M.B. et Compagnie A |
2012 QCCLP 5167 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 17 janvier 2012, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 5 décembre 2011.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision de la CSST rendue le 5 mai 2011 à la suite d’une révision administrative et déclare que la lésion professionnelle n’est pas consolidée et que madame M... B... (la travailleuse) a toujours besoin de soins et de traitements.
[3] L’audience portant sur la requête en révision a lieu le 5 juin 2012 en présence de la travailleuse qui est assistée d’un représentant. La CSST y est représentée par avocate alors qu’aucun représentant [de la Compagnie A] (l’employeur) n’est présent à l’audience.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La CSST demande de réviser la décision rendue le 5 décembre 2011 et de déclarer que le trouble d’adaptation avec humeur dépressive est consolidé sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles et que la travailleuse est capable d’exercer son emploi.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis d’accueillir la requête. Ils retiennent qu’il y a absence de motivation quant à l’acceptation d’un nouveau diagnostic alors que l’avis du Bureau d’évaluation médicale ne portait pas sur cette question. Cette erreur correspond à un vice de fond qui est de nature à invalider la décision.
[6] Quant au fond du litige, les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis de rejeter la contestation de la travailleuse. Ils retiennent de la preuve médicale prépondérante que depuis 2010, la travailleuse n’est plus traitée pour un trouble d’adaptation, mais bien pour une maladie personnelle bipolaire. Le trouble d’adaptation est donc consolidé depuis le 13 septembre 2010, sans nécessité de soins ni traitements additionnels et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Conséquemment, la travailleuse est considérée capable d’exercer son emploi depuis le 13 septembre 2010.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Le tribunal siégeant en révision doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 5 décembre 2011.
[8]
L’article
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu’une affaire est entendue par plus d’un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l’ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s’y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[9]
Le recours en révision ou en révocation est prévu à
l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[10]
Le recours en révision et en révocation s’inscrit dans le contexte de
l’article
[11] Dans le présent cas, la CSST invoque que la décision du premier juge administratif comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider. La notion de vice de fond a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[2] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de fait, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.
[12]
Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel
déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions
professionnelles énoncé au troisième alinéa de
l’article
[13] Dans l’affaire C.S.S.T. et Fontaine[3], la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la notion de vice de fond. Elle réitère que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore d’interpréter différemment le droit. Elle établit également que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. Dans l’affaire Fontaine, comme elle l’avait déjà fait dans la cause TAQ c. Godin[4], la Cour d’appel invite et incite la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision.
[14] Ainsi, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve et le droit de la même manière que celui-ci.
[15] Par ailleurs, compte tenu des motifs invoqués à la présente requête, il y a lieu de préciser que la jurisprudence considère que le fait pour un juge administratif de statuer sur une question dont il n’est pas saisi[5] et l'absence totale de motivation[6] constituent des vices de fond qui sont de nature à invalider une décision.
[16] Ceci étant établi, sans reprendre tous les éléments de preuve au dossier, il y a lieu de rapporter les faits suivants pour bien cerner les questions soulevées devant nous.
[17] Le 21 juin 2007, alors qu’elle occupe l’emploi de préposée aux bénéficiaires pour l’employeur, la travailleuse subit un accident du travail au dos en manipulant un patient. Le diagnostic initialement retenu est celui d’entorse dorsale et des trapèzes. Celui de myalgie périscapulaire droite est également ajouté.
[18] Le 26 novembre 2007, le médecin traitant de la travailleuse est d’accord avec le médecin désigné par l’employeur pour consolider la lésion professionnelle d’entorse dorsale sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[19] Le 11 décembre 2007, la travailleuse subit une récidive, rechute ou aggravation, les diagnostics retenus étant ceux de DIM dorsal et de myalgie périscapulaire droite. La docteure Fortier recommande un traitement par thermolésion.
[20] Le 21 mai 2008, la docteure Fortier, physiatre, retient le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive.
[21] Le 28 juillet 2008, dans le cadre d’un rapport complémentaire, le médecin traitant retient que la travailleuse présente une douleur persistante et qu’elle est en attente d’une évaluation pour un traitement éventuel de thermolésion. Il retient également le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive secondaire à l’état douloureux chronique.
[22] Le 18 août 2008, la travailleuse est examinée par la psychiatre Proteau à la demande de l’employeur. Celle-ci confirme le diagnostic de trouble d’adaptation qu’elle relie aux séquelles douloureuses de la lésion physique. Elle considère que la travailleuse présente des traits de personnalité dépendante, histrionique et limite à l’axe II.
[23] Le 27 août 2008, le docteur Morin, membre du Bureau d’évaluation médicale, consolide la lésion physique dorsale sans nécessité de soins ni traitements supplémentaires et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[24] Le 19 septembre 2008, la CSST rend une décision entérinant les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale sur la lésion physique. Cette décision est contestée jusque devant la Commission des lésions professionnelles.
[25] À la même date, la CSST rend une autre décision acceptant le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur dépressive. Cette décision n’est pas contestée.
[26] Le 12 novembre 2008, le psychiatre Laplante examine la travailleuse à la demande de l’employeur. Il retient le diagnostic de trouble d’adaptation secondaire à la condition médicale douloureuse qu’il considère consolidé sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. Il précise que la travailleuse ne présente pas de trouble de la personnalité.
