St-Pierre et Meubles BDM + inc. |
2013 QCCLP 4987 |
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[1] Le 16 mai 2012, Johanne St-Pierre (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 30 avril 2012 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 12 décembre 2011. Elle déclare que la travailleuse n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation le 26 août 2011 et qu’elle n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] L’audience s’est tenue le 25 avril 2013 à Joliette en présence de la travailleuse et de son représentant. Meubles BDM + inc. (l’employeur) était également représenté alors que la représentante de la CSST avait informé le tribunal qu’elle serait absente. La cause a été mise en délibéré le 17 mai 2013 après que des documents réclamés par le représentant de la travailleuse aient été déposés.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4]
Le représentant de la travailleuse demande de déclarer que celle-ci a
subi une lésion professionnelle le 23 août 2011, soit un accident du travail ou
une récidive, rechute ou aggravation. Il demande également l’application de l’article
LA PREUVE
[5] La travailleuse est âgée de 43 ans et préposée à la finition chez l’employeur lorsqu’elle subit le 20 août 2009 une lésion professionnelle, soit un accident du travail.
[6] À cette date, elle subit un trauma à la face dorsale du pouce droit. Les diagnostics retenus en lien avec cet accident sont une rupture du tendon du long extenseur du pouce droit et un syndrome régional douloureux complexe de l’avant-bras droit[2].
[7] La travailleuse a fait l’objet d’un suivi médical intense en lien avec ce trauma. Elle subira notamment deux chirurgies à son pouce droit, dont la dernière, le 14 juillet 2010, par le docteur Bou-Merhi. Ce médecin procède alors à une ténolyse de l’extenseur droit avec transfert tendineux. Il a assuré une bonne partie du suivi médical de la travailleuse.
[8] À la demande de l’employeur, la travailleuse est examinée le 26 janvier 2011 par le docteur Lucie Duclos, chirurgien plasticien. Elle doit se prononcer sur les questions du diagnostic, la consolidation, les soins et traitements, le déficit anatomophysiologique et les limitations fonctionnelles.
[9] À l’examen, la travailleuse se plaint de différentes douleurs au membre supérieur droit, soit à l’épaule, à l’épicondyle latéral, au poignet, au pouce et à l’index droits. L’effleurement de la main droite est douloureux et des engourdissements sont ressentis à trois doigts et à la face palmaire. Enfin, la travailleuse souffre d’une bursite à l’épaule gauche.
[10] Le docteur Duclos suggère que la travailleuse passe un électromyogramme pour éliminer un canal carpien. Précisons dès maintenant que cet examen a été passé et les résultats ont été interprétés comme étant normaux. Le médecin conclut ainsi son rapport :
[…]
Je considère que la lésion est présentement consolidée au niveau du status post-rupture de l’extensor pollicis longus au pouce droit, du status post-rupture du transfert tendineux, de l’ankylose de l’articulation interphalangienne du pouce droit et de l’articulation interphalangienne distale de l’index droit, et de la neuropathie du nerf radial, dans le sens où madame refuse tout traitement en clinique de la douleur, qui pourrait être aussi simple que l’utilisation d’une médication sous forme de Neurontin. En fait, il n’y a aucun traitement nécessaire au niveau du pouce et de l’index. C’est seulement la neuropathie du nerf radial qui pourrait bénéficier d’un traitement.
Quant à la condition personnelle de l’épicondylite latérale au coude droit, une investigation devrait être faite sous forme de résonance magnétique, pour confirmer ce diagnostic, et des traitements devraient être effectués sous forme d’infiltration de cortisone et peut-être une chirurgie.
Quant au diagnostic clinique de syndrome du tunnel carpien droit, un électromyogramme devrait être effectué et, selon le résultat, une chirurgie pourrait être nécessaire.
[nos soulignements]
[11] À la demande de l’employeur, l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale (le BEM) est requis sur les questions du diagnostic, de la consolidation, des soins et traitements, de l’atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.
[12] C’est dans ce contexte que le 20 avril 2011, le docteur Louise Duranceau, chirurgien plasticien, examine la travailleuse.
[13] Elle rapporte ce qui suit concernant les plaintes de la travailleuse :
ÉTAT ACTUEL :
La travailleuse nous dit être en attente d’un rendez-vous avec le docteur Bou-Merhi qui aura lieu le 6 mai. Il est cessé l’évaluer pour une autre chirurgie au niveau de son pouce, pour mettre une tige dans son pouce, pour qu’il reste relevé.
Au point de vue de son état actuel, elle ne travaille pas, elle n’a aucun traitement de physiothérapie ou d’ergothérapie. Elle dit devoir prendre des médicaments sous forme d’Empracet, 2 comprimés aux 6 heures, de façon régulière, pour que ce soit tolérable.
Nous lui avons demandé de préciser sur une échelle de 0 à 10, ce que ça représente, mais elle n’a pas répondu à cette précision. Elle dit ressentir des douleurs dans sa main et dans son coude, sous forme de serrement. La douleur est toujours présente et elle doit prendre ses médicaments régulièrement. Elle ne fait jamais une nuit de sommeil complète et elle se réveille d’habitude après que les médicaments anti-douleur cessent de faire effet.
Dans ses activités de la vie quotidienne, elle dit que certains qu’elle ne peut pas faire, comme ouvrir un pot, elle a de la difficulté à plier son linge parce qu’elle ne travaille qu’avec le 3e, et 4e doigt. Elle ne peut pas se servir d’un balai ou d’une moppe, parce qu’elle n’a aucune force pour les tenir.
Elle a rapporté avoir comme des fourmis au dos de la main droite surtout lorsqu’on touche sa main.
[sic]
[nos soulignements]
[14] À l’examen objectif, les avant-bras ne démontrent aucune différence de coloration de la couverture. Il n’y a pas de différence de texture, chaleur, sudation, coloration, des signes vasculaires et il n’y a pas de gonflement anormal. Enfin, le médecin n’objective aucun signe de dystrophie réflexe.
[15] En lien avec le litige qui nous occupe, les propos suivants du docteur Duranceau sont pertinents :
Date ou période prévisible consolidation de la lésion :
Bien que cette travailleuse n’est pas répondu de façon optimale aux différentes tentatives de corrections chirurgicales, nous croyons qu’il faut être très prudent d’aller lui offrir d’autres chirurgies qui, à mon avis, n’apporteront pas beaucoup d’amélioration à sa condition. [sic]
Au point de vue de syndrome douloureux, nous croyons qu’il s’agisse de douleurs au point de séquelles cicatricielles de ses chirurgies et je crois que le médecin traitant doit être prudent, quant à escalader une analgésie qui pourrait devenir problématique.
Je doute que toute autre intervention chirurgicale puisse améliorer la fonction du pouce droit, telle qu’arthrodèse ou autre geste sur les tissus mous puissent changer la fonction chez cette dame, d’où mon opinion que la consolidation a été atteinte.
Nature, nécessité, suffisance, durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits :
Je suis d’avis que le seul traitement serait le contrôle de l’analgésie, médication telle qu’anti-inflammatoire plutôt que par analgésie.
Nous utilisons notre pouvoir discrétionnaire pour statuer sur les points 4 et 5.
Existence ou pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur :
Nous croyons que l’atteinte permanente se rapporte à un préjudice esthétique pour l’avant-bras et la main. Elle se rapporte aussi à la perte de fonction au niveau des articulations du pouce et de l’index, de même qu’à l’atteinte de la neuropathie du nerf radial.
