Dang c. Samsung Electronics Canada inc. |
2015 QCCQ 8026 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-143602-144 |
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DATE : |
14 septembre 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MAGALI LEWIS, J.C.Q. .3. |
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ANCO DANG Demandeur c. |
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SAMSUNG ELCTRONICS CANADA INC. |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal ayant accueilli séance tenante la requête de Samsung Electronics Canada inc. (Samsung), en rétractation du jugement rendu par défaut contre elle le 8 décembre 2014, pour les motifs qui apparaissent au procès-verbal d’audience, a entendu la preuve et rend jugement comme suit.
CONTEXTE
[2] Le 10 aout 2013, Anco Dang (M. Dang) prend livraison d’une nouvelle cuisinière de marque Samsung, qu’il a achetée chez Corbeil Électroménagers pour 1 199,99 $ plus taxes, pour un total de 1 379,69 $. Il achète avec la cuisinière, une garantie prolongée de quatre ans au coût de 254,99 $, ou 293,18 $ avec les taxes[1].
[3] Le 11 janvier 2014, cinq mois après qu’il ait pris livraison de la cuisinière, la plaque de cuisson en vitrocéramique craque lorsqu’une de ses filles allume un des ronds chauffants. Selon ce qu’il déclare à l’audience, il n’y avait rien sur la plaque à ce moment-là et aucun objet n’avait été échappé dessus. La fille de M. Dang était seule lors de l’incident et n’a pas témoigné à l’audience.
[4] Les échanges téléphoniques qu’il a avec Samsung n’ayant rien donné, le 18 février 2014, M. Dang transmet par courrier recommandé une mise en demeure à Corbeil Électroménagers et Samsung pour exiger que [s]a cuisinière soit réparée ou remplacée afin de pouvoir bénéficier d’un bien dans l’état qu’il devrait être, ce qui signifie dans le même état que lors de l’achat[2].
[5] Pour M. Dang, la plaque de cuisson ne peut pas avoir craqué d’elle-même, il faut qu’elle soit affectée d’un vice caché. Il réclame donc 2 100 $ de Samsung, soit la valeur d’une cuisinière neuve, en dédommagement pour le bris de la plaque de cuisson. M. Dang explique le montant qu’il réclame par le fait que, lorsqu’il se procure la cuisinière chez Corbeil Électroménagers en juillet 2013, il bénéficie d’un rabais de 600 $, de sorte que le coût réel de la cuisinière est de 1 799,99 $ avant taxes ou 2 069,54 $. Or, il ne sait pas si, lorsqu’il se procurera une nouvelle cuisinière, il devra payer le plein prix.
[6] Le représentant de M. Dang, qui témoigne pour lui, explique dans un premier temps qu’il n’a pas vérifié auprès d’un réparateur de cuisinière s’il était possible de remplacer la plaque de cuisson ni, le cas échéant, le coût d’une telle réparation. Il se contredit plus tard lorsqu’il dit qu’en mars 2015, Samsung a offert à M. Dang de changer la plaque de cuisson gratuitement.
[7] M. Dang a refusé l’offre de Samsung prétextant que le fabricant aurait dû offrir cette solution dès le départ plutôt que de refuser d’honorer la garantie. Il reconnait toutefois qu’en dehors du fait que la plaque de cuisson ne peut être utilisée, le reste de l’appareil fonctionne, et finit par admettre qu’il n’est pas nécessaire de remplacer la cuisinière, mais seulement la plaque chauffante.
[8] Samsung conteste la réclamation.
[9] Après avoir pris connaissance de la mise en demeure de M. Dang, Samsung demande et obtient des photos de la plaque chauffante fissurée de la cuisinière.
[10] Raymi Gélineau, technicien chez Samsung, témoigne pour le fabricant. Il explique que, selon l’évaluation des ingénieurs et du groupe de techniciens qui ont examiné les photos en questions, il est clair que la cuisinière a subi un « endommagement physique », lequel n’est pas couvert par la garantie. Les photographies sont d’ailleurs à ce point concluantes, que Samsung n’a pas jugé nécessaire d’envoyer un technicien constater l’état de la plaque.