[27] Le 15 décembre 2008, la physiatre Fortier remplit un rapport complémentaire. Elle se dit en accord avec le diagnostic de trouble d’adaptation. Cependant, elle considère que la lésion n’est pas consolidée et que la travailleuse doit toujours être traitée par une médication antidépressive.
[28] Le 19 décembre 2008, dans le cadre d’un rapport initial, la psychologue Lemay indique que la possibilité d’un traitement par thermolésion pour la condition physique de la travailleuse, l’aide à reprendre espoir.
[29] Au mois de mars 2009, après une tentative de suicide, la travailleuse est prise en charge par le psychiatre Brethes. La travailleuse est hospitalisée.
[30] Le 3 août 2009, la travailleuse est de nouveau examinée par le psychiatre Laplante à la demande de l’employeur. Il maintient le diagnostic de trouble d’adaptation. Il considère que la travailleuse présente également un désordre de personnalité limite à l’axe II. Il est d’avis que la lésion n’est pas consolidée et que la travailleuse devra continuer à être suivie par le psychiatre Brethes.
[31] Au mois de septembre 2009, la travailleuse consulte à l’urgence pour des idées suicidaires. Selon les notes cliniques de l’hôpital, la travailleuse présente un état de fatigue important après s’être trop occupé de son conjoint qui venait de subir une chirurgie à l’épaule. Elle est hospitalisée jusqu’au 14 octobre 2009.
[32] Le 5 octobre 2009, le docteur Brethes remplit un rapport d’information médicale complémentaire demandée par la CSST. Il retient qu’initialement le tableau dépressif lui apparaissait être un simple trouble d’adaptation, qui est maintenant traité comme une dépression bipolaire, en raison de l’évolution qui se traduit par des périodes d’agitation et une grande instabilité.
[33] Le 20 octobre 2009, le docteur Brethes fait un résumé du suivi psychiatrique de la travailleuse qui est adressé au médecin conseil de la CSST. Il retient qu’elle est connue pour des antécédents de tentatives de suicide et pour une problématique de trouble de la personnalité Cluster B. Il retient que la travailleuse présente des troubles d’adaptation avec humeur anxio-dépressive à répétition avec suicidalité dans le cadre d’un trouble de personnalité mixte, à la fois limite et histrionique et dont le stresseur majeur est la problématique douloureuse chronique.
[34] Le 26 octobre 2009, la CSST soumet le dossier au Bureau d’évaluation médicale. Le psychiatre Laliberté est appelé à se prononcer sur les questions de la consolidation et de la nécessité des soins et traitements en relation avec la lésion professionnelle psychique acceptée de trouble d’adaptation. Il retient notamment que les problèmes de santé physiques présentés par la travailleuse ont affecté grandement son état psychique et que le fait d’être moins active affecte son moral. Il rapporte également qu’en mars 2009, la travailleuse a été hospitalisée en lien avec des difficultés personnelles soit, en outre, en raison de difficultés dans ses relations avec le père de ses enfants qui en conteste la garde.
[35] Le docteur Laliberté conclut que la lésion n’est pas consolidée, mais que la consolidation serait envisageable dans un délai de six mois et que les soins et traitements sont toujours nécessaires.
[36] Le 30 novembre 2009, étant liée par l’avis du Bureau d’évaluation médicale, la CSST rend une décision déterminant que la lésion professionnelle psychique n’est pas consolidée et que les soins et traitements sont toujours nécessaires. Cette décision n’est pas contestée.
[37] Le 14 janvier 2010, le docteur Brethes produit un rapport d’amission à l’hôpital. Il retient que la travailleuse présente une détérioration de son état depuis environ trois semaines ce qui coïncide avec une prise régulière d’alcool et pour laquelle, elle nie avoir des symptômes de dépendance. Il indique que ce tableau apparaît après que la travailleuse ait été ébranlée par l’attitude arrogante et insultante de l’avocat de l’employeur lors d’une audience en lien avec son dossier CSST.
[38] Le 25 avril 2010, la travailleuse est admise à l’urgence dans un contexte de polyintoxication médicamenteuse. La docteure Beaurivage fait un résumé de la condition de la travailleuse. Elle fait état notamment d’un trouble de personnalité mixte Cluster B et limite, une dépression majeure pour laquelle il y a suspicion de maladie affective bipolaire, une dorsalgie chronique, une dépendance à l’alcool et un problème d’intoxication médicamenteuse dont la première remonte à l’âge de 18 ans. En guise d’impression diagnostique, elle retient que la travailleuse présente de multiples antécédents psychiatriques dans un contexte de polyintoxication médicamenteuse.
[39] Dans le cadre de ce suivi, la docteure Doyon rapporte aux notes cliniques de l’hôpital que la condition de la travailleuse se détériore depuis deux ou trois semaines dans un contexte de stresseurs psychosociaux, de dorsalgies chroniques, de conflits familiaux ainsi qu’avec son copain. Elle retient le diagnostic de trouble de personnalité limite et histrionique décompensé dans un contexte de stresseurs psycho-sociaux et de polyintoxication médicamenteuse.
[40] Le 29 mai 2010, le psychiatre de la travailleuse remplit un rapport intitulé note de départ. Le docteur Brethes rapporte notamment que la travailleuse a été admise à l’hôpital, il y a près d’un mois, dans un contexte de geste suicidaire en lien avec des difficultés personnelles entre autres avec son conjoint et sa fille. Il retient que la travailleuse présente un trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive en rémission chez une patiente avec des traits de personnalité Cluster B.