Existence ou évaluation des limitations fonctionnelles :
Les limitations fonctionnelles secondaires à ses atteintes permanentes auront à faire une utilisation de mouvements précis qu’il sera nécessaire à l’utilisation du pouce et de l’index de la main droite.
Quant à la neuropathie du nerf radial, je ne crois pas qu’elle cause une limitation fonctionnelle.
[16] Le médecin pose un diagnostic de rupture du tendon extenseur long du pouce droit[3]. Elle fixe la consolidation au 26 janvier 2011 sans autre traitement que la prise d’anti-inflammatoires pour contrôler la douleur. Une atteinte permanente à l'intégrité physique de 15,85 % et des limitations fonctionnelles sont octroyées, soit que la travailleuse ne peut faire un travail précis entre le pouce et l’index ou nécessitant une préhension soutenue entre le pouce et l’index de la main droite.
[17] À l’audience, la travailleuse affirme qu’elle a conservé des douleurs qui irradiaient au coude accompagnées d'enflure notamment à la main, au pouce et aux doigts.
[18] Le 25 mai 2011, la CSST entérine l’avis du membre du BEM par une décision qui est maintenant devenue finale[4].
[19] Le 31 mai 2011, la CSST décide que la travailleuse a droit à la réadaptation. Un emploi de magasinier au tablier de table chez l’employeur est finalement retenu après une visite de poste à l’usine de l’employeur le 22 juin 2011.
[20] Aux notes évolutives de la CSST, nous lisons que la travailleuse ne souhaite pas retourner chez l’employeur puisqu’elle prétend y subir du harcèlement en lien avec son accident du travail. Nous y lisons également, qu’elle conservait d’une lésion professionnelle survenue chez un autre employeur, des limitations fonctionnelles concernant son dos tel qu’elles sont rapportées aux notes évolutives. L’utilisation d’un banc est prévue pour respecter l’une de ces limitations fonctionnelles. Un tapis antidérapant est installé puisque la travailleuse considère que le sol est glissant.
[21] Le 23 juin 2011, la travailleuse communique avec son agent à la CSST et lui indique qu’elle ne peut faire le poste de magasinier à cause de son épaule droite. L’agent lui répond qu’aucune limitation fonctionnelle n’a été émise pour cette condition.
[22] Toujours aux notes évolutives de la CSST, les tâches de magasinier sont décrites comme étant de prendre l’inventaire, vérifier la qualité des produits, les sélectionner avec un bon de commande, prendre les pièces de bois et les apporter à la table de travail. Enfin, la travailleuse doit positionner les pièces afin qu’elles soient assemblées.
[23] Lors d’une conversation avec son agent de la CSST, le 7 juillet 2011, la travailleuse réitère qu’elle ne souhaite pas retourner chez l’employeur au dossier pour des motifs en lien avec son comportement dans la gestion de son dossier d’accident du travail.
[24] Le tribunal note que l’employeur a en effet dĂ©posĂ© plusieurs contestations des dĂ©cisions rendues dans le dossier, notamment concernant l’aide personnelle Ă domicile, la reconnaissance de divers diagnostics et mĂŞme le pourcentage d’atteinte permanente Ă l'intĂ©gritĂ© physique qui reprĂ©sente en l’espèce un montant de 11 002,91 $. Â
[25] À l’audience, la travailleuse ajoute qu’à son retour au travail l’employeur devait lui fournir une assistance pour le transport des morceaux qui dépassaient 24 pouces de longueur et un poids de cinq kilos. Un collègue de travail qu’elle identifie comme étant Robert, devait ainsi l’assister alors que Michel était son superviseur.
[26] C’est dans ce contexte que le 11 juillet 2011, la travailleuse est retournée chez l’employeur pour occuper le poste de magasinier au tablier de table.
[27] À l’audience, elle rapporte que le tapis antidérapant était inadéquat et que le banc ou la chaise fournis n’étaient pas ergonomiques.
[28] Elle dépose également un croquis de l’endroit où elle exerçait ses tâches de magasinier.
[29] Selon la travailleuse, entre le 11 et le 24 juillet 2011, l’exercice de l’emploi convenable s’est bien déroulé avec l’assistance de Robert. Elle affirme qu’elle avait toutefois beaucoup de douleurs et qu’elle n’a pas été capable de faire une semaine de travail complète à cause des effets secondaires liés aux antidouleurs qu’elle consommait.
[30] Également, elle reconnaĂ®t avoir eu des retards au travail. Elle explique qu’elle avait de bonnes raisons liĂ©es Ă des problèmes de transport ou Ă sa santĂ©. Â
[31] L’entreprise a par la suite fermé pour les vacances estivales des 24 et 31 juillet 2011. Selon la travailleuse, durant ces deux semaines de congé elle a continué d’avoir des douleurs et de l’enflure à la main droite. Elle aurait rencontré un ergothérapeute qui l’a incitée à poursuivre ses activités. Elle a appliqué du froid et de la chaleur sur son membre supérieur droit et elle a fait des exercices.
[32] Au retour des vacances, la travailleuse affirme que Robert n’était plus là pour l’aider ou alors presque plus parce qu’il était requis par d’autres tâches. Elle relate également qu’elle devait manipuler des tabliers de table d'un poids supérieur à 11 livres qu’elle devait aller chercher au fond de l’entrepôt. Elle a discuté de la situation avec son superviseur qui l’a quelquefois aidée. La travailleuse affirme qu’elle était de plus en plus appelée à manipuler les tabliers seule, soit des pièces ayant un poids variant de 10 à 20 livres et mesurant entre 36 et 48 pouces. Elle se reporte aux bons de commande que son représentant a déposés pour appuyer ses propos.
[33] Quelquefois, la travailleuse utilisait une échelle puisque les tabliers étaient rangés dans le haut d’une étagère. C’est dans ce contexte qu’elle prétend s’être blessée le 23 août 2011, vers 10 h 30, en descendant l’échelle et en tenant avec la main droite un tablier biseauté aux bords coupants.
[34] La travailleuse témoigne avoir laissé tombé le tablier qui a glissé dans sa main droite lui causant une lacération. La travailleuse affirme que cette lacération ne nécessitait pas de points de suture. Elle a simplement fait un pansement elle-même sur les lieux de travail après avoir informé Michel, son superviseur, qu’elle s’était blessée. Elle décrit néanmoins des douleurs importantes et une enflure.
[35] La travailleuse décide alors de quitter avant le dîner tout en appelant un peu plus tard le docteur Bou-Merhi pour avoir un rendez-vous en urgence. Précisons ici que la travailleuse n’est plus retournée chez l’employeur par la suite.
[36] Les notes évolutives de la CSST du 23 août 2011 rapportent que ce jour-là , la travailleuse a tenté de joindre son agente d’indemnisation Brigitte Asselin. Elle souhaite savoir quand elle sera payée pour son atteinte permanente à l'intégrité physique.
[37] La lecture des notes nous apprend également que la travailleuse est fort mécontente de l’attitude de l’employeur. Elle évoque une démission, un recours aux médias, etc. Il n’y a aucune mention de l’événement allégué être survenu le matin. Interrogée par la soussignée à l’audience sur cette absence de mention, la travailleuse reconnaît que c’est le cas.
