Décision

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Hamelin et Système intérieur JPR

2011 QCCLP 1975

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

10 mars 2011

 

Région :

Montréal

 

Dossiers :

376863-71-0904      382573-71-0907

 

Dossier CSST :

132330267

 

Commissaire :

Jean-Claude Danis, juge administratif

 

Membres :

Jacques Garon, associations d’employeurs

 

Marcel Desrosiers, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Jean Léon Éthier, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Sophie Hamelin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Système intérieur JPR

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 376863-71-0904

 

[1]           Le 30 avril 2009, madame Sophie Hamelin, la travailleuse, conteste devant la Commission des lésions professionnelles une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 21 avril 2009, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Cette décision confirme celles rendues les 10 et 11 février 2009 et déclare ceci :

·        le nouveau diagnostic « entorse lombaire » ne constitue pas une lésion professionnelle;

·        il n’y a pas de relation entre le nouveau diagnostic de hernie discale L5-S1 et la lésion professionnelle de la travailleuse.

Dossier 382573-71-0907

[3]           Le 6 juillet 2009, la travailleuse conteste devant la Commission des lésions professionnelles une décision rendue par la CSST le 19 juin 2009 à la suite d’une révision administrative.

[4]           Cette décision confirme celles rendues les 12 et 14 mai 2009 et déclare ceci :

·        la travailleuse conserve une atteinte permanente de 1,10 % pour le syndrome de tunnel carpien, sans limitations fonctionnelles;

·        la travailleuse est capable d’exercer son emploi à compter du 30 septembre 2008.

[5]           La travailleuse est présente et représentée par Me André Laporte à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 26 octobre 2010. La compagnie système intérieur JPR, l’employeur, est absente.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]           La travailleuse demande au tribunal de conclure ce qui suit conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi):

Dossier 376863-71-0904

 

·        les diagnostics « entorse lombaire » et « hernie discale L5-S1 » sont des lésions professionnelles;

Dossier 382573-71-0907

·        la lésion professionnelle dont le diagnostic est « tunnel carpien droit » a entraîné un déficit anatomo-physiologique de 3 % et des limitations fonctionnelles;

·        la travailleuse n’a pas la capacité d’exercer son emploi.

 

LES FAITS

[7]           La Commission des lésions professionnelles retient, entre autres, ce qui suit de l’analyse du dossier et de la preuve reçue à l’audience.

[8]           La travailleuse occupe un poste de plâtrière chez l’employeur.

[9]           Le 11 septembre 2007, la travailleuse subit une lésion au poignet droit.

[10]        Le 5 novembre 2007, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse à titre de lésion professionnelle survenue le 11 septembre 2007, dont le diagnostic est un tunnel carpien droit. Cette décision n’est pas l’objet d’une demande de révision. La lésion est consolidée par le médecin traitant le 2 juin 2008 sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles. Il est mis en preuve que la travailleuse avait des traitements en ergothérapie durant la période de pré-consolidation du 19 mars au 29 mai 2008.

[11]        Le 29 avril 2008, les notes médicales rédigées par le médecin traitant indiquent que la travailleuse aurait trop chargé de poids pendant ses traitements en ergothérapie. En manipulant des charges d’environ sept kilogrammes, elle a eu une douleur lombaire sans irradiation. Une irradiation est ensuite apparue jusqu’à la plante du pied du côté gauche. Lorsqu’elle cessait la manipulation de charges, les douleurs disparaissaient. Le médecin pose donc le diagnostic d’entorse lombaire.

[12]        Le 2 juin 2008, le médecin qui a charge émet un rapport final consolidant la lésion sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[13]        Le 9 juin 2008, une évaluation des capacités fonctionnelles en physiothérapie mentionne une douleur dite très légère, un bilan articulaire fonctionnel, une légère diminution de la force de l’endurance au niveau du membre supérieur droit avec au jamar un bon indice de performance. On y précise ceci :

[…]

 

Il est de notre avis que les capacités physiques actuelles de Madame Sophie Hamelin sont très près des exigences de son travail de plâtrière en terme de mobilité, force et manipulations de charges / tolérances positionnelles. Toutefois, nous considérons que Madame ne possède pas l’endurance suffisante actuellement pour lui permettre un retour au travail réussi à temps complet. En effet, après environ 65 minutes d’activités diverses lors de l’évaluation, Madame ressentait un niveau de fatigue généralisé en plus d’une fatigue spécifique au membre supérieur droit à l’effort. Un RAT progressif serait préférable en parallèle avec la participation à un programme de développement des capacités de travail pour maximiser ses capacités physiques pour un RAT réussi.

