Décision

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Placements Melcor inc.

2011 QCCLP 3976

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme :

8 juin 2011

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

415489-64-1007

 

Dossier CSST :

132992801

 

Commissaire :

Michel Lalonde, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Placements Melcor inc.

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 5 juillet 2010, Placements Melcor inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 19 mai 2010, à la suite d'une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 2 février 2010 et déclare irrecevable la demande de transfert de l’employeur, car elle a été produite en dehors du délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que l’employeur n’a pas démontré un motif raisonnable permettant de le relever de son défaut.

[3]           Une audience sur dossier est fixée à Saint-Jérôme le 14 avril 2011. L’employeur est représenté par Me Sylvain Pelletier, qui produit une argumentation écrite le même jour.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande de déclarer qu’il n’a pas à être imputé des coûts reliés à l’indemnité de remplacement du revenu réduite que monsieur Guy Pimparé (le travailleur) recevait d’une précédente lésion subie chez un autre employeur, et ce, en vertu du premier alinéa de l’article 326 de la loi.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’employeur a droit à un transfert de coûts selon l’article 326 de la loi.

[6]           L’article 326 de la loi énonce ceci :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[7]           Le travailleur subit une lésion professionnelle le 11 mars 2008 qu’il décrit de la façon suivante dans sa réclamation du 16 mars 2008 :

En pelletant et cassant de la glace devant les portes de garage, un bloc de glace est tombé d’en haut sur mon dos.

 

 

[8]           Le travailleur consulte la docteure Fatma Si-Ahmed le 13 mars 2008 et cette dernière diagnostique une entorse lombaire.

[9]           Le 20 août 2008[2], le travailleur est examiné par le docteur Jacques Toueg, orthopédiste, à la demande de l’employeur. Il conclut que le diagnostic est celui de contusion dorsale et consolide la lésion le 29 août 2008. Il ne retient pas de séquelles en relation avec le diagnostic de contusion.

[10]        Le 4 novembre 2008, le travailleur est examiné par le docteur Karl Fournier, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale. Il conclut que le diagnostic est celui de contusion lombaire, que cette lésion est consolidée le 29 août 2008, qu’il y a suffisance de soins à cette date, que l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles retenues pour une lésion antérieure demeurent inchangées.

[11]        La CSST rend une décision à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale le 18 novembre 2008. Elle conclut que le travailleur est capable d’exercer son emploi et cesse le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 17 octobre 2008.

[12]        Le 19 décembre 2008, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative et confirme la décision rendue le 18 novembre 2008.

[13]        L’employeur produit une demande de transfert de coûts, datée du 25 mars 2009[3], par laquelle il demande de ne pas être imputé de la portion de l’indemnité de remplacement du revenu correspondant au montant de l’indemnité de remplacement du revenu réduite que le travailleur recevait dans le cadre d’une ancienne lésion professionnelle. Il allègue que le salaire annuel brut indiqué sur l’Avis de l’employeur et demande de remboursement est de 22 880 $, alors que la CSST retient la base salariale de 54 704,01 $ qui correspond au montant revalorisé d’un emploi convenable déterminé dans un dossier antérieur.

[14]        La CSST rend une décision le 2 février 2010 et conclut qu’il y a lieu de rejeter la demande de transfert de l’employeur, car le délai pour transmettre la demande est expiré.

[15]        Le 19 mai 2010, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative qui confirme la décision initiale du 2 février 2010. L’employeur conteste cette décision le 5 juillet 2010. Le tribunal considère que l’employeur a contesté la décision de la CSST dans le délai légal en prenant en considération le délai postal. En effet, il y a 47 jours entre la décision et la contestation.

 

[16]        Dans les cas où il est impossible de déterminer avec précision la date de réception d’une décision, il est de jurisprudence et de connaissance d’office que le délai postal au Québec est de trois jours ouvrables[4]. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que l’employeur a contesté la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 19 mai 2010 dans le délai légal.