[38] Le 26 août 2011, la travailleuse rencontre le docteur Bou-Merhi. Elle affirme qu’elle avait de l’œdème sur toute la main droite tant en externe qu’en interne et que cet œdème se prolongeait jusqu’au coude et vers l’épaule. Elle décrit des douleurs différentes de celles ressenties avant son retour au travail le 11 juillet 2011. Les poids et les dimensions des pièces à manipuler seraient la cause de ces nouvelles douleurs. Selon la travailleuse, le docteur Bou-Merhi a vérifié son pansement et la plaie à la main droite. Il prescrit pour la première fois du Lyrica.
[39] Les notes de ce médecin concernant cette visite sont au dossier. Nous y lisons ce qui suit :
Suivi trauma main d
Illisible multiple chirurgie
Rupture transfert tendineux très symptomatique depuis RAT
ArrĂŞt de travail
Lyrica
Rv 6 semaines
[40] Le docteur Bou-Merhi rédige également un rapport médical à l’intention de la CSST ce même jour dans lequel il reprend les mêmes informations. Le tribunal constate qu’il n’est fait aucune mention d’une lacération et le médecin inscrit comme date de référence celle de l’événement d’origine.
[41] Le 26 août 2011, les notes évolutives de la CSST indiquent que la travailleuse a appelé son agente pour l'informer qu’elle est en arrêt de travail complet à cause des douleurs.
[42] Le représentant de la travailleuse a produit à l’audience un document daté du 1er septembre 2011, soit une déclaration d’accident de travail version de l’employé (F1) (document F-1). Il est rédigé par la travailleuse et signé par elle. Nous y lisons ce qui suit :
J’ai recommencé à travaillé le 11 juillet 2011, dès la 1ère journée j’ai ressentis des brulures aux niveau de mon pouce et index et au bout de quelques jours de travaille, les douleurs ont accentués durant le 2 semaines de vacance, j’ai été rencontré M. Pierre Girard ergo pour m’informé et selon lui, c’était normal et je devais m’y faire, mai voila depuis le début je n’ai pas été en mesure de faire mes semaines pleines dû aux douleur occasionnés et à (illisible) ma main ne fonctionnait pas comme elle le devait, j’échape souvent mes planches et je me fais souvent mal, à d’autres endroits soit des bleus ou même de bonnes éraflures. Je me suis même ouvert ma main blessé avec un tablier de table 09 qui en très coupant, il m’a glissé des mains.
J’avais beaucoup d’enflure et de douleur, c’est pourquoi j’ai pris r.d.v. et vu le dr Bou-Merhi à Notre-Dame en urgence parce que les douleurs vont jusque dans mon épaule il m’a mis en arrêt de travail pour aggravation et m’a prescrit du Lyrica je dois le revoir le 7 octobre 2011.
[sic]
[notre soulignement]
[43] À la question du formulaire concernant le genre de blessure, la travailleuse indique un retour des douleurs extrêmes. La partie du corps blessée ou atteinte est les mains et le bras droit. L’abandon du travail s’est produit le 23 août 2011 à midi.
[44] À l’endroit du formulaire où la date de déclaration de l’événement doit être indiquée nous lisons celle du 26 août 2011. La signature du contremaître est laissée en blanc.
[45] Lors du contre-interrogatoire, la travailleuse prĂ©cise que la date du 26 aoĂ»t 2011 qui apparaĂ®t Ă cette dĂ©claration correspond Ă celle de son rendez-vous chez le docteur Bou-Merhi. Elle prĂ©tend qu’elle a ainsi datĂ© la rĂ©clamation Ă la suggestion d’un tiers.  Â
[46] Le 7 septembre 2011, l’agente de la CSST communique avec Hélène Lapointe qui est adjointe des Mutuelles de prévention et de la gestion de l’indemnisation. Elle s’occupe notamment des dossiers de l’employeur.
[47] Celle-ci informe l’agent que l’envoi de l’avis de l’employeur et demande de remboursement tarde parce que l’employeur s’oppose à la réclamation de la travailleuse. Il souhaite qu’elle soit expertisée, mais la veille la travailleuse s’est présentée au rendez-vous médical avec 40 minutes de retard et l’examen n’a pu se faire. Un autre rendez-vous a été fixé au 13 septembre 2011.
[48] L’agente ajoute aux notes qu’à cette date, la CSST n’a reçu ni la réclamation de la travailleuse ni une attestation médicale ou un rapport médical du médecin en lien avec un nouvel événement.
[49] Le 13 septembre 2011, à la demande de l’employeur, la travailleuse est examinée par le docteur Lucie Duclos. Il s’agit du deuxième examen de la travailleuse par ce médecin.
[50] Cet examen est demandé afin que le médecin se prononce sur les questions du diagnostic, la consolidation, les soins et les séquelles. Il doit également donner son avis sur la capacité de la travailleuse à occuper une assignation temporaire.
[51] D’emblée, le docteur Duclos indique que le 26 août 2011, une déclaration d’accident du travail a été rédigée par la travailleuse.
[52] Il rapporte ce qui suit concernant son état au moment de l’examen :
ÉTAT ACTUEL
Madame mentionne qu’elle a repris son travail au mois de juillet. Elle a été incapable de reprendre le travail à temps plein, puisqu’elle avait tendance à échapper des objets. Elle mentionne qu’elle n’a plus de sensation au niveau de la pulpe de l’index et qu’elle ressent des douleurs à la paume de la main, qui irradient dans l’épaule. Elle ressent également des douleurs continuelles, de plus en plus situées à la face dorsale de l’index, jusqu’à la moitié du métacarpe et jusqu’à l’articulation interphalangienne, sur le dessus de la main. Elle a l’impression que l’index est cassé et elle ressent des coups de couteau, tellement les douleurs sont importantes.
Elle mentionne avoir cessé de travailler le 23 août à midi, en raison des douleurs. Elle mentionne avoir appliqué de la glace, mais ceci n’occasionne pas tellement de soulagement.
Elle mentionne avoir comme médication du Lyrica à 75 mg 2 fois par jour, de l’Empracet qu’elle prend à raison de 2 à 4 comprimés par jour et du Naprosyn qu’elle prend à raison de 2 à 3 comprimés par jour.
Elle mentionne avoir de la difficulté à dormir en raison d’un engourdissement situé au niveau de la face palmaire du pouce, de l’index et du majeur. Elle mentionne qu’elle est incapable de tenir le téléphone avec sa main droite, puisque des engourdissements surviennent, avec des douleurs qui peuvent aller jusqu’à l’épaule. Elle mentionne qu’elle est incapable de tenir le volant de son véhicule avec la main droite pour les mêmes raisons que pour le téléphone. Elle est incapable de maintenir une revue ou un livre durant une longue période parce que des engourdissements surviennent. Si elle échappe des objets, c’est parce qu’elle ne sent pas bien ce qu’elle a dans sa main.
[notre soulignement]
[53] Un examen exhaustif de la main droite de la travailleuse est fait. Nulle part, une lacération ou sa trace n’est mentionnée.
[54] Le docteur Duclos retient les mêmes diagnostics que ceux émis le 26 janvier 2011. Elle indique qu’il y a absence de rechute, mais que la travailleuse pourrait souffrir d’un syndrome du canal carpien droit qui mérite d’être investigué. Elle suggère des limitations fonctionnelles en lien avec ce syndrome qu’elle qualifie toutefois de condition personnelle.