 

[…]

 

[14]        On croit donc que cette dame ne possède peut-être pas l’endurance suffisante pour permettre un retour au travail plus progressif.

[15]        Le 19 juin 2008 également, madame Hamelin revoit le docteur So qui fait état d’un retour au travail régulier depuis le 16 juin 2006 avec phénomènes de douleur et d’engourdissement.

[16]        Le 15 juillet 2008, la travailleuse produit auprès de la CSST une réclamation pour rechute, récidive ou aggravation le 18 juin 2008. Cette réclamation est acceptée en regard du diagnostic « tunnel carpien droit ».

[17]        Le 26 septembre 2008, une résonance magnétique de la colonne lombo-sacrée indique ceci :

Compression intra-foraminale gauche de L5, secondaire à une protrusion discale foraminale gauche L-5-S1 et à une sténose foraminale bilatérale à prédominance gauche à un spondylolitshésis à prédominance gauche à L5-S1.

 

[18]        Le 30 septembre 2008, un rapport final au docteur So consolide la lésion avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

[19]        Le 30 septembre 2008 également, le médecin de la travailleuse pose le diagnostic  « hernie discale L5-S1 ».

[20]        Le 4 décembre 2008, la travailleuse est examinée à nouveau par le physiatre Mohan Radhakrishna qui écrit ceci :

C’est avec plaisir que j’ai vu madame Hamelin aujourd’hui, en prévision d’une épidurale lombaire.

 

Elle est connue pour asthme et un syndrome du tunnel carpien main droit, elle était en thérapie pour ceci en avril 2008, quand elle a développé une douleur à la colonne lombaire à gauche qui descendait au membre inférieur gauche. Elle est généralement en bonne santé. Elle ne présente aucune contre indication aux infiltrations cortisonées avec substance de contraste.

 

Elle reste avec une sciatalgie gauche qui descend au pied gauche jusqu’au premier orteil. Elle dit avoir pris des anti-inflammatoires et des relaxants musculaires sans succès. Elle ne prend actuellement aucun médicament.

 

Elle semble s’être améliorée jusqu’en juillet 2008 mais elle a eu une récidive.

 

Elle a eu une résonance magnétique de la colonne lombaire qui montrait en L5-S1 un spondylolisthésis ainsi qu’une protrusion discale foraminale gauche avec compression de la racine L5 gauche.

 

[…]

 

[…]

 

Madame allègue une hypoesthésie dans le territoire L5 à gauche.

 

Il semble que madame présente une radiculopathie L5 gauche.

 

J’ai procédé à une épidurale L5/S1 gauche, tel que spécifié sur la fiche de protocole. Il n’y a eu aucune complication.

 

[…]

 

 

[21]        Le 7 janvier 2009, la travailleuse écrit une lettre à la demande de la CSST pour expliquer sa situation en avril 2008. On peut y lire, entre autres, ceci :

Au cours de mes traitements d’ergo à raison de 3x sem que j’ai débuté vers la fin mars 2008 à la clinique de physio René Joyale, j’effectuais des exercices qui simulaient mes tâches de travail et qui m’aidaient à retrouver force et endurance de ma main et poignet droit, tous les exercices qui sollicitaient main et poignet allaient bien. Lorsque j’ai débuté des exercices de soulèvement de charges qui simulaient soir le soulèvement ou transport de poche de plâtre, chaudière de ciment ou de boite de ciment à joint, j’ai commencé à avoir de légère courbature au bas du dos, je l’ai mentionnée à mme. Doucet qui m’a dit que c’était normale puisque ça  faisait longtemps que je n’avait pas travaillé.

