Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Hydro-Québec (Gestion acc. trav)

2010 QCCLP 5632

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Val-d’Or

26 juillet  2010

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

397900-08-0912

 

Dossier CSST :

133744573

 

Commissaire :

Paul Champagne, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Hydro-Québec (Gestion Acc. Trav)

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le  4 décembre 2009, Hydro-Québec (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 24 septembre 2009 et elle déclare que le coût des prestations en raison de la lésion professionnelle subie par monsieur Yvon Galarneau (le travailleur) est imputé au dossier financier de l’employeur.

[3]           Une audience était prévue le 28 mai 2010 à Val-d’Or. Le 13 mai 2010, l’employeur a demandé un délai de deux semaines afin de produire une argumentation écrite. Cette argumentation a été déposée au tribunal le 11 juin 2010.

[4]           Le tribunal a constaté qu’il manquait des pages à l’argumentation écrite produite par le représentant de l’employeur ainsi qu’un rapport médical, invoqué dans cette même argumentation, mais absent du dossier. Un message a été laissé au représentant de l’employeur et les pièces manquantes ont été déposées au tribunal les 29 et 30 juin 2010. Le dossier a donc été mis en délibéré le 30 juin 2010.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit à un transfert de l’imputation en vertu du premier paragraphe de l’article 327 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi) à compter du 30 décembre 2008.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           Le travailleur est ouvrier civil pour l’employeur.

[7]           Le 18 novembre 2008, le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu’il se fait écraser la main droite par un pigeonnier.

[8]           Le 19 novembre 2008, le docteur Goulet diagnostique une contusion à la main droite, fracture probable et il prescrit une radiographie.

[9]           Le 20 novembre 2008, le docteur Eid diagnostique une fracture P1 à la main droite et il prescrit un plâtre pour un mois. Ce plâtre est installé le même jour.

[10]        Le 22 décembre 2008, la CSST rend une décision à l’effet d’accepter la réclamation du travailleur pour une fracture de la main droite.

[11]        Le 30 décembre 2008, le docteur Eid mentionne dans son rapport destiné à la CSST, les éléments suivants :

Fracture ADL droite traité par plâtre

Algodystrophie réflexe main D

Physio intensive [sic]

 

[12]        Le 6 janvier 2009, le formulaire « Rapport initial et rapport de fin d’intervention en physiothérapie ou en ergothérapie » fait état des éléments suivants :

Homme 62 nas droitier, ouvrier civil Hydro-Qc statut 7 sem. Post-trauma écrasement main D ayant résulté en Fx P1d3 Dpuis algodystrophie sur plâtre trop serré. […] [sic]

 

[13]        Le 29 janvier 2009, un rapport d’imagerie médicale révèle que la fracture au 3e doigt droit est en voie de consolidation complète et que l’alignement est conservé.

[14]        Le 30 juin 2009, la CSST rend une décision à l’effet d’accepter le nouveau diagnostic d’algodystrophie à la main droite comme étant en relation avec la lésion professionnelle du 18 novembre 2008. Cette décision n’a pas été contestée par l’employeur.

[15]        Le 30 juillet 2009, le docteur Jean-Benoît Villeneuve, médecin désigné de l’employeur, mentionne dans une note d’évolution que les symptômes du CRPS (algodystrophie réflexe) se sont manifestés après une immobilisation plâtrée et il suggère à l’employeur de demander un transfert de coût.

[16]        Le 10 août 2009, l’employeur adresse une demande de transfert d’imputation à la CSST afin que les coûts reliés à la lésion professionnelle du 18 novembre 2008 soient imputés aux employeurs de toutes les unités à compter du 30 décembre 2008, soit la date à laquelle le diagnostic d’algodystrophie réflexe a été posé pour la première fois.

[17]        Le 24 septembre 2009, la CSST rend sa décision à l’effet de refuser la demande de transfert de l’employeur. Cette décision sera confirmée en révision administrative le 13 novembre 2009, pour le motif que la décision du 30 juin 2009 statuant sur la relation entre le diagnostic d’algodystrophie et la lésion professionnelle du 18 novembre 2008, n’a pas été contestée par l’employeur et qu’elle est devenue finale.

[18]        Le 25 septembre 2009, le docteur Eid consolide la lésion avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles et il réfère le travailleur à un autre médecin pour la production du rapport d’évaluation médicale. Ce rapport n’a pas été déposé au dossier de la Commission des lésions professionnelles.

[19]        L’employeur prétend qu’il a droit à un transfert de coût à compter du 30 décembre 2008 au motif qu’à partir de cette date, le travailleur a développé une algodystrophie réflexe en raison des soins reçus, soit un plâtre trop serré. Il demande l’application de l’article 327 de la loi qui se lit comme suit :

327.  La Commission impute aux employeurs de toutes les unités le coût des prestations :

 

1° dues en raison d'une lésion professionnelle visée dans l'article 31 ;

 

2° d'assistance médicale dues en raison d'une lésion professionnelle qui ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion.

__________

1985, c. 6, a. 327.