[55] Le 7 octobre 2011, le docteur Bou-Merhi revoit la travailleuse toujours pour un suivi du trauma à la main droite. À ses notes médicales, il indique que la travailleuse se plaint encore de douleurs et qu’un changement de travail est à recommander. À son rapport daté du même jour, il indique que la travailleuse est incapable de faire son travail habituel.
[56] À l’audience, la travailleuse indique qu’elle n’a pas eu d’autre suivi avec ce médecin sinon qu’elle l’a revu au mois de mars 2013. Le médecin lui a signifié qu’il n’a plus de traitement à lui offrir. Lors du contre-interrogatoire, elle affirme qu’elle n’a plus de suivi médical sauf avec son médecin de famille pour d’autres pathologies.
[57] Précisons immédiatement que le représentant de la travailleuse a produit des notes du docteur Bou-Merhi toutes deux datées du 17 avril 2013 et qui lui étaient adressées. La première note a été déposée le jour même de sa rédaction. Nous y lisons ce qui suit :
Objet : Demande de renseignements pour le dossier de Mme Johanne St-PierreÂ
Maître,
À la suite de votre demande de citation à comparaître pour le 25 avril 2013, concernant le dossier de Mme Johanne St Pierre, je vous informe que je serai dans l’impossibilité d’être présent étant en salle d’opération toute la journée.
Mme St-Pierre a été revue par moi en suivi en date du 26 août 2011, après la reprise de son travail habituel.
À ce moment-là , on avait prescrit un arrêt de travail, car la patiente est redevenue très symptomatique depuis son retour au travail, incluant de la douleur et de l’oedème du membre supérieur droit, avec prescription de Lyrica. Un rendez-vous lui a été donné dans les 6 semaines suivantes.
Mme St-Pierre a été revue en suivi le 7 octobre 2011, date à laquelle la patiente avait déjà eu son expertise finale. À ce stade, il n’y avait plus rien à offrir comme traitement et un changement de type de travail lui a été suggéré. Par la suite, elle a eu son congé le 29 juin 2012, avec des séquelles consolidées.
[nos soulignements]
[58] À l’audience, le représentant de la travailleuse a produit une deuxième note du docteur Bou-Merhi[5], toujours datée du 17 avril 2013, et qui lui est aussi adressée. Elle se lit ainsi :
Objet : Demande de renseignements pour le dossier de Mme Johanne St-PierreÂ
Maître,
À la suite de votre demande de citation à comparaître pour le 25 avril 2013,concernant le dossier de Mme Johanne St Pierre, je vous informe que je serai dans l’impossibilité d’être présent étant en salle d’opération toute la journée.
Mme St-Pierre a été revue par moi en suivi en date du 26 août 2011, après la reprise de son travail habituel.
À ce moment-là , on avait prescrit un arrêt de travail, car la patiente est redevenue très symptomatique depuis son retour au travail, incluant de la douleur et de l’oedème du membre supérieur droit, avec une coupure dans la paume de la main du côté du pouce droit avec prescription de Lyrica à 25 milligrammes. Un rendez-vous lui a été donné dans les 6 semaines suivantes.
Mme St-Pierre a été revue en suivi le 7 octobre 2011, date à laquelle la patiente avait déjà eu son expertise finale. À ce stade, il n’y avait plus rien à offrir comme traitement et un changement de type de travail lui a été suggéré. Par la suite, elle a eu son congé le 29 juin 2012, avec des séquelles consolidées.
[nos soulignements]
[59] Ni la travailleuse ni son représentant n’ont fourni d’explication concernant ces versions différentes signées par le même médecin à la même date.
[60] Pour revenir au déroulement du dossier, le 20 septembre 2011, l’agente de la CSST reçoit un appel de la travailleuse qui s’informe de sa récidive, rechute ou aggravation du 26 août 2011. L’agente inscrit qu’elle demande à la travailleuse de produire sa réclamation et l’attestation médicale afin que l’analyse de la demande puisse commencer.
[61] L’avis de l’employeur et demande de remboursement au dossier concernant l’événement du 26 août 2011 est daté du 23 septembre 2011[6] et il aurait été reçu par la CSST le 6 octobre suivant. Nous y lisons que la travailleuse aurait déclaré l’événement le 29 août 2011 alors que le dernier jour travaillé apparaît être le 23 août 2011.
[62] Le représentant de la travailleuse a produit une réclamation du travailleur datée du 27 septembre 2011. Elle a été rédigée et signée par madame St-Pierre, mais aucune signature de l’employeur n’y apparaît ni aucune estampille selon laquelle elle aurait été expédiée à la CSST. Nous y lisons ce qui suit :
J’ai eu mon acc. le 20-08-09, eu trois opération à la main droite (tendon extenseur du pouce sectionné) 1 16-09-09 2-14-7 2010 illisible 27- illisible-2010 puis consolidé au mois de janvier 2011; j’ai recommencé le 11 juillet 20 illisible à mon nouveau poste, et dès le début j’ai ressenti brûlure, douleur, enflure et le 23-08-11 j’ai quitté et appelé le dr. que j’ai rencontré le 26-08-11 et il m’a arrêté.
[63] La date de la récidive, rechute ou aggravation apparaît être le 23 août 2011.
[64] Lors du contre-interrogatoire, la travailleuse reconnaĂ®t avoir communiquĂ© avec le service des ressources humaines chez l’employeur le 23 aoĂ»t 2011, mais elle ne sait plus trop avec qui elle a parlĂ©. Elle admet avoir discutĂ© des diverses contestations de l’employeur au dossier, qu’elle se sentait agressĂ©e mais qu’en aucun cas elle a parlĂ© de l’évĂ©nement du matin. Elle rĂ©itère toutefois qu’elle en a discutĂ© avec son superviseur Michel. Les jours suivants, elle est demeurĂ©e Ă la maison et elle ne se souvient plus si elle a communiquĂ© avec l’employeur.Â
[65] Le 31 octobre 2011, l’agente communique avec la travailleuse pour l’informer qu’elle n’a pas reçu les documents demandés au CHUM. Le 16 novembre suivant, il appert que les documents auraient été postés le 10 novembre 2011, mais au mauvais endroit ce qui, selon l’agent, explique le délai inhabituel.
[66] Le 16 novembre 2011, une cueillette d’informations concernant la demande de récidive, rechute ou aggravation est entamée par l’agent de la CSST, Simon Lévesque, auprès de la travailleuse.
[67] À titre de déclaration d’un nouvel événement, la travailleuse rapporte que lors d’un quart de travail, elle ne se souvient plus de la date, un morceau de bois a glissé de ses mains et elle a eu une lacération. Elle aurait rapporté l’événement à son assembleur, désinfecté la plaie et mis un pansement tout en reprenant le travail. Lors du contre-interrogatoire, la travailleuse précise qu’elle a travaillé seulement la matinée et qu’elle s’est rappelé la date par la suite.
[68] Elle rapporte également à l’agent qu’elle a toujours eu des douleurs à la main droite du pouce au majeur. Depuis son retour au travail, ces douleurs se sont accentuées de manière importante.
[69] Le 16 décembre 2011, le docteur Claude Morel, médecin-conseil à la CSST, écrit qu’il y a absence d’aggravation au 26 août 2011. Il s’agit plutôt d’une variation de la douleur à la suite d’une mobilisation sans aucun signe clinique ou changement. Le docteur Morel indique également que les symptômes étaient déjà importants lors de l’examen au BEM, mais aucun nouveau traitement par le médecin qui a charge n’a été recommandé.
