L’inspecteur qui propose de tels correctifs encourt alors une responsabilité à cet égard;
~ L’inspecteur préachat doit voir ce qui doit être « vu » ou « constaté » et l'interpréter;
~ Si l'inspection révèle la présence de signes annonciateurs d'un vice potentiel, l’inspecteur a l'obligation de faire un examen plus approfondi;
~ L’inspecteur doit référer le client à un spécialiste en cas de doute quant à l'existence d'un vice.»
[nos soulignés]
[27] Dans l’affaire Bertosa c. Gabay[9], le juge Pierre Nollet, J.C.S., conclut à la responsabilité d’un inspecteur préachat en ces termes :
«1) L'inspecteur préachat a-t-il commis une faute?
[45] L'inspection préachat n'est pas, en général, une expertise au sens de l’article 1726 du C.c.Q.. Ce sont des yeux additionnels qui examinent le bien convoité par les acheteurs afin d'avoir l'avis d'une personne désintéressée.
[46] Monsieur Larose travaille pour la Société Auclair de 2006 à 2009. La Société Auclair reçoit le mandat d'inspection et elle désigne son préposé, M. Larose, pour l'effectuer. Il est inspecteur en bâtiment depuis 10 ans. Il donne de la formation sur le métier d'inspecteur en bâtiment. Il a aussi été entrepreneur général en rénovation pendant 15 ans.
[47] Monsieur Larose admet que les détails de cette affaire sont loin dans sa mémoire. Il se souvient que le parement de pierre avait quelques fissures et que des réparations étaient nécessaires. De son point de vue, le bâtiment était considéré comme normal vu son âge.
[48] L'inspecteur Larose confirme qu'en général, les inspecteurs ne reçoivent pas de déclarations des vendeurs. Il ne se souvient pas quand et comment il a reçu la déclaration de la venderesse (DS-1), ni même s'il l'a eue en sa possession.
[49] De toute évidence, s'il en a noté le numéro dans son rapport c'est parce qu'on la lui a montrée. Il ne se souvient pas l'avoir remise à Peter Bertosa.
[50] La première inspection a lieu le 18 novembre 2006. Puisque l'inspecteur ne peut avoir accès à l'entretoit, il effectue une deuxième inspection, soit le même jour ou quelques jours plus tard. Il communique son rapport verbalement aux acheteurs au moment de la visite.
[51] Le rapport écrit suit 7 à 10 jours après la visite de l'inspecteur. À ce moment, les acheteurs ont déjà pris la décision d'acheter. Ils ont même levé la condition d'inspection avant de recevoir le rapport.
[52] Le rapport écrit fait mention de la déclaration de la venderesse DS-1 au sujet de l'incendie, mais Peter Bertosa dit ne pas comprendre la signification de cette référence.
[53] Monsieur Bossus, expert des défendeurs Patricia Gabay et Gregory Ostafichuk, est ingénieur et possède une entreprise de construction.
[54] Selon lui, les signes de l'incendie sont visibles et permettent d'évaluer l'envergure du feu. Le bois carbonisé de la lisse haute est apparent. L'électricien Mucci témoignera à l'effet contraire et le tribunal accepte cette version puisque l'électricien est un témoin idoine. Sa version est crédible et contrairement à Monsieur Bossus, il ne témoigne du point de vue d'un expert.
[55] Selon Monsieur Bossus, l'entretoit est en bon état et ne nécessite qu'une décontamination, une peinture après sinistre additionnelle et une amélioration de sa ventilation.
[56] Les moisissures constatées au sous-sol sont surfaciques et pourraient se régler par un simple nettoyage et le maintien d'un taux d'humidité et une température adéquate.
[57] L'absence de chantepleures est, selon Monsieur Bossus, un signe évident de malfaçon du mur de parement. De ce vice découle le pourrissement de la solive et de la lisse basse.
[58] Appelé à commenter l'absence de chantepleures et le manque de ventilation du mur de parement, Monsieur Larose indique que la présence de chantepleures n'était pas nécessairement une règle de l'art, dans les années 1970 (année de la construction de la propriété). Il ajoute que c'est probablement pour cette raison qu'il ne l'a pas remarqué.
[59] Selon Monsieur Bossus, les signes d'humidité sont apparents dans le sauna au sous-sol, mais il admet cependant les avoir initialement attribués dans son rapport à de la condensation alors que dans son témoignage il parle d'infiltration d'eau.