 

Au fils des jours elle m’a augmenté les poids et ajouté des exercices. Au début je pense que j’ai commencé avec 5 kg, mais je ne suis pas certaine. 1- Je mettais des poids dans une boite en bois que je déposais sur une chaise et que je soulevais et déposais sur une table de travail ensuite je remettais sur la chaise ainsi de suite 10x. 2- Je prenais la boite sur la table, je la mettais sur mon épaule et je la transportait environ 20 pas puis je la redéposait sur la table et je recommençais de l’autre côté 10x à droit et 10x à gauche, la manutention de cette boite en bois se faisait difficilement et était inconfortable donc l’ergo a changé cet exercice pour des poids en genre de poche de sable avec velcro qu’on pouvait agencer ensemble, donc j’ai poursuivis le même exercice sans la boite de bois.

 

3- Ensuite elle m’a ajouté un autre exercice, transporter les poids dans une chaudière, pareil comme l’exercice 1 et 2. À ce moment là, au lieu de me prendre 30 min pour faire mes exercices ça m’en prenait 60 min puisqu’elle m’avait aussi augmenté et ajouté d’autres exercices pour mon poignet. Donc vers la mi-avril j’avais des douleurs au bas du dos ainsi qua la jambe gauche qui partaient du dos et qui descendait en ligne droite jusqu’au mollet. Comme une crampe qui s’accentuait de plus en plus, j’avais de la difficulté à être debout, marcher, dormir, me tourner, m’asseoir, me lever, j’ai pris acéthaminophène, ibuprophène, puis j’ai été m’acheter une ceinture dorsale, j’ai arrêter de soulever des charges le 17 avril.

 

Dans la semaine du 21 avril je suis allé voir mme. Doucet pour lui expliquer la situation, finalement en discutant ensemble j’ai réalisé que j’avais mal compris ses recommandations, j’avais pris plus de poids et je faisais le double des exercices, elle voulait 10x au totale 5x d’un côté et 5x de l’autre. Elle m’a dit de ne pas continuer les charges jusqu’à mon rendez-vous du 29 avril chez le médecin.

 

Le 29 avril j’ai vue mon médecin et lui ai expliqué le tout, elle m’a examiné et me mentionne que j’ai peut-être une hernie discale, elle me dit de ne plus soulever de charge jusqu’à ce que je sois rétablie et de dire à l’ergo que lorsque je reprendrais les charges d’y aller plus progressivement, elle me fait une prescription de médicament et remplit un rapport médicale de CSST.

 

J’ai débuté mes médicaments le 29 avril et j’ai apporté le rapport médicale lors de mes rendez-vous d’ergo et physio et montré à Manon Pelletier physio, Stephane physio, Chantale Doucet ergo, en leur expliquant ce que mon médecin avait dit. Mme Doucet m’a dit que c’était impossible que j’ai une hernie discale et que mon médecin n’aurait pas du écrire ça sur mon rapport médicale, que j’étais payé pour un tunnel carpien et que si la CSST apprenait ça je me ferais couper.

 

Le 8 mai 2008 je n’ai plus aucune douleur, j’arrête ma médication recommence les charges le 12 mais à 5kg, le 13 mai je ressent une légère douleur au bas du dos qui dure quelque jour, le 21 mai je poursuis charges à 10 kg, puis lors de mon dernier rendez-vous dans la semaine du 26 mais charge à 15 kg je devais me rendre à 23 kg, le poids d’une boite de ciment à joint.

 

Tout ça pour dire que du 13 mai au 19 juillet la douleur était plus légère, occasionnelle, intermittente et seulement au bas du dos.