[70] La CSST analyse la réclamation de la travailleuse et la rejette en indiquant notamment que le diagnostic émis par le docteur Bou-Merhi, soit un trauma à la main droite, ne correspond pas à une blessure. Le médecin se reporte plutôt au suivi pour un trauma à la main droite à la suite des chirurgies, d’autant que la travailleuse ne rapporte aucun nouvel événement de nature traumatique. Il n’y a donc pas eu d’accident du travail le 26 août 2011.
[71] L’analyse de la réclamation sous l’angle d’une récidive, rechute ou aggravation conduit également à un refus puisqu’il y a absence de preuve de signes objectifs d’une détérioration de l’état de santé de la travailleuse.
[72] Le 12 décembre 2011, la CSST rend une décision de refus de la réclamation de la travailleuse, refus maintenu en révision administrative, d’où le litige dont le tribunal, est saisi. La soussignée note qu’en révision administrative la CSST retient un diagnostic de lacération à la main et une reprise de douleur post retour au travail.
[73] Il convient de rapporter le contenu de la contestation de la travailleuse en révision administrative :
[…]
Je conteste la décision de refus, suite à mon aggravation pour ma main le 23 août 2011.
Depuis ce temps, ma main ne fonctionne presque plus, enfle, brule jusqu’a l’épaule, n’a pratiquement plus de force, mon dos qui n était pas dans le fait original des faits de mon accident arriv originalement le 20 août 2009, a recommencé a bloqué et a m’empecher de bien fonctionner. Les mouvement repetitifs et a bout de bras, on malheureusement reactivé des douleurs desquelles je ne tenais pas du tout le retrour. Depuis je vis des fatigues qui arrive de nulle part et j’ai de la difficulté a remonté la pente, pour ses raisons je demande a la csst de bien vouloir reviser sa decision de refus. [sic]
[74] Comme il a été dit, la travailleuse n’a pas repris ses tâches chez l’employeur. Elle serait en recherche d’emploi après avoir fait un retour aux études à l’automne 2012 en comptabilité.
[75] De son côté, le représentant de l’employeur a fait témoigner Chantal Charbonneau qui est directrice des ressources humaines chez l’employeur[7]. Elle s’occupe notamment des dossiers CSST. Elle a suivi le dossier de la travailleuse notamment le processus de détermination de l’emploi convenable.
[76] Ainsi, elle a participé avec la CSST au plan de réadaptation en visitant notamment le poste de travail de la travailleuse en usine. Un emploi de magasinière au tablier de table a été retenu. Il a été aussi convenu qu’une limite de poids devait être respectée dans cet emploi. Elle a également constaté que des bandes antidérapantes et le banc avaient été installés.
[77] Lors du retour au travail, au mois de juillet 2011, il avait été convenu que la travailleuse aurait l’aide d’un collègue. Selon madame Charbonneau, elle s’est assuré auprès du directeur de production, Anthony Bergeron, que cet élément était respecté et elle s’est fait répondre que c’était le cas, que tout allait bien. Elle a réitéré cette vérification aux deux ou trois jours par la suite, mais à son avis la travailleuse se plaignait de douleurs bien avant d’occuper l’emploi. Elle n’a pas fait ce type de vérifications au mois d’août 2011.
[78] Lors du contre-interrogatoire, le tĂ©moin indique que monsieur Bergeron ne travaille pas spĂ©cifiquement dans le dĂ©partement de la travailleuse. Il est le directeur de production pour l’ensemble de l’usine, mais elle assure qu’il s’y dĂ©place partout notamment dans le dĂ©partement de la travailleuse. Elle prĂ©cise que Michel Drainville est le travailleur responsable des tabliers de table et qu’il n’a aucune responsabilitĂ© en matière de santĂ© sĂ©curitĂ© au travail. Â
[79] Le témoin affirme également avoir reçu un appel le 23 août 2011, en matinée, de la part de la travailleuse. Celle-ci tenait alors des propos menaçants liés à la conduite de l’employeur et son dossier d’accident. La travailleuse a allégué un problème de sinusite pour s’absenter en après-midi. Par la suite, Chantal Charbonneau n’a pas eu d’autre communication avec elle.
[80] Un courriel de Chantal Charbonneau à Hélène Lapointe[8], daté du 6 septembre 2011, a été produit. Nous y voyons la liste des absences ou retards de la travailleuse entre le 13 juillet et le 23 août 2011. Entre le 15 et le 22 août 2011, la travailleuse s’est absentée deux journées complètes et une demi-journée.
[81] Ce courriel rapporte également la conversation téléphonique que madame Charbonneau aurait eue avec la travailleuse le 23 août 2011 vers 10 h 30. Enfin, nous y lisons que le 25 août 2011 la travailleuse aurait laissé un message pour aviser que ses douleurs au bras étaient réapparues et qu’elle s’absentait.
[82] Interrogée par le représentant de la travailleuse sur le fait qu’elle savait à l’époque de la rédaction de ce courriel que la travailleuse avait fait une réclamation à la CSST, le témoin Charbonneau répond que cela est fort possible puisqu’elle indique dans le courriel une reprise des douleurs au bras. Toutefois, elle ne se souvient pas des circonstances dans lesquelles elle l’a appris.
[83] Concernant la déclaration de l’employé (F1), elle ne sait pas dans quelles circonstances elle a été rédigée ni quand elle a été reçue.