[60] Les experts Bossus et Brosseau prétendent que l'absence de chantepleures, la présence d'efflorescence sur la pierre, les fissures sur les murs extérieurs, la présence de cernes ou moisissures sur la lisse basse du garage auraient dû être des signes précurseurs du vice relié au mur de parement extérieur.
[61] Ces constatations auraient dû inciter l'inspecteur préachat à recommander une expertise plus poussée. L'expert Guertin n'est pas entièrement de cet avis, mais admet que l'inspecteur préachat n'a pas fait toutes les recommandations nécessaires à ses clients.
[62] L'inspecteur Larose n'a certes pas les qualifications de l'expert Bossus ni de l'expert Guertin. On ne peut s'attendre de lui à ce qu'il livre la même expertise. Toutefois, quiconque souhaite s'afficher comme inspecteur en bâtiments doit pouvoir rencontrer les règles de l'art.
[63] Comme le note Me Mélanie Hébert :
L'inspecteur a donc l'obligation de constater les vices apparents et d'apporter une attention particulière à tout indice pouvant présager un vice ou une défectuosité importante. Il doit voir ce qui doit être « vu » ou « constaté » et l'interpréter (Préseault c. Inspec-Tech inc. et Pépin) sinon il pourra se faire reprocher sa négligence. Enfin, il doit référer le client à un spécialiste en cas de doute quant à l'existence d'un vice.[10]
[64] Les règles de l'art dont on parle ici bénéficient aux acheteurs qui concluent le contrat de service.
[65] La doctrine[11] et la jurisprudence[12] établissent que l'obligation de diligence et de vérification des acheteurs et de l'inspecteur est la même. La venderesse ne peut opposer aux acheteurs que le défaut de diligence et de prudence que l'on attend d'eux.
[66] À l'égard des acheteurs, la principale obligation de l'inspecteur préachat est de noter ce qui peut être apparent. Il doit en tirer des conclusions ou s'il est incapable de le faire, doit référer les acheteurs à un expert qui saura le faire.
[67] Dans le présent cas, les conclusions de Monsieur Larose consistent surtout à recommander des réparations d'entretien et certaines autres vérifications.
[68] Relativement à l'incendie, l'inspecteur note tout ce qu'il devait noter et les acheteurs ont déjà levé la condition avant même de recevoir le rapport écrit.
[69] Par contre, si, au sujet des fissures, l'inspecteur avait recommandé aux acheteurs de consulter un maçon tel Monsieur Robert, pour une somme minimale et une démarche relativement simple, le vice du mur de parement serait apparu.
[70] Le même raisonnement s'applique pour le manque de ventilation de l'entretoit.
[71] En personnes diligentes, les acheteurs auraient vraisemblablement poursuivi leur enquête pour découvrir l'impact de ces défauts et auraient alors appris la possibilité de contamination.
[72] Dans la cause Asselin[13], la Cour supérieure a décidé que la seule présence de fissures dans le solage aurait normalement dû signaler à un acheteur prudent et averti la nécessité de pousser plus loin son évaluation. De la même façon, un expert compétent aurait également été en mesure de conseiller à l'acheteur de procéder à une évaluation plus approfondie.
[73] De même dans la cause Beaupré[14], la Cour d'appel estime que si les fissures sont apparentes, l'acheteur doit procéder à un examen plus approfondi.
[74] Le tribunal est d'avis que l'inspecteur Larose a commis une faute vis-à-vis des acheteurs en ne respectant pas les règles de l'art. Il n'a pas interprété correctement les signes apparents et a négligé de recommander un expert compétent aux acheteurs.
[75] Plusieurs décisions ont retenu la responsabilité de l'inspecteur préachat dans un tel contexte[15]. Ce doit être aussi le cas ici.»
[nos soulignés]
[28] Dans l’affaire Pépin c. Dupuis[16], le juge Pierre Boily, J.C.S., critique le travail d’un inspecteur préachat dans le cadre d’un recours intenté par des acheteurs contre leurs vendeurs, en ces termes :
« [30] L’article 1926 du C.c.Q. précise que le vice apparent est celui qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
[31] La Cour d'appel, dans l'arrêt Blanchard Sauriol c. Guerlin et Chiasson[17], est venue préciser:
"L'acheteur prudent et diligent d'un immeuble, procède à un examen visuel attentif et complet du bâtiment. Il est à l'affût d'indice pouvant laisser soupçonner un vice. Si un doute sérieux se forme dans son esprit, il doit pousser plus loin sa recherche. D'une part on ne peut exiger d'un acheteur prudent et diligent une connaissance particulière dans le domaine immobilier. D'autre part, on ne peut conclure au vice caché si le résultat d'un examen attentif aurait amené une personne prudente et diligente à s'interroger ou à soupçonner un problème. À partir de ce point l'acheteur prudent et diligent doit prendre les mesures raisonnables, selon les circonstances, pour connaître l'état réel du bâtiment. Il ne saurait se replier sur son manque de connaissance si son examen lui permet de soupçonner une anomalie quelconque."