[11] À l’audience, Raymi Gélineau explique qu’une plaque chauffante peut se fendre par le seul effet de la chaleur. Dans ce cas, une craque apparait sur le dessus de la cuisinière et traverse la plaque d’un coin à un autre. Pour Samsung, il s’agit d’un bris thermique, couvert par une garantie de cinq ans, pour lequel Samsung assume les coûts de remplacement de la plaque.
[12] En l’instance, une fissure en forme de « toile d’araignée » est apparue sur une plaque chauffante en vitrocéramique, les craques partant d’un même point, similaire à un point d’impact. Raymi Gélineau explique que les ingénieurs de Samsung ont conclu de simulations de bris qu’ils ont faites en laboratoire, que ce type de fissures apparait lorsque la plaque a été préalablement affaiblie par un impact. La plaque fissure alors sous l’effet de la chaleur à partir du point d’impact. Pour le fabricant, ce type de bris est causé par le consommateur et n’est pas couvert par la garantie de qualité.
[13] Samsung conteste aussi le montant de la réclamation, alléguant qu’il n’est pas nécessaire de remplacer la cuisinière, mais seulement la plaque. Raymi Gélineau explique que la plaque vaut 161 $ et la main-d’œuvre de 40 minutes, 150 $, plus les taxes applicables, pour un total que le Tribunal a calculé de 357,57 $.
QUESTIONS EN LITIGE
[14] Le Tribunal déterminera si :
a) Le bris qu’a subi la cuisinière de M. Dang est couvert par la garantie contre les vices cachés et, le cas échéant;
b) Le montant du dédommagement auquel il a droit.
DÉCISION
a) Le bris qu’a subi la cuisinière de M. Dang est-il couvert par la garantie contre les vices cachés?
[15] Les biens doivent être faits pour assurer au consommateur un usage normal[3].
[16] En vertu de l’article 1726 C.c.Q., le vendeur doit garantir le bien qu’il vend contre les vices cachés, le texte de cette disposition prévoyant ceci :
1726 Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
(Soulignements ajoutés)
[17] En vertu de l’article 1729 C.c.Q., les consommateurs bénéficient d’une présomption de vice caché dans les cas où le bien qui présente un bris ou un défaut de fonctionnement a été acquis d’un vendeur professionnel, et que le mauvais fonctionnement ou la détérioration surviennent prématurément par rapport à des biens identiques ou de la même espèce. L’article 1729 C.c.Q. se lit comme suit :
1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l'existence d'un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur.
[18] Lorsque cet article s’applique, le vendeur professionnel ou le fabricant ne peut se libérer de sa responsabilité qu'en faisant la preuve d'une mauvaise utilisation du bien par l'acheteur, c’est-à-dire d’une faute causale du consommateur[4].
[19] La Loi sur la protection du consommateur[5] retient également, aux articles 36, 38 et 53, la responsabilité du fabricant et du commerçant lorsque les garanties d'usage normal, de durabilité raisonnable et d'informations sur la sécurité ne sont pas respectées :
37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l'objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.
Il en est ainsi pour le défaut d'indications nécessaires à la protection de l'utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.
Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu'ils ignoraient ce vice ou ce défaut.
Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
(Soulignements ajoutés)
[20] En vertu de l’article 2847 C.c.Q., une présomption légale comme celle de la présomption de responsabilité du vendeur professionnel ou du fabricant pour le défaut d’un bien, dispense en principe l’acheteur en faveur de qui elle existe de faire la preuve de la cause du bris ou du mauvais fonctionnement. Le consommateur doit toutefois établir, par preuve directe ou autrement, les faits qui servent de fondement à la présomption[6].
[21] Pour que la présomption d’existence du vice s'applique, le demandeur doit donc démontrer l'existence du défaut qui affecte le bien, c'est-à-dire ce qui le rend impropre à l'usage auquel il est destiné, et également que le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration sont survenus prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce.