 

À partir du 19 juillet la douleur à la jambe gauche est revenue quotidiennement et en empirant, difficulté à être debout, marcher, dormir, j’ai pris acéthaminophène, ibuprophène, anti-inflammatoire j’ai repris ma prescription du mois d’avril, il ni avait pas d’amélioration  . Le 7 août j’ai débuté traitement de physio 1x sem à la clinique Physioteck au 13605 Sherbrooke E. Le 26 août j’ai revue mon médecin, elle m’a prescrit d’autre médicament et une radiographie. Le 22 septembre j’ai revue un autre médecin, elle m’a prescrit d’autre médicament et m’a dit que j’avait une hernie discale et qu’on ne voyait pas ça sur une radio, que je devait passer une résonance magnétique.

 

J’ai essayé tous les médicaments et anti-douleurs pour ma condition, physiothérapie, acupuncture, exercices, natation, le 4 décembre j’ai eu une infiltration de cortizone à la clinique de Physiatrie et de médecine du sport de Montréal, 100 Chemin Rockland. Rien ne fonctionne, je suis présentement en attente pour un rendez-vous avec un neurochirurgien Dr Giguère le 04 mars. (sic)

 

 

[22]        Le 14 janvier 2009, l’ergothérapeute mentionne qu’elle avait noté le 21 avril 2008 que la travailleuse avait un mal de dos léger et que le 29 avril 2008, les activités avec manutention de charges ont été retranchées du programme d’activité puisque la note au dossier indiquait que la travailleuse avait dit de nouveau qu’elle avait mal au dos, qu’elle en avait parlé à son médecin et qu’un diagnostic d’entorse lombaire était posé par ce dernier.

[23]        Le 21 janvier 2009, le chirurgien plasticien Claude Proulx, médecin désigné de la CSST en vertu des articles 204 ss de la loi examine la travailleuse. Il recommande une atteinte permanente de 1% pour syndrome du canal carpien opéré unilatéral, mais ne recommande aucune limitation fonctionnelle. Il s’interroge quant à cette récidive très rapide de la symptomatologie suite au retour au travail.

[24]        Suite à l’évaluation du docteur Proulx, un rapport complémentaire est produit par le docteur Le. Le médecin mentionne la présence de récidive des symptômes suite au retour au travail. Dans ce contexte, il recommande ceci : « une évaluation multidisciplinaire, ergothérapie, CSST plus ou moins Bureau d’évaluation médicale ». [sic]

[25]        Le 10 février 2009, la CSST rend la décision suivante qui sera portée en révision par la travailleuse le 16 février 2009, confirmée en révision administrative le 21 avril 2009 et contestée devant le présent tribunal le 30 avril 2009 :

Objet : Décision liée à un nouveau diagnostic

 

Nous avons reçu un rapport médical du Dr So mentionnant le nouveau diagnostic d’entorse lombaire. Après étude de votre dossier, nous concluons que nous ne pouvons accepter le nouveau diagnostic d’entorse lombaire en vertu de l’article 31. En effet, nous ne pouvons établir que cette lésion est survenue dans le cadre de vos traitements d’ergothérapie. De plus, selon les informations au dossier, cette entorse lombaire était résorbée après une dizaine de jours. Vous n’avez donc pas droit à des indemnités pour ce nouveau diagnostic d’entorse lombaire mais vous continuerez à recevoir les indemnités que la CSST vous verse en raison de votre tunnel carpien droit. [sic]  

 

 

[26]        Le 11 février 2009, la CSST rend la décision suivante qui sera portée en révision par la travailleuse le 16 février 2009, confirmée en révision administrative le 21 avril 2009 et contestée devant le présent tribunal le 30 avril 2009 :

Objet : Décision liée à un nouveau diagnostic

 

Madame,

 

Nous avons reçu un rapport médical du Dr Dre So mentionnant le nouveau diagnostic d’hernie discale. Après étude de votre dossier, nous concluons qu’il n’y a pas de relation entre ce nouveau diagnostic d’hernie discale L5-S1 et l’événement d’origine du 11 septembre 2007 ou la rechute, récidive et aggravation du 18 juin 2008. Vous n’avez donc pas droit à des indemnités pour l’hernie discale mais vous continuerez à recevoir les indemnités que la CSST vous verse en raison de votre tunnel carpien droit.

