Magnan c. Veillette |
2011 QCCQ 13667 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-MAURICE |
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LOCALITÉ DE |
SHAWINIGAN |
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« Chambre civile » |
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N° : |
410-22-001409-098 |
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DATE : |
14 novembre 2011 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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LIANE MAGNAN et FRANCIS NORMANDIN, |
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Demandeurs |
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c. |
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JEAN-LUC VEILLETTE, |
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Défendeur |
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JUGEMENT |
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[1] Alléguant que l'immeuble acheté du défendeur comportait un vice caché, les demandeurs lui réclament 27 290,91 $ à titre de diminution du prix de vente et 5 000 $ à titre de dommages-intérêts.
[2] Le défendeur nie responsabilité et, à titre subsidiaire, considère exagérée la somme réclamée.
QUESTIONS EN LITIGE
[3] Les questions en litige sont les suivantes :
1) L'immeuble vendu comportait-il un vice caché?
2) Dans l'affirmative, à quelle indemnité ont droit les demandeurs?
LES FAITS
[4] La preuve révèle les faits pertinents suivants.
[5] Le 25 avril 2007, le défendeur a vendu aux demandeurs l'immeuble situé au […] à Sainte-Thècle, pour le prix de 100 000 $ (P-1). La vente a été faite avec la garantie légale. La résidence a été construite en 1977.
[6] Les demandeurs ont pris possession de l'immeuble le 25 avril 2007. Le défendeur en était propriétaire depuis le 17 juillet 1986.
[7] Les demandeurs ont visité l'immeuble à trois reprises avant de l'acheter. La première visite a eu lieu à l'été 2006, la seconde à l'hiver 2006-2007 et la troisième en avril 2007. Ils ont visité l'immeuble au complet, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Ils n'ont rien remarqué de particulier.
[8] Le sous-sol de la résidence était aménagé. Un faux plancher existait déjà lorsque le défendeur a acheté l'immeuble en 1986. Afin de favoriser la vente, l'agent d'immeuble du défendeur, Réjean Lefebvre, lui a suggéré d'installer un plancher flottant sur la tuile qui était défraîchie à certains endroits. Ces travaux, en plus d'une diminution du prix de vente de 117 000 $ à 105 000 $ puis à 100 000 $, ont incité les demandeurs à choisir cet immeuble parmi ceux qu'ils avaient visités.
[9] Malgré une suggestion du défendeur, les demandeurs n'ont pas fait faire d'inspection pré-achat.
[10] Selon la fiche d'inscription de La Capitale - Mauricie préparée par Réjean Lefebvre, les armoires et les fenêtres étaient neuves, la maison était équipée d'un échangeur d'air et le recouvrement du toit avait fait l'objet de rénovations (P-5). Réjean Lefebvre aurait précisé aux demandeurs, lors de l'une des visites pré-achat où il était présent, que la toiture avait été rénovée en 2002.
[11] L'échangeur d'air installé à l'entretoit de la résidence n'a jamais fonctionné et les demandeurs en ont été informés.
[12] Les demandeurs ont requis le défendeur de leur fournir les factures des travaux de rénovation relatives aux fenêtres et à la toiture. Ils n'ont pu obtenir que celles relatives aux travaux de la toiture sur laquelle un enduit a été mis par un entrepreneur en 2002.
[13] Liane Magnan a remarqué que trois fenêtres étaient sales lors des visites pré-achat, mais elle n'a pas posé de questions au défendeur. À l'hiver 2007-2008, elle a constaté de la buée dans deux fenêtres. Francis Normandin a alors communiqué avec Réjean Lefebvre, lui précisant qu'il y avait présence d'humidité et de moisissures. Réjean Lefebvre s'est rendu à la résidence au printemps 2008 pour faire ses constatations. Ce dernier n'a cependant pas témoigné à l'audition.
[14] Selon le défendeur, ce n'était pas de la saleté qu'il y avait dans les fenêtres lors des visites pré-achat, mais de la buée et il en a informé les demandeurs.
[15] À la fonte des neiges, au printemps 2008, les demandeurs ont remarqué la présence d'un pouce et quart d'eau sur le plancher du sous-sol. Ils ont communiqué avec leur assureur qui a fait assécher le plancher par la firme JDHM nettoyage.
