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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 25 octobre 2004, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’inversion qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;
[3] En effet, nous aurions dû lire : Gertrude Laforme, associations syndicales et Jean-Marie Trudel, associations d’employeurs.
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Robert Langlois |
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Commissaire |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
25 octobre 2004 |
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Région : |
Montréal |
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Dossier : |
233592-71-0405 |
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Dossier CSST : |
122961618 |
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Commissaire : |
Robert Langlois |
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Membres : |
Gertrude Laforme, associations d’employeurs |
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Jean-Marie Trudel, associations syndicales |
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Souad Chetoui |
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Partie requérante |
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et |
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Bistro Champ Élysées/Al Van Houtte |
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Partie intéressée |
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[1] Le 3 mai 2004, madame Souad Chetoui (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 7 avril 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision faite par la travailleuse le 25 novembre 2003 concernant les décisions des 22 et 25 août 2003 parce que cette demande a été faite après l’expiration du délai prévu par l’article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] L’audience s'est tenue le 15 octobre 2004 à Montréal en présence de la travailleuse qui n’est pas représentée. L’entreprise Bistro Champ Élysées/AL Van Hotte n’y est pas présente.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse soutient qu’elle a des motifs raisonnables de ne pas avoir fait sa demande de révision dans le délai prévu par la loi; elle demande d’être relevée des conséquences de son défaut d’avoir respecté ce délai et de déterminer que la CSST ne pouvait suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 18 août 2003.
LA PREUVE
[5] La travailleuse exerce l’emploi de commis au comptoir lorsque le 24 septembre 2002, elle s’inflige une entorse lombaire pour laquelle des traitements de physiothérapie lui sont prescrits.
[6] La CSST reconnaît la présence d’une lésion professionnelle et procède au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[7] Alors que sa lésion n’est pas consolidée, le 18 août 2003, la travailleuse s’absente pour un séjour au Maroc. Durant l’audience, elle explique qu’elle est d’origine marocaine. Elle mentionne également que son séjour au Maroc s’est déroulé sur une période de deux mois et a été rendu nécessaire pour prendre soin de sa mère qui a subi une intervention chirurgicale aux deux pieds.
[8] Elle précise que durant l’année 2001, son père qui résidait au Maroc, est décédé alors qu’elle demeurait au Québec. Elle avait été dans l’impossibilité d’assister aux funérailles et est demeurée avec un sentiment de culpabilité envers ses parents. C’est ainsi que lorsqu’elle a été informée que sa mère avait besoin de soins, elle a décidé d’aller lui rendre visite.
[9] Elle affirme que sa mère est âgée de 62 ans et qu’elle vit seule. Elle a deux filles qui demeurent à 300 et 200 kilomètres de la maison familiale mais qui, à cause de la distance et de leurs obligations familiales, ne peuvent lui venir en aide sur une base quotidienne.
[10] Le 18 août 2003, première journée d’absence de la travailleuse à ses traitements de physiothérapie, la CSST cesse de lui verser l’indemnité de remplacement du revenu parce qu’elle s’absente sans raison valable de ses traitements de physiothérapie. La CSST réclame également la somme de 173,84 $ versée à titre d’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 18 au 21 août 2003.
[11] Afin de justifier son retard à demander la révision des décisions rendues par la CSST les 22 et 25 août 2003, la travailleuse mentionne qu’elle avait déjà quitté le pays à ces dates. Elle n’a mandaté personne pour ramasser son courrier ou faire un suivi du courrier reçu. Elle précise que ce n’est qu’à son retour au Québec qu’elle a pris connaissance de ces décisions.
[12] Elle mentionne aussi que lors de son retour, vers le 13 octobre 2003, ses douleurs au dos étaient intenses.
[13] Les notes évolutives de la CSST nous indiquent que le 27 octobre 2003, la travailleuse communique avec l’agente de la CSST. Lors de cette conversation, elle précise que depuis son retour qui a eu lieu 15 jours auparavant, elle est très malade. Elle affirme également qu’elle a reçu les décisions de la CSST. L’agente l’informe qu’elle dispose d’un délai de 30 jours pour les contester et que ce délai commence à courir à compter du 27 octobre 2003. La CSST reprend alors le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[14] Le 25 novembre 2003, la travailleuse expédie sa demande de révision à l’encontre des décisions du 22 et 25 août 2003.
L’AVIS DES MEMBRES
[15] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment que le délai pour demander la révision des décisions rendues par la CSST doit être comptabilisé à compter de la date à laquelle la travailleuse en a pris connaissance, soit lorsqu’elle est revenue au pays le 14 octobre 2003. Toutefois, puisque l’agente de la CSST informe la travailleuse que ce délai commence à courir à compter du 27 octobre 2003 et que la travailleuse expédie sa demande de révision 29 jours plus tard, les membres opinent que cette explication correspond à un motif raisonnable permettant de déclarer que la demande de révision est recevable.