[17]        L’employeur invoque que le premier alinéa de l’article 326 de la loi peut recevoir application puisque l’employeur est imputé de sommes correspondants à de l’indemnité de remplacement du revenu réduite versée pour une lésion professionnelle antérieure.

[18]        Habituellement, l’article 63 de la loi s’applique afin de calculer l’indemnité de remplacement du revenu que doit recevoir un travailleur à la suite d’une lésion professionnelle. Cet article est libellé comme suit :

63.  Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de :

 

1° l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) et de la Loi de l'impôt sur le revenu (Lois révisées du Canada (1985), chapitre 1, 5e supplément);

 

2° la cotisation ouvrière payable en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23); et

 

3° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9);

 

4° la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur l'assurance parentale (chapitre A-29.011).

 

La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des indemnités de remplacement du revenu, qui prend effet le 1er janvier de l'année pour laquelle elle est faite.

 

Cette table indique des revenus bruts par tranches de 100 $, des situations familiales et les indemnités de remplacement du revenu correspondantes.

 

Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en fonction de la tranche supérieure.

__________

1985, c. 6, a. 63; 1993, c. 15, a. 88; 1997, c. 85, a. 3; 2001, c. 9, a. 124.

 

 

[19]        L’article 44 de la loi prévoit le droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Cet article est libellé comme suit :

44.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

[20]        L’employeur admet et ne remet pas en question que l’article 73 de la loi s’applique dans le présent dossier. Il s’agit d’une exception au principe général édicté à l’article 63 de la loi. L’article 73 prévoit le cas d’un travailleur qui subit une lésion professionnelle alors qu’il reçoit une indemnité de remplacement du revenu pour une lésion antérieure. Cet article est libellé comme suit :

73.  Le revenu brut d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle alors qu'il reçoit une indemnité de remplacement du revenu est le plus élevé de celui, revalorisé, qui a servi de base au calcul de son indemnité initiale et de celui qu'il tire de son nouvel emploi.

 

L'indemnité de remplacement du revenu que reçoit ce travailleur alors qu'il est victime d'une lésion professionnelle cesse de lui être versée et sa nouvelle indemnité ne peut excéder celle qui est calculée sur la base du maximum annuel assurable en vigueur lorsque se manifeste sa nouvelle lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 73.

 

 

[21]        Dans un tel cas, le revenu brut d’un travailleur est le plus élevé de celui revalorisé qui a servi de base au calcul de son indemnité de remplacement du revenu initiale par rapport à celui qu’il tire de son nouvel emploi.

[22]        Selon la preuve au dossier, il appert que la base salariale retenue par la CSST est établie à 54 704,01 $ qui correspond à celle d’une lésion professionnelle antérieure (dossier 116 900 333). Le travailleur recevait une indemnité de remplacement du revenu réduite avant la lésion professionnelle du 11 mars 2008.

[23]        Cette base salariale est donc utilisée par la CSST pour établir l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit, à la suite de sa lésion professionnelle du 11 mars 2008.

[24]        Le présent tribunal considère que le premier alinéa de l’article 326 s’applique généralement dans des situations où des prestations ne sont pas en lien avec un accident du travail.

[25]        Le premier alinéa de l’article 326 de la loi ne fait pas de distinction entre une indemnité de remplacement du revenu calculée selon l’article 63 ou selon 73 de la loi. Il fait référence au coût des prestations dues en raison d’un accident du travail. Il s’agit du principe général d’imputation des coûts des prestations dans le cas d’un accident du travail. Le deuxième alinéa des articles 326 et 329 sont des exceptions à ce principe d’imputation général.

[26]        Or, le tribunal considère que la totalité de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur est en relation avec l’accident du travail du 11 mars 2008, puisque n’eut été de cet accident, le travailleur n’aurait pas reçu une indemnité de remplacement du revenu calculée selon l’article 73 de la loi.