[84] Enfin, elle ne sait pas Ă quoi rĂ©fère la mention d’un document qui serait joint Ă l’avis de l’employeur et demande de remboursement. Elle prĂ©cise qu’il a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© par quelqu’un d’autre, mais signĂ© par elle. Â
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[85] Le représentant de la travailleuse prétend ce qui suit :
· Le diagnostic qui doit être retenu pour décider de la contestation est celui de lacération; interrogé expressément par le tribunal à quel endroit nous retrouvons ce diagnostic au dossier, le représentant répond qu’on le retrouve dans le témoignage de la travailleuse, aux notes évolutives de la CSST et dans les notes du docteur Bou-Merhi; selon lui, quand ce médecin écrit que la travailleuse a subi un trauma il faut comprendre qu’il réfère à une lacération à la main droite;
· Il demande de retenir la date du 23 août 2011 comme étant celle où la travailleuse aurait subi une lésion professionnelle;
·
À cette date, une blessure s’est produite au travail au moment où
la travailleuse exerçait ses tâches; la présomption prévue à l’article
· Subsidiairement, si le tribunal ne retient pas une telle demande, il allègue qu’un événement imprévu et soudain est survenu quand la travailleuse manipulait un tablier de table et qu’elle a subi une lacération à la main droite; cet accident a été déclaré de manière contemporaine au superviseur de la travailleuse et la preuve médicale au dossier confirme sa survenance;
· Enfin, le représentant de la travailleuse prétend, toujours de manière subsidiaire, que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation le 23 août 2011 quand ses douleurs à la main droite ont augmenté au point où elle a dû consulter un ergothérapeute; il souligne le non-respect des limitations fonctionnelles, le fait que la travailleuse conservait une atteinte permanente à l'intégrité physique importante, qu’elle a continué d’éprouver des douleurs qui étaient dues à la lésion professionnelle d’origine et à la reprise du travail;
· Au mois d’août 2011, la condition de la travailleuse a changé quand les douleurs ont augmenté accompagnées d'enflure et de l’œdème; il souligne le court délai entre la date de consolidation retenue et l’apparition de ces symptômes qui se trouvent au même site lésionnel;
· Ainsi, la preuve a été faite par le témoignage de la travailleuse et les notes du docteur Bou-Merhi d’une détérioration objective de l’état de santé de la travailleuse;
·
Concernant l’application de l’article
[86] De son côté, le représentant de l’employeur prétend ce qui suit :
· Au mois de juillet 2011, la travailleuse ne souhaitait pas retourner chez l’employeur; les notes Ă©volutives de la CSST confirment ce propos; elle a peu collaborĂ© Ă son retour au travail et ses absences en sont une preuve; elle a aussi admis qu’elle n’a pas fait des semaines complètes de travail; Â
·
La présomption prévue à l’article
· Quand le docteur Bou-Merhi indique qu’il voit la travailleuse pour un trauma, il est clair que la date de l’événement auquel il se réfère est celle de l’événement d’origine soit le 20 août 2009; le trauma en question ne réfère pas à une prétendue lacération;
· La déclaration de l’accident du travail a été faite uniquement le 1er septembre 2011 et elle n’est pas signée par l’employeur; si un accident est survenu le 23 août 2011, il est incompréhensible que la travailleuse ait attendu aussi longtemps avant de rédiger les documents pour le déclarer;
· Le représentant de l’employeur souligne que le 23 août 2011, alors que la travailleuse communique avec son agent à la CSST, elle ne mentionne pas la survenance d’un accident qui serait pourtant survenu le matin même; la même conclusion vaut concernant la conversation qu’elle aurait eue avec Hélène Charbonneau le même jour;
· S’il est vrai que le 16 novembre 2011, la travailleuse mentionne à l’agent de la CSST avoir subi une lacération à la main droite force est de constater qu’à cette époque elle est incapable de préciser la date à laquelle l’accident serait survenu;
· La travailleuse n’a pas subi le 23 août 2011 une récidive, rechute ou aggravation;
· Le représentant de l’employeur souligne à ce titre, l’absence de suivi médical depuis la consolidation de la lésion d’origine;
· Cette consolidation a été fixée par plateau thérapeutique et non par guérison; la travailleuse conserve de sa lésion professionnelle d’origine des séquelles; il n’est donc pas étonnant qu’elle continue d’avoir des douleurs qui peuvent être contrôlées par la prise d’inflammatoires; il y a toutefois absence de récidive, rechute ou aggravation;
· Quand le docteur Duclos mentionne des limitations fonctionnelles « ajoutées », elle réfère à un diagnostic qui n’a jamais été retenu en l’espèce; il n’y a donc pas lieu de conclure à une aggravation de la condition de la travailleuse à partir de cet avis;
· La travailleuse indique avoir reçu une prescription de Lyrica, mais nulle part elle n’indique pour quelle raison;
·
Concernant l’application de l’article
[87] Après l’argumentation du représentant de l’employeur, celui de la travailleuse a exigé que ce dernier dépose une réclamation d’accident du travail de la travailleuse signée par un représentant de l’employeur ainsi que la formule F1 qui aurait également été signée par l’employeur. Le tribunal a alors demandé au représentant de l’employeur de vérifier si ces documents existaient en lui donnant un délai de 15 jours pour les produire le cas échéant.
[88] Entretemps, le 30 avril 2013, le greffe du tribunal accusait réception d’un document envoyé par la travailleuse et émanant de la CSST. Il s’agissait de la réclamation de la travailleuse pour l’événement d’origine du 26 octobre 2009.
[89] Le 1er mai 2013, la soussignée écrit au représentant de la travailleuse pour connaître ses intentions à l’égard du dépôt de cette réclamation.
[90] Le 7 mai 2013, le représentant de l’employeur écrit à la soussignée à propos des démarches entreprises pour trouver les documents réclamés. Il affirme que les seuls que l’employeur a en sa possession sont ceux qui ont été produits par le représentant de la travailleuse.
[91] Le 14 mai 2013, le représentant de la travailleuse s’adresse au tribunal concernant la lettre du 1er mai 2013 et la réponse du représentant de l’employeur. Il écrit ce qui suit :
Nous avons pris connaissance de votre lettre du 1er mai 2013 ainsi que de l’envoi de Me Latulippe prétendant que la déclaration d’accident de travail version de l’employée n’a jamais été signée par un représentant de l’employeur.
Notre cliente a fait les démarches auprès de la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour obtenir l’original des documents qui avaient été produits par l’employeur auprès de la CSST. D’ailleurs, sur le premier document, réclamation du travailleur, vous retrouvez la date de réception du 6 novembre 2009 .CSST. Or, ces documents ne se retrouvaient pas au dossier de madame puisqu’ils ont été expédiés à Mauricie-Centre-du-Québec par l’employeur. Vous trouverez qu’effectivement ce document était déjà connu de l’employeur puisque la signature de Jacques Doucet, contremaître, y est apposée en date du 14 septembre 2009.
Ces documents vous ont été envoyés directement par la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour contrer les propos de l’employeur.
Espérant le tout conforme, nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de nos salutations distinguées.
[92] Le 15 mai 2013, le représentant de l’employeur écrit à la soussignée que le document déposé par la travailleuse le 30 avril 2013 n’est pas le même que celui déposé à l’audience par son représentant. En effet, le document en question concerne l’événement d’origine et non celui qui nous occupe. Il maintient qu’il faisait référence dans son argumentation à la déclaration d’accident version de l’employée (F1) remplie par la travailleuse le 1er septembre 2011. Il réitère ainsi que l’employeur n’a jamais reçu de formulaire signé en lien avec la réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation. Le dossier a par la suite été mis en délibéré.
L’AVIS DES MEMBRES
[93] Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales ont le mĂŞme avis, soit de rejeter la requĂŞte de la travailleuse.
[94]
Ils retiennent que la présomption prévue à l’article
[95]
La reconnaissance d’un accident du travail sous l’angle de l’article
[96] La preuve d’une récidive, rechute ou aggravation n’a pas été faite. En effet, la preuve montre plutôt que la travailleuse se plaint des mêmes douleurs et symptômes qu’au moment de la consolidation. Il y a absence de preuve d’une détérioration quelconque. Notamment, les notes et rapports du docteur Bou-Merhi évoquent l’existence de douleurs, problème qu’il lie aux séquelles de la lésion professionnelle d’origine.
[97]
Enfin, il y a absence de preuve qu’en l’espèce l’article
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[98]
La Commission des lésions professionnelles doit décider si la
travailleuse a subi le 23 août 2011 une lésion professionnelle. Elle doit
également décider si l’article
[99] La loi définit à l’article 2 la notion de lésion professionnelle ainsi :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.
[100] Afin de faciliter la preuve de l’existence d’une telle lésion, la loi prévoit une présomption à l’article 28 qui se lit ainsi :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 28.
[101] Le
travailleur qui souhaite bénéficier de cette présomption doit prouver qu’il a
subi une blessure, qui est arrivée sur les lieux du travail alors qu’il était
au travail. Autrement, il devra prouver qu’il a subi un accident du travail
selon la définition prévue à l’article
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[102] Dans une décision rendue par un banc de trois juges administratifs[9], le tribunal a eu l’occasion de revoir de manière exhaustive l’application de la présomption, ses effets et son mode de renversement. La soussignée partage ces enseignements qu’il convient de rappeler ici brièvement.