[16] C'est Michel Du Sablon, de cette firme, qui s'est rendu chez les demandeurs. Dans un rapport du 16 mai 2008 (P-6), il a écrit qu'après avoir constaté la dégradation du faux plancher dans une pièce non aménagée, il a remarqué la présence de la mérule pleureuse (champignon). Il a pratiqué quelques puits d'observation dans le plancher. Il a alors constaté une progression du champignon dans la chambre à droite de la descente d'escalier et dans le salon au centre du sous-sol (P-6). Monsieur Du Sablon a recommandé le dégarnissage complet du plancher et des murs affectés par le champignon et de localiser la source d'eau qui l'alimentait. Il craignait la présence de spores. Selon monsieur Du Sablon, 50 % du plancher du sous-sol paraissait affecté par la moisissure et le champignon. Les demandeurs ont constaté que la partie affectée était de 75 % lorsqu'ils ont procédé à la démolition du faux plancher.
[17] Le 29 mai 2008, les demandeurs ont envoyé une dénonciation écrite au défendeur (P-2) mentionnant particulièrement ce qui suit :
1) Trois fenêtres devaient être changées;
2) La toiture n'avait pas été refaite en 2002, mais uniquement recouverte d'un enduit;
3) Il y avait de l'humidité au sous-sol;
4) Réjean Lefebvre en a été informé et il devait aviser le défendeur de la situation;
5) Il y a eu un dégât d'eau au sous-sol en mai 2008 et des constatations ont été faites par Michel Du Sablon.
[18] Les demandeurs accordaient au défendeur un délai de cinq jours pour réagir, ce que ce dernier n'a pas fait.
[19] Gaétan Hamelin de la firme Les Constructions Gaétan Hamelin inc. a préparé le 28 août 2008 une soumission pour l'exécution de travaux correctifs totalisant 27 290,91 $, taxes incluses. Dans ce montant, 6 200 $ sont prévus pour le remplacement de 11 vitres de fenêtres et 5 040 $ pour remplacer les bardeaux de la toiture.
[20] Le 9 août 2008, les demandeurs ont fait parvenir au défendeur, par l'intermédiaire d'un avocat, une mise en demeure accompagnée de l'évaluation de Gaétan Hamelin et en vertu de laquelle il donnait un délai de 15 jours au défendeur pour réagir (P-4).
[21] Les demandeurs n'ont confié à Gaétan Hamelin aucuns travaux. Ils les ont exécutés eux-mêmes avec l'aide d'amis et de parents à l'été 2008. Les photographies produites sous la cote P-7 montrent les travaux exécutés. Les photographies montrent également la présence de la mérule pleureuse à plusieurs endroits dans le sous-plancher et également de la pourriture à certains endroits. Les travaux exécutés ont consisté en la démolition du faux plancher, le lavage du plancher de béton avec un antifongique et le coulage d'une dalle de béton de quatre pouces d'épaisseur par-dessus le plancher de béton existant.
[22] Les demandeurs en ont profité pour creuser un bassin de rétention et pour y installer une pompe submersible, ce qui est un ajout. Selon les demandeurs, la pompe submersible fonctionne au printemps seulement et occasionnellement, à savoir environ cinq minutes deux à trois fois par semaine. À ces occasions, il y a environ deux à trois pouces d'eau dans le fond du bassin de rétention.
[23] Depuis l'exécution de ces travaux, les demandeurs n'ont pas connu d'infiltrations d'eau.
[24] Les demandeurs n'ont pas produit de détails sur le temps consacré à l'exécution de ces travaux ni de factures d'achat de matériaux ou de location d'équipements. Aucune somme n'a été versée aux personnes qui les ont aidés dans ces travaux.
[25] Les demandeurs réclament également 5 000 $ à titre de dommages pour les ennuis et inconvénients occasionnés par le déplacement des meubles, le déménagement temporaire de madame Magnan chez ses parents avec un jeune enfant et la perte de jouissance d'une partie de la maison, notamment deux chambres à coucher sur quatre pendant une certaine période de temps.
[26] À l'occasion des trois visites ayant précédé l'achat de l'immeuble, les demandeurs n'ont détecté aucune odeur d'humidité au sous-sol, ni aucun indice laissant soupçonner la présence d'humidité dans le sous-sol.
[27] Selon les demandeurs, les fenêtres, en apparence, avaient entre cinq et sept ans d'usure alors que Gaétan Hamelin a déterminé qu'elle avait entre dix et douze ans selon la date apparaissant sur les vitres.