 

 

[20]        Le tribunal tient à préciser que le transfert d’imputation visé par l’article 327 de la loi n’est assujetti à aucun délai.[2]

[21]        Le transfert d’imputation est accordé à l’employeur si le travailleur a subi une lésion professionnelle au sens de l’article 31 de la loi qui se lit comme suit :

31.  Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :

 

1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

[22]        L’employeur n’a pas contesté la décision rendue par la CSST le 30 juin 2009. Le tribunal est d’avis que le fait de reconnaître la relation entre le diagnostic d’algodystrophie et la lésion professionnelle du 18 novembre 2008 n’est pas « inconciliable » avec le fait que cette même pathologie puisse découler des soins ou de l’omission des soins selon l’article 31 de la loi. La jurisprudence du tribunal n’est pas unanime à ce sujet mais de nombreuses décisions[3] sont à l’effet que la reconnaissance entre un diagnostic donné  et la lésion initiale n’empêche pas l’employeur de demander un transfert d’imputation en vertu de l’article 327 de la loi. Le soussigné partage le même avis.

[23]        Par ailleurs, dans le présent dossier, la décision de la CSST du 30 juin 2009 ne réfère en aucune façon à l’analyse du nouveau diagnostic dans le cadre de l’article 31 de la loi. De plus, les notes évolutives au dossier ne font aucune référence entre le nouveau diagnostic d’algodystrophie et les soins reçus par le travailleur. La CSST ne s’est donc pas prononcée sur la relation possible entre le diagnostic d’algodystrophie et les soins reçus par le travailleur avant de rendre sa décision suite à la demande de transfert de l’employeur.

[24]        Dans les circonstances, le tribunal considère que la demande de l’employeur doit être examinée sur le fond.

[25]        La jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles est à l’effet que la lésion dont il est question à l’article 31 de la loi, doit être distincte de la lésion professionnelle initiale[4].

[26]        La jurisprudence[5] du tribunal est également à l’effet que le paragraphe 1 de l’article 31 ne vise pas les conséquences indissociables de la lésion initiale telle une cicatrice après une chirurgie.  

[27]        De l’avis du tribunal, l’employeur a fait la démonstration par une preuve prépondérante que le travailleur a développé une lésion distincte en raison d’un traitement inadéquat, soit un plâtre trop serré. Le travailleur a d’abord été traité pour une fracture P1 au 3e doigt de la main droite. Le diagnostic d’algodystrophie est retenu à partir du 30 décembre 2008, soit quelques semaines après la mise en place du plâtre et ce diagnostic sera maintenu jusqu’à la consolidation de la lésion.

[28]          Le tribunal est d’avis que l’algodystrophie à la main droite constitue une maladie survenue par le fait ou à l’occasion des soins reçus en raison de la lésion professionnelle, soit un plâtre trop serré. À ce sujet, le tribunal dispose de l’opinion non contredite du docteur Villeneuve ainsi que des notes de l’ergothérapeute au dossier.

[29]        La lésion professionnelle est consolidée le 25 septembre 2009, soit environ 10 mois après l’événement initial, avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Selon la Table 1 des conséquences moyennes des lésions professionnelles les plus fréquentes en termes de durée de consolidation (ancienne table), une fracture à un doigt est consolidée dans les 5 semaines suivant l’accident. Ainsi en date du 30 décembre 2008, la lésion aurait dû être consolidée. Le tribunal en déduit qu’à partir de cette date, le travailleur est suivi seulement pour l’algodystrophie. D’ailleurs, les examens radiologiques réalisés par la suite révèlent la guérison de la fracture.

[30]        Il y a donc lieu de transférer les coûts de la lésion professionnelle à l’ensemble des employeurs en vertu de l’article 327 de la loi à partir du 30 décembre 2008, soit la date à laquelle le docteur Eid a retenu ce diagnostic pour la première fois.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête d’Hydro-Québec, l’employeur ;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative le 13 novembre 2009 ;

DÉCLARE que l’algodystrophie diagnostiquée le 30 décembre 2008 constitue une maladie au sens de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ;

DÉCLARE que les coûts reliés à cette maladie (algodystrophie) doivent être transférés à l’ensemble des employeurs à partir du 30 décembre 2008.

 

 

 

 

 

Paul Champagne

 

 

 

 

Me Guy-François Lamy

Affaires juridiques Hydro-Québec

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           J. P. Métal América inc., C.L.P. 240875-71-0408, 17 octobre 2008, L. Couture. Groupe Secto, C.L.P. 370746-31-0902, 24 juillet 2009, G. Tardif.

[3]           Les Constructions G.S.L. inc., C.L.P. 360733-01A-0810, 22 juin 2010, R. Arseneau.; E.P. Poirier ltée, C.L.P. 360262-62A-0810, 25 août 2009, C. Burdett; voir aussi : Métro Richelieu C.L.P. 291111-71-0606, 31 janvier 2007, D. Lévesque; Couche Tard inc., C.L. P. 359591-01A-0809, 30 novembre 2009, R. Arseneau; Centre d’insémination artificielle du Québec, C.L.P. 364272-62B-08-12, 1er juin 2010, F. Daigneault.

 

[4]           Coopérative des techniciens ambulanciers du Québec-Métropolitain, 90304-03-9708, 17 avril 1998, M. Carignan; Centre hospitalier Robert-Giffard, 177283-32-0201, 23 avril 2002, M.-A. Jobidon; Industrie John Lewis ltée, 182333-04-0204, 17 mars 2003, A. Gauthier; Entreprise Cara ltée et C.S.S.T., 214961-72-0309, 14 novembre 2003, D. Lévesque (03LP-205). Winners Merchants inc., 376386-31-0904, 2 novembre 2009, G. Tardif.

[5]           Bombardier Aéronautique [2002] C.L.P. 525 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.