·
La présomption prévue à l’article
· Les questions du délai à dénoncer un événement ou à consulter un médecin sont des éléments factuels qui peuvent aider à décider si une blessure est survenue au travail, mais il ne s’agit pas de conditions supplémentaires à l’application de la présomption;
· Une fois les trois conditions satisfaites, l’existence d’une lésion professionnelle est présumée;
· Il s’agit d’une présomption simple qui peut être renversée par la preuve d’une absence de relation entre la blessure et l’événement tel que rapporté.
[103] Commençons par dĂ©cider si la travailleuse a subi une blessure le 23 aoĂ»t 2011. La soussignĂ©e est d’avis que cette preuve n’a pas Ă©tĂ© faite, privant ainsi la travailleuse de l’application de la prĂ©somption. Â
[104] En effet, le tribunal retient qu’au moment où le docteur Bou-Merhi voit la travailleuse, le 26 août 2011, il s’agit d’un suivi pour un trauma à la main droite. Nulle part, ce médecin n’indique, à une date pourtant rapprochée de l’événement allégué, la présence d’une lacération. Nulle part, le médecin note de l’enflure ou de l’œdème.
[105] Il est vrai que dans l’une des versions de la note du 17 avril 2013 le médecin ajoute la présence d’une coupure, mais le tribunal privilégie les notes contemporaines du docteur Bou-Merhi puisqu’elles apparaissent plus fiables dans les circonstances.
[106] Le tribunal est conforté dans ce choix, en reprenant le témoignage de la travailleuse selon lequel la coupure alléguée semblait somme toute bénigne puisqu’elle n’a pas jugé nécessaire de consulter un médecin immédiatement. Un simple pansement a suffi. Également, il n’est pas contesté qu’elle a poursuivi son travail tout au moins jusqu’à l’heure du midi. Ces faits ne traduisent pas la survenance d’une blessure de la nature que le représentant de la travailleuse ou elle-même décrit.
[107] Le fait que la travailleuse s’est également entretenue avec un agent de la CSST le 23 août 2011 sans lui mentionner l’accident ou la lacération permet de douter fortement de sa crédibilité. D’autant que la travailleuse avait eu l’occasion d’expérimenter le processus de réclamation à la CSST à au moins deux reprises et que de l’avis de la soussignée elle savait pertinemment comment faire pour déclarer un accident du travail.
[108] De même, le témoignage de Hélène Charbonneau n’a pas été contredit quand elle affirme avoir parlé avec la travailleuse le 23 août 2011 sans que celle-ci mentionne la lacération à la main droite ni d’ailleurs tout autre détail concernant ce qui s’était prétendument produit quelques heures plus tôt.
[109] La copie de la réclamation de la travailleuse à la CSST qui a été déposée par son représentant n’est pas plus convaincante alors que sa lecture permet de voir qu’en nulle part la lacération n’est mentionnée. De plus, la travailleuse qualifie l’événement du 23 août 2011 comme étant une récidive, rechute ou aggravation en alléguant une reprise de douleurs.
[110] Il est vrai que dans le formulaire F1 signé le 1er septembre 2011 elle mentionne s’être « ouvert » la main, mais cette information apparaît parmi d’autres comme la survenance d’éraflures ou de bleus. Rien dans cette énumération ne ressemble à la description de l’événement que la travailleuse a faite à l’audience. C’est parce qu’elle avait de l’enflure et de la douleur que la travailleuse a pris rendez-vous avec le docteur Bou-Merhi qui évoque alors une aggravation de sa condition. Encore une fois, la survenance d’une lacération n’est nullement évoquée.
[111] Cette absence de description d’une lacération se retrouve également au rapport du docteur Duclos qui a été rédigé peu de temps après les événements allégués. Encore une fois, nulle part ce médecin ne rapporte une blessure de la nature décrite à l’audience. Elle rapporte des douleurs en lien avec l’exécution des tâches, mais nullement un événement précis et encore moins une lacération. Son examen objectif ne rapporte aucune trace ou cicatrice d’une lacération récente.
[112] En fait, ce sera uniquement le 16 novembre 2011, trois mois après la survenance de l’événement allégué, que la travailleuse mentionne à son agent à la CSST qu’elle aurait subi une lacération. La travailleuse a oublié la date exacte de l’accident, mais elle mentionne alors avoir été capable de poursuivre ses tâches. Le manque de contemporanéité de cette déclaration et son caractère vague ne permet pas de conclure à l’existence d’une blessure.
[113] Enfin, la lecture même de la contestation de la travailleuse en révision administrative est révélatrice de ses véritables intentions, soit réclamer pour une récidive, rechute ou aggravation et non la survenance d’un nouvel accident du travail. En effet, dans cette contestation elle discute de mouvements répétitifs, d’augmentation ou de réactivation des douleurs, mais jamais d’une lacération.
[114] Bref, le
tribunal conclut à l’absence d’une blessure. Un élément de la présomption n’étant
pas rencontré, il est inutile de poursuivre l’analyse de l’application de la
présomption prévue à l’article
[115] Pour les mêmes motifs, la soussignée est également d’avis qu’aucun événement imprévu et soudain de la nature décrite par la travailleuse n’est survenu le 23 août 2011. La travailleuse n’a donc pas subi un accident du travail à cette date. Il reste à décider si la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation.
[116] L’article
[117] La jurisprudence[10] de la Commission des lésions professionnelles établit pour sa part que la notion de récidive, rechute ou aggravation doit être interprétée dans son sens courant; il peut s’agir d’une reprise évolutive, d’une réapparition ou de la recrudescence d’une lésion.
[118] Un travailleur doit prouver d’une manière prépondérante qu’il existe d’une part un changement dans sa condition physique. La simple persistance du tableau clinique d’origine ne suffit pas[11] à faire reconnaître l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation ni d’ailleurs la chronicité d’une condition[12].
[119] À ce sujet, le tribunal partage les propos suivants tirés de l’affaire Bélanger et Commission scolaire des Rives du Saguenay[13] :
[16] Concernant cette dernière exigence, la jurisprudence du tribunal est constante4. Même si la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation ne requiert pas obligatoirement la preuve d’une nette détérioration de la condition médicale du travailleur, la simple persistance du tableau clinique tel qu’existant au moment de la consolidation de la lésion initiale ne permet pas de conclure à l’existence de ce type de lésion professionnelle. La preuve doit nécessairement démontrer l’existence d’un changement significatif de la condition médicale du travailleur eu égard à celle constatée au moment où il a été décidé qu’un plateau thérapeutique était atteint
_______________
4Â Â Â Â Â Â Voir notamment : Leblanc et Boutros
& Pratte Experts conseils inc., C.L.P.