 

Nous vous invitons à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires au sujet de cette décision ou pour toute autre question. Vous ou votre employeur pouvez demander la révision de la décision par écrit dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre. [sic

 

[27]        Le 4 mai 2009, le chirurgien plasticien André Léveillé, membre du Bureau d’évaluation médicale, rend l’avis motivé suivant après avoir examiné la travailleuse le 21 avril 2009 concernant l’événement du 11 septembre 2007 :

4° Atteinte permanente : 1%

5° Limitations fonctionnelles : aucune

 

 

[28]        Le 5 mai 2009, le neurochirurgien Jean-François Giguère pose un diagnostic de « hernie discale » et il prescrit une épidurale.

[29]        Le 12 mai 2009, à la suite de l’avis rendu par le Bureau d’évaluation médicale le 4 mai 2009, la CSST rend la décision suivante qui sera portée en révision par le travailleur le 3 juin 2009, confirmée en révision administrative le 19 juin 2009 et contestée devant le présent tribunal 6 juillet 2009 :

Objet : Décision de la CSST à la suite

d’un avis du Bureau d’évaluation médicale

 

Madame,

 

Vous avez reçu copie d’un avis rendu le 5 mai 2009 par un membre du Bureau d’évaluation médicale concernant l’événement du 18 juin 2008. Cet avis porte sur l’atteinte permanente, les limitations fonctionnelles. La CSST, étant liée par cet avis, rend la décision suivante :

 

            - Votre lésion a entraîné une atteinte permanente. Vous avez donc droit à une indemnité pour dommages corporels. Une décision sera rendue prochainement quant au pourcentage de votre atteinte permanente et à l’indemnité qui vous sera accordée.

 

            - Compte tenu que vous n’avez par de limitations fonctionnelles, nous concluons que vous êtes capable d’exercer votre emploi. Nous devons donc cesser de vous verser des indemnités de remplacement du revenu le 11 mai 2009.

 

N’oubliez pas que vous pouvez vous prévaloir de votre droit au retour au travail chez votre employeur.

 

[30]         Le 14 mai 2009, à la suite de l’avis rendu par le Bureau d’évaluation médicale le 4 mai 2009, la CSST rend la décision suivante qui sera portée en révision par la travailleuse le 3 juin 2009, confirmée en révision administrative le 19 juin 2009 et contestée devant le présent tribunal le 6 juillet 2009 :

Objet : Décision concernant le

pourcentage de votre atteinte permanente

 

Madame,

 

À la suite de l’aggravation de votre lésion professionnelle survenue le 18 juin 2008, votre atteinte permanente a fait l’objet d’un avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale et a été évaluée à 1,00%. À ce pourcentage s’ajoute 0,10% pour douleurs et perte de jouissance de la vie, pour un total de 1,10%.

 

Ce pourcentage vous donne droit à une indemnité de 831,33$. Cependant, comme l’indemnité minimale pour préjudice corporel est fixée à 922, 00$, c’est ce montant qui vous est accordé.

 

[31]        Le 4 janvier 2010, le docteur Gilles Roger Tremblay complète un rapport d’évaluation d’expertise médicale dans lequel il note et conclut ceci :

[…]

 

Le diagnostic à retenir en relation avec l’événement du 11 septembre 2007 est un syndrome du tunnel carpien droit.

 

Le diagnostic à retenir en relation avec l’aggravation du 18 juin 2008 est un diagnostic de tunnel carpien droit.

 

Il y a aussi un diagnostic d’entorse lombaire, greffé sur un spondylolisthésis asymptomatique avant les traitements d’ergothérapie.

 

Cette patiente présente, effectivement, un enraidissement douloureux du rachis lombaire, suite à un spondylolisthésis, qui est maintenant devenu symptomatique lors des exercices en ergothérapie.

 

La lésion du tunnel carpien droit est consolidée, mais la condition d’entorse lombaire n’est pas encore consolidée et cette patiente est présentement en investigation auprès d’un chirurgien de la colonne, à savoir si une arthrodèse lombo-sacrée est indiquée ou non.

 

L’atteinte permanente au niveau du poignet demeure à 1% pour le tunnel carpien droit opéré, avec persistance de changements électromyographiques.