[41] Le 2 juillet 2010, la Commission des lésions professionnelles rend la décision confirmant celle rendue initialement par la CSST, le 19 septembre 2008, entérinant les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale sur la lésion physique au niveau dorsal et déclarant qu’elle est consolidée sans nécessité de soins ni traitements et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, ce qui implique notamment que le traitement par thermolésion n’est pas justifié.
[42] Le 22 juillet 2010, le médecin-conseil de la CSST, le docteur Gélinas, fait un bilan médical auprès du docteur Brethes relativement à la condition psychique de la travailleuse. Ce dernier indique au docteur Gélinas que l’instabilité psychique actuelle de la travailleuse est davantage reliée à sa personnalité et à des stresseurs externes qu’à la lésion professionnelle. De plus, il indique ne pas avoir d’objection à ce que la travailleuse soit évaluée par un psychiatre externe pour déterminer la consolidation de la lésion.
[43] Le 13 septembre 2010, la travailleuse est examinée par le psychiatre Poirier à la demande de la CSST. Il rapporte notamment différents antécédents psychiatriques personnels depuis l’âge de 18 ans. En outre, il précise que depuis l’âge de 18 ans jusqu’au début janvier 2010, la travailleuse consommait régulièrement des drogues et de l’alcool de façon excessive.
[44] Il retient le diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur mixte qu’il considère en rémission totale et celui de dépendance à l’alcool et aux drogues en rémission récente. Il ajoute que la travailleuse présente également une condition personnelle de trouble majeur de la personnalité mixte limite et histrionique et que cette condition ainsi que le problème de dépendance aux drogues et à l’alcool étaient préexistants avant l’événement de 2007. Il considère que ce sont des problèmes de relations familiales qui ont été un facteur précipitant majeur lors de la dernière tentative de suicide d’avril 2010.
[45] Il établit une distinction entre le trouble d’adaptation et la condition personnelle préexistante. Il est d’avis de consolider la lésion sur le plan psychiatrique avec un déficit anatomo-physiologique de 0 %, sans limitations fonctionnelles.
[46] Le 27 janvier 2011, la CSST soumet de nouveau le dossier au Bureau d’évaluation médicale qui est appelé à se prononcer sur la consolidation, la nécessité des soins et traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle psychique de trouble d’adaptation.
[47] Le membre du Bureau d’évaluation médicale, le psychiatre Croteau, retient que la travailleuse est connue pour des antécédents psychiatriques de différentes tentatives de suicide et d’un problème de dépendance aux drogues et à l’alcool. Il retient, par ailleurs, que la travailleuse a développé des symptômes anxio-dépressifs en lien avec la perception d’une douleur consécutive à l’accident du travail de 2007. Il est d’avis qu’il y a rémission des symptômes anxio-dépressifs en lien avec la douleur et que la symptomatologie psychiatrique présentée par la travailleuse, depuis 2010 jusqu’à maintenant, relève de problèmes personnels et non des événements de 2007.
[48] Il est d’avis de consolider la lésion professionnelle psychique, à la date retenue par le docteur Poirier, sans nécessité de soins et traitements additionnels et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[49] Le 14 mars 2011, étant liée par l’avis du Bureau d’évaluation médicale, la CSST rend la décision à l’origine du présent litige. Elle détermine que relativement au trouble d’adaptation, les soins et traitements ne sont plus justifiés et que la lésion n’a pas entraîné d’atteinte permanente. Elle détermine également que, compte tenu de la consolidation de la lésion en l’absence de limitations fonctionnelles, la travailleuse est capable d’exercer son emploi et qu’elle n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu.
[50] Le 5 mai 2011, dans le cadre d’une décision faisant suite à une révision administrative, la CSST confirme la décision initiale sur tous les points.
[51] C’est cette décision que la travailleuse conteste devant la Commission des lésions professionnelles.
[52] Lors de l’audience initiale qui a lieu, le 15 novembre 2011, les parties soumettent une liste d’admissions qui sont rapportées intégralement dans la décision. Aucune autre preuve n’est administrée lors de cette audience. Un délai est également accordé au représentant de la travailleuse pour compléter la preuve médicale.
[53] Le 21 novembre 2011, la Commission des lésions professionnelles reçoit ce complément de preuve. Il s’agit de rapports médicaux du psychiatre Brethes qui indique essentiellement que la travailleuse est inapte au travail en raison de sa maladie affective bipolaire.
[54] Le 5 décembre 2011, le premier juge administratif rend sa décision dont les faits et les motifs se lisent comme suit :
[8] Dans sa prise de décision, la Commission des lésions professionnelles a tenu compte de l’avis des membres, de l’ensemble de la preuve documentaire au dossier, des admissions soumises au tribunal et des documents reçus par la suite :
- Attendu que la travailleuse à été victime d’une première entorse dorsale droite en date du 21 juin 2007. (Dx reconnu par la CSST).
- Attendu que lors d’une assignation temporaire de travail le 11 décembre 2007 elle fut victime d’une RRA dont le Dx accepté par la CSST est celui : DIM dorsal, myalgie périscapulaire droite en lien avec la lésion professionnelle du 21 juin 2007
- Attendu que le 20 février 2008, elle est examiné au BEM par le Dr Duranceau, suite à une contestation du médecin désigné, le Dr Duranceau confirme alors le Dx de DIM dorsale avec myalgie périscapulaire (page 123) et il suggère des traitements par mobilisation/manipulation. (Page 124 et il déclare la travailleuse non consolidée.