[32] Pour sa part, la juge Courville, dans l'affaire Préseault c. Pépin[18] indique:
" [37] L'acheteur doit procéder à un examen sérieux car même si la découverte du vice présente quelque difficulté, il n'en reste pas moins que la possibilité de le découvrir suffit pour qu'il ne soit pas caché. La présence de signes révélateurs ou d'indices susceptibles de soulever des soupçons constitue un élément à considérer aux fins de déterminer si l'acheteur a agi avec la prudence et la diligence requise par la loi."
[33] Or, il ne suffit pas pour l'acheteur de faire appel à un inspecteur pour que le vice ne redevienne caché. Effectivement, la Cour suprême, dans l'arrêt Levine c. Homer[19], est venue établir qu'un vice demeure apparent si l'expert a fait un examen inadéquat alors qu'une inspection suffisante aurait permis de déceler le problème.
[34] La jurisprudence est également venue établir qu'un expert doit pousser son examen lorsqu'il est en présence d'indices. À cet effet, la juge Courville, toujours dans l'affaire Préseault c. Pépin souligne:
"[43] L'inspecteur a tout simplement fait preuve de négligence et d'incompétence en s'abstenant d'effectuer les vérifications qu'il avait pour mission d'accomplir et en ne cherchant pas à connaître les causes réelles des fissures.
[44] Constatant ces défauts, un inspecteur compétent aurait dû informer les demandeurs que cette situation requérait un examen plus détaillé ou, à tout le moins, les aviser de la possibilité de se retrouver avec un problème majeur."
[35] Toujours sur le même sujet, le juge De Michele ajoute, dans l'affaire Shafaee c. So[20]:
" [46] Ainsi donc, l'inspection préachat a pour but d'identifier les éléments qui ne fonctionnent pas correctement, de découvrir les indices de bris, de défauts ou vices apparents et d'en informer adéquatement l'acheteur potentiel et ce, même s'il s'agit d'une inspection visuelle, tel que c'est le cas présentement."
[36] Or, en ce qui a trait à la responsabilité du vendeur dans un cas où l'inspecteur n'a pas convenablement inspecté l'immeuble, le juge Durand dans l'affaire Beaudry c. Corporation Rodham Ltée[21] indique:
" […] Si le demandeur s'est fié à son expert et que celui-ci n'a pas fait son devoir ou l'a induit en erreur, il est forclos de réclamer au vendeur pour «vices cachés»."
[37] Pour sa part, le juge Lévesque, dans le dossier Corcuera c. Gaudry[22], affirme:
" [34] Avec ces indices, l'expert aurait dû en venir aux mêmes conclusions que messieurs Picaro et Ortona et trouver les vices révélés par les indices décrits ci-dessus. Ces vices étaient donc apparents au sens juridique du terme puisque la littérature judiciaire ultérieure à la promulgation du Code civil du Québec a retenu que l'acheteur qui fait appel à un expert dont l'examen s'avère insuffisant, a pour effet de dégager le vendeur puisque le vice est en réalité apparent, l'inspecteur étant alors considéré le mandataire de l'acheteur."»
[nos soulignés]
[29] Finalement, dans l’affaire Savard c. Cimon[23], le juge Jean-Pierre Bourduas, J.C.Q., conclut à la responsabilité d’un inspecteur préachat et traite des conditions permettant d’en arriver à une telle conclusion en ces termes :
« […]
[52] Quelle est l'obligation de l'inspecteur en bâtiment? Celui-ci est soumis aux articles 2098 et 2100 C.c.Q. L'inspecteur remplit un contrat de service et agit conformément aux usages et aux règles de son art.
2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.
[...]