[120] D’autre part, un lien entre la rĂ©cidive, rechute ou aggravation allĂ©guĂ©e et la lĂ©sion d’origine doit ĂŞtre prouvĂ©. Ă€ ce titre, le seul tĂ©moignage d’un travailleur est insuffisant et une preuve mĂ©dicale est nĂ©cessaire pour Ă©tablir le lien en question. La jurisprudence a dĂ©veloppĂ© des critères permettant d’établir si ce lien existe ou non.Â
[121] Ces critères ont été énoncés dans la décision Boisvert et Halco[14], en 1995. Depuis ce temps, ils ont été cités à maintes reprises et sont toujours utiles pour résoudre le présent litige. Il s’agit des critères suivants : la gravité de la lésion initiale; la compatibilité ou la similitude des sites de lésion; la continuité des symptômes; l’existence ou non d’un suivi médical; le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles; la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique; la présence ou l’absence de conditions personnelles; la compatibilité des symptômes allégués lors de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale et finalement, le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion d’origine. Aucun de ces critères n’est en soi décisif, mais ils peuvent aider à décider du bien-fondé d’une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation.
[122] Ces choses étant dites, qu’en est-il du présent dossier?
[123] Commençons par la question du changement dans la condition physique de la travailleuse au moment où elle produit sa réclamation. Le tribunal retient qu’elle se plaint principalement d’une augmentation des douleurs qu’elle associe à son retour au travail. Elle se plaint aussi d’enflure, d’œdème.
[124] Or, il y a lieu de rappeler que la lésion professionnelle a été consolidée avec une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles alors que le docteur Duranceau, membre du BEM, précise qu’un syndrome douloureux persiste. Ce médecin était alors d’avis qu’il pouvait être traité par des médicaments.
[125] C’est ce qui s’est produit le 26 août 2011 quand la travailleuse s’est présentée chez le docteur Bou-Merhi. Il lui a simplement prescrit des médicaments pour soulager des douleurs qui étaient présentes depuis longtemps comme cela peut être constaté à la lecture du suivi médical. Rappelons à ce titre qu’un simple effleurement de la main droite provoquait une douleur tel que rapporté par le docteur Duclos à la suite de son examen qui a eu lieu quelques mois avant la consolidation.
[126] Rappelons également que la travailleuse consommait déjà de l’Empracet. Le fait qu’il y ait eu un changement dans la médication, sans explication quant à leur utilité, sinon le soulagement de la douleur, ne permet pas de conclure à une récidive, rechute ou aggravation.
[127] L’opinion du docteur Morel, médecin-conseil à la CSST, est retenue quand il indique que la travailleuse a présenté une variation de la douleur à la suite d’une mobilisation. Il n’y a toutefois pas de signe clinique probant d’un changement dans sa condition. Le médecin souligne, avec raison, que la travailleuse se plaignait déjà à la date de consolidation de symptômes importants et qu’elle rapporte sensiblement les mêmes au moment où elle cesse à nouveau de travailler.
[128] Le tribunal remarque par ailleurs que les symptômes de la travailleuse tels l’œdème, l’enflure ne sont pas repris à la suite des examens objectifs des médecins qui l’ont examinée de manière contemporaine à l’événement du 23 août 2011.
[129] En effet, comme il a été dit, le 26 août 2011, le docteur Bou-Merhi note simplement que la rupture du transfert tendineux est très symptomatique depuis le retour au travail. Il n’y a aucune note concernant de l’enflure ou de l’œdème. L’examen du docteur Duclos est aussi muet à ce sujet.
[130] Le tribunal comprend que la travailleuse ait pu associer ses problèmes physiques à l’événement d’origine. Mais, cela ne suffit pas à établir la relation puisqu’aucune preuve médicale probante ne supporte cette hypothèse.
[131] Le représentant de la travailleuse a voulu établir un lien entre les constats du docteur Duclos à propos d’un hypothétique canal carpien qui aurait entraîné de nouvelles limitations et la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation. La soussignée ne retient pas un tel argument.
[132] En effet, la preuve au dossier montre que la travailleuse ne souffre pas d’un canal carpien. En conséquence, les conclusions du docteur Duclos concernant ce seul diagnostic ne permettent pas d’en tirer d’autres notamment concernant l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation.
[133] Enfin, rappelons que ce diagnostic de canal carpien n’a jamais été reconnu comme étant en lien avec l’événement d’origine.
[134] La rĂ©vision du dossier permet Ă©galement de voir que la travailleuse a exercĂ© l’emploi convenable retenu très peu de temps. En effet, le tribunal a calculĂ© qu’elle a travaillĂ© tout au plus une vingtaine de jours entre le 11 juillet 2011 et l’arrĂŞt du 23 aoĂ»t suivant. Cela paraĂ®t bien peu pour conclure comme la travailleuse le souhaite, soit que la reprise du travail aurait causĂ© l’aggravation invoquĂ©e.  Â
[135] Ainsi, il
y a absence de preuve de l’aggravation ou d’un changement dans la condition de
la travailleuse. Sa requête à ce sujet doit également être rejetée. Il reste la
question de l’application de l’article
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 51.
[136] D’emblée,
le tribunal constate que la CSST ne s’est jamais prononcée sur cette question.
En conséquence, en vertu de l’article
[137] Même s’il l’avait pu, le tribunal aurait rejeté cette demande du représentant de la travailleuse. En effet, la lecture des rapports du docteur Bou-Merhi ne permet pas de savoir de quel emploi il discute quand il se réfère à « l’emploi habituel » de la travailleuse. Parle-t-il de l’emploi convenable de magasiner ou de l’emploi prélésionnel? Aucune réponse n’a été apportée à ce questionnement. La demande du représentant de la travailleuse s’appuie ainsi sur un rapport incomplet qui ne permet pas de conclure comme il le souhaite.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requĂŞte de Johanne St-Pierre, la travailleuse;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 30 avril 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi le 23 août 2011 ou le 26 août 2011 une lésion professionnelle.
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Luce Morissette |
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Me André Laporte |
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LAPORTE & LAVALLÉE |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Éric Latulippe |
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LANGLOIS KRONSTRĂ–M DESJARDINS |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] Â Â Â Â Â Â Â Â Â L.R.Q., c. A-3.001.
[2]          Le tribunal se reporte à la décision rendue le 30 novembre 2010 par le juge administratif M. Montplaisir, Groupe Bermex inc. et St-Pierre, C.L.P. 414440-63-1007.
[3]          La Commission des lésions professionnelles a également retenu un diagnostic de syndrome régional douloureux complexe voir : précitée note 2.
[4]          Voir la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue par la juge administratif G. Moffet,
[5]          Le représentant de la travailleuse a indiqué avoir envoyé le document au greffe le 24 avril 2013 de manière urgente et ceci n’est pas remis en question, mais le document n’était pas au dossier du tribunal. Il a donc été déposé à l’audience.
[6]          La date est difficile à lire, mais le tribunal est d’avis qu’il s’agit du 23 septembre 2011.
[7]          Madame Charbonneau a expliqué que Meubles BDM est une filiale de Bermex Inc. mais qu’elle s’occupe de l’ensemble des établissements de l’employeur.
[8]          Hélène Lapointe est directrice adjointe d’une Mutuelle de prévention.
[9]          Boies et C.S.S.S. Québec-Nord,
[10] Â Â Â Â Â Â Â Voir entre autres : Lapointe et Compagnie
minière Québec Cartier,
[11]        Voir notamment : Bélanger et Commission.
Scolaire des Rives-Du-Saguenay, C.L.P.
[12] Â Â Â Â Â Â Â Voir : Fontaine et Knirps Canada inc.,
C.L.P.
[13]        PrĂ©citĂ©e note 11.Â
[14] Â Â Â Â Â Â Â Boisvert et Halco
inc.
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