[28] La preuve révèle qu'aucune infiltration d'eau n'est survenue par la toiture. Cependant, l'institution prêteuse a exigé des demandeurs, comme condition d'un prêt hypothécaire, que le revêtement de la toiture soit refait même s'il paraissait en bon état. Les travaux ont été exécutés en 2009 par monsieur Normandin, aidé d'amis.
[29] Au paragraphe 6 A) de leur requête introductive d'instance, les demandeurs allèguent qu'à l'approche du premier hiver, ils ont noté un niveau élevé d'humidité et qu'un déshumidificateur fonctionnait 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, lequel ne parvenait pas à maintenir un taux d'humidité adéquat. Ce déshumidificateur a été acheté par eux à l'automne 2007 et ils l'ont placé dans le sous-sol. À l'achat de l'immeuble, le sous-sol était chauffé au moyen de plinthes électriques et un poêle à granules servait de chauffage d'appoint. Il a cessé de fonctionner à l'hiver 2007-2008 et les demandeurs ne l'ont pas remis en état.
[30] Les demandeurs ont installé un échangeur d'air au sous-sol au mois d'août 2008.
[31] Selon Liane Magnan, un voisin, Roger Boivin, a vérifié avec elle au printemps 2008 si elle avait eu une infiltration d'eau au sous-sol, comme lui, en lui disant que dans les années antérieures le défendeur en avait eu.
[32] Le défendeur a nié cette affirmation en précisant qu'il n'avait pas connu d'infiltrations d'eau et que seul Roger Boivin en avait eu parce que son terrain est plus bas que le sien. Roger Boivin n'a pas témoigné.
[33] Liane Magnan avait, avant 1996 ou 1997, couché quelques fois au sous-sol de cette maison, car elle connaissait la fille du défendeur, Maryse Veillette, depuis 1986. À ces occasions, elle n'a pas vu d'infiltrations d'eau, ni perçu d'odeurs d'humidité, ni vu de moisissure ou de pourriture, sauf une odeur de fumée de cigarette.
[34] Maryse Veillette a confirmé ce témoignage en précisant qu'elle avait habité chez ses parents jusqu'en 1996 ou 1997. Sa chambre était située au sous-sol, à l'arrière. Elle n'a pas eu connaissance d'infiltrations d'eau, d'humidité, de pourriture ou d'odeurs d'humidité à l'exception d'une odeur de fumée de cigarette.
[35] Gaétan Hamelin a affirmé qu'il est normal, après une période d'environ 10 ans, que de la buée se forme dans les vitres de type thermos. Il dit avoir vu de la buée dans deux fenêtres.
[36] L'évaluation de Gaétan Hamelin ne contient aucune dépréciation puisqu'il affirme l'avoir préparée comme si elle avait été demandée par un assureur. Il n'a exécuté aucun des travaux mentionnés dans son évaluation. Il a précisé à l'audition qu'il avait ajouté la réfection de la toiture dans son évaluation parce que l'assureur refusait de payer si le revêtement n'était pas remplacé.
[37] Mario Veillette, frère du défendeur, a habité la maison deux ans au début de l'année 2004. Sa chambre était située au sous-sol. Il n'a pas eu connaissance d'infiltrations d'eau, de moisissure, de pourriture ou d'odeurs d'humidité.
[38] Il a aidé son frère à installer le plancher flottant au sous-sol avant la vente, en 2006, à la suggestion de Réjean Lefebvre. Les travaux ont duré environ quatre jours. À l'occasion de ces travaux, il n'a pas remarqué de pourriture ou d'affaissement du plancher, ni de cernes d'humidité aux murs du sous-sol.
[39] Collette Bussière, ex-conjointe du défendeur, qui a habité la maison de 1986 jusqu'au mois de février 2006, a confirmé l'absence d'infiltrations d'eau au sous-sol et d'odeurs d'humidité ou d'indices quelconques d'humidité. C'est elle qui faisait le ménage dans la maison. Elle a précisé que le revêtement de tuile du faux plancher du sous-sol a été posé en 1990 et que lors de ces travaux aucun problème particulier n'a été noté au plancher.