2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
[53] L'inspecteur en bâtiment doit agir selon les intérêts de son client avec prudence et diligence. La conduite d'un inspecteur est soumise à une obligation de moyens.[24]
[54] Dans l'affaire Mercier c. Immeubles Trans-Unis inc., le juge Barbe écrit :
[...] le travail d'un inspecteur en bâtiment à l'occasion d'une inspection pré-achat d'une maison ne constitue d'aucune façon une garantie d'assurabilité, mais plutôt un examen attentif mais sommaire d'un bâtiment, qui a pour but de déceler les défauts apparents et les signes révélateurs de problèmes pouvant affecter de façon substantielle son intégrité et son utilité.[25]
[55] L'auteure Mélanie Hébert, résume l'étendue de l'obligation de l'inspecteur en bâtiment[26]:
L'inspecteur en bâtiment pré-achat doit non seulement s'assurer d'identifier tous les vices apparents affectant la résidence au moment de l'inspection, mais doit en plus se demander si ces vices apparents n'étaient pas des manifestations d'un vice sérieux.
[56] L'architecte Tanguay qui dénonce les vices apparents, soulève les nombreux défauts du système de plomberie de même que du système électrique: tels le bain et une toilette branlante, un lavabo non scellé, le drain du plancher non conforme, des robinets mal ajustés, du coulis fissuré sans joint d'étanchéité, des raccordements électriques dangereux, etc. L'architecte Tanguay dépose plus d'une centaine de photos qui illustrent ce qu'il a qualifié d'amateurisme.
[57] Suivant les enseignements de la Cour d'appel du Québec dans l'arrêt Beaupré c. Gélinas, l'étendue de l'inspection effectuée par un inspecteur est la même que celle effectuée par un acheteur prudent et diligent.[27]
[58] L'inspecteur en bâtiment devait attirer l'attention de ses mandants sur tous les éléments qui n'étaient pas conformes aux règles de l'art et ce, y compris les principaux systèmes. Les nombreuses photos déposées illustrent des agencements ou des raccords de tuyauterie qui apparaissent fragiles ainsi que de nombreux fils électriques boudinés ou tout simplement non fixés et lâches.
[59] L'architecte Michel Arcand mandaté par les défendeurs Jocelyn Cimon et Carole Lapierre, dans son rapport complémentaire (D-2), dénote de nombreux vices apparents tels, la structure du platelage de support ainsi que les nombreuses malfaçons de la plomberie. Il confirme ainsi l'évaluation de l'architecte Tanguay à l'effet que l'inspection préachat a été bâclée.[28]
[60] Les auteurs Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, dans leur Traité sur les obligations, définissent l'obligation de moyens au numéro 32 comme ceci:
L'obligation de moyens est celle pour la satisfaction de laquelle le débiteur est tenu d'agir avec prudence et diligence en vue d'obtenir le résultat convenu, en employant tous les moyens raisonnables, sans toutefois assurer le créancier de l'atteinte du résultat.[29]
[61] L'inspecteur s'est trop souvent réfugié derrière la nécessité de faire vérifier les systèmes par des spécialistes, alors que de nombreuses photos déposées démontrent qu'une observation attentive aurait dû amener quiconque à s'interroger sur la qualité du travail réalisé : ainsi en est-il de l'absence de chauffage dans le bureau, alors qu'un fil est dissimulé derrière une étagère (PH-2); de la céramique mal posée sans joint d'étanchéité (photo 8, 9, 10); ainsi que des conduits d'alimentation en eau et de renvois qui sont constitués de matériaux usagés (photos 36 et 37) etc.
[62] L'architecte Tanguay qualifie l'inspection préachat de « sommaire ». Il juge à-propos d'aviser son client de ne pas utiliser le foyer au gaz non conforme, de même que les installations électriques déficientes.
[63] Le tribunal conclut qu'une inspection sommaire, telle qu'exécutée en l'instance, ne rencontre pas l'obligation d'agir avec prudence et diligence. La preuve démontre que l'inspection préachat de Amérispec a été déficiente et qu'elle a entraîné des débours aux demandeurs qu'ils auraient pu éviter ou en être dédommagés ou remboursés si l'inspection avait été faite avec prudence et diligence.
[64] Amérispec, en vertu de l’article 1597 C.c.Q., était en demeure de plein droit.
1597. Le débiteur est en demeure de plein droit, par le seul effet de la loi, lorsque l'obligation ne pouvait être exécutée utilement que dans un certain temps qu'il a laissé s'écouler ou qu'il ne l'a pas exécutée immédiatement alors qu'il y avait urgence.
Il est également en demeure de plein droit lorsqu'il a manqué à une obligation de ne pas faire, ou qu'il a, par sa faute, rendu impossible l'exécution en nature de l'obligation; il l'est encore lorsqu'il a clairement manifesté au créancier son intention de ne pas exécuter l'obligation ou, s'il s'agit d'une obligation à exécution successive, qu'il refuse ou néglige de l'exécuter de manière répétée.