[16] Quant au bien fondé de la contestation, la membre issue des associations syndicales estime que la travailleuse a démontré qu’elle s’est absentée de ses traitements de physiothérapie pour une raison valable. Elle conclut que la CSST ne pouvait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[17] Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la travailleuse s’est absentée de ses traitements de physiothérapie pour une raison qui ne peut être qualifiée de valable. Il opine que c’est à bon droit que la CSST a cessé de verser l’indemnité de remplacement du revenu à la travailleuse.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[18] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si la demande de révision de la travailleuse a été faite dans le délai prévu par la loi et, dans la négative, doit examiner si la travailleuse démontre un motif raisonnable permettant de prolonger le délai.
[19] L’article 358 de la loi précise ceci :
358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.
[…]
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1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14.
[20] Puisqu’au moment où la CSST rend ses décisions, la travailleuse est absente du pays et est dans l’impossibilité de prendre connaissance des décisions rendues par la CSST, le tribunal estime que le délai pour demander la révision de ces décisions doit être comptabilisé à compter de son retour au pays, soit le 13 octobre 2003. Ce délai prend donc fin le 12 novembre 2003. La demande de révision a été transmise le 25 novembre 2003 et ne respecte pas le délai prévu à la loi.
[21] Toutefois, l’article 358.2 de la loi permet de prolonger ce délai :
358.2. La Commission peut prolonger le délai prévu à l'article 358 ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que la demande de révision n'a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.
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1997, c. 27, a. 15.
[22] La lecture des notes évolutives nous informe que le 27 octobre 2003, l’agente de la CSST informe la travailleuse qu’elle bénéficie de 30 jours pour demander la révision. C’est de bonne foi que la travailleuse s’est fiée à cette information et a transmis sa demande de révision 29 jours plus tard, soit le 25 novembre 2003.
[23] On constate donc que c’est sur la base de renseignements transmis par la CSST que la travailleuse a calculé le délai. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le motif pour avoir tardé à transmettre la demande de révision est valable. Celle-ci est donc recevable.
[24] Le tribunal doit maintenant déterminer si la CSST était fondée de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu à la travailleuse durant la période de son séjour au Maroc.
[25] À ce sujet, la loi prévoit ceci :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité:
[…]
2° si le travailleur, sans raison valable:
[…]
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
[…].
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[26] En l’espèce, à compter du 18 août 2003, la travailleuse a été dans l’impossibilité de se rendre à ses traitements de physiothérapie à cause de son séjour au Maroc.
[27] Ce séjour est motivé par des raisons familiales, alors que la travailleuse s’est rendue au Maroc pour prendre soin de sa mère qui a subi une intervention chirurgicale aux deux pieds.
[28] On constate cependant que les traitements de physiothérapie sont prescrits par le médecin qui a charge de la travailleuse et s’inscrivent dans le cadre des soins qui permettront une consolidation rapide de la lésion professionnelle. La travailleuse ne pouvait s’abstenir d’y assister sans que la CSST évalue ses motifs d’absence et, si ces motifs étaient jugés insuffisants, que l’indemnité de remplacement du revenu soit réduite ou suspendue.
[29] Le tribunal comprend que le motif exprimé par la travailleuse est humanitaire. Néanmoins, lorsqu’elle est en arrêt de travail à cause d’une lésion professionnelle, la travailleuse doit donner priorité à ses traitements de manière à ce que sa lésion soit consolidée le plus rapidement possible. L’aide apportée à sa mère ne doit pas se faire au détriment des soins que la travailleuse reçoit. Le tribunal estime que le motif soulevé par la travailleuse ne peut constituer une raison valable au sens de l’article 142 de la loi. La période d’absence aux traitements de physiothérapie durant une période de deux mois doit donc être soustraite de la période de versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[30] De plus, la Commission des lésions professionnelles estime qu’en omettant de se présenter aux traitements de physiothérapie durant une si longue période, la travailleuse a vraisemblablement aggravé sa condition et retardé la consolidation de sa lésion professionnelle : en cours de témoignage, elle précise qu’à son retour, ses douleurs lombaires étaient intenses. De plus, lors de la conversation avec l’agente de la CSST, elle mentionne que depuis son retour au Québec, il y a 2 semaines, elle est malade.
[31] De tout ce qui précède, le tribunal conclut que la travailleuse n’avait pas droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu durant son absence au Maroc. Lorsque la présente décision deviendra finale, elle devra remettre à la CSST la somme de 173,84 $ qui lui a été versée à titre d’indemnité de remplacement du revenu durant la période du 18 au 21 août 2003.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de la travailleuse, madame Souad Chetoui ;
INFIRME la décision rendue le 7 avril 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que la demande de révision faite par madame Chetoui le 25 novembre 2003 est recevable ;
DÉCLARE quant au fond que durant la période d’absence débutant le 18 août 2003 et causée par son séjour au Maroc, madame Chetoui n’avait pas droit au paiement de l’indemnité de remplacement du revenu ;
DÉCLARE que la travailleuse devra rembourser la somme de 173,84 $ à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
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Robert Langlois |
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Commissaire |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.