- Attendu que le diagnostic de trouble d’adaptation a été émis le 21 mai 2008, par la Dre Fortier. (page 135) et ce Dx à été repris par le DR Malenfant dès juin 2008 et maintenu par la suite.
- Attendu que le 23/06/2008, la Dre Fortier prescrit une Thermo lésion D5-D7 droit, qui n’a jamais eu l’accord de la CSST pour lui être administré.
- Attendu que la travailleuse a été vu en expertise par le Dr Lacasse, en date du 28 juin 2008 et que celui-ci émet un rapport infirmant le rapport du Dr Malenfant car il considère l’état physique de la travailleuse comme consolidé en date de son examen.
- Attendu que l’employeur a de nouveau fait expertiser la travailleuse dans le cadre d’un examen psychiatrique, par la Dre Guylaine Proteau (page 115 à 159). Cette dernière confirme la relation entre le trouble d’adaptation et les lésions initiales
- Attendu que la travailleuse a de nouveau été rencontré au BEM par le Dr François Morin en date du 27 août 2008 en regard de l’événement initial et de la rechute, ce dernier consolide la travailleuse sans DAP et sans limitations fonctionnelles et il considère que la thermo-lésion prescrit par la Dre Fortier n’est pas indiquée.
- Attendu que la travailleuse a reçu deux blocs de branche radian qui a bien fonctionné, la Dre Fortier recommande expressément la thermo lésion (page 186)
- Attendu que le 12 novembre 2008, l’employeur retourne la travailleuse en expertise chez le Dr Bruno T. Laplante (page 187 et 191) qui considère la travailleuse consolidée sur le plan psychiatrique nonobstant la problématique physique. Il confirme quand même le trouble d’adaptation.
- Attendu quand date du 15 décembre 2008, la Dre Fortier considère la lésion améliorée par l’augmentation de la prise d’antidépresseurs mais pas consolidée.
- Attendu que le 19 décembre 2008, la psychologue Lina Lemay opinait qu’il serait important pour la travailleuse d’avoir une réponse de la CSST en regard du traitement de thermo lésion.
- Attendu qu’à compter du mois de mars 2009, la travailleuse sera suivie par le Dr Brethes psychiatre. Ce dernier prend le dossier en main.
- Attendu que l’employeur retourne la travailleuse en expertise auprès du psychiatre Dr Bruno T Laplante, en date du 03 août 2009. ce dernier qui avait pourtant consolidé la travailleuse en date du 12 novembre 2008, la déclare non consolidée et attribue sa problématique psy. Les facteurs de stress sont la difficulté d’adaptation à ses douleurs et il établi sa capacité de fonctionnement actuel de madame sur l’échelle EGF se situe à 60. Il déclare (page 211) que la condition psychologique de madame s’améliore dans la mesure où la condition médicale de celle-ci s’améliorera.
- Attendu qu’en date du 09/09/2009, (page 213) le médecin traitant Dr Brethes précise que le simple trouble d’adaptation est maintenant traité comme une dépression majeure en raison de l’évolution.
- Attendu que le 20/10/2009, (page 215) fin encore une fois le lien avec l’évolution de la maladie et la douleur résiduelle des accidents de travail.
- Attendu que le 26 octobre 2009, le Dr Laliberté qui fait un historique complet du dossier psychologique (page 227-228-229) et qui conclu comme suit: Dx Trouble d’adaptation en lien avec sa condition douloureuse ainsi qu’un trouble de personnalité qui contribue au tableau clinique (page 230). Il déterminait (page 231) qu’il pourrait consolider la lésion en lien avec le Dx de trouble d’adaptation dans environ 6 mois lorsqu’on en saura davantage par rapport au plan de traitement qui est suggéré par le médecin traitant. II se dit d’accord avec l’approche du médecin traitant. La lésion n’est pas consolidée.
- Attendu qu’ en décembre 2009, une audience a lieu à la CLP dans le cadre de la demande du traitement de thermo lésion prescrit par le médecin traitant pour contrer les douleurs de la travailleuse, dans le cadre de cette audience, des propos acerbes ont été tenus par le représentant de l’employeur, au point ou le juge administratif à dut intervenir à quelques reprises afin de calmer les ardeurs. Vous pourrez faire l’écoute des enregistrements de l’audience.
- Attendu que psychologue a produit des rapports sur les rencontres tenues en date du 17/12/2010, 22/12/2010 et 21/02/2010 (page 255 à pages 260) Ou il maintient qu’il n’y aura pas d’avancée sur le plan psychologique tant qu’il n’y en aura pas sur le plan physique.
- Attendu qu’en date du 14 janvier 2010, le Dr Brethes fait le lien entre la détérioration de l’état de santé de la travailleuse et l’audience tenue à la CLP en décembre 2009. (page 304).
- Attendu que le 27 janvier 2011, le Dr Benoît Croteau voit la travailleuse dans le cadre d’un BEM car il y a un rapport commandé par la CSST au DR Roger Michel Poirier qui infirme le rapport du médecin traitant Dr Brethes. Il spécifie qu’il n’y a jamais eu de réclamation antérieure pour la psychiatrie auprès de la CSST. Il souligne a grand trait les déboires de la travailleuse dans ses relations interpersonnelles qui la mènent à des abus d’alcool et autres consommations illicites. Il prend connaissance du rapport du Dr Bruno T Laplante fait en date du 12 novembre 2008 mais curieusement il semble ne pas avoir en sa possession celui du 3 août 2009. et il fait tout de même l’historique du dossier psy. Il dit que la travailleuse est connue pour des antécédents psychiatriques. A l’encontre de l’ensemble des médecins au dossier, il rejette toutes notions de douleurs contributives dans le problème psychologique.