[65] Les dommages auxquels un inspecteur en bâtiment fautif est obligé sont des dommages équivalents au remboursement du montant des réparations, à la réduction du prix de vente, au montant du remplacement.[30]
[66] Compte tenu des débours déjà encourus (19 665,47 $) et de l'évaluation de l'ordre de plus de 23 000 $ pour les travaux à être faits, la réclamation de 7 000 $ sera donc accueillie.»
[nos soulignés]
[30] À la lumière des principes qui se dégagent des décisions qui précèdent, le test à appliquer pour déterminer si le représentant de Lawadessa a bien fait son travail lors de l’inspection préachat est celui de l’inspecteur prudent et diligent placé dans la même situation. Il s’agit d’un test objectif.
[31] Le Tribunal conclut que Lawadessa n’a pas respecté ses obligations contractuelles envers le demandeur. Lawadessa n’a pas fait de corrélation entre les indices qu’elle a découverts lors de l’inspection du duplex réalisée le 6 octobre 2012.
[32] Or, l’expert Bossus a fait cette corrélation à partir des seuls indices visibles et conclut que «de tels gondolements, des ondulations, des fissures rectilignes fracturant la céramique, des dénivellations des planchers, des décadrements des portes ainsi que la présence de fissures structurelles dans les surfaces de gypse murales témoignaient plutôt d’un problème qui origine des structures du plancher, et donc de support.[31]»
[33] En présence de tous ces indices, le représentant de Lawdessa devait, à tout le moins, alerter le demandeur de l’existence d’un vice potentiel de structure supportant le plancher et recommander une analyse plus poussée par un spécialiste en vue d’éliminer cette possibilité.
[34] De plus, le Tribunal retient l’opinion de l’expert Bossus lorsqu’il conclut que le plancher de céramique n’a pas été construit en respectant les règles de l’art. Une recommandation par Lawadessa de procéder à une vérification plus approfondie de la structure et de la composition des planchers aurait permis au demandeur de découvrir ce vice de construction avant la vente.
[35] Le Tribunal est d’avis qu’un inspecteur prudent et diligent, en présence des indices révélés lors de l’inspection préachat du 6 octobre 2012, devait alerter son client et lui suggérer de faire des vérifications plus approfondies. En omettant de le faire, Lawadessa a commis une faute contractuelle.
[36] Comme l’a conclu le juge Bourduas dans la décision précitée[32], « les dommages auxquels un inspecteur en bâtiment fautif est obligé sont des dommages équivalents au remboursement du montant des réparations, à la réduction du prix de vente, au montant du remplacement ».
[37] La preuve non contredite démontre que le coût de réfection du plancher de céramique est de 7 990,76 $[33], montant que le demandeur a réduit à 7 000 $. Le Tribunal conclut que le demandeur a droit à la somme de 7 000 $ qu’il réclame à la défenderesse.
[38] Quant aux frais d’expertise et de présence à la Cour facturés par CELB inc. qui totalisent 2 152,78 $[34], le Tribunal en limite le remboursement par la défenderesse à la somme de 1 000 $. Cette réduction ne doit pas être vue comme une critique négative du travail de l’expert Bossus, car son expertise fut utile pour le Tribunal. Il s’agit plutôt d’une mesure prise par le Tribunal en vertu de l’article 4.2 du Code de procédure civile qui stipule :
« Dans toute instance, les parties doivent s’assurer que les actes de procédure choisis sont, eu égard aux coûts et au temps exigés, proportionnés à la nature et à la finalité de la demande et à la complexité du litige; le juge doit faire de même à l’égard des procédures qu’il autorise ou ordonne. »
[39] Vu la conclusion à laquelle en vient le Tribunal quant à la question précédente, la demande reconventionnelle est rejetée, sans frais.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande.
CONDAMNE la défenderesse Lawadessa inc. à payer au demandeur Mourad Chaouch la somme de 7 000 $ avec les intérêts au taux de 5 % l'an ainsi que l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter du 15 août 2013, date de l’assignation, et les frais de la demande au montant de 167 $.
CONDAMNE la défenderesse Lawadessa inc. à payer au demandeur Mourad Chaouch les frais de CELB inc., limités à la somme de 1 000 $.
REJETTE la demande reconventionnelle, sans frais.
