Van Audenrode c. Rogers Communication, s.e.n.c. (Rogers Sans-fil) |
2013 QCCQ 16896 |
JD2786
COUR DU QUÉBEC
« Division des petites créances »
CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
DISTRICT DE LONGUEUIL
LOCALITÉ DE LONGUEUIL
« Chambre civile »
N° : 505-32-030680-137
DATE : 13 décembre 2013
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
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VALÉRIE VAN AUDENRODE
Demanderesse
c.
ROGERS COMMUNICATION SENC faisant affaires sous la raison sociale de Rogers Sans-fil
Défenderesse
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JUGEMENT
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[1] La demanderesse réclame à la défenderesse la somme de 2 000,00$, parce que le téléphone cellulaire neuf qu'elle lui a vendu en août 2012 a cessé de fonctionner à peine deux mois plus tard. Elle lui reproche d'avoir refusé de respecter la garantie conventionnelle et légale.
[2] La défenderesse nie toute responsabilité, plaidant avoir agi de façon raisonnable et n'avoir commis aucune faute. Elle conteste également le montant des dommages.
Le contexte
[3] Le 29 août 2012, la demanderesse renouvelle son entente de service avec la défenderesse. À cette occasion, cette dernière lui remet un appareil cellulaire neuf, un Blackberry Curve.
[4] Pour la défenderesse (pièce P-6), il s'agit d'un " bénéfice économique " qu'elle accorde à la demanderesse, en considération de l'adhésion de cette dernière à une nouvelle entente de service d'une période de trois ans, expirant le 29 août 2015. Elle évalue ce " bénéfice économique " à 299,99$.
[5] Selon le document remis à la demanderesse, la défenderesse garantit l'appareil pour une durée d'un an, du 29 août 2012 au 29 août 2013.
[6] Au tout début du mois de novembre 2012, l'appareil cesse de fonctionner : l'écran demeure noir.
[7] Suivant les recommandations de la défenderesse, la demanderesse se rend chez son mandataire autorisé, Solution Cellulaire, au Mail Champlain à Brossard, où le téléphone lui avait été remis.
[8] Tel qu'il appert du document intitulé " Hardware Repair Request " (pièce P-2) daté du 1er novembre 2012, la demanderesse remet l'appareil à Jason De Francesco, employé de Solution Cellulaire Mail Champlain.
[9] Celui-ci note les informations suivantes :
" Condition like new
Reason for Repair Dead pixels, Nothing displays on screen
Additional Comments phone was not dropped "
[10] Le téléphone est transmis au centre de réparation de Research In Motion (" RIM "). Ce n'est que le 18 novembre suivant que la demanderesse apprend que RIM refuse de respecter les garanties conventionnelles et prétend que la défectuosité découle d'une mauvaise utilisation de sa part, ce qu'elle nie catégoriquement.
[11] Elle exige qu'on lui remette son téléphone et copie du rapport de service, mais sans succès.
[12] Malgré plusieurs visites et appels répétés chez Solution Cellulaire Mail Champlain, la demanderesse ne peut récupérer son téléphone. Bien qu'elle ne l'ait plus, elle continue à payer les frais facturés par la défenderesse, en raison de l'entente de service de trois ans.
[13] Le 23 décembre 2012, elle lui adresse une mise en demeure (pièce P-1), exigeant le remboursement de la valeur du téléphone cellulaire ou son remplacement sans frais, dans un délai de dix jours.
[14] Devant le refus de la défenderesse de remplacer le téléphone ou de lui remettre, la demanderesse doit en acheter un autre, au prix de 350,00$.
Analyse et décision
[15] Dans les circonstances, le Tribunal assimile à une vente l'octroi du téléphone cellulaire Blackberry à titre de " bénéfice économique ", dans le cadre du renouvellement du contrat de service de la demanderesse.
[16] Il s'agit d'un contrat auquel s'appliquent les dispositions de la Loi sur la protection du consommateur[1], et notamment son article 38 :
" 38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien. "
[17] Bien sûr, il y a lieu de considérer la garantie conventionnelle d'un an accordée par la défenderesse à l'égard de ce téléphone.
[18] Il apparaît évident qu'un téléphone cellulaire qui cesse de fonctionner à peine deux mois après que la demanderesse l'ait eu en sa possession, n'a pas servi pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix.
[19] Pour que la défenderesse puisse s'exonérer de la garantie conventionnelle ou de la garantie de durabilité prévue à l'article 38 L.p.c., elle doit prouver la faute de la demanderesse.
[20] À cet effet, la représentante de la défenderesse allègue qu'un rapport écrit d'un préposé du manufacturier RIM attribue le bris du téléphone à la demanderesse elle-même.
[21] Le Tribunal a refusé la production tardive de ce document, la défenderesse n'ayant pas respecté les délais de production de 15 jours avant l'audience, prescrit par le Code de procédure civile. De toute façon, même si le document avait été reçu en preuve, il ne pouvait valoir comme témoignage d'opinion, vu les dispositions de l'article 2870 C.c.Q. En effet, la déclaration d'une personne qui ne comparaît pas comme témoin, lorsque admise, ne peut valoir que pour les faits dont la personne a eu connaissance et non l'avis d'un expert.
[22] Par ailleurs, la demanderesse nie fermement avoir échappé le téléphone, ou l'avoir autrement abîmé.
[23] Il appartenait à la défenderesse de prouver, par preuve prépondérante, ses prétentions à l'effet que la faute de la demanderesse a causé le bris du téléphone, en application des dispositions des articles 2803 et 2804 C.c.Q. :
" Art. 2803 Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
Art. 2804 La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante. "
[24] La défenderesse a failli dans cette preuve, et vu ce qui précède, elle doit indemniser la demanderesse pour la perte de ce téléphone.
[25] Compte tenu de la valeur que la défenderesse attribue elle-même à ce téléphone, le Tribunal accorde à la demanderesse la somme de 300,00$.
[26] Puisque la défenderesse est un vendeur professionnel, elle peut être tenue des dommages réclamés par la demanderesse, quant aux pertes de temps et privation du service, alors qu'elle a payé les comptes de la défenderesse.
[27] La preuve révèle que la demanderesse ne s'est procuré un nouveau téléphone que deux mois plus tard, et qu'elle a dû payer pendant ces deux mois les frais chargés par la défenderesse au montant de 99,25$. Elle a donc droit d'être remboursée de la somme de 198,50$.
[28] Quant à la compensation pour les autres dommages, vu la preuve et usant de sa discrétion, le Tribunal lui accorde une somme de 300,00$.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[29] ACCUEILLE en partie l'action de la demanderesse;
[30] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 798,50$ avec intérêts au taux légal et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code Civil du Québec à compter du 1er janvier 2013;
[31] CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse les frais judiciaires de 105,00$.
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MONIQUE DUPUIS, J.C.Q.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.