 

Il se peut qu’il y ait augmentation de cette atteinte permanente, si une déchirure ligamentaire est confirmée par l’arthro-CT que nous avons demandée.

 

Les limitations fonctionnelles résultant du syndrome du canal carpien récidivant sont :

 

-           Éviter les efforts de plus de 2 à 5 kilogrammes avec le membre supérieur droit,

 

-           Éviter les mouvements répétitifs de flexion des doigts et de flexion du poignet, à droite.

 

-               Éviter les mouvements à grande amplitude au niveau de la flexion palmaire et la dorsi-flexion et la pronation-supination du poignet droit.

 

-               Éviter les positions statiques du poignet droit en dorsi-flexion ou en flexion palmaire prononcée.

 

Ces limitations fonctionnelles, à elles seules, sont incompatibles avec le travail de plâtrier.

 

[…]

 

[32]        Le 9 février 2010, dans un rapport complémentaire, le docteur Gilles Roger Tremblay note ce qui suit :

Nous avons reçu les résultats de l’arthrographie tomodensitométrique du poignet droit, et cet examen démontre une déchirure complexe du TFCC, impliquant sa perte périphérique et partielle de sa surface proximale, avec légère arthrose radio-cubitale distale et légère synovite. Il y aussi une très petite perforation de la portion centrale  du ligament scapho-lunaire, mais sa portion ventrale ainsi que sa portion dorsale sont intactes, et légère synovite radiocarpienne et radio-cubitale distale.

 

Étant donné qu’il y a maintenant une déchirure ligamentaire identifiable, il y a majoration de l’atteinte permanente, et celle-ci devrait inclure maintenant 2% à l’item 102 383 pour atteinte des tissus mous du membre supérieur droit, avec séquelles.

 

Considérant l’examen clinique que nous avions chez cette patiente lors de l’expertise, il n’y a pas d’atteinte permanente d’accordée pour une perte d’amplitude de mouvement.

 

[33]        Le 17 avril 2010, le neurochirurgien Jean-François Giguère réexamine la travailleuse et conclut ceci :

[…]

 

9.         LIMITATIONS FONCTIONNELLES

 

            Étant donné la lombosciatalgie qui est apparue sur un déficit anatomique qui serait toujours sujet à détérioration, je crois que des limitations fonctionnelles de classe I à visée préventive sont tout à fait justifiées chez cette patiente.

 

[…]

 

[…]

 

11.       CONCLUSION

 

Il s’agit d’une patiente qui, dans le cadre de traitements d’ergothérapie, aurait commencé à présenter une lombosciatalgie. Cette sciatalgie est sur une hernie discale avec spondylolisthésis.

 

Je croix que le maintien de limitations fonctionnelles de classe I à visée préventive devrait permettre à cette patiente de conserver un emploi rémunérateur.

 

12        BILAN DES SÉQUELLES

 

Description

Code

DAP

Déficit anatomique :

 

 

Hernie discale lombaire non opérée

204148

2 %

 

 

 

Ankylose dorsolombaire :

 

 

Aucune ankylose.

 

 

 

 

 

Déficit sensitif des racines lombosacrées :

 

 

Aucun déficit

 

 

 

 

 

Déficit moteur des racines lombosacrées :

 

 

Aucun déficit

 

 

 

 

 

DPJV :

225027

0,2 %

 

 

 

TOTAL :

 

2,2 %

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[34]        Le procureur représentant de la travailleuse soumet que les diagnostics « entorse lombaire » et « hernie discale L5-S1 » sont reliés aux traitements de physiothérapie suivis par la travailleuse et autorisés par a CSST, à la suite de la lésion professionnelle initiale. L’article 31 de la LATMP doit donc s’appliquer.

[35]        L’opinion du docteur Gilles Roger Tremblay doit être retenue quant à l’existence d’un déficit anatomo-physiologique additionnel de 2 % et de limitations fonctionnelles pour le tunnel carpien droit.

[36]        La travailleuse n’a donc pas la capacité de reprendre son emploi prélésionnel.