[22] Il n’est pas besoin d’administrer une preuve pour établir que la plaque chauffante d’une cuisinière d’une valeur à neuf de 1 800 $ doit avoir une vie utile de plus de quatre mois. Il n’est pas contesté qu’une plaque chauffante fissurée ne peut être utilisée, de sorte que la cuisinière perd la majeure partie de son utilité, puisque la plaque chauffante est utilisée tous les jours, plusieurs fois par jour, ce qui n’est pas le cas du four, seule partie de la cuisinière de M. Dang encore utilisable.
[23] En l’instance, Samsung n’a pas fait la preuve que c’est la mauvaise utilisation de la plaque chauffante par M. Dang qui en a causé le bris. Raymi Gélineau s’est contenté de rapporter les conclusions que les ingénieurs de Samsung tirent de tests de durabilité de plaques chauffantes auxquels ils se sont livrés en laboratoire. Aucun rapport écrit n’est produit et les ingénieurs n’ont pas témoigné pour expliquer les paramètres qui ont été utilisés pour effectuer les tests à l’origine des conclusions rapportées par M. Gélineau.
[24] Nonobstant cela, si le Tribunal considérait pour avérer la prémisse que des fissures en forme de « toile d’araignée » ne peuvent avoir été causées sur une plaque chauffante en vitrocéramique que par la faiblesse de la plaque, faiblesse elle-même causée par le fait d’avoir laissé tomber un objet, quel qu’il soit, la question suivante se pose : le fait de laisser tomber un objet (une salière, une casserole, une assiette, etc.) sur une plaque de cuisinière en vitrocéramique, constitue-t-il une mauvaise utilisation par l’acheteur au sens de l’article 1729 C.c.Q.? Une réponse négative s’impose.
[25] Le fait d’utiliser des objets au-dessus et autour d’une cuisinière fait partie inhérente de son utilisation. Que certains des objets entrent en collision avec la plaque chauffante est une conséquence normale de leur utilisation et la plaque doit être suffisamment résistante pour ne pas fissurer au moindre impact.
[26] Samsung ne s’étant pas déchargé de son fardeau d’établir la mauvaise utilisation de la plaque chauffante par M. Dang ou les membres de sa famille, celui-ci bénéficie de la présomption de l’existence d’un vice et de la garantie de qualité, de sorte qu’il a droit d’être indemnisé pour le bris de la plaque chauffante de sa cuisinière.
b) À quel montant du dédommagement le demandeur a-t-il droit?
[27] Il n’est pas justifié d’accorder à M. Dang un montant représentant le prix qu’il paierait pour l’achat d’une nouvelle cuisinière, l’indemnisation ne devant pas être source d’enrichissement pour le consommateur.
[28] Puisque M. Dang admet que la plaque chauffante peut être changée et que la seule preuve quant au coût de la réparation de la plaque établit que le montant pour les pièces, la main d’œuvre et les taxes s’élèverait à 357,57 $, le Tribunal lui accorde 360 $.
[29] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[30] RÉTRACTE le jugement du 8 décembre 2014;
[31] ACCUEILLE partiellement la réclamation;
[32] CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 360 $ avec intérêts au taux légal de 5 % l’an et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de la mise en demeure du 21 février 2014, plus les frais judiciaires de 106 $.
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__________________________________ MAGALI LEWIS, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
8 septembre 2015 |
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[1] P-1.
[2] P-2 et P-3.
[3] Nicole L’HEUREUX et Marc LACOURSIÈRE, Droit de la consommation, 6e édition, Éditions Yvon Blais, no 81, p. 99.
[4] BAUDOUIN, DESLAURIERS et MOORE, La responsabilit civile, 8e édition, Éditions Yvon Blais, par. 2-398, p. 417; Assurances Générales des Caisses Desjardins inc. c. Toyota Canada Ltée et Chomedy toyota (1978) inc., AZ-50179571 (C.Q., 11 août 2003), par. 12; Royal & Sunalliance c. Hewitt Équipement ltée, 2008 QCCS 4459, par. 116; Ferme avicole Héva inc. c. Coopérative fédérée de Québec (portion assurée), 2008 QCCA 1053, par. 87.
[5] RLRQ, c. P-40.1.
[6] Léo Ducharme, Précis de la preuve, 6e édition, Les Éditions Wilson & Lafleur, no. 552, page 222.
AVIS :
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