- Attendu que depuis la consolidation de la travailleuse par la CSST suite au BEM du Dr Croteau, le médecin traitant soigne toujours la travailleuse et la maintient en invalidité.
- Attendu qu’il y a un suivi médical régulier et que la travailleuse est toujours sous médication pour un diagnostique de bipolarité apparu dans le cadres de son suivi pour les lésions professionnelles, diagnostic qu’elle n’avait jamais eu auparavant.
- Nous vous rappelons que Mme B..., bien qu’elle ait des antécédents psychologiques, avait toujours réussi a vaqué à ses fonctions. [sic]
[9] Le tribunal constate que l’état de la travailleuse est une aggravation de sa condition psyhologique personnelle.
[10] Le tribunal étant d’avis que la lésion professionnelle n’est pas consolidée, il y a lieu d’infirmer les autres conclusions de la révision administrative car la travailleuse devra être réévaluée au moment de la consolidation.
[55] Puis, il conclut ce qui suit à son dispositif :
ACCUEILLE la requête de madame M... B...;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 mai 2011 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion professionnelle de madame M... B... n’est pas consolidée et qu’elle a toujours besoin de soins et de traitements.
[56] Lors de l’audience sur la présente requête, le représentant de la travailleuse ne plaide pas directement l’irrecevabilité de la requête compte tenu de l’absence d’intérêt de la CSST. Cependant, il soutient que la CSST ne peut, par le biais d’une requête en révision tenter d’amener une nouvelle preuve contraire aux admissions retenues par l’employeur et la travailleuse, alors qu’elle avait décider de ne pas être présente à l’audience initiale.
[57]
Le tribunal siégeant en révision ne peut retenir cet argument. D’une
part, la CSST ne tente pas d’apporter une nouvelle preuve. D’autre, part, il y
a lieu de préciser que la jurisprudence[7] reconnaît à la CSST un intérêt suffisant, en tant
qu'organisme chargé de l'application de la loi et à titre d'administrateur du
régime, pour exercer un recours en révision, et ce, afin de s'assurer du
respect de la loi. Cet intérêt suffisant de la CSST est reconnu par la jurisprudence, même dans les cas où elle n’est pas intervenue en vertu de l’article
[58] Ceci étant établi, dans le présent cas, la CSST invoque que la décision de la Commission des lésions professionnelles comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider en ce que le premier juge administratif a statué sur la question du diagnostic alors qu’il n’en était pas saisi. Elle soutient, de plus, qu’il ne pouvait conclure à un lien de causalité entre la condition personnelle psychiatrique et l’accident du travail en l’absence totale de motifs sur la question.
[59] Tel que le soutient la CSST, il est vrai que le diagnostic psychologique reconnu comme lésion professionnelle est uniquement celui de trouble d’adaptation, tel qu’il appert de la décision qu’elle a rendue, le 19 septembre 2008, et qui n’a jamais été contestée. Il est également vrai que le membre du Bureau d’évaluation médicale qui a rendu l’avis à l’origine du présent litige n’était pas saisi de la question du diagnostic et que la CSST ne s’est jamais prononcée sur la relation entre les diagnostics de maladie affective bipolaire ou de trouble de la personnalité mixte limite et histrionique et l’accident du travail.
[60] Cependant, le diagnostic de maladie bipolaire est posé pour la première fois par le psychiatre traitant, le docteur Brethes, dans le cadre d’un rapport d’information médicale complémentaire demandée par la CSST, le 15 octobre 2009, donc avant la décision contestée. Il pose également celui de trouble de personnalité mixte limite et histrionique dans le cadre d’un résumé et suivi psychiatrique, daté du 20 octobre 2009, qui est envoyé au médecin conseil de la CSST. De plus, tant la CSST que l’employeur ont eu l’occasion d’obtenir des expertises psychiatriques qui font bien les distinctions entre la lésion professionnelle de trouble d’adaptation et la condition personnelle psychiatrique. Le membre du Bureau d’évaluation médicale fait également les distinctions qui s’imposent à cet égard.
[61]
Or, faisant référence à l’article
[62]
Ainsi, le fait pour le premier juge administratif de statuer sur
l’admissibilité d’un nouveau diagnostic alors que la CSST ne s’est pas prononcée sur cette question ne constitue pas en soi une erreur manifeste
et déterminante. Cependant, ce qui pose problème dans le présent cas, c’est que
le premier juge administratif ne motive aucunement sa décision et n’expose pas
le raisonnement qu’il a suivi pour en arriver aux conclusions qu’il retient. On
ne sait même pas si ce qu’il a voulu faire, c’est justement d’actualiser le
dossier en vertu de l’article
[63]
Certes, dans le présent cas, les parties ont fait une série d’admissions
devant le premier juge administratif et il se devait d’en tenir compte.
Cependant, cela ne le dispense pas de procéder à l’analyse de la preuve et de
motiver sa décision conformément à l’article
[64]
C’est ce que rappelle, en outre, la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire au Dragon Forgé inc. et Boulay[9].