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__________________________________ BENOIT SABOURIN, j.c.q. |
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Date d’audience : |
18 septembre 2014 |
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[1] Le demandeur produit une estimation du coût des travaux liés au remplacement de la céramique pour la somme de 7 990,76 $ (Pièce P-5). Selon les prétentions de l’expert du demandeur, Stéphane Bossus, d’autres travaux doivent être envisagés, notamment à la structure de l’immeuble. Le coût des ces travaux supplémentaires n’a fait l’objet d’aucune preuve au cours de l’audience. Questionné par le Tribunal sur cette carence dans sa preuve, le demandeur a renoncé à réclamer le coût de ces travaux supplémentaires à Lawadessa et a consenti à réduire sa réclamation globale à 7 000 $ en vue de se conformer au seuil de juridiction de la Division des petites créances.
[2] Extrait du rapport de Stéphane Bossus, page 17 : «Nous avons constaté, suite à la perforation de la céramique et du pontage, que celui-ci est de trop faible épaisseur soit à peine 3/4 de pouce alors que la règle de l’art exige un minimum de 1 1/2 pouce pour de telles tuiles.»
[3] Article 1458 du Code civil du Québec.
[4] Articles 1607 et 1613 du Code civil du Québec.
[5] 2013 QCCS 4386.
[6] Geneviève COTNAM, « Le caractère caché du vice », dans La Collection Blais, vol. 5, Droit immobilier, avec la collab. de René VINCENT, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2010, p. 84 et 86.
[7] Lorraine TALBOT, Isabelle VIENS, Natale SCRENCI, La responsabilité de l’inspecteur préachat, Cowansville, Éd. Yvon Blais, 2012, p. 48-49.
[8] Précité, note 6, p. 42-43.
[9] 2010 QCCS 4420.
[10] Mélanie HÉBERT, « Retour sur la responsabilité de l'inspecteur préachat : les développements récents », dans Développements récents en droit immobilier, Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2007, Droit civil en ligne (DCL), EYB2007DEV1403, p. 6.
[11] Mélanie HÉBERT, «L'inspecteur préachat: sa responsabilité a-t-elle des limites?», dans Développements récents en droit immobilier, Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2002, Droit civil en ligne (DCL), EYB2002DEV311, p. 11
[12] Asselin c. Audet, [2001] REJB 2001-24260 (C.S.).
[13] Précité, note 11.
[14] Beaupré c. Gélinas, [2000] REJB 2000-20113 (C.A.).
[15] Corbeil c. Séjourné, J.E. 2009-1512 (C.Q.); Di Cesare c. Sciarraba, J.E.2005-2254 (C.Q.); Nadeau c. Pelletier, EYB 1995-72902 (C.S.); Laperrière c. Lahaie , [2007] no AZ-50413618 (C.S.) (appel accueilli en partie), [2009] no AZ- 50563767 (C.A.).
[16] 2010 QCCS 2163.
[17] REJB 2004-61005.
[18] AZ-50125103.
[19] [1962] R.C.S. 243.
[20] 2009 QCCQ 6208.
[21] C.P. Montréal, no 500-02-016497-864, 6 avril 1988.
[22] AZ-50257026.
[23] 2012 QCCQ 2992.
[24] Jacques DESLAURIERS, Vente, louage, contrat d'entreprise ou de service, 2005, Wilson et Lafleur, p. 602; Mélanie HÉBERT, Développements récents en droit immobilier (2002) Éditions Yvon Blais, p. 3 - L'inspecteur préachat : Sa responsabilité professionnelle a-t-elle des limites?
[25] Mercier c. Immeubles Trans-Unis inc., hon. juge Raoul P. Barbe, B.E. 2003BE-510 (C.Q,) par. 33.
[26] Précité note 24, Mélanie HÉBERT.
[27] Beaupré c. Gélinas, J.E. 2000-1823 (C.A.Q.).
[28] Rapport d'expertise préliminaire et rapport complémentaire, Arcand et Laporte, architectes (D-1 et
D-2).
[29] Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre Gabriel JOBIN, Les Obligations, 5e Édition, Les Éditions Yvon Blais, p. 32, numéro 32
[30] Côté c. 9085.9638 Québec inc. et Pilon c. Daigle dans l'article cité de Mélanie Hébert, précité note 24
[31] Pièce P-3, page 16
[32] Savard c. Cimon, 2012 QCCQ 2992, par. 65.
[33] Pièce P-5.
[34] Soit 1437,19 $ pour l’inspection et la rédaction du rapport d’expert et 718,59 $ pour la préparation du témoignage et la présence à la Cour.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.