L’AVIS DES MEMBRES

[37]         Le membre issu des associations syndicales est d’avis, compte tenu de la preuve soumise qu’il y a lieu d’accueillir les contestations, à l’exception du déficit anatomo-physiologique de 2 %. Il y a des limitations fonctionnelles.

[38]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis, compte tenu de la preuve soumise, qu’il y a lieu d’accueillir les contestations, à l’exception du déficit anatomo-physiologique de 2 %. Les problèmes au dos sont reliés à la condition personnelle de la travailleuse.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossier 376863-71-0904

[39]        Le tribunal doit déterminer si les diagnostics « entorse lombaire » et « hernie discale L5-S1 » constituent des lésions professionnelles.

[40]         La lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi dans les termes suivants :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

___________________________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1

 

 

[41]        L’article 31 de la loi prévoit, entre autres, qu’une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion des soins reçus pour une lésion professionnelle constitue une lésion professionnelle. L’article 31 se lit comme suit :

31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:

 

 1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

 2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

_________________________

1985, c. 6, a. 31.

 

[42]        Ainsi, pour que l’article 31 puisse recevoir application, la preuve doit démontrer que la travailleuse a subi, outre une lésion professionnelle initiale, une autre blessure ou maladie en relation avec les soins reçus pour sa lésion professionnelle d’origine ou l’omission de tels soins.

[43]        Dans le présent dossier, la preuve démontre que la travailleuse a d’abord subi une lésion professionnelle le 11 septembre 2007 et une aggravation le 18 juin 2008. Le diagnostic de cette lésion est « tunnel carpien droit ».

[44]        A-t-elle subi une autre lésion professionnelle en raison des soins reçus pour cette lésion initiale? Le tribunal estime que tel est le cas et que le diagnostic de cette lésion est « entorse lombaire » et « hernie discale L5-S1 gauche ».

[45]        Le premier diagnostic posé pendant la période de traitements d’ergothérapie est « entorse lombaire ». Il s’agit d’un diagnostic évolutif qui, par la suite, a été remplacé par « hernie discale L4-L5 gauche ». Ce diagnostic est vu et posé par plusieurs médecins dont le neurochirurgien Jean-François Giguère, le physiatre Mohan Radhakrishna et le docteur So. Ils ont conclu qu’il était probablement relié aux traitements d’ergothérapie subis par la travailleuse à la suite de sa lésion professionnelle. À ce moment-là, la travailleuse a soulevé des charges trop lourdes pendant qu’elle recevait ses traitements reliés à la lésion initiale.

[46]        Il est important de noter ici que le Bureau d’évaluation médicale n’a jamais traité de la question des diagnostics « entorse » et « hernie discale L5-S1 »; la CSST a demandé son avis seulement sur l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles reliées au tunnel carpien survenu le 11 septembre 2007.

[47]        À la lumière de ce qui précède, le tribunal conclut que les diagnostics « entorse lombaire » et « hernie discale L5-S1 gauche » sont survenus par le fait ou à l’occasion de soins et activités prescrits relativement à la lésion professionnelle du 11 septembre 2007.

Dossier 382573-71-0907

[48]        Le tribunal doit déterminer l’atteinte permanente de la lésion professionnelle subie le 18 juin 2008, s’il y a des limitations fonctionnelles et si la travailleuse a la capacité d’exercer son emploi.

·        Atteinte permanente et limitations fonctionnelles du « tunnel carpien droit ».

Le tribunal comprend bien que les médecins Claude Proulx et André Léveillé  ont tous deux exprimé l’avis que le « tunnel carpien droit » de la travailleuse avait entrainé un défaut anatomophysiologique de 1 % pour changement électromyographique sans séquelle fonctionnelle, en vertu du code 100 526 du Règlement sur le barème des dommages corporels[2] (le barème). Le docteur Léveillé avait par ailleurs ajouté un déficit anatomo-physiologique de 0 % pour cicatrice non vicieuse à la main droite.