[40] Le défendeur a décidé de vendre sa maison à la suite d'une rupture conjugale. Il n'avait pas connu d'infiltrations d'eau au sous-sol ou ailleurs; il n'a perçu aucune odeur d'humidité. Il n'a rien remarqué de particulier lorsqu'il a installé le plancher flottant avec son frère en 2006. Il a installé un poêle à granules au sous-sol par souci d'économies de frais d'électricité et parce que la chaleur de ce poêle enlevait l'humidité normale qui se retrouve dans l'atmosphère d'un sous-sol. Il a affirmé que l'échangeur d'air à l'entretoit n'avait jamais fonctionné et qu'il n'en avait pas été question avec les demandeurs lors des visites pré-achat.
[41] Le défendeur a témoigné que lors des visites pré-achat par les demandeurs, une légère buée était apparente dans trois fenêtres et il l'avait mentionné aux demandeurs. Il a tenté de joindre le fournisseur, un dénommé Trahan, mais sans résultat puisque celui-ci avait fait faillite. Il a mentionné avoir considéré ce fait dans la diminution du prix de vente. Enfin, il a précisé que les fenêtres avaient été changées entre 1989 et 1992 de même que les armoires de la cuisine. En ce qui concerne la toiture, le défendeur voulait en 2002 remplacer les bardeaux d'asphalte, mais un entrepreneur lui a suggéré de poser uniquement un enduit comme il l'avait fait chez deux voisins. Une garantie de 20 ans lui était accordée. Il n'a jamais connu d'infiltrations d'eau par la toiture. Il a informé les demandeurs de ces travaux. Ces derniers ont jugé bon de ne pas se rendre sur le toit aux fins de vérification.
[42] Différents témoins ont mentionné que la nappe phréatique était haute dans le rang St-Pierre et que chez le défendeur, cela pouvait être constaté par l'élèvement du niveau d'eau du puits même s'il ne débordait pas.
ANALYSE
[43] Les demandeurs invoquent la garantie de qualité pour les problèmes constatés au sous-sol et ils invoquent le vice de consentement pour l'état des fenêtres et de la toiture.
Garantie de qualité
[44] La garantie de qualité est prévue à l'article 1726 du Code civil du Québec qu'il y a lieu de compléter avec les articles 1728 et 1739 dont le texte est le suivant :
1726. Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné si haut prix, s'il les avait connus.
Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.
1728. Si le vendeur connaissait le vice caché ou ne pouvait l'ignorer, il est tenu, outre la restitution du prix, de tous les dommages-intérêts soufferts par l'acheteur.
1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.
Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice.
[45] Quatre conditions sont requises pour que la garantie de qualité s'applique : le vice doit être grave, antérieur à la vente, inconnu de l'acheteur et caché.
[46] Le défendeur admet l'existence de ces conditions à l'exception de l'antériorité du vice.
[47] Il ne fait pas de doute, selon la preuve prépondérante, que de la pourriture et des champignons étaient présents dans le faux plancher du sous-sol, tel que l'atteste particulièrement le témoignage de monsieur Du Sablon, de même que les nombreuses photographies produites. Selon cette preuve, la structure du plancher du sous-sol comportait de la pourriture et une contamination importante à la mérule pleureuse causées par une forte humidité ou par de l'eau. Cet état influe sur la solidité de la structure et a diminué l'usage de l'immeuble pour les demandeurs depuis la découverte de ce problème au printemps 2008. Le vice est donc grave au sens de la loi.
[48] Le vice était également inconnu des demandeurs au moment de la vente, en ce sens que rien ne leur a été dénoncé.
[49] Le vice était également caché puisqu'aucun indice ne laissait soupçonner la présence de ce vice et donc rien n'obligeait les demandeurs à défaire une partie du faux-plancher.
[50] Reste la question de l'antériorité du vice. La preuve prépondérante révèle que le vice existait au moment de la vente, ce que révèlent les photographies produites et particulièrement le témoignage de Michel Du Sablon qui a une expérience de quelques années dans ce domaine.
[51] Le Tribunal conclut que les quatre conditions requises pour l'application de la garantie de qualité sont réunies.
[52] Le vice a été dénoncé dans un délai raisonnable au sens de l'article 1739 C.c.Q. puisque la dénonciation a été faite par écrit au mois de mai 2008.
[53] Par ailleurs, la preuve révèle que le vice était inconnu du défendeur de sorte qu'il ne peut être tenu responsable des dommages de 5 000 $ réclamés, et ce, en vertu de l'article 1728 C.c.Q.