Elle retient que l’article
[65]
Dans Boyer et Isomax inc.[10],
la Commission des lésions professionnelles rappelle également qu’il faut
distinguer le rôle du tribunal qui est appelé à entériner un accord au sens de
l’article
[66] Finalement, tel que le rappelle la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Fortier et Hydro Québec[12], l’obligation de motiver une décision impose, à tout le moins, une discussion de la preuve qui permette de comprendre le raisonnement suivi par le commissaire pour en arriver à la conclusion à laquelle il en vient. À cet égard, il y a lieu de reprendre les propos tenus par le juge Léger de la Cour supérieure dans l’affaire Rodrigue c. C.L.P.[13] qui, accueillant une requête en révision judiciaire à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, pour un motif équivalant à l’absence totale de motivation, rappelle que « …ce n’est pas tant la brièveté des explications ou des motifs de la décision qui pose problème, mais l’absence d’introspection pertinente et d’analyse cognitive qu’elle omet de faire; cela équivaut à un manque de transparence. »
[67] Or, dans le présent cas, après avoir repris intégralement les admissions des parties, qui reproduisent essentiellement certains éléments de la preuve médicale, le premier juge administratif conclut que l’état de la travailleuse est une aggravation de sa condition psychologique personnelle et que, par conséquent, la lésion n’est pas consolidée. Il n’explique aucunement comment il en vient à cette conclusion. Tel que le reconnaît le représentant de la travailleuse, il ne précise même pas à quel diagnostic il réfère en concluant à l’aggravation de la condition personnelle psychiatrique.
[68]
Il y a donc absence totale de motivation ce qui va à l’encontre de
l’article
[69] Dans ces circonstances, il y a lieu de rendre la décision qui aurait dû être rendue en tenant compte de l’ensemble de la preuve au dossier, des admissions de l’employeur et de la travailleuse ainsi que des documents déposés à la Commission des lésions professionnelles après l’audience initiale.
[70] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la lésion professionnelle psychique est consolidée, s’il y a nécessité de soins et traitements additionnelles et, le cas échéant, s’il persiste une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles en relation avec cette lésion.
[71] La travailleuse prétend que sa lésion psychologique n’est pas consolidée. À cet égard, elle dépose différents rapports médicaux du docteur Brethes indiquant qu’elle est inapte au travail en raison de sa maladie affective bipolaire et la travailleuse et l’employeur font une admission en ce sens.
[72] Or, le membre du Bureau d’évaluation médicale, dont l’avis est à l’origine de la présente contestation n’a pas été appelé à se prononcer sur la question du diagnostic, mais plutôt sur les conséquences médicales du trouble d’adaptation, qui est le seul diagnostic psychologique accepté par la CSST.
[73] Ainsi, de façon préliminaire, il faut d’abord se demander si la Commission des lésions professionnelles peut se saisir de la question de l’admissibilité de ce nouveau diagnostic de maladie affective bipolaire et également de celui de trouble de la personnalité mixte limite et histrionique que retient le psychiatre traitant, le docteur Brethes, à compter du 15 octobre 2009, même si la CSST ne s’est jamais prononcée sur l’admissibilité de ces diagnostics.
[74]
Dans l’affaire, Sauvé et Regroupement CHSLD des Trois-Rives[14],
la Commission des lésions professionnelles était saisie d’une requête en
révision de la CSST qui invoquait que le premier juge administratif avait
excédé sa compétence en se prononçant sur l’admissibilité d’un diagnostic de
trouble d’adaptation alors que la CSST n’avait jamais rendu de décision à cet
égard. Or, siégeant en révision, la Commission des lésions professionnelles rejette cet argument et retient que dans certaines circonstances la production
de rapports médicaux peut comporter une demande valable de reconnaissance d’une
lésion professionnelle, notamment lorsque le dossier est en traitement à la CSST. L’établissement d’un nouveau diagnostic par un médecin n’oblige pas le travailleur à
présenter une nouvelle réclamation. Cette situation appelle normalement une décision
de la CSST et, lorsqu’elle ne le fait pas, la Commission des lésions professionnelles est justifiée, en vertu de l’article
[75] Dans le présent cas, le diagnostic de maladie affective bipolaire est retenu pour la première fois par le psychiatre traitant, le docteur Brethes, dans le cadre d’un rapport d’information médicale complémentaire demandée par la CSST, en date du 15 octobre 2009. Quant à celui de trouble de personnalité mixte limite et histrionique, il est retenu pour la première fois par le psychiatre traitant, le 20 octobre 2009, dans un résumé de suivi psychiatrique adressé à la CSST.
[76] De plus, tant la CSST que l’employeur ont eu l’occasion d’obtenir des expertises psychiatriques qui font bien les distinctions entre la lésion professionnelle de trouble d’adaptation et les diagnostics psychiques de maladie affective bipolaire et de trouble de la personnalité mixte limite et histrionique. Le membre du Bureau d’évaluation médicale fait également les distinctions qui s’imposent à cet égard. Dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles est justifiée de rendre la décision qui aurait dû être rendue par la CSST sur l’admissibilité de ces nouveaux diagnostics psychologiques, ce qui évite un abus de procédure et de longs et délais coûteux aux parties.[15]
[77] Ainsi, avant de se prononcer sur la question de la consolidation de la lésion et de la nécessité des soins et traitements, la Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si les diagnostics de maladie affective bipolaire et de trouble de la personnalité mixte limite et histrionique sont en relation avec l’accident du travail subi le 21 juin 2007.
[78] Pour être considérée comme des lésions professionnelles, la preuve doit démontrer que ces pathologies psychiatriques découlent plus probablement de l’accident du travail que de toute autre cause.