Par contre, le docteur Gilles Roger Tremblay a reçu les résultats de l’arthrographie tomodensitométrique du poignet droit qu’il avait demandé. Cet examen démontre une déchirure complexe du TFCC, impliquant sa partie périphérique et partielle de sa surface proximale, avec légère arthrose radiocubitale distale et légère synovite. Il y a aussi une très petite perforation de la portion centrale du ligament scapho-lunaire, mais sa portion ventrale ainsi que sa portion dorsale sont intactes, et légère synovite radiocarpienne et radio-cubitale distale..

Après avoir analysé ces résultats et étant donné qu’il y a maintenant une déchirure ligamentaire identifiable, le médecin spécialiste a majoré le déficit anatomo-physiologique de 2 % en vertu du code 102 383 du barème pour atteinte des tissus mous du membre supérieur droit, avec séquelles. Le déficit anatomo-physiologique de la lésion professionnelle (tunnel carpien droit) est donc de 3 %, auquel il faut ajouter 0,3 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie. L’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de la travailleuse est donc de 3,3 %.

·        Limitations fonctionnelles.

Les médecins Proulx et Léveillé ont tous deux émis l’opinion que la lésion professionnelle de la travailleuse au poignet n’entrainait pas de limitations fonctionnelles. Par contre, le médecin traitant So et le docteur Gilles Roger Tremblay ont émis l’opinion contraire.

Pour sa part, le docteur Tremblay a estimé que son examen objectif de la travailleuse indiquait que la lésion au poignet avait entrainé les limitations fonctionnelles qu’il a décrites dans son rapport d’expertise médicale du 4 janvier 2010.

·        Capacité d’exercer l’emploi

La CSST a décidé le 14 mai 2009 que la travailleuse avait la capacité d’exercer son emploi prélésionnel; à cette date, la lésion initiale de canal carpien et la rechute, récidive ou aggravation du 18 juin 2008 n’avaient entrainé qu’une atteinte permanente de 1,10 %, sans limitations fonctionnelles. Cette situation a changé puisque l’atteinte permanente maintenant reconnue pour cette lésion est maintenant de 3,3 % avec des limitations fonctionnelles.

De plus, il est maintenant reconnu que la travailleuse a subi une hernie discale à la suite de soins et traitements reçus et reliés au canal carpien.

Ce dossier doit donc être réévalué par la CSST avant de déterminer la capacité de la travailleuse à reprendre son emploi prélésionnel.

[49]        Le tribunal adopte cette position qui est aussi celle du médecin traitant qui a eu l’occasion d’examiner la travailleuse à plusieurs reprises, contrairement aux docteurs Proulx et Léveillé. Le tribunal a également pris en considération les déclarations de la travailleuse au dossier et le rapport d’évaluation des capacités fonctionnelles de la travailleuse daté du 9 juin 2008.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 376863-71-0904

ACCUEILLE la requête en contestation de madame Sophie Hamelin, la travailleuse ;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 avril 2009, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que le diagnostic « hernie discale L5-S1 » constitue une lésion professionnelle.

Dossier 382573-71-0907

ACCUEILLE la requête en contestation de la travailleuse ;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 19 juin 2009, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que la lésion professionnelle dont le diagnostic est « tunnel carpien droit » a entrainé une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de 3,3 % et les limitations fonctionnelles suivantes : éviter les efforts de plus de 2 à 5 kilogrammes avec le membre supérieur droit; éviter les mouvements répétitifs de flexion des doigts et de flexion du poignet, à droite; éviter les mouvements à grande amplitude au niveau de la flexion palmaire et la dorsoflexion et la pronation-supination du poignet droit; éviter les positions statiques du poignet droit en dorsoflexion ou en flexion palmaire prononcée.

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas la capacité de reprendre son emploi prélésionnel et retourne le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour fins de réévaluation.

 

 

 

__________________________________

 

Jean-Claude Danis

 

 

Me André Laporte

LAPORTE LAVALLÉE

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Sannie Dumouchel

LEBLANC LAMONTAGNE ET ASSOCIÉE

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1] L.R.Q., c. A-3.001.    

[2]           1987, 119, G.O. II, 5576 (dommages corporels)

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