[54] Les demandeurs ont droit à une diminution du prix de vente qui correspond habituellement au coût des travaux nécessaires pour corriger la situation. L'évaluation produite par Gaétan Hamelin comporte les détails suivants :
§ Pour 732 pi2, remplacer la finition de plancher (bois flottant et tuiles) : 2 928 $;
§ Pour 800 pi2, remplacer le faux plancher (2 x 4 et contre-plaqué 5/8 emb.) : 2 500 $;
§ Pour 784 pi2, remplacer gypse, colombage et isolant 2 po (mur extérieur) : 2 150 $;
§ Pour 1 472 pi2, remplacer le gypse (divisions intérieures) : 1 500 $;
§ Nettoyage et produit antibactérien : 500 $;
§ Faire les joints et la peinture (2 256 pi2) : 2 500 $;
§ Faire la finition plinthes et cadrages : 860 $.
[55] Ces éléments totalisent 12 938 $ et 14 603,77 $ avec les taxes. Au sujet du fait que les travaux ont été exécutés par les demandeurs à l'aide d'amis, le professeur Jeffrey Edwards écrit ceci dans son ouvrage La garantie de qualité du vendeur en droit québécois[1] :
539 - Précisons que les tribunaux ont privilégié trois méthodes de calcul de la réduction du prix. Par la première, on cherche à établir le montant de la dévaluation occasionnée par le vice. Elle se fonde sur la prémisse que l’acheteur aurait payé la juste valeur marchande du bien défectueux. La difficulté du système repose dans ce cas sur le fait qu’il n’est pas toujours facile de fixer la valeur du marché d’un bien atteint d’un vice. La deuxième méthode de calcul, la plus populaire, assimile le coût des travaux de réparation du vice, ce qui comprend en principe les dommages causés par le vice au bien vendu, au montant de la réduction. L’attrait principal de ce système est sa simplicité: celui-ci ne requiert en effet aucune évaluation du bien défectueux. Il se justifie également très bien sur le plan de l’équité. En général, un acheteur accepterait d’acheter, et un vendeur accepterait de vendre, même un bien défectueux, en déduisant de son prix normal le coût de réparation de son vice. Le fait que l’acheteur réalise lui-même ou avec des amis les travaux correctifs, en partie ou en totalité, afin de réduire les coûts, n’est pas un facteur pertinent pouvant diminuer sa réclamation en réduction du prix. Ce qui compte est la dévaluation réelle occasionnée par le vice, selon le marché. Il est important de ne pas inclure des travaux qui constituent une amélioration, ou de déduire la valeur de cette amélioration. Seuls sont compris les travaux nécessaires pour corriger le vice. Quant à la troisième méthode, elle n’a reçu que l’aval récent des tribunaux. Elle consiste à fixer le montant correspondant à la diminution de la vie utile du bien (ou de la partie du bien atteinte) occasionnée par le vice. Le pourcentage de vie utile perdu est d’abord obtenu en comparant la vie utile d’un bien sans vice à celle du bien défectueux. Ce pourcentage est ensuite multiplié par la valeur normale du bien. L’avantage de cette méthode est qu’elle fait abstraction de la dépréciation intervenue indépendamment du vice. La troisième méthode tient donc compte de l’usage procuré par le bien avant la constatation du vice. Par exemple, en matière d’immeubles, lorsqu’un toit, dont la vie utile normale ne dépasserait pas quinze ans, se révèle défectueux après dix ans, l’acheteur ne peut obtenir qu’une réduction d’un tiers du coût de remplacement. Chacune des méthodes de calcul approuvées par les tribunaux consiste ainsi en une évaluation objective de la réduction du prix. Il y a toutefois une limite à la réduction objective que l’acheteur peut obtenir. Les tribunaux ont refusé d’accorder, à titre de réduction du prix, l’entier prix payé. Enfin, lorsque cela s’avère pertinent, il est important de tenir compte de la dépréciation subie au moment de la réalisation des travaux de réparation. Lorsque l’acheteur exige le remboursement du prix entier, il lui faut demander la résolution de la vente et rendre le bien reçu.
[Références omises]
[Soulignement ajouté]
[56] La maison a été construite en 1977. Le faux plancher au sous-sol a été ajouté entre cette date et 1986 puisqu'il existait lorsque le défendeur a acheté la maison le 18 juillet 1986. Le Tribunal considère raisonnable de fixer une dépréciation de 33 %, soit 4 819,24 $. La somme accordée, arrondie, est de 9 785 $ (14 603,77 $ - 4 819,24 $).
Vice de consentement
[57] Y a-t-il eu représentations erronées de la part du défendeur quant aux fenêtres?