[79] La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve soumise n’établit pas cette relation de façon prépondérante. Si, initialement, la preuve médicale tendait à démontrer un lien entre la manifestation de la maladie affective bipolaire et du trouble de la personnalité et les douleurs chroniques, la preuve médicale subséquente est plutôt prépondérante pour ne pas établir cette relation de façon probable. À cet égard, il y a lieu de préciser, que dans le présent dossier, nous sommes face à un tableau clinique qui s’est installé au long cours depuis de nombreuses années et que bénéficiant d’une vision rétrospective de la situation, c’est la preuve médicale la plus récente qui a le plus de valeur probante dans l’établissement de cette relation.
[80] Initialement, la CSST accepte un diagnostic de trouble d’adaptation en relation avec la condition douloureuse au niveau dorsal. Même les psychiatres Proteau et Laplante, qui examinent la travailleuse à la demande de l’employeur, en date des 18 août et 12 novembre 2008 ainsi qu’en date du 3 août 2009, établissent un lien entre le trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive et les douleurs physiques de la travailleuse. À ce moment-là, ces deux médecins font respectivement état, à l’axe II, d’une condition sous-jacente de trait ou de désordre de personnalité limite.
[81] Se présentant d’abord sous la forme de trait ou de désordre de la personnalité, cette condition sous-jacente va se préciser, par la suite, et devenir des diagnostics de trouble de personnalité mixte limite et histrionique et de maladie affective bipolaire probable compliquant considérablement le tableau clinique psychique.
[82] Ainsi, après la tentative de suicide du mois de mars 2009 et l’hospitalisation préventive de la travailleuse au mois de septembre 2009, le psychiatre traitant, le docteur Brethes, est d’avis que ce qui lui apparaissait initialement comme un trouble d’adaptation est maintenant traité comme une dépression bipolaire en raison de l’évolution qui est caractérisée par des périodes d’agitation et de grande instabilité.
[83] Dans un rapport daté du 20 octobre 2009, le docteur Brethes retient, qu’en rétrospective, en observant l’évolution du tableau clinique, la travailleuse présente des troubles d’adaptation avec humeur anxio-dépressive à répétition avec suicidalité dans le cadre d’un trouble de la personnalité mixte limite et histrionique. À cet époque, il établit encore un lien vraisemblable avec la problématique douloureuse comme stresseur chronique.
[84] C’est dans ce contexte également qu’initialement le docteur Laplante et le docteur Laliberté, membre du Bureau d’évaluation médicale, établissent aussi encore un lien entre le trouble d’adaptation et les douleurs physiques et considèrent que cette lésion psychique n’est toujours pas consolidée.
[85] Cependant, à partir du mois d’avril 2010, la preuve médicale démontre de façon nettement prépondérante que les problèmes psychiques de la travailleuse ne sont plus en relation avec son accident du travail initial, mais bien avec une condition personnelle psychiatrique de maladie affective bipolaire et de trouble de personnalité mixte limite et histrionique, dont les éléments déclencheurs sont principalement différents facteurs psycho-sociaux.
[86] D’abord, dans le cadre des notes cliniques de l’hôpital, alors que la travailleuse est hospitalisée le 25 avril 2010 à la suite d’une autre tentative de suicide par polyintoxication médicamenteuse, la docteure Doyon rapporte que l’état de la travailleuse se détériore en raison de nombreux facteurs incluant celui de dorsalgies chroniques. Cependant, ultimement, elle ne retient pas cet élément comme principal facteur de la maladie. En effet, elle retient plutôt comme diagnostic final celui de trouble de personnalité limite et histrionique décompensé dans un contexte de stresseurs psycho-sociaux, ce qui réfère principalement, selon la preuve soumise, à différents conflits familiaux et conjugaux vécus par la travailleuse.
[87] De plus, le 29 mai 2010, en rapport avec cette nouvelle tentative de suicide, le psychiatre de la travailleuse remplit un rapport médical intitulé note de départ. Il rapporte notamment que la travailleuse a été admise à l’hôpital, il y a près d’un mois, dans un contexte de geste suicidaire en lien avec des difficultés personnelles, entre autres, avec son conjoint et sa fille. Il retient que la travailleuse présente un trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive en rémission chez une patiente avec des traits de personnalité Cluster B. Le tribunal note que le docteur Brethes ne fait alors aucunement référence à des problèmes de douleurs chroniques pour expliquer la manifestation du tableau clinique psychique.
[88] Ce constat du docteur Brethes est, par ailleurs, confirmé par le bilan téléphonique rapporté, le 22 juillet 2010, par le médecin-conseil de la CSST, le docteur Gélinas. En effet, celui-ci rapporte que, selon le docteur Brethes, l’instabilité psychique actuelle de la travailleuse est davantage reliée à sa personnalité et à des stresseurs externes qu’à la lésion professionnelle.
[89] Quant à la preuve médicale subséquente, elle confirme clairement cette opinion récente du docteur Brethes. Tel que mentionné précédemment, la Commission des lésions professionnelles y accorde beaucoup de valeur probante. En effet, tant le psychiatre Poirier que le psychiatre Croteau, membre du Bureau d’évaluation médicale, qui évaluent la travailleuse les 13 septembre 2010 et 27 janvier 2011 ont l’avantage de bénéficier d’une vision rétrospective du tableau clinique qui évolue au long cours depuis plusieurs années.