[27]        Le travailleur a eu droit à une indemnité de remplacement du revenu selon l’article 44 de la loi. Le calcul de cette indemnité est toutefois effectué selon les modalités de l’article 73 de la loi. Par ailleurs, l’employeur ne remet pas en question le droit du travailleur de recevoir une telle indemnité.

[28]        Il s’agit de l’indemnité de remplacement du revenu versée selon les dispositions de la loi, à la suite de la lésion professionnelle du 11 mars 2008. Le premier alinéa de l’article 326 de la loi ne peut s’appliquer à la demande de l’employeur puisqu’il s’agit de prestations dues à la suite de l’accident du travail du 11 mars 2008. Le tribunal est en accord avec la position exprimée dans l’affaire Nettoyeurs Pellican inc.[5] et considère que les prestations versées au travailleur sont dues, en raison de son accident du travail du 29 août 2005. Le tribunal retient notamment ceci de cette décision :

[33]      La travailleuse ayant droit à une indemnité de remplacement du revenu en raison de sa lésion professionnelle du 7 janvier 2008, survenue à la suite d’un accident du travail, il est compréhensible qu’en regard du premier alinéa de l’article 326 de la loi, la CSST impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison de cet accident du travail du 7 janvier 2008, alors que la travailleuse était à son emploi.

 

[34]      Avec respect pour l’opinion contraire, l’article 73 ne fait pas en sorte d’imputer à l’employeur une indemnité de remplacement du revenu découlant d’un autre dossier. Cet article sert plutôt au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle peut avoir droit la travailleuse, en raison de sa lésion professionnelle du 7 janvier 2008 subie chez l’employeur.

 

[35]      Que l’on aborde la demande de l’employeur sous l’angle du premier ou du second aliéna de l’article 326 de la loi, il ne peut y avoir désimputation ou transfert de coûts.

 

 

 

[29]        Le tribunal reconnaît qu’un autre courant jurisprudentiel[6] existe et considère qu’il est approprié d’imputer que la partie de l’indemnité de remplacement du revenu qui correspond au salaire réellement gagné lorsqu’un travailleur a subi une nouvelle lésion professionnelle. Toutefois, il appartient au législateur de modifier une loi et le présent tribunal ne peut faire droit à une demande, selon le premier alinéa de l’article 326, même si son interprétation peut paraître injuste pour une partie.

[30]        Dans ces circonstances, il est tout à fait normal que ces coûts soient imputés à l’employeur selon le premier alinéa de l’article 326 de la loi, puisqu’il s’agit d’une indemnité de remplacement du revenu versée à la suite d’un nouvel accident du travail.

[31]        Le tribunal conclut que l’employeur doit assumer la totalité des coûts des prestations à la suite de la lésion professionnelle subie par le travailleur le 11 mars 2008.

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de l’employeur, Placements Melcor inc., du 5 juillet 2010;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 19 mai 2010, à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que l’employeur doit assumer la totalité des coûts des prestations à la suite de la lésion professionnelle subie par monsieur Guy Pimparé le 11 mars 2008.

 

 

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Michel Lalonde

 

 

Me Sylvain Pelletier

Groupe AST inc.

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Selon la première page de cette expertise, mais le docteur retient une date de consolidation qui semble démontrer que l’examen a eu lieu le 29 août 2008.

[3]           Cette demande est transmise à la CSST le 9 juillet 2009.

[4]           Trudel et Service de transport adapté de la Capitale inc., [2008] C.L.P. 388 ; Lyo-San inc. et Marion, C.L.P. 336880-64-0801, 5 novembre 2008, R. Daniel.

[5]           C.L.P. 372145-31-0903, 4 août 2009, S. Sénéchal.

[6]           Voir Groupe C.D.P. Inc., 2011 QCCLP 2207 ; J.M. Bouchard & Fils inc, [2010] C.L.P. 138 .

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