[58] Les dispositions pertinentes du Code civil du Québec sont les articles 1400, 1401 et 1407 dont le texte est le suivant :
1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.
1401. L'erreur d'une partie, provoquée par le dol de l'autre partie ou à la connaissance de celle-ci, vicie le consentement dans tous les cas où, sans cela, la partie n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions différentes.
Le dol peut résulter du silence ou d'une réticence.
1407. Celui dont le consentement est vicié a le droit de demander la nullité du contrat; en cas d'erreur provoquée par le dol, de crainte ou de lésion, il peut demander, outre la nullité, des dommages-intérêts ou encore, s'il préfère que le contrat soit maintenu, demander une réduction de son obligation équivalente aux dommages-intérêts qu'il eût été justifié de réclamer.
[59] La fiche de l'agent d'immeuble du défendeur a été produite sous la cote P-5. L'agent d'immeuble est, pour une partie de son travail, le représentant du vendeur. L'agent d'immeuble, Réjean Lefebvre, n'a pas témoigné. Il est raisonnable de présumer que les informations apparaissant à cette fiche lui ont été fournies par le vendeur de l'immeuble, en l'occurrence le défendeur. Ce dernier n'a pas établi que Réjean Lefebvre aurait excédé son mandat en inscrivant ces informations dans la fiche de l'immeuble.
[60] Les demandeurs ont pu constater que les fenêtres n'étaient pas neuves, mais qu'elles avaient été remplacées à une période qu'ils évaluaient entre cinq et sept ans avant la vente. Ils ont demandé les factures d'achat au défendeur, sans résultat vu la faillite du fournisseur. Par ailleurs, Gaétan Hamelin a évalué de façon plus précise qu'elles avaient été changées il y a 11 ans puisque la date apparaissait sur les vitres.
[61] La preuve est contradictoire quant à la présence de buée. Les demandeurs affirment que trois fenêtres comportaient de la buée et Gaétan Hamelin fait mention de deux fenêtres lors de sa visite au printemps 2008. Le défendeur a pour sa part confirmé qu'il y avait de la buée, mais qu'il en avait informé les demandeurs, ce que ces derniers ont nié. La preuve prépondérante est donc que deux fenêtres comportaient de la buée, constatée après la vente.
[62] Selon la preuve, seulement deux fenêtres sont en jeu et non pas onze comme mentionné dans l'évaluation de monsieur Hamelin. Puisque ce dernier a calculé 6 200 $ avant taxes, sans mentionner aucune ventilation par rapport à la grandeur des fenêtres, le Tribunal applique une règle de trois, à savoir : 6 200 $ ÷ 11 = 563,63 $ en moyenne par fenêtre, soit 1 127,26 $ pour deux fenêtres. La dépréciation est fixée à 50 %; la somme accordée est de 563,63 $ (626,20 $ avec les taxes).
[63] Les demandeurs ont été informés avant la vente qu'un enduit avait été mis sur la toiture et non pas un nouveau revêtement. Ces travaux étaient visibles. Les demandeurs n'ont recherché aucune précision auprès du défendeur à ce sujet. Ils n'ont fait faire aucune inspection. La fiche de l'immeuble faisait état de rénovations. Le Tribunal conclut que la preuve ne révèle pas que le défendeur a fait des représentations erronées aux demandeurs à ce sujet et en conséquence aucune indemnité n'est accordée pour ce poste.
[64] Les demandeurs ont donc droit à la somme totale de 10 421,20 $, soit 9 785 $ pour le vice caché et 636,20 $ à titre de dommages pour vice de consentement.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[65] ACCUEILLE en partie la requête introductive d'instance;
[66] CONDAMNE le défendeur à payer aux demandeurs la somme de 10 421,20 $, avec intérêts au taux légal, majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec, et ce, à compter de la signification de la mise en demeure le 9 septembre 2008;
[67] LE TOUT avec les entiers frais et dépens contre le défendeur, incluant les frais d'expertise et de vacation à la Cour des experts.
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__________________________________ PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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Me Constant Goulet |
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Goulet & Carbonneau, avocats |
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Procureurs des demandeurs |
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Me Pierre Goulet |
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Goulet Charest & Tessier |
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Procureurs du défendeur |
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Date d’audience : |
15 septembre 2011 |
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[1] Jeffrey EDWARDS, La garantie de qualité du vendeur en droit québécois, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2008.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.