[90] Or, ces deux psychiatres retiennent tous les deux que la travailleuse présente des antécédents psychiatriques personnels depuis l’âge de 18 ans. Ils font clairement la distinction entre le trouble d’adaptation avec humeur anxio-dépressive, que la travailleuse a présenté à la suite de la lésion professionnelle physique de 2007, et les conditions personnelles de trouble majeur de personnalité mixte limite et histrionique et de dépendance aux drogues et à l’alcool. Ils considèrent le trouble d’adaptation en rémission complète et que ce sont des problèmes familiaux qui ont été le facteur précipitant majeur lors de la dernière tentative de suicide en avril 2010.
[91] Dans ces circonstances, le tribunal retient de la preuve médicale prépondérante que la maladie affective bipolaire et le trouble de personnalité mixte limite et histrionique sont des conditions personnelles qui ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle subie le 21 juin 2007, ni avec les conséquences de cette lésion.
[92] La Commission des lésions professionnelles retient également que la lésion professionnelle n’a pas non plus aggravé cette condition personnelle ni ne l’a rendue symptomatique.
[93] En outre, à cet égard, la Commission des lésions professionnelles retient comme prépondérantes les opinions des docteurs Poirier et Croteau, membre du Bureau d’évaluation médicale, selon lesquelles, étant vulnérable sur le plan psychique, la travailleuse a initialement développé des symptômes anxio-dépressifs en lien avec la perception d’une douleur consécutive aux événements de 2007 et que le trouble d’adaptation qui en a résulté est en rémission complète. D’ailleurs, cette opinion est tout à fait congruente avec le fait que la lésion physique dorsale a finalement été consolidée sans nécessité de soins ni traitements additionnels et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[94] De plus, la preuve médicale prépondérante démontre qu’ultérieurement, ce sont plutôt des facteurs psycho-sociaux qui sont l’élément déclencheur des pathologies personnelles incapacitantes de la maladie affective bipolaire ou du trouble de la personnalité mixte limite et histrionique.
[95] Il y a lieu d’ajouter également que le fait que la travailleuse et l’employeur admettent que le diagnostic de maladie affective bipolaire n’avait jamais été retenu avant l’accident du travail et que la travailleuse avait toujours été fonctionnelle avant cet événement, ne permet pas de faire pencher la balance des probabilités en faveur de la reconnaissance de la relation avec l’accident du travail, dans la mesure ou la preuve médicale ne démontre pas cette relation de façon prépondérante. Tel que mentionné précédemment, le tribunal retient que c’est une maladie personnelle qui s’est développée au long cours et que ce sont des facteurs psychosociaux qui en sont le principal élément déclencheur, alors que le trouble d’adaptation relié aux douleurs chroniques est en rémission complète.
[96] Le tribunal retient donc qu’il n’est pas établi de façon prépondérante que ces pathologies psychiatriques découlent plus probablement de l’accident du travail que de toute autre cause.
[97] Quant au trouble d’adaptation, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve médicale prépondérante que cette lésion est consolidée à la date retenue par le docteur Poirier, soit le 13 septembre 2010, sans nécessité de soins et traitements et sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. À ce sujet, la Commission des lésions professionnelles retient comme prépondérantes les opinions des docteurs Poirier et Croteau qui expliquent bien l’évolution du tableau clinique. De surcroît, à l’instar de ces deux médecins, même le docteur Brethes indique à son rapport du 29 mai 2010 que le trouble d’adaptation est en rémission. Quant aux derniers rapports médicaux qu’il produits en date du mois septembre et d’octobre 2011, il ressort que la travailleuse est inapte au travail non pas en relation avec un problème de trouble d’adaptation, mais bien en raison de sa condition personnelle de maladie affective bipolaire.
[98] Conséquemment, le tribunal considère que la lésion professionnelle de trouble d’adaptation n’empêche pas la travailleuse d’exercer l’emploi qu’elle occupait lors de la survenance de la lésion initiale et qu’elle est donc capable de l’exercer depuis le 13 septembre 2010.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision déposée, le 17 janvier 2012, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
RÉVISE la décision de la Commission des lésions professionnelles, rendue le 5 décembre 2011;
REJETTE la requête de madame M... B..., la travailleuse, déposée le 13 mai 2011;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 mai 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que les diagnostics de maladie affective bipolaire et de trouble de personnalité mixte limite et histrionique ne sont pas en relation avec la lésion professionnelle survenue le 21 juin 2007;
DÉCLARE que la lésion professionnelle de trouble d’adaptation est consolidée le 13 septembre 2010 et que les soins et traitements ne sont plus nécessaires pour cette condition;
DÉCLARE que madame M... B... ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles en relation avec le trouble d’adaptation et que, conséquemment, elle est capable d’exercer son emploi depuis le 13 septembre 2010 et qu’elle n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter de cette date.
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Voir notamment Produits forestiers Donohue inc.
et Villeneuve,
[3]
[4] Tribunal administratif du Québec c. Godin,
[5] Jean et Société coopérative avicole régionale de
Saint-Damase, C.L.P.
[6] Cité de la santé de Laval et Heynemand, C.L.P.
[7] C.S.S.T. et Restaurants McDonald
du Canada ltée,
[8] C.A.L.P. et Turbide.
[9] Précitée note 6.
[10] C.L.P.
[11] Voir également à cet égard C.S.S.S. Drummond et Couture,
C.L.P.
[12] Précitée note 6.
[13]
[14] Précitée note 8.
[15] Sur cette question, voir notamment Couture et PMP Repro Média inc. et Mahko et Banque Nouvelle-Écosse, précitées note 8